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AU MANÈGE HIER SOIR Yves Jamait était hier soir au Manège. Un grand rendez- vous que le public n’est sans doute pas prêt d’oublier. C elles et ceux qui n’écou- tent que les radios commerciales et ne re- gardent que les télés privées ne connaissent sans doute pas Yves Jamait. Dommage. Et pourtant, ce quinqua de la Chanson française, né à Dijon au début des sixties, arrivé tard dans la profession, rem- plit aujourd’hui les salles de spectacle et multiplie les disques d’Or depuis plusieurs années. Comme quoi, quand le talent est là, et même si cela est de plus en plus diffi- cile, il y a encore une place pour des artistes qui construi- sent leur carrière au fil du temps, sur les routes et les scènes de France et de Na- varre. Pas en quelques jours dans un télé-crochet… Hier soir, nous étions plus de cinq cents (selon la CGT et la Police) à faire un grand tour de Manège avec lui. Et la tête nous a tourné devant ce grand de la Chanson Française. En quelques notes, en quelques phrases, à cent à l’heure, Yves Jamait nous a té- léporté dans un univers qu’il connaît bien. Ici, pas de décors artificiels, pas d’effets spé- ciaux. D’un coup de projec- teur, nous voilà plongés dans un troquet imaginaire à une table de bistrot ou assis au piano-comptoir devant une p’tite mousse salutaire. On y croise ses ruptures, ses bleus de travail ou d’amour, ses amis, morts ou vivants, ses Jean-Louis, (celui du bar de Dijon ou celui de France-Inter, quand cette radio «était [en- core] un service public»), ses cris politiques «y’a plus de ré- volution, mais y’a toujours une cour», ses questions «Est-ce qu’on devient salaud par ha- sard, ou par envie ?», ses coups de gueule contre les grands patrons. Il y a de l’écor- ché vif dans ses mots. Il y a de la mélancolie dans ses maux. Il y a du vécu, du réalisme, de la peinture sombre, mais ja- mais sans issue. Ses textes sont ciselés, puissants, dévas- tateurs. C’est certain, la poésie coule à gros bouillons dans ses veines. Le temps l’obsède, ce temps qui passe et nous dépasse : «Ne cherche pas à arrêter le temps» ou bien, comme un Léo Ferré du nouveau siècle : «Le temps emporte tout. Tout fout le camp !». Et la musique n’est pas en reste. Bien au contraire. Ac- compagné de trois musiciens aussi complices que majes- tueux, Yves Jamait nous pro- mène dans divers styles musicaux qui passent par la chanson populaire, le tango argentin et le jazz manouche, avec parfois un bouquet de musette, et des pincées de folk et de rock. Un cocktail qui explose pendant plus de deux heures. Des percussions coups de poing, des guitares écla- tantes et un accordéon domi- nateur et créateur, objet d’une chanson à faire baver tous les Marcel de Vesoul ou de Vierzon. Chauffe Samuel, chauffe ! Et, entre les chansons, de grands moments d’humour acidulé que le public savoure avec éclats. Il sait y faire pour le séduire et le conquérir : «C’est pas souvent qu’on joue avant la Foire aux ânes !»… ou encore «Qu’est-ce qu’on se fait ? Ils me regardent tous… On se fait une vieille ?… chan- son ?»… et même «Quand je bossais chez Urgo, ils ne m’ap- plaudissaient pas et je n’avais jamais de rappel» et clin d’œil à la toile chaude «Merci aux organisateurs, Jacquie et Michel»… Yves Jamait, c’est tout simple- ment la classe. La classe ou- vrière bien sûr. Mais pour une odyssée musicale en pre- mière classe. «The Boss» à la française était là hier, à Li- gnières-en-Berry. Merci patron ! Pascal Roblin Merci patron ! Le patron se paie une tournée à Lignières ! Yves Jamait et ses musiciens Samuel Garcia à l’accordéon, Jérôme Broyer à la guitare et Mario Cimenti aux percussions. Dessin de Cathy Beauvallet En duo, parfois en solo, les Presque Nous (fil rouge de cette 25 e édition) ont concentré les différentes étapes de la vie de couple en une heure seulement hier soir : l'amour, les projets d'avenir à deux, la dispute, la rupture, la réconciliation, tout ça avec beaucoup d'hu- mour et de complicité. T entons d'abord d'expli- quer les Presque Nous. Sophie Forte et Thibaud Defever ont deux projets en commun, à ne pas confondre : le duo Presque Oui (alias Thi- baud Defever) et Sophie Forte qui reprend les chansons de Thibaud seulement, et les Presque Nous qui comprend des chansons qu'ils ont écrites ensemble. On a presque compris. Leur toute première rencontre était déjà un presque. Il y a quatre ans, ils devaient se re- trouver à la gare, pour aller en- suite aux Bains-Douches. Thibaud est descendu de son train, pas Sophie, qui a raté son arrêt. À l'origine, ils ne de- vaient collaborer que le temps de cinq chansons, à l'occasion d'un spectacle commun à Lignières. Ils sont finalement restés ensemble. Dès le début du spectacle, So- phie Forte met les choses au clair : «Nous ne sommes pas un couple, mais un presque cou- ple. On n'en est pas un car les circonstances nous en empê- chent». Elle est très mariée et a plein d'enfants, et lui ronfle... «Pourtant on se plaît. Vous voyez, on aurait pu être un cou- ple !». Ou pas. Tous les deux s'opposent : elle est petite et lui grand, elle est pétulante et lui flegmatique, elle vient plutôt de l'écriture et lui de la musique, elle aime danser à deux et lui seul. Elle veut «courir nue dans les bois» lui seulement «presque nu», il aime citer Lacan, pas elle… Ils ne sont «Jamais d'accord», mais se complètent. Le duo fonctionne à merveille. Sur scène, les partenaires se ré- pondent sans cesse, les ré- pliques fusent. Ils avaient «Tout prévu», mais pas de nous raconter la fin de l'histoire. Pour Sophie, «ça de- vrait finir en happy end», ce qui n'est pas le cas pour Thibaud. Même en faisant appel au des- tin pour décider de la fin, «On saura pas». Rose Péchard Aimons-les vraiment ! Le presque avant concert Sans intermient pas d’Air du Temps ? C omme moi, vous avez sans doute en- tendu qu'un «accord a été trouvé dans la nuit du 27 au 28 avril». Au pire, pas- sablement irrité, vous vous êtes dit : «ça y est, ils vont arrêter de faire chier, on aura nos festivals de l'été» ; au mieux, compatis- sant, vous avez pensé : «Ouf, ils sont tran- quilles pour les trois prochaines années». Mais tout le monde n'a pas un copain ar- tiste, technicien ou acteur de la culture pour se faire expliquer que non, rien n'est encore gagné. Et pour un non-initié, il n'est pas franchement facile de s'y retrouver. L'Assurance chômage pour les Nuls L'assurance chômage est gérée par l'Unédic, (association indépendante de la Sécurité so- ciale) de manière paritaire entre les syndi- cats de salariés et le patronat. Tous les trois ans, ces partenaires sociaux négocient une nouvelle convention. Les annexes 8 et 10 concernent le régime des intermittents. Intermittent n'est donc pas un métier, mais un statut. Le nombre de personnes qui coti- sent (mais n'en bénéficient pas toujours, à cause d'un nombre insuffisant de cachets) a effectivement augmenté de 4,8% depuis 2010. Ce statut serait-il alors accordé trop facilement ? À cause de certains abus, doit- on le remettre fondamentalement en cause ? Les autres pays n'ont pas ce sys- tème, et pourtant ils ont bien une produc- tion artistique ; alors pourquoi pas nous ? Si on disait seulement qu'il contribue de ma- nière essentielle à l'existence d'événements culturels en milieu rural et de projets artis- tiques pour vos enfants, ce ne serait pas deux raisons suffisantes pour défendre ce modèle français ? Le fameux «accord» qui semble avoir éclos miraculeusement en pleine nuit (nous lais- sant penser que ces grandes gueules d'ar- tistes l'ont sûrement ouverte un peu tôt pour pas grand-chose) n'est en réalité qu'une proposition des professionnels du secteur culturel. On trouve dans ce texte un retour aux 507 heures sur 12 mois permet- tant d'accéder au régime de l'intermittence, un équivalent de congé maternité et une meilleure prise en compte des heures d'en- seignement artistique. En contrepartie, il propose une baisse du plafond des revenus (cumul des salaires et des allocations) et une augmentation des cotisations patronales de 1%. Il s'agit d'un accord historique puisque même la CFDT-Culture l'a signé le 2 mai dernier. Ce que je n'avais pas bien compris, ou pas bien entendu, comme vous peut-être, c'est donc que ce texte n'est pas définitif : il doit passer le cap de l'accord interprofessionnel de l'Unédic. Rien ne suppose que le MEDEF l'acceptera car il est en décalage avec son texte de cadrage qui prévoit une économie de 185 millions d'euros pour ces annexes 8 et 10, et demande à l'État de prendre en charge 80 de ces millions. Affaire à suivre attentivement, soyons tout ouïe… En attendant, comme l’a dit hier soir au Manège l'ami Jamait, «s'il vous prenait l'envie d'arracher des chemises, faites-le en chanson». Charlotte Bonneau AUX BAINS-DOUCHES HIER À 15 H «Ça commence ici», au son de la percussion qui résonne en nous comme un batte- ment de cœur. Sous un ri- deau de lumières, Luciole, «Une» parmi les autres, se dévoile. C 'est le troisième specta- cle de sa jeune carrière, et c'est également la troisième fois qu'elle se livre sur cette scène, à Lignières. Du théâtre au slam, son em- barcation l'a finalement conduite à la chanson, mais «je ne suis pas plusieurs, je suis une» affirme-t-elle. Toute en contrastes, la chan- teuse ne craint pas d'assu- mer toutes les facettes qui font sa sensibilité : fille ou femme, brise ou rafale, lu- mière ou ombre. Des thèmes tantôt parlés, tantôt chantés. Le chant chuchoté ou exulté, révélant une voix puissante et profonde, était omnipré- sent hier, mais Luciole ne renie pas ses origines et nous donne également un aperçu de ses talents de slameuse. Auteur-compositeur-inter- prète, Luciole met des mots sur ses maux, qu'elle nous confie avec sincérité mais sans gravité, avec un soup- çon d'espièglerie. «J'écris des chansons sur ce qui me touche, j'essaie d'y mettre un peu de poésie pour rendre tout ça un peu plus joli». Les rimes sont tendres, gour- mandes, Luciole déguste chaque mot, qu'on entend crépiter dans sa bouche, et nous les savourons avec elle. L'artiste rayonne par son charme, sa spontanéité et la grâce de ses mouvements qui font naître des sons de grelots qu’elle enfile à sa che- ville. Sa voix suave raconte «le mal des transports amou- reux», ses villes d'escales, et les tempêtes qui font tanguer les bateaux. Si dans son album, on s'attache calme- ment à sa poésie, on la dé- couvre sur scène fougueuse, libre, donnant pleine vie à ses mots. Son équipage, An- toine Kerninon, Clément Si- mounet et David Monet, fait escale avec elle. Pour cette nouvelle étape, ils ont jeté l'ancre près d'horizons plus électroniques, créant une ambiance qui transporte la mélodie des mots. La météo est clémente, et des étoiles brillent à côté du soleil : com- plicité palpable, énergie transmise. Pieds nus, vraie, gracieuse, elle charme son public : «Le ciel est grand, Li- gnières aussi». Et Luciole aussi. Femme qui s’affirme, elle a fait lever toute la salle pour une dernière chanson a capella, invitant à la danse. «Voilà comme» une nouvelle étoile se dessine. Violette Dubreuil Charlène Maricot Luciole à la «Une» Divine Bien entourée... Marylou Eyer Marylou Eyer Cathy Beauvallet Cathy Beauvallet ÉDITORIAL Report’Air Le journal du festival Vendredi 6 mai 2016 #2 Visitez l’exposition page 2

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AU MANÈGE HIER SOIR

Yves Jamait était hier soir auManège. Un grand rendez-vous que le public n’est sansdoute pas prêt d’oublier.

Celles et ceux qui n’écou-tent que les radioscommerciales et ne re-

gardent que les télés privéesne connaissent sans doute pasYves Jamait. Dommage. Etpourtant, ce quinqua de laChanson française, né à Dijonau début des sixties, arrivétard dans la profession, rem-plit aujourd’hui les salles despectacle et multiplie lesdisques d’Or depuis plusieursannées. Comme quoi, quandle talent est là, et même sicela est de plus en plus diffi-cile, il y a encore une placepour des artistes qui construi-sent leur carrière au fil dutemps, sur les routes et lesscènes de France et de Na-varre. Pas en quelques joursdans un télé-crochet…Hier soir, nous étions plus decinq cents (selon la CGT et laPolice) à faire un grand tourde Manège avec lui. Et la têtenous a tourné devant ce grandde la Chanson Française. En quelques notes, enquelques phrases, à cent àl’heure, Yves Jamait nous a té-léporté dans un univers qu’ilconnaît bien. Ici, pas de décors

artificiels, pas d’effets spé-ciaux. D’un coup de projec-teur, nous voilà plongés dansun troquet imaginaire à unetable de bistrot ou assis aupiano-comptoir devant unep’tite mousse salutaire.On y croise ses ruptures, sesbleus de travail ou d’amour,ses amis, morts ou vivants, sesJean-Louis, (celui du bar deDijon ou celui de France-Inter,quand cette radio «était [en-core] un service public»), sescris politiques «y’a plus de ré-volution, mais y’a toujours unecour», ses questions «Est-cequ’on devient salaud par ha-sard, ou par envie ?», ses

coups de gueule contre lesgrands patrons. Il y a de l’écor-ché vif dans ses mots. Il y a dela mélancolie dans ses maux.Il y a du vécu, du réalisme, dela peinture sombre, mais ja-mais sans issue. Ses textessont ciselés, puissants, dévas-tateurs. C’est certain, la poésiecoule à gros bouillons dans sesveines. Le temps l’obsède, ce tempsqui passe et nous dépasse :«Ne cherche pas à arrêter letemps» ou bien, comme unLéo Ferré du nouveau siècle :«Le temps emporte tout. Toutfout le camp !».Et la musique n’est pas en

reste. Bien au contraire. Ac-compagné de trois musiciensaussi complices que majes-tueux, Yves Jamait nous pro-mène dans divers stylesmusicaux qui passent par lachanson populaire, le tangoargentin et le jazz manouche,avec parfois un bouquet demusette, et des pincées defolk et de rock. Un cocktail quiexplose pendant plus de deuxheures. Des percussions coupsde poing, des guitares écla-tantes et un accordéon domi-nateur et créateur, objetd’une chanson à faire bavertous les Marcel de Vesoul oude Vierzon. Chauffe Samuel,chauffe !Et, entre les chansons, degrands moments d’humouracidulé que le public savoureavec éclats. Il sait y faire pourle séduire et le conquérir :«C’est pas souvent qu’on joueavant la Foire aux ânes !»…ou encore «Qu’est-ce qu’on sefait ? Ils me regardent tous…On se fait une vieille ?… chan-son ?»… et même «Quand jebossais chez Urgo, ils ne m’ap-plaudissaient pas et je n’avaisjamais de rappel» et clin d’œilà la toile chaude «Merci auxorganisateurs, Jacquie etMichel»…Yves Jamait, c’est tout simple-ment la classe. La classe ou-vrière bien sûr. Mais pour uneodyssée musicale en pre-mière classe. «The Boss» à lafrançaise était là hier, à Li-gnières-en-Berry. Merci patron !

Pascal Roblin

Merci patron !

Le patron se paie une tournée à Lignières !

Yves Jamait et ses musiciensSamuel Garcia à l’accordéon,Jérôme Broyer à la guitare et

Mario Cimenti aux percussions.Dessin de Cathy Beauvallet

En duo, parfois en solo, lesPresque Nous (fil rouge decette 25e édition) ontconcentré les différentesétapes de la vie de couple enune heure seulement hiersoir : l'amour, les projetsd'avenir à deux, la dispute, larupture, la réconciliation,tout ça avec beaucoup d'hu-mour et de complicité.

Tentons d'abord d'expli-quer les Presque Nous.Sophie Forte et Thibaud

Defever ont deux projets encommun, à ne pas confondre :le duo Presque Oui (alias Thi-baud Defever) et Sophie Fortequi reprend les chansons deThibaud seulement, et lesPresque Nous qui comprenddes chansons qu'ils ont écritesensemble. On a presquecompris.Leur toute première rencontreétait déjà un presque. Il y aquatre ans, ils devaient se re-trouver à la gare, pour aller en-suite aux Bains-Douches.Thibaud est descendu de sontrain, pas Sophie, qui a raté sonarrêt. À l'origine, ils ne de-vaient collaborer que le tempsde cinq chansons, à l'occasiond'un spectacle commun àLignières. Ils sont finalementrestés ensemble.Dès le début du spectacle, So-phie Forte met les choses au

clair : «Nous ne sommes pas uncouple, mais un presque cou-ple. On n'en est pas un car lescirconstances nous en empê-chent». Elle est très mariée eta plein d'enfants, et lui ronfle...«Pourtant on se plaît. Vousvoyez, on aurait pu être un cou-ple !». Ou pas.Tous les deux s'opposent : elleest petite et lui grand, elle est

pétulante et lui flegmatique,elle vient plutôt de l'écriture etlui de la musique, elle aimedanser à deux et lui seul. Elleveut «courir nue dans les bois»lui seulement «presque nu», ilaime citer Lacan, pas elle… Ilsne sont «Jamais d'accord»,mais se complètent. Le duofonctionne à merveille. Surscène, les partenaires se ré-

pondent sans cesse, les ré-pliques fusent.Ils avaient «Tout prévu», maispas de nous raconter la fin del'histoire. Pour Sophie, «ça de-vrait finir en happy end», ce quin'est pas le cas pour Thibaud.Même en faisant appel au des-tin pour décider de la fin, «Onsaura pas».

Rose Péchard

Aimons-les vraiment !

Le presque avant concert

Sans intermittentpas d’Air du Temps ?

Comme moi, vous avez sans doute en-tendu qu'un «accord a été trouvé dansla nuit du 27 au 28 avril». Au pire, pas-

sablement irrité, vous vous êtes dit : «ça yest, ils vont arrêter de faire chier, on auranos festivals de l'été» ; au mieux, compatis-sant, vous avez pensé : «Ouf, ils sont tran-quilles pour les trois prochaines années».Mais tout le monde n'a pas un copain ar-tiste, technicien ou acteur de la culture pourse faire expliquer que non, rien n'est encoregagné. Et pour un non-initié, il n'est pasfranchement facile de s'y retrouver.

L'Assurance chômage pour les Nuls

L'assurance chômage est gérée par l'Unédic,(association indépendante de la Sécurité so-ciale) de manière paritaire entre les syndi-cats de salariés et le patronat. Tous les troisans, ces partenaires sociaux négocient unenouvelle convention. Les annexes 8 et 10concernent le régime des intermittents.

Intermittent n'est donc pas un métier, maisun statut. Le nombre de personnes qui coti-sent (mais n'en bénéficient pas toujours, àcause d'un nombre insuffisant de cachets) aeffectivement augmenté de 4,8% depuis2010. Ce statut serait-il alors accordé tropfacilement ? À cause de certains abus, doit-on le remettre fondamentalement encause ? Les autres pays n'ont pas ce sys-tème, et pourtant ils ont bien une produc-tion artistique ; alors pourquoi pas nous ? Sion disait seulement qu'il contribue de ma-nière essentielle à l'existence d'événementsculturels en milieu rural et de projets artis-

tiques pour vos enfants, ce ne serait pasdeux raisons suffisantes pour défendre cemodèle français ?Le fameux «accord» qui semble avoir éclosmiraculeusement en pleine nuit (nous lais-sant penser que ces grandes gueules d'ar-tistes l'ont sûrement ouverte un peu tôtpour pas grand-chose) n'est en réalitéqu'une proposition des professionnels dusecteur culturel. On trouve dans ce texte unretour aux 507 heures sur 12 mois permet-tant d'accéder au régime de l'intermittence,un équivalent de congé maternité et unemeilleure prise en compte des heures d'en-seignement artistique. En contrepartie, ilpropose une baisse du plafond des revenus(cumul des salaires et des allocations) et uneaugmentation des cotisations patronales de1%. Il s'agit d'un accord historique puisquemême la CFDT-Culture l'a signé le 2 maidernier.

Ce que je n'avais pas bien compris, ou pasbien entendu, comme vous peut-être, c'estdonc que ce texte n'est pas définitif : il doitpasser le cap de l'accord interprofessionnelde l'Unédic. Rien ne suppose que le MEDEFl'acceptera car il est en décalage avec sontexte de cadrage qui prévoit une économiede 185 millions d'euros pour ces annexes 8et 10, et demande à l'État de prendre encharge 80 de ces millions.

Affaire à suivre attentivement, soyons toutouïe… En attendant, comme l’a dit hier soirau Manège l'ami Jamait, «s'il vous prenaitl'envie d'arracher des chemises, faites-le enchanson».

Charlotte Bonneau

AUX BAINS-DOUCHES HIER À 15 H

«Ça commence ici», au sonde la percussion qui résonneen nous comme un batte-ment de cœur. Sous un ri-deau de lumières, Luciole,«Une» parmi les autres, sedévoile.

C'est le troisième specta-cle de sa jeune carrière,et c'est également la

troisième fois qu'elle se livresur cette scène, à Lignières.Du théâtre au slam, son em-barcation l'a finalementconduite à la chanson, mais«je ne suis pas plusieurs, jesuis une» affirme-t-elle.Toute en contrastes, la chan-teuse ne craint pas d'assu-mer toutes les facettes quifont sa sensibilité : fille oufemme, brise ou rafale, lu-

mière ou ombre. Des thèmestantôt parlés, tantôt chantés.Le chant chuchoté ou exulté,révélant une voix puissanteet profonde, était omnipré-sent hier, mais Luciole nerenie pas ses origines et nousdonne également un aperçude ses talents de slameuse.Auteur-compositeur-inter-prète, Luciole met des motssur ses maux, qu'elle nousconfie avec sincérité maissans gravité, avec un soup-çon d'espièglerie. «J'écris deschansons sur ce qui metouche, j'essaie d'y mettre unpeu de poésie pour rendretout ça un peu plus joli». Lesrimes sont tendres, gour-mandes, Luciole dégustechaque mot, qu'on entendcrépiter dans sa bouche, etnous les savourons avec elle.L'artiste rayonne par soncharme, sa spontanéité et lagrâce de ses mouvementsqui font naître des sons degrelots qu’elle enfile à sa che-ville. Sa voix suave raconte«le mal des transports amou-

reux», ses villes d'escales, etles tempêtes qui font tanguerles bateaux. Si dans sonalbum, on s'attache calme-ment à sa poésie, on la dé-couvre sur scène fougueuse,libre, donnant pleine vie àses mots. Son équipage, An-toine Kerninon, Clément Si-mounet et David Monet, faitescale avec elle. Pour cettenouvelle étape, ils ont jetél'ancre près d'horizons plusélectroniques, créant uneambiance qui transporte lamélodie des mots. La météoest clémente, et des étoilesbrillent à côté du soleil : com-plicité palpable, énergietransmise. Pieds nus, vraie,gracieuse, elle charme sonpublic : «Le ciel est grand, Li-gnières aussi». Et Lucioleaussi. Femme qui s’affirme,elle a fait lever toute la sallepour une dernière chanson acapella, invitant à la danse.«Voilà comme» une nouvelleétoile se dessine.

Violette DubreuilCharlène Maricot

Luciole à la «Une»

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ÉDITORIAL

Report’AirLe journal du festival

Vendredi 6 mai 2016

#2

Visitez l’exposition

page 2

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SOUS LA HALLE HIER APRÈS-MIDI

Conception graphique : Le Centre de la Presse 18170 Maisonnais. Téléphone : 06.21.09.38.28. [email protected]

Participent à REPORT’AIR : Cathy Beauvallet, Charlotte Bonneau, Virginie Canon,

Violette Dubreuil, Marylène Eytier, Charlène Maricot, Pascal Miara,Francine Moronvalle, Thibaud Moronvalle, Rose Péchard, Pascal Roblin.

FESTIVAL ORGANISÉ PAR

LES PRINCIPAUX PARTENAIRES DE L’AIR DU TEMPS

Report’Air Le journal du festivalAU JARDIN DES BAINS-DOUCHES CE MATIN

Les spectateurs matinaux etbien inspirés des Bains-Douches, ont profité du so-leil pour découvrir, aujardin, Guillaume Farley. Unartiste rayonnant !

Non, Guillaume Farleyn’est pas «l’énièmebouffon avec ses chan-

sons», comme il nous l’a af-firmé ce matin. Il est bienplus que ça ! Le genre de typequi maîtrise la basse, la gui-tare, le beat box et superposele tout devant vous, avec lesourire un peu moqueur d’unadolescent facétieux, contentde sa blague. Tout semble fa-cile pour ce musicien virtuosehabitué à accompagner à labasse de grands artistescomme Richard Gotainer,Sandra Nkaké ou Grand CorpsMalade. En un coup de pé-dale et quelques riffs de gui-tare, il fait décoller samusique. Pour mieux laisserla place à ses textes. Difficile de décrire ce mo-ment passé avec lui ce matintant le garçon est multiple. Son spectacle, car il s’agit vé-ritablement d’un spectacleest introspectif, une psycha-nalyse à ciel ouvert. A la dif-férence près que, ce matin,nous étions allongés sur lestransats, transformés en di-vans estivaux… Evidemment,il évoque son enfance, le«cumul des mandales» infli-gées par ses frères, la scola-rité difficile d’un enfant qui,pendant le cours de maths,

entend des pianos cubainsqu’il accompagne à la batte-rie imaginaire. Il nous parlede ses amours plurielles, carpour lui tout est amour. Dansla tête de «palping boy», çaslappe, ça groove, ça tam-bourine. Il est crooner, lover,frimeur parfois, moqueur, rê-veur, toucheur, rieur, douteursouvent. Ses chansons sont àson image. Romantiques,drôles, délirantes, pleinesd’autodérision, graves aussi.

Guillaume le touche-à-toutnous touche aussi avec samagnifique reprise de «Cesgens-là» de Jacques Brel. Lejardin des Bains-Douches enest tout retourné. Son«hymne à la loose» est reprisen cœur par tous. Nous enlooser, lui au looper. Thérapiecollective. Le public estconquis.Guillaume Farley remerciel’éclairagiste et le créateur dudécor. Bien vu ! Dans son der-

nier titre «Gertrude», lesspectateurs mettent à profitle cours de sifflement dis-pensé il y a un an par FredRadix au même endroit. Laboucle est bouclée. Arrêtons là les compliments,il ne faudrait pas passer pour«la groupie du bassiste».Guillaume «attend un évène-ment», nous attendons sonavènement.

Thibaud Moronvalle

One matinal show !

Slapper comme Farley

La Mine de Rien, c'est legroupe parfait pour unehalte sous la halle dans la lu-mière de fin d'après-midi. Ils'est fait aisément adopterpar le public, sensible à sessonorités métisses et sesrythmes enlevés.

Caroline au trombonenous fait directemententrer dans leur salon.

Pour décor, des cadres dorés,peut-être un héritage des

tontons de la chanson fran-çaise qui les inspirent (on areconnu l'empreinte desOgres de Barback), et une bi-bliothèque de penseurs voya-geurs. Au milieu tangue unelanterne au bout d'une cannepêche. Pas de canapé pourfaire la sieste mais une invita-tion à se laisser aller. Yoshkalance une bouteille à la mer :«Sauras-tu faire le vide ? Sau-ras-tu te perdre pour te re-trouver ?»

La lanterne serait-elle ma-gique ? Dès le premier mor-ceau, La Mine de Rien ouvrela boîte à histoires, «boîte àbonheur, boîte à malheur».Les musiciens nous emmè-nent joyeusement en enfer.Pour nous promettre «Dé-mons et merveilles», Yoshkaprend une voix de grand mé-chant loup, avant de jouer auchat et à la souris avec Lo-rette, la bassiste. A coups decontrebasse, on prend les

chemins sautillants de la bo-hème. Un vent de l'Est soufflepeu à peu sous la halle. Il des-sine des arabesques, maissoulève aussi la poussièrequ'on ne veut pas voir sous letapis d'Orient : la misère desmigrants qu'on préfère ou-blier. Les murs n'arrêtent pasle vent et le public de Li-gnières attend celui du chan-gement.L'envers du décor, c'est aussil'amertume qui s'installequand la passion s'en va.Dans la bouche de Yoshka, lesmots doux tournent à l'aigre:«J'ai tout fait pour toi /T'étouffais pour moi / Je teveux / Tu m'en veux». Lesmusiciens, qui nous avaientlaissés un moment en touteintimité avec le chanteurgrave, se retrouvent au«Temps des Fleurs» : on re-connaît la mélodie, pas lesparoles de Dalida. La Mine deRien rend à cette ritournelleses origines tziganes et l'onne peut s'empêcher defredonner, en se disant qu'unsoir un peu plus arrosé, onaurait attrapé son voisin parle coude pour l'entraînerdans une farandole.Tout le monde se lève. Enchœur, les musiciens chan-tent «Emmène-moi vers le so-leil», mais mine de rien, cesont eux qui nous ont trans-portés.

Charlotte Bonneau

Rien ne sert de se miner, ils ont joué à point

Multi-vitaminés !

MICRO-TROTTOIR

Il y a 25 ans ? J'écoutais Ste-phan Eicher, je l'ai même pro-grammé à Saint Jean de laRuelle. Pourquoi Stéphan Ei-cher ? Parce que figurez-vousqu'il ne l'est pas tant que ça !

Qu’écoutiez-vous il y a 25 ans ?

MichelBénévole

QUIZZ : La preuve par l’Expo !Vous l’attendiez ! Voici le résultat du quizz du Report’Air numéro 1 !

Résultat en images issues de l’Exposition L’œil dans le Rétro présentée dans le hall des Bains-Douches.

Maxime Le Fores

tier

1997

Thomas Fersen2007

Emilie Loizeau

2010

Anne Sylvestre1995

Louis Chedid1999

Benoît Dorémus

2008 Allain Leprest1988

L’Exposition L’œil dans le Rétro retrace la mémoire deL’Air du Temps à travers les multiples photos et dessins,témoins de ces 25 éditions.

En 1991, j'étais enceinte, et jeme souviens avoir beaucoupécouté Jean-Jacques Goldmanpendant cette période.

IsabelleCuisinière de cette édition

Céline Dion, Goldman, LaraFabian, Starmania... voilà leschanteurs de mon enfancequ'on écoutait en boucle dansla voiture avec un vieux lec-teur CD portable, quelle ga-lère !

Jérémie, 25 ans lui aussiBénévole

Higelin, Cabrel. Et les Né-gresses Vertes c'était à cettepériode ?On allait déjà dans les festi-vals, notamment à « Rock çavibre » à Saint Amant RocheSavine, ça dépotait !Marie-Claire : « Pour moi, Jo-nasz du matin au soir ! »

Anne-Marie, Marie, et Marie-ClaireFestivalières

Mon fils écoutait Nirvana.Quant à moi, je me souviensde reprises de Dire Straits lorsd'une soirée au camping d'Ar-gelès sur Mer.

BernardFestivalier

Je suis agriculteur dans la ré-gion donc il y a 25 ans j'étaisdéjà là ! Gainsbourg est dé-cédé cette année là, et monfrère a fait le décor de sondernier spectacle. Je me sou-viens avoir vu Miles Davis auPrintemps de Bourges. J'ai faitdécouvrir Boby Lapointe àmon fils ; aujourd'hui, c'est luiqui me fait découvrir de lamusique, comme Radiohead.

AlainAgriculteur

Propos recueillis par Charlotte Bonneau et Charlène Maricot

Mar

ylou

Eyti

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Œuvres de Roland Melin, Guy Fasolato, Marylène Eytier, Cathy Beauvallet