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Mémoire Quelle est l’influence des associations comme la Fondation Abbé Pierre sur la jurisprudence de la loi DALO ? Charlotte Jarret

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Mémoire

Quelle est l’influence des associations comme la Fondation Abbé Pierre sur la jurisprudence de la loi DALO ?

Charlotte Jarret

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Depuis la Seconde Guerre Mondiale, la crise du logement caractérise notre pays :

c’est un problème récurrent auquel les politiques ne semblent pas trouver de solution, ou vouloir trouver de solution, tant la situation est critique. Bien qu’une partie de la richesse prélevée par les impôts et les prélèvements sociaux soit redistribuée au secteur du logement, les sommes distribuées sont considérablement trop faibles eu égard au retard pris depuis des années. La pénurie de logement suite à la crise de la construction entraine une crise des loyers dont on constate aujourd'hui les effets dévastateurs au sein de la capitale. Comparaison faite avec les loyers de la province, Paris intra muros devient privilégié, les marchands

de sommeil y font fortune et un appartement de 30m2 abrite un foyer de 5 à 6

personnes. C’est évident, la crise du logement est une crise qui touche les populations les plus défavorisées, les personnes les plus pauvres : les faibles et sans revenus. L’Etat a du intervenir, et ce pour une raison : le logement est un bien vital. Les grands patrons l’avaient bien compris lorsqu’ils ont été les premiers à construire des logements pour loger les ouvriers et leur famille. A la fin du XIXème siècle, un mouvement législatif se met alors en place pour structurer cette démarche. L'objectif étant le logement des familles à faibles ressources, des ouvriers et des catégories populaires dans un contexte de rapport difficile entre les propriétaires et les locataires sans grandes ressources. Dès 1894, la loi Sigfried a permis à la Caisse des dépôts et consignation de faire des prêts à des sociétés ouvrières. Le législateur permet aussi la création d’offices qui seront indépendants. Le logement social deviendra un marché à part entière.

Mais, année après année, les listes de demandeurs de logement social s’allongent alors que l’offre de logement ne suit pas. Cette situation est devenue de plus en plus critique en Ile de France où les salaires ne permettent plus d’accéder aux logements du parc privé. La pénurie de logements sociaux laisse place aux impayés et aux expulsions mais aussi aux logements insalubres et indécents, aux personnes sans logement ou aux situations de sur-occupation. Toutes ces situations sont la conséquence directe non pas d’un problème social ou monétaire ou encore de stabilité psychologique mais la conséquence d’un unique problème de logement. Face à cette urgence, le législateur est intervenu. Une loi °82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs pour la première fois reconnu le logement comme un droit fondamental. Puis la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement a cherché à garantir un droit au logement par la création des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) mais aussi par un dispositif d'incitation à l'investissement locatif. Ces textes ne suffisant pas, il a fallu reconnaître le droit au logement comme étant opposable. C’est dans ce cadre qu’est née la loi « DALO » n°2007-290 du 5 mars 2007. Si le terme « opposable » a été ajouté au droit au logement, c’est pour pouvoir le faire valoir à l’encontre d’autrui ; ici l’Etat. Ce dernier n’a non plus une obligation de faire mais il a une obligation de résultat sur

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laquelle se fondent les différents recours devant le Tribunal Administratif. Aux termes de l’article L.300-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, le droit au logement est , résidant sur le territoire français de façon é è d c d d m c déf déc C d , pas en m d y ccéd m y d y m ». Le droit au logement devient un droit de créance de l’individu à l’encontre de l’Etat.

La loi DALO regroupe plusieurs acteurs. A priori, elle met en jeu l’Etat via ses

services déconcentrés, les préfets et les personnes défavorisées qui doivent être relogées. Nous remarquons en pratique que le rôle des travailleurs sociaux, des associations et des « avocats sociaux » est primordial. En effet, à la lecture de cette loi, le droit au logement opposable semble être facilement mis en œuvre. Si le formulaire cerfa à remplir était la seule étape pour faire valoir son urgence à être logé dans le parc social, nous pourrions considérer que cette loi ne nécessite aucune intervention extérieure. Pourtant, le simple fait de remplir ce formulaire peut devenir compliqué pour certain. Le motif qui doit pousser une personne à remplir un dossier DALO (sans domicile - menacé d’expulsion sans solution de relogement – hébergé dans une structure d’hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de 6 mois ou logé dans un logement de transition ou un logement foyer depuis plus de 18 mois temporairement – logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux – logé dans des locaux ne présentant pas d’équipement et de confort avec une personne à charge – en situation de sur-occupation avec au moins une personne à charge – être demandeur d’un logement social depuis un délai supérieur au délai anormalement long) n’est pas toujours compris par les personnes et nombreux sont les dossiers qui sont rejetés en commission. En effet, le motif d’un loyer trop cher, ou d’un appartement un peu trop petit sans pour autant mettre ses habitants en situation de sur-occupation ne sont pas de motifs légitimes en application de la loi. C’est pourquoi, des structures extérieures et de personnes formées pour être compétentes dans le milieu du DALO ont été contraintes d’émerger afin que les personnes concernées puissent bénéficier de ce droit. L'objectif étant ici de ne pas concourir à une désuétude seulement en raison d’une incapacité à remplir le formulaire de base. Parce qu’en règle général, toutes les personnes concernées par un problème de logement connaissent l’existence du « DALO », mais au final, rares sont celles qui savent comment en faire un moyen de pression sur l’Etat. C’est dans ce cadre que l’Espace Solidarité Habitat constitue aujourd’hui une assistance et une aide pour les populations qui n’arrivent pas à accéder au logement social.

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La Fondation Abbé Pierre via l’Espace Solidarité Habitat n’est pas la seule structure aidant à la mise en œuvre du DALO. Sur l’Ile de France celles-ci sont nombreuses. Pour exemple, retenons La FNARS, Action Logement, le DAL, le HCLPD, la FAPIL Ile de France ou encore le CASP Il convient alors de se demander quelle est l’influence du mouvement social et des associations comme la Fondation Abbé Pierre sur la mise en œuvre de la loi et la jurisprudence du DALO ? Nous verrons que l'intervention des associations est devenue une nécessité dans la mise en œuvre de cette loi tant en raison des populations concernées qu'en raison de la décharge de responsabilité de l’Etat qui ne met pas en oeuvre tous les moyens pour que cette loi soit assurée. Pourtant, bien que l’action des associations et du mouvement social soit plus que bénéfique, il est déplorable de relever que les conséquences de cette loi et son bilan ne sont que très insuffisants.

1. L’intervention des associations pour une meilleure mise en œuvre de la loi DALO

N é d c b é ô d c F d Abbé P v c j la chance de travailler deux mois durant. Mais les observations émises sont valables aussi p c mêm ô d c d cc m m . Le plus marquant est sans doute la nécessité du rôle de ces associations. Nous relèverons que, bien que le bilan de la loi penche plus vers le négatif, la présence de ces associations est sans conteste le moyen le plus efficace pour la faire avancer. En effet, la loi du 5 mars 2007 institue un droit au logement opposable qu’il est nécessaire de faire appliquer. Cependant pour que cette application soit efficace, il peut s’avérer primordial de le faire avec l’aide d’une association. Remplir le formulaire et saisir le Tribunal Administratif pour un recours contentieux et indemnitaire sont des formalités purement administratives et juridiques qui ne sont pas évidentes pour la majorité des personnes concernées. La Fondation Abbé Pierre constitue une aide dans un système jugé trop complexe. Se pose donc le problème de l’accès au droit. De plus, les associations constituent un réel contre pouvoir durant les séances de la Commission de Médiation et permettent de recadrer tant se faire que peut la loi souvent interprétée par la Présidence de la Commission.

a. Les associations : un rôle d’aide et d’assistance dans une procédure complexe Les personnes à qui nous sommes confrontés dans le cadre de la loi DALO représentent un public relativement fragile. Le problème de logement touche les personnes les plus

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pauvres, les plus exclues, les plus en retrait de la société, les plus seules ou les plus défavorisées . Un problème de logement qui les enterrent dans cette situation. Ce sont le plus souvent des personnes qui n’ont pas l’habitude de se pencher sur des formulaires du type de celui du DALO, si ce n’est le formulaire de demande de logement social à remettre en mairie. Nous pouvons être en présence de personnes qui ne parlent pas bien le français, ou qui ont du mal à le comprendre, mais aussi des personnes qui doivent avoir l’assistance d’un ami pour traduire, etc. Les personnes capables de se débrouiller seules dans toute la procédure du DALO sont rares, et l’on peut considérer ici une première carence de la loi. Il est nécessaire d’être accompagné, aidé dans la mise en œuvre de ce droit au logement opposable, alors qu’il ne devrait pas en être ainsi. La mise en œuvre de cette loi est relativement ardue et la procédure est peu comprise par les personnes concernées. De plus, certaines personnes sont souvent parallèlement en procédure d’expulsion et doivent donc remplir des dossiers d’aide juridictionnelle pour une audience devant le Tribunal d’Instance ou devant le juge de l’exécution pour obtenir des délais. Il n’est pas rare que ces derniers soient perdus dans les différentes procédures contentieuses. Mais il convient d'être prudent. On ne peut considérer que seules les personnes concernées par cette loi qui sont incapables de la mettre en œuvre. En effet, toute personne n'ayant pas étudié la procédure contentieuse et n'ayant pas quelques connaissances en droit ne pourra pas efficacement user de son droit au logement opposable. Des termes difficiles, une Commission de Médiation, un juge administratif, une condamnation du préfet, sont autant de choses à retenir pour être à l’aise dans la procédure. On comprendra donc que tout novice, étranger ou non, parlant le français ou non, étant en situation de précarité ou non, aura du mal à bien la comprendre. Cette complexité est un frein à l’ouverture du droit au logement opposable pour certaines personnes qui n’ont pas le réflexe d’avoir recours à une assistante sociale ou une association comme la Fondation Abbé Pierre. Il est inadmissible de devoir refuser des dizaines de dossier en Commission parce qu’ils sont mal remplis. Ce serait pourtant une atteinte à la liberté qu’est le droit au logement opposable que de devoir imposer aux personnes susceptibles d’être déclarées favorables de se faire assister par un travailleur social ou une association. On remarque en outre que lors des séances de la Commission de Médiation de Paris, la tendance est à ajourner les dossiers qui sont faits seuls et qui n’ont pas de suivi ou de compte rendu social. En effet, l’on se rendre compte que dès lors que la présidence de la Commission est confrontée à un cas relativement complexe, à des faits peu communs, cette dernière exige un rapport social. Assez systématiquement, dès lors que ce rapport social n’est pas présent, le dossier est rejeté ou ajourné le temps d’en demander un au travailleur social s’il y en existe un. Si l’on se penche sur le tableau de suivi COMED Ile de France, on remarque que l’ajournement est de plus en plus pratiqué. Seulement 2 dossiers avaient été ajournés

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par la Commission de Paris en 2011 et 25 l'ont été entre janvier et avril 2012. Comme s’il était nécessaire qu’une personne extérieure établisse un rapport mentionnant qu’il est indispensable que la famille demandeur soit relogée pour telle ou telle raison. Or, en parcourant les textes de la loi du 5 mars 2007, cette nouveauté n'est jamais mentionnée, sorte de réserve d’interprétation de la présidence de la Commission de médiation qui pose problème. Nous semblons alors tendre vers l’idée évoquée ci-dessus : pour faire entendre son droit au logement opposable il faudrait être suivi par un travailleur social ou une association.

b. Une procédure contentieuse importante : problème de l’accès au droit Un autre problème peut être soulevé dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007, celui de l’accès au droit. La plupart des personnes reconnues prioritaires à être logées et en situation d’urgence ne sont pas relogées ou n’ont eu aucune proposition dans le délai imparti au préfet qui est de 6 mois. Des recours devant le tribunal administratif sont alors ouverts. Par conséquent ces personnes, issues de milieux le plus souvent défavorisés, sont confrontées à un monde complexe : les tribunaux. Avec les procédures d’expulsion qui peuvent être en marche parallèlement, certains ont déjà pu se présenter devant un tribunal et ont été contraints de remplir et de déposer un dossier d’aide juridictionnelle. Ce n’est toutefois pas toujours une généralité. Ainsi, déposer seul, sans l’aide de personne, une requête devant le Tribunal Administratif au fin de condamnation du préfet à une astreinte financière mensuelle en raison de sa faillite dans la recherche d’un logement est proche de l’impossible pour quelqu’un qui n’est pas expert en la matière. Il faudrait en effet que celui-ci sache écrire la requête en suivant un formalise précis, pour la déposer en 4 exemplaires minimum et payer un timbre fiscal de 35 euros. Dans ce processus aussi, la Fondation Abbe Pierre apporte une grande aide et œuvre pour un accès au droit le plus égalitaire possible. En proposant aux demandeurs l'assistance du ministère d'avocat de son réseau, elle leur permet d’être défendu par un spécialiste du DALO et leur évite ainsi la nomination d’un avocat commis d’office qui serait peut-être moins susceptible de prendre son rôle au sérieux. Les avocats travaillant avec la Fondation signent une convention avec elle et participent à la mise en oeuvre de l’aide juridictionnelle. Le dossier d’aide juridictionnelle est le plus souvent rempli dans les locaux de la Fondation et est déposé par l’intéressé. Celui-ci est mis en contact au plus vite avec un des avocats qui lui transmet la lettre d’acceptation à joindre au dossier afin que le bureau de l’aide juridictionnelle ne convoque pas un commis. La nomination de ce type d’avocat permet à la Fondation d’assurer un certain suivi qui est nécessaire et facilite la communication entre la personne prioritaire au DALO, l’association et l’avocat. Même lorsqu’une famille ou une personne seule n’a pas le droit à l’aide juridictionnelle en raison de ses ressources trop importantes, la Fondation assiste cette dernière

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notamment pour le recours contentieux devant le Tribunal Administratif en rédigeant une requête et ses exemplaires, s’occupant d’y joindre les pièces justificatives et de l’informer du paiement du timbre fiscal. Dans le courrier envoyé pour indiquer que la Commission de Médiation nous a déclaré comme étant prioritaire à être logé, il est clairement indiqué qu’un recours contre le préfet peut être envisagé devant le Tribunal Administratif si ce dernier n’a pas trouvé de logement dans un délai de 6 mois. Il est donc nécessaire que la personne concernée, si elle n’est pas suivie correctement par un travailleur social ou une association comme la Fondation Abbé Pierre, se souvienne que ce délai passé, elle peut saisir le Tribunal Administratif, mais qu’elle ne dispose que d’un délai de 4 mois pour le faire. A défaut, elle ne pourra que former un recours indemnitaire. Ce dernier recours est trop peu connu du public et même des travailleurs sociaux. Depuis peu, un numéro unique sur Paris permet de prendre contact avec un conseiller afin d’en intenter un. Nous remarquons que l’information quant aux recours contentieux n’est pas suffisamment assurée, elle est le plus souvent réalisée par les associations et les assistantes sociales, qui doivent assister les personnes du début à la fin de la procédure pour un recours efficace. Se pose encore le problème de l’intérêt de ce recours indemnitaire pour les personnes qui ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle. Le travail effectué par l’avocat au bénéfice de ce recours est conséquent : lettre au préfet et quantification du préjudice subit. Seul un avocat pourra effectuer ce travail. Par conséquent la Fondation Abbé Pierre ne peut réaliser ce recours seule et il est parfois préférable dans certaines situations de ne pas réaliser de recours indemnitaire car la somme dépensée en honoraires d’avocats pourra être supérieure à celle allouée au terme du contentieux par le juge. Face à cette complexité qui réside dans les recours, les délais à respecter et les modalités purement administrative, l’on trouve aussi une certaine inégalité dans l’accès au droit dans la mesure où les personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle ne sont pas en mesure de choisir l’avocat qui assurera leur défense et la reconnaissance de leur droit au logement opposable. Le réseau d’avocat qu’a su se créer la Fondation Abbé Pierre permet d’aller à l’encontre de cette idée car ce sont des personnes conventionnées, qui choisissent travailler avec cette association et qui acceptent d’en assurer le caractère social qui en découle. Cependant, une personne qui bénéficie de l’aide juridictionnelle sans pour autant se voir attribuer un avocat bénéficiera d'un avocat commis d’office. La masse de travail et l’intérêt portés au dossier seront sans doute moins importants que pour un dossier facturé librement. L'État assurant les honoraires des avocats lors de la mise en oeuvre de l'aide juridictionnelle, ceux-ci sont règlementés par décret. Or, le montant de cette rétribution est aujourd’hui contesté par les avocats qui souhaiteraient que l’on revoit les montants à la hausse, chose qui n’a pas été faite depuis 10 ans. Les conséquences directes de ces contestations sont parfois le désintérêt et l’absence de motivation, ce qui impacte de façon négative la jurisprudence du DALO. Le réseau de la Fondation Abbé Pierre permet d’éviter une certaine inégalité devant la justice et donne aux personnes concernées par ces recours une chance d’avoir avec leur

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avocat de réels rapports humains dans des procédures parfois déshumanisées devant un Tribunal Administratif qui a fait jurisprudence très vite dans un domaine qui demanderait pourtant une adaptation au cas par cas.

c. Les associations : seules oppositions face à la Commission de médiation En comparaison avec les autres départements de l’Ile de France, la Commission de médiation de Paris examine beaucoup plus de dossiers. Une séance se tient tous les vendredis de l’année, été compris, et pas moins de 200 dossiers sont passés en revue. Ces dossiers ont été étudiés auparavant par les services de la Commission dans les locaux de la préfecture et en ressortent une liste pressentie positive, une liste pressentie négative (pour laquelle il sera alors difficile pour les associations de faire reconnaître la personne ou le foyer comme prioritaire), une liste de cas par cas et la liste des dossiers ajournés les semaines précédentes. Lorsque les dossiers passent en Commission, sont présents le président de la Commission désigné par le préfet, un vice-président, ainsi que quatre collèges : un collège des administrations de l’Etat, un collège des collectivités territoriales, un collège des organismes de HLM et des gestionnaires de structure d’hébergement et un collège des associations (la Fondation Abbé Pierre, la CASP et la CGL). Nous remarquons que pour les dossiers traités durant cette séance, la présence des associations pour le logement est précieuse. En effet, leur mission ne semble pas animée par le même objectif que les autres personnes et représentants. Ces associations représentent les personnes qu’elles suivent mais aussi permettent à la majorité des personnes en difficultés et entrant dans les critères posés strictement par la loi, de bénéficier du statut de prioritaire à être relogé, tandis que l'on sent sur le dos de la présidence une certaine pression du Ministère pour n’accepter que les dossiers les plus prioritaires et les plus urgents. C’est un échange animé mais qui repose avant tout sur l’interprétation des textes de la loi et des critères dégagés. La discussion est purement juridique et ne s’égard pas pour tenir compte d’une situation sociale précise, ce sont des idées sur la façon dont doit être compris le texte. Certes les associations se battent pour que le plus de personnes soient reconnues comme prioritaires à être logées ou relogées, mais en aucun cas elles ne s’éloignent des textes. Ainsi, elles constituent une sorte de contre-pouvoir, seule vraie opposition à la présidence. De par leur présence, le débat est assuré et certaines interprétations de la présidence, qui ne trouvent pas toujours de base légale, sont combattues. Nous pouvons citer par exemple le fait, rapporté ci dessus, d’ajourner ou de refuser certains dossiers en raison de l’absence de tout rapport social alors qu'aucune disposition de la loi dans la loi ne le prévoit. Les associations, qui sont les premières à assurer un suivi social, se battent contre cette voie d’interprétation des textes. Bien que le suivi social soit vivement conseillé et que l’on en connaisse ses bienfaits, on ne peut en faire un préalable à la reconnaissance de la situation urgente et prioritaire d’une

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personne. Selon l’article L.441-2-3-1 du CCH, le demandeur peut être assisté d’un service social, d’un organisme béné iciant de l’agrément relatif à l’ingénierie sociale, financière et technique ou d’une association agréée pour la défense des personnes en situation d’exclusion. L’emploi de la possibilité est bien différent de la contrainte. De même, il est aisé de citer l’habitude qu’a la Commission de Médiation de Paris de rejeter des dossiers dont les demandes de logement social sont effectuées à Paris intra muros alors que les personnes qui les effectuent ne vivent pas dans Paris. Ces dossiers sont systématiquement rejetés au motif que la Commission de Paris n’est pas compétente, mais la Commission à laquelle le dossier est renvoyé ne le sera pas non plus. Les Commissions se renvoient donc des dossiers. Un simple problème de compétence territoriale suffit à empêcher le traitement d'un dossier.

Les associations comme la Fondation Abbé Pierre, en partenariat avec les travailleurs sociaux, sont un levier pour l’application de la loi DALO. Ils assurent l’information minimum qu’il est nécessaire d’avoir pour une loi relativement récente et complexe à mettre en œuvre, ils apportent un soutien juridique pour les procédures contentieuses et font pression autant que possible pour une reconnaissance toujours plus importante de personnes prioritaires à logées et en situation d’urgence. Sans la présence de ces acteurs prépondérants, cette loi au bilan plus négatif que positif, ne serait sans doute que trop peu et trop mal appliquée. Malheureusement, la loi DALO ne semble pas être d’une efficacité certaine. Le bilan est décevant et les conséquences trop insuffisantes.

2. La loi DALO : un bilan décevant et un sens dénaturé

La loi DALO a presque 6 ans. C’est une loi encore toute jeune, mais si l’on se penche sur la liberté qu’elle doit protéger et sur l’urgence qu’elle doit dénoncer, ,nous pouvons considérer qu’elle est vieille au vu de son bilan. Bien qu’elle soit bien encadrée au point de vu administratif et procédural et bien qu’elle soit mise en œuvre par de nombreux acteurs, elle ne peut être que décevante pour les personnes directement concernées. C’est une loi qui fonctionne assez bien dans sa mise en œuvre mais dont le but final est bafoué. Plusieurs conséquences néfastes en découlent et lui font perdre de sa crédibilité. Réel outil pour faire payer l’Etat, son but premier qui est le logement de personnes incapables d’y accéder par leur propre moyen n’est pas assuré.

a. Essoufflement des populations concernées et désillusions La loi DALO est une loi difficile à appliquer sur tous les plans. Comme nous l’avons précisé ci-dessus, les différentes étapes ne sont pas faciles à mettre en œuvre pour une personne seule, sans suivi social et sans connaissances, et même superficielles, en droit.

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Il faut d’abord être assisté pour savoir que cette démarche existe et il faut être aidé pour remplir le formulaire correctement. Nous retenons en effet que le pourcentage de formulaires incomplets au dépôt n’a cessé d’augmenter sur les 5 dernières années, passant de 4,2% en 2010 à 15,9% en 2011. Ce n’est ici que la manifestation d’un manque de compréhension du formulaire et d’une certaine complexité. Une fois cette première étape réalisée, la situation se complique avec les recours contentieux et les Tribunaux, entre requête, dossier d’aide juridictionnelle et rencontre avec les avocats. Ces différentes étapes peuvent prendre énormément de temps. Mais plus les étapes passent, plus il est malheureux de constater une certaine désillusion des populations concernées qui mettent beaucoup d’espoirs dans chaque étape de la procédure que propose la loi DALO. Car c’est avec beaucoup d’envie, de motivation et d’énergie que la plupart des individus remplissent un dossier DALO, seule porte de sortie à l’enfer qu’ils vivent en raison de leur problème de logement. Ces personnes sont le plus souvent dans une situation de précarité, de pauvreté extrême et n’ont d’autres choix que de faire confiance à cette procédure que l’on présente comme l’unique façon d’accéder à un logement social aujourd’hui. Il est difficile pour eux d’admettre, de comprendre que non, le relogement effectif ne se fait pas le plus souvent au terme des 6 mois donnés au préfet pour faire des propositions et que le recours administratif dont ils disposent doit être fait. Il faut comprendre que les situations concernées par la loi DALO sont toutes des situations d’urgence et quelque soit le motif invoqué lors du dépôt d’un dossier, il est lourd de devoir admettre qu’un toit dans un logement social ne peut être délivré si tôt. De plus, le terme « prioritaire » tant utilisé par le texte de loi et la Commission de Médiation a un réel sens dans la bouche des personnes concernées. « Nous sommes prioritaires ma famille et moi et pourtant nous n’avons reçu aucune proposition, rien ! ». Nous répondrons qu’il y a beaucoup de personnes désignées prioritaires, mais cela ne peut pas être la réponse à la demande des personnes en situation d’urgence. Oui ces personnes sont prioritaires à être logées et pourtant ce logement n’arrive pas. La conséquence directe de cette fatalité est que les individus continuent de faire des DALO, parce qu’il le faut et que c’est ici tout ce qu’on leur propose. C'est bien sur l’élément incontournable pour tenter un jour peut-être d’avoir un logement digne de ce nom. A défaut, ce sera reproché. Mais si une fois que toutes les étapes ont été réalisées et que le temps passe sans aucune proposition, ces individus perdent espoirs et ce sont les acteurs qui permettent la mise en œuvre de ce droit qui en pâtissent.

b. Vers une perte de crédibilité de l’action des associations et de la décision des juges ?

Nous avons vu que la présence des associations dans la mise en œuvre de la loi DALO est inestimable car elle permet à ce dispositif d’être utilisé à bon escient, donc de se développer, et ainsi d’assurer le plus d’accès au logement social possible. En parallèle, on peut constater que les tribunaux administratifs rendent de plus en plus de décisions favorables aux requérants. Le préfet est automatiquement condamné à une

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astreinte financière mensuelle au terme des 6 mois suivant une décision favorable de la Commission de médiation, et s’agissant du recours indemnitaire, une somme forfaitaire est systématiquement allouée, même si la famille ou la personne seule a été logée entre temps. Pourtant, le bilan de cette loi n’est pas positif. Déjà en 2010 alors que la loi avait plus de 3 ans, dans le 4ème rapport annuel du Comité de suivi de la mise en œuvre du DALO, Bernard LACHARME, rapporteur, précisait que la situation s’aggravait, plaçant l’Etat en situation de « hors la loi ». Le 5ème rapport annuel mettait l’accent sur le fait que la loi était toujours insuffisamment appliquée, et surtout en Ile de France. On imagine sans difficulté que le rapport annuel pour 2012 ne sera pas plus glorieux. C’est l’adjectif « décevant » qu’utilise le Sénat dans son rapport n°621 datant du mois de Juillet 2012. Il fait état d’une application très contrastée et relève justement concernant les contentieux que « les juges, qui assurent une charge de travail très importante, peinent à percevoir leur réelle plus-value et font face à l’incompréhension des requérants, déçus de ne pas obtenir de logement ou de relogement à l’issue directe de leur recours. La confiance dans l’action des pouvoirs publics s’en trouve écornée ». L’incompréhension des requérants est une réalité qui doucement, freine la loi DALO et le dispositif mis en place. L’essoufflement, la désillusion de ces requérants dont nous avons parlé plus haut mène à un désintérêt pour cette procédure qui n’offre visiblement pas de résultats satisfaisants. Tout l’effort des associations, toutes les décisions des juges administratifs sont réduites et limitées à un statut : celui de « prioritaire à être logé ». Mais cela perd son sens pour la plupart des individus car ils n’ont pas de propositions de logement. L’écoute, l’action et l’assistance des associations n’en seront-elles pas affectées si tout le travail produit ne mène qu’à un nombre trop limité de relogement dans le parc social ? Les décisions de justice qui condamnent le préfet à une astreinte financière ou à des dommages et intérêts ne seront-elles pas critiquées et dénoncées par les requérants si la conclusion à tirer est que l’Etat préfère payer plutôt que de construire ? On constate aujourd’hui que les DALO dit « ancien », soit les DALO favorables de 2008 commencent à être logés. Mais certains DALO « récents », c’est à dire de 2011, sont aussi relogés, de sorte qu’il est impossible de montrer du doigts le temps que mettent les autorités, 4 ans, pour reloger un prioritaire. Cette pratique que l’on salue du point de vue de l’efficacité et de la rapidité du relogement, l’est moins pour les personnes en attente depuis 2, 3 voir 4 années.

c. Une loi décevante mais nécessaire

La loi DALO n’est pas à la hauteur des espérances de chacun si l’on se penche sur les relogements effectifs des personnes désignées comme prioritaires. Certaines d’entres elles sont en attente d’un logement social depuis plus de 10 ans et un passage devant la Commission de médiation de Paris ne change rien, si ce n’est la possibilité de contester ce préjudice devant les tribunaux.

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Malgré la loi, le problème logement continu d’être la bête noire des politique et l’angoisse des personnes qui y sont soumis. A des personnes qui ne demandent qu’un toit, la loi propose d’exercer une pression sur l’Etat qui prend des années malgré l’usage des termes « prioritaire » et « urgence ». De plus, on note des incohérences comme la décision récente mise en œuvre en mars 2012 de ne plus reverser les sommes constituées par les nombreuses astreintes mensuelles du préfet, suite au premier recours contentieux devant le Tribunal Administratif, au fond d’aménagement urbain. Ce fond, qui œuvre pour la construction d’immeuble et donc de logement était le moyen d’assurer de nouvelles construction. Aujourd’hui ces sommes sont reversées au fonds national d’accompagnement vers et dans le logement qui est un fonds uniquement consacré au financement des actions d’accompagnement des ménages reconnus prioritaires et à loger en urgence. Cette modification ne trouve aucune base légitime dans la mesure où pour nécessiter des aides pour l’accompagnement dans le logement, il faudrait d’abord qu’il y ait des logements. Pourtant, il ne serait pas concevable au XXIème siècle qu’une telle loi n’existe pas étant donné la situation critique. Ainsi, même si le bilan n’est pas réjouissant et que nos familles sont encore et toujours en attente, cette loi est nécessaire et il n’y a qu’elle qui pourra permettre une amélioration. De plus, des avancées doivent être citées. La décision d’abord du Conseil d’Etat en date du 10 février 2012 qui proclame l’hébergement d’urgence comme une liberté fondamentale dans la continuité de l’application de la loi DALO. Mais aussi la mise en place en mars 2012 de la « fiche alerte » par la Commission DALO qui permet aux travailleurs sociaux et aux associations de l’a saisir en urgence lorsqu’une expulsion est imminente alors que les personnes menacées d’expulsion sont prioritaires DALO. Aujourd’hui, le droit au logement opposable a une valeur juridique plus déclarative qu’opératoire. Mais ne faut-il pas passer par cette valeur déclarative pour qu’un jour les personnes qui ont un problème de logement soient logées ? Passer par cette étape est hautement dénonciable, le logement est un bien vital pour lequel tout le monde devrait se mobiliser, le logement social devrait être l’avenir du monde de la construction, mais il faut peut-être le temps au temps pour que cela soit clair dans l’esprit de tout un chacun. Cette loi avait été prise en hâte en fin du dernier mandat de l’ancien Président de la République Jacques CHIRAC, sous une politique de droite. Il ne reste plus qu’à attendre de voir si le nouveau Président de la République saura tirer des différents rapports une conclusions sur cette loi : sa nécessité n’est plus contestable, mais une meilleure information du public concerné, une simplification dans sa mise en œuvre et un programme de construction assuré derrière devraient en être les priorités.