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Modélisation des trajectoires: problèmes méthodologiques

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Page 1: Modélisation des trajectoires: problèmes méthodologiques

ITBM-RBM 2000 ; 21 : 307-12 0 2OMl kditions scientifiques et mtdicales Elsevier SAS. Tous droits rCservts Contribution originale

ModClisation des trajectoires : probl&mes mCthodologiques

M. Naiditch

Gmupe Image, &Cole nationale de la Sante’ publique, h6pital national de Saint-Maurice, 14, rue du Val-d’Osne, 94410 Saint-Maurice, France

(Reg le ler mars 2000 ; r&is6 le ler juin 2000 ; accept6 le ler septembre 2000)

INTRODUCTION

Dam un contexte de ressources rares qui interroge la per- formance du sysdme de soins dans son ensemble, la necessite de prendre en compte l’ensemble des presta- tions dClivr6es par les professionnels s’impose de plus en plus. Dans ces conditions, les systbmes d’informations hospitaliers et les classifications hospitalieres doivent &tre completes par des systemes plus larges permettant de ren- dre compte des services delivres a l’ensemble des assu- res, notamment hors de l’hopital par les praticiens libe- raux, mais aussi par l’ensemble des professions prescrites dont l’activite est partiellement ou totalement << medecin dtpendante B (infirmiers, kinbithtrapeutes, travailleurs sociaux, pharmaciens, etc.). Enfin, ils doivent &re inter- connect& avec les systbmes hospitaliers.

La connaissance de l’ensemble de la morbidite des populations traitees (mais aussi a terme de l’ensemble des assures, qu’ils aient ou non eu recours au syst&me de soins), ainsi que des services delivres par l’ensemble des professionnels et des institutions qui en sont responsables, s’avbre necessaire si l’on souhaite aborder le probleme de la mesure de la performance de notre systbme de soins, que celle-ci soit examinee sous l’angle tconomique (mai- trise medicalide) ou en termes de resultats (amelioration de l’etat de Sante de la population).

La polemique tree de la publication du palmares des hopitaux [l] montre a l’evidence que m&me la perfor- mance de ce type de structures ne peut Ctre mesuree de facon valide sans connaitre les prestations realisees a l’exterieur [2]. Dans ces conditions, la connaissance de la trajectoire des patients, c’est-a-dire de l’ensemble consti- tue par la don&e de leur &at de morbiditt lors de chaque contact avec le systbme de soins (ou de Sante), de la nature des prestataires, ainsi que le volume et la nature des pres- tations delivrees, sont des conditions indispensables de

cette evaluation. Les contraintes techniques posees en ter- mes de sysdme d’information, notamment pour chainer l’ensemble des don&es medicales relatives a l’ensemble des contacts d’un patient, n’entreront pas dans le cadre de cet expose, pas plus que celles lites a tout ce qui concerne la structuration du dossier medical informatise et au trans- fert des donnees. De m&me, nous n’aborderons pas les problemes poses par les outils de description en nature des pathologies et des prestations, ni ceux lies a leur valorisa- tion.

Mais en supposant resolues ces difficultes techniques, encore faut-il pouvoir, a l’instar de ce que realisent les DRG pour les seuls sejours hospitaliers, pouvoir decouper cette trajectoire en unites d’analyses pertinentes.

Pour nous, les problbmes lies a la modelisation de la tra- jectoire sont, en effet, en grande partie caracterids par la manibre de decouper cette trajectoire en << episodes de soins >>.

Le terme d’episode s’oppose le plus souvent a la notion de contact isole avec un professionnel ou une structure de soins ou la generalise. La definition que nous avons rete- nue pour ce terme resulte d’une synthbse des differents concepts developpts par Hombrook [3, 41: << Periode (avec un debut et une fin ‘Woriquement” identifiable) durant laquelle un probleme de Sante, une pathologie spt- cifique, un symptome pergu par un patient ou un traite- ment, est present et donne lieu a un ensemble de presta- tions delivrees par un ensemble de professionnels ou d’institutions B. Cette definition, tres large, permet d’englober des approches differentes de la notion d’epi- sode (de soins, de Sante, pathologique) ou plus partielles (un seul prestataire) et de prendre en compte potentielle- ment les points de vue contrast& d’acteurs multiples (soi- gnants, regulateurs au sens large, usager/malade).

Les modeles de la trajectoire resultent en effet de l’application de cridres et methodes variees qui vont per-

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met&e de decouper dans le temps la trajectoire de soins (ou de Sante) de chaque patient. Ce sont les problemes ren- contres dans cette decoupe qui vont nous permettre de fournir un cadre d’analyse des modbles de trajectoires.

Cette dkcoupe depend de deux grands types de facteurs : - le choix d’une approche populationnelle contre une approche << clientele D (toute la population potentielle- ment concern&e par la partie du systeme analyse et pas seulement ceux qui ont effectivement eu recours au systeme) ; cela, a nos yeux, revient a substituer une approche par les besoins a celle structuree par la connais- sance des donnees d’utilisation avec des consequences fortes sur la nature des differents modeles descriptifs de trajectoires ; - la nature des objectifs auxquels la modelisation est cen- see apporter des reponses, ajustement du risque pour le calcul d’une prime d’assurance, outils de paiement des professionnels, gestion des ressources, analyse de la qua- 1itC des pratiques professionnelles.

Comme le montre en effet l’examen des systemes de classification des soins ambulatoires developpes aux Etats-Unis, et s’appuyant sur cette notion encore contro- versee d’episode de soins, la multiplication de systbme de case-mix stmcturant l’approche par trajectoires et Cpiso- des, doit beaucoup aux evolutions des modes de regula- tion du systbme de soins americain.

Celui-ci a Ctt marque par le r&unCnagement du systeme de delivrance des soins avec un role prepondCrant joue : - par le developpement du managed cure caracterise par une forte integration du systeme de delivrance des soins, celle-ci s’accompagnant d’une modification des modali- tes assurantielles, un systeme de prime annuelle p&payee donnant droit a un ensemble de prestations definies au premier abord venant se substituer aux modalites d’assu- rances traditionnelles, d’ou les problbmes nouveaux poses par l’ajustement du risque dans le calcul de la prime annuelle de chaque beneficiaire ; - par des modes de paiement nouveaux des profession- nels destines a conforter cette approche ; - par l’analyse (projiling) de leur activite a des fins de controle de l’utilisation des ressources et d’analyse de leur qualite (respect des RPC, analyse de l’efficience du partage des taches concernant le type de prestations deli- vrees) [5,6].

11 existe Cvidemment un lien entre ces deux parambtres : le systeme d’assurance p&payee par une prime annuelle s’accompagne en general de mecanismes favorisant le lock in de l’assure, assurant alors la creation d’une <( population d’assures D thtoriquement << stable D et per- mettant la convergence << naturelle >> entre une approche populationnelle avec, par exemple, la mise en place d’un systeme de prime ajustte sur les risques (mais pas neces- sairement avec une approche de sante publique qui cher- cherait a comprendre les raisons de non-utilisation du sys- tbme de soins).

MAThIEL ET MtiTHODES

Nous partirons done de l’analyse (non exhaustive) de la litterature anglo-saxonne pour examiner les differents cri- t&es retenus en mat&e de decoupage des trajectoires selon l’approche privilegiee (population contre utilisa- tion) et les differents objectifs recherchts.

Cela nous permettra d’aborder les principaux proble- mes rencontres et la man&e dont les differents modbles de trajectoire les ont geres.

Globalement, nous opposerons la classification dite cc des ACG B [7] qui modelise les trajectoires a partir d’une approche populationnelle. Elle se caracterise par la simplicite de la definition de l’episode et par un modtle de case-mix fondt sur l’analyse des besoins en soins ambu- latoires exclusifs, cette mesure &ant fondee sur un modele explicite de l’impact a long terme de la morbiditt en ter- mes de consommation de ressources.

A cette classification, fondee sur une certaine approche de la mesure des besoins en soins d’une population, s’oppose presque point par point la majorite des autres. Toutes reposent fondamentalement sur une approche de type medico-Cconomique dans laquelle le decoupage de la trajectoire en episodes repose sur un systeme de case-mix tres medicalise faisant fortement appel aux outils et methodes classiques utilists pour les constructions du case-mix hospitalier. Ici, les episodes sont tenses avoir une signification medicale forte, ce qui n’est pas le cas des ACG. Ces types de construction qui sont soit DRG like ou PMC like, se trouvent confront& a un certain nombre de problemes theoriques : les uns sont specifiques a la notion d’episode m&me. A ces problemes lies a la definition d’un episode et qui n’existent pas ou peu pour les classifica- tions hospitalibres, viennent se surajouter un certain nom- bre d’autres, deja rencontres dans les classifications hos- pital&es mais dont la difficulte de resolution est accentute par le caractere << allonge dans le temps >> de l’episode et qui obligent a des arbitrages complexes et souvent discutables.

Les principaux problemes que doivent resoudre ces sys- temes sont a nos yeux les suivants : -comment definir les entites medicales sur lesquelles s’appuient les episodes de soin ? - comment definir la longueur de cet episode, son debut, satin? - comment definir les regles de creation de plusieurs episodes ?

comment gtrer la nature des liaisons existant entre eux T ‘t exis ence d’une hitrarchie, pour regler le probleme de la gravite, ou d’une additivite, like a l’existence de comorbidites) ?

La nature des problbmes rencontres resulte en fait de la necessite de disposer d’unites d’analyse homogenes et pertinentes et presentant un degre d’usage raisonnable en regard des objectifs recherches.

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I1 existe par ailleurs une diffculte supplementaire a l’analyse de ces modeles : la major% d’entre eux ont Cte developpes par des groupes prives. Ceux-ci protegent done fortement les concepts cl& et il est parfois tres difficile de comprendre comment les differents problbmes rencontres ont Cte regles pratiquement. Les deux principaux articles [8, 91 qui presentent une revue de ces classifications, font comme si ces problemes etaient surmontables et avaient Cte effectivement surmonds. Enfin, il s’agit souvent d’outils recents et dont les evolutions devront &tre suivies.

RltSULTATS

Les modhles << mbdicaux >>

La construction des episodes de (< soins >>, tenses permet- tre la troncature des trajectoires en morceaux presentant une signification clinique, repose sur differents types de modelisation qui partent tous de l’examen conjoint des diagnostics et sur la nature des prestations delivrees, a l’inttrieur ou a l’exterieur de l’hopital. Nous avons fond6 notre analyse sur l’examen de cinq classifications [lo- 141. Elles presentent un certain nombre de caracteristi- ques communes mais different surtout par la faGon dont les concepteurs s’y sont pris pour regler les problemes cites.

Pour la majorite d’entre elles, le principal objectif est le profiling [ 151 des professionnels et surtout des medecins, d’oti cette approche trbs medicalisee.

Les methodes utilisees pour definir les entites medica- les font appel a un melange : dires d’experts mbdicaux/ analyse de bases de don&es, celles-ci &ant recueillies a partir du traitement des claims de remboursement. La proportion (expertise clinique et analyse statistique) est variable.

Ces episodes sont tous tenses presenter une significa- tion clinique en termes medicaux. Mais il existe a ce niveau une premiere difference entre les modeles qui construisent ces episodes uniquement a partir d’un abord nosographique pur (dans ce cas, la signification clinique resulte uniquement d’un regroupement particulier de la constellation des diagnostics) et entre ceux ou la determi- nation des groupes se fonde sur la notion de prise en charge (et utilise alors aussi les actes).

Le probleme de la definition du debut de l’episode est rCglC de facon simple : il est caracterid par le rep&age, lors d’un contact avec le systeme de soins, d’un des diag- nostics retenus comme definissant une des classes medi- tales. Mais les donnees utilisees peuvent differer : soit tous les diagnostics ont un role equivalent, soit le debut depend de la presence de certains diagnostics dits << diagnostics index >>. Ce cas de figure correspond, en fait, aux classifications ou existe une hierarchic explicite entre classes diagnostiques qui va servir pour gerer le probleme des polypathologies.

Le probleme de la longueur des episodes est g&C de facon variable. Soit les episodes ont chacun une longueur fixee a priori mais qui varie selon leur nature medicale ; le problbme de la fin ne se pose pas. Soit les concepteurs ont admis que les episodes pouvaient avoir une duree variable mais non infinie. Dans ce cas, comment determiner la fin de l’episode ? La notion de << fen&e vide >> (lug window) est alors utilisee : tout episode pour lequel la duke entre l’occurrence du demier acte ou diagnostic caracdrisant l’episode et la date de recherche depasse un certain nom- bre de joumees, fix6 a priori et specifique a cet episode (lag window) est consider6 comme ~10s. Cette cloture est realide, soit a la date de demibre occurrence, soit a la date correspondante augmentee de la duree de la fen&e. Cette duke limite de << non-intervention >> a CtC determinCe a dire d’expert et en fonction des donntes BDMA. Dans la mesure 06 la duree durant laquelle on rep&e la presence de diagnostics (et/au d’actes) propres a cet episode (p&ode de traitement actif) peut, elle, varier selon l’evo- lution des problemes consider&, les episodes ont bien la possibilite d’avoir une duree variable.

Pour les classifications qui distinguent entre patholo- gies aigues et chroniques, ces deux types de methodes sont utilids. Les episodes chroniques ont une duke fixe maximale d’a priori un an. Pour les episodes aigus, la technique precedente est la plus souvent utilide.

Comment est gCr6 le probleme de la creation des Cpiso- des multiples, expliques par la coexistence de plusieurs diagnostics lies entre eux (probleme de la severite), ou non (comorbidites) ? On sait que dans le cas des DRG, il existe un problbme majeur a partir du moment ou l’on applique la regle << un sejour = un groupe >>. Cette conven- tion n’est Cvidemment plus justifiable dans le cas d’une trajectoire de soins d’un individu pour laquelle il n’existe theoriquement pas de fin (hormis son d&&s !). On est con- front6 au fait que peuvent exister, simultanement, plu- sieurs episodes de soins concurrents et done a la necessite de definir des regles de creation et de separation de ceux- ci. La aussi, les solutions retenues sont variables selon la nature de la constellation.

Dans les modbles de type DRG, chaque diagnostic est censt appartenir a un episode et un seul. 11 existe des diag- nostics de type primaire qui servent a definir les episodes, et des diagnostics de type secondaire (complications ou comorbidites). En ce qui conceme ces demiers, certains sont integres a l’episode initial (exemple : un probleme de ma1 de gorge dans un episode de bronchite aigue y sera integrt et il n’y aura pas creation d’un nouvel episode). L’episode initial est alors grade au niveau de gravite plus important, en fonction de la nature de ces diagnostics (voire aussi en fonction de l’existence de certaines comor- bidites specifiques). Mais qu’en est-il s’il s’agit de comor- bidites vraies (primaires) ? 11 existe deux types de repon- ses qui seront plus ou moins envisages en fonction de l’economicite du modble. Une facon d’economiser le

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nombre d’episodes est d’utiliser un systeme de gestion dynamique de l’ensemble des actes et des diagnostics per- mettant un changement de classement en termes d’episo- des (ce qui revient a requalifier le diagnostic initial, res- ponsable du classement dans l’tpisode consid&). Ainsi, un patient traite pour osteoporose et chez lequel apparait un diagnostic d’arthrite aigue sera reclasst dans un Cpi- sode d’arthrite avec comorbidite. Une autre solution aurait et6 de creer un episode aigu nouveau, en plus de l’episode d’osdoporose consider6 comme chronique. Les regles de choix ne sont gen&alement pas connues, ce qui n’est pas Ctonnant dans la mesure oti il n’existe pas de procedures a priori optimales et consensuelles permettant de choisir.

D’autres classifications utilisant une modtlisation de type PMC autorisent plus facilement l’existence de plu- sieurs episodes. Mais si la creation, d&s le premier contact, de plusieurs episodes est facilitee, il se pose un problbme supplementaire, une fois ces episodes crets en mat&e de cloture de ceux-ci. En effet, il peut exister des cas ou la regle de formation de fin d’episodes de longueurs varia- bles aboutit a ne pas clore (a tort) I’un de ceux-ci. Par exemple, lorsque la presence d’un acte lie a la prise en charge du premier episode est rep&e, il peut a tort Ctre consider6 comme lie au traitement actif d’un des diagnos- tics definissant le second episode et celui-ci ne sera pas clos alors qu’il n’est plus actif. Ce probleme n’existe pas dans le cas d’un praticien unique qui peut lever l’ambi- gtiite d’usage de cet acte, mais se pose dans le cas de mul- tiples prestataires. Une faGon (theorique) d’kiter ce pro- bleme serait d’affecter a un seul episode chacune des prestations retenues. Mais cela appartit visiblement injus- tifie, compte tenu de l’existence de prestations communes correspondant a la prise en charge de problemes de sante differents. LB aussi, d’autres procedes pourraient Ctre envisages mais ils ne sont pas explicit& ou n’emportent pas la conviction.

La mod&ation ACG

Elle est issue du travail pionnier de Starrfield [13, 141 con- cemant le lien entre besoins et utilisation du systeme de soin dans le domaine de la p&diatrie. Le point suivant est a souligner : l’environnement de production de soins, dans lequel les chercheurs ont men6 leur recherche, Ctait s fermi >> en ce sens qu’il s’agissait d’examiner les effets d’un programme destine a un groupe d’enfants et g&e par un ensemble predetermine de producteurs. L’auteur et son Cquipe d&iraient comprendre pourquoi certains enfants consommaient, sur une p&ode de temps don&e, moins de ressources en soins que d’autres pour une morbidite a priori comparable. Les auteurs avaient done Cte amen& 21 construire un modble explicite permettant d’exprimer le potentiel, a moyen terme, de certaines pathologies concer- nant la consommation de ressources. Une dizaine d’ann6es plus tard, un chercheur de cette equipe, Weiner, a repris

cette recherche darts le cadre de la prise en charge ambula- toire d’adultes dans certains HMO.

Les caracteristiques du modble de decoupe des trajec- toires sont les suivantes : chaque trajectoire (ambulatoire) est decoupte en periode annuelle. L’objectif (non expli- cite au depart par les concepteurs) Ctait en fait de calculer une prime d’assurance annuelle ajusde sur le risque futur de consommations des ressources a l’interieur des HMO, d’oti la decoupe annuelle. Notons que ce decoupage est done independant de tout facteur medical lie a une ou plu- sieurs pathologies. Ce faisant, le problbme de l’analyse des consommations de soins des patients polypathologi- ques se pose de faGon differente lorsque la trajectoire est decoupee en de multiples episodes distincts de soins << medicaux >> d’un meme patient, ceux-ci pouvant se che- vaucher les uns les autres dans le temps. Nous reviendrons plus loin sur ce problbme.

Les deux autres elements centraux du modele sont les suivants.

Dans la mesure oh il s’agissait de relier utilisation du systbme de soins et besoins des assures, le traitement de ce lien a Cte effectue de la faGon suivante : d’une part, seuls les diagnostics ont Cd consider& comme representatifs des besoins en soins, ceux-ci &ant tenses expliquer l’uti- lisation des ressources. On Cvite ainsi le phenomene d’explications circulaires (les ressources expliquent les ressources). Les prestations realides ne vont servir que comme contributeurs a la construction de la variable a expliquer (le niveau de ressources) qui peut d’ailleurs Ctre approchee par differents parametres (nombre de visites, depenses ambulatoires annuelles isolees ou depenses tota- les incluant l’hospitalisation).

D’autre part, il s’agit d’expliquer un niveau de ressour- ces consommees annuellement et non pas celui resultant uniquement d’un episode tres lirnite dans le temps (le sejour hospitalier) et lie a l’expression de pathologies aigues. Autrement dit, c’est bien le potentiel morbide a moyen et long termes de chaque pathologie qu’il est intt- ressant de classer ainsi que les interactions.

Les sept criteres suivants ont et6 explicitement utilises pour classer (a dire d’experts) selon cette perspective les 5 000 diagnostics les plus frequemment rencontres en pra- tique ambulatoire : - probabilite de recurrence ou de persistance dans le temps ; - probabilite de necessiter un nouveau contact (visite) ; - probabilite d’avoir besoin d’une prestation specialisee ; -estimation de la charge diagnostique et therapeutique globale like a ce diagnostic ; - vraisemblance d’une hospitalisation ; - vraisemblance d’une incapacite residuelle ; - estimation de la diminution d’esperance de vie.

11 resulte 34 groupes diagnostics dits ambulatory diag- nostic group (ADG) qui representent le premier niveau de modelisation.

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Chaque visite donnant lieu a un recueil diagnostique va done pouvoir &tre classte dans un ou plusieurs ADG. Mais, au tours d’une meme visite, un patient polypathologique peut se retrouver dans des ADG differents. Comment alors prendre en compte l’ensemble des combinaisons possibles d’ADG qui peuvent se rencontrer lors d’une annee ? Atin de limiter la complexid de la combinatoire, les 34 ADG ont Cte regroup& en 12 collapse ADG (CADG). Puis il a Cte demand6 aux experts de detinir ceux dont la combinaison au cours d’une an& avait, pour eux, la plus grande fre- quence d’occurrence, d’oti la constitution de 25 major ambulatory cure (MAC) dont chacun correspond a des patients presentant un certain type de constellations diag- nostiques dotees d’un potentiel morbide identique expli- quant un niveau de leurs consommations de soins au tours de l’annee proche. C’est done a ce second niveau qu’est, en partie, trait& le problbme des polypatholo- gies. Dans un dernier temps, l’age et le sexe vont inter- venir avec ces 25 MAC ainsi qu’avec le nombre d’ADG differents annuels, pour expliquer le niveau de ressources consommees en regressant celui-ci sur ces variables. Cinquante et un ambulatory cure group (ACG) resultent done de l’effet combine des MAC sim- ples, de l’age et du sexe, mais aussi du nombre d’ADG differents et correspondent a des groupes homogenes de consommation de ressources annuelles en soins ambulatoires. Un groupe correspond aux patients n’ayant eu aucun contact dans l’annee.

Les caracteristiques des ACG, en tant qu’outil de mode- lisation des trajectoires (a des fins de calcul de primes d’assurance ajustees sur le risque) sont les suivantes : - les ACG ne classent pas les contacts avec les profes- sionnels (les ADG le font et permettent d’ailleurs d’expli- quer les ressources consommees a ce niveau) ; ce sont des groupes de patients avec des consommations annuelles de soins proches ; - ils sont <c orient& patients )> plus qu’<< episodes >> dans la mesure oti c’est bien l’ensemble des diagnostics annuels d’un patient qui sont pris en compte et non pas la decomposition des differentes prestations delivrees, decoupees en une serie d’episodes de soins medicalement pertinents ;

P le recueil des actes n’est pas necessaire pour classer

economic du recueil) ; en revanche, la connaissance de ceux-ci est necessaire pour pouvoir classer les patients et pour toutes les analyses de pratiques ; - l’tpisode est ici annuel et la logique de decoupage de la trajectoire est done purement financiere. Cette decoupe n’a pas d’interpretation medicale. Les problbmes delicats, lies a la determination de la fin ou du debut d’un episode de soins, a leur separation, a leur additivite, ne se posent done pas dans la mesure oti ces differents points ont CtC pris en compte dans la construction du modble (nombre d’ADG differents, MAC) ; - en regard de l’objectif d’analyse des pratiques medica-

les, la question se pose de savoir si cette << faible medica- lisation des groupes B ne constituera pas, a terme, un han- dicap. La reponse se trouve dans l’analyse d’un certain nombre d’articles [ 151 ou les concepteurs du modble decrivent comment ils pensent avoir toume en partie cette difficult6 ; - du point de vue des applications financibres (la capacite du modele a prevoir la consommation future de ressour- ces d’un groupe d’assure), cette d&coupe annuelle pose Cgalement des difficult&. En effet, pour un patient demarrant une pathologie N lourde B a la fin d’une annee, done entrdnant une forte consommation de ressources l’annee suivante, le modele va avoir tendance a sous-esti- mer sa consommation. Ce phtnombne d’instabilite, a l’echelle individuelle, et de regression vers la moyenne est neanmoins temper6 par le fait que, ce qu’il s’agit de prevoir, c’est la consommation d’un groupe et non celle d’un individu, la non-stabilite individuelle ttant en grande partie contrebalancte par un phtnomene de masse. 11 apparait d’ailleurs que les modbles plus medi- caux n’echappent pas, eux non plus, a cette difficult&..

CONCLUSIONS

A l’heure oti le travail en tiseau est << vendu >> a l’ensemble des professionnels et des usagers comme un gage de meilleurs resultats, la modelisation de la trajectoire de soins s’impose comme un outil a fort potentiel pour analyser la contribution rkelle des differents intervenants a la perfor- mance du systeme de soins. L’incapacitk des modeles de type GHM a rendre compte des nt!cessaires evolutions de pratiques, et done a constituer un outil adapt6 de finance- ment des structures de soins aigus, oblige a repenser les pro- blemes de l’analyse des prises en charge de facon radicale- ment nouvelle. L’evolution des technologies et aussi des besoins de la population, les contraintes budgetaires, impo- sent un partage nouveau des tkhes entre hopital et ville, entre le sanitaire et le social pour lesquels les outils de case- mix actuels ne peuvent plus convenir. Dans ce contexte, l’analyse des trajectoires de soins, voire de santk, offre l’opportunid de repenser l’interrelation des differents pro- fessionnels, tout en testant divers types d’incitatifs financiers susceptibles de les conforter dans des pratiques efficientes.

La confrontation partielle que nous venons de realiser entre plusieurs types de modtlisation de la trajectoire des patients doit d’abord nous inciter a ne pas renouveler l’erreur qui consisterait a s’appuyer sur des outils medico- Cconomiques dont la complexite technique et la nature des arbitrages cliniques necessaires a leur construction inter- diraient d’en faire des instruments de compromis sociaux appropries aux differents acteurs concern&.

A ce titre, il nous semble que la simplicite conceptuelle des ACG et leur flexibilite en termes d’objectifs en font l’instru- ment le plus adapte, a ce jour, pour entreprendre l’examen des contributions des differents professionnels a la prise en

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charge des assurc5s. Ils pourraient &tre am&or& dans leurs diff&entes applications, d’une part, par l’adjonction d’un outil hospitalier plus adapti en mat&e de calcul des cotits et, d’autre part, pour amf5liorer ses performances pour ce qui conceme les soins en pratique de ville, en s’appuyant sur un corpus diagnostique de type Braun [ 161.

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