137
UFR : Communication, Milieu et Société Département d’Histoire MÉMOIRE DE MASTER OPTION : HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE ANNÉE ACADÉMIQUE : 2015-2016 LE SYSTÈME ESCLAVAGISTE DANS LE BAOULÉ-NORD : LE CAS DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA KOFFIKRO (1893-1906) SOUS LA DIRECTION DE : M. GBODJÉ SEKRÉ ALPHONSE Maître de Conférences Présenté par : SOROGO AWA

MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

- 1 -

UFR : Communication, Milieu et Société

Département d’Histoire

MÉMOIRE DE

MASTER OPTION : HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE

ANNÉE ACADÉMIQUE : 2015-2016

LE SYSTÈME ESCLAVAGISTE DANS

LE BAOULÉ-NORD : LE CAS DU

MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA

KOFFIKRO (1893-1906)

SOUS LA DIRECTION DE :

M. GBODJÉ SEKRÉ ALPHONSE

Maître de Conférences

Présenté par :

SOROGO AWA

Page 2: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

I

DÉDICACE

Nous dédions ce mémoire à :

Notre père SOROGO Souleymane et à notre mère DIABAGATÉ Maïmouna, pour

nous avoir donné la vie et l’éducation dont nous sommes fière. Notre tante

DIARRA Fatou et notre grand-mère TIMITÉ Salimata pour leur soutien

inestimable.

Page 3: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

II

REMERCIEMENTS

Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à notre Directeur de

Mémoire, le Professeur Alphonse Sekré GBODJÉ, Maitre de Conférences

d’histoire moderne et contemporaine, Directeur du département d’Histoire à

(UAO). Qu’il reçoive ici, nos sincères remerciements pour avoir guidé nos

premiers pas dans la recherche. Ses pertinentes observations et critiques, sa

méthode et sa rigueur scientifique conjuguée avec sa grande disponibilité, ont

permis d’atteindre ce résultat. Professeur, encore infiniment merci.

Nous voudrions témoigner notre gratitude envers Docteur DATRO Okobé

Noël, enseignant- chercheur d’Histoire moderne et contemporaine à l’UAO de

Bouaké, pour sa disponibilité et ses critiques avisées lors de l’élaboration de notre

Mémoire.

Cette reconnaissance va également à l’endroit de Docteur GOLÉ Koffi

Antoine, enseignant-chercheur à l’UAO de Bouaké, qui a suscité en nous le goût

de la recherche en Histoire économique et sociale.

Nos remerciements vont aussi en direction des enseignants-chercheurs qui

nous ont accordé leur appui dans la conception de ce Mémoire.

Ainsi que tous les enseignants-chercheurs dudit département, pour leurs

efforts fournis dans la réussite de nos études.

Nous ne passons pas sous silence, notre gratitude envers nos camarades

étudiants et non-étudiants qui nous ont aidé dans notre tâche :

- OUATTARA Aboubacar, Doctorant au département de Géographie, pour son

aide dans la réalisation de nos cartes.

- KOUADIO Tougbin, Doctorant au département d’Histoire qui nous a guidé

dans notre recherche. Sans oublier, nos frères et sœurs, amis, connaissances et

parents qui nous ont soutenu chacun à sa manière.

Page 4: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

III

SIGLES ET ABREVIATIONS

ANCI : Archives Nationales de Côte d’Ivoire

AOF : Afrique Occidentale Française

BIT : Bureau International du Travail

CCF : Centre Culturel Français

JOCI : Journal Officiel de Côte d’Ivoire

UAO : Université Alassane Ouattara

UCCRB : Union des Chefs des Communautés Résidant à Bouaké

Page 5: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

IV

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE………………..………..……………………5

PREMIÈRE PARTIE : LE CONTEXTE GÉO-HISTORIQUE ET LA

CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES

DE KOTIA KOFFIKRO (1893-1894)……………..35

CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS GÉO-HISTORIQUES DE LA

CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE

KOTIA KOFFIKRO DÈS 1893…………………38

CHAPITRE DEUXIÈME : LA STRUCTURE DU MARCHÉ D’ESCLAVES

ET LES RAISONS DE SON

DÉVELOPPEMENT Ā KOTIA KOFIKRO DÈS

1894………………………………………..46

DEUXIÈME PARTIE : L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT

DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA

KOFFIKRO (1894-

1898) ………………………...52

CHAPITRE TROISIÈME : L’ORGANISATION DU COMMERCE

D’ESCLAVES………………………………….54

CHAPITRE QUATRIÈME : LA MONNAIE DANS LES TRANSACTIONS

A KOTIA KOFFIKRO DE 1893 A

1898……………………………..62

TROISIÈME PARTIE : LES EFFETS DU COMMERCE D’ESCLAVES

(1898-1906)…………………………………………69

CHAPITRE CINQUIÈME : LES TRANFORMATIONS ÉCONOMIQUES

DE LA VENTE D’ESCLAVES……………….71

CHAPITRE SIXIÈME : REPERCUSSIONS DÉMOGRAPHIQUES ET

SOCIALES DE LA VENTE D’ESCLAVES……76

CONCLUSION GÉNÉRALE………………………………………………….90

ANNEXE ………………………………………………………………………94

INDEX ET LEXIQUE………………………………………………………...114

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE…………………………………………...118

TABLE DES CARTES………………………………………………………..128

TABLE DES MATIÉRES……………………………………………………129

Page 6: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

1

LE BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE IVOIRIEN (N°1)

Source : KOUAMÉ N.B1, 2015 Conception: SOROGO Awa 2016

1 KOUAMÉ (N. B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du baoulé de

1850 à 1980, thèse de Doctorat d’Histoire, Université de Bouaké, p8.

Page 7: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

2

CERCLE DU BAOULÉ NORD ET SUD EN 1901 (N°2)

Source : Jean-Pierre CHAUVEAU2, 1987 Conception : SOROGO Awa

Réalisation : OUATTARA A. 2016

2 CHAUVEAU ( J-P), 1987, La colonisation rupture ou parenthèse ?, Paris, L’harmattan, p62.

Page 8: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

3

L’ESPACE NORD DU BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE BAOULÉ (N°3)

Source : KOUAMÉ N.B3. 2015 Conception : SOROGO Awa Réalisation :

OUATTARA A. 2016

3 KOUAMÉ (N. B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du baoulé de

1850 à 1980, thèse de Doctorat d’Histoire, université de Bouaké, p9.

Page 9: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

4

CARTE DE BOUAKÉ (N°4)

Source : JANIN Pierre4. 2001 Conception : SOROGO Awa

Réalisation : OUATTARA A. 2016

4 JANIN (P), 2001, " Une Géographie de la rue Africaine (Bouaké, Côte d’Ivoire) " in Politique

africaine, N°82, p189.

Page 10: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

5

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Page 11: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

6

I. JUSTIFICATION DU SUJET ET INTÉRÊT DU SUJET

1. Motivation du sujet

L’histoire de l’Afrique, en particulier, celle de la Côte d’Ivoire, depuis la

période précoloniale jusqu’aujourd’hui, est riche en enseignements. Mais certains

faits historiques, compte tenu de leur complexité, restent encore à élucider. En

effet, depuis l’Antiquité jusqu’au XIXème siècle, l’Afrique en général, et en

particulier, l’Afrique noire, a été victime de l’esclavage et de la traite négrière. Ce

commerce des Noirs ou traite négrière a eu plusieurs appellations, selon les lieux

et les acteurs du commerce. Il s’agit, notamment de la traite interne5, la traite

arabe6 et la traite atlantique7.

Cette dernière a été la traite la plus décriée par l’opinion internationale, à

cause du nombre d’esclaves vendus (11 millions8 pour les minimalistes et 100

millions pour les maximalistes). Cette traite négrière a été abolie en 1807 dans les

colonies anglaises et en 1848 dans les colonies françaises. Après l’avènement de

la traite négrière, l’on passe du commerce illicite au commerce licite entre

l’Europe et les pays du Golfe de Guinée. Le commerce licite fut dominé par les

produits naturels dont la production et la commercialisation dépassaient le cadre

du lignage. C’est dans ce contexte qu’apparait Samory Touré, le grand conquérant

mandé, dans le baoulé Nord, précisément à Kotia Koffikro où il créa un marché

d’esclaves, à partir de 18949.

Toutefois, si l’on s’en tient à la période à laquelle le marché d’esclaves a

été créé dans le baoulé Nord, ce marché d’esclaves paraitrait sans importance puis

que les négriers européens n’étaient plus présents pour l’achat d’esclaves. C’est

5 Le commerce d’esclave qui a eu lieu en Afrique et pratiqué par les Africains eux mêmes. 6 C’est la traite qui a eu lieu entre les Arabes et les pays de l’Afrique du Nord et les ceux de

l’Afrique orientale. 7 La traite atlantique fut le commerce des noirs entrepris par les Européens surtout après la

découverte de l’Amérique. 8 SINGARAVELOU ( P) , Les empires coloniaux XIX-XXème siècle, points, p86

9 GBODJE (S.A), 2010, « Le marché d’esclave de Kotia kofikro (1893-1898) " in

Revue Ivoirienne d’histoire, N°17, pp50-72.

Page 12: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

7

ainsi que nous avons eu l’idée de travailler sur le « marché d’esclaves de kotia-

koffikro » pour comprendre les motivations de cette traite interne pratiquée par

les Africains sans la participation des Européens.

La création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro aurait suscité des

échanges commerciaux qui vont au-delà de Kotia Koffikro et de Bouaké. Ce

commerce va entrainer la déportation des esclaves vers les zones de production

d’activités orientées sur le marché.

2-Interêt du sujet

Le marché d’esclaves de Kotia Koffikro créé par Samory Touré, sous

l’accord du chef Kotia Koffi a eu de l’importance à cause du mode de production

esclavagiste des sociétés ivoiriennes qui a coïncidé avec sa création. Dans ce

système, le moyen privilégié de production reste l’esclave. D’où le caractère

d’exploitation parfois abusive des esclaves. La création de ce marché a entrainé

la création du quartier Liberté de Bouaké en 1906 et le peuplement de certains

villages de la zone côtière, surtout les villages Alladian10, possédant les grandes

plantations de palmiers à huile. Toutefois, dans notre étude, nous nous sommes

rendu compte que le quartier Liberté est aujourd’hui le quartier Djamourou de

Bouaké, et le secteur qui a constitué le premier noyau de Liberté, continu d’être

appelé Liberté mais considéré par la population comme un sous quartier de

Djamourou, qui ne figure pas sur la carte de Bouaké et sur les papiers

administratifs des habitants de Liberté. Aussi, existerait-il un quartier à Didiévi du

nom de Djiminisso peuplé par les descendants d’esclaves Djimini vendus par

Samory.

Ainsi, si la responsabilité des Africains dans la traite atlantique reste un

débat, en revanche, le commerce d’esclaves de Kotia Koffikro a été organisé,

puis les esclaves commercialisés et achetés par eux-mêmes. Ainsi, tout comme les

Européens, les Africains eux-mêmes ont été des esclavagistes.

10 ANCI, 2EE14(4), Affaires politiques de la pacification au point de vue anti-esclavagiste, 1913.

Page 13: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

8

II. DÉFINITION DU SUJET

Nous allons définir et expliquer ici le thème général de notre étude à partir

de différents points méthodologiques.

1. La situation géographique

Pendant la période coloniale, la Côte d’Ivoire fut divisée en cercles

administratifs. C’est ainsi que la région du baoulé fut divisée en deux cercles : le

baoulé Nord et le baoulé Sud, par l’arrêté du « 3 Juillet 1901 par le gouverneur de

la Côte d’Ivoire.»11 Selon cet arrêté, le cercle du Baoulé-Sud, part de Toumodi à

Tiassalé. Celui du Baoulé-Nord regroupe les secteurs de Bouaké à KodioKofi12.

(Voir carte n°2)

Cependant, nous constatons une nouvelle répartition de l’espace baoulé,

sans la présence de Kodiokofi sur la carte. Sans vouloir faire une étude

géographique de kodiokofi, nous pouvons dire que cet espace qui a abrité le

premier poste militaire des Français en 189413, a été défavorisé, suite à la création

du chemin de fer dont il n’a pas bénéficié. Par conséquent, Kodiokofi qui

contrôlait un ancien itinéraire commercial Nord-Sud serait assimilé à Didiévi,14 au

centre du pays.

Ainsi les colonisateurs qui repartissent l’espace selon leur besoin du

temps, vont constituer une nouvelle carte dans laquelle le cercle du Baoulé Nord

comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, M’bahiakro,

Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi, Sakassou. Il est

limité au Nord par les peuples Tagbana et Djimini, à l’Est par la région du N’zi

(Baoulé agba et les Agni), à l’Ouest par les Gouro et au Sud, par les Baoulé-Sud.

(Voir carte n° 3)

11 ANCI, 1EE29(4), Rapports mensuels sur la situation politique du cercle du baoulé 1899-1905. 12 Kodiokofi ou Kouadiokoffikro, était un village du Baoulé Sud situé près de Didiévi et différent

de Kotia Koffikro un village du Baoulé Nord. 13KOUAME (N.B), 2015, les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du Baoulé de

1850 à 1980, thèse de doctorat unique d’histoire, université de Bouaké, p211. 14 CHAUVEAU (J-P), 1987, La colonisation : rupture ou parenthèse ?, Paris, L’Harmattan, p72.

IP

Page 14: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

9

Toutefois, l’espace qui fait l’objet de notre étude est Kotia Koffikro, un

ancien village qui tend à se confondre actuellement à la commune de Bouaké, une

ville du Baoulé -Nord. La région de Bouaké appartenait au cercle du Baoulé-Nord

qui était limité au Nord-Ouest, par le cercle de Mankono et, au Nord- Est, par

celui de Kong. Dans sa partie australe, il faisait frontière avec le cercle du Baoulé-

Sud. A l’Est, il y avait le cercle du Haut-Sassandra et celui de N’Zi Comoé dans

le Sud-Est. « Le Baoulé-Nord se situe entre le 8° et le 7° de longitude Ouest et

le 7° et 8° de latitude Nord. » 15

Bouaké appartient-elle aussi au V baoulé, zone de transition forêt-

savane. Elle se caractérise par un climat tropical humide à deux saisons dit climat

baouléen ; une saison pluvieuse et une saison sèche. L’harmattan souffle entre

Décembre et Février. Le pays baoulé est bien irrigué par les fleuves Bandama,

N’Zi et Comoé qui constituent tout son régime hydrographique. La température

est assez constante, oscillant entre 24 et 34 degrés toute l’année. Le sol baoulé

présente la constitution générale du sol africain : il est principalement de forme de

roche ferrugineuse. Ce qui pourrait signifier un relief plat, et ces sols sont à la fois

ferralitique et ferrugineux.

Mais aujourd’hui, Kotia Koffikro, appelé communément Koutchakro,16

est devenu un quartier périphérique de la ville de Bouaké (Carte n°4). Il est situé

juste après l’abattoir de la ville, sur la route de Katiola17.

En dépit des faits cités, l’importance de Kotia Koffikro résulte de sa

position géographique stratégique. Il représente un véritable carrefour situé sur les

grands axes de circulation des villes ivoiriennes et des pays de la sous-région.

C’est par ces différentes voies que viendront Samory Touré et les commerçants

qui animeront le marché d’esclaves.

15 GBODJE (S.A), 2005, Evolution économique de Bouaké : de l’économie coloniale de

marché (1858-1939), Thèse de doctorat unique histoire contemporaine, p16. 16 N’GUESSAN (K) , entretien semi directif à Kotia Koffikro, 28 Août 2016. 17 GBODJE (S.A), 2005, Idem.

Page 15: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

10

2. Explication du sujet

« Le système esclavagiste dans le Baoulé Nord : le cas du marché

d’esclaves de Kotia Koffikro », tel est libellé notre sujet. Nous essayerons de

définir les mots ou les expressions clés de notre thème pour en saisir les

implications profondes pour une meilleure compréhension.

Les sociétés précoloniales africaines étaient organisées en lignages,

autour desquels se déroulaient toutes les activités politiques, sociales et

économiques. Toutefois, depuis les premiers contacts avec l’Occident, la plupart

des Africains ont abandonné le système lignager au profit du système

esclavagiste.

Le système, selon le Dictionnaire Encarta18, est une organisation et

fonctionnement défini de la société sur le plan de l’économie, de la politique et de

la valeur morale. L’esclavagiste est un partisan de l’esclavage, notamment celui

des Noirs.19 C’est aussi une politique qui pratique l’exploitation d’une partie de la

population, notamment en employant une main d’œuvre à des prix inférieurs au

prix légaux.

De ces deux définitions, nous pouvons dire que le « système

esclavagiste » est un mode de production dans lequel la classe des riches exploite

la paysannerie et la classe servile. Ici, l’on fait allusion aux services des esclaves

rendus aux grands maîtres sous les ordres desquels ils étaient. Dans ce système, la

production repose essentiellement sur le travail des captifs. Tout comme le

développement de l’économie du coton, sucre et tabac avait favorisé l’avènement

de la traite négrière, l’introduction en Afrique des nouvelles cultures orientées sur

le marché entraine l’évolution des rapports de production type esclavagiste20 et la

promotion du commerce d’esclaves.

18 Encyclopédie Microsoft Encarta, 2009.La partie historique. 19Dictionnaire le Robert Dixel, 2011, Paris, Maury, P662 20 DIABATE (D.H), 1987, Mémorial de la Côte d’Ivoire, volume1, p272.

Page 16: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

11

D’ailleurs, Jean Noël LOUCOU nous confirme que : « dans le mode de

production esclavagiste, l’esclave est le moyen essentiel de production »21. Ainsi,

compte tenu de l’importance du commerce licite avec les Européens, certains

peuples Africains vont avoir recours à la main d’œuvre pour les travaux

champêtres et domestiques. C’est dans ce contexte que le « marché d’esclaves de

Kotia Koffikro » va prendre de l’ampleur.

En outre, Samory Touré, dans son élan d’extension territoriale, arrive

dans le Baoulé Nord, et crée à Kotia Koffikro, (un village peuplé de Baoulé

faafouê fahali, « aujourd’hui un quartier périphérique de la ville de Bouaké en

bordure de la voie qui, par Katiola, conduit à Korhogo »22) un marché dont le

produit de commerce constitue l’esclave.

Lorsqu’on parle du Baoulé, on fait allusion à un groupe de peuple akan

qui s’est installé au Centre de la Côte d’Ivoire. En effet, les Baoulé sont constitués

de deux grands groupes : les Alanguira, originaires du Denkyera, sont les premiers

arrivés au Centre de la Côte d’Ivoire, après la défaite du Denkyera face à

l’Ashanti, en 1701.Quant aux Assabou, ils abandonnent Kumasi face à la crise de

succession après Osei Tutu. Leur migration se situe entre 1720 et 1750. Ā leur

arrivée, les Assabou constitués de Ouerèbo, Faafouê, N’zikpli, Saafouê,

Nanafouê, Aitou, Agba et Ngban23, trouvèrent dans la région de Bouaké et

Tiebissou, les Sénoufo, les Gouro et les Mandé. Toutefois, le mot Baoulé

désigne parfois l’espace qu’occupent les Baoulé. Ainsi, le Baoulé Nord, fut

pendant longtemps attribué aux secteurs de Bouaké à Tiébissou. (Voir carte n°3).

Les échanges commerciaux dans ces sociétés se faisaient à travers le

troc et des produits qui servaient de monnaie et en même temps de marchandise.

En fait, le commerce se faisait à travers l’échange d’objet contre objet équivalent.

L’utilisation de la monnaie, telle que nous la connaissons aujourd’hui se fera plus

tard. Très tôt, les zones de productions de cultures commerciales entrent en

21LOUCOU (J-N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête Coloniale, p23. 22 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p2. 23 EKANZA (S-P), 2006, Côte d’Ivoire : Terre de convergence et d’accueil (XVème-XXème siècle),

p65.

Page 17: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

12

contact avec le marché d’esclaves de Kotia Koffikro pour s’approvisionner en

esclaves.

Ainsi, entre le XIXème et le début du XXème siècle, se développe une

traite interne qui fait de la plupart des sociétés ivoiriennes en particulier et en

général africaines, des esclavagistes.

3. Cadre historique ou chronologique

L’histoire, en tant que discipline scientifique, s’inscrit toujours dans un

cadre spatial et temporel de la société qu’elle étudie. L’histoire économique et

sociale ne reste pas en marge de cette méthode. L’étude de l’histoire économique

et sociale d’une société africaine s’inscrit toujours dans un contexte précolonial,

colonial ou postcolonial. Dès lors, que représentent les années 1893 et 1906, les

bornes chronologiques de notre sujet dans l’histoire économique et sociale du

Baoulé Nord?

Au plan politique, la Côte d’Ivoire devient une colonie française par le

décret du Vendredi 10 Mars 1893. Mais cette colonisation semble être partielle ;

la population ivoirienne, précisément le Baoulé, n’était pas encore soumise. Ce

qui se traduit aisément, en ces termes, « la situation de la Côte d’Ivoire était telle

en 1900 que(…) La majorité de la zone sylvestre et Baoulé occidental étaient à

soumettre. »24

Fabio Viti, en rajoute pour dire que le terme précolonial, dans le

Baoulé, désigne « la période qui précède immédiatement la conquête française du

baoulé, commencée en 1891 et achevée vingt ans plus tard. ». En effet, après

l’échec de plusieurs expéditions des français dans le pays Baoulé, ils arrivent

enfin à sa pacification en 1911.

De ces brèves explications nous déduisons que, malgré l’érection la

Côte d’Ivoire en colonie française en 1893 et la pacification du Baoulé en 1911,

force est de constater la prédominance de l’économie précoloniale.

24 ANCI, 2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti-esclavagiste.

Page 18: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

13

1893, dans le cadre de notre étude, correspond à la création du marché

d’esclaves de Kotia Koffikro par Samory Touré, dans le Baoulé Nord. Ce

commerce initié par Samory Touré, sous l’accord du chef Kotia Koffi, va

s’intensifier jusqu’en 1898. Date à laquelle fut capturé Samory Touré. Après la

capture du grand conquérant, le capitaine Benoit procède à la destruction du

marché d’esclaves de Kotia Koffikro en 1898. Suite à la destruction du marché,

les colonisateurs libèrent les esclaves restants et leur crée un quartier du nom de

Liberté25 en 1906.

II. ÉTAT DE LA QUESTION

Dans la quête d’informations sur notre thème, nous nous sommes rendu

compte des écrits antérieurs existant sur Bouaké dans son ensemble. Aussi, Kotia

Koffikro étant un village du cercle de Bouaké, fut l’objet de quelques études.

Nous avons fait ainsi la lecture de ces documents, pour ensuite les analyser, porter

un regard critique sur certaines informations, et extraire les éléments concernant

notre problématique.

Toutefois, les premiers documents utilisés pour l’élaboration de ce

travail restent avant tout, l’article et la thèse du Professeur GBODJÉ Sékré

Alphonse, de YAO Koffi Michel et de LOUCOU J. Noël. En plus de ces

ouvrages, nous avons eu recours à d’autres documents écrits par KOUAMÉ

N’guessan Bernard, FABIO Viti et de CHAUVEAU Jean-Pierre qui seront

présentés au cours de la revue.

-Aspect politique,

Dans l’ouvrage La colonisation : rupture ou parenthèse ?26 de Jean-

Pierre CHAUVEAU, il est question de la détermination et contradiction internes

de la société baoulé face à l’entreprise coloniale.

25 GBODJE (S.A), 2005, op.cit, p62. 26 CHAUVEAU (J.P), La colonisation : rupture ou parenthèse ?, l’Harmattan, Paris, 122p.

Page 19: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

14

De ce fait, il fait d’abord la présentation géographique, politique,

économique et socio-culturelle du pays baoulé. Ensuite, il présente l’échec

provisoire de la première phase de pénétration coloniale dans les années 1891-

1898. De même, il montre l’organisation politique et sociale des Baoulé basée sur

les éléments matrilinéaires de la parenté et de la transmission, des droits et de

l’autorité. Il nous informe que les Faafouê et les Walebo avaient les plus étendus

et plus puissantes chefferies confédérales. Pendant cette période, le Baoulé était

dans une phase de pénétration économique, ce qui permettait aux chefs d’adopter

certaines stratégies concurrentielles. Enfin, de 1898 à 1911, se développe la perte

de l’autorité traditionnelle avec la pression française, créant ainsi des

transformations politiques dans l’espace baoulé. Ce document nous permet de

comprendre le cadre historique et politique dans lequel s’insère notre sujet, mais

n’épuise pas notre sujet qui s’attarde sur l’histoire économique de Kotia Koffikro.

Dans le sixième chapitre de L’histoire générale de l’Afrique27 , les

auteurs expliquent les différentes missions françaises intervenues dans le pays

baoulé. Ils nous disent que la première mission militaire a été lancée, en Février

1881 par le lieutenant Armand et Tavernost, et en Mars 1891, l’autre, mais cette

fois-ci commerciale, dirigée par Voituret et Papillon. Après l’échec de la première

mission, grâce à la conclusion d’un traité, les Français purent envoyer une

seconde mission en 1893 commandée par Jean Baptiste Marchand. Mais celui-ci

échoue à affronter les chefs baoulé déjà alliés à Samory Touré à cette époque.

Mais, après la capture de Samory en 1898, les Français avaient la main libre pour

occuper le Baoulé. Cette étude nous montre que Samory, en plus d’être un

partenaire économique du Baoulé, était plus qu’un allié politique. Toutefois, ce

document qui nous relate la résistance des chefs baoulé pour sauvegarder leur

souveraineté ne prend pas en compte le système esclavagiste du Baoulé Nord que

nous essayons de traiter.

27 BOAHEN (A) et al, 1987, Histoire générale de l’Afrique, tome VII, UNESCO, Paris, 906p.

Page 20: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

15

Pierre JANIN28, fait une étude sur la ville de Bouaké avec ces

communautés religieuses et ethnolinguistiques qui la composent.

De ce fait, il nous présente la répartition de la population de Bouaké en

quartiers ethniques. Il s’agit des quartiers septentrionaux (Dar-Es-Salam, Sokoura,

Koko, Belleville) regroupe plutôt les musulmans Dioula, Mandé et Burkinabé.

Tandis que la partie méridionale (N’gattakro, Ahougniassou, Fètèkro) possède

des forts contingents de Baoulé et Bété. Toutefois, il dénonce les problèmes que

rencontre la ville de Bouaké. Selon lui, la ville de Bouaké connait une dégradation

progressive et continue. L’absence d’investissement public et le désintéressement

de l’État par rapport à la ville de Bouaké. Enfin, il nous dit que Bouaké est la ville

qui exprime mieux la faiblesse de l’État ivoirien. Le fait qui capte notre attention

ici, est la carte de la ville de Bouaké qu’il a constituée avec ces différents

quartiers parmi lesquels figure Kotia Koffikro et Liberté.

- Aspect économique,

GBODJÉ .S. Alphonse, dans sa thèse29 apporte une connaissance de

l’histoire sociale et économique de Bouaké et de sa région. Aussi, met-il en relief

les différents mécanismes du passage du système urbain précolonial au système

urbain colonial à Bouaké. De ce fait, il aborde d’abord l’économie agricole et

artisanale de la région du milieu du XIXème siècle. Ensuite, il traite de l’arrivée

des colonisateurs français et de l’institution d’une économie de marché à Bouaké

de 1898 à 1921. Enfin, il parle du développement et du rayonnement économique

de Bouaké de 1921 à 1939. L’auteur évoque, la concurrence économique entre

Gbêkêkro et Kotia Koffikro et surtout la forte animation commerciale qui y

régnait. C’est d’ailleurs cette partie qui nous intéresse, car elle nous a servi dans la

rédaction de notre Mémoire. Cependant, les informations reçues de cet ouvrage

n’abordent pas tous les points de notre sujet.

28 JANIN (P), 2001, « une géographie sociale de la rue Africaine (Bouaké, Côte d’Ivoire) »,

Université de Paris I/IEDES, in politique Africaine, N°82, pp177-189. 29 GBODJÉ (S.A), 2005, op.cit, 549p.

Page 21: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

16

Dans son article30, Alphonse GBODJÉ traite du marché d’esclaves de

Kotia koffikro, de sa création en 1893 à sa destruction en 1898. Dans cette étude,

il aborde l’origine du marché d’esclaves de Kotia Koffikro. L’accent a été mis

ensuite sur le marché lui-même en tant qu’institution économique. Cet ouvrage fut

pour nous, le document principal qui nous a servi de guide dans nos

investigations. Car il aborde en grande partie les questions sur lesquelles nous

avons fondé notre étude .Toutefois, ce document d’une grande utilité n’épuise pas

notre sujet qui s’étend jusqu’à 1906, pour connaitre l’histoire des esclaves restés

après la destruction du marché de Kotia Koffikro en 1898 dont il n’existe aucune

documentation écrite.

YAO Koffi Michel31 aborde les questions dans le même sens que

GBODJÉ S. Alphonse en mettant l’accent sur l’économie précoloniale du pays

faafouê. Il présente les éléments qui constituent l’économie précoloniale

notamment, l’agriculture, l’élevage, la chasse, la pêche, l’industrie et le

commerce. Il montre les différentes sous - tribus qui composent la tribu faafouê.

Ce qui nous intéresse ici, c’est la présentation des Faafouê Gossan qui constituent

le peuple que nous étudions, et surtout le commerce d’esclaves dont il mentionne

dans son ouvrage.

Dans sa thèse32, KOUAMÉ N’guessan Bernard apporte une

contribution à la connaissance de l’histoire du Baoulé Nord, à travers les

mutations socio-économiques qui s’y sont opérées. De ce fait, il présente d’abord

la situation politique, économique et sociale de l’espace Nord baoulé et les

transformations socioéconomiques qui sont intervenues de 1850 à 1911. Ensuite,

il a mis un accent particulier sur le rôle de l’administration coloniale dans les

transformations socio-économiques dans la région, à cause de l’économie

coloniale de marché imposée par l’administration coloniale et l’avènement des

30 GBODJÉ (S.A), 2010, « Le marché d’esclaves de Kotia Koffikro (1893-1898) » in Revue

Ivoirienne d’Histoire, N°17, pp50-72. 31 YAO (K..M), 1988, L’économie faafouê à l’époque précoloniale, Mémoire de Maitrise

D’histoire, université de Cocody, Abidjan, 185p. 32 KOUAMÉ (N.B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du Baoulé

de 1850 à 1980, thèse de Doctorat d’histoire, université Alassane Ouattara, 453p.

Page 22: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

17

religions et missions d’origine occidentale de 1911à 1960. Enfin, il aborde les

mutations socioéconomiques postcoloniales de 1960 à 1980 qui se sont opérées

dans l’espace Nord du Baoulé. Certes, ce document nous fournit des informations

très importantes sur les esclaves dans le baoulé ; mais il n’étale pas suffisamment

le déroulement de ce commerce à Kotia Koffikro.

LOUCOU Jean Noël développe dans son ouvrage33, les stratégies de

résistance économique en Côte d’Ivoire face aux nouvelles méthodes

économiques imposées par les colonisateurs. Il présente d’abord les traits

généraux de l’économie précoloniale caractérisée par deux modes de production

dominants : le mode de production lignager et le mode de production esclavagiste.

Dans cette partie, c’est la définition du mode de production esclavagiste qui attire

notre attention, car elle constitue un point important de notre problématique.

Aussi, ces différents modes de production africains vont-ils subir une

transformation économique, au XIXème siècle. Ensuite, s’en suivent les révoltes de

la population contre les nouvelles mesures économiques imposées par les

Français. Cette résistance s’est traduite par le maintien des structures et des

partenaires traditionnels du commerce, les monnaies africaines sont préférées à la

monnaie française, les partenaires commerciaux n’ont pas changé non plus. Enfin,

avec la colonisation, on assiste au démantèlement des structures précoloniales,

imposition de l’économie de traite, la monnaie française est rendue obligatoire en

1914 et les monnaies précoloniales interdites. Ce document qui s’attarde sur

l’échec des Ivoiriens malgré leur lutte contre la présence française, n’épuise pas

notre sujet. Cependant, les monnaies précoloniales qu’il présente et les acteurs

commerciaux en relation commerciale avec le Baoulé qu’il aborde nous est d’une

grande utilité.

Jean-Pierre CHAUVEAU, Jean-Pierre DOZON et Jean RICHARD font

une étude34 générale sur le riz et l’igname en Côte d’Ivoire. Ils commencent

33 LOUCOU (J.N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la con quête coloniale, CERAP,

Abidjan, 150p 34 CHAUVEAU (J. P) et al, 1981, Histoire du riz, histoire d’igname : le cas de la moyenne

Côte D’Ivoire, 51(2), in Africa, pp 621-658.

Page 23: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

18

d’abord par la présentation des différentes zones privilégiées par cette étude. Il

s’agit notamment, des pays malinké, gouro, gagou, bété et le pays baoulé. En plus

de cela, ils présentent les conditions naturelles favorables à ces cultures.

Toutefois, malgré le volume de ce document, ce qui nous intéresse ici, est la

question de l’agriculture en pays baoulé. Ils affirment que la production vivrière y

était la plus diversifiée, et avait comme produits dominants l’igname, le riz

africain, le maïs, et même le sorgho. Ils ajoutent pour dire que la présence de

Samory correspond à une ère d’expansion économique et un renforcement de la

base économique de leur résistance contre les colonisateurs. Alors, comment la

présence d’un seul homme dans le Baoulé peut bouleverser tant son aspect

économique et en partant, booster l’économie des autres régions de la Côte

d’Ivoire ? C’est cet état de fait que nous essayerons d’argumenter dans notre

travail.

Jean-Pierre CHAUVEAU dans son article35, fait la description des

activités qui composent le secteur tertiaire. Ce sont notamment, l’extraction de

l’or, la production vivrière, l’exploitation du vin de palme, le tissage des pagnes

baoulé et le commerce. Il s’attarde ainsi sur l’analyse des formes d’échanges

précoloniales en pays baoulé et des conditions économiques particulière à la phase

de la pénétration française. Parlant de la monnaie précoloniale, il présente

différentes zones monétaires en relation commerciale avec le Baoulé. Le pays

baoulé utilise le cauris comme monnaie dans les localités du Nord, Nord-Ouest et

Nord-Est, le sompé avec les Wan et les Gouro, la manille avec le pays dida et le

littoral ivoirien et à l’intérieur du pays baoulé, l’or était la monnaie utilisée.

Toutefois, en plus des monnaies citées par l’auteur, certains produits, surtout

alimentaires, ont servi de moyen d’échanges dans le Baoulé-Nord et surtout, sur le

marché d’esclaves de Kotia Koffikro. En outre, le fait le plus marquant de la

colonisation, est l’introduction de la monnaie en tant qu’instrument d’échange.

Dès lors, l’on verra, l’économie monétaire avec la vente des cultures

commerciales. Ces cultures commerciales dont parle l’auteur, vont être un point

35 CHAUVEAU (J.P), 1981, " Le secteur informel" en pays baulé : "création coloniale" ou

survivance d’activité traditionnelle", Paris, ORSTOM, 16p.

Page 24: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

19

important de notre problématique pour comprendre les raisons du développement

du système esclavagiste dans les sociétés ivoiriennes.

- Aspect social

Fabio Viti36, nous explique comment un être humain devient esclave

dans le baoulé précolonial. Selon lui, la réduction en esclavage débute

invariablement par la capture, suivie d’un processus d’aliénation, de

dépersonnalisation. Ainsi coupé de ses racines, le captif peut être vendu au plus

loin et devenir un véritable esclave. Il y avait donc les esclaves par achat et par

capture. Mais le type d’esclave le plus courant au baoulé précolonial était

l’esclave acheté. Ces esclaves, au XIXème siècle étaient fournis par l’armée de

Samory. Ils étaient échangés contre des poudres d’or et des produits vivriers qui

servaient de monnaies d’échange. Il nous dit que ces esclaves achetés étaient

intégrés dans la cours du maître, partiellement resocialisés. La vie quotidienne des

esclaves était dominée par le travail. Plusieurs esclaves pouvaient être tués à

l’occasion des obsèques de chefs influents. Ce sont les conditions de l’esclave et

les moyens d’échanges qui attirent notre attention puisque les habitants de Kotia

Koffikro font partie des Baoulé dont il est question.

Roger BOTTE, dans son ouvrage,37 traite du système esclavagiste de

toute l’Afrique. Dans ce document, il met en exergue les raisons d’une telle

pratique, surtout en Afrique noire. En effet, il nous dit que l’abandon progressif du

système de la traite négrière par les sociétés africaines et leur conversion au

commerce légitime n’ont été possibles que grâce à la main d’œuvre servile. Il

présente plusieurs pays où existe un marché d’esclaves, la plupart du temps,

animés par Samory. Il s’agit de l’Agumbu du sahel, un marché d’esclaves du mali,

le marché d’esclaves du Fouta Djalon, du Sénégal, de la Guinée et de la Côte

d’Ivoire. Il donne enfin, des chiffres sur le nombre d’esclaves vendus pour la

seule AOF vers 1900. Ce document, qui traitre de l’esclavage de toute l’Afrique

36 FABIO (V), 1999, " L’esclavage au baoulé précoloniale "in L’Homme, N°152, vol 39, pp53-88 37 BOTTE (R), 2000, " L’esclavage africain après abolition de 1948 ; servitude et droit de sol "

in annales d’histoire sciences sociales, vol55, pp1009-1037.

Page 25: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

20

noire en général nous a été d’un apport indéniable. Car, malgré le fait qu’il

n’aborde pas particulièrement notre sujet, il a été le seul à nous fournir en chiffre,

le nombre d’esclaves vendus par Samory en Afrique noire et particulièrement en

Côte d’Ivoire.

L’ouvrage38 de Jean-Noël LOUCOU, fait le bilan politique,

économique et social de la situation de la Côte d’Ivoire à l’ère de la pénétration

coloniale. Il présente d’abord, les systèmes politiques de la société précoloniale,

composés du système étatique caractéristique du monde mandé et akan, les

systèmes lignagers communs aux Krou, aux Lagunaires et aux Mandé Sud. Mais

la présence des colonisateurs français va entrainer un bouleversement de toutes

ces structures sociales. On observe une contradiction interne entre les classes et

les couches sociales. Notamment, l’opposition entre maitres et esclaves. Ainsi, ces

divisions internes vont entrainer la colonisation du pays baoulé et de la Côte

d’Ivoire entière. Cependant, cette étape de l’histoire concernant le Baoulé

particulièrement, doit être développée pour comprendre l’origine de l’opposition

entre maitre et esclaves devant la présence française.

DALI Mrad Inès traite de l’esclavage en Tunisie dans son ouvrage. Elle

fait une analyse comparative entre l’esclavage antique et l’esclavage dit moderne

d’aujourd’hui en Tunisie. L’auteur nous informe de l’origine de l’esclave tunisien.

Selon elle, les esclaves tunisiens ont été achetés pendant le commerce

transsaharien. Ces esclaves étaient exportés du Soudan et servaient à des travaux

domestiques ; ils devaient entretenir à la fois l’espace domestique et travailler les

terres agricoles des maîtres. Mais, en 1890, l’esclavage antique sera aboli en

Tunisie. Ainsi, au cours du XIXème siècle, l’esclavage, sous sa forme traditionnelle

a fini par disparaître, et avec l’indépendance et la mise en place de l’Etat-Nation,

toute différence de statut est juridiquement effacée. Mais le terme de l’esclavage

moderne utilisé par les organismes internationaux, s’avère inapproprié d’un point

de vue historique. Ce document, riche en enseignements, aborde les travaux

38 LOUCOU (J-N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête coloniale, CERAP, Abidjan, 150 P

Page 26: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

21

domestiques que faisaient les esclaves tunisiens et en général les esclaves

africains. Toutefois, même si nous traitions du même thème d’esclavage, les

espaces et les périodes étudiés ne sont pas les mêmes.

Revenons pour dire que plusieurs écrits ont été faits sur certaines parties

de notre travail. Mais notre sujet tel que formulé n’a encore fait l’objet d’une

étude précise. Cependant, tous les documents cités nous ont été d’un apport

considérable.

III. PROBLÉMATIQUE

Du XVème au XVIIIème siècle, l’Afrique va connaitre la traite négrière et

l’esclavage orchestrés par certaines puissances européennes pour plusieurs

raisons. La véritable motivation demeure économique. En effet, après la

découverte de l’Amérique en 1492, les Espagnols décident d’y cultiver du café, du

cacao, de la canne à sucre, du coton et d’exploiter les mines d’or. Ces travaux

cités exigent une main d’œuvre abondante et active. Or, la population blanche

existante est insuffisante d’où le recours aux esclaves noirs. Cette traite appelée

aussi la traite atlantique fut l’œuvre des Européens avec la participation de

certains chefs africains.

Ce commerce pratiqué de manière intense par les Hollandais, les

Français et les Anglais sera officiellement aboli en 1807, dans les colonies

anglaises et en 1817 en France et en 1818 en Hollande. Malgré l’abandon de cette

activité, force est de constater la pratique du commerce illicite à l’intérieur39de

l’Afrique, tout comme dans le Baoulé précolonial.

Les acteurs ici sont les Africains eux-mêmes ; les Européens sont

absents à Kotia Koffikro. Comment comprendre alors la naissance d’un marché

d’esclaves à Kotia Koffikro dont les acteurs sont les Africains eux-mêmes ?

39.LOUCOU (J- N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête

Coloniale, p24.

Page 27: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

22

Au-delà de cette question principale, il existe des questions subsidiaires

qui nous permettent de mieux cerner le problème à résoudre. Elles sont les

suivantes :

-Quels étaient les fondements historiques de la création dudit marché d’esclaves ?

-D’où provenaient les esclaves vendus sur le marché Kotia Koffikro ?

-Qui étaient les acquéreurs et comment obtenaient-ils les esclaves ?

-Quelles furent les répercussions de ce commerce d’esclaves sur les zones de

provenance et d’accueil ?

Ces questions secondaires vont nous servir de guide tout au long de notre travail.

IV. Les objectifs et les hypothèses de la recherche

a- Objectif général

L’objectif général de cette étude est de montrer l’entière responsabilité

des Africains quant au commerce des Noirs qui a lieu en Afrique et les raisons de

cette pratique à travers le marché d’esclaves de Kotia Koffikro.

b- Objectifs spécifiques

De cet objectif majeur émanent des objectifs spécifiques :

-identifier le contexte géo-historique de la création du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro de 1893 à 1894.

-montrer l’organisation et le fonctionnement du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro de 1894 à 1898.

-connaitre les répercussions du commerce d’esclaves de 1898 à 1906.

c- Hypothèses de travail

Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour mieux comprendre le contour du

travail. Elles se présentent de la manière suivante :

Page 28: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

23

- la position géographique de Kotia Koffikro en tant que carrefour et les guerres

samoryennes seraient à l’origine de la création du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro.

- Les cultures commerciales auraient joué un rôle déterminant dans le

développement du commerce d’esclaves.

-la création du quartier Liberté à Bouaké serait liée à la libération des esclaves de

Kotia Koffikro.

V. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Notre thème consiste à expliquer le système esclavagiste dans le

Baoulé-Nord, à partir du marché d’esclaves de Kotia Koffikro de 1893 à 1906. Ce

sujet ainsi formulé, s’inscrit dans le domaine de l’histoire économique et sociale

qui étudie l’évolution de l’économie et ses répercussions sur les conditions de vie

de la population étudiée. De ce fait, un plan de type chronologique s’impose à

nous. En outre, pour comprendre cette étude, nous avons utilisé, en plus des

documents d’histoire, des méthodes provenant des sciences auxiliaires de

l’histoire pour renforcer la fiabilité de la recherche.

1-La méthode des sciences auxiliaires à l’histoire

Pour cerner les contours des évènements propres à l’étude de l’histoire,

nous faisons appel aux sciences voisines de l’histoire, notamment la géographie,

la numismatique, la sociologie, l’archéologie, l’économie, la linguistique et la

philosophie. Toutefois, dans le cadre de notre étude, les disciplines comme la

géographie, l’économie et la sociologie ont été privilégiées.

La méthode de la géographie a été nécessaire pour la présentation et la

description des espaces étudiés. En effet, la géographie nous a permis de localiser

les différents espaces pris en compte par notre étude mais aussi de connaitre la

répartition des différents groupes ethniques baoulé sur la carte. C’est ainsi, qu’à

travers quelques informations, nous avons pu, avec l’aide de géographes,

constituer la carte du pays baoulé et la situation géographique de Kotia Koffikro

Page 29: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

24

dans l’ensemble du pays faafouê. En outre, à travers elle, nous avons compris les

raisons du développement de certains produits agricoles qui ont servi de moyen

d’échange dans le Baoulé, notamment : l’igname, le maïs, le manioc qui

constituent leur base alimentaire. En somme, la géographie a permis la

présentation et la description des espaces étudiés, de connaitre les cultures

favorables dans une zone de transition forêt-savane afin de comprendre l’histoire

économique et sociale de cette société.

Pour ce qui concerne la méthode de l’économie, nous avons utilisé

l’ouvrage des économistes, Christine Collette et Benoit Pigé. Dans cet ouvrage, ils

nous expliquent le système d’organisation qui permet à une société humaine de

produire des richesses, de les distribuer et de les consommer. Ces économistes ont

défini les caractéristiques propres à l’économie solidaire et l’économie sociale.

Ici, nous avons utilisé leurs méthodes et caractéristiques pour comprendre

l’économie précoloniale du Baoulé Nord. Aussi, la non-lucrativité individuelle qui

fait partie de l’économie solidaire qu’ils décrivent, constitue l’une des

caractéristiques fondamentales de l’économie précoloniale qui s’apparente à

l’économie de subsistance.

La sociologie nous a été utile dans la compréhension du système

esclavagiste du pays baoulé et de la Côte d’Ivoire tout entière. Certains

sociologues ont expliqué les raisons de l’esclavage. Il s’agit d’Inès Dali, Roger

Botte, Werner Sombart, Jean-Pierre Chauveau. Ces sociologues nous font

comprendre que l’esclavage est un fait propre à la plupart des sociétés antiques.

Roger Botte nous dit que le système esclavagiste des Africains est dû en grande

partie à la demande en matière première constante de l’Europe. Alors, l’on

comprend avec eux, que le comportement de la société dépend de la situation

ambiante dans laquelle elle se trouve. Werner Sombart, compare la mentalité

économique précapitaliste à la mentalité économique moderne. Il n’y a pas de

société stagnante, les mentalités font évoluer l’économie, il serait par conséquent

absurde de rester dans une économie de subsistance alors qu’on parle du

capitalisme, du profit, du gain. Ainsi, le planteur et l’artisan n’avaient pas dans le

Page 30: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

25

passé, la même notion de l’économie de subsistance. Nous nous sommes servi de

ces informations pour comprendre les raisons de l’esclavage en Afrique mais

aussi, ses répercussions sur la société ivoirienne.

Toutefois, il serait bon de présenter la documentation et les données

collectées à travers cette méthode.

2- Présentations et critiques des sources écrites, bibliographiques et orales

L’histoire est la connaissance ou la relation des évènements relatifs à

l’évolution de l’humanité d’un groupe social et des activités humaines qui sont

jugé digne de mémoire. Alors, pour comprendre l’histoire du Baoulé Nord, nous

avons utilisé les sources écrites, les sources documentaires et les sources orales.

2.1- les sources écrites

Elles sont composées des sources d’archives et des sources

imprimées.Les sources d’archives constituent des informations de premières

mains. Ces informations n’ont jamais fait l’objet de publication, de vulgarisation.

Les documents d’archives sont sous forme physique. Ils sont classés par séries et

par thèmes. Alors, aux archives, nous avons consulté les listes des différents

documents. En outre, notre thème se situant dans la période précoloniale et

coloniale, les sources d’archives ont été d’une importance capitale pour nous.

Ainsi, nous avons visité les archives nationales de Côte d’Ivoire sis à Abidjan et

les archives de la mairie de la ville de Bouaké. Dans ces maisons d’archives, nous

avons trouvé des documents sous formes manuscrites, imprimées et numériques.

Pour mieux clarifier notre démarche, nous allons présenter les sources d’archives

manuscrites et les sources imprimées, et apporter nos modestes critiques à leur

égard.

- Les sources d’archives nationales de Côte d’Ivoire

Nous faisons référence ici, aux sources d’archives d’Abidjan.

*Concernant les sources manuscrites, plusieurs séries ont été consultées :

Page 31: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

26

-La série EE pour la politique générale, regroupe tous les renseignements

concernant les affaires politiques générales du Baoulé-Nord. Repartie en plusieurs

sous séries ; la série 1EE 36 à 37 présente le rapport de tournée sur le secteur de

Bouaké en 1904. 1EE 35(4), opération militaire, région du Baoulé Nord, 1901.

2EE 14, Rapport au sujet de l’esclavage domestique, 1908.

- La série KK, se rapporte à la politique des travaux publics et transport. Elle est

composée des rapports, des enseignements, et des correspondances. Ce répertoire

couvre la période de 1897, date de la création des services des travaux publics et

des mines de la Côte d’ Ivoire à 1925. Ses sous-séries, en plus de donner des

informations sur le chemin de fer dans le Baoulé Nord, donne (série 2KK2), des

lois relatives au plan d’extension et d’aménagement des villes en 1919.

- La série QQ concerne les affaires économiques. Elle contient des rapports, des

procès-verbaux et des correspondances. Elle est composée de plusieurs sous-

séries qui donnent des informations, surtout concernant les activités économiques.

Nous avons utilisé la sous-série 1QQ 75 à 79, parlant des marchés coloniaux, de

la règlementation des droits de place sur les marchés et enfin des instructions

concernant les activités économiques du cercle du Baoulé Nord de 1912 à 1926.

- La série RR aborde les questions relatives à l’agriculture et à l’élevage. Elle

nous intéresse parce que toutes les sociétés ivoiriennes avaient l’agriculture

comme base de leur économie. Certains de ces produits agricoles vont servir de

monnaie dans les échanges du Baoulé Nord.

Malgré les informations reçues, certaines difficultés nous ont

néanmoins empêché d’obtenir le maximum d’informations que nous voulions

trouver. Nous savons fait des jours souvent à consulter des documents dont le titre

paraissait nous aider, mais rien en réalité, jusqu’à ce que nous arrivions à trouver

des informations de temps en temps. Notre thème se situant dans la période

précoloniale, les informations étaient rares ou parfois existaient mais s’avéraient

très difficiles à déchiffrer. Nous avons eu des cas où, la copie consultée se trouve

à moitié conservée ou des trous au milieu de la copie. Le mélange des copies des

Page 32: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

27

différents sous séries provenant de la même série ont été autant de difficultés

rencontrées. Après les archives d’Abidjan, nous nous sommes rendus aux archives

de la mairie de la ville de Bouaké.

- Les archives de la mairie de Bouaké

L’accès aux sources d’archives de Bouaké ont été très difficiles. Nous

avons procédé d’abord par une demande imprimée comprenant notre thème de

recherche et les informations provenant des responsables de la mairie que nous

souhaiterions avoir. Ensuite, nous avons déposé la demande imprimée

accompagnée de notre autorisation de recherche au service courrier de la mairie

sis au-dessus du super marché SOCOCE. Une semaine plus tard, nous avons été

guidés à la Direction des Services Administratifs(DSA). Après plusieurs rendez-

vous, avec certains responsables de la mairie n’ayant aucune idée sur notre thème,

nous avons été finalement reçus par Monsieur Coulibaly Mamadou, chef du

service d’archives et documentation. Il nous a rappelé que la crise de Bouaké a

emporté presque toute la documentation. Cependant, nous avons pu consulter

certains documents imprimés et numériques. Il s’agit d’un document regroupant

plusieurs informations provenant de diverses sources sur l’histoire de Bouaké.

Dans cette compilation, nous avons eu des copies qui traitent de l’origine des

Baoulé et de la création de Gbêkèkro en 1858. Ces faits avaient été racontés par

Dame N’goran N’guessan, 74 ans, petite fille de Kwa Gbêkè. Certaine partie du

document abordent la question du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, la

poursuite de Samory par les colonisateurs. En outre, nous avons consulté un

répertoire d’archives de l’histoire coloniale de la Côte d’Ivoire de 1838 à 1960.

Enfin, certaines informations géographiques et démographiques concernant le

quartier Liberté et Kotia Koffikro ont été reçues en fichier numérique. Malgré, les

difficultés susmentionnées, les photocopies des documents de la mairie ont été

faites au sein de la mairie gratuitement. Après, les archives, nous avons fait le

bilan des informations recueillies et leurs insuffisances nous ont conduites dans

les bibliothèques.

Page 33: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

28

-Les sources imprimées

Comme nous l’avons dit plus haut, la période de l’histoire de l’Afrique

noire avant la colonisation reste un problème, raison pour laquelle la

documentation sur cette période est presqu’inexistante aux archives. Néanmoins,

nous avons pu consulter certains écrits scientifiques tels que la série 9/3,

correspondant à l’ouvrage imprimé d’Yves Person qui relate en trois tomes toutes

les informations importantes sur Samory Touré. La série M/46, correspond à la

mémoire de maitrise de Yao Koffi Michel. Ces écrits apparaissent comme la

première documentation concernant l’économie baoulé et surtout l’organisation

politique, sociale et économique des faafouê à l’époque précoloniale. Nous avons

enfin consulté certaines publications officielles. Mais concernant notre thème,

seule les JOCI de 1899 1 et 2, JOCI 1910 et 1911 ont été utilisés. Contrairement à

certaines sources manuscrites, les sources imprimées étaient lisibles et bien

conservées. La seule difficulté était qu’il nous était impossible de sortir avec les

documents et la photocopie devrait se faire sur place, malgré le prix fixé. En plus

des sources manuscrites, nous avons les sources imprimées.

2.2- Les sources documentaires

La fréquentation des bibliothèques a été plus que nécessaire pour nous

dans la quête des informations. A cet effet, plusieurs centres ont été visités.

Notamment, la bibliothèque du Campus I de l’UAO de Bouaké, le Centre Culturel

Jacques Aka au quartier commerce de Bouaké, la bibliothèque du département

d’Histoire de l’Université Felix Houphouët Boigny et le CCF devenu aujourd’hui

l’Institut Français sis au quartier Plateau d’Abidjan. Dans cette bibliothèque

organisée, les ouvrages sont classés par section et numérotés par côte comme

suit : côte (960, EKA) correspond à l’ouvrage, le dernier siècle de l’Afrique libre

de Simon-Pierre Ekanza. En plus de ces ouvrages, nous avons utilisé les

dictionnaires et les encyclopédies.

Page 34: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

29

Toutefois, bien avant la recherche documentaire en bibliothèques, nous

avons procédé par la consultation d’Internet. Ces sites nous ont permis d’avoir un

aperçu général de la documentation existante sur notre thème mais en même

temps de vérifier, si notre thème n’a pas été déjà l’objet d’une étude. Ainsi

certains sites comme gallican, Persée, horizon documentation IRD ont-ils été

consultés. Nous avons eu sur ces sites le plus souvent, des résumés des travaux

déjà publiés, des mémoires, des articles de journaux, des revues scientifiques et

des Dictionnaires.

Après, la consultation d’Internet, des centres de documentation, nous

nous sommes rendu compte encore des insuffisances des informations. Pour

combler ce déficit, nous nous sommes rendus sur le terrain pour être en contact

direct avec les acteurs des événements étudiés.

2.3- Les sources orales

Le recours aux sources orales s’impose comme une nécessité pour la

quête d’information des sociétés africaines. Nous nous sommes rendus sur le

terrain pour être en contact avec les acteurs directs ou indirects de Kotia Koffikro

et Liberté. Car, ces textes oraux nous servirons de compléments d’informations et

de comparaisons des informations reçues à travers les sources écrites. Toutefois,

avant de commencer la collecte des témoignages oraux, nous nous sommes rendu,

en Mars 2016 à Kotia Koffikro et Liberté. En plus des deux, d’autres quartiers de

Bouaké ont été visités pour comparer les informations venant de l’intérieur du

quartier enquêté et des quartiers voisins, notamment Dar-Es-Salam, Kamounoukro

et Sokoura.

Nous nous sommes rendu dans le mois de Juin, sur le terrain pour

l’enquête proprement dite. A cet effet, nous avons élaboré un calendrier de

recherche et un questionnaire. En y allant, nous avons pris sur nous un téléphone

portable pour l’enregistrement, un appareil photo numérique, un stylo et un cahier

pour les prises de notes. Il faut ajouter à cela des présents insignifiants par apports

aux informations reçues qu’on offrait souvent aux informateurs. Il faut dire que la

Page 35: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

30

plupart des informations étaient données en Français, Malinké et Baoulé pour

Kotia Koffikro seulement. Malgré les démarches de l’enquête débutée en Juin, les

informations proprement dites ont été délivrés dans le mois d’Août. En effet,

après plusieurs échecs dans les différents lieux d’enquêtes, nous avons changé de

méthode qui consistait à présenter poliment les papiers administratifs pour que

l’on nous reçoive. La difficulté réside dans le fait que, la plupart des descendants

d’esclaves ont réussi à s’intégrer dans la société et, compte tenu de la période

reculée, les témoins oculaires n’existent plus.

Après ces échecs, nous avons changé de méthode. Alors, nous

choisissions dans chaque quartier à enquêter, un camarade étudiant qui y réside

pour nous servir de guide vers les populations de son quartier. Ainsi, sous l’aide

d’un camarade étudiant, nous sommes entré en contact avec le président des

jeunes de Kotia Koffikro, Monsieur Konan Sam-Elysée. Ce dernier nous a servi

de guide à Kotia Koffikro. Cependant, vu la durée de l’enquête, l’on ne pouvait

maintenir nos camarades étudiants pendant longtemps. Nous étions guidé

maintenant par la population. Cette dernière méthode a été avantageuse pour

nous. Car, nous avons cherché à connaitre les vieillards du quartier, les

responsables du quartier et les personnes anciennement établies dans le quartier

malgré leur âge. C’est par cette méthode que nous avons finalement repéré les

personnes que nous avons enquêtées.

Pour collecter les informations, nous avons utilisé les différents types

d’entretien à savoir, l’entretien non directif, l’entretien semi directif et l’entretien

directif. Dans le cadre de notre étude, compte tenu de l’âge avancé de nos

informateurs, nous avons procédé plus par l’entretien semi-directif. Car, ils se

perdaient assez en racontant les faits, alors nous étions obligé de les ramener à la

question à chaque fois. L’on procédait à l’entretien non-directif, laissant à

l’enquêté, le libre cours de dire ce qu’il sait sur la question.

Le premier lieu où nous avons été reçu fut Liberté. Nous avons été reçu

par le responsable djimini, Coulibaly Souleymane. Il est originaire de Dabakala et

Page 36: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

31

agent commercial à Gonfreville à la retraite. L’entretien a eu lieu le 17 et le 26

Août 2016. Les entretiens se faisaient à son domicile à Liberté de 16h à 17h 30

minutes, l’entretien était de type semi-directif. Monsieur Coulibaly Souleymane

s’exprime bien en français et avec lui, plusieurs points ont été abordés. Mais

l’accent a été mis sur l’origine du quartier Liberté et son appellation Djamourou

d’aujourd’hui. De son entretien, il ressort qu’après la capture de Samory, sa

grand- mère qui était à peine adolescente, fut conduite avec d’autres esclaves, par

le capitaine Benoit, à l’endroit où ils sont actuellement. C’est ce quartier qui sera

nommé Liberté par le Capitaine Benoit et Djamourou par la population. En outre,

il a présenté les différents chefs qui ont dirigé le quartier Liberté. Toutefois, en

plus de Coulibaly Souleymane, Diabagaté Nan Bèssè, Coulibaly Siaka et Bamba

Lama ont été interrogés.

Le deuxième quartier visité fut Sokoura. En effet, ce quartier

n’intervient pas directement dans notre étude, mais nous y avons effectué une

visite à cause du nom Liberté que porte l’un de ces secteurs. En outre, lors de

notre recherche sur l’emplacement du quartier Liberté que nous cherchions pour

notre thème, plusieurs personnes nous ont indiqué ce quartier sis aussi dans le

périmètre du troisième bataillon militaire de Bouaké. Alors, nous nous sommes

renseigné auprès de la population jusqu’à atteindre ce secteur. Nous avons été

reçu par Monsieur Samassy Karim qui nous à fait savoir que ce secteur s’appelle

Liberté du fait du cinéma "Liberté" devant lequel il était assis. Mais, le bas de du

bâtiment construit en étage sert aujourd’hui de permanence RDR du district

Sokoura dont il est lui-même membre. On retient dans cet entretien directif que, le

nom Liberté de l’un des secteurs du quartier Sokoura est dû au cinéma liberté qui

ne fonctionne plus depuis des décennies d’ailleurs et par conséquent, n’a aucun

rapport avec les esclaves libérés.

A Dar-Es- Salam, nous avons interrogé le vieux Tidjane Dramé. Un

Dafing, ex-Imam de la grande mosquée de Dar-Es-Salam, fils de Kolotoma

Dramé fondateur du quartier Dougouba de Bouaké. Nous avons utilisé l’entretien

semi directif avec ce vieillard de 88 ans. Il nous a entretenu le 18 et 30 Août 2016

Page 37: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

32

à son domicile sur l’origine des différents quartiers de Bouaké, sur le poste

militaire et surtout l’antériorité du quartier Liberté par apport à plusieurs quartiers

de Bouaké. Ces informations ont été renchéries par Dramé Youssouf, fils de

Dramé Lassina, premier responsable chargé des impôts à Bouaké à l’époque

coloniale, et lui-même professeur d’histoire- géographie à Adzopé. Avec lui,

nous avons visité les différents sites de marchés précoloniaux dont l’un était situé

sur des grosses pierres ou se trouve l’abattoir actuel de Bouaké et l’autre,

couronné par les mêmes grosses pierres à Dar-Es-Salam II. Ces sites étaient

traversés par la rivière Go pour l’abattoir et la rivière Abêbèli pour Dar-Es-Salam

II.

Nous avons été reçu à Kotia Koffikro par Monsieur Konan Sam-Elysée,

président des jeunes de Kotia Koffikro et N’guessan Kouakou, porte-parole de

Kotia Koffikro. Ici, dans un entretien semi directif, nous avons abordé les raisons

qui expliquent la présence du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, les moyens

d’échange utilisés sur ce marché, leur relation avec les habitants de Liberté et les

colonisateurs. Après les entretiens, nous avons prié le président des jeunes de bien

vouloir nous accompagner sur le site du marché d’esclaves. Ce qu’il fit d’ailleurs

sans hésiter. Nous avons visité le cimetière de Kotia Koffikro qui servait de

marché d’esclaves de Samory, visité l’ancien site du village et enfin, visité ce qui

reste de la rivière Go sur l’ancien site du village.

Enfin, Kamounoukro, le quartier qui fait face à Liberté a été visité. En

effet, après plusieurs tentatives pour la rencontre du chef, nous avons été reçu le

26 Août 2016 à 17h, par Nanan Agra Yao, chef du quartier de Kamounoukro. Les

entretiens concernaient les habitants de Liberté et de Kamounoukro. Nous avons

cherché l’origine du nom " maison de vente d’hommes " en malinké " mogo féré

bô " que la population de Bouaké a attribué à la grande maison peinte en jaune,

située en face du grand terrain de Kamounoukro, pour savoir s’il s’agissait d’une

maison habitée par les esclaves de Samory. En outre, Kamounoukro est séparé de

Liberté par la grande voie bitumée qui part à Katiola. Les informations venant

d’eux étaient nécessaires. La population de Kamounoukro était, plutôt ouverte

Page 38: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

33

aux échanges différemment au chef qui a soutenu qu’il ne livrerait pas en

l’absence de ses fils certaines informations. Ainsi, nous avons échangé avec

d’autres qui ont préféré garder l’anonymat, mais aussi avec dame Diomandé

Machiami, Traoré Awa.

Toutefois, les réponses aux questions posées se trouvent dans la partie

annexe de notre document. Après la collecte des informations, nous avons

procédé à leur traitement scientifique. En effet, après les entretiens, les

informations obtenues sont soumises à la comparaison entre elles et ensuite avec

les informations reçues à travers les sources écrites. Nous analysions les

ressemblances sans toutefois négliger les divergences. Suite au recoupement, nous

avons soumis les données aux différentes critiques notamment la critique de

crédibilité et d’authenticité. Après toutes ces démarches, nous avons dégagé les

intérêts de ces informations et procédé ainsi à la transcription.

En somme, les témoignages oraux nous été très utiles, dans la mesure

où certaines parties de notre travail n’ont pas été abordées par les écrits.

Notamment, la gestion du quartier Liberté, le sort des esclaves une fois installés à

Liberté mais aussi l’attribution du nom Djamourou au quartier Liberté. Ainsi, les

informations provenant des sources d’archives, des sources documentaires et des

sources orales ont permis d’élaborer un plan à travers lequel, nous allons repartir

les informations recueillies.

Page 39: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

34

VI. PLAN

L’examen de notre thème nous amène à bâtir notre réflexion autour de

trois parties. Lesquelles comportent chacune deux chapitres et des sous chapitres.

La première partie qui s’articule autour de deux chapitres, sera

consacrée à la présentation du contexte géo-historique de la création du marché

d’esclaves de Kotia-Koffikro1893-1894. Le premier chapitre montre les facteurs

géographiques de la création du marché et le second chapitre, les structures du

marché et les raisons de son développement à Kotia Koffikro dès 1893, date à

laquelle Samory amorce les démarches pour créer le marché d’esclaves de Kotia

Koffikro.

La deuxième partie du travail aborde l’organisation et le

fonctionnement du marché d’esclaves 1894-1898. Son chapitre I traitera du

commerce intérieur et extérieur en mettant l’accent sur le commerce muet,

commerce intercommunautaire, les acteurs du commerce et les centres

commerciaux. Dans le chapitre II, il sera question de la monnaie dans les

transactions à Kotia Koffikro, notamment, le système de troc, la marchandise

monnaie et la monnaie principale.

La dernière partie analysera les répercussions du commerce d’esclaves

de 1893 à 1906. Son premier chapitre met l’accent sur les effets économiques de

la vente des esclaves sur Kotia Koffikro, les zones de provenance et d’accueil des

esclaves. Le second chapitre sur l’impact démographique et social de la vente

d’esclaves qui se traduit par la psychose générale, la création du quartier Liberté

de Bouaké, l’augmentation du nombre d’habitants dans les zones d’accueil

d’esclaves et le dépeuplement des zones de provenance d’esclaves.

Page 40: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

35

PREMIÈRE PARTIE :

LE CONTEXTE GÉO-HISTORIQUE ET LA

CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA

KOFFIKRO (1893-1894)

Page 41: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

36

KOTIA KOFFIKRO DANS L’ENSEMBLE FAAFOUÊ (N°5)

Source : YAO K.M.40 1988 Conception : SOROGO Awa 2016 Réalisation :

OUATTARA A. 2016

40 YAO (K.M), 1988, L’économie faafouê à l’époque précoloniale, Mémoire de Maitrise

d’histoire, Université de Cocody, Abidjan, 27.

Page 42: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

37

La création du marché d’esclaves à Kotia Koffikro n’est pas fortuite. Pour

comprendre ce fait, nous allons montrer les facteurs géo-historiques de la création

dudit marché. Il conviendra de présenter alors les conditions humaines, naturelles

et les raisons historiques qui ont favorisé l’avènement du marché d’esclaves à

Kotia Koffikro. Toutefois, avant d’aborder la question du marché d’esclaves, un

accent sera mis sur le marché agro-pastoral de Kotia Koffikro avant l’arrivée de

Samory Touré. Aussi, présenterons-nous les conditions du développement de ce

commerce, en mettant l’accent sur la structure du marché et l’importance des

esclaves.

Page 43: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

38

CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS GÉO-HISTORIQUES DE LA

CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE

KOTIA KOFFIKRO DÈS 1893

Dans ce chapitre, nous parlerons des fondements naturels. Ces fondements

s’articulent autour des routes et des points d’eau. Ce sont des éléments qui vont

permettre à Samory et aux acteurs du commerce d’avoir accès à Kotia Koffikro.

L’esclavage était une pratique très ancienne des Africains. C’est d’ailleurs cela

qui a permis à Samory d’obtenir l’accord du chef Kotia.

I- les conditions naturelles de l’avènement du marché d’esclaves à Kotia

Koffikro

Plusieurs facteurs géographiques expliquent le choix de cette localité par

Samory Touré. Il s’agit de la position stratégique de Kotia Koffikro, la route du

Soudan et la rivière " Go ".

1. La position géographique de Kotia Koffikro

Le commerce d’esclaves a été possible grâce à la situation géographique

de Kotia Koffikro.

En effet, Kotia Koffikro est un ancien village qui tend à se confondre

actuellement à la commune de Bouaké. Aujourd’hui, il est devenu un quartier

périphérique de Bouaké. Situé juste après l’abattoir de la ville, sur la route de

Katiola qui mène à Korhogo41, l’importance de Kotia Koffikro résulte de sa

position géographique stratégique. Ce village situé lui-même en bordure de route

à cinq kilomètres42 du village de Gbêkêkro (Bouaké), représente un véritable

carrefour situé sur les grands axes de circulation des villes ivoiriennes : Abidjan

au Sud, Ferkessédougou au Nord et Danané à l’Ouest et des pays de la sous-

région : Soudan, Haute Volta et Niger. C’est par ces différentes voies que

41 GBODJE (S.A), 2010, « Le marché d’esclave de Kotia kofikro (1893-1898) » in Revue

Ivoirienne d’histoire, p52. 42 Idem, p52.

Page 44: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

39

viendront Samory Touré et les commerçants qui animeront le commerce

d’esclaves.

2. La densité des infrastructures routières

Les routes ont joué un rôle déterminant dans le déroulement des échanges

commerciaux de Kotia Koffikro. En outre, l’importance de ces routes réside dans

le fait qu’elles permettent de relier directement ou indirectement les centres

commerciaux et le village de Kotia Koffikro. Nous avons principalement :

-La voie occidentale, du Soudan (Mali), descend à Coulia en Côte d’Ivoire,

traverse les régions du Nord et arrive à Kotia Koffikro pour continuer à Tiassalé et

de là jusqu’au pays côtiers43.

-les voies centrales qui partent de la haute volta se ramifient sur le territoire

ivoirien à partir de Ouangolodougou, puis de Katiola arrive à Kotia Koffikro et

Tiassalé jusqu’à la côte.

-La voie centrale qui part de la haute volta, descend à Bouna puis de Sendegué à

Kotia Koffikro, longe Tiassalé et arrive à la côte.

En outre, ces informations sont complétées par Coulibaly Souleymane44 en

ces termes « La grande voie de Djamourou que tu vois, (passe par Kotia Koffikro)

est l’une des plus vieilles routes de la Côte d’Ivoire, mes parents ont travaillé

cette voie qui déverse sur Katiola, Korhogo et va même au Niger, Burkina Faso et

mali ; c’était la principale voie de Bouaké. »

Sans ces différentes voies, la circulation des commerçants et des

marchandises serait difficile.

43 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p57 44 COULIBALY (S), entretien semi-directif du 17 Août 2016 à Liberté.

Page 45: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

40

3. La rivière « Go », une source d’eau importante pour les voyageurs

Le pays baoulé est entouré de plusieurs fleuves, notamment les fleuves

Bandaman, N’zi et Comoé qui constituent tout le régime hydrographique45.

Cependant, concernant Kotia Koffikro, c’est la rivière Gô qui constituait une

source d’eau pour les voyageurs venus d’horizon divers. La rivière Gô,

presqu’inexistante, coule derrière l’actuel abattoir de Bouaké. Elle prend sa source

à Assoumabroukro, dans une petite forêt située dans les environs de l’usine

Robert Gonfréville46. L’eau de cette rivière a contribué à la bonne marche des

échanges commerciaux. Car, les commerçants y faisaient escale pour se

désaltérer. Tous ces éléments vont contribuer à la création du marché d’esclaves

de Kotia Koffikro.

II- Les raisons historiques de la création du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro

L’esclavage est un fait très ancien des sociétés africaines précoloniales.

C’est d’ailleurs ce qui a facilité l’accord de commerce entre Samory et le chef

Kotia Koffi.

1. Esclavage, une pratique ancienne des sociétés africaines

L’esclavage fut une pratique très ancienne des sociétés africaines. Au

départ, étaient esclaves, les descendants d’esclaves, les prisonniers de guerre et les

individus punis pour avoir commis des fautes graves : vol, viol, adultère et

meurtre. Ils étaient souvent vendus aux dignitaires des autres régions d’Afrique.

Ceux-ci travaillaient pour le compte de leurs maîtres, et pouvaient être affranchis

à la longue, pour leur bon comportement et des grands services rendus à leurs

maitres. Ces esclaves, une fois affranchis, intègrent la famille à laquelle ils

appartenaient auparavant.

45 LOUCOU (J-.N) et GARANGER (M), 1988, En pays baoulé, NEA, Abidjan, p14. 46 GBODJE (S.A), op. cit, p52.

Page 46: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

41

D’ailleurs, Fabio Viti47, nous dit qu’ : « Avant que les guerres

samoryennes (1893-1898) ne produisent une quantité de captifs jamais égalée, les

baoulés ne possédaient comme esclaves domestiques que ceux qu’ils avaient

amenés avec eux lors des migrations de l’Assante(…) ». Nous voyons ici que

l’esclavage existait bien avant la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro.

Aussi, en Côte d’Ivoire, il y avait des personnes qui devenaient des esclaves pour

avoir contracté des dettes dont ils n’arrivaient pas à s’acquitter. Ces personnes

furent données en garantie d’une dette contractée par la famille. Elles peuvent être

rachetées par les parents ou ceux qui les ont mises en garantie48.

Ainsi, ces personnes qui étaient des esclaves provisoires, sont moins

dispersées et en général bien traitées que celles vendues comme marchandises,

pendant la traite atlantique et la traite interne.

2. Le pacte de paix entre Samory Touré et le chef Kotia Koffi

Samory Touré, fils de Lanfiya Touré et de Masorana Kamara est né vers

1830 à Minianbaladougou dans l’actuelle Guinée. A partir de 1880, il se heurte

aux colons anglais et surtout français qui voulaient faire la jonction entre leurs

colonies du Sénégal et la Côte d’Ivoire49. Ainsi, dans son désir d’étendre son

empire financer, son expansionnisme et résister aux colons français et anglais,

Samory descend vers la Côte. Cependant, pour arriver à ses fins, il faisait la

guerre, pourvoyeuse d’esclaves et utilisait aussi le concept de la stratégie de la

terre brulée50. C’est surtout le commerce de ces esclaves qui sera générateur de

profit et pourvoyeur d’armes.

Après avoir ravagé le Nord de la Côte d’Ivoire51 ; Séguéla, Dabakala, Kong et le

pays Tagbana, Samory envoie ses sofas à la conquête du Baoulé-Nord,

notamment Gbêkêkro et Kotia Koffikro. En 1893, il arrive dans le Baoulé- Nord,

47 FABIO (V), 1999, « L’esclavage au baoulé précoloniale »in L’Homme, N°152, vol39, p57. 48 ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908. 49 Encyclopédie Microsoft Encarta, 2009.La partie historique. 50 Tactique de la terre brulée consistait à tout raser sur son passage afin de freiner la progression de

l’ennemie. C’est grâce à cette tactique qu’il a conquis Dabakala et le royaume de Kong. 51YAO (K..M), 1988, L’économie faafoue à l’époque précoloniale, mémoire de Maitrise

d’histoire, p110.

Page 47: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

42

après avoir fondé son quartier général à Dabakala. Ainsi, ces sofas qui ont pour

habitude de le devancer pour lui fournir des informations lui auraient dit qu’il

n’existait pas d’hommes à Kotia Koffikro et que ce n’était que des femmes.

Plusieurs sources nous l’attestent notamment : N’GUESSAN Kouakou52 porte-

parole de Kotia Koffikro :

« Comme je disais, les sofas de Samory le devancent et font des rapports

sur les lieux. Ils ont dit à Samory qu’il n y’avait pas garçon à Kotia Koffikro et

que tout le monde était en pagne. Lui, Samory ne se bat pas avec les femmes,

puis- qu’il n’y avait pas de garçons d’après lui, il n’y a pas fait eu ce conflit entre

nous. »

Les fondateurs de Dougouba, originaires de Marabadiassa, affirment la même

chose :

« Samory n’a jamais combattu les Baoulé, quand ces sofas sont arrivés

chez les Baoulé, ils l’ont informé qu’il n y’avait pas de garçon ici. Tout

simplement, parce qu’ils avaient attachés des pagnes et avaient des chapeaux sur

la tête et lui Samory ne se bat pas avec les femmes. Il s’est tourné vers les

Tagbana et les Djimini qui combattaient son frère Mori Touré de

Marabadiassa 53».

Par ailleurs, Samory, sur les conseils de Mori Touré de Marabadiasa qui

demanda l’hospitalité du chef Gossan Koua Gbêkê, décide de trouver un accord

avec Kotia koffi pour créer son marché d’esclaves54. Les informations reçues aux

archives55 de Bouaké confirment les propos de SANOU Moussa :

« Mais contrairement à ce qu’on attendait, il pactisa avec les Baoulé. (…)

Mory Touré et son successeur Lancina Touré conseillèrent à Samory de faire des

52 N’GUESSAN (K), entretien semi directif à Kotia Koffikro, 28 Août 2016. 53 SANOU (M), entretien semi-directif à Dar-Es-Salam, 18 Août 2016. 54 YAO (K.M), op.cit., p110. 55 MAIRIE DE BOUAKÉ, Bouaké et son histoire, données collectées par COULIBALY

Mamadou, 2016.

Page 48: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

43

Baoulé des alliées. Ce que fut fait Samory. Après, les négociations, des relations

commerciales intenses s’établirent entre les Baoulé et les troupes de Samory. »

Kotia Koffi, était originaire de la tribu Faafouê et fondateur du village de

Kotia Koffikro. Il fut le chef suprême des Baoulé faafouê dans le Baoulé-Nord.

Mais, la population de Kotia Koffikro soutient qu’il n’était pas le chef, mais plutôt

le petit frère du chef qui n’était pas charismatique et trop calme pour être chef.

Ainsi, le fait que les colonisateurs l’ont trouvé à la tête de" Kouchakro" qui veut

dire "village de la famille Koutcha" ; ils ont attribué le nom de Kotia Koffi au

village pour donner Kotia Koffikro. Ces faits sont racontés par N’GUESSAN

Kouakou et KONAN Sam-Elysée :

« Aussi le nom de Kotia Koffi va rester sur le village malgré qu’il ne fût

pas le chef. C’est la même famille KOTIA, mais c’est Nanan KOTIA, le grand

frère de Kotia Koffi qui était le chef. Mais il est trop calme, c’est ainsi que son

frère Koffi qui était un guerrier robuste, très voyou et mystique, va gérer le

pouvoir. Il va mourir en 1898, après la capture de Samory. Les Blancs ne

pouvaient pas mettre la main sur lui. C’est sa femme qui aurait informé les Blancs

qu’il dormait dans un grand baobab à Traino ; elle les a accompagnés et quand

le chef a vu sa femme il est devenu humain et les blancs ont tranché sa tête et l’on

emportée. Nos parents l’ont enterré sans tête ».56

Admirant la démarche de Samory Touré, Kotia Koffi et son peuple lui

réservèrent un accueil chaleureux. A l’arrivée de Samory, le chef Koua Gkêkê

préside la cérémonie officielle de conclusion du traité de non-agression avec son

homologue Samory ainsi qu’avec la médiation des Touré de Marabadiasa et

finalement « Les deux hommes politiques (Kotia Koffi et Samory) se saluent et

concluent un pacte de paix et de non-agression dont le symbole reste une

poule ». 57 Samory revint dans le village en 1894 et crée le marché d’esclaves de

Kotia Koffikro. Mais, d’où provenaient les esclaves ?

56 KONAN (S-E) et N’GUESSAN Kouakou, entretien semi –directif du 28 Août 2016. 57GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p53.

Page 49: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

44

3. Les guerres samoryennes, réservoir potentiel d’esclaves

Samory voit l’importance des Baoulé en tant qu’alliés, car ceux-ci étaient

de gros producteurs de denrées alimentaires et avaient des débouchés directs avec

la côte58, qui avait des relations commerciales avec les Européens qui leur

fournissaient des armes et des munitions. Par conséquent, les Baoulé devraient

fournir des produits alimentaires, des armes et en retour, recevoir des captifs de

Samory.

Concernant l’origine des captifs de Samory, Fabio Viti59, nous dit qu’ils

les razziaient en grand nombre dans les savanes du Nord ivoirien. Ici, le terme qui

est attribué aux esclaves est « kanga60 » l’esclave acheté en baoulé et « djon » en

malinké. Ces esclaves venus du Nord étaient généralement, des ressortissants du

pays Tagbana61, Djimini, Diamala et Koro. Konan Sam-Elysée62 ajoute pour dire

que « de Dabakala, il fait le ratissage de toutes les localités qui étaient sur sa

route jusqu’à chez nous ici. Les captifs qu’il envoyait étaient des Tagbana et des

Djoula. » En plus de ceux-ci, des personnes qui fuyaient devant Samory pour

échapper au massacre étaient capturées. Selon un rapport de l’ANCI63, « Ces

malheureux hommes, femmes et enfants envahissent le Baoulé et se réfugient dans

de différents villages. Mais ils devenaient là, des captifs » préférant la captivité à

une mort certaine. En outre, des captifs Abron et N’zoko anciens habitants de

Begho64 furent des captifs de Samory, tous hostiles à l’islam. Enfin, Roger

BOTTE65 donne des indices sur le nombre de captifs vendus par Samory en

Afrique Occidentale Française vers 1900.

58KOUAME (N.B), 2015, les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du baoulé de

1850 à 1980, p103. 59 FABIO (V), 1999, « L’esclavage au baoulé précoloniale »in L’Homme, N°152, vol39, p55. 60Idem 61 KOUAME (N.B), op.cit, p107. 62 KONAN (S-E), entretien semi-directif du 28 Août 2016. 63 ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908. 64 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p55.

Page 50: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

45

NOMBRE D’ESCLAVES VENDUS PAR SAMORY VERS 1900 EN AOF

PAYS NOMBRE DE CAPTIFS

SÈNÈGAL 200.000

GUINÈE 400.000

CÖTE D’IVOIRE 500.000

Source : Roger BOTTE conception : SOROGO Awa

On voit que le nombre d’esclaves vendus en Côte d’Ivoire excède celui des

autres pays. L’on doit retenir que c’était un véritable « boom négrier »66, car toute

l’Afrique noire, était submergée d’esclaves cédés à vil prix pour les immenses

besoins de Samory.

Pour faciliter son commerce, il va créer un marché sous la complicité du

chef Kotia de Kotia Koffikro. Il conviendrait de retenir que la position stratégique

de Kotia Koffikro, les routes et la rivière Go ont été un facteur déterminant à la

création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro. Cependant, l’existence de ce

marché a été possible grâce aux conquêtes de Samory et de ces sofas qui ont

capturé et transformé en esclaves les populations des savanes Nord et Nord-Est

ivoirien. La création de ce marché attirera les populations de toutes les régions de

la Côte d’Ivoire.

65BOTTE (R), 2000, « L’esclavage Africain après l’abolition de 1948 ; servitude et droit du

sol » in annales d’histoire sciences sociales, vol55, pp1009-1037. 66 Idem

Page 51: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

46

CHAPITRE DEUXIÈME : LA STRUCTURE DU MARCHÉ D’ESCLAVES

ET LES RAISONS DE SON DÉVELOPPEMENT

A KOTIA KOFFIKRO DÈS 1894

Plusieurs raisons ont motivé la création du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro. Parmi ces raisons, figure l’existence d’un ancien marché local

agropastoral. A côté de ceci, fut créé le marché d’esclaves. Néanmoins, comment

était constitué ce marché ? Quelles furent les causes de son expansion ?

Nous tenterons, tout au long de ce chapitre de répondre à ces différentes

préoccupations.

I- L’avènement du marché d’esclaves

Nous montrerons d’une part, l’existence du marché agropastoral de Kotia

Koffikro avant la naissance du marché d’esclaves de Samory, et de l’autre, la

constitution dudit marché.

1. Le marché agro-pastoral avant l’arrivée de Samory

Les Baoulé Faafouê étaient, à l’origine, des agriculteurs. Ils cultivaient des

produits alimentaires dont le surplus servait à la commercialisation. En outre, ces

produits faafouê étaient constitués d’ignames, de manioc, de riz, de maïs, de

moutons et de chèvres. A ces produits alimentaires, viendront s’ajouter des armes

et des munitions provenant des côtes, en relation commerciale aves l’Europe. Ce

commerce interne sera important, car il met des structures au service du nouveau

commerce d’esclaves créé en 1894.

2. La structure du marché d’esclaves

En 1894, Samory, avec l’accord de Kotia Koffi, crée son marché

d’esclaves à côté du marché agro-pastoral qui existait déjà67. Le cimetière actuel68

67 GBODJE (S.A), 2010, op, cit, p54.

68 Idem, p52.

Page 52: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

47

de Kotia Koffikro occupe le site du marché d’esclaves. Les habitants de Kotia

Koffikro confirment ce fait en ces mots :

69« C’est ici qui était le marché d’esclaves, mais c’est devenu notre

cimetière maintenant. Où il y’a le grand arbre au fond du cimetière, c’est la bas

Samory exécutait les restes d’esclaves non achetés. L’autre côté du cimetière est

réservé aux enfants et aux personnes qui meurent suite à une épidémie. »

Mais vers la fin de l’année 1894 le commerce d’esclaves surpasse celui de

l’ancien marché et entraine sa disparition. Concernant, la structure de ce marché,

Fabio Viti70 nous dit qu’ : « il n’existait pas vraiment de marché pour les

esclaves ». En effet, le marché dont il est question ici, est un espace en plein air

dont le commerce se faisait nuit et jour71. En plus, l’on avait de petites cabanes

soutenues par des piliers en bois et recouvertes de pailles72 qui servaient de lieu de

conditionnement des captifs à vendre.

Dès lors, les personnes capturées par Samory et ses Sofas deviennent des

marchandises prisées, surtout à cause des travaux qu’elles pouvaient accomplir.

II- Les facteurs de développement du commerce d’esclaves

Le commerce des esclaves a eu de l’essor parce que les esclaves jouaient

plusieurs rôles dans les sociétés africaines. Parmi ces raisons nous retenons

l’esclave en tant que moyen de production économique, un prestige pour le peuple

Akan et, enfin l’esclave en tant partenaire de reproduction biologique.

1. L’esclave, une main d’œuvre disponible

L’esclavage est certes, une pratique très ancienne des sociétés africaines,

mais le système esclavagiste dont on traite ici est lié au changement de traite dû à

l’abolition de la traite négrière. En effet, la suppression de la traite négrière

69 KONAN (S-E), entretien semi directif à Kotia Koffikro, le28 Août 2016. 70 FABIO ( V), 1999, op.cit, p63 71YAO (K.M), 1988, L’économie faafoue à l’époque précoloniale, mémoire de Maitrise

d’histoire, p110. 72GBODJE (S.A), 2010, op.cit. p55.

Page 53: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

48

entraine un nouveau type de commerce entre l’Europe et le golfe de Guinée au

XIXème siècle. Car, l’on part du commerce illicite au commerce licite basé sur les

produits naturels (huile de palme, le caoutchouc, le café, le cacao et le coton) et

les produits animaux (ivoire, peaux).

Vu l’importance des échanges, les Africains vont abandonner l’ancien

mode de production lignager au profit du mode de production esclavagiste dans

lequel l’esclave constitue le seul moyen de production. C’est dans cette

atmosphère de quête de biens, matériels qu’apparait l’importance du commerce

d’esclaves initié par le conquérant manding.

Ainsi, les chefs baoulé et gouro autochtones de la région de Bouaké, les

populations du Baoulé Sud, les chefs Agni et les populations de la zone côtière

(Assinie, Grand-Bassam et Sassandra) viendront à Kotia Koffikro pour s’acquérir

des esclaves.

En outre, vu la forte demande de l’Europe en matières premières, les

populations qui étaient en nombre insuffisant pour la production et la

commercialisation faisaient recours aux esclaves. Ce fut, notamment, le cas des

lagunaires et des Agni. En effet, les lignages de la région lagunaire étaient des

grands producteurs d’huile de palme, dont la production nécessitait une main

d’œuvre servile d’où le recours aux esclaves. Selon l’ANCI, « un certain nombre

d’individus vendus par Samory aux baoulé furent achetés par les Allandian et les

Adioukrou. »73

En plus, Roger Botte nous apprend que certains Européens encourageaient

les Africains pour la production agricole et indirectement, pour la pratique du

système esclavagiste : « ainsi est-il recommandé au commandant d’une expédition

britannique(…) de s’efforcer d’amener les populations riveraines, de montrer les

bénéfices qu’elles retireraient en occupant leurs captifs à l’agriculture… ». L’on

comprend dès lors le rôle que devaient jouer ses esclaves.

73ANCI, 2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti-esclavagiste.

Page 54: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

49

Ainsi, ces esclaves achetés avaient essentiellement un rôle économique. Ils

devaient assurer les travaux champêtres, les tâches domestiques, le portage et

l’artisanat (orfèvrerie et tissage). Selon, N’GUESSAN Kouakou74 « Du moment

où tu achètes l’esclave, il t’appartient, il peut faire toutes sortes de travaux. Ils

faisaient les travaux champêtres, l’élevage. Les femmes aidaient nos mamans

dans les travaux de la maison. » Toutefois, le rôle de l’esclave n’est pas

qu’économique.

2. L’esclave, un prestige pour le peuple Akan

L’esclave, en plus du rôle indéniable qu’il joue dans la production

économique, est un élément prestigieux pour la dignité de son maitre. En effet, le

rang social en Afrique précoloniale s’apprécie, en plus de la richesse, du nombre

d’esclaves au service d’une personnalité. C’est ainsi que « les autorités

traditionnelles ne se privent pas de s’entourer d’innombrables esclaves

domestiques, à la fois sources de richesses matérielles et de prestige social75 ».

Par ailleurs, ces esclaves qui rehaussent tant leur prestige social, servaient

à une autre fonction ignoble : celle de l’immolation rituelle. En outre,

l’immolation rituelle se pratiquait dans les sociétés Akan, lors des décès et des

funérailles des chefs importants. En effet, dans la thèse76 de Monsieur Kouamé,

Kouamé Kouakou nous dit que : « lorsqu’un roi ou un chef important décède,

pour que les parents du défunt puissent pleurer il faudrait que sur le champ, la

tête d’un esclave soit tranchée. » Et en plus de celui-ci, on offrait d’autres

esclaves pour accompagner le maitre ou le roi. Ainsi, on ne pouvait enterrer un

chef important sans que les esclaves ne l’accompagnent. Certains captifs

servaient, en plus des rôles susmentionnés, à la reproduction.

74 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro du 28 Août 2016. 75 EKANZA (S-P), 1995, Le dernier siècle de l’Afrique libre, p103. 76KOUAME (N.B), op.cit. p111.

Page 55: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

50

3. L’esclave, partenaire de reproduction biologique

Pendant, la traite atlantique les hommes étaient les esclaves les plus

recherchés tandis que dans la traite interne les femmes sont les esclaves les plus

achetées. Cette situation s’explique par le fait que les femmes, pour les lignages

d’accueil, étaient, en plus des agents économiques, des agents de reproduction.

Par son travail, elles devaient contribuer à enrichir le lignage acquéreur. Par ses

maternités, elles devaient également participer à l’accroissement de la population

du lignage. C’est à cela que Fabio Viti, fait allusion en ces termes « précieux en

tant que main d’œuvre et parfois en tant que partenaires sexuels et

matrimoniaux … »77.

Ainsi, le mariage entre deux esclaves existait mais le mariage d’une

esclave avec un homme libre fut le plus fréquent. Car, les enfants issus des

unions mixtes de ces derniers étaient des hommes libres et ne 78« reconnaissait

qu’un seul côté de leur parenté, celui du parent libre ».Par conséquent, ces

esclaves étaient bien traités et vite intégrés à la famille.

En somme, nous pouvons dire que l’existence du marché agropastoral de

Kotia Koffikro a été un cadre d’échange et un modèle de marché important avant

sa transformation en marché d’esclaves par Samory en 1894.

Néanmoins, ce marché a eu de l’essor à cause du système esclavagiste des

sociétés africaines engendré par un nouveau type d’échange commercial avec

l’Europe et les pays du golfe de Guinée. Ce qui nécessitait une main d’œuvre

importante ; d’où le recours aux esclaves commercialisés par Samory à Kotia

Koffikro. Enfin, ces esclaves, en plus d’augmenter la production des biens et

matériels et le prestige social de leur maitre, servaient à l’immolation rituelle et

contribuaient à la production biologique et sociale.

77 FABIO (V), 1999, op.cit, p67. 78 Idem, p72.

Page 56: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

51

L’importance de ce marché, outre de contribuer au développement du

commerce interne, va propulser les Baoulé faafouê dans le commerce à longue

distance.

Page 57: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

52

DEUXIÈME PARTIE :

L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU

MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA KOFFIKRO

(1894-1898)

Page 58: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

53

Cette deuxième partie est divisée également en deux chapitres. Le chapitre

premier traitera du commerce intérieur en mettant l’accent sur le commerce

immédiat et le commerce intercommunautaire. Il sera question aussi de préciser

les raisons de la participation des Faafouê au commerce à longue distance et

l’organisation des échanges. Quant au deuxième chapitre, il montrera les moyens

d’échanges utilisés dans les transactions à Kotia Koffikro, notamment, le système

de troc, la monnaie marchandise et les monnaies principales.

Page 59: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

54

CHAPITRE TROISIÈME : L’ORGANISATION DU COMMERCE

D’ESCLAVES

Depuis le Moyen âge, l’économie de l’Afrique occidentale est dominée par

le commerce, notamment le commerce transsaharien et le commerce maritime.

L’abolition de la traite atlantique entraine l’avènement d’un commerce basé sur la

vente des produits naturels agricoles, animaux et artisanaux. Dans ce commerce,

les lagunaires étaient les intermédiaires entre les Européens et les peuples de

l’intérieur. Mais, avec la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, les

Faafouê qui n’étaient pas à l’origine des commerçants vont se voir propulser au

centre des activités commerciales.

I- Le commerce intérieur

Dans le commerce intérieur, toutes les activités commerciales se

déroulaient à l’intérieur du territoire. Ce commerce a eu lieu entre les Faafouê. De

ce fait le commerce intérieur pouvait se percevoir à deux niveaux : le commerce

immédiat et le commerce intercommunautaire.

1. Le commerce immédiat

L’économie précoloniale était caractérisée par une économie agricole

d’autosubsistance.

Le commerce immédiat est l’activité commerciale qui se faisait sans

intermédiaire au niveau local. Dans ce commerce 79« c’était généralement les

soirs, à la descente des champs » que les produits étaient échangés pour leur

valeur d’usage.

En effet, ces échanges se limitaient à la tribu ; entité sociale et politique

organisée et dirigée par un chef qui est généralement un ancien, désigné selon

l’ordre de la succession. C’était donc un commerce entre Faafouê gossan basé sur

les produits contre produits. Dans ce commerce, les produits commercialisés

79 GBODJE (S.A), 2005, op.cit, p150.

Page 60: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

55

étaient des produits agro- pastoraux (ignames, manioc, taro, riz, maïs, bananes,

piments, aubergines, gombo, moutons, chèvres et poulets), le vin de palme, le

pagne, la potasse, le savon, le tabac, et les objets de l’artisanat 80(assiettes,

paniers, corbeilles, vans, canaris). De ce fait, toute personne possédant des

marchandises ou voulant se procurer un produit pouvait prendre part aux échanges

dont il n’y avait aucune règle ou du moins « écartait toute notion de marché au

sens économique du terme. Aucun bénéfice n’était réalisé sur les

marchandises.»81 Les produits agricoles ou d’élevage sont échangés de façon

directe entre les membres de la tribu ou les membres du village. Le commerce

immédiat va évoluer pour donner naissance au commerce intercommunautaire.

2. Le commerce intercommunautaire

Ce commerce se déroulait dans l’anonymat. Les partenaires commerciaux

ne se voyaient pas. L’objet désiré par les voisins était à un endroit bien précis,

celui-ci arrivait, le prenait et laissait le sien. Ce commerce a été possible parce

qu’il reposait essentiellement sur la confiance mutuelle. Aussi, les négociants

devaient-ils être de bonnes moralités, habiles, honnêtes et discrets. En outre,

Michel Yao ajoute pour dire que « les lieux d’échange étaient constamment

surveillés par des jeunes mandatés par les commerçants et ces jeunes devaient

informer les associés commerciaux quant à la nature des objets proposés. »

Les distances n’étaient pas longues (c’était des pistes bien tracées qui

reliaient les différents sites villageois) des marchés ce qui faisaient que les

attaques des animaux étaient rares, ainsi que les voleurs. Ce commerce a eu

surtout de l’ampleur avec la création du marché de Gbêkêkro82, en 1858. Les

populations engagées dans ce commerce se connaissaient. Ce qui facilitait la

communication et les échanges. Les produits échangés étaient les mêmes que ceux

cités précédemment. Mais, à partir de 1894, avec la création du marché

80 YAO (K.M), 1988, p105. 81 Idem 82 Ibidem

Page 61: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

56

d’esclaves de Samory, les Faafouê vont se lancer dans le commerce à longue

distance.

II- Le commerce extérieur

Le commerce s’intensifia dans le pays baoulé, surtout avec la création du

marché d’esclaves de Kotia Koffikro. Néanmoins, ce commerce va bénéficier de

l’apport considérable de plusieurs acteurs commerciaux.

1. Les raisons du commerce à longue distance

Après l’abolition de l’esclavage, l’or et les noix de cola semblaient être les

produits qui comptaient plus dans les échanges à l’intérieur de la Côte d’Ivoire.

Or, les populations du Baoulé-Nord ne produisaient aucune de ces matières,

contrairement à leur voisin Baoulé du Sud qui produisaient l’or en grande

quantité. Étant, des agriculteurs, les produits qu’ils cultivaient ne suscitaient

aucun intérêt pour les commerçants.

Mais, avec la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro en 1894,

les Faafouê qui étaient des agriculteurs, s’insèrent dans le commerce à longue

distance, sous l’impulsion des étrangers. On comprend, dès lors que le marché

d’esclaves de Kotia Koffikro, symbole de l’ouverture, était d’une valeur

inestimable pour les Faafouê.

En outre, ce sont les étrangers avec lesquels les Faafouê étaient en relation

commerciale qui vont les inciter à se lancer dans le commerce à longue distance.

Cependant, malgré l’importance de ce trafic, Samory n’assistait pas aux échanges

sur le marché. Les témoignages oraux de Kotia Koffikro l’attestent :

« Nos parents disent que Samory lui-même, ne venait jamais sur le

marché. Il y’avait une partie des sodjas qui restaient avec Kotia Koffi et Gnacou

N’guessan pour vendre les esclaves. Maintenant, les monnaies et les

marchandises obtenues lors de la vente étaient gardées par le chef Kotia Koffi,

Page 62: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

57

qui remettait lui-même à Samory. Mais c’est Samory lui-même qui exécutait les

esclaves qui n’ont pas été acheté. »83

Selon KONAN Sam-Elysée, GNACOU N’guessan était celui :

« qui commandait à Koutchakro. C’est la même famille mais, il vivait à

Gnacoukro donc il ne pouvait pas être chef de Gnacoukro et d’ici en même temps.

Gnacoukro, c’est le site qu’occupe l’aviation, c’est devenu un quartier de

Gonfreville maintenant. Les décisions finales de Koutchakro appartenaient à

GNACOU, on ne prenait pas de décision sans lui. Il était l’interprète des fahali

devant les colons. C’est lui qui a donné le terrain où ils ont construit l’abattoir de

Bouaké».

Tous ces témoignages montrent bien que, même les responsables de Kotia

Koffikro prenaient une part active à la réussite de ce commerce.

A partir de cet instant, les Faafouê en particulier, et en général, le Baoulé-

Nord, s’ouvrent au mouvement commercial qui verra la participation des

populations venues d’ailleurs pour se procurer des esclaves.

2. Les acteurs commerciaux

La création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro a vu la participation

de plusieurs acteurs commerciaux venant d’horizons divers selon, GBODJÉ

Alphonse84. Pour l’essentiel nous pouvons citer :

-Les peuples autochtones de la région de Bouaké qui furent les premiers

acquéreurs d’esclaves. Il s’agit, notamment des Baoulé et des Gouro. A eux,

s’ajoutent les populations du Baoulé-Sud,

-les Dioula qui descendent de Kong, Bondoukou, Bouna pour participer

directement ou indirectement au commerce d’esclaves du Baoulé-Nord,

-les chefs Agni de Bongouanou, d’Abengourou.

83 N’GUESSAN (K), entretien semi- directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 84 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p56.

Page 63: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

58

- Les peuples côtiers : Alladian, Odzukru, et Apollonien.

Nous ne passerons sous silence les actions des chefs Faafouê Kotia Koffi

et Kwa Gbêkê, et de Samory Touré. Le levier de l’organisation parfaite de ce

commerce d’esclaves à Kotia Koffikro fut Gnacou N’guessan, considéré

comme « le ministre du commerce du chef Kotia. »85

III- Les centres, les circuits et les produits commerciaux

L’étude des échanges commerciaux passe par la mise en relief des centres,

circuits et les produits qui servaient de transactions entre les négociants.

1. Les centres commerciaux en relation avec Kotia Kofikro

Compte tenu de l’importance des échanges commerciaux au XIXème,

plusieurs centres commerciaux entraient en contact avec Kotia Koffikro et

l’ensemble du Baoulé-Nord. Les localités de Kotia Koffikro, Tiébissou, Sakassou,

Kokumbo, Toumodi, Tiassalé, Marabadiassa et Satama entretenaient les relations

commerciales avec l’extérieur86.

Ce commerce se déroulait entre Kotia Koffikro et le centre commercial de

Kong, Bouna, Odienné, Bondoukou et les régions côtières comme Grand-Bassam,

Grand-Lahou, Assinie et Sassandra87. Le mouvement des commerçants reliaient

directement ou indirectement le village de Kotia Koffikro à plusieurs centres de

commerce pour l’achat ou la vente des produits.

85 Idem 86YAO (K.M), op.cit. , p112. 87 GBODJE (S.A), op.cit., p56.

Page 64: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

59

2. Les circuits commerciaux

LES CENTRES COMMERCIAUX CONVERGEANT A KOTIA

KOFFIKRO (N°6)

Source : GBODJE S.A88. 2010 Conception : SOROGO Awa

Réalisation : OUATTARA A. 2016

88 GBODJÉ (S.A), 2010, op.cit, p58.

Page 65: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

60

Plusieurs voies commerciales reliaient les autres centres commerciaux à

Kotia Koffikro. Parmi ces multiples circuits commerciaux, nous pouvons

citer quelques-uns à partir de l’ouvrage de GBODJÉ Alphonse89.

- La voie Occidentale, du Soudan(Mali), descend à Coulia en Côte d’Ivoire,

traverse les régions d’Odienné, Djibiosso, Kani, Mankono, Botro, Kotia Koffikro

(Bouaké), Toumodi et Tiassalé jusqu’aux pays côtiers, Grand-Lahou, Grand-

Bassam et Jacqueville.

-Les voies centrales qui partent de la Haute-Volta se ramifient sur le territoire

ivoirien, à partir de Ouangolodougou, traversent les localités de Korhogo,

Dikodougou, Tortya, Niakaramadougou, Fronan, Katiola, Kotia Koffikro,

Toumodi, Tiassalé et arrivent à la côte.

-La voie orientale qui part de la Haute-Volta, descend à Bouna et traverse les

régions de Bondoukou, Sandegué, Kotia Koffikro, Toumodi, Tiassalé, et arrive à

la côte.

En plus de ces trois principales voies, nous avons des pistes90 dont Kotia

Koffikro-Gbêkêklo-Sakassou-Gbêkêklo-Kouadio-koffi-Tiébissou-Trikassou-

Kokumbo-Toumodi-Tiassalé. C’est par ces différentes voies que viendront les

commerçants pour échanger leurs produits contre la marchandise humaine.

3. Les produits commerciaux

Le commerce à longue distance a bénéficié de plusieurs produits. Le

monde faafouê avait des produits commerciaux comme les esclaves, les produits

agricoles : ignames, manioc, taro, riz, maïs, bananes, piments, aubergines, gombo,

moutons, chèvres, poulets. Il y’avait aussi le vin de palme, le pagne baoulé, la

potasse, le savon, le tabac. Les produits de l’artisanat : panier, corbeilles, van,

canaris.

89 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p57. 90 YAO (K.M), 1988, op.cit., p112.

Page 66: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

61

Des produits européens provenant de la côte: armes à feu, poudre, outils,

verroteries, alcools constituaient en outre les produits d’échanges. Enfin, les

soudanais venaient avec eux du fer et du sel du Nord.

Au total, nous pouvons dire que le commerce existait à Kotia Koffikro et

dans l’ensemble baoulé avant la création du marché d’esclaves dans cette localité.

Il s’agit du commerce immédiat et le commerce intercommunautaire qui

constituent le commerce interne du monde faafouê. Toutefois, c’est ce marché

dont le produit commercial prisé constituait l’esclave qui va propulser les

Faafoué au centre du commerce à longue distance avec les étrangers venus

d’ailleurs pour les échanges.

Page 67: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

62

CHAPITRE QUATRIÈME : LA MONNAIE DANS LES TRANSACTIONS

A KOTIA KOFFIKRO DE 1893 A 1898

Le commerce entre Kotia Koffikro et les autres régions de la Côte d’Ivoire

a bénéficié de plusieurs et différents moyens d’échange. Cependant, malgré ces

multiples et spécifiques moyens d’échanges, nous allons, dans le cadre de notre

étude, les classifier en trois groupes, à savoir le système de troc, la marchandise-

monnaie et les monnaies principales.

I- Le système de troc et la marchandise monnaie

Dans cette partie, nous allons définir le troc, montrer ses conditions d’utilisation et

présenter les produits qui composent la marchandise-monnaie.

1. Le système de troc

Le troc est un système économique dans lequel, les marchandises

s’échangent contre d’autres marchandises, sans recours à la monnaie91. Aussi, le

Robert92 nous dit que le troc est un système économique primitif, excluant

l’emploi de la monnaie. De ces deux définitions, nous pouvons dire que le

système de troc est le mode de change le plus ancien et le plus utilisé par toutes

les sociétés, même les plus primitives pour acquérir les produits de leurs choix et

satisfaire ainsi leur besoin. Le système de troc qui est le symbole de l’économie

primitive consiste en un échange direct ou indirect de diverses marchandises entre

deux interlocuteurs.

Dans le système de troc, les échanges reposent sur deux éléments

fondamentaux : la valeur et la qualité du produit. A cela s’ajoute la fonction. C’est

ce que dit d’ailleurs le sociologue Werner93 : « Dans la mentalité économique

précapitaliste l’économie n’avait qu’un but ; la satisfaction des besoins, mais si

91Encyclopédie Microsoft Encarta, 2009.La partie historique. 92 Dictionnaire le Robert Dixel, 2011, Maury, Paris, p 1921. 93 WERNER (S), 1913, Le bourgeois, contributions à l’histoire morale et intellectuelle de

l’Homme économique moderne, Payot, n°89,342p.

Page 68: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

63

l’objet doit être vendu, dans une économie fondée sur l’échange, qu’il soit au

moins digne de son créateur. »

En outre, le troc correspondait au commerce muet. Ce commerce ne

rencontrait pas de problème car les négociants étaient de bonne moralité, habiles,

honnêtes, par moment, se connaissaient presque tous, ce qui occasionne la

confiance entre les partenaires commerciaux. Néanmoins, selon Michel

Yao94, « les lieux d’échanges étaient constamment surveillés par des jeunes

mandatés par les commerçants et ces jeunes devaient informer les associés

commerciaux quant à la nature des objets proposés. »

Tous ces éléments qui entourent le système du troc ont facilité les

transactions. Mais à côté de ce système d’échange, existait une autre sorte de

monnaie, à savoir la monnaie marchandise.

2. La marchandise- monnaie

Ce sont des produits prestigieux par leur usage symbolique, dans la société

qui constituaient les moyens d’échange propre à chaque localité. Nous avons entre

autres : le bœuf, la noix de cola et le sel.

- Le bœuf

Le bœuf appartenait à la catégorie des produits de luxe, de prestige. Il

jouait dans les différentes sociétés, un rôle social, économique et religieux. En

effet, l’immolation d’un ou de plusieurs bœufs, lors des funérailles d’un chef de

lignage ou d’un riche traitant, était exigée. Il était offert en sacrifice pour conjurer

le mauvais sort. Mais, le bœuf était parfois complété par les moutons et les cabris.

Aussi, permettait-il de doter les femmes dans certaines sociétés95 (Kweni, Bété et

Neyo).

Mais, au-delà de toutes ces fonctions citées, le bœuf constituait un moyen

d’échange dans les transactions. Il servait de monnaie pour obtenir deux sortes de

94 YAO (K.M), op.cit., p26. 95 GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p59.

Page 69: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

64

biens prestigieux96 : d’une part, des biens manufacturés tels le fusil, la poudre à

canon, les tissus et d’autre part, des biens productifs tels les esclaves.

- Le cola

Les sociétés africaines surtout mandingues accordaient une importance

capitale à la noix de cola qui était un produit qui exerçait plusieurs rôles à la fois.

En outre, elle était parmi les éléments qui constituaient la dote en pays mandé et

était utilisée également pour les sacrifices. En plus, elle avait une fonction

médicinale ; c’était un puissant remède contre le sommeil et la soif.

Le cola était une marchandise monnaie qui provenait surtout de la région

de Daloa et des pays Dida97. En plus, un document de l’ANCI nous informe

que « Les noix de cola font d’échanges importants avec les Sénoufo et les Gouro

qui viennent les acheter contre les pagnes de leur pays et vont les vendre dans la

région de Sahara contre le sel en barre importé du Sahara par la voie du haut

Niger. » En tant que telle, elle pouvait payer des biens de subsistance comme le

sel, des biens de prestige comme les pagnes et surtout les esclaves.

- Le sel

Le sel avait plusieurs origines pendant la période précoloniale. Cependant,

deux types de sels étaient perçus sur le marché. Il s’agit du sel sahélien et du sel

marin. Dans le cadre de notre étude, le sel qui a servi de monnaie fut avant tout, le

sel produit sur la côte maritime. Il était placé dans la catégorie des produits de

luxe, réservés à l’aristocratie. Avec le sel, on pouvait acheter trois sortes de biens :

les produits agricoles, les produits artisanaux, comme le pagne et l’or au Baoulé et

enfin, il servait de monnaie pour l’achat d’esclaves. Un ndjwê-kru98 (1 panier de

sel en alladian) équivalait cinq (5) à 10 (dix) tas d’or au XIXème siècle.

96 Idem, p59. 97 Ibidem, p59. 98 GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p60.

Page 70: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

65

Un rapport de l’ANCI99 témoigne ce fait en ces termes, « les pagnes

baoulé qui ont plus de valeur se vendent ; un pagne contre trois(3) paniers de sel

à Tiassalé et contre cinq(5) paniers à Grand-Lahou. »

Par ailleurs, les habitants de Kotia Koffikro nous ont informé que le "kogondé"

également et les cauris avaient servi de moyens d’échange pour acquérir les

esclaves. N’GUESSAN Kouakou100 : « l’argent de maintenant-là n’existait pas en

ce moment. On achetait les esclaves avec les cauris, du kogondé et du corplor. »

Comprenons que le kogondé est le manioc découpé en petit morceau et séché.

Ainsi, avec un seau rempli de kogondé, on obtenait un esclave, seulement à Kotia

Koffikro.

La marchandise-monnaie qu’on appelle également la monnaie secondaire a

facilité les échanges commerciaux à Kotia Koffikro. Mais à côté de ces monnaies,

existaient d’autres plus importantes en valeur, notamment les monnaies

principales.

II- Les monnaies principales

Ce sont des monnaies qui sont utilisées lors des grandes transactions dans

les Baoulé-Nord et également employées dans d’autres régions de la Côte d’

Ivoire. Ce furent notamment, le sombè, la manille, l’or et le fusil.

1. Le sombè et la manille

- Le sombè

Le sombè est un produit des pays de la savane du Nord et du Soudan. C’est

une pièce en fer101 en forme de tige ( de vingt-quatre centimètres) qui sert de

matières premières transformables aux forgerons gouro et aux forgerons

occasionnels baoulé pour la fabrication des outils agricoles et de chasse tels que la

houe, la hache, la machette, la flèche ou la sagaie.

99ANCI, 1EE 29(1), Cercle du baoulé, rapport d’ensemble 1893, 1902, 1905. 100N’GUESSAN (K), entretien semi- directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 101 GBODJE (S.A), 2005, op.cit., p180.

Page 71: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

66

Le sombè serait la monnaie du pays gouro qui était en relation

commerciale avec le Baoulé. Les Baoulé donnaient aux Gouro, des fusils, des

barils de poudres venant de la côte et recevaient en retour de la part des Gouro,

des ivoires, des pagnes et des sombè en faible quantité. En effet, les populations

utilisaient les barres de fer pour la confection des outils ; d’où les difficultés de sa

circulation. Cette monnaie a servi à acheter des esclaves à Kotia Koffikro.

- La manille

La manille, est un alliage de cuivre et d’étain, en forme de fer à cheval, de

130g environ102, serait d’origine européenne. La manille servait à acheter toutes

les marchandises quelles que soient leurs origines. En plus de ces monnaies,

d’autres produits de luxe ont servi de moyens d’échange dans les transactions à

Kotia Koffikro. Il s’agit de l’or et des fusils.

2. L’or et les fusils

-l’or

L’or est un métal précieux, de couleur jaune brillant. Il est utilisé en

bijouterie, en orfèvrerie. Les orfèvres transformaient le métal précieux en

représentant les éléments de la nature : animaux, oiseaux et végétaux. En Côte

d’Ivoire, les Baoulé et les Apolloniens dominaient et contrôlaient le négoce de ce

produit.

Ce métal précieux confère à celui qui le possède, un statut

social particulier; celui des riches et puissants hommes de la société. Néanmoins,

cet objet sacré et de prestige n’était pas produit dans le Baoulé-Nord, mais plutôt,

dans la région du Baoulé-Sud qui est une zone aurifère. La poudre d’or était

utilisée comme monnaie surtout chez les peuples du Sud-Est et du Baoulé-Sud.

102GBODJE (S.A), 2005, Op.cit., p181.

Page 72: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

67

L’utilisation de l’or pour l’achat des esclaves de Kotia Koffikro ne fait pas

l’unanimité103, selon la tradition orale104.

Néanmoins, il a servi de moyens d’échange pour des marchandises venant

de la côte ou du Baoulé-Sud. La poudre d’or était la monnaie universelle, car elle

avait cours dans toutes les régions. Elle est encore utilisée aujourd’hui comme

valeur de référence dans les transactions monétaires.

-Le fusil

Les armes à feu sont introduites sur la côte par les Anglais105, mais les

Hollandais furent à l’origine de ce produit dans le Golfe de Guinée. Le fusil

participait à la défense du territoire et à l’amélioration des activités de chasse. Il

était très demandé par les Baoulé pour consolider leur État et par les Gouro qui

étaient de grands chasseurs. Aussi, la poudre à canon était-elle un produit

stratégique apprécié par les populations pour assurer leur défense et leur sécurité.

Le fusil, était aussi, un moyen d’échange, permettant d’acquérir seulement

certains biens comme le bétail (caprins, ovins, et bovins), pagne de prix et des

esclaves. L’ANCI106, confirme ce fait, en ces termes « les esclaves vendus par

Samory furent achetés par les Allandian et les Adioukrou (…) la marchandise

d’échange était les fusils à pierre et la poudre de traite. » Par ailleurs, le long

fusil équivalait à une esclave et le moins long à un esclave à Kotia Koffikro107.

Les sociétés ivoiriennes précoloniales connaissaient l’usage de la monnaie.

Dans les transactions qui ont lieu à Kotia Koffikro, plusieurs sortes de moyens

d’échanges ont été utilisées. Il s’agit du système de troc, de la marchandise-

103 M Aka Kofi de Kouassiblékro, soutient que l’or était utilisé dans l’achat des esclaves à Kotia

Kofikro, tandis que N’da Kouadio de Kotia Kofikro affirme que l’or n’entrait pas dans l’achat

des esclaves de son village. 104.GBODJE (S.A), op,cit, p61. 105DIABATE (D.H), Mémorial de la Côte d’Ivoire, 1987, volume I, deuxième édition, Ami

d’Abidjan, p270. 106ANCI, 2EE 14(4), Affaire politique, rôle de la pacification au point de vue anti-esclavagiste,

réponses de cercle, 1913. 107GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p61.

Page 73: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

68

monnaie (bœuf, cola et sel) et des monnaies principales (sombè, manille, fusil et

l’or).

Mais, la présence des colonisateurs dans le Baoulé à cette époque, y a

facilité l’introduction du Francs français. J.P CHAUVEAU, nous dit ainsi

que « Le prix de captifs en Francs de l’époque, varie de 60f à Bouaké à 150f en

forêt. » Néanmoins, malgré, la présence de cette monnaie, la population de Kotia

Koffikro soutient que ce sont les commerçants de l’extérieur qui l’utilisaient dans

les transactions. Et cette monnaie était appelée « corplor108 » en baoulé.

Toutes ces monnaies ont facilité les transactions tant à l’intérieur qu’à

l’extérieur. Toutefois, dans le commerce immédiat et intercommunautaire, le troc

était le moyen d’échanges privilégié à côté de la marchandise-monnaie.

L’avènement du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, dont l’esclave demeurait le

produit le plus prestigieux sur le marché, entraina les Faafouê dans une autre

dimension commerciale ; le commerce à longue distance avec l’utilisation des

monnaies plus précieuses telles que la manille, le fusil et l’or. La convertibilité de

certaines monnaies locales et l’introduction du franc à la fin du siècle étudié

avaient facilité les échanges commerciaux entre Kotia Koffikro et les autres

régions de la Côte d’Ivoire.

Le développement des échanges entraina la déportation des esclaves vers

les zones d’activité orientées sur le marché et provoqua ainsi d’importants

bouleversements dans leurs zones de provenance et d’accueil.

108 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016.

Page 74: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

69

TROISIÈME PARTIE :

LES EFFETS DU COMMERCE D’ESCLAVES

(1898-1906)

Page 75: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

70

Le marché d’esclaves de Kotia Koffikro, né sous la responsabilité de

Samory Touré et du chef Kotia de Kotia Koffikro a vu son essor grâce à

l’engouement des populations baoulé et des populations venues des autres régions

de la Côte d’Ivoire pour s’acquérir des esclaves. Cependant, ce commerce dont

l’être humain constitue la marchandise ne sera pas sans répercussions sur les

sociétés ayant participé à ces échanges et sur les zones de provenance des victimes

de l’esclavage.

Cette dernière partie de notre travail, s’articulera autour de deux chapitres

pour aborder l’impact du commerce d’esclaves. Le chapitre premier présentera les

conséquences économiques de la vente d’esclaves. Quant au dernier chapitre, il

sera question des répercussions démographiques et sociales de la vente

d’esclaves.

Page 76: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

71

CHAPITRE CINQUIÈME : LES TRANFORMATIONS ÉCONOMIQUES

DE LA VENTE D’ESCLAVES

Tout comme la traite atlantique, la traite interne a entrainé de nombreuses

mutations économiques sur l’Afrique en général et en particulier sur les sociétés

ivoiriennes. Ces dires se corroborent, d’une part, à travers la prospérité

économique de Kotia Koffikro et l’ensemble du pays baoulé et de l’autre part, les

répercussions économiques sur les zones de provenance et d’accueil des esclaves.

I- Les impacts économiques sur Kotia Koffikro et le pays baoulé

Ces conséquences économiques se traduiront, d’un côté, par la croissance

économique et la prééminence de Kotia Koffikro dans les échanges commerciaux

et de l’autre, par l’essor économique de l’ensemble du pays Baoulé.

1. L’essor économique de Kotia Koffikro et sa suprématie dans le monde

faafouê

Kotia Koffikro ayant bénéficié de l’installation du marché d’esclaves de

Samory Touré, recueillera les retombées de ce commerce. En effet, les captifs de

Samory sont d’abord achetés par les chefs autochtones de Bouaké, notamment le

chef Kotia Koffi dudit village et le chef Koua Gbêkê de Gbêkêkro. Une fois ces

esclaves achetés, les chefs les faisaient travailler dans les champs de maïs, manioc

et d’igname qui rentraient dans le grenier du chef du village. En plus, ils

entretenaient les animaux domestiques (bœufs, moutons, cabris, porcs, poulets,

pintades)109 de leurs maitres et accomplissaient certaines tâches ménagères.

Les esclaves deviennent une force productrice dont ne pouvaient se passer

les chefs et les habitants de Kotia Koffikro. Car, selon Fabio Viti110, tous ceux,

hommes ou femmes, qui en avaient les moyens pouvaient acquérir un ou plusieurs

esclaves, indépendamment de leur statut personnel. De ce fait, par leurs différents

travaux, le village était fourni en produits vivriers et d’élevage.

109GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p63. 110FABIO (V), op.cit, p56.

Page 77: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

72

Un autre aspect était que les Faafouê de Kotia Koffikro tiraient profits.

Ils pouvaient acheter les esclaves en premier lieu chez Samory puis les revendre

aux étrangers venus s’en acquérir. Les Baoulé faafouê ont, en plus des produits

qu’ils détenaient, l’introduction de nouveaux produits prestigieux (or, fusil, sel)

qu’ils ont obtenus à l’issu des échanges commerciaux. La croissance économique

de Kotia Koffikro et surtout la présence de Samory Touré et les chefs des autres

régions confèrent un autre statut à Kotia Koffi, et par conséquent, à Kotia

Koffikro.

Le prestige du chef Kotia Koffi outre des biens matériels acquis par la

présence des esclaves, sera rehaussé au plan politique. En effet, le pacte de paix

signé entre Samory et Kotia Koffi va lui attribuer un certain pouvoir devant les

autres chefs qui craignaient le redoutable guerrier manding. A ce fait, s’ajoutent le

pouvoir des différents chefs Agni, Malinké, lagunaires et celui des colonisateurs

Français111 avec lesquels il collabore. Ainsi, Kotia Koffi était craint par les chefs

faafouê et même au-delà, car il avait la force militaire, économique et soutenu par

les hommes influents et constituait le seul interlocuteur de Samory. Inconnu parce

que n’ayant pas de produits attrayants, Kotia Koffikro, va sortir de son ombre et

devenir un village puissant grâce à son marché d’esclaves. Toutefois, les bénéfices

du commerce d’esclaves ne se limitent pas seulement à Kotia Koffikro et au

Baoulé Nord.

2. La croissance économique dans l’ensemble du pays baoulé

Certes, le Baoulé- Nord a été le territoire qui a d’abord bénéficié des gains

du commerce d’esclaves, néanmoins le Baoulé Sud qui était déjà propulsé au

centre du commerce avec les lagunaires va s’enrichir d’avantage avec

l’avènement des esclaves.

En effet, le Baoulé Sud est une zone riche en or. Mais l’extraction de ce

métal précieux nécessitait une force physique conséquente. Dès lors, le commerce

d’esclaves de Kotia Koffikro apparait pour eux comme une bonne occasion

111GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p63.

Page 78: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

73

indiscutable. Comme le dit d’ailleurs l’ANCI112, « Selon, les maitres les captifs ne

coutent que presque rien mais rapportent beaucoup ». Par conséquent, les rois et

les habitants de cet espace ne manqueront pas à Kotia Koffikro pour se ravitailler.

Abordant la question des mines, « les rois seuls en sont les maitres et y font

travailler leurs esclaves »113 son caractère pénible et périlleux fait que son

extraction est réservée aux esclaves. Le transport des marchandises est aussi

assuré avant tout par les esclaves. On assiste à la création d’autres marchés de

captifs par des non Faafouê, sous l’influence de Kotia Koffikro ; Kouadiokro dans

le Satiklan114. Les esclaves achetés étaient revendus aux courtiers lagunaires avec

lesquels ils étaient en relations commerciales. Cependant, les zones de provenance

et les autres zones d’accueil des esclaves ne sont pas restées en marge des faits

suscités par le commerce d’esclaves.

II- Les effets économiques sur les zones de provenance et d’accueil des

esclaves

Nous l’avons évoqué précédemment, les répercussions du commerce

d’esclaves n’ont pas été que bénéfiques pour l’ensemble des populations

ivoiriennes.

1. Etouffement de l’économie des zones d’émanation d’esclaves

Les opérations miliaires de razzia initiées par Samory et ses sofas ont

dévasté les localités situées au Nord du pays baoulé et même au-delà de ses

régions.

En effet, « le vaste territoire compris entre Ferkessédougou, Katiola et

Dabakala fut presque entièrement vidé de ses habitants par Samory et réduit à

l’état de terres brulées. »115 En plus de ces localités, les Dyoula de Kong, les

112 ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908. 113 DIABATE (D.H) 1988, op.cit, p272. 114YAO (K.M), 1988, op.cit, 185p. 115 GBODJE (S.A), 2010, op.cit., 65.

Page 79: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

74

Abron et même des Wan ont été capturés. On comprend dès lors, qu’un grand

espace géographique en Côte d’ Ivoire constituait les zones de ravitaillement en

esclaves de Samory Touré.

Ainsi, il est clair que ces secteurs furent plongés dans la pauvreté. Car,

« Les jeunes gens (esclaves) étaient préférés aux adultes, » selon Fabio Viti.116

L’on doit comprendre, en outre, que, la migration forcée de ces jeunes gens va

perturber l’agriculture qui constituait, à l’époque, le socle de l’économie. On va,

par conséquent, assister au manque de produits alimentaires dû à la capture des

bras valides. Dorénavant, il est impossible de produire et d’accumuler. Tous ces

faits vont entrainer les mortalités infantiles dues aux conditions de vie précaires.

Si les enfants qui doivent assurer la continuité économique meurent, les femmes

en mesure de procréer sont capturées, les adultes restant vont en quête de lieux de

refuge, c’est évident qu’on ne parle plus d’économie mais plutôt de quête de

sécurité, gage d’une production économique. Il faut reconnaitre, néanmoins, que

certaines régions, notamment, celles qui cultivent les produits orientés sur le

marché européen vont bénéficier de l’apport des esclaves.

2. La prospérité économique des autres zones d’accueil

La présence des captifs de Samory a été plus que nécessaire dans les

zones produisant les matières premières agricoles destinées à l’Europe. Il s’agit

des zones côtières et des régions de l’Est, comme Bongouanou, Abengourou et

Bondoukou.

Dans notre étude, la zone côtière regroupe en particulier les peuples de la

région côtière qui ont eu des relations commerciales avec les Baoulé. Il s’agit des

Essouma, des Allandian, des N’Zima et des Avikam. Au XIXème siècle, suite à

l’abolition de l’esclavage, l’Europe se lance à la quête des matières premières.

Parmi les produits convoités par l’Europe, figure l’huile de palme dont les

lagunaires sont les plus grands producteurs. Cependant, ces populations ne

pouvaient pas assurer seules la production et la commercialisation de ce produit

116 FABIO (V), op.cit., p63.

Page 80: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

75

qui demandait assez d’effort ; d’où le recours aux esclaves. Les travaux de ces

esclaves vont augmenter les richesses et les prestiges de ces sociétés.

Concernant les peuples de l’Est, il faut dire que le café fut introduit en

Côte d’Ivoire en 1885 et le cacao en 1895. Ces matières sont produites en grande

quantité, surtout à Abengourou. C’est alors que les chefs agni de l’Indénié

venaient jusqu’ à Kotia Koffikro pour acheter des esclaves. Ces esclaves

produisaient le cacao en grande quantité qui était commercialisé par les maîtres

pour leur propre compte.

Retenons pour dire que l’avènement des esclaves a été d’un apport

inestimable pour Kotia Koffikro, l’ensemble du pays baoulé et les régions

orientées vers le commerce de traite, notamment les peuples côtiers et certains

peuples de l’Est. En outre l’obtention des esclaves n’a pas été bénéfique qu’au

plan économique, mais aussi et surtout au niveau démographique.

Page 81: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

76

CHAPITRE SIXIÈME : REPERCUSSIONS DÉMOGRAPHIQUES ET

SOCIALES DE LA VENTE D’ESCLAVES

Les impacts de l’avènement du commerce d’esclaves sont multiples et

divers. Cependant, dans cette partie de l’étude, nous nous attèlerons à présenter

les effets démographiques de ce commerce sur les zones d’accueil et de

provenance des esclaves. Mais aussi, les répercussions sociales de cette activité.

I- Impact démographique sur les localités d’accueil et de provenance des

esclaves

Le peuplement des zones d’accueil et de provenance des esclaves vont

subir une mutation avec l’arrivée ou le départ des captifs de Samory.

1. Augmentation du nombre d’habitants dans le Baoulé Nord et Sud

Le commerce d’esclaves à Kotia Koffikro a été plus bénéfique au plan

économique et démographique au Baoulé. En effet, les populations baoulé étaient

les intermédiaires directes des sofas de Samory et plus proches des localités

ravagées par Samory. Par conséquent, ils sont les premiers acquéreurs et

pouvaient revendre les captifs qu’ils possédaient pour en acheter d’autres. Les

captifs achetés étaient intégrés à la famille et augmentaient ainsi la production

économique et contribuaient à la production biologique et sociale.

En plus de ce fait, les habitants du Nord qui fuyaient les sofas de Samory

pour échapper au massacre se réfugiaient dans la région du Baoulé : « Ces

malheureux, hommes, femmes et enfants envahissent le baoulé et se réfugient dans

de différents villages. Mais ils étaient captifs. »117 Pour dire que la plupart des

captifs sont restés dans le baoulé et ils n’ont vendu que ce qu’ils souhaitaient.

Plusieurs écrits mentionnent l’existence d’un nombre considérable d’esclaves

dans le baoulé. Tel est le cas du capitaine Lambert qui mentionne dans l’ANCI

que « Sakassou ne comprend que Kouamé Die, ses quatre enfants dont deux en

117ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908.

Page 82: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

77

bas âge, ses femmes et environs 400 captifs. »118 Même si les propos du capitaine

sont exagérés (il n’existe qu’une seule famille à Sakassou) on comprend

néanmoins que c’était une localité qui regorgeait assez d’esclaves.

En fait, il est difficile aujourd’hui de faire la part entre un esclave et un

homme libre. Car, ces esclaves ont réussi à s’intégrer et donner un nouveau

brassage au peuple baoulé. Ce qui fait de la région baoulé, une des régions les

plus peuplées de la Côte d’Ivoire. Ce qu’affirme N’GUESSAN Kouakou, porte-

parole de Kotia Koffikro : « Ce n’est pas nous seulement, toutes les familles qui

étaient à Bouaké au temps de Samory ont des descendants d’esclaves.

Aujourd’hui, ils sont devenus des hauts cadres du pays. »119 Tidjane DRAMÉ

ajoute pour dire :

« Mon papa avait des esclaves, mais ils n’ont pas été acheté dans le

village dont tu parles, ils étaient venus demander la protection chez mon père.

Non, ce sont des Tagbana, ils sont devenus des musulmans. Depuis lors, mon

père, de son vivant n’a jamais parlé de leur origine et moi non plus. Leur mariage

a été fait avec les gens de la famille et personne ne sait qui est esclaves ici à part

moi. Si Dieu le veut, ils ne le sauront jamais.120 »

Ainsi, « la race baoulé à l’état pur n’existe que de nom, car le brassage

qui s’est opéré eut un impact sur la configuration du peuple Baoulé. »121 En plus

de ces témoignages, la présence du quartier Liberté à Bouaké fut à l’origine de la

libération des esclaves de Samory. COULIBALY Souleymane de Liberté122 nous

apprend qu’il :

« y a un quartier nommé Djiminisso, là où vivent les Djimini à Didiévi.

Mais j’étais choqué, des Djimini qui s’appelle Koffi, Kouadio, ils se sont mariés

avec des Baoulé. Ces Djimini ne parlent plus leur langue maternelle, mais plutôt

118ANCI, 1EE 28(1), 1896, LASNET, Mission du Baoulé, notes sur le Baoulé. 119 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 120 DRAMÉ (T), entretien semi-directif à Dar-Es-Salam, le 18 Aout 2016.

121KOUAME (N.B), op.cit. p115. 122 COULIBALY (S), entretien semi-directif, le 17 Août 2016.

Page 83: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

78

le baoulé. Mais les balafres qui sont sur leurs visages, surtout chez les femmes,

indiquent bien qu’elles ne sont pas Baoulé. Certains ont cherché à retrouver leurs

origines mais beaucoup sont restés où ils ont été amenés ».

Cependant, Les Baoulé n’ont pas été les seuls acquéreurs d’esclaves, certains

esclaves ont été transportés vers l’Est et les zones côtière de la Côte d’Ivoire.

2. Augmentation de la population de la zone côtière et de l’Est

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les populations de la zone

côtière ont eu recours aux esclaves pour la production et la vente d’huile de

palme. Alors les lagunaires descendaient jusqu’à Tiassalé où les esclaves vendus

au marché de Kotia Koffikro, leur étaient revendus par les Baoulé du Sud en

échange de sel, d’armes à feu, de munitions et autres pacotilles européennes. Ces

captifs étaient intégrés dans les grandes familles alladjan disposant de grandes

plantations de palmier à huile. Les populations de l’Est, notamment les zones dans

lesquelles il y avait l’introduction des nouvelles cultures commerciales : le café et

le cacao ont aussi acheté les esclaves pour l’entretien des travaux champêtres et

sont ainsi intégrés à la famille d’accueil.

Si l’ensemble du monde baoulé, les zones côtières et les régions de l’Est

ont bénéficié de la présence des captifs pour accroitre leurs populations, ce ne fut

pas le cas malheureusement des zones de provenance d’esclaves.

3. Dépeuplement de la région située au Nord du Baoulé

Sans négliger qu’il y’avait parmi les captifs de Samory des Abrons et des

Wan, nous voulons ici porter notre attention sur les zones de provenance situées

au Nord du Baoulé qui ont eu un dépeuplement très avancé suite au ravage de

Samory. Il s’agit des pays djimini, tagbana, sénoufo et dioula qui sont des

localités de Katiola, Mankono, Séguéla, Kani et Dabakala123. Ces régions ont subi

les assauts répétés de Samory et ses sofas, n’ayant pas d’autres issues face à cette

situation ; ceux qui ont pu s’échapper, se déplacent pour un lieu plus sécurisé.

123 GBODJE (S.A), 2010, op.cit. p63.

Page 84: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

79

Si les femmes en mesure de procréer sont capturées, les adultes restant

vont en quête de lieu de refuge, c’est évident qu’on ne parle plus ni d’économie,

ni reproduction mais plutôt de quête de sécurité. On comprend que ces territoires

seront évidemment vides d’hommes, car les habitants capturés ne se remplacent

plus et la situation n’encourage pas la reproduction humaine. Selon Kouamé

Bernard, « ces régions n’ont jamais surmonté cette saignée démographique. Elles

sont demeurées sous peuplées avec des espaces vides »124 N’GUESSAN

Kouakou confirme ce fait en ces termes :

« Mais mes parents m’ont dit que de la Guinée il est venu à Dabakala et

de là, ces sofas le précèdent et détruisent tout sur leur passage. Samory passe en

dernier lieu pour vérifier le travail fait. Quand, il arrivait dans un village, qu’il

trouve des enfants, il les ramassent pour les mettre dans une chambre et y met le

feu. Les toitures étaient en paille et brûlaient vite. Quand on lui demande, il dit

qu’il grille de l’arachide. »125

On comprend, la torture et le désastre qu’on subit ces populations à cause

de Samory.

Toutefois, nous n’avons pas pu avoir les données quantitatives concernant

le nombre d’esclaves capturés par Samory. Mais on sait que ce commerce a duré

pendant cinq ans, et que selon Roger Botte, on estime à cinq cent mille (500.000)

le nombre d’esclaves vendus par Samory vers 1900, pour toute la Côte d’Ivoire

dont Kotia Kofikro constituait le plus grand marché.

Même si le commerce d’esclaves a été bénéfique à un grand nombre de

personnes, il n’a été que tristesse et désolation pour les zones de provenance des

esclaves et pour les esclaves eux-mêmes.

124 KOUAME (N.B), op. cit, p115. 125 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016.

Page 85: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

80

II- Les répercussions sociales du commerce d’esclaves

L’incidence de la vente d’esclaves a été moralement un choc pour la

population. De ce fait, la capture de Samory en 1898 et la destruction du marché

d’esclaves seront un soulagement pour bon nombre de personnes. C’est cet état de

fait qui va amener les esclaves à s’allier aux colonisateurs français et ceux-ci vont

les libérer de leur condition servile.

1. Le traumatisme général

L’esclavage débute par la capture qui du moins n’est pas une prise

facile. Car pour l’individu, il faille qu’il se défende avant d’être transformé en

esclave. Alors, va s’en suivre quelque fois une lutte entre le captif et celui qui

capture et qui se solde souvent par la mort du captif. Par peur d’être capturées, des

personnes désertaient leurs villages et campements pour se réfugier dans la

brousse malgré la faim et la présence des bêtes sauvages. Ils préféraient cela au

lieu d’être vendus, loin de leurs terres ancestrales.

Avec les Sofas de Samory, les familles assistent avec impuissance à la

capture de leurs enfants qui sont dépersonnalisés avec la corde au cou jusqu’à ce

qu’ils soient achetés. Ainsi, après son achat par son maitre, celui-ci continu son

aliénation avec des travaux pénibles. C’est cet état de fait que déplore Fabio Viti

en ces termes :

« Derrière l’esclavage il y a donc une perte de valeur, un gaspillage.

L’être humain réduit en esclavage a toujours une valeur moindre que celle d’un

homme libre, c’est à dire que l’homme libre que lui-même a été, le commerce

humain détruit ce qu’il échange. »126

Plusieurs réactions de la population expliquent ce manque de

considération. Comme nous l’avons mentionné plus haut, certains individus ayant

échappé aux sofas de Samory sont venus chercher refuge dans le Baoulé. Mais

ces deniers, en échange de leurs services, les transforment en esclaves. Ainsi, les

126FABIO (V), 1999, op.cit, p64.

Page 86: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

81

chefs et les habitants de certaines localités n’avaient pas de considération pour ces

victimes de razzia. Car ils les considéraient comme des marchandises pouvant leur

procurer des biens prestigieux. Des textes de l’ANCI confirment nos propos en

ces termes : « pour s’approvisionner de poudre, les chefs vendent même leurs

précieux captifs pour des barils de poudre ».127

En outre, l’aspect qui provoque plus un choc moral chez les esclaves et

leurs familles est l’immolation rituelle. En effet, l’enterrement d’un roi ou d’un

chef devait toujours être accompagné d’un sacrifice humain d’un esclave. Dès

lors, la mort d’un chef entraine le stress des esclaves et la peur car le choix peut

être porté sur n’importe quels esclaves : « La mort d’un captif est le signal de la

fuite de beaucoup d’autres. Un captif tué ne se remplace plus ».128

Les maitres n’hésitaient pas à faire des sacrifices humains et immolaient

des captifs dans des conditions diverses. Finalement, c’est une souffrance tant

pour les captifs et leurs parents qui ignorent l’endroit où sont acheminés leurs

enfants ni leurs conditions de vie. Les habitants de Liberté eux-mêmes étant des

descendants d’esclaves affirment ce fait :

« Sincèrement dit avec toute ma curiosité et même mes recherches, jusqu’à

présent je ne sais pas pourquoi Samory faisait la guerre. Il a traumatisé les gens,

certains même sont perdus à jamais. Nous qui sommes restés ici, avons formé une

famille. On m’a dit qu’il y a plein de djimini qui se trouve à Didiévi à cause de

Samory. » 129

La capture de Samory fut une libération pour ses habitants.

2. La capture de Samory et le déclin du marché d’esclaves

Après l’échec de plusieurs expéditions françaises, le pays baoulé connut la

paix entre 1895 et 1898 ; période qui marque d’ailleurs, l’apogée du commerce

d’esclaves de Kotia Koffikro. Mais, en 1898, les Français, qui pendant longtemps,

127ANCI, 1EE 29(2), extrait du registre d’écrou. Situation politique, secteur de Bouaké. 128ANCI, 1EE 34(1/3), Rapport de tournée, Septembre 1912, Novembre 1914. 129 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 17 Août 2016.

Page 87: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

82

étaient à la poursuite de Samory, s’y établissent pour combattre son hégémonie et

réaliser leur projet ; c’est-à-dire faire la jonction Soudan-golfe de Guinée130.

Ainsi, les Français, dans leur marche contre Samory font face à la riposte des

Baoulé dont Samory constitue leur allié. Les Français étaient obligés de se replier

sur les postes de Tiassalé et Kodiokofi131. En effet, le commerce d’esclaves était

une source de richesses pour les Baoulé. Par conséquent, pour que ce commerce

perdure, il faudrait que le pourvoyeur d’esclaves soit en vie.

Toutefois, la ténacité des colonisateurs Français finit par l’emporter sur

Samory. N’ayant plus d’issue, le vieux résistant s’enfuit pour se réfugier dans le

Koro où son intention était de gagner le Liberia. Malgré cet effort déployé, il fut

capturé le 29 Septembre 1898 par le commandant GOURAUD accompagné de

son armée132. Le 02 Juin 1900, le certificat du médecin militaire Bireau

mentionnait à l’État civil de Ndjolé (Gabon) : « Samory, déporté politique du

Soudan, ex almamy du Ouassoulou, âgé de soixante ans environ(…) décédé le 2

juin 1900 à quatre heures trois quart du soir, suite d’une broncho-

pneumonie. »133 Ce sont ces mots qui annoncent la fin du redoutable guerrier vu

parfois comme un tyran et tantôt comme un héros de la résistance coloniale.

Après avoir capturé le redoutable guerrier manding, les Français

décidèrent d’occuper le baoulé et installe un poste militaire permanent à Bouaké,

la même année. « Ils commencèrent également à libérer les esclaves, puis

capturèrent et exécutèrent Kotia Koffi, parce qu’il avait fomenté des sentiments

anti français dans la région baoulé134 ». Mais, l’article d’Alphonse Sékré

mentionne un autre fait tiré des ANCI135 . En effet, selon ces informations, « la

libération des esclaves dudit marché a été négociée par le Capitaine Benoit et le

130 CHAUVEAU (J-P), 1987, La colonisation : rupture ou parenthèse ?, L’Harmattan, Paris, 122

p. 131 Idem 132 BOAHEN ( A) et al, 1987, Histoire générale de l’Afrique, l’Afrique sous Domination

coloniale1880-1935, tome VII, UNESCO, Paris, p152. 133PERSON (Y), 1975, Samori, une révolution dyula, Dakar, IFAN, Tome III, N°89,114p. 134 Idem 135 ANCI/1EE 381/87, Colonie de Côte d’Ivoire, Région ou cercle du Baoulé-Nord, circonscription

de Kodiokofi, décembre 1908.

Page 88: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

83

Lieutenant Pruneau avec le chef Kotia Koffi le 23 octobre 1898 ». Nous pensons

que, la destruction du marché d’esclaves s’est faite sous contrainte, puisque

Samory, l’allié des Baoulé n’étant plus ainsi que le Roi Gbêkê (il meurt en 1897)

qui était déjà mort, les Français avaient la force d’affronter les Baoulé. Alors,

qu’ils veuillent ou non, le marché tirait à sa fin sans Samory. N’GUESSAN

Kouakou dit d’ailleurs que « C’est Samory qui envoyait la marchandise et s’il

n’est plus là, on parle plus de commerce d’esclaves. »136 Aussi, l’exécution de

Kotia Koffi dans la même année par les Français, montre que Kotia Koffi ne

s’était pas rallié aux Français. La perte de ces grands hommes et la création du

poste militaire va permettre aux Français de s’imposer dans le Baoulé qui sera

pacifié en 1911. Mais qu’advenaient-ils des esclaves libérés ?

3. L’alliance entre les esclaves et les colonisateurs français

La maltraitance qu’ont subie les esclaves et les peuples situés au Nord du

Baoulé vont faire d’eux un allié des colonisateurs français. En effet, les Baoulé et

les peuples vivant dans le baoulé menaient une lutte farouche contre l’installation

française. Mais, dans l’ensemble de la région, les souhaits n’étaient pas partagés.

Car, en réalité, chaque groupe luttait pour sa liberté.

D’un côté, les Baoulé voyaient les Européens comme des personnes

venues les priver de leur liberté et piller leurs richesses. De l’autre côté, les

peuples situés au Nord qui ont subi les exactions de Samory, voyaient la présence

des Français comme une chance ultime pour être délivrés de leur condition

servile. Ainsi, on avait deux camps qui aspiraient à la liberté. Les Africains dans

l’ensemble voulaient se délivrer du joug colonial. Cependant, les populations qui

ont subi les conséquences de la traite humaine orchestrée par leurs frères voyaient

dans l’action des Européens leur libération et leur sécurité. C’est à juste titre que

136 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016.

Page 89: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

84

COULIBALY Souleymane de Liberté disait que « Tu sais, on accuse les Blancs

pour rien, Blanc n’a jamais emmerdé quelqu’un137 »

On comprend alors que, les peuples du Nord malmenés par Samory avec

l’aide de leurs voisins, n’opposèrent pas de résistance à l’établissement du pouvoir

colonial. L’ANCI, confirme ce fait : « la situation de la Côte d’Ivoire était telle

en 1900 que seules les populations soudanaises étaient soumises du fait de les

avoir délivré du joug de Samory. » 138 Ainsi, les esclaves étaient devenus les

informateurs des colonisateurs français. Le porte-parole de Kotia Koffikro

confirme notre reflexion en ces termes « Ce sont les Tagbana qui étaient la

bas(Liberté). Après, sont venus les Djoula. Latroman était leur chef, c’est lui qui

était l’espion des Blancs139 »

Par conséquent, ils n’ont pas eu du mal à connaitre les populations qu’ils

devaient soumettre. Plusieurs écrits mentionnent aux archives ces faits : « les

informations ont été fournies par des captifs évadés, les dioula et par quelques

habitants. Des renseignements provenant des captifs signalent des indices graves

des tribus rebelles. »140 Nous pensons que les tribus rebelles désignent ici, les

populations qui refusent de se soumettre. Cet accord leur a valu la création par les

colonisateurs d’un quartier « Liberté » à Bouaké.

4. La création du quartier Liberté en 1906

Un autre fait majeur marque l’histoire de Bouaké après la libération des

esclaves du marché de Kotia Koffikro. En effet, les esclaves libérés ne sachant

plus où aller, pour certains, demandent la protection du colonisateur. D’autres, ont

préféré rester dans la cour de leurs maîtres, car ces derniers ont assisté

impuissamment à l’incendie de leurs villages d’origine et à la dispersion de leurs

137 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016. 138 ANCI, 2EE 14(4), Affaire politique, rôle de la pacification au point de vue anti-

Esclavagiste, réponses de cercle, 1913. 139N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 140ANCI, 1EE 29(2), Rapport à Monsieur le gouverneur 1900, Lieutenant Buck, commandant le

poste de Bouaké.

Page 90: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

85

familles. Par conséquent, ils n’ont plus le désir de se remémorer cette tragédie. Un

autre fait est que, l’insertion de certains esclaves dans leurs familles d’accueil fut

une réussite, ils étaient bien traités et ont réussi à fonder leurs propres familles et

les travaux champêtres pouvaient assurer leur subsistance.

Toutefois, ces esclaves dont plusieurs ont été transportés très jeunes ne

reconnaissent plus leurs lieux d’origine. D’autres étaient traumatisés. Alors,

malgré le fait qu’on leur proposaient la liberté tant souhaitée, ils ne purent rentrer

chez eux. Ainsi, pour certains errant dans la rue de Bouaké, et pour d’autres

derrière les colonisateurs, le capitaine Benoit qui avait participé à leur libération

crée en 1906 le quartier « Liberté » pour abriter ces esclaves.

4.1. Le quartier Liberté

Après, la capture de Samory Touré, les esclaves et les rescapés des zones

qu’il avait détruites se réunissent sous l’ordre du capitaine Benoit pour habiter

l’espace qu’on nommera "Liberté". Ces esclaves constitués de Tagbana et de

Djimini seront les premiers habitants du quartier Liberté de Bouaké. L’ANCI

témoigne de l’existence de ce quartier :

141« Il n’existe ni à Béoumi ni à Bouaké de captifs (…) les captifs sont

venu réclamer la protection au poste dans les conditions ordinaires de mauvais

traitements ; ils sont donc au village de Liberté, leur cas est analogue à tous les

autres et doit être traités dans les mêmes conditions ».

Ainsi, dans le cadre d’une meilleure cohabitation, les deux peuples se sont

organisés pour la gestion de leur quartier. Selon COULIBALY Souleymane142 de

Liberté, le capitaine Benoit choisit :

« Tchêgbê, un albinos djimini pour être notre chef au départ (…) Dans sa

colère, le capitaine a dit au chef de se remuer un peu. Le lendemain matin,

141 ANCI, 1EE 34(1 /2), cercle du baoulé circonscription Nord, Rapport de tournée, 1904-1905. 142 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016.

Page 91: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

86

Tchêgbê a preferé s’enfuie avec ses bagages. Après, lui on a choisi, Coulibaly

Nangbor, un Tagbana. Il était très charismatique, petit de taille, éloquent et

surtout très riche. C’est le secteur où il habitait qu’on appelle Tagbana Carré.

Après sa mort c’est son fils Coulibaly Latroman qui l’a succédé. Le chef qui va

être intronisé est l’un des petit fils de Nangbor. »

Il n’existe aucune documentation écrite sur cette partie de notre travail.

Raison pour laquelle, la source orale a été, le seul moyen utilisé pour obtenir les

informations. Néanmoins, nous avons pu vérifier ces informations en les

confrontant à d’autres sources orales (voir annexe) reçues dans divers quartiers de

Bouaké. Ainsi, de ces confrontations d’informations, il s’est avéré que la

population de Bouaké interrogée retient Nanbgor COULIBALY comme le

premier chef de Liberté pour son charisme. Et c’est sous le règne du deuxième

chef, Latroman COULIBALY, que les colonisateurs auraient tracé les limites du

quartier Liberté, affirme BAMBA Lama143. Enfin, les Tagbana et les Djimini

s’associaient pour la gestion politique et économique du quartier.

Une fois installés, les habitants de Liberté, entreprennent leurs propres

travaux et ceux des colonisateurs. Ils s’adonnaient aux travaux champêtres autour

du poste militaire d’alors, devenu le 3ème bataillon actuel de Bouaké et aussi à

l’élevage. En plus, ces esclaves devenus des hommes libres vont contribuer au

développement de Bouaké. Car, ils ont été, avant tout, la main d’œuvre coloniale.

Ils étaient utilisés pour la construction d’écoles, de routes. Jean-Pierre

Chauveau144 nous apprend que les jeunes gens envoyés dans les premières écoles

sont également en majorité les descendants de captifs ; ils assurent avec les

gardes-cercles retraités, la relève du personnel auxiliaire indigène. En outre, la

répartition des territoires de Bouaké leur était confiée. COULIBALY Souleymane

nous disait lors de notre enquête que :

« En plus, quand les étrangers viennent, le capitaine Benoit vient nous

chercher pour leur donner terrain. C’est nous et les Tagbana qui élaborons la

143 BAMBA (L), entretient directif à Liberté, le 17 Août 2016. 144 CHAUVEAU ( J-P), 1987, op.cit, p81.

Page 92: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

87

terre pour les étrangers. Quand, les Dafing sont venus de Marabadiassa en 1899,

c’est nous qui avons élaboré le terrain de Dougouba pour eux, et le capitaine

Benoit leur a dit que nous sommes leurs tuteurs. »145

Tidjane DRAMÉ confirme ces propos en ces termes : « C’est le capitaine Benoit

qui nous a donné le terrain. Ce sont les Tagbana qui sont venus nettoyer le

terrain et ils ont pris apploplo pour délimiter le terrain de Dougouba. Donc les

Tagbana sont nos tuteurs à Bouaké. »146 Enfin, les chefs de Liberté, recensaient

les jeunes pour la formation militaire, les corvées et la perception d’impôt.

En somme, les habitants de Liberté ont su faire table rase de leur passé et

contribuer au développement de Liberté et de Bouaké. Cependant, avec

l’évolution du temps, le quartier Liberté va perdre son nom au profit de

Djamourou.

4.2. De Liberté à Djamourou

Dans cette partie, nous tenterons de montrer que Liberté et Djamourou

désignent le même espace. Toutefois, la source orale a été le seul moyen que nous

disposons pour expliquer ce fait.

Selon, COULIBALY Souleymane147 "Djamourou" est l’association de

deux mots dyoula : "dja" qui signifie "âme, esprit, cœur, homme" et "mourou" qui

veut dire "traumatisé, paniqué, perturbé, stressé, perdus". Donc finalement,

"Djamourou" désigne un " homme traumatisé". Comprenant la langue malinké,

nous avons pris part à ces échanges de définition avec notre enquêté .Il nous a

d’ailleurs dit que, c’est sous cette appellation que les habitants des autres quartiers

de Bouaké les indexaient. Ainsi, le nom Djamourou a eu plus de force que

Liberté, un nom attribué par les colonisateurs qui ne correspond pas à la

souffrance vécue. COULIBALY Souleymane nous apprend que « le quartier

Liberté part de la pharmacie marché de gros jusqu’ à la rivière qui passe derrière

145 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016 146 DRAMÉ (T), entretien semi- directif à Dar-Es-Salam, le18 Août 2016. 147 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016.

Page 93: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

88

Sama transport. De l’autre côté du goudron c’est Kamounoukro. Donc derrière

nous c’est le 3ème bataillon militaire, devant nous c’est

Kamounoukro. »148 COULIBALY Siaka de Liberté, atteste qu’ :

« à la mairie et même dans d’autres endroits c’est le nom du quartier

Liberté qui est sur nos papiers. Nous on est né ici, et c’est ce secteur qui

commence après petit marché jusqu’ en bas de Tagbana Carré là que les gens

appellent Liberté et l’ensemble du quartier Djamourou. Pour indiquer Liberté,

on dit Djamourou Liberté, c’est du n’importe quoi! Liberté est même chose que

Djamourou, mais les gens ne savent pas. »149

Ainsi, Djamourou n’existe pas sur les papiers administratifs des habitants

mais plutôt Liberté.

Avec ces informations, nous nous sommes rendu à la mairie de Bouaké,

pour en savoir plus. Les informations provenant du dernier recensement général

de 2014, présente tous les quartiers de Bouaké sauf Djamourou. Cependant, les

responsables n’ont pas pu nous répondre. Selon ce recensement150, Liberté fait 62

km2, 14.427 habitants et 2771 ménages. Nous avons continué en consultant la

carte de Bouaké, pour chercher l’emplacement de Djamourou. Là encore, ce nom

ne figure pas sur la carte. Alors, nous avons pris l’information de Nanan Agra

YAO, chef du village de Kamounoukro qui affirme que « C’est le goudron qui

nous sépare de Djamourou.»151 Sur la carte de Bouaké, la grande voie sépare

Kamounoukro à Liberté. Ainsi, nous avons fini par conclure que, Djamourou et

Liberté désignent le même espace, et les deux notions décrivent exactement la vie

des esclaves. Car, on passe des personnes traumatisées à des personnes libres.

Alors, c’est une erreur de dire "Djamourou Liberté".

Le bilan des répercussions sociales du commerce d’esclaves est contrasté.

D’un côté, nous avons le pays baoulé qui se résigne avec amertume, l’intervention

148 Idem. 149 COULIBALY (S), entretien directif à Liberté, le 26 Août 2016. 150 MAIRIE DE BOUAKÉ, Recensement général de Bouaké, 2014, en fichier numérique. 151 Nanan Agra YAO, entretien directif à Kamounoukro, le 30 Août 2016.

Page 94: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

89

des Français dans la destruction de leur précieux marché d’esclaves, qui les a tant

enrichis. De l’autre côté, nous avons les victimes de Samory qui se réjouissent de

sa capture et de leur libération par les Français. Dans l’ensemble, le traumatisme

et la frustration qu’ont subis les captifs, ont fait d’eux un allié des colonisateurs,

qu’ils devaient s’unir pour combattre.

Retenons en somme, pour cette dernière partie, que l’avènement du

marché d’esclaves de Kotia Koffikro initié en 1893 par Samory, sous l’accord de

Kotia Koffi, roi de Kotia Koffikro, a eu de nombreux impacts sur le Baoulé-Nord

en particulier et en général, sur les sociétés ivoiriennes. Ce commerce a permis

l’enrichissement et le surpeuplement des groupes baoulé, Agni, Dyoula, lagunaire

et Gouro. Mais, il a entrainé la ruine et le dépeuplement de certains pays du Nord.

La souffrance qu’ont subie ces peuples a fait d’eux un allié et la main d’œuvre

coloniale disponible.

Ce commerce qui a vu la participation de plusieurs acquéreurs de 1893 à

1898, a pris fin en 1898, avec la capture de Samory Touré et la destruction du

marché par le capitaine Benoit. La destruction de ce marché a entrainé la création

d’un quartier pour abriter les esclaves, notamment le quartier Liberté de Bouaké.

Page 95: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

90

CONCLUSION GÉNÉRALE

Page 96: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

91

L’étude menée sur le système esclavagiste dans le Baoulé-Nord, à partir du

marché d’esclaves de Kotia Koffikro de 1893 à 1906, reste une modeste

contribution à la connaissance de l’histoire économique et sociale du Baoulé-

Nord précoloniale et des raisons de la traite interne qui a eu lieu en Afrique noire

après l’abolition de la traite Atlantique au XIXème siècle.

Dans le but de reconstituer ces faits, nous avons en premier lieu, présenté

le contexte géo-historique et la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro

de 1893 à 1894. Ensuite, l’accent a été mis sur l’organisation et le fonctionnement

du marché d’esclaves de 1894 à 1898. Les répercussions du commerce d’esclaves

de 1898 à 1906 furent quant à elles, la dernière partie de notre étude. Après, le

récapitulatif des grands axes de l’étude, nous voudrions présenter les résultats qui

mettent en relief l’intérêt du sujet et qui atteste de la valeur historique de notre

étude.

Le contexte géo-historique et la création du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro de 1893 à 1894, présente la position stratégique de Kotia Koffikro en

tant que village carrefour ; situé sur les grands axes de circulation de l’intérieur

de la Côte d’Ivoire, favorisant ainsi son choix par Samory Touré. Le commerce

d’esclaves a été possible à Kotia Koffikro grâce à l’accord de paix signé entre

Samory et Kotia Koffi, chef dudit village et les guerres de razzia de Samory et ses

sofas qui ont fait plusieurs intrusions chez les Sénoufo, Tagbana et Djimini. A ces

majoritaires s’ajoutent les Abron et les Wan. Ces personnes capturées deviennent

de vraies marchandises qu’ils mettent sur le marché. Il faut dire que c’est surtout

le double rôle que jouaient les esclaves qui va motiver les esclavagistes. Car, en

plus d’être des moyens de production économique, ils étaient des partenaires de

reproduction biologique.

Abordant la question de l’organisation et le fonctionnement du marché

d’esclaves de Kotia Koffikro de 1894 à 1898, nous avons rappelé d’abord,

l’existence d’un ancien marché agropastoral à Kotia Koffikro, qui reposait sur les

Page 97: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

92

échanges de produits alimentaires et artisanaux. Ces échanges internes étaient à

deux niveaux : le commerce immédiat et le commerce intercommunautaire qui se

limitaient au monde faafouê. C’est à côté de ce marché que Samory viendra

entamer son commerce d’esclaves en 1894. Peu de temps, après le marché

agropastoral disparait au profit du commerce d’esclaves qui verra la participation

de plusieurs acteurs venus échangés leurs produits contre des esclaves. Parmi ces

acteurs, nous avons les populations autochtones du Baoulé- Nord, celles du

Baoulé-Sud, les Gouro, les populations côtières (Allandian, Odzukru, N’zima) et

les Agni. La création de ce marché va propulser les Faafouê dans le commerce à

longue distance. Le troc, la monnaie-marchandise et la monnaie principale ont

servi de moyen d’échange. La convertibilité de certaines monnaies locales et

l’introduction du franc à la fin du siècle étudié avaient facilité les échanges

commerciaux entre Kotia Koffikro et les autres régions de la Côte d’Ivoire.

Vu l’ampleur de ces échanges, le bilan du commerce d’esclaves de Kotia

Koffikro sera contrasté après sa destruction en 1898. La période de 1895 à 1898

marque l’apogée du commerce d’esclaves et leurs déportations massives vers les

différentes régions de la Côte d’ Ivoire. L’évaluation des répercussions du

commerce d’esclaves diffère d’un camp à un autre. D’un côté, les peuples qui ont

accueilli les esclaves ont vu leurs populations et leur économie accroitre par la

présence et les travaux des esclaves. De ce fait, les produits vivriers étaient

abondants dans le Baoulé, ainsi que l’extraction de l’or. La production de l’huile

de palme, du café et du cacao étaient assurées par les esclaves, pour le compte de

leurs maîtres. On assiste à l’ouverture du Baoulé Nord sur l’extérieur. Cependant,

si la présence des esclaves a été tant bénéfique aux personnes susmentionnées, ce

ne fut que désolation pour leur lieu de provenance. Les populations du Nord ont

assisté impuissamment à la capture de leurs enfants, l’incendie et la ruine de leurs

villages. Les intrusions répétées de Samory et ses sofas ont créé en eux un

traumatisme, de telle sorte que la présence des colonisateurs fut un soulagement

pour ces esclaves. En 1898, après la capture de Samory Touré, ces derniers

interviennent et mettent en liberté les esclaves. Les esclaves pour la plupart, ne

Page 98: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

93

sachant pas où aller, ont trouvé refuge auprès des colonisateurs qui créent pour

eux, en 1906, un quartier du nom de "Liberté" à Bouaké. Les esclaves libérés vont

contribuer au développement de Liberté et de Bouaké en travaillant pour leur

propre compte, mais et surtout pour les colonisateurs. Toutefois, aujourd’hui,

Djamourou est le nom attribué au quartier Liberté de Bouaké, et le premier noyau

qui a été à la base du quartier Liberté, est ainsi indexé Djamourou Liberté par la

population.

Nous nous rendons compte, enfin, dans cette étude, que les Africains eux-

mêmes, sans la participation des Européens ont eu à organiser le commerce de

leurs frères Noirs en Afrique, après l’abolition de la traite atlantique. Cette traite

interne a eu lieu d’une part, à cause de la présence de Samory qui avait des

immenses besoins en armes, en chevaux et en vivres pour résister à l’impérialisme

français. D’autre part, les Africains voulaient tirer profit en répondant à la

demande de matières premières de l’Europe. Alors, l’esclave devient le moyen de

production utilisé, par excellence, pour obtenir une forte quantité de produits

d’exportation et une forte croissance économique. Samory devient alors le plus

grand pourvoyeur d’esclaves en Afrique de l’Ouest et toute la société ivoirienne

devint esclavagiste.

Par ailleurs, la libération des esclaves que les Français prônent tant comme

« un devoir sacré qui leur incombe »152 n’est-il pas un leurre vu que les esclaves

libérés sont devenus immédiatement leur main-d’œuvre ? Ne sortions- nous pas

de la fin de l’esclavage africain à une nouvelle servitude coloniale ? Ces points

méritent d’être approfondis pour comprendre la dépendance économique et

politique des Africains vis-à-vis de la métropole.

152 ANCI, 2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti- esclavagiste.

Page 99: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

94

ANNEXES

Page 100: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

95

ANNEXE I : LE GUIDE DE L’ENQUETEUR

Le guide de l’enquête contient les noms des lieux où nous avons effectué

nos différentes investigations. Il indique les motifs du choix de ces localités et

donne des importantes informations sur les localités suivantes :

- Kotia Koffikro

Plusieurs raisons expliquent le choix de Kotia Koffikro dans notre enquête.

En effet, situé juste avant l’abattoir de Bouaké, Kotia Koffikro était un village

peuplé par les Baoulé fahali ; devenu un quartier périphérique de la ville de

Bouaké. Cet espace a joué un rôle important dans les transformations

économique et sociale dans le Baoulé Nord et dans la Côte d’Ivoire tout entière.

Ce village a abrité le plus gros marché d’esclaves orchestré par Samory

Touré dans sa fuite contre les Français. Créant, son quartier général à Dabakala, il

fait la razzia de toute la zone Tagbana, Djimini, Diamala et des Dyoula. Ses sofas

et les villageois se chargeaient de la vente sur le marché de Kotia Koffikro.

Ce sont ces faits évoqués, qui ont incité notre visite dans ce village pour

avoir des informations venant des acteurs directs ou indirects de cet évènement.

- Quartier Djammourou de Bouaké

L’enquête de cette localité était plus que nécessaire. En effet, après la

capture de Samory Touré en 1898, le capitaine Benoit procède à la libération des

esclaves et crée à Bouaké, un quartier du nom de Liberté pour eux. Toutefois, le

nom de ce quartier semble avoir disparu sur la liste des appellations des quartiers

de Bouaké. Alors, n’ayant pas d’écrits sur le devenir de ce quartier, l’enquête

orale s’avère notre seule issue pour repérer les traces ou l’identité actuelle de ce

quartier.

Page 101: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

96

-Quartier Kamounoukro

Kamounoukro est un quartier situé en face de Liberté. C’est la grande voie

allant à Katiola qui sépare les deux quartiers. Alors, nous avons mené des

enquêtes dans ce lieu pour connaitre l’existence d’une maison nommée « maison

de commerce d’être humain en langue malinké » et aussi connaitre les limites du

quartier Liberté. Ces Baoulé akpatoufouê seraient les premiers baoulé de Bouaké

selon la population. Dès lors, les informations provenant d’eux sur l’origine du

quartier Liberté s’avèrent nécessaires.

- Quartier Dar-Es-Salam de Bouaké

Nous nous sommes rendus à Dar-Es Salam, pour vérifier les dires des

enquêtés de Djammourou et surtout pour comprendre leurs antériorités par apport

aux malinké et Dafing qui y vivent. Aussi, sommes-nous parti questionner la

famille du fondateur de Dougouba, un quartier de Bouaké, pour ce qu’ils savent

de Liberté ; les populations de Liberté disent avoir débroussaillé le terrain

qu’occupait pour les Dafing.

- Le secteur Liberté du Quartier Sokoura de Bouaké

Nous avons choisi ce quartier Sokoura relativement au nom "Liberté"

qu’on attribue à l’un des secteurs. En effet, nous étions à la recherche du quartier

Liberté créé par le capitaine Benoit. C’est ainsi que dans nos recherche ce quartier

nous a été indiqué. Car c’est le seul endroit que la population reconnait

immédiatement à partir du nom Liberté. Nous nous sommes engagés sur le terrain

pour savoir s’il s’agissait aussi de l’endroit qui a accueilli les esclaves de Samory

Touré.

LES QUESTIONNAIRES DES DIFFERENTES ENQUETES REALISEES

*ENQUETE ORALE A KOTIA KOFFIKRO

1-Qui sont les peuples de Kotia Koffikro ?

2-Que savez-vous de Samory Touré ?

Page 102: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

97

3-Comment s’est déroulé le premier contact entre Samory et vous ?

4-Pourquoi le choix de Kotia Koffikro pour vendre ses esclaves ?

5-D’où provenaient les esclaves vendu sur le marché ?

6-Qui étaient les acquéreurs et comment obtenaient ils les esclaves ?

7-Quelles sont les fonctions que ces esclaves pouvaient exercés ?

8- Qui dirigeait ces échanges ?

9-Que s’est-il passé après la capture de Samory Touré ?

10-Quel était le site sur lequel se faisait ce commerce ?

11-Avez-vous des descendants d’esclaves chez vous actuellement ?

12- Que savez-vous de Liberté ?

*ENQUÊTE ORALE A LIBERTÉ

1-Qui sont les habitants du quartier Liberté ?

2- Qu’est ce qui a motivé la création de ce quartier ?

3- Qui fut les chefs de ce quartier ?

4-Pourquoi l’attribution du nom Djammourou au quartier Liberté ?

5-Quelle est la limite actuelle du quartier Liberté ?

6- Pourquoi ce secteur s’appelle camp boireau ?

7-Quel fut le rôle des victimes de Samory une fois installé à Liberté ?

8-Comment se faisait la gestion de Liberté avec ces deux peuples ?

9-Quelles étaient vos relations avec les blancs ?

10-Dans notre enquête nous nous sommes rendu compte que les Djimini et les

Tagbana questionnés ont le même patronyme Coulibaly! Qu’est ce qui explique

cela ?

11-Avez-vous pu vous reconstituer après le calme revenu ?

Page 103: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

98

*ENQUÊTE ORALE A KAMOUNOUKRO

1-Kamounoukro fait- il partit de Djammourou ?

2- Qui sont les habitants de Kamounoukro ?

3- existait-il une maison de vente d’esclaves ici ?

4-Mais d’où venaient ces personnes ?

5-Ne ne sont-elles pas amener de force?

6- D’où vient l’idée de la création de cette structure ?

7-Pourquoi le nom « mogo féré bô » attribué à cette maison ?

8-Combien payaient les paysans pour avoir accès à ces personnes ?

9-Ya-t-il eu une maison d’esclaves à Liberté ?

*ENQUÊTE ORALE A DAR-ES-SALAM

1-Parait-il que Samory Touré a échangé avec votre père ?

2-D’où venaient les esclaves qu’ils vendaient ?

3-Quel fut ces relations avec les Baoulé ?

4- Pourquoi Samory faisait-il la guerre ?

5-Ou étiez-vous avant de vous installer ici ?

6-Qui fut votre père ?

7-Comment avez-vous obtenir ce terrain pour construire Dougouba ?

8-D’où venaient ces Tagbana ?

9-Que faites- vous maintenant ?

10-possediez vous des esclaves ?

11-Où se sont installés les dioulas qui sont venu après ?

Page 104: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

99

*ENQUÊTE ORALE A SOKOURA

1-Comment appelle-t-on ce secteur ?

2-Pourquoi l’appelle-t-on Liberté ?

3-Il fait partie de quel quartier ?

4-C’est le seul quartier qui porte le nom Liberté à Bouaké ici ?

Page 105: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

100

ANNEXE II : TRANSCRIPTION DE QUELQUES TEMOIGNAGES

ORAUX

Enquêtrice : SOROGO Awa

Enquêtés : N’GUESSAN Kouakou et KONAN Sam-Elysée

I- Les réponses aux différentes questions sont données par Monsieur

N’GUESSAN Kouakou porte-parole de Kotia Koffikro et KONAN Sam-

Elysée président des jeunes de Kotia Koffikro.

N.B : les informations du porte-parole sont données en langue baoulé et traduit en

français et complété souvent par le porte-parole des jeunes au fur à mesure.

1-Qui sont les peuples de Kotia Koffikro ?

N’GUESSAN Kouakou : « Nous sommes des Baoulé fahali, notre canton est

Konankankro »

2-Que savez-vous de Samory Touré?

N’GUESSAN Kouakou : « les personnes qui ont vécus pendant le commerce

d’esclaves de Kotia Koffikro n’existent plus. Mais mes parents m’ont dit que de la

Guinée il est venu à Dabakala et delà, ces sofas le précèdent et détruisent tout sur

leur passage. Samory passe en dernier lieu pour vérifier le travail fait. Quand, il

arrivait dans un village, qu’il trouve des enfants, il les ramassent pour leur mettre

dans une chambre et met le feu. Les toitures étaient en paille et brulaient vite.

Quand on lui demande, il dit qu’il grille de l’arachide.»

3 Pourquoi causait-il tout ce désastre ?

KONAN Sam-Elysée : « Il luttait contre les blancs. Son idée était que s’il laissait

quelqu’un derrière lui quel que soit son âge, risque de se rebeller contre lui un

jour. Ou peut s’allier aux blancs. »

4-Comment s’est déroulé le premier contact entre Samory et vous ?

N’GUESSAN Kouakou : « Comme je disais, les sofas de Samory le devance et

font des rapports sur les lieux. Ils ont dit à Samory que y’avait pas garçon à Kotia

Koffikro et que tout le monde était en pagne. Lui, Samory ne se bat pas avec les

femmes, puis qu’il n’y avait pas de garçon d’après lui, il n’a pas fait palabre avec

nous. Kotia s’est associé à Samory aussi par ce qu’il détestait farouchement les

blancs »

5-Pourquoi le choix de Kotia Koffikro pour vendre ces esclaves ?

Page 106: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

101

N’GUESSAN Kouakou : « Samory a fait la demande de Koutchakro, pour

vendre ses captifs. Le chef lui avait même dit que c’était mieux de leur vendre que

de les tuer. Pour le chef cela permettait de sauver des vies donc les deux se sont

mis d’accord pour vendre les captifs. »

6- D’où provenaient les esclaves vendus sur le marché ?

KONAN Sam-Elysée : « de Dabakala il fait le ratissage de toutes les localités

qui était sur sa route jusqu’à chez nous ici. Les captifs qu’il envoyait étaient des

Tagbana et des Djoula. »

7-Qui achetaient ces esclaves et comment les obtenaient t’ils ?

N’GUESSAN Kouakou : « tout le monde pouvait acheter les esclaves y’avait pas

l’argent de maintenant là. Les Baoulé, Agni, et d’autres personnes encore. On

achetait les esclaves avec les cauris, du kogondé et du corplor. Après cela,

l’esclave appartient à la personne qui l’achète et peut l’envoyer partout où il

veut. »

8-Quels sont les fonctions que ces esclaves pouvaient exercés ?

N’GUESSAN Kouakou : « Du moment où tu achètes l’esclave, il t’appartient, il

peut faire toute sortes de travail. Ils faisaient les travaux champêtres, l’élevage.

Les femmes aidaient nos mamans dans les travaux de la maison.

Mais quand les blancs viennent demander des personnes pour aller

travailler, ce sont les esclaves qu’on donnait. Même pour la formation militaire

c’est eux on donne. Quand ils ont construit les écoles, nos parents prenaient les

enfants à partir deux heures du matin pour les cacher en brousse, comme ça les

blancs ne les verraient pas pour les envoyé à l’école. On fait la liste des enfants

d’esclaves pour les envoyés à l’école »

8-Qui dirigeait ces échanges commerciaux?

N’GUESSAN Kouakou : « Nos parents disent que Samory lui-même, ne venait

jamais sur le marché. Il y’avait une partie des sodjas qui restaient avec Kotia

Koffi et Gnacou N’guessan pour vendre les esclaves. Maintenant, les monnaies

et les marchandises obtenues lors de la vente étaient gardées par le chef Kotia

Koffi, qui remettait lui-même à Samory. Mais c’est Samory lui-même qui exécutait

les esclaves qui n’ont pas été acheté.»

KONAN Sam-Elysée : « C’est GNACOU N’guessan qui commandait à

Koutchakro. C’est la même famille mais, il vivait à Gnacoukro donc il ne pouvait

pas être chef de Gnacoukro et d’ici en même temps. Gnacoukro, c’est le site

Page 107: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

102

qu’occupe l’aviation, c’est devenu un quartier de Confreville maintenant. Les

décisions finales de Koutchakro appartenaient à GNACOU, on ne prenait pas de

décision sans lui. Il était l’interprète des fahali devant les colons. C’est lui qui a

donné le terrain où ils ont construit l’abattoir de Bouaké»

9-Quel était le site sur lequel se faisait le commerce d’esclaves?

KONAN Sam-Elysée : « le site du village même n’était pas ou nous sommes,

c’est le troisième site qu’on occupe actuellement. Sinon, Koutchakro comprend le

village même, le secteur de l’abattoir, quartier Maroc et le secteur Bein Cadi. Ici,

c’est l’ancien site du village, vous voyez que ça faire face au nouveau village.

C’est ici qui était le marché d’esclaves, mais c’est devenu notre cimetière

maintenant. Ou y’a le grand arbre au fond du cimetière, c’est la bas Samory

exécutait les restes d’esclaves non achetés. L’autre côté du cimetière est réservé

aux enfants et aux personnes qui meurent suite à une épidémie. »

10- Que s’est-il passé après la capture de Samory Touré ?

N’GUESSAN Kouakou : « C’est Samory qui envoyait la marchandise et s’il

n’est plus là, on parle plus de commerce d’esclaves. Les blancs étaient venus

lutter contre Samory et ceux qui étaient contre eux par pour libérer les esclaves.

Ce sont les esclaves qui étaient les espions des blancs. Alors, ils vont libérer les

esclaves qui étaient chez les chefs. Avec eux ils vont construit le poste militaire.

Aussi le nom de Kotia Koffi va rester sur le village malgré qu’il ne fût pas le

chef. C’est la même famille KOTIA, mais c’est Nanan KOTIA, le grand frère de

Kotia Koffi qui était le chef. Mais il est trop calme, c’est ainsi que son frère Koffi

qui était un guerrier robuste et très voyou et mystique va gérer la pouvoir. Il va

mourir la même année qu’ils ont attrapé Samory. Les blancs ne pouvaient pas

mettre la main sur lui. C’est sa femme qui a dit au blancs qu’il dormait dans un

grand baobab a Trainou, elle les accompagné et quand le chef a vu sa femme il

est devenu humain et les blancs ont tranché sa tête et l’on emporté. Nos parents

l’ont enterré sans tête. »

11-Avez-vous des descendants d’esclaves actuellement ?

N’GUESSAN Kouakou : « Ce n’est pas nous seulement, toutes les familles qui

étaient à Bouaké au temps de Samory ont des descendants d’esclaves.

Aujourd’hui, ils sont devenus des hauts cadres du pays, par ce que les Baoulé ne

supportaient pas le blanc. Du coup, ce sont les esclaves qu’on envoie à l’école et

se sont eux les miliaires. Ils sont devenus très riches et indépendants

maintenant. »

Page 108: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

103

12- Que savez-vous du quartier Liberté ?

N’GUESSAN Kouakou : « Ce sont les Tagbana qui était la bas. Après, sont

venus les djoula. Latroman était leur chef, c’est lui qui était l’espion des blancs. Il

était arrogant, s’il arrive dans un village, il voit une femme qu’elle soit mariée ou

pas, enceinte ou pas ce n’est pas son problème, il prend. Quand on lui dit

d’envoyé des travailleurs il vient directement à Koutchakro pour les chercher. »

(Fin)

II-REPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES A L’ENQUÊTE DE

LIBERTÉ

Enquêtrice : SOROGO Awa

Les réponses aux différentes questions sont données par Monsieur :

Coulibaly Souleymane, Coulibaly Siaka et Bamba Lama.

1-Qui sont les habitants du quartier Liberté ?

Coulibaly Souleymane : « Ce sont les Tagbana et les djimini qui étaient là au

début. Mais maintenant y a tous les ethnies. »

2- Qu’est ce qui a motivé la création de ce quartier ?

Coulibaly Souleymane : « tu sais ma fille j’étais curieux comme toi et j’ai appris

beaucoup. L’histoire reste l’histoire quand tu la déforme, tu forge une autre

histoire et tu vas fini pas te contredire par ce que la quête d’information pour

mentir fatigue l’esprit. » Ce que je vais te dire je tiens ça de ma grande mère qui

m’a éduqué. En 1898, les blancs ont attrapé Samory, et eux ils ont été libérés de

l’esclavage. Mais, elle dit elle venait à peine d’avoir les seins debout quand le

Capitaine Benoit les envoyaient ici. Non, ma grande mère ne m’a jamais parlé de

Kotia Koffikro. Le Capitaine Benoit a lancé un appel ; tous ceux qui étaient parti

à cause de Samory reviennent habiter avec nous. Donc, ce sont les Djimini et les

Tagbana qui étaient les victimes de Samory qui sont venu s’installer. Après le

camp militaire, c’était le grand Bafond après c’était un petit secteur qu’on

occupait. Le reste était la brousse. Concernant le nom du quartier, c’est après que

tout soit redevenu normale que le Capitaine Benoit a dit Samory n’est plus et

désormais vous êtes chez vous. Le nom du quartier est Liberté. Quand vous êtes

Page 109: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

104

ici, vous êtes libres. Mais Kotia Koffikro dont tu parles là, elle ne m’a jamais

parlé de ça.»

3- Qui fut les chefs de ce quartier ?

Coulibaly Souleymane : « le Capitaine Benoit a choisi Tchêgbê, un albinos

djimini pour être notre chef au départ. Tchêgbê vient de la région de Dabakala,

précisément de Karpèlè, c’est le prémier village djimini après le N’zi quand tu

quittes le territoire Tagbana. Il était trop timide et peureux, donc les militaires

nous emmerdaient. Ils venaient ramasser nos poulets et cabris et personnes ne

pouvaient se plaindre. Alors, les villageois voyant que le chef ne réagissait pas,

sont parti se plaindre chez le capitaine Benoit. Dans sa colère le capitaine a dit

au chef de se remuer un peu. Le lendemain matin, Tchêgbê a preferé s’enfuit avec

ses bagages. Après, lui on a choisi, Coulibaly Nangbor, un Tagbana il était très

charismatique, petit de taille, éloquent et surtout très riche. C’est le secteur où il

habitait qu’on appelle Tagbana Carré. Après sa mort c’est son fils Coulibaly

Latroman qui l’a succédé. Le chef qui va être intronisé est l’un des petit fils de

Nangbor. »

4-Pourquoi l’attribution du nom Djammourou au quartier Liberté ?

COULIBALY Souleymane : « Djamourou est une expression dioula qui désigne

une personne : paniquée, traumatisée, stressée. Ce sont les autres qui nous

appellent comme ça. Par ce qu’avec l’avènement de Samory, les gens étaient

paniqués, ma grand-mère était originaire de Dabakala et on lui dit de venir

s’assoir ici. Donc, ils viennent soucieux, lis connaissent pas leur sort, si ils vont

être revendus. Tout le monde était dépaysé. D’où le nom Djamourou, qui désigne

plus le sort qu’on a subi que Liberté. Toutefois, Djamourou n’existe pas sur la

carte de Bouaké, c’est Liberté qui nous représente. Mais, le langage populaire

préfère Djammourou, et le nom Liberté beaucoup de personnes ne connaissent

pas. Si tu dis à un taxi-maitre je vais à Liberté, je te jure ma fille tu vas te

retrouver ailleurs. »

COULIBALY Siaka « tu sais quand un nom vient de la population sa reste plus

que le nom qu’on impose. Quand on va à la mairie et même dans d’autres

endroits c’est le nom du quartier Liberté qui est sur nos papiers. Nous on est né

ici, et c’est ce secteur qui commence après petit marché jusqu’ en bas de Tagbana

Carré là que les gens appellent Liberté et l’ensemble du quartier Djamourou.

Pour indiquer Liberté, on dit Djamourou Liberté, c’est du n’importe quoi!

Liberté est même chose que Djamourou, mais les gens ne savent pas. »

5-Quelle est la limite actuelle du quartier Liberté ?

Page 110: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

105

Coulibaly Souleymane : « le quartier Liberté part de la pharmacie marché de

gros jusqu’ à la rivière qui passe derrière Sama transport. De l’autre côté du

goudron c’est Kamounoukro. Donc derrière nous c’est le 3ème bataillons

militaire, devant c’est Kamounoukro. »

COULIBALY Siaka « avant Liberté comprenait seulement ce petit secteur qu’on

appelle Liberté et Tagbana Carré, tout le reste était la brousse. Le camp boireau

et autre sont venu après. Quand tu quittes à Liberté pour parti c’est Koutchakro

qui est là. Y’avait pas Dar-Es-Salam, quartier maroc, Koko tout cet endroit était

forêt. »

Bamba Lama : « Le quartier Liberté comprend le camp Boireau, Tagbana carré

et le secteur Liberté lui-même. »

6- Pourquoi le nom camp boireau à ce secteur?

Coulibaly Souleymane : « Le camp boireau c’est le secteur de la gare SITB,

c’est la première gare de Bouaké. Le nom du secteur c’est Sodeni. Ya jamais eu

de camp de séquestration ici. Les étrangers aiment donner les noms fantaisistes

au quartier. »

Bamba Lama : « Les gens de la gare SITB étaient mauvais. C’était la seule gare

de Bouaké, ils étaient trop révolutionnaires et n’acceptaient aucune négociation.

Comme ça coïncidé avec l’avènement du camp boireau de la Guinée, ils ont

nommé le secteur de la gare SITB, camp boireau. »

7-Quel fut le rôle des victimes de Samory une fois installé à Liberté ?

Coulibaly Souleymane : « En tout cas, les habitants de Liberté participaient à la

construction des écoles, des routes et puis après d’autres faisait leur champs ou y

a le bafond là et aussi beaucoups d’élevage. La grande voie de Djamourou que tu

vois, est l’une des plus vieille route de la Côte d’Ivoire, mes parents ont travaillé

cette voie qui déverse sur Katiola, Korhogo et va même au Niger, Burkina Faso et

mali, c’était la principale voie. En plus, quand les étrangers viennent le capitaine

Benoit vient nous chercher pour leur donner terrain. C’est nous et les Tagbana

qui élaborons la terre pour les étrangers. Quand, les Dafing sont venus de

Marabadiassa en 1899, c’est nous qui avons élaboré le terrain de Dougouba pour

eux, et le capitaine Benoit leur a dit que nous sommes leur tuteur. »

8-Comment se faisait la gestion de Liberté avec ces deux peuples ?

COULIBALY Souleymane « Chaque peuple a son comportement, les Djimini

sont dociles et respectueux. Quand le premier chef djimini est parti, le nouveau

qui est venu a continué le travail et tout le monde se soumettait à ses ordres y

Page 111: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

106

compris les Djimini, malgré qu’il soit Tagbana. En son temps, le chef tagbana et

les Tagbana eux-mêmes ne faisaient rien sans associer les Djimini. On

s’associait pour prendre les décisions. Mais, maintenant les jeunes qui viennent

être chefs là ils ne nous approchent même pas, donc ils ne connaissent même

l’histoire que je suis en train de te raconter. On nous ignore, ne nous sollicite plus

et je crains pour le quartier. »

9-Quelles étaient vos relations avec les colonisateurs ?

Coulibaly Souleymane « Tu sais, on accuse les blancs pour rien, blanc n’a

jamais emmerdé quel qu’un. Ils donnaient des ordres aux Africains et se sont les

responsables africains qui allaient au-delà des ordres indiqués par les

colonisateurs. Quand le blanc parlait en français, le militaire noire traduire ce

qui l’arrange à la population. Quand tu n’exécute pas il te frappe. Quand ils

disent ils ont besoin de deux moutons pour accueillir des fonctionnaires

étrangers, les militaires viennent ramasser au moins dix ; deux pour les blancs et

les autres pour eux même. On a plus souffert avec nos frères noirs que les

blancs. »

10-Dans notre enquête nous nous sommes rendu compte que les Djimini et les

Tagbana questionnés ont le même patronyme Coulibaly! Qu’est ce qui

explique cela ?

Coulibaly Souleymane « D’accord tu es très curieuse comme moi. Avant tout le

monde participait au travail forcé et était obligé de payer l’impôt, sauf le chef,

les membres de sa cour et les membres de la chefferie. Alors, puis que le premier

chef s’appelait Nangbor COULIBALY, alors tout ce qui vivait avec lui ont pris le

nom COULIBALY. Que tu sois Djimini, Tagbana ou autre, le patronyme du chef

te préservait de beaucoup de chose. Car, il n’y avait pas de moyens pour vérifier

effectivement qui était de la famille du chef ou bien membre de la chefferie, si ce

n’est pas le patronyme. Avec, les travaux pénible qu’on devait fait ; construire les

route sans engin, c’était avec la main, si tu n’es pas rapide tu seras maté pas les

responsables qui vous suivent. Il suffit qu’on entend Coulibaly venant de Liberté

immédiatement, on se dit qu’il est de la famille du chef et on te laisse, si toi-même

tu étais ici tu allais t’appeler Coulibaly non ? On ne travaillait que sous ordre de

notre chef qui était influent et respecté même par les blancs. »

11-Avez-vous pu vous reconstituer après le calme revenu ?

COULIBALY Souleymane « sincèrement dit avec toute ma curiosité et même

mes recherches, jusqu’à présent je ne sais pas pourquoi Samory faisait la guerre.

Il a traumatisé les gens, certains même sont perdus à jamais. Nous qui sommes

Page 112: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

107

resté ici, avons formé une famille. On m’a dit y a plein de djimini qui se trouve à

Didiévi à cause de Samory. Je suis arrivé, j’ai constaté même que y a un quartier

nommé Djiminisso, là où vivent les Djimini à Didiévi. Mais j’étais choqué, des

Djimini qui s’appelle Koffi, Kouadio, ils se sont mariés avec des Baoulé. Ces

Djimini ne parlent plus leur langue maternelle, mais plutôt le Baoulé. Mais les

balafres qui sont sur leur vissage, surtout chez les femmes indiquent bien qu’elles

ne sont pas Baoulé. Certains ont cherché à retrouver leur origine mais beaucoup

sont resté où ils ont amenés ».

(Fin)

III- RÉPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES AUX ENQUÊTES DE

DAR-ES-SALAM

Enquêtrice : SOROGO Awa

Les réponses sont données par Tidjane DRAMÉ, Youssouf DRAMÉ et

SANOU Moussa.

1-Parait-il que Samory Touré a échangé avec votre père ?

Tidjane DRAMÉ « Mon papa m’a dit Samory est venu à Marabadiassa, là où on

était avant sous le règne de Mori Touré et surtout de son fils Souleymane Touré.

Mon père Kolotama Dramé vivait avec ces chefs, mais je ne sais pas, s’ils ont pu

échanger en tant que tel. Mais, Samory Touré a dit aux Touré qu’ils étaient de la

même famille, donc y’a pas eu de palabre entre eux. »

2-D’où venaient les esclaves qu’ils vendaient ?

Tidjane DRAMÉ « Ce sont les Tagbana et les Dyoula qu’il vendait. De Kong

jusqu’en ici, il détruisait tout sur son passage et vendaient ces personnes. Y ‘avait

des esclaves parmi ces sofas aussi. En tout cas n’y avait pas de Baoulé parmi ces

esclaves. »

3-Quel fut ces relations avec les Baoulé ?

SANOU Moussa « Samory n’a jamais combattu les Baoulé, quand ces sofas

sont arrivés chez les Baoulé, ils l’ont informé que y’avait pas garçon ici. Tout

simplement, par ce qu’ils avaient attachés pagnes et avaient des chapeaux sur la

tête et lui Samory ne fait pas palabre avec les femmes. Il s’est tourné vers les

Tagbana et les Djimini qui combattaient son frère Mori Touré de

Marabadiassa. »

Page 113: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

108

4- Pourquoi Samory faisait-il la guerre ?

Tidjane DRAMÉ « Samory à commencer la guerre au début pour combattre les

mécréants ; ceux qui voulaient pas adhérer à l’islam, et aussi les colonisateurs.

Mais enfin de compte, il s’est mis à combattre tous les Africains et même Kong

qui était à l’époque la cité où règne l’islam en Côte d’Ivoire. Donc, je ne sais plus

finalement pourquoi il faisait la guerre et je suis sûr que lui-même il ne sait pas

pourquoi il faisait la guerre. »

5-Ou étiez-vous avant de vous installer ici ?

Tidjane DRAMÉ « Mon papa était à Marabadiassa, après Dougouba de Bouaké

c’est là moi-même je suis né et on est venu s’installer à Dar-Es-Salam depuis

1967, date de sa création. »

6-Qui fut votre père ?

Tidjane DRAMÉ « Mon père s’appelle Kolotama DRAMÉ, il est le fondateur de

Dougouba. Ca été créé en 1899, ainsi que la première mosquée de Bouaké qui se

trouve à l’intérieur du marché de gros. Il a été aidé par son frère Lanciné

Dramé, sa famille est de l’autre côté. Il était le responsable des impôts à Bouaké

à l’époque coloniale. »

7-Comment avez-vous obtenir ce terrain pour construire Dougouba ?

Tidjane DRAMÉ « C’est le capitaine Benoit qui nous a donné le terrain. En ce

moment il n’y avait pas de dioula à Bouaké ici. Ce sont les Tagbana, Djimini et

les Baoulé qui étaient là. Ce sont les Tagbana qui sont venus nettoyer le terrain

et ils ont pris apploplo pour délimiter le terrain de Dougouba. Le capitaine Benoit

a choisi cet emplacement pour nous à cause du commerce. »

8-D’où venaient ces Tagbana ?

Tidjane DRAMÉ « Nous sommes venus les trouver à Bouaké ici. Mais, ils

viennent de Djamourou, et ils sont d’ailleurs nos tuteurs à Bouaké, on ne fait

jamais palabre avec les Tagbana. Leur chef Nangbor COULIBALY était ami à

mon père.»

9-Que faites- vous maintenant ?

Tidjane DRAMÉ « J’étais couturier, et quand les blancs ont construit la grande

école de Bouaké (EPS) sur le site qu’occupe le palais de justice actuel, c’est moi

qui était chargé de coudre les tenues de ces élèves. Quand on est arrivé à Dar-Es-

Salam, je suis devenu l’imam de la grande mosquée de Dar-Es-Salam. Mais toi-

Page 114: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

109

même tu vois que je peux plus me tenir debout. Quand, il fait jour, je fais un effort

pour m’assoir devant la cour et les gens viennent chercher des informations

comme toi. Même, les gens de L’ONUCI venaient prendre des informations, les

gens de la radio aussi viennent, en tout cas je m’ennuie pas du tout , y a toujours

des gens qui viennent me voir et je suis très heureux d’avoir de la compagnie

chaque jour. »

10-possediez vous des esclaves ?

Tidjane DRAME « Mon papa avait des esclaves, mais ils n’ont pas été acheté

dans le village dont tu parles, ils étaient venus demander la protection chez mon

père. Non, ce sont des Tagbana, ils sont devenu des musulmans. Depuis lors, mon

père de son vivant n’a jamais parlé de leur origine et moi non plus. Leur mariage

a été fait avec les gens de la famille et personnes ne sait qui esclaves ici à part

moi. Si Dieu le veut, il ne le saura jamais. »

11-Où se sont installés les dioulas qui sont venu après ?

Tidjane DRAMÉ « Les Djoula qui sont venus après se sont installés derrière la

rivière Aboliba. C’est ce qui à donner le quartier Koko, qui est l’abréviation de

"ko kofê " qui voulait dire "derrière la rivière" lorsqu’il voulait indiquer où ils

habitent. »

(Fin)

IV- RÉPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES AUX ENQUÊTES DE

KAMOUNOUKRO

Enquêtrice : SOROGO Awa

Les réponses sont données par Nanan Agra YAO Chef du village de

Kamounoukro, Anonymat, DIOMANDÉ Machiami.

1-Kamounoukro fait- il partit de Djamourou ?

Nanan Agra YAO « Non non, nous on est Baoulé, ce sont les Tagbana et les

djoula qui sont la bas. C’est le goudron qui nous sépare de Djamourou. »

Anonymat « Kamounoukro est là y a longtemps et c’est différent de Djamourou.

Kamounoukro part de Djezoukouamékro qui est derrière la zone jusqu’au CHU,

le marché de mouton, Odiennékourani tout ça c’est Kamounoukro. »

2- Qui sont les habitants de Kamounoukro ?

Page 115: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

110

Nanan Agra YAO « Nous sommes des Baoulé akpatoufouê, on est à Bouaké y a

très longtemps. C’est avec la présence des blancs que nous nous sommes

dispersés, sinon avant on était nombreux. »

3- existait-il une maison de vente d’esclaves ici ?

Nanan Agra YAO « Mes enfants ne sont pas là, donc je n’aimerai pas me

prononcer la dessus. S’ils étaient là, ils allaient t’accompagner toi-même tu allais

voir. »

Anonymat « Non, il n’y a jamais eu de maison d’esclaves ici. C’était plutôt une

maison d’office de la main d’œuvre. C’est la grande maison qui est peint en

jaune que tu vois en face du grand terrain. Ce sont les djoula là qui ont surnommé

ça "Mogo féré bo" c’est-à-dire "maison de vente d’homme". Par ce que quand les

paysans viennent de n’importe qu’elle endroit, ils pouvaient emporter les

personnes qu’ils souhaitent, s’ils remplissent les conditions demandées par la

structure. Mais ils ne les vendaient pas, c’est un contrat qu’ils signent.»

4-Mais d’où venaient ces personnes ?

DIOMANDÉ Machiami « Ces personnes viennent en majorité du Mali et du

Burkina Faso. »

Anonymat « C’est le gouvernement de Côte d’Ivoire, qui partait les chercher la

plupart du temps du Burkina Faso dans des Cars de 22 places. Mais il y’avait

souvent des maliens aussi. »

5-Ne ne sont-elles pas amener de force?

Anonymat « Non, c’est un accord qu’ils trouvaient avant qu’on les envoient en

Côte d’Ivoire. Mais, le directeur me disait que souvent, certains s’enfuyaient par

ce qu’ils avaient peur. Ils ne savent pas à quoi s’attendre comme travail et ils

avaient peur et s’enfuyaient. Souvent, y’ a des étrangers qui viennent qui n’ont

pas de tuteur, de travail, ils viennent se confier à la structure pour chercher du

travail. »

DIOMANDÉ Machiami « Non, ils viennent d’eux-mêmes. Leurs frères qui ont

déjà travaillé ici aussi vont chercher d’autre pour les faire venir. Mais, je pense

c’est le fait d’être seul qui les fait fuir souvent. Ces personnes faisaient tous les

travaux : champs, commerce, servantes, travaille dans des usines, gardiennage. »

6- D’où vient l’idée de la création de cette structure ?

Page 116: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

111

Anonymat « Les directeurs qui dormaient ici, nous ont dit que c’est le Président

Houphouët qui en 1967 à donner cette idée. Par ce que nous avons des travaux

en Côte d’Ivoire qui nécessite la main d’œuvre. C’est pour cette raison que

l’office de la main d’œuvre a été créé à Kamounoukro. »

8-Combien payaient les paysans pour avoir accès à ces personnes ?

Anonymat « je ne sais pas, les directeurs ne nous parlaient pas de l’argent qu’on

donnait pour prendre les travailleurs. Mais, un contrat était signé avec les

responsables moyennant une somme que j’ignore. Souvent, ces étrangers avec cet

argent arrivaient à acheter leur propre terre. »

9-Ya-t-il eu une maison d’esclaves à Liberté ?

Anonymat « Non, y’avait pas maison d’esclaves, je viens de dire c’est la maison

d’office de main d’œuvre qui est à Kamounoukro que la population appelle

maison d’esclaves. »

(Fin)

V- RÉPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES AUX ENQUÊTES DE

KAMOUNOUKRO

Enquêtrice : SOROGO Awa

Les réponses sont données par SAMASSY Karim.

1-Comment appelle-t-on ce secteur ?

SAMASSY Karim « ici, c’est Sokoura Liberté »

2-Pourquoi l’appelle-t-on Liberté ?

SAMASSY Karim « Le quartier ne s’appelle pas Liberté mais Sokoura. Mais

c’est cette partie-là qui s’appelle Liberté, à cause de l’ancien cinéma Liberté que

tu vois. Non, ça fait des décennies que le cinéma Liberté ne fonctionne plus. Nous

on utilise le bas de l’immeuble pour être la permanence RDR du district Sokoura.

Moi-même, je suis membre du RDR, et nous avons une réunion ici, c’est pour ça

tu m’as trouvé ici, sinon d’habitude cet endroit est vide. »

4-C’est le seul quartier qui porte le nom Liberté à Bouaké ici ?

SAMASSY Karim « Ces gens de chose là, c’est la mairie qui connait. Nous

avons une réunion tout à l’heure. Moi je ne connais pas, mais il faut prendre la

Page 117: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

112

voie qui est derrière la pharmacie Sokoura pour te renseigner, il doit avoir un

autre quartier Liberté dans Djamourou. »

(Fin)

ANNEXE III- APERÇU HISTORIQUE DE KOTIA KOFFIKRO

Ces importantes informations ont été données par GNACOU N’guessan

porte-parole du village de Kotia Koffikro et KONAN Sam-Elysée, président des

jeunes de Kotia Koffikro, lors de la visite que nous avons effectuées dans ce

village dans le cadre de notre enquête orale :

« Kotia Koffikro appelé communément "Koutchakro", était un village

peuplé de Baoulé fahali qui dépendait autrefois des faafouê. Toutefois, la

conquête française leur accorda leur indépendance et ils choisissent

Konankankro comme le canton Fahali. Koutchakro veut dire : le village de la

famille KOUTCHA, qui est notre nom de famille et se sont les blancs qui ont écrit

KOTIA, sous le règne de Koffi qui était aussi KOUTCHA, raison pour laquelle, le

village s’appelle sur papier Kotia Koffikro.

Actuellement, Kotia Koffikro se trouve sur son troisième site ; le premier

site fait face à l’actuel espace occupé par Kotia Koffikro et le deuxième site ou se

trouve l’emplacement actuel de la station total vers le corridor Nord. Le village

englobe le quartier Maroc, le secteur de l’abattoir de Bouaké et l’espace

qu’occupe Kotia Koffikro actuellement.

Toutefois, la renommée de Kotia Koffikro est due à son marché d’esclaves

dont le site est occupé par notre cimetière. Avec le marché d’esclaves, les gens

quittaient dans tous les coins de la Côte d’Ivoire pour venir en acheter. Gnacou

N’guessan était le coordinateur de ce marché, mais les biens matériels étaient

remis à Samory par Kotia Koffi lui-même. L’amitié de Samory et du chef Kotia

Koffi à donner une force au chef, mais aussi au village. Après la capture de

Samory, les blancs se sont mis à la poursuite du chef, car lui aussi, il détestait

farouchement les blancs. Ainsi, en 1898, trahi par sa femme au profit des

colonisateurs, Kotia Koffi va être assassiné par ceux-ci à Trainou. »

Page 118: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

113

INDEX ET LEXIQUE

Page 119: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

114

I-LEXIQUE DES NOMS ET THÈME DE LA LANGUE BAOULÉ ET

AUTRE LANGUE DE L’ESPACE DU BAOULÉ-NORD

Lors de notre enquête sur terrain, plusieurs mots et termes ont été perçus à

travers les informations reçues. Dans cette partie, nous essayerons de donner le

sens de ces expressions en fonction de notre thème.

Akpatoufouê : les Baoulé de Kamounoukro

Apploplo : jatropha

Corplor : francs français

Djamourou : Homme traumatisé

Djon : Esclave en malinké

Faafouê : peuple baoulé de Bouaké

Fahali : un sous-groupe faafouê désigne les Baoulé de Kotia Koffikro

Gbamêlê : albinos en malinké

Go : nom d’une rivière qui coule à Kotia Koffikro

Kanga : esclave en baoulé

Kongodé : manioc découpé en petit morceau et séché

Mogo féré bo : maison de vente d’homme

Sodja : les sofas de Samory

Tchègbê : homme de teint claire en malinké

Page 120: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

115

II-INDEX DES NOMS DES LIEUX ET DES FIGURES HISTORIQUES DU

BAOULÉ NORD

Nous allons dans cette partie, présenter les espaces qui nous ont été d’une

utilité dans nos travaux de recherche et montrer les personnalités qui ont marqué

les évènements de notre période.

1. Indexe des noms de lieux

Bouaké

Didiévi (Djiminisso)

Djamourou

Gnakoukro

Kamounoukro

Kodiokoffi

Konankankro

Kotia Koffikro

Marabadiassa

2. Indexe des noms des personnes qui ont marquées la vie du Baoulé-Nord

Capitaine Benoit

Commandant Gouraud

Gnacou N’guessan

Kolotoma Dramé

Kotia Koffi

Koua Gbèkê

Lacina Dramé

Lancina Touré

Mori Touré

Page 121: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

116

Nangbor Coulibaly

Samory Touré

Page 122: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

117

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

Page 123: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

118

INSTRUMENTS DE TRAVAIL

*Dictionnaire le Robert Dixel, 2011, Maury, Paris, 2097p.

*Dictionnaire le Robert, 2005, Paris, Maury, 536p.

*Encyclopédie Microsoft Encarta, collection 2009.

I.LES SOURCES D’ARCHIVES NATIONALES DE CÔTE D’IVOIRE

1- Les sources d’archives d’Abidjan

1) Série EE (Affaires politiques)

1EE 28(1), 1896, LASNET, Mission du Baoulé, notes sur le Baoulé.

1EE 29(1), Cercle du baoulé, rapport d’ensemble 1893, 1902, 1905.

1EE 29(2), Rapport à Monsieur le gouverneur 1900, Lieutenant Buck,

commandant le poste de Bouaké.

1EE 29(2), Cercle du baoulé, rapport trimestriel 1913-1925.

1EE 29(2), Rapport à Monsieur le gouverneur, 1900.

1EE 29 (4), Rapports mensuels sur la situation politique du cercle du

Baoulé, 1899, 1905.

1EE32(1), Correspondance relative à l’envoie de carte du baoulé, rapport annexé

à la carte de la rivière bandaman depuis Lahou, jusqu’au baoulé 1893.

1EE 34(1/2), Cercle du baoulé circonscription Nord, Rapport de tournée, 1904-

1905.

1EE 34(1/3), Rapport de tournée, Septembre 1912, Novembre 1914.

1EE 35, Rapport sur les opérations militaires menées contre trois tribus du haut

Page 124: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

119

Bandaman, Nanafoué, Agou, Kodè du Sud (Mars-Août1911).

1EE 35(4), Opération militaire contre les diverses tribus de la région

baoulé1900-1902.

1EE 35(4), Correspondance 1905.

1EE 35(8), Rapport sur la reconnaissance des voies d’accès du baoulé-terminus

du chemin de fer, 1906.

1EE 35(15), rapport mensuel militaire, région du baoulé Nord, 1901.

1EE 36(3/7), Rapport mensuels, 1919, Bouaké.

1EE 36(4/4), Rapport de tournée, secteur de Bouaké 1904.

1EE 36(4/5), Rapport de Bouaké 1915.

1EE 36(31), Rapport politique mensuel, poste de Bouaké 1900.

2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908.

2EE 14(4), Affaire politique, rôle de la pacification au point de vue anti-

Esclavagiste, réponses de cercle, 1913.

2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti-

Esclavagiste.

2) Série KK (la politique des travaux publics et transports)

2KK1, Côte d’Ivoire, réparation par cercle des crédits destinés à l’assainissement

des centres urbain 1908-1909.

2KK 2, Loi relative au plan d’extension et d’aménagement des villes 1919.

3) Série QQ (Les affaires économiques)

Page 125: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

120

1QQ 75, Cercle du Baoulé-Nord. Marchés de Bouaké1899 à 1916.

1QQ76, Cercle du Baoulé-Nord. Règlementation des droits de place sur les

marchés 1913-1921.

1QQ79, Rapports économiques et commerciaux du cercle du Baoulé-Nord et des

postes de Bouaké, M’Bahiakro, Tiebissou, Béoumi, Diézoukro, 1901.

2- Les sources d’archives de la mairie de Bouaké

Bouaké et son histoire, données collectées par COULIBALY Mamadou chef du

service archives et documentation, 2016.

SEA Justin, Répertoires des archives de l’histoire coloniale de la Côte d’Ivoire

1838-1960, PSIC, Abidjan, 2004.

Recensement général de Bouaké en 2014, en fichier numérique.

Page 126: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

121

N° Nom et Prénom Profession Fonction Date et lieu de

naissance

Date et lieu

d’entretien

1 ANONYMAT Paysan Chef de famille 1958 à

Kamounoukro

26 Août 2016

17h à 17h45min

Kamounoukro

2 BAMBA Lama Président de

U.C.C.R.B

Responsable

des chefs de

Bouaké

1934 à

Dougouba

17 et 24 Août

2016 17h à

18h15min Liberté

3 COULIBALY Siaka Menuisier Chef de famille Non parvenu 26 Août 2016

17h à 17h45min

Tagbana carré

4 COULIBALY

Souleymane

Agent

commercial à

Confreville.

Retraité

Responsable

Djimimini

1954 Originaire

de Dabakala

17 et 26 Août

2016 16h à

17h 30 Liberté

5 DIABAGATE Bèssè Colporteuse Aucune Vers 1930

Originaire de

Bouna

17 Août 2016

14h à 14h30min

Djambourou

6 DIOMANDE

Machiami

Commerçante Épouse 1981 à Bouaké 30 Août 2016

16h 45min-17h

Kamounoukro

7 DRAMEYoussouf Pr d’histoire-

géographie à

Adzopé

Chef de

Famille

1954 Dar-Es-

Salam

18Août 2016

13h30 -16hDar-

Es-Salam

II-SOURCES ORALES

Page 127: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

122

8 DRAME Tidjane Imam grande

mosquée Dar-

Es-Salam

Fils du

fondateur de

Dougouba

1928 à

Dougouba

18 et 30 Août

2016 11h à 13h

Dar-Es-Salam

9 KONAN Sam-

Elysée

Educateur au

collège Henri

point carré

Président des

jeunes de

Kotia

Koffikro

Kotia

Koffikro

1erjuillet et 28

Août 2016 9h à

10 h Kotia

Koffikro

10 N’GUESSAN

Kouakou

Paysan Porte-parole

de Kotia

Koffikro

Vers 1960 à

Kotia

Koffikro

28 Août 2016

10h à 13h Kotia

Koffikro

11 NANAN Agra Yao Chef de

Kamounoukro

Chef de

Kamounoukro

Non parvenu 30 Août 2016

15h à 15h

45min

Kamounoukro

12 TOURE Awa Ménagère Épouse 1955 à

Bouaké

30 Août 2016

16h à 16h30min

Kamounoukro

13 SAMASSY Karim Non parvenu Membre RDR

Sokoura

Liberté

Non parvenu 16 Août 2016

17h à 17h

15min Sokoura

Liberté

Page 128: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

123

III. BIBLIOGRAPHIE

1. Les ouvrages généraux

*AJAHI (A) et al, 1996, Histoire générale de l’Afrique, l’Afrique au XIXème

siècle jusque vers les années 1880, tome VI, Paris, UNESCO, 916p.

*BIARNES (P), 1987, Les Français en Afrique noire de Richelieu à

Mitterrand, Paris, Armand Colin, 447p.

*BOAHEN (A) et al, 1987, Histoire générale de l’Afrique, l’Afrique sous

Domination coloniale1880-1935, tome VII, Paris, UNESCO, 906p.

*CHAUVEAU (J-P), 1979, Note sur l’histoire économique et sociale de la région

de kokumbo (Baoulé Sud, Côte d’Ivoire), Abidjan, ORSTOM, 228p.

*CHAUVEAU (J-P), 1981,"Le secteur informel" en pays baoulé : " création

Coloniale " ou "survivance d’activité traditionnelle", Paris,

ORSTOM, 238p

*CHAUVEAU (J-P), 1987, La colonisation : rupture ou parenthèse ?, Paris,

L’Harmattan, 122p.

*COLETTE (C), et PIGE (B), 2008, Economie sociale et solidaire,

Paris DUNOD, 152p

*COMTE (G), 1988, L’empire triomphant 1871-1936(Afrique Occidentale et

Equatorial), Paris, Denoël, 390p.

*DIABATE (H), 1988, Mémorial de la Côte d’Ivoire, Abidjan, AMI, tome1,

290p.

*EKANZA (S-P), 1995, Le dernier siècle de l’Afrique libre, l’Europe au chevet

de l’Afrique, Abidjan, PUCI, 143p.

*EKANZA (S-P), 2005, L’Afrique au temps des blancs 1880-1935, Abidjan,

CERAP, 188p.

Page 129: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

124

*LOUCOU (J-N) et M.GARANGER, 1988, En pays baoulé, Abidjan, NEA,

107p.

*LOUCOU (J-N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête

coloniale, Abidjan, CERAP, 150p.

*M’BOKOLO (E), 1992, Afrique noire, histoire et civilisation XIX-XXème

siècle, tome II, Paris, Hatier, 576p.

*PERSON (Y), 1975, Samori, une révolution dyula, Dakar, IFAN, Tome III,

N°89,114p.

*RENAULT (F), 1976, Libération d’esclave et nouvelle servitude,

Abidjan, NEA, 238p.

*SINGARAVELOU (P), 2013, Les empires coloniaux XIX-XXème

Siècle, Paris, Editions Points, 467p.

*TALL (M.L), 1977, L’empire du Mali, Dakar-Abidjan, NEA, 205p.

*VIDROVITCH (C.C), 1999, L’Afrique et les Africains au XIXème siècle,

(mutations, révolutions, crises), Paris, Armand

Colin, 304p.

*VIDROVITCH (C.C) et MONIOT (H), 2005, L’Afrique noire de 1800 à nos

jours, Paris, PUF, 381p.

*WERNER (S), 1913, Le bourgeois, contributions à l’histoire morale et

intellectuelle de l’homme économique moderne, Payot, n°89,342p.

2. Les ouvrages spécialisés

*FABIO (V) 1999, « L’esclavage au baoulé précoloniale »in L’Homme, N°152,

vol39, pp53-88.

Page 130: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

125

*GBODJE (S.A), 2005, Evolution économique de Bouaké : de l’économie

Précoloniale à l’économie coloniale de marché (1858-1939),

Thèse de Doctorat unique, 2 tomes, université de cocody, Abidjan, 594p.

*GBODJE (S.A), 2010, « Le marché d’esclave de Kotia kofikro (1893-1898) » in

Revue Ivoirienne d’histoire, N°17, pp50-72.

*KOUAME (N.B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord

du baoulé de 1850 à 1980, thèse de doctorat unique d’histoire

moderne et contemporaine Université Alassane Ouattara de Bouaké,

453p.

*YAO (K.M), 1988, L’économie faafouê à l’époque précoloniale, Mémoire de

Maitrise d’histoire, université de Cocody, Abidjan, 185p.

3. Les articles

*BOTTE (R), 2000, « L’esclavage Africain après l’abolition de 1948 ;

Servitude et droit du sol » in annales d’histoire sciences

sociales, vol55, pp1009-1037.

*CHAUVEAU (J-P), 1981, « Histoire du riz, histoire d’igname : le cas de la

moyenne Côte d’Ivoire », in Africa 51(2), pp621-658.

*FALL (B), 1993, « Le travail forcé en Afrique Occidentale Française (1900-

1946) »in Civilisation, vol 41, pp329-336.

*JANIN (P), 2001, « Une géographie de la rue africaine (Bouaké, Côte

d’Ivoire) » in politique africaine, n°82, PP177-189.

*TROUCHAUD (J-P), « Etude régionale de Bouaké 1962-1964 », tome I,

Ministère des Finances, des affaires économiques et du plan

Administration Générale, Division des études de développement, 38p.

Page 131: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

126

*WONDJI (C), 1963, « La Côte d’Ivoire occidentale. Période de

Pénétration Pacifique (1880-1908) »in revue française d’outre-

Mer, N°180, vol50, pp346-381.

Page 132: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

127

TABLE DES CARTES

CARTE N°1 : LE BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE IVOIRIEN

CARTE N°2 : CERCLE DU BAOULÉ-NORD ET SUD EN 1901

CARTE N°3 : L’ESPACE NORD DU BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE

BAOULÉ

CARTE N°4 : CARTE DE BOUAKÉ

CARTE N°5 : KOTIA KOFFIKRO DANS L’ENSEMBLE FAAFOUÊ

CARTE N°6 : LES CENTRES COMMERCIAUX CONVERGEANT Ā KOTIA

KOFFIKRO

Page 133: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

128

TABLE DES MATIÈRES

Page 134: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

129

DÉDICACE ……………………………………………………………………I

REMERCIEMENTS……………………………………………………………II

SIGLE ET ABREVIATION…………………………………………………III

SOMMAIRE……………………………………………………………………IV

INTRODUCTION GÉNÉRALE …………………………………………….5

PREMIÈRE PARTIE : LE CONTEXTE GÉO-HISTORIQUE ET LA

CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA

KOFFIKRO (1893-1894)…………………………….35

CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS GÉO-HISTORIQUES DE LA

CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES

DE KOTIA KOFFIKRO DÈS 1893………………38

I- les conditions naturelles de l’avènement du marché d’esclaves à Kotia

Koffikro…………………………………………………………………..38

1. La position géographique de Kotia Koffikro………………………………….38

2. La densité des infrastructures routières………………………………………..39

3. La rivière « go », une source d’eau importante pour les voyageurs………….40

II-Les raisons historiques de la création du marché d’esclaves de Kotia

Koffikro…………………………………………………………………..40

1. Esclavage, une pratique ancienne des sociétés africaines……………………40

2. Le pacte de paix entre Samory Touré et le chef Kotia Koffi….........................41

3. Les guerres samoryennes, réservoir potentiel d’esclaves……………………..44

CHAPITRE DEUXIÈME : LA STRUCTURE DU MARCHÉ D’ESCLAVES

ET LES RAISONS DE SON

DÉVELOPPEMENT A KOTIA KOFIKRO

DÈS 1894………………………………………46

I-L ‘avènement du marché d’esclaves……………………………………………46

1. Le marché agro-pastoral avant l’arrivée de Samory…………………………..46

2. La structure du marché d’esclaves …………………………………………….46

Page 135: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

130

II-Les facteurs de développement du commerce d’esclaves …………………….47

1. L’esclave, une main d’œuvre disponible …………………………………….47

2. L’esclave, un prestige pour le peuple Akan…………………………………...49

3. L’esclave, partenaire de reproduction biologique……………………………..50

DEUXIÈME PARTIE : L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT

DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA

KOFFIKRO (1894-1898) ………………………..52

CHAPITRE TROISIÈME : L’ORGANISATION DU COMMERCE

D’ESCLAVES.......................................................54

I- Le commerce intérieur…………………………………………………………54

1. Le commerce immédiat………………………………………………………..54

2. Le commerce intercommunautaire…………………………………………….55

II-Le commerce extérieur………………………………………………………...56

1. Les raisons du commerce à longue distance…………………………………..56

2. Les acteurs commerciaux……………………………………………………...57

III-Les centres, les circuits et les produits commerciaux………………………...58

1. Les centres commerciaux en relation avec Kotia Kofikro…………………….58

2. Les circuits commerciaux……………………………………………………..59

3. Les produits commerciaux…………………………………………………….60

CHAPITRE QUATRIÈME : LA MONNAIE DANS LES TRANSACTIONS

A KOTIA KOFFIKRO DE 1893 A

1898……………………………………..62

I- Le système de troc et la marchandise monnaie………………………………..62

1. Le système de troc……………………………………………………………..62

2. La marchandise- monnaie……………………………………………………..63

II- Les monnaies principales……………………………………………………..65

1. Le sombè et la manille………………………………………………………...65

Page 136: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

131

2. L’or et les fusils……………………………………………………………….66

TROISIÈME PARTIE : LES EFFETS DU COMMERCE D’ESCLAVES

(1898-1906)………………………………………….69

CHAPITRE CINQUIÈME : LES TRANFORMATIONS ÉCONOMIQUES

DE LA VENTE D’ESCLAVES……………….71

I- Les impacts économiques sur Kotia Koffikro et le pays baoulé………………71

1. L’essor économique de Kotia Koffikro et sa suprématie dans le monde

faafouê……………………………………………………………………71

2. La croissance économique dans l’ensemble du pays baoulé………………….72

II- Les effets économiques sur les zones de provenance et d’accueil des

esclaves..................................................................................................................73

1. Etouffement de l’économie des zones d’émanation

d’esclaves………………………………………………………………...73

2. La prospérité économique des autres zones

d’accueil………………………………………………………………….74

CHAPITRE SIXIÈME : REPERCUSSIONS DÉMOGRAPHIQUES ET

SOCIALES DE LA VENTE D’ESCLAVES84

I- Impact démographique sur les localités d’accueil et de provenance des

esclaves…………………………………………………………………...76

1. Augmentation du nombre d’habitant dans le Baoulé Nord et Sud…………….76

2. Augmentation de la population de la zone côtière et de l’Est…………………78

3. Dépeuplement de la région située au Nord du Baoulé………………………...78

II- Les répercussions sociales du commerce d’esclaves…………………………80

1. Le traumatisme général………………………………………………………..80

2. La capture de Samory et le déclin du marché d’esclaves……………………...81

3. L’alliance entre les esclaves et les colonisateurs français …………………….83

4. La création du quartier Liberté en 1906……………………………………….84

4.1 Le quartier Liberté……………………………………………………………85

Page 137: MÉMOIRE DE MASTER - WordPress.com€¦ · comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, Mbahiakro, Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi,

132

4.2 De Liberté à Djamourou……………………………………………………...87

CONCLUSION GÉNÉRALE………………………………………………….90

ANNEXE ………………………………………………………………………94

INDEX ET LEXIQUE………………………………………………………...114

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE…………………………………………...118

TABLE DES CARTES………………………………………………………..128

TABLE DES MATIÉRES…………………………………………………….129