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Module 3 La mondialisation économique et financière La dynamique de la mondialisation financière Constitution et fonctionnement du marché mondial des capitaux 1. Les mouvements de capitaux du 19 ième siècle aux années 1970 : rappels 1.1 De la « première mondialisation » aux années 1970 1.1.1 Première mondialisation et financement des pays en décollage Document 1 : déséquilibres courants et circulation transnationale des capitaux Au cours de cette période (1870-1913), les flux de capitaux et les revenus des investissements extérieurs triplent tous deux. Au final, les déséquilibres courants poursuivent leur croissance avec une composition des déséquilibres similaires à la période précédente. D’autre part le club des pays excédentaires s’élargit. La Grande-Bretagne est rejoint par la France, l’Allemagne puis les États-Unis. La balance des paiements de la France témoigne de la mise en place d’une boucle excédent courant - investissements à l’étranger - revenus. Source : Jean-Baptiste Gosse « Le cycle britannique des déséquilibres financiers internationaux (XVIème siècle - 1944) », 2008 Document 2 : la répartition géographique des investissements à long terme En 1913, le stock mondial d’investissements étrangers à long terme s’élevait à 44 milliards de dollars dont 41% provenaient du Royaume-Uni. Entre 1875 et 1914, près du quart de l’épargne britannique s’est dirigé vers l’extérieur. C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade 1

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Module 3 La mondialisation économique et financièreLa dynamique de la mondialisation financière

Constitution et fonctionnement du marché mondial des capitaux

1. Les mouvements de capitaux du 19ième siècle aux années 1970 : rappels

1.1 De la « première mondialisation » aux années 1970

1.1.1 Première mondialisation et financement des pays en décollage

Document 1  : déséquilibres courants et circulation transnationale des capitauxAu cours de cette période (1870-1913), les flux de capitaux et les revenus des investissements extérieurs triplent tous deux. Au final, les déséquilibres courants poursuivent leur croissance avec une composition des déséquilibres similaires à la période précédente. D’autre part le club des pays excédentaires s’élargit. La Grande-Bretagne est rejoint par la France, l’Allemagne puis les États-Unis. La balance des paiements de la France témoigne de la mise en place d’une boucle excédent courant - investissements à l’étranger - revenus.

Source : Jean-Baptiste Gosse « Le cycle britannique des déséquilibres financiers internationaux (XVIème siècle - 1944) », 2008

Document 2  : la répartition géographique des investissements à long termeEn 1913, le stock mondial d’investissements étrangers à long terme s’élevait à 44 milliards de dollars dont 41% provenaient du Royaume-Uni. Entre 1875 et 1914, près du quart de l’épargne britannique s’est dirigé vers l’extérieur. La concentration géographique des flux de capitaux à long terme est forte. Ainsi, en 1913, 75% du stock de capitaux extérieurs étaient concentrés sur sept pays de la périphérie : Afrique du sud, Argentine, Australie, Canada, Etats-Unis, Inde et Nouvelle-Zélande. (…) Au niveau des capitaux à long terme, trois autres centres exportateurs représentent une part significative des investissements extérieurs en 1913 : la France avec 20% du stock mondial de capitaux à long terme, l’Allemagne (13%), et un groupe composé de la Belgique, des Pays-bas et de la Suisse (13%). L’Europe absorbe 60% des exportations de capitaux de la France et 50% de celles de l’Allemagne. Les principaux pays récepteurs sont la Russie (1/3 des placements français), la Suède, l’Italie et la Norvège.

Source : Jean-Pierre Allegret et Pascal Le Merrer « Economie de la mondialisation. Opportunités et fractures », De Boeck, 2007, p.68

Document 3  : les crédits commerciaux et les investissements à court termeLe financement du commerce mondial par le recours à l’endettement à court terme est une pratique courante au 19ième siècle. Bloomfield (1963) rappelle ainsi que l’endettement international à court terme est allé de pair avec C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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l’augmentation du commerce mondial pour se monter à 2,9 milliards de dollars en 1913. Dans ce réseau de financement à court terme du commerce, l’Angleterre occupe une place prépondérante. (…) Le Royaume-Uni est un centre financier complet : il traite à l’échelle mondiale les capitaux à long terme et à court terme. (…) Même s’ils sont moins importants que dans la période contemporaine, ils n’en sont pas pour autant absents. Ils reposent essentiellement sur la détention de balances sterling par des agents non résidents.

Source : Jean-Pierre Allegret et Pascal Le Merrer « Economie de la mondialisation. Opportunités et fractures »

Document 4 : synthèse – compléter le tableauObjectif de la circulation des capitaux

Pays « exportateurs » de capitaux

Pays « importateurs » de capitaux

A court terme A long terme

Document 5 : la « démondialisation » financière de la période d’entre-deux-guerres

Source : Jean-Baptiste Gosse « Le cycle britannique des déséquilibres financiers internationaux (XVIème siècle - 1944) », 2008

1.1.2 La période du SMI de Bretton woods : contrôle des capitaux et apparition des eurodollars

Document 7  : Bretton Woods, importance du commerce international et faiblesse des mouvements de capitaux

Au lendemain de la seconde guerre de 1939-1945, le souci central est de permettre un renouveau du commerce international mis à mal par le conflit et les désordres économiques qui l’ont précédé. Ce souci conduit à l’organisation, décidée à Bretton Woods, d’un véritable système monétaire international. Pour la première fois, ce système repose sur un accord entre nations. Les signataires acceptent le maintien de parités de changes fixes, modifiables seulement après consultation du Fonds monétaire international ; en même temps, ils s’engagent à mener des politiques qui évitent un déséquilibre de leurs balances courantes. Chaque pays contribue, en outre, en cas de besoin à la constitution des réserves du Fonds. Il pourra, en échange, tirer sur ces réserves pour défendre, en cas de besoin, sa parité de change. Le double principe sous-jacent à l’ordre monétaire qui se constitue (fixité des changes et équilibres des balances courantes) n’exclut pas l’apparition de déséquilibres temporaires ; la possibilité d’accéder aux ressources du Fonds monétaire international donne à un pays dans cette situation des moyens plus importants pour défendre la parité de sa monnaie. Si, toutefois, après consultation du Fonds, la raison du déficit apparaît comme étant non pas temporaire mais fondamentale, un changement de parité pourra intervenir. En faisant ainsi de l’équilibre courant la norme, les accords de Bretton Woods excluent des transferts d’épargne significatifs entre pays. Leur ambition est d’abord d’aider au rétablissement des flux commerciaux internationaux, celui des mouvements de capitaux viendra plus tard. (…) Les années 1950 et la plus grande partie des années 1960 sont

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marquées par un progrès continu de l’intégration commerciale accompagné, conformément à la logique de Bretton Woods, de déséquilibres commerciaux épisodiques et d’un faible développement des mouvements de capitaux. Le problème central est alors de permettre aux réserves de change de progresser aussi vite que le commerce international. (…) Chaque pays doit accumuler, en dollars, les réserves dont-il a besoin pour assurer la stabilité du cours de sa monnaie.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.8-9

Document 8 : rappel, les marchés des eurodollarsLe terme d’activité bancaire hors frontières (offshore en anglais ; en français, les activités financières offshores désignent plutôt celles enregistrées dans des paradis fiscaux) est utilisé pour décrire les opérations bancaires réalisées en dehors du pays d’origine. (…) Un dépôt hors frontières est un dépôt bancaire libellé dans une monnaie différente de la monnaie du pays où la banque réside : par exemple, un dépôt en yens dans une banque à Londres, ou encore un dépôt en dollars dans une banque à Paris. Ces dépôts se sont développés parallèlement à l’activité bancaire hors frontières. Le terme d’eurodevises ou d’euromonnaies est souvent employé pour désigner ces dépôts, et l’on parle encore couramment d’eurodollars lorsqu’il s’agit de dépôts en dollars en dehors des Etats-Unis. La raison est simple : initialement, ces dépôts étaient enregistrés dans des banques localisées en Europe et qualifiées d’eurobanques. Aujourd’hui cette terminologie prête à confusion puisqu’on trouve des dépôts en monnaies étrangères partout dans le monde ; l’avènement de l’euro n’a fait qu’ajouter à la confusion terminologique !

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.656

Document 9Les eurodollars apparaissent à la fin des années 1950, en réponse aux besoins générés par le volume croissant du commerce international. Les firmes européennes qui souhaitent détenir des comptes en dollars ou emprunter en dollars sont alors nombreuses. Les banques aux Etats-Unis sont tout à fait en mesure de satisfaire à ces demandes, mais les entreprises européennes considèrent alors plus commode et meilleur marché de traiter avec leur propre banque. Ce développement des eurodollars se poursuit à mesure que les monnaies européennes deviennent convertibles. En 1957, au plus haut de la crise de la balance des paiements, le gouvernement britannique interdit aux banques locales de prêter des livres sterling pour financer du commerce non-britannique. En réaction, les banques britanniques ont commencé à collecter des dépôts et à octroyer des prêts en dollars. (…) C’est ainsi que Londres est devenue – et reste encore – la plaque tournante du marché des eurodevises. Parmi les raisons politiques qui ont contribué au développement des eurodevises, on peut citer la guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. A cette époque, les Soviétiques craignent que la dégradation des relations entre les deux puissances ne conduise les Etats-Unis à saisir leurs fonds placés dans des banques américaines. Ils décident alors de replacer ces fonds en dollars dans des banques européennes, c’est-à-dire en dehors de la juridiction américaine. Les eurodollars connaissent un nouvel essor dans les années 1960, avec les nouvelles restrictions sur les sorties de capitaux aux Etats-Unis et la nouvelle réglementation bancaire alors que la balance des paiements s’affaiblit dans les années 1960, les administrations Johnson et Kennedy imposent des mesures visant à décourager les prêts américains à l’étranger. Ces mesures conduisent à un accroissement de la demande de prêts en eurodollars. La réglementation Q imposée par la Fed aux banques américaines a aussi encouragé le développement des eurodollars dans les années 1960. Cette réglementation (établie en 1933 et abolie en 1986) fixe un plafond sur la rémunération des dépôts à terme dans les banques américaines. (…) Les banques américaines n’attirent plus de dépôts à terme et il devient plus difficile de prêter. Elles décident alors de contourner la réglementation en empruntant auprès de leurs filiales européennes. En effet, ces dernières ne font face à aucune restriction quant à la rémunération des dépôts à terme en eurodollars et attirent de ce fait des investisseurs qui auraient placé leurs fonds dans des banques américaines en l’absence de réglementation. (…)De nombreux facteurs expliquent l’essor des eurodevises, mais le facteur le plus important repose sans doute sur les différences de réglementations. De manière générale, les dépôts en monnaie domestique sont plus réglementés, car c’est un moyen de contrôler l’offre de monnaie. A l’inverse, les banques sont beaucoup plus libres dès qu’il s’agit de dépôts en monnaies étrangères sans impact sur la politique monétaire nationale.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.656

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1.1.3 Les années 1970 et le recyclage des pétrodollars

Document 10Les années 1970 marquent un tournant dans cette tendance. Le double choc pétrolier fait exploser les recettes des pays exportateurs de pétrole et creuse les déséquilibres courants. Quelle est la signification macroéconomique du creusement de ces déséquilibres ? Anton Brender et Florence Pisani dans Les déséquilibres financiers internationaux, La Découverte (2007) rappellent qu’un excédent courant ne peut apparaître qu’en contrepartie d’un déficit courant. Si les pays exportateurs de pétrole se trouvent en situation de capacité de financement, c’est qu’ils financent des pays qui, eux, sont en besoin de financement. C’est le marché des eurodollars qui sert de circuit de financement international et va donc permettre le « recyclage » des pétrodollars. Ce sont essentiellement des pays en voie de développement qui vont emprunter des eurodollars pour accroître leur dépense. Tableau 1  : solde de la balance courante pour les pays exportateurs de pétrole, les autres PED et les pays industrialisés, en milliards de dollars, 1973-1981 (source FMI)

Principaux pays exportateurs de pétrole

Autres PED Pays industrialisés

1973-1981 363,8 -410 7,3Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale »,

9ième édition, Pearson, 2013, p.683

Document 11  : eurodollars et endettement extérieur croissant des PVD Au début des années 1970, la hausse spectaculaire du prix du pétrole met brutalement l’économie mondiale devant un problème financier imprévu. (…) Les recettes des pays exportateurs de pétrole progressent de manière si importante que nombre d’entre eux ne peuvent dépenser qu’une partie de ce surcroît. Le transfert de revenu provoqué par la hausse du prix du pétrole implique donc l’apparition d’une balance courante excédentaire des pays pétroliers. Encore faut-il pour ce que cet excédent se forme effectivement que, ailleurs, des pays puissent – et acceptent de – laisser leur déficit courant se creuser. Sinon que se passerait-il  ? Les pays pétroliers ne pourraient, fort logiquement pas avoir d’excédent ! Comment pourrait-on en arriver là ? Tout simplement par une contraction de l’activité des pays importateurs de pétrole telle que les recettes des pays exportateurs baissent jusqu’à égaler leurs dépenses. La forte hausse du prix du pétrole fait ainsi planer sur l’économie mondiale un risque de déflation que l’existence du marché des eurodollars va contribuer à écarter.Pour éviter que le choc pétrolier ne conduise à un ajustement déflationniste dans les pays importateurs, il faut en effet qu’un mécanisme financier permette à des pays d’emprunter pour dépenser durablement plus que leurs revenus. Le marché des eurodollars le fournit : grâce à lui, des déficits courants, contrepartie nécessaire des excédents pétroliers, peuvent être financés. Il faut aussi des pays qui acceptent de l’utiliser pour augmenter effectivement leur endettement. Or, avant même que l’ordre de Bretton Woods ne s’effondre, des déficits de balance courante, modestes certes, mais chroniques, s’accumulent dans un ensemble de régions périphériques. Une contrainte financière, liée à leur spécialisation internationale, pèse en permanence sur leur croissance  : importateurs de biens industriels et fournisseurs de matières premières, leurs importations ont tendance à augmenter au rythme rapide de le croissance de la population alors que la dégradation de leurs termes de l’échange mène à une croissance relativement plus lente de leurs recettes d’exportations. L’afflux de « pétrodollars » va, pour quelques années au moins, permettre à leurs dépenses d’augmenter beaucoup plus rapidement que leurs recettes. En empruntant massivement en dollars auprès des banques internationales, ces pays vont aider l’économie mondiale à absorber les chocs pétroliers des années 1970.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.13-15

Document 12 : le rôle des banques dans le développement des marchés des eurodollarsPendant les années 1970, un important transfert international d’épargne va donc, pour la première fois depuis la guerre, se produire par les voies d’opérations financières (et non par celle de dons comme avec le plan Marshall). Les banques qui animent le marché des eurodollars vont en constituer le support. Elles financent, en dollars, l’endettement des pays en développement et reçoivent, toujours en dollars, les dépôts des pays excédentaires. (…) L’idée d’un simple recyclage (les dépôts font les crédits) est toutefois trompeuse. Comme dans toute activité d’intermédiation bancaire, ce sont les crédits qui font les dépôts et non l’inverse. Si les pays périphériques n’empruntent pas auprès des banques, les pays pétroliers n’auront rien à déposer chez elles. En ouvrant des lignes de crédits en dollars aux pays émergents, les banques de l’euro-dollar font le pari d’un afflux continu de dépôts leur permettant de financer, dans des conditions profitables, les tirages auxquels ces lignes donnent lieu. Elles peuvent faire ce pari car leur activité est en prise directe sur le marché monétaire américain  : si pour une raison, ou une autre, les dépôts espérés vont à New York, plutôt qu’à Londres, les banques londoniennes C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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pourront toujours trouver à les emprunter sur le marché monétaire américain. Le marché des eurodollars qui tient lieu de système financier international n’est en réalité qu’une dérivation du circuit bancaire américain. Le niveau de ses taux directeurs est donc celui du marché monétaire américain, déterminé par la Banque centrale américaine pour régler au mieux le fonctionnement des Etats-Unis.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.13-15

1.2 Depuis les années 1980 : une nouvelle mondialisation financière

1.2.1 La place prépondérante des pays avancés

Document 13A partir du début des années 1980, la géographie et la nature des flux de capitaux changent. La suppression des contrôles de change et le décloisonnement des systèmes financiers domestiques conduisent à l’essor des échanges internationaux de capitaux. En conséquence, pour Anton Brender et Florence Pisani (Les déséquilibres financiers internationaux, 2007) « le marché de l’eurodollar se transforme en un système d’intermédiation bancaire internationale multidevises ». Les flux bruts de capitaux augmentent progressivement plus vite que la croissance mondiale. Ils passent d’environ 1% du pib mondial au début des années 1980 à 2,5% en 1989, puis à 7,5% en 2000, et enfin 18% en 2008. L’observation du graphique suivant nous montre aussi que :

- ces flux bruts de capitaux concernent en majorité les pays avancés ; - la part des pays émergents, notamment asiatiques, dans les flux bruts totaux progresse depuis les années

1990 mais reste minoritaire ; - l’évolution des flux bruts de capitaux réagit de manière importante aux chocs conjoncturels (2001 ; 2008).

La globalisation financière contemporaine est donc avant tout une affaire de pays développés. Ceci explique pourquoi après la crise de 2008, ce sont essentiellement des établissements financiers européens qui ont été impactés par la crise. Cela signifie qu’il ne faut pas commettre une erreur d’interprétation lorsque l’on étudie l’évolution des balances courantes : une solde courant déficitaire indique simplement que les flux de capitaux entrants sont supérieurs aux flux sortants. Il ne donne aucune indication sur le montant des flux. Certains pays tiennent une place centrale dans le financement de l’économie mondiale en raison de l’importance des flux sortants de capitaux alors même qu’ils sont « en besoin de financement », c’est-à-dire importateurs « nets » de capitaux. C’est bien sûr le cas des Etats-Unis. L’après-crise de 2008 illustre parfaitement le poids des flux bruts de capitaux entre PDEM : la crise du système financier international touche avant tout les pays du Nord. On constate en effet que les flux bruts de capitaux des économies avancées passent de 18% du PIB mondial en 2007 à 5% en 2008. C’est-à-dire un niveau proche de celui des années 1990. Tandis que ceux des pays émergents diminuent seulement de 3% à 2% du PIB mondial. La crise du système financier international provoque une contraction de la demande globale qui se répercute sur les balances courantes : on assiste à une réduction des déficits courants, notamment aux Etats-Unis ou en France. Les pays dont les soldes sont excédentaires doivent alors chercher à stimuler leur demande intérieure pour éviter les effets dépressifs de leur excès d’épargne. Ce qui est le cas de la Chine ou de l’Allemagne.

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Document 14 : flux bruts internationaux de capitaux

Source : P.Butzen, M.Deroose et S.Ide « Déséquilibres mondiaux et flux bruts de capitaux », Banque Nationale de Belgique, Revue Economique, septembre 2014

1.2.2 L’évolution des soldes courants : la période des années 1980

Document 15 : la période des années 1980Les années 1980 voient une autre configuration de déséquilibre s’établir et de nouveaux éléments d’un système financier international se mettre en place. A la différence de ce qui se passe pendant les années 1970, l’épargne va cette fois non plus du Sud vers le Sud, mais du Nord vers le Nord.

Le déséquilibre qui naît résulte pour une large part d’une divergence des politiques macroéconomiques menées au sein des grands pays industrialisés. Plusieurs d’entre eux choisissent de remettre en ordre leurs finances publiques, au moment où les Etats-Unis se lancent dans une expérience fiscale qui se terminera en débâcle financière. (…) Durant cette période, les forces engendrées par les politiques nationales génèrent un transfert international d’épargne qui, au prix d’un important déséquilibre des paiements courants, atténue chez chacun les conséquences négatives de la politique qu’il mène. (…) Ce transfert d’épargne n’aurait pas pu avoir lieu si des mécanismes financiers ne l’avaient pas rendu possible. Une évolution a joué ici un rôle essentiel : la libéralisation des C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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Page 7: Module 3 Globalisation financi_re€¦  · Web viewModule 3 La mondialisation économique et financière. La dynamique de la mondialisation financière. Constitution et fonctionnement

mouvements de capitaux. A partir de la fin des années 1970, cette libéralisation acquise pour les Etats-Unis et l’Allemagne s’engage dans la plupart des autres pays industriels. (…) Un système financier international va ainsi, de fait, se constituer par décloisonnement progressif des systèmes financiers nationaux. (…) Les agents non financiers de chaque pays vont pouvoir désormais accéder librement aux marchés et aux intermédiaires financiers des autres et utiliser leurs monnaies pour placer et s’endetter. Les intermédiaires financiers de pays concernés pourront faire des prêts en monnaie nationale à des non-résidents et recevoir leurs dépôts  : l’eurodollar va se transformer en un système d’intermédiation bancaire internationale multidevises.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.16-17

1.2.3 La période des années 1990

Document 16 : la période des années 1980, l’endettement des pays du sud est asiatique Une nouvelle phase de la libéralisation financière s’ouvre avec les années 1980 et une nouvelle configuration de déséquilibres financiers internationaux apparaît. Les régions émergentes vont y trouver un rôle central. Les organisations internationales, fortement inspirées par le « Consensus de Washington », les poussent à réduire les restrictions imposées aux mouvements de capitaux. le décloisonnement engagé au Nord pendant la décennie précédente s’étend désormais maintenant aux régions du Sud dont les systèmes financiers s’intègrent dans le réseau international. (…) Dès le début des années 1990, ces pays voient des capitaux arriver sous formes d’investissements directs ou de portefeuille, mais aussi de prêts faits à leurs banques par celles du reste du monde. (…) Au milieu des années 1990, les choses changent. A l’autre bout du monde, les pays qui veulent entrer dans l’Union monétaire européenne réduisent rapidement leurs déficits publics. ils libèrent ainsi un potentiel d’épargne et (…) un excédent d’épargne se forme : à peu près nul en 1994, l’excédent des pays européens atteint 100 milliards de dollars en 1997. Pour qu’il en aille ainsi, il aura fallu que ailleurs dans le monde des excédents se réduisent ou que des déficits se creusent. (…) Pour l’essentiel, l’augmentation du déficit courant des pays émergents d’Asie constitue la contrepartie de l’apparition de l’excédent européen. (…) Les prêts entre banques vont jouer un rôle central dans l’augmentation de l’endettement extérieur des pays d’Asie.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.22

1.2.4 La période des années 2000

Document 17 : la période des années 2000 et les flux d’épargne Sud-Nord Depuis la fin des années 1990, les flux d’épargne qui parcourent l’économie mondiale sont mis en mouvement par des forces très différentes de celle à l’œuvre lors de la première globalisation. La place «  paradoxale » des pays émergents dans l’actuel déséquilibre des balances courantes apparaît clairement sur le graphique suivant :

Depuis 1998, leurs excédents n’ont cessé de croître. Au désajustement statistique près, le déficit des pays développés a fait de même. Au sein des pays émergents, une distinction s’impose toutefois entre pays d’Asie exportateurs de produits manufacturés, pays exportateurs de pétrole et pays traditionnellement emprunteurs. Ces derniers empruntent certes toujours mais, rapporté au PIB mondial, leur déficit est revenu à son niveau modeste, du

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début des années 1990. Les pays d’Amérique latine, en particulier, ont tiré les leçons des crises financières passées et ont pris acte des dangers que font peser sur eux les canaux financiers existants. La hausse du prix des matières premières aidant, ils ont adopté des stratégies plus prudentes. Les autres pays périphériques, quant à eux, sont devenus prêteurs structurels : les pays pétroliers comme les pays d’Asie émergente dégagent des excédents croissants dont le déficit des régions développés est la contrepartie. Pour que ce déficit se creuse, il a fallu toutefois, dans ces dernières années, que des politiques poussent la demande intérieure à progresser plus rapidement que le revenu.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.27

Document 18 : l’origine de l’excédent d’épargne des pays asiatiques Les pays d’Asie partagent des caractéristiques communes : l’abondance d’épargne domestique y est associée à un relatif sous-développement financier. (…) Le système bancaire, sollicité bien au-delà de sa capacité à porter des risques, s’en est trouvé fragilisé. (…) Dotée d’un système financier frustre et confronté à des forces déflationnistes structurelles, la Chine a été amené à utiliser durablement le seul levier de la politique économique, peser sur le taux de change. (…) La structure des placements des ménages chinois est le reflet d’un système largement intermédié, dominé par les dépôts bancaires. Le gouvernement a certes émis son premier titre obligataire en 1981 mais, jusqu’en 1994, il s’est financé par emprunt auprès de la Banque centrale. Le marché des obligations publiques ne s’est donc développé qu’à partir de 1994. Fin 2005, la taille de la dette publique demeurait très faible (25% du pib) au regard des dépôts bancaires (160% du pib). Le marché des obligations privées était embryonnaire et, malgré un développement rapide, le marché boursier était peu important. (…) En Chine, comme dans les autres pays d’Asie, la place réduite des ménages dans la circulation financière résulte ainsi de mécanismes assez frustres de l’investissement résidentiel et d’une structure peu diversifiée de leurs placements. Dès lors la «capacité de prise de risque d’investissement » de ces économies est insuffisante au regard de l’abondance d’épargne disponible : leur propension à dépenser leur revenu est inférieure à 1. (…) Compte tenu de la capacité trop faible de prise de risque des banques, des comportements prudents impliquaient un investissement très inférieur aux capacités d’épargne nationale et donc à une croissance plus faible. (Durant les années 1990, les comportements imprudents des banques ont pu permettre à ces économies de croître plus vite pendant plusieurs années, au prix toutefois de crises bancaires, suivies de périodes de restriction de crédit et d’ajustement plus ou moins brutaux des bilans des entreprises ). Après 2000, faut d’instruments permettant de régler efficacement leur demande intérieure, ces pays n’auront d’autres solutions pour soutenir leur croissance que d’exporter l’excédent d’épargne de leurs agents privés. (…) Pour la Chine, disposant d’une abondante main d’œuvre à employer, le maintien d’un taux de change sous-évalué est devenu une nécessité structurelle. (…) La Banque centrale a continué d’accumuler des réserves : pour réduire les effets de sa propension structurellement trop faible à dépenser et conserver une croissance élevée, la Chine a dû exporter son épargne excédentaire.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, p.57-58

Document 19 : les canaux de transmission des flux de capitaux vers les PDEMDans les pays « peu dépensiers », l’épargne a en effet tendance à se placer sous des formes peu risquées, en l’occurrence des dépôts bancaires, à différents termes : des placements de ce type ont pu y être accumulés, pour des montants toujours plus importants, parce que, ailleurs, des banques d’investissement, des hedge funds ou d’autres opérateurs de marché prenaient les risques que les épargnants ne souhaitaient pas porter. Pour acheter les titres émis, ces preneurs de risques empruntaient à court terme (…). Une succession d’opérations de ce type, continuellement renouvelées, ont ainsi pendant plusieurs années permis de faire que des dépôts d’épargne s’accumulent dans les pays « fourmis » en contrepartie des prêts accordés ailleurs. La multiplication d’opérations nécessaires pour que l’ensemble des risques impliqués par ces transferts internationaux d’épargne soit pris explique aussi, pour une part au moins, l’intensification des flux internationaux de capitaux observée en termes bruts  : elle s’inscrit dans le cadre d’une « division internationale de la prise de risques financiers »qui n’a cessé de se développée depuis le début des années 1990.Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.101-

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Document 20 : la multiplicité des canaux de circulation des capitaux L’un des traits caractéristiques du système financier international (…) est que les transferts d’épargne ne passent plus forcement par un canal visible et identifiable. Ils sont le solde d’une circulation toujours plus complexe. Un pays peut désormais fort bien recevoir énormément de capitaux du reste du monde, et n’en être pas moins exportateur d’épargne. (…) La différence entre ces sorties et ces entrées – égale précisément à l’excédent de sa

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balance courante – mesure le montant de l’épargne domestique mis à disposition du reste du monde. La libéralisation financière a ouvert ainsi une multitude de canaux qui rendent les systèmes financiers nationaux interdépendants.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, 18-20

Document 21 : quels sont les crédits qui font les dépôts des ménages chinois ? L’imbrication commerciale et financière des différentes économies peut donner aux politiques monétaires et aux systèmes financiers par lesquels elles se transmettent une influence internationale plus profonde encore : en rendant possible des transferts internationaux d’épargne, des banques centrales soucieuses de gérer l’activité de leur seule économie, peuvent, sans nécessairement le vouloir, aider à l’économie mondiale pise dans son ensemble à approcher sa croissance potentielle. Cela été le cas au début des années 2000, lorsque des pays où l’on tend à dépenser moins que l’on ne gagne (pays pétrolier, Chine, Allemagne …) ont vu, chacun pour des raisons différentes, leur part dans le revenu mondial progresser. Cette progression a poussé ailleurs des banques centrales à garder plus bas leurs taux directeurs pour éviter que leurs économies, freinées par cette progression, ne s’écartent trop du plein emploi. en réponse à ces taux plus bas, des agents se sont endettés et on finalement emprunté aux pays peu dépensier une épargne … qui n’aurait pu autrement s’y former. Ces derniers ont ainsi pu exporter le trop plein d’épargne qui menaçait, sinon, d’asphyxier leur croissance. (…) Si l’on y prend pas garde, l’épargne virtuellement en excédent dans une partie du monde risque alors d’aller financer l’endettement des pays dont les canaux de financement transmettent le plus rapidement et le plus puissamment les impulsions de la politique monétaire à ceux qui y sont le plus sensibles, en l’occurrence, les ménages. La montée des transferts internationaux d’épargne à partir du milieu des années 1990 (…) a été permise par une progression spectaculaire de l’endettement des ménages dans les pays où leur accès au crédit était particulièrement aisé. Entre 1997 et 2006, le solde courant de quatre pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, France et Espagne) représentant environ 40% du PIB mondial s’est détérioré de près de 900 milliards de dollars. (…) Dans les années qui ont précédé la crise financière, l’accélérateur de l’endettement des ménages de quelques économies a ainsi permis au revenu des pays « peu dépensiers » de progresser plus vite. (…) Les prêts accordés aux ménages des pays « cigales » ont, pendant ces quelques années, permis aux pays « fourmis » de croître plus vite. (…) La réponse de leurs ménages aux politiques monétaires menées a contribué à soutenir l’activité du reste du monde : à un accroissement d’un point de PIB de l’endettement des ménages des pays « cigales » a été associée une amélioration du solde courant du reste du monde, et donc de la demande adressée à ses entreprises de 0,4 points de (son) PIB !

Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.101

Document 22 : globalisation financière et circulation des capitaux dans « la division internationale de la prise du risque financier »

Au fil des décennies, un réseau de relations financières internationales s’est développé. Il permet aujourd’hui des transferts d’épargne d’une ampleur à nouveau comparable à ceux auxquels on avait assisté avant la Première guerre mondiale. Mais la configuration actuelle est originale, le cadre dans lequel les déséquilibres se forment est différent et les déterminants des flux d’épargne entre nations ont, on va le voir, profondément changé. (…) Hier, le sens des mouvements d’épargne était lié d’abord à la différence dans le développement industriel des pays ; aujourd’hui, il tient plus à celle de leur développement financier. (…) A la veille de la guerre de 1914-1918, le stock total d’engagements internationaux accumulés était de 45 milliards de dollars (soit environ 20% du PIB mondial) et la position créditrice nette des pays industrialisés du centre en représentait plus de la moitié. Fin 2005, le stock total des passifs accumulés était d’environ 50 000 milliards, soit plus d’une fois le PIB mondial, mais la somme des positions créditrices nettes était inférieure au dixième de ce montant. Ainsi, les mouvements de capitaux d’intensité cinq fois plus forte ont conduit au cours des dernières décennies à des transferts d’épargne de même intensité qu’avant 1914.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », La découverte, 2007, 18-20

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Document 23 : rappel, la transformation de la structure de la balance des paiements (cas français)

Source : Dominique Plihon « Les taux de change », La découverte, 2010, p.51

Document 24 : synthèseDes soldes courants

identiques (en % du PIB)

Première mondialisation

Mondialisation contemporaine

1970 1980 1990 2000Sens des flux de l’épargne mondialeCanaux de financement

Document 25 : en résumé, comprendre le système financier international Les pays du cœur industriel de l’économie mondiale : le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, exportaient des biens manufacturés vers ceux de la périphérie dont ils importaient les matières premières vers les seconds dont ils finançaient le développement. Cette cohérence fait aujourd’hui défaut. Que le financement d’un des pays les plus développés de la planète dépende massivement de capitaux fournis par ceux qui le sont beaucoup moins, le souligne. Pour une part, l’inquiétude soulevée par les déséquilibres actuels est alimentée par cette apparente aberration. La logique économique laisserait en effet attendre, à l’instar de ce qui s’est passé au début du siècle dernier, une accumulation d’excédents dans les régions développées, avec en contrepartie un endettement des régions en développement. Dans un article déjà ancien (« Pourquoi le capital n’afflue-t-il pas dans les régions émergentes ? »), R.Lucas (1990) rappelait que, même en prenant en compte les facteurs pouvant réduire l’efficacité du capital productif mis en œuvre dans ces régions, la faiblesse relative des salaires y est telle que le rendement de ce capital doit être nettement supérieur à celui observé dans les pays développés. Or, depuis la seconde guerre mondiale, cet écart de rendement n’a jamais conduit à un transfert significatif et durable d’épargne du Nord vers le Sud. Peut-on vraiment s’en étonner ? R.Lucas n’évoque-t-il pas lui même la nécessité d’institutions financières rendant ce transfert possible ? Les capitaux ne circulent, en effet, jamais dans le vide de la théorie : la géographie de leur circulation est contrainte par les infrastructures monétaires et financières existantes. L’histoire des déséquilibres de paiements courants pendant la seconde partie du 20ième siècle est, de ce point de vue, particulièrement éclairante : elle montre combien l’intensité, le sens et la stabilité des mouvements internationaux de capitaux dépendent effectivement des dispositifs financiers et monétaires. Elle montre aussi que, à aucun moment après la seconde guerre mondiale, on n’a vraiment tenté de construire des canaux capables d’acheminer d’importants flux d’épargne du Nord vers le Sud. La configuration des déséquilibres actuels trouve là une part de son explication.

Source : Anton Brender et Florence Pisani « Les déséquilibres financiers internationaux », la Découverte, 2007, p.7

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2. La globalisation financière : facteurs explicatifs et acteurs

Document 26 : une conjonction de plusieurs facteurs De nombreux auteurs considèrent que le déterminisme technologique permet d’expliquer la globalisation financière. Les changements technologiques auraient permis le développement de ce marché mondial et l’évolution de sa nature. (…) Les facteurs politiques peuvent toutefois expliquer la séquence de ces évolutions. L’effondrement du bloc soviétique, l’arrivée de nombreux pays dans une économie de marché, la volonté des Etats-Unis et du Royaume-Uni dans les années 1970 de déréguler les marchés, celle des pays émergents d’attirer des investissements internationaux privés, la multinationalisation des entreprises et leurs besoins de financement international. Au niveau des acteurs sur les marchés financiers, une nouveauté importante est intervenue au cours des années 1990 : l’arrivée en force d’une multitude d’investisseurs institutionnels comme les fonds de pension, les assurances, les fonds spéculatifs, et donc par ricochet des millions d’épargnants.

Source : J.L.Mucchielli « La mondialisation. Chocs et Mesure » Hachette supérieur, 2008, p.105

2.1 Les réformes institutionnelles des années 1980 et leurs conséquences : déréglementation et décloisonnement des systèmes financiers nationaux

2.1.1 La déréglementation du contrôle des changes et du système bancaire

Document 27 : entretien avec David Thesmar Comment définiriez-vous la déréglementation financière ? Le premier aspect de la déréglementation financière concerne la libéralisation de la balance des paiements (…). Elle a permis d’accroître les échanges financiers. Il faut se rappeler que le contrôle des changes existait en France jusqu’au début des années 1980. Le gouvernement décidait alors s’il fallait laisser passer les flux de capitaux internationaux ou les limiter, et à quel plafond. Le second aspect de la déréglementation est lié à la libéralisation du secteur financier lui-même. La question était de savoir s’il fallait garder un système bancaire corseté par des règles et un contrôle public, ou au contraire le laisser prendre lui-même un certain nombre de décisions. Au début des années 1980, l’économie française était extrêmement réglementée ; les banques ne choisissaient ni le taux auxquelles elles prêtaient, ni combien elles prêtaient. La déréglementation a levé tous ces blocages. La loi bancaire de 1984 et la loi sur la déréglementation financière de 1986 constituent les cadres légaux de cette mutation financière. Pouvez-vous nous rappeler les principales mesures de ces lois ? en quoi ces mesures ont-elles changé le métier de banquier ? Avant la déréglementation financière, il existait en France environ 200 prêts bonifiés. A chaque fois qu’il y avait une nouvelle préoccupation d’importance du Trésor, un nouveau prêt bonifié apparaissait. Par exemple, si on voulait moderniser l’outil industriel, un prêt bonifié était dédié à cette modernisation avec un taux fixé par le Trésor ; de même pour sauver des emplois ou pour restructurer la force de travail. (…) il faut ajouter à cela l’encadrement du crédit. Lorsque la Banque de France estimait qu’il y avait trop de monnaie en circulation, elle demandait aux banques de réduire leurs prêts. Tous les mois, les patrons des grandes banques rencontraient ceux de la Banque de France et recevaient des directives. Pour simplifier avant la déréglementation, le travail d’un banquier consistait à prêter une enveloppe étroite dans un menu de taux donné. A cette époque, la moitié du système bancaire était nationalisée, l’autre moitié était sous tutelle de la banque centrale et du Trésor. L’univers bancaire n’était pas un univers commercial, ce qui freinait l’innovation financière.

Source : entretien avec D.Thesmar dans Revue Regards croisés sur l’économie, n°3, mars 2008, p. 68

Document 28 : la loi bancaire de 1984 (France)Avant la loi bancaire de 1984, chaque banque disposait de privilèges en termes de distribution de produits d’épargne et de prêts bonifiés. Par exemple, seul le Crédit Agricole pouvait accorder des prêts bonifiés aux agriculteurs ; seul le Crédit local pouvait octroyer des prêts d’accession à la propriété. La loi bancaire a fait le ménage, en définissant quatre grandes catégories de banques : les banques normales, les banques mutualistes, les banques d’investissement et les caisses d’épargne. elle a autorisé les banques normales à exercer également le métier de banques d’investissement – ce qui est assez légitime : puisqu’elles collectent de l’argent, pourquoi n’auraient-elles pas le droit de le placer librement ? La loi bancaire a donné un cadre simplifié définissant de nouveaux statuts en supprimant certains monopoles. Les deux autres mesures qui comptent, rappelons-le, sont la

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suppression de l’encadrement du crédit et la suppression d’une grande partie des prêts bonifiés. Ces changements ont révolutionné la façon de penser des banquiers, qui sont devenus responsables de leur politique de prêt.

Source : entretien avec D.Thesmar dans Revue Regards croisés sur l’économie, n°3, mars 2008, p. 70

Document 29 : la déréglementation du système bancaire La loi bancaire de 1984 élimine la séparation entre banque de dépôt et banque d’affaire substitue un modèle de « banque universelle » au modèle de banque spécialisée. On assiste aux Etats-Unis à un mouvement similaire avec la remise en question du Banking Act de 1933 (Glass-Steagall Act) : la réglementation Q, abrogée en 1986 (…). La séparation entre banques commerciales et banques d’investissement a également été remise en cause dans un contexte défavorable aux banques américaines, sous-capitalisées, en proie à une concurrence interne forte et exposées à l’essor de nouveaux concurrents, tels que les sociétés d’assurance, les OPCVM et les fonds de pension.

Source : C.de Boissieu et J.Couppey-Soubeyran, « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 4ième édition,

Document 30 : intermédiaires financiersL’exemple des Etats-Unis (…). Depuis l’abrogation du Glass Steagell Act (1933) en 1999, les banques commerciales peuvent (…) accéder à tous les métiers financiers et aux activités d’assurance. (…) Dans ce cadre là, le décloisonnement conduit à une déspécialisation de l’activité des banques et à un accroissement de la pression concurrentielle. (…) La « marchéisation » désigne la sensibilité accrue des intermédiaires financiers aux prix qui s’établissent sur les marchés financiers. (…) On retrouve une part de plus en plus importante de titres négociables au sein des bilans bancaires, d’où le terme de mobiliérisation. En conclusion, on assiste à un rôle accru des marchés financiers dans le financement des économies. Pour autant, le phénomène de désintermédiation doit être entendu au sens de perte de vitesse des activités traditionnelles des banques (collecte de dépôts/octroi crédits) au profit d’un rôle d’intermédiaire financier.

Source : Mathilde Lemoine, Philippe et Thierry Madiès «  Les grandes questions d’économie et finance internationales », De Boeck, 2007, p. 423-424

Document 31: la déréglementation des flux de capitaux La suppression d’entraves à la communication entre marchés financiers nationaux : une bonne illustration est fournie par les directives européennes de libéralisation financière qui ont conduit à la levée du contrôle des changes en France en 1989 (…).

Source : Mathilde Lemoine, Philippe et Thierry Madiès «  Les grandes questions d’économie et finance internationales », De Boeck, 2007, p. 423-424

Economica, 2013, p. 6-10

Document 32 : synthèse, la déréglementation et le décloisonnement du contrôle des changes et du système bancaire (cas français)

Contrôle des changes Système bancaireDate 1989 1984 « loi bancaire » Objet(s) de la déréglementation 1) 1)

2) 3)

Conséquence : décloisonnement entre

2.1.2 La déréglementation des marchés financiers

Document 33 : la déréglementation financière de 1986 (France)Le contexte de la déréglementation en France est assez intéressant : le big bang de la City à Londres a donné un coup de vieux au système financier français. Comment l’idée de la déréglementation a-t-elle germé parmi les technocrates français ? Le contexte international a poussé dans cette direction. Le big bang de la City dans les années 1970, commençant avec le recyclage des pétrodollars, a joué le rôle de détonateur. A la fin des années 1960, le régime de Bretton Woods prévalait encore. Il a permis la globalisation des marchés des biens, mais maintenu les marchés financiers relativement cloisonnés, à cause de l’étalon-dollar. Le choc pétrolier a généré d’un coup une capacité d’épargne énorme, notamment chez les pays producteurs d’or noir. Pour placer cette épargne, de nouveaux marchés ont été créés (les marchés des eurodollars, des eurofrancs …) et les barrières ont été abolies. La déréglementation des

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marchés des capitaux a débuté de manière anarchique, sous l’égide des pays financièrement plus avancés : l’Angleterre puis les Etats-Unis. Dans ce contexte, les grandes banques d’investissement américaines ont migré vers Londres. (…) Les anglais ont pris le tournant,  reformaté leur marché, le rendant plus fluide, plus dynamique. Ces expériences internationales étaient scrutées par de jeunes hauts fonctionnaires français (…). Après avoir compris que la détermination des prix par la rencontre de l’offre et de la demande est optimale, ils ont entreprise de restructurer l’architecture de la France. La restructuration a lieu sous le gouvernement socialiste, à un moment où la gauche est mûre pour le faire. D’abord parce que Bérégovoy y croit : pour lui, être libéral, c’est être socialiste, au sens où la concurrence fait baisser les prix, donc rend du pouvoir d’achat aux gens, et permet de faire disparaître les rentes capitalistiques. Il a derrière lui une équipe qui y croit aussi, et qui met en place la nouvelle architecture : la loi bancaire de 1984-1985, la suppression de l’encadrement du crédit, la disparition de la plupart des prêts bonifiés, et puis petit à petit, la levée du contrôle des changes, pour faire revenir les investisseurs internationaux. Sous l’égide de Bérégovoy, on crée le second marché pour permettre aux entreprises de taille moyenne d’être cotées en Bourse. Cet agenda non partisan est repris par le tandem Balladur-Chirac. Les entreprises privatisées viennent peu à peu peupler la cote. On supprime le monopole des agents de change en 1986. Il y avait auparavant 40 agents de change, passage obligé pour les transactions boursières. On crée aussi le Marché à terme international de français (MATIF) et le Marché des options négociables de Paris (MONEP). La Bourse devient électronique. La France est de ce point de vue pionnière en Europe continentale (c’est la dernière grande réalisation de la technocratie française).

Source : entretien avec D.Thesmar dans Revue Regards croisés sur l’économie, n°3, mars 2008, p. 75

Document 34 : transformation des marchés financiersA coté d’un marché monétaire, strictement interbancaire, et d’un marché financier largement réservé aux grandes entreprises a été ouvert un marché de titres des créances négociables, à court et moyen terme, accessibles à tous les agents économiques. L’intérêt d’une telle réforme était de conduire à une complétude des marchés des capitaux, en offrant la possibilité à un investisseur (emprunteur) de choisir la durée de son placement (financement) en titres négociables. En effet avant 1985, seul le marché obligataire était ouvert à tous les agents économiques.

Source : Mathilde Lemoine, Philippe et Thierry Madiès «  Les grandes questions d’économie et finance internationales », De Boeck, 2007, p. 423-424

Document 35Un marché financier actif suppose que les opérations puissent être conduites à toute échéance temporelle et que tous les opérateurs financiers puissent accéder à chaque compartiment du marché, ce qui impliquait en France une réforme du marché monétaire. A l’instar des plus grandes places financières étrangères, il fallait aussi que des opérations à termes et optionnelles deviennent possibles, ce que la création du MATIF (marché à terme des instruments financiers, devenu en 1988, le marché à terme international français) et du MONEP (marché des options négociables à Paris) a permis.

Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 54

Document 36 : rappels, les différents compartiments des marchés de prêts et emprunts Les taux d’intérêt sont cotés sur différents marchés, structurés selon la maturité des transactions et la nature des opérateurs. Le taux d’intérêt est le prix qui détermine la rémunération d’un prêt. Le marché sur lequel se négocient des prêts et emprunts à court terme sur une période par convention inférieure à 1 an, est appelé marché monétaire. Ce marché se subdivise lui-même en trois segments, le marché monétaire interbancaire sur lequel n’opèrent que les banques, le marché des Bons du Trésor, sur lequel s’achètent et se vendent des titres émis par le Trésor sur une maturité initiale inférieure à 1 an, et le marché des billets de trésorerie, sur lequel s’échangent des titres émis par les entreprises sur une maturité elle aussi inférieure à 1 an. (…) Le marché sur lequel les emprunteurs émettent de la dette sur une période par convention supérieure à 7 ans est appelé marché obligataire. (…) Les titres émis sur une durée comprise entre 1 an et 7 ans sont qualifiés de moyen terme.

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Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p.22

Document 37 : dans le contexte de l’intégration européenne En Europe, l’UEM et la création de l’euro ont conduit à l’émergence d’un vaste marché unifié des capitaux. Les bourses européennes ont entamé un large mouvement de restructurations avec la fusion en 2000 des places de Paris, Amsterdam et Bruxelles pour créer la bourse paneuropéenne Euronext. Cette bourse a fusionné avec le NYSE (New York Stock Exchange) en 2007. (…) Enfin, les transformations apportées aux cadres juridiques nationaux a contribué à l’internationalisation des marchés. En Europe, l’implantation transfrontalière d’établissement de crédit dans la Communauté est autorisée par la première directive bancaire adoptée en 1977.

Source : C.de Boissieu et J.Couppey-Soubeyran, « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 4ième édition, Economica, 2013, p. 6-10

Document 38 : synthèse, la déréglementation et le décloisonnement des marchés financiers marchés financiers Dates

1986 2007Objet(s) de la déréglementation

Conséquence : décloisonnement entre ?

2.1.3 Les conséquences du décloisonnement interne et externe du système financier

Document 39 : les objectifs de la déréglementation et du décloisonnement du système financier en France Le système financier aujourd’hui en place en France est le fruit d’une politique de transformations engagées dans les années 1980 pour préparer l’entrée dans l’Union économique et monétaire. Le système financier reposait alors essentiellement sur l’activité des banques, et plus généralement sur le crédit. Des taux de croissance élevés et le rythme soutenu de l’investissement qu’ils supposent suscitaient une forte demande de financement en provenance des entreprises, excédant les fonds propres des firmes. Les marchés financiers ne répondaient que partiellement à la demande des plus importantes d’entre elles. C’étaient donc les banques qui satisfaisaient la demande de financement des entreprises en assurant leur propre liquidité par un recours constant au refinancement de la Banque de France. (…) Ce système de financement qui repose sur l’anticipation de la croissance était largement administré (…). La demande de refinancement des banques comme la demande de financement des entreprises étaient assez insensibles au taux d’intérêt, et l’instrument de la régulation monétaire était quantitatif  : la progression du volume du crédit était contrôlée par la pratique dite de l’encadrement du crédit (…). L’objectif de la réforme (des années 1980) qui s’appuyait sur les travaux du Commissariat Général au Plan, était de mettre en place un marché des capitaux décloisonné et d’une dimension qui lui permette d’affronter les mouvements internationaux des capitaux. (…) Il s’agissait d’adapter l’économie française aux contraintes de l’économie ouverte. Si la transformation institutionnelle a été conduite depuis 1984 sous la responsabilité de Pierre C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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Bérégovoy (alors ministres de l’Economie et des finances), le rapport Marjolin-Sadrin-Wormser sur « le marché monétaire et les conditions de crédit » souhaitait dès 1969 que soit mis un terme à la fragmentation du marché du capital. La transformation prévisible de l’environnement économique induite par la mise en place du marché unique a rendu urgente la remise en cause de l’organisation du financement. Au début des années 1980, l’économie française, certes exportatrice, était fermée, en ce sens qu’elle fonctionnait avec un contrôle des changes rigoureux. Celui-ci avait un double aspect : il permettait de contrôler les mouvements de capitaux et donc de limiter la spéculation, toujours active contre le franc, mais il restreignait aussi l’apport des capitaux extérieurs aux marchés boursiers. L’objet des réformes (…) est de réaliser « un marché des capitaux unifié allant du jour le jour au très long terme, accessible à tous les agents économiques, au comptant et à terme avec la possibilité d’options  ». Cette démarche a été accompagnée par un processus permanent d’innovation financière dont l’Etat a donné l’exemple avec ses techniques d’emprunt. Les avantages attendus se situaient à deux niveaux : celui des prix sur le marché du capital d’une part (les prix administrés ne sont pas considérés comme des vrais prix ne permettant pas l’allocation rationnelle des ressources), celui de l’accroissement des ressources de financement pour les entreprises (notamment par l’apport de capitaux étrangers) de l’autre. L’objectif final était l’instauration d’une économie de fonds propres, c’est-à-dire d’une économie où les entreprises ne sont plus dépendantes de leur endettement bancaire, mais investissent avec l’apport en capital des épargnants actionnaires rémunérés par un dividende et par les plus-values de leurs titres. Cet apport en capital n’alourdit pas l’endettement de l’entreprise et c’est le marché qui décide de la validité de l’investissement.

Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 54

Document 40 : synthèse de la déréglementation au décloisonnement Contrôle des changes Marchés financiers Système bancaire et

intermédiaires financiers

Mesures de déréglementation Conséquences en terme de décloisonnement Objectifs visés (résultats attendus)

Document 41 : en résumé, la libéralisation des flux financiersEntre pays riches et avec un certain nombre de pays émergents, les contrôles des mouvements de capitaux ont disparu. Dans ce cas, un acteur résidant dans un territoire peut acquérir et revendre à volonté la monnaie et tous les actifs financiers émis dans un autre territoire. Les deux grands pays émergents, la Chine et l’Inde, conservent cependant un certain « contrôle des changes », c’est-à-dire des mouvements de capitaux. C’est le cas également d’un certain nombre de pays pauvres (…). Dans l’ensemble cependant, les mouvements de capitaux sont beaucoup plus libres qu’au début des années 1980 où la libéralisation financière a commencé. (…) La libéralisation des flux financiers entre territoires s’est accompagnée d’une libéralisation interne qui a pour l’essentiel supprimé les cloisons entre différents métiers de la finance, permettant aux institutions financières et en particulier aux banques, de les exercer tous. Le double mouvement de libéralisation interne et de globalisation a considérablement accru l’importance relative de la finance de marché, où les acteurs économiques échangent des titres entre eux sur les marchés (…). Enfin, la globalisation financière s’est accompagnée de la montée en puissance des investisseurs institutionnels, ces fonds de diverses natures qui gèrent de l’épargne pour compte de tiers. C’est un vaste ensemble qui va de la caisse de retraite, censée gérer les cotisations de ses membres afin d’obtenir un rendement moyen mais sûr à long terme, aux « hedge funds » les plus spéculatifs qui jouent avec un très fort levier d’endettement.

Source : P.N.Giraud « La mondialisation. Emergences et fragmentations » Editions Sce humaines, 2012, p. 33

Document 42 : la triple unité des marchés financiers La finance a pu, continûment, monter en puissance sur un marché global qui a bientôt illustré de mieux en mieux la règle des trois unités. D’abord, unité de temps : il fonctionne 24 heures sur 24 ; les établissements de la côte est américaine viennent de fermer quant vont ouvrir ceux des places asiatiques. Ensuite, unité de lieu : par un réseau de places de mieux en mieux interconnectées. Enfin, unité d’action : ce sont, partout, dans toutes les régions du monde, les mêmes techniques d’arbitrage, de placement ou de financement qui s’imposent. On parvient bien à ce C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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qui, pour reprendre l’expression de Marshall McLuhan (1962), est devenu le « village global » de la finance qui, à travers les cotations et les communiqués des agences de notation transmises instantanément grâce aux progrès de l’informatique et des télécommunications, « résonne des tams-tams tribaux » que font entendre, chaque jour, les marchés financiers devenus une véritable caisse de résonance. Il faut cependant reconnaître que cette montée en puissance de la finance, s’explique par le rôle éminent qu’elle joue dans l’économie aujourd’hui.

Source : H.Bourguinat, J.Teiletche et M.Dupuy « Finance internationale », Dalloz, Hypercours, 2007, p.45

2.2 La transformation des banques dans la finance globalisée : l’essor de la finance de marché intermédiée et la mobiliérisation des bilans bancaires

Document 43 : finance directe et finance intermédiée chez Gurley & Shaw Gurley et Shaw (1960) définissent la finance directe comme le système financier où les agents dont le bilan est excédentaire (les agents à capacité de financement – ce qu’ils appellent les « prêteurs ultimes ») rencontrent les agents dont le bilan est déficitaire (les agents à besoin de financement – les « emprunteurs ultimes »). Ce qui signifie, par exemple, que les ménages financent les entreprises en achetant des actions ou des obligations sur les marchés financiers. Or, malgré les grandes réformes des années 1980, le système financier repose toujours sur l’intermédiation qui s’interpose entre les prêteurs ultimes et les emprunteurs ultimes. Cette intermédiation est réalisée par les banques et d’autres sociétés financières. Elle peut prendre la forme d’une intermédiation de crédit lorsque les intermédiaires financiers récoltent des dépôts à court terme, auprès d’agents à capacité de financement, pour réaliser des prêts à long terme, pour des agents à besoin de financement. Elle peut prendre la forme d’une intermédiation de marché lorsque les intermédiaires financiers achètent sur les marchés financiers des titres émis par les agents à besoin de financement et collectent l’épargne des agents à capacité de financement. Après les grandes réformes des années 1980/1990, le système financier reste un système de financement majoritairement intermédié. Il est donc abusif de décrire la période des années 1980 comme celle des « 3D » : la désintermédiation n’a pas accompagné la décloisonnement et la déréglementation. Par ailleurs, on constate aussi que dans les pays anglosaxons, le poids de l’intermédiation de marché par rapport à l’intermédiation de crédit est plus important qu’en Europe continentale. Ce qui permet de comprendre pourquoi les marchés de capitaux y sont plus développés alors même que les intermédiaires financiers tiennent toujours une place centrale.

Document 44 : définition Si le passage à un financement par les marchés est souvent présenté comme un passage à la finance directe, ce n’est pas le sens que l’ouvrage fondateur de Gurley & Shaw (1960) donne à ce terme. Ces auteurs définissent la finance directe comme le système financier où les agents dont le bilan est excédentaire et présente une capacité de financement (les prêteurs « ultimes ») financent les agents ayant un besoin de financement (les emprunteurs « ultimes ») par l’achat des titres émis par ces derniers. Plus concrètement, les ménages financent les entreprises en achetant les actions et les obligations qu’elles émettent. Ceci n’est pas le système financier qui s’est établi en France après l’économie d’endettement. Les entreprises émettent certes des titres dont une partie est acquise par les ménages ou les entreprises, mais les préférences des agents à excédent vont vers les titres émis par les intermédiaires financiers, qu’il s’agisse de banques ou d’autres sociétés financières. Les intermédiaires financiers achètent les titres émis par les entreprises et les font entrer dans la composition de portefeuilles (…). Certains de ces titres combinent le rendement certain des obligations avec celui plus conjoncturel des actions. Fonds Communs de Placement (FCP) ou SICAV (Société d’investissement à capital variable) constituent pour les ménages le support de cette finance de marché intermédiée. Leur épargne est ainsi placée en titres de la finance indirecte selon la terminologie adoptée depuis Gurley & Shaw. Il ne s’agit donc pas d’un passage à la finance directe mais d’un passage à la finance de marché intermédiée.

Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 60

Question : Financement par le marché

Finance directe Finance de marché intermédiéeRelation entre agents à capacité de financement et agents à besoin de financement

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Document 45: les transformations des banquesLes banques se sont adaptées à ces réformes. Elles ont vu leurs activités traditionnelles (octroi crédit, collecte dépôts) décliner face à la concurrence de nouveaux intermédiaires (Assurance, Fonds de pension, Fonds communs de placement). Elles ont alors cherché à développer de nouvelles activités, par exemple le conseil et l’ingénierie financière. Elles ont surtout développé l’achat de titres sur les marchés, afin de fabriquer des produits financiers qu’elles commercialisent pour récolter des dépôts. Elles ont également obtenu de nouvelles ressources en titrisant une partie de leurs actifs et en émettant elles-mêmes des titres sur les marchés des capitaux. La conséquence de ces changements est la « mobilierisation » du bilan des banques : à l’actif moins de crédits et plus de portefeuille de titres, et au passif moins de dépôts et plus d’émission de titres de dettes. Cette mobilierisation du bilan modifie la nature des risques encourus par les banques : le risque de crédit recule au profit du risque de marché. Cela ne sera pas sans conséquence au moment de la crise des subprimes de 2007. Enfin, la taille des banques a considérablement augmenté. Certains établissements ont acquis une taille « systémique » : leur faillite peut provoquer des dégâts majeurs dans le circuit de financement. Avec le décloisonnement externe des systèmes financiers, la taille « systémique » de ces établissements est désormais globale et plus seulement nationale.

Document 46 : les banques, acteurs centraux de la finance de marché intermédiée La montée en puissance des marchés de capitaux à partir des années 1980 dans les pays d’Europe a, au départ, été perçue et analysée comme une force de convergence vers un système financier davantage fondé sur les marchés. Dans cette optique, les analyses les plus courantes considéraient qu’on était en train d’assister à une « désintermédiation », c’est-à-dire une diminution du poids des banques dans le financement de l’économie. C’était sans compter sur l’adaptation des banques à l’essor des marchés, sur le développement non moins rapide de nouveaux intermédiaires financiers indispensables à celui des marchés de capitaux. Aussi, lorsque l’on compare aujourd’hui les structures de financement des pays d’Europe continentale à celle des pays anglo-saxons, ce n’est pas tant l’écart entre financements de marché et financements intermédiés qui les différencient, car partout la part des financements intermédiés est prépondérante. C’est davantage l’importance relative de ce que l’on peut appeler « l’intermédiation de marché », c’est-à-dire l’importance de la détention de titres par les intermédiaires financiers qui distingue la finance anglosaxonne de la finance européenne continentale. En tout cas, ni la finance anglosaxonne, ni la finance d’Europe continentale ne sont « désintermédiées ». C’est le type d’intermédiation qui s’y opère (intermédiation de crédit versus intermédiation de marché) qui les différencie et qui, très vraisemblablement, explique aussi les différences en termes de taux d’activité de leur marché des capitaux. Les places financières de Londres et de New York sont plus actives que celles de Francfort ou Paris, non pas en raison d’un moindre taux d’intermédiation mais en raison d’une intermédiation davantage portée vers l’acquisition de titres.

Source : Jézabel Couppey-Soubeyran « Monnaie, banques, finance », Puf Licence, 2010, 105-141Question :1) remplir tableau avec : « finance directe » ; « finance de marché intermédiée » ; « intermédiation de bilan » ;

Financement par le marché Financement indirect

Désintermédiation Intermédiation au sens large

Document 47 : la « mobiliérisation » du bilan des banquesL’évolution des bilans des banques (…) reflète clairement les incidences de ce nouvel environnement. Cette évolution s’est manifestée des deux côtés du bilan (…). La progression des financements directs (par émissions de titres) permise par le développement des marchés a fait sensiblement reculer la part des crédits. Cependant, les banques s’y sont adaptées : elles y ont pris part elles-mêmes en développant leur portefeuille d’investissements en titres. Ainsi, à l’actif du bilan des banques, a-t-on pu observer une diminution de la part relative des crédits et une progression des titres détenus dans le « portefeuille titres ». (…)

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Du côté du passif du bilan des banques, on a ainsi observé une importante diminution de la part des dépôts à court terme, en partie compensée par celle des dépôts à plus long terme et par la progression des émissions de titres de dette. Des deux côtés du bilan bancaire, la part des titres (détenus à l’actif, émis au passif) a donc fortement progressé pour compenser le déclin relatif des activités traditionnelles d’octroi de crédit et de collecte de dépôts. Le cas des banques françaises est emblématique de cette « mobiliérisation » (accroissement de la part des valeurs mobilières) du bilan. (…) Ces transformations ne sont pas sans incidence sur la création monétaire. D’un côté, en effet, les crédits créent moins de dépôts puisque leur part a diminué dans le bilan des banques. Mais, d’un autre côté, celles-ci créent désormais de la monnaie en contrepartie de leurs financements par acquisition de titres sur les marchés. Les modalités de la création monétaire se sont ainsi diversifiées.

Source : D.Plihon, J.Couppey-Soubeyran & D.Saidane « Les banques, acteurs de la globalisation financière », La documentation française, 2006, p.29

Document 48 : le recomposition des activités des banques

Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 2013, p.77

1) si le bilan des banques se mobilérise, indiquer la variation (hausse ou baisse) de la part des opérations dans le bilan :

Actif PassifCrédits (émis) Dépôts (de la clientèle)Titres (acquis) Titres (vendus)

Document 49 : Transformation de la structure des bilans bancaires (1980-2002)1980 2002 1980 2002

Actif (en %) Passif (en %)Crédits à la clientèle

84 38 Opérations interbancaires (solde)

13 5

Titres 5 47 Dépôts de la clientèle

73 27

Valeurs immobilisées

9 7 Titres 6 52

divers 2 8 divers 0 7Fonds propres et provisions

8 9

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Total actif 100 100 Total actif 100 100Source : D.Plihon, J.Couppey-Soubeyran & D.Saidane « Les banques, acteurs de la globalisation financière », La

documentation française, 2006, p.29

Document 50 : conséquence, du risque de crédit au risque de marchéLa désintermédiation financière a entraîné un changement dans la nature du risque encouru par le système financier. Lorsque le crédit était prépondérant, le risque des banques était lié à l’activité productive. Il pouvait se manifester, soit de manière conjoncturelle, soit en raison de progrès technologiques modifiant la demande. Le risque bancaire est désormais un risque de marché financier et, comme tel, dépend des anticipations d’opérateurs à la recherche de marges sur des opérations souvent à court terme. l’actif des banques comporte une part importante de titres émis par des intermédiaires, et elles ont largement recours au hors bilan. De plus, le système financier s’est diversifié à la faveur de la déréglementation, et les nouveaux intermédiaires financiers sont soumis à une réglementation moins contraignantes que les banques.

Source : Françoise Renversez « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers » in Revue Regards croisés sur l’économie n°3, mars 2008, p. 65

2.3 Les autres intermédiaires financiers non bancaires

Document 51 : investisseurs institutionnels, hedge funds, private equity, banques d’investissement, fonds souverains

De nouveaux intermédiaires financiers font leur apparition à partir des années 1970. Tout d’abord les investisseurs institutionnels qui gèrent l’épargne des ménages. On y trouve les fonds de pension (en particulier dans les pays à régime de retraite par capitalisation), les sociétés d’assurance et les OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières qui regroupent en France les sociétés d’investissement à capital variable – les SICAV- et les fonds communs de placement – FCP). Avec l’élargissement des activités bancaires, ces nouveaux investisseurs institutionnels sont souvent des filiales des banques. Les hedge funds développent essentiellement des stratégies d’arbitrage et représentent environ 20% du total des actifs de l’industrie financière. Plus de 75% des hegde funds sont américains, et 75% des hedge funds européens sont anglais. La très grande majorité du capital géré par les hedge funds provient des banques et des investisseurs institutionnels. Le développement des hedge funds est donc très lié aux autres intermédiaires financiers, mais aussi aux innovations techniques qui permettent de traiter des volumes importants de trading et de mettre en place des stratégies complexes. La crise de 2007 a considérablement réduit leurs activités.Les sociétés de capital-investissement (private equity) prennent des participations dans le capital des sociétés non côtés en Bourse. Elles se distinguent donc des OPCVM. Là aussi, le financement des private equity est généralement assuré par les banques et les investisseurs institutionnels. Leur stratégie dite de LBO (leveraged buy out) consiste à choisir des sociétés en développement (les start-up par exemple) ou des sociétés en difficultés, à emprunter pour les acquérir, puis à les revendre à moyen ou long terme en en tirant un profit, grâce à un fort effet de levier de l’endettement. Si les hedge funds agissent sur une échelle temporelle de court terme (ou de très court terme), les private equity agissent sur une échelle temporelle beaucoup plus longue. Les banques d’investissement sont les héritières des banques d’affaire. Elles font du conseil, notamment en fusion et acquisition, elles organisent les augmentations de capital, les introductions en bourse ou les émissions d’obligations. Mais elles récoltent également des fonds auprès d’entreprises ou d’investisseurs afin de réaliser des placements à rentabilité financière élevée. Elles sont donc elles aussi à la recherche d’un effet de levier important. Elles ont par exemple développé des véhicules de titrisation. Lehman Brothers était une banque d’investissement. Enfin les fonds souverains cherchent à optimiser des capitaux publics qui proviennent des revenus du pétrole, des réserves de change ou des fonds de pensions publics. Leur stratégie, bien que souvent opaque, consiste à préserver la valeur réelle du capital sur la longue durée. Il n’y a donc pas de recherche d’effet de levier et de gestion de court terme. Il s’agit plutôt d’investisseurs patients et prudents qui diversifient leur portefeuille de titres. A côté de ces intermédiaires financiers, les autres acteurs des marchés mondiaux des capitaux sont les banques centrales (qui interviennent sur les marchés des change), les firmes multinationales et les Etats (qui émettent des titres acquis par des non-résidents).

Document 52 : l’intermédiation ne se limite pas au crédit bancaireLa part des crédits dans les bilans des banques a diminué, mais celle des achats de titres s’est accrue. Par conséquent, si l’on restreint la définition du financement intermédié au crédit bancaire, on constate effectivement que sa part dans le total des financements externes des agents non financiers s’est réduite. En France, (…) la part des encours de crédits dans le total des financements externes (taux d’intermédiation au sens étroit) est passée de

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71% en 1978 à moins de 46% en 1998, poursuivant ainsi sa décrue (proche de 40% au début des années 2000). Précisément parce que, parmi les agents non financiers, les entreprises et les administrations publiques recourent de plus en plus largement aux marchés des titres, où elles émettent des titres (actions, billets de trésorerie et obligations pour les entreprises, bons du Trésor ou OAT pour le Trésor). Mais une part de ces titres émis trouve preneur parmi les intermédiaires financiers. Donc lorsqu’on ajoute aux crédits les titres détenus par les intermédiaires financiers (banques, OPCVM, assurances vie, fonds de pension …) on obtient une délimitation plus large des financements intermédiés et, surtout, plus conforme à leur évolution. Et si l’on calcule la part de ces financements intermédiés au sens large (taux d’intermédiation au sens large), on constate que (…) la tendance à la baisse est largement amoindrie.

Document 53 : évolution du taux d’intermédiation en % des financements totaux en France 1978 1988 1998 2004 2010 *

Taux d’intermédiation étroit :Crédits / total des financements externes

71 62 45,7 39,5 40,5

Taux d’intermédiation large :(Crédits+titres détenus par les IF) / total des financements externes

77 80 73,3 58,8 52

*chiffre Banque de France, 2015Source : Banque de France, D.Plihon, J.Couppey-Soubeyran & D.Saidane « Les banques, acteurs de la globalisation

financière », La documentation française, 2006, p.36-37

Document 54 : répartition par secteur apporteur de financement2010 *

Taux d’intermédiation étroit :Crédits / total des financements externes

40,5

Taux d’intermédiation large :(Crédits+titres détenus par les IF) / total des financements externes

52

Dont :- BCN, établissements de crédit et entreprises d’investissement- Sociétés d’assurance- OPCVM

4,3

5,23

Source : Banque de FranceDocument 55

Financement externePart du crédit dans le financement externe

Part du financement intermédié de marché

Part du financement direct de marché

19782010

Document 56 : les investisseurs institutionnels, intermédiaires financiers non bancairesDepuis le milieu des années 1980, on assiste à une « institutionnalisation » croissante de l'épargne des ménages. Cette dernière est, en effet, dans une proportion de plus en plus grande, collectée et gérée par des investisseurs institutionnels, c'est-à-dire des intermédiaires financiers non bancaires :

- O.P.C.V.M. (organismes de placement collectif en valeurs mobilières, regroupant les sociétés d'investissement à capital variable [sicav] et les fonds communs de placements [F.C.P.])  ; également dénommé mutual funds aux Etats-Unis ou fonds d’investissement en France ;

- sociétés d'assurance ; - fonds de pension. 

Source : encyclopédie universalis en ligne

Document 57 : un poids prépondérant dans la finance globalisée

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Par le volume d'épargne gérée, ces agents représentent des acteurs prépondérants sur les marchés internationaux de capitaux. L'épargne confiée aux investisseurs institutionnels a poursuivi son essor tout au long des années 1990-2010. Son encours a pratiquement triplé depuis le milieu des années 1990, pour atteindre, plus de 71 000 milliards de dollars en 2010.Parmi les pays de l’O.C.D.E., c'est aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas que ces organismes de gestion d'épargne collective sont les plus représentés. Le volume d'épargne géré au début des années 2000 atteignait pour chacun plus de 200% du P.I.B. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, l'importance des fonds de pension s'explique assez naturellement par l'existence d'un régime de retraite fondé principalement sur la capitalisation. Toutefois, le poids des O.P.C.V.M. dépasse aux États-Unis celui des fonds de pension et celui des assurances. Au Royaume-Uni, le marché de l'intermédiation financière est dominé par les assurances dont le poids dépasse celui des fonds de pension, lui-même beaucoup plus important que celui des O.P.C.V.M.Les investisseurs institutionnels, souvent appelés les « zinzins », ont ainsi renforcé leur rôle, d'une part, sur les marchés financiers internationaux, et d'autre part, dans le gouvernement d'entreprise.

Source : encyclopédie universalis en ligne

Document  58: les hedge funds Les hedge funds se distinguent des OPCVM par leur stratégie, qui vise à décorréler leurs performances de l’évolution de la Bourse grâce à des stratégies complexes d’investissement et d’arbitrage recourant à toute la palette des options et produits structurés qui permettent de se couvrir contre les aléas du marché. De par leurs stratégies d’arbitrage, les hedge funds contribuent à l’efficience des marchés. (…) Pour rendre les marchés efficients, il suffit d’un petit nombre d’acteurs susceptibles de prendre des risques lorsque les marchés leur paraissent désajustés et d’effectuer des arbitrages entre des actifs ou des risques. (…)

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.20

Document 59: évolution des encours et du nombre de hedge funds dans le monde (période 2000-2009)

Source : Michel Aglietta, Sabrina Khanniche & Sandra Rigot « Les hedge funds. Requins ou entrepreneurs de la finance ? », Perrin, 2010, p. 84

Document 60 : les hedge funds et les autres intermédiaires financiers Le boom de l’industrie des hedge funds ne doit pas masquer les disparités de taille et d’implantation géographique. On constate que les trois quarts des hedge funds dans le monde sont américains et que les trois quarts des hedge funds européens sont britanniques. Les hegde funds représenteraient 20% du total des actifs de l’industrie (financière). (…). Les hedge funds sont essentiellement l’apanage des pays anglo-saxons à l’image des fonds de pension. On les retrouve dans les deux grandes places financières, New York et Londres. (…) En dépit de sa croissance exceptionnelle au cours des dix dernières années, le secteur des hedge funds conserve une taille modeste par rapport à celle des marchés d’actions et d’obligations internationaux. Il convient donc de replacer cette industrie dans l’univers global des marchés financiers, dont les principaux acteurs du point de vue de la taille sont les (autres) investisseurs institutionnels, à savoir les fonds de pension, les mutual funds et les sociétés d’assurances.

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Si, en termes de croissance, les hedge funds se taillent la part du lion avec un taux de 20% annuel entre 2000 et 2006 comparativement à ceux des fonds de pension (5%), des mutuals funds (8%) et des compagnies d’assurances (11%), il n’en reste pas moins que les encours des hedge funds (…) sont nettement moindres que ceux des fonds de pension, des mutuals funds ou des compagnies d’assurance. Les investisseurs institutionnels sont évidemment les organismes financiers les plus importants en taille, puisqu’ils drainent l’épargne contractuelle et la plus grande partie de l’épargne volontaire des ménages. Mais cela n’a guère de sens de les comparer aux hedge funds en terme de taille de bilan ; ce qui importe c’est la relation que ces deux catégories d’agents financiers entretiennent, puisque le capital gérer par les hedge funds dépend en grande partie de ce que les investisseurs institutionnels leur confient.

Source : Michel Aglietta, Sabrina Khanniche & Sandra Rigot « Les hedge funds. Requins ou entrepreneurs de la finance ? », Perrin, 2010, p.90-91

Document 61 : l’essor des hegde funds depuis le début des années 2000Pour expliquer la montée en puissance des hedge funds dans les années 2000 (…) on distingue plusieurs facteurs de croissance. (…) Il faut revenir sur le contexte économique très favorable avec des taux d’intérêt très bas depuis 2001, sur une très grande liquidité des marchés et sur la volonté des investisseurs institutionnels de diversifier davantage leurs portefeuilles, (…) et sur l’importance des innovations financières. (…) Après la forte baisse des marchés boursiers, suite à l’éclatement de la bulle internet de 2001, et la baisse des taux d’intérêts longs, les investisseurs institutionnels ont recherché d’autres sources de rendement plus élevé, ce qui les a conduits à réorganiser leur gestion pour accéder à des allocations stratégiques plus dynamiques. (…) L’innovation dans la technologie et les produits financiers a permis aux hedge funds d’élaborer des stratégies complexes et de traiter d’importants volumes de trading, tout en baissant les coûts de transaction, comme par exemple les plates-formes électroniques de trading. Stimulées par la demande des hedge funds les banques d’investissement ont créé une variété de produits (…) lié à la titrisation de crédit (…). Les hedge funds étaient désireux d’avoir des positions sur différentes classes d’actifs rapidement et facilement. Désormais partenaires essentiels des banques, les hegde funds ont ainsi absorbé leurs risques en achetant la dette dont les banques se débarrassaient de plus en plus rapidement pour l’effacer de leur bilan.

Source : Michel Aglietta, Sabrina Khanniche & Sandra Rigot « Les hedge funds. Requins ou entrepreneurs de la finance ? », Perrin, 2010, p.93

Document 62 : le lien banques – autres intermédiaires financiers Il apparaît clairement que les intermédiaires financiers continuent de jouer un rôle prépondérant dans la collecte d’épargne. Les ménages sont plus enclins à détenir des produits de placement intermédiés dont le niveau de risque est moindre ou leur est donné à choisir. Même aux Etats-Unis, la part des intermédiaires financiers dans la collecte de l’épargne des ménages atteint plus de 65%. En Europe, la même estimation dépasse 80%. Le choix en faveur de l’épargne intermédiée reste majoritaire. On observe cependant de fortes disparités, en Europe, quand au choix de ces intermédiaires. La part des banques varie du simple au triple selon les pays, celle prise par les OPCVM, les assureurs et les fonds de pension varie davantage encore. (…) On constate néanmoins une progression des intermédiaires non bancaires observée dans tous les pays. (…) Cette progression ne doit toutefois pas faire oublier que les banques demeurent les principaux distributeurs de parts d’OPCVM et de contrats d’assurance vie. La domination des banques apparaît clairement dans l’activité de gestion d’OPCVM : la part de marché des OPCVM contrôlés par les groupes bancaires atteint plus de 70% en Allemagne et en France et dépasse même 90% en Italie

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ou en Espagne (…). De la même manière, les groupes bancaires réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’assurance vie en France, et plus des deux tiers en Espagne et en Italie ; seule l’Allemagne fait exception (…). En ce sens, le lien que les banques ont établi avec les autres intermédiaires financiers pour s’accommoder de leur essor est non pas un lien de complémentarité comme celui qu’elles ont renforcé avec les marchés de titres, mais un lien plus hiérarchique de subordination.

Source : Banque de France, D.Plihon, J.Couppey-Soubeyran & D.Saidane « Les banques, acteurs de la globalisation financière », La documentation française, 2006, p.40

Document 63: les fonds de private equity Le private equity ou capital-investissement, consiste à prendre des participations dans le capital des sociétés de petite et moyenne taille non cotées en Bourse (d’où le terme anglais de private par opposition à public). Il se distingue en cela des OPCVM qui investissent dans des sociétés cotées. Le private equity n’a a priori rien de spéculatif et ne joue pas de rôle dans la transformation. Ses investissements sont des investissements de long terme, avec un horizon de l’ordre de 10 ans. Les capitaux sont levés auprès de particuliers fortunés ou d’investisseurs institutionnels, banques, assurances et surtout fonds de pension, qui disposent de passifs ou de fonds propres leur permettant d’investir à long terme. Le private equity joue un rôle important dans l’économie dans la mesure où il se substitue largement au crédit bancaire aux PME (…), en tant que capital-risque (…), en tant que capital-développement dans la croissance des start-up. (…) C’est un acteur pivot de l’innovation et de la recherche-développement. Néanmoins, son activité principale (80% de ses investissements) se concentre dans le capital-transmission ou leveraged buy out (LBO). (…)

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.20

Document 64 : les banques d’investissementPour comprendre ce qu’est une banque d’investissement, il faut d’abord savoir ce qu’elle ne fait pas. Elle ne reçoit pas les dépôts des particuliers. Avant sa faillite, vous n’auriez pas pu ouvrir un compte chez Lehman Brothers ; vous ne le pouvez pas davantage chez Goldman Sachs ou JP Morgan, ni en France chez Natixis ou Calyon, filiales de grands groupes connus. La banque a bien des clients, mais il s’agit essentiellement d’entreprises et d’investisseurs qui recherchent, soit à se financer soit à placer leurs liquidités. (…) Les banques d’investissement ont essentiellement trois types d’activités :

- Le premier est hérité des banques dites d’affaires et consiste à faire du conseil, notamment en fusion-acquisition ;

- L’autre ensemble d’activités est lié au financement des entreprises. Les banques d’investissement organisent les augmentations de capital, les introductions en bourse, le lancement d’emprunts obligataires.

- Enfin, le troisième type d’activités vise à trouver les placements financiers ou les couvertures les plus rentables. La banque sert d’intermédiaire à ses clients sur les marchés financiers et sur les marchés des changes. Un fonds d’investissement recherche une rentabilité maximum avec un fort effet de levier. La banque l’accompagne dans un LBO, ou conçoit des produits complexes utilisant notamment des dérivés parfois intégrés dans des véhicules de titrisation. Ces activités ont été extrêmement rentables avant la crise de 2008, ce qui explique qu’en France, même les banques traditionnellement de détail s’y soient mises, au travers de filiales parfois distinctes, mais toujours rattachées à leur maison-mère.

Source : http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/Banque-d-investissement

Document 65: les fonds souverainsBien que leur existence et surtout leur puissance n’aient été reconnues que récemment, les fonds souverains ne sont pas à proprement parler de nouveaux acteurs de la finance. certains existent depuis longtemps. Il s’agit de fonds publics qui gèrent des capitaux essentiellement publics. ces capitaux proviennent pour l’essentiel des revenus pétroliers (plus de 70%), des réserves de changes et des contributions aux fonds de pensions publics. Les fonds souverains ont pour vocation d’optimiser la gestion financière de ces capitaux par rapport à la gestion plus conservatrice des banques centrales, des assurances sociales, des entreprises publiques ou des ministères. Ils correspondent donc à un objectif d’efficacité financière. Ces fonds inquiètent plus en raison de leur opacité qu’en raison de leur puissance financière : (…) leurs objectifs stratégiques sont largement inconnus.

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.20

Document 66 : qui sont les investisseurs de long terme ? Ce sont des acteurs financiers qui ont des engagements sociaux à leur passif, lesquels déterminent les objectifs qui leur sont assignés comme par exemple préserver dans la longue durée la valeur réelle du capital qui leur est confié

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avec une probabilité définie par la puissance publique (fonds souverains) ou par la relation contractuelle (investisseurs institutionnels à prestations définies) (…).Ce qui induit un métier différent des arbitragistes spéculateurs:

– Ils n’ont pas de levier d’endettement excessif ;– Ils n’ont pas de besoin de liquidités non anticipés ;– Ils ne menacent pas de vendre des actifs en détresse et n’exercent donc pas de pression de liquidités sur des

tiers ;– Ils sont des investisseurs patients ; (…)– Ils se doivent d’avoir une gestion financière diversifiée ;

Montant des actifs gérés par des investisseurs institutionnels et des investisseurs de long terme en 2006 :62 200 milliards de dollars (Mac Kinsey ; FMI)

Fonds souverainsFonds de dotations universitaires

Fonds de pensionCompagniesd’assurance

Fonds communs deplacement

Investisseurs de long terme 32 100 milliards de dollars 30 100 milliards de dollars

Investisseurs institutionnelsSource : Michel Aglietta « Investisseurs à long terme », www.amf-france.org, 2015

Document 67: synthèse, l’horizon temporel et stratégie des acteurs des marchés financiers (hors banque)Placer dans le tableau : investisseurs de long terme, investisseurs de court terme et investisseurs institutionnels ;

Préciser si l’IF développe des stratégies risquées ou non ; Private equity

Fonds souverain

Fonds de pension

Compagnie d’assurance

Mutuals funds

Hedge funds

Banques d’investissements

Collecteurs d’épargne

Stratégie risquée

(oui/non)Logique de court terme ou de long

terme

Emetteurs de titres sur les

marchés financiers

Intermédiaires à l’origine d’émissions

de titres (oui/non)

Autres agents économiques à besoin de financement

Document 68 : les acteurs du marché international des capitaux (rappels)Les principaux acteurs du marché international des capitaux sont les banques, les institutions financières non bancaires, les banques centrales, les grandes entreprises et les administrations publiques. Les banques commerciales sont au cœur du marché international des capitaux non seulement parce qu’elles sont en charge du système des paiements, mais aussi parce qu’elles servent très souvent d’intermédiaires. L’activité première des banques commerciales concerne la transformation d’échéances. Le passif des banques est composé de dépôts collectés auprès des agents à capacité de financement ou de crédits à court terme obtenus auprès des intermédiaires financiers non bancaires. Leur actif comprend essentiellement des prêts accordés aux agents à besoin de financement, ainsi que des titres émis par ces derniers et des dépôts auprès des autres banques (dépôts interbancaires). Les banques rapprochent ainsi des agents dont les exigences sont opposées : des placements liquides et à court terme face à des besoins de financement qui s’inscrivent dans la durée. Les banques sont par ailleurs impliquées dans de nombreuses autres activités. Elles servent par exemple d’intermédiaires lors des

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introductions en Bourse pour en garantir le succès (en contrepartie du versement d’une commission). Elles développent également une activité lucrative de gestion des actifs pour le compte des individus et des institutions financières non bancaires. Les institutions financières non bancaires (sociétés d’assurance, fonds de pension, fonds de placement collectifs, hedge funds) sont devenus en l’espace de quelques années des acteurs majeurs du marché international des capitaux. Ces institutions financières octroient peu de crédits et ne collectent que très peu de dépôts à vue. C’est le cas également des banques d’affaires (ou banques d’investissement). Leur activité principale consiste à intervenir sur les marchés. Ces institutions ont pleinement bénéficié du décloisonnement des marchés nationaux qui leur permet de mieux diversifier leurs actifs. Les firmes surtout les grands groupes multinationaux financent régulièrement leurs investissements en faisant appel à des capitaux étrangers. De plus en plus, ces sociétés accèdent directement au marché international des capitaux. Les Etats, les collectivités territoriales et les administrations publiques se financent aussi sur les marchés internationaux.Les banques centrales sont également présentes sur les marchés financiers internationaux ; elles détiennent toutes des avoirs en monnaies étrangères et interviennent parfois sur le marché des changes pour soutenir ou infléchir le cours de leur monnaie.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.652

Question : remplir tableau Acteurs des marchés des

capitaux internationaux

Banques commerciales

Autres intermédiaires

financiers

Banques centrales Firmes multinationales et Administrations

publiquesActivités sur les marchés internationaux de capitaux

3. Le fonctionnement des marchés des capitaux contemporains : compartiments, acteurs et stratégies

3.1 Les différents compartiments des marchés des capitaux mondiaux

Document 69 : les quatre compartiments des marchés mondiaux des capitaux On distingue au sein des marchés de capitaux internationaux, différents compartiments.Le marché des euro-devises ou euro-crédits : C’est un marché où les banques offrent la possibilité de dépôts et de prêts en euro-devises, dans le cadre d’une intermédiation classique. Un euro-crédit est un crédit consenti en euro-devises. (…) Les dépôts en euro-devises sont définis au sens strict comme des dépôts en devises dans une banque située à l’extérieur du pays d’émission de la devise considérée. Le marché international des émissions : Les banques (…) jouent un rôle d’intermédiaire financier en mettant en relation émetteurs et souscripteurs de titres. Il existe plusieurs possibilités d’émissions, notamment les euro-obligations et les euro-actions. Si les émissions d’obligations internationales (…) représentent la principale source de financement depuis 1996, les crédits internationaux ont constitué les opérations les plus importantes jusqu’au milieu des années 1990 (…). Les marchés des changes :C’est le marché où se rencontrent les offres et les demandes de devises. Le processus d’intégration financière internationale est à l’origine du fort développement du marché des changes depuis le milieu des années 1980. Ainsi le volume journalier des opérations sur le marché des changes a été multiplié par plus de 9 entre 1986 et 2004. Les marchés des dérivés : Il s’agit de marchés dont l’objet premier est de proposer des produits financiers permettant de se couvrir contre les fluctuations de cours et de taux, qui surviennent sur des marchés au comptant. Le processus d’intégration financière accroît l’interaction entre compartiments du système financier international, jusqu’à un stade ultime appelé globalisation financière. D’où l’intérêt d’une présentation systémique de la finance internationale. C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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Source : Mathilde Lemoine, Philippe Madies et Thiérry Madies, « Les grandes questions d’économie et de finance internationales », De Boeck, 2007, p. 397

Questions : 1) remplir tableau avec : euro-crédits ; euro-obligations ; euro-actions ; investissement de

portefeuille ; investissement direct ; autres investissements ;

Financement international et mouvements de capitauxSource du financement

Crédits Titres

Forme du financement

Crédits bancaires Obligations Actions

Prêt/empruntCréance/dette

< 10% capital > 10% capital

Classification dans la balance des paiements

Autres investissements

Investissements directs Investissements de portefeuille

Compartiments marchés mondiaux des capitaux

Euro-crédits Euro-obligations Euro-actions

2) remplir tableau avec : marché des euro-crédits ; marché des euro-devises ; marché des euro-obligations ; marché des euro-actions ; marché des changes ; marché des dérivés ;marchés au comptant

Echanges internationaux et compartiments des marchés des capitaux

Type d’échanges Echanges commerciaux

Echanges de capitaux

Marchés au comptant

Euro-crédits et euro-obligations

(taux d’intérêt)

Euro-actions

(dividendes)Nécessité de changer les monnaies entre elles

Marché des changes

(Taux de change)

Marchés des dérivés

Fonction : compléter le marché au comptant (couverture contre les fluctuations de taux et de cours)

Marchés à terme 

Marchés d’options

Marchés de swaps

3.2 Les trois segments du marché des dérivés : marché à terme, marché des options et marché des swaps

Définition 70Un marché au comptant est un marché sur lequel la cotation du prix est simultanée à la livraison de l’actif. Un marché à terme est un marché sur lequel est côté un prix relatif mais, où la livraison de cet actif est différée dans le futur.

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Document 71Tous les actifs négociés sur les marchés au comptant font l’objet d’une cotation sur les marchés à terme. Ce type de marché né aux Etats-Unis au 19ième lorsque les agriculteurs souhaitent fixer dès le début du cycle d’exploitation le prix de vente futur de leurs produits. Le prix est donc fixé en amont de la livraison. Les marchés des options permettent d’enrichir le marché à terme en créant des contrats conditionnels. Il existe donc des contrats à terme fermes et des contrats à terme conditionnels. Dans ce dernier cas, le contrat contient une option qui permet de réaliser ou pas la transaction. Il est donc possible d’acheter une option de vente (ou d’achat) ou de vendre une option de vente (ou d’achat). Prenons l’exemple d’un agriculteur qui souhaite se protéger contre le risque d’une chute des cours. Il négocie un contrat à terme ferme pour livrer dans 6 mois un quintal de blé à 100 euros. Si dans 6 mois, le quintal vaut 120 euros au comptant, cela signifie que l’exécution du contrat ferme lui fait perdre 20 euros par quintal. L’agriculteur aurait eu intérêt à négocier un contrat avec une option lui permettant de vendre son blé à un prix déterminé au préalable plutôt qu’un contrat avec une obligation de le faire. Cette option a bien sûr un prix. Il existe donc des acheteurs d’option de vente ou d’achat et des vendeurs de ces options. Le marché des options permet donc de se couvrir contre un risque qui peut se réaliser sur une échéance donnée. Le marché des swaps élargit cette couverture et permet une protection contre un risque se réalisant sur plusieurs échéances successives, c’est-à-dire sur un flux d’échéances. Par exemple, des entreprises qui empruntent à taux variables ne connaissent pas à l’avance les intérêts qu’elles devront verser pendant la durée du prêt, elles cherchent donc à se couvrir contre des évolutions défavorables du taux d’intérêt sur l’ensemble de la période. il existe une grande variété de swaps, dont les wasps de taux d’intérêt, de devises, de matières premières ou de risque de crédit ( CDS : credit default swap).

Document 72: le marché à terme Un marché comptant est un marché sur lequel la cotation du prix est simultanée à la livraison de l’actif. (…)Un marché à terme est un marché sur lequel sont côtés des prix relatifs à des transactions différées dans le futur. Le rôle originel des marchés à termes est de permettre aux acteurs économiques exposés à un risque de prix de se couvrir en fixant, dès l’origine d’un cycle de production (agricole ou industriel), le cours de vente des produits finis ou le cours d’achat des éléments de consommation intermédiaire. C’est dans le monde agricole que sont nées les marchés à terme au milieu du 19ième siècle, les agriculteurs souhaitant fixer, dès le début du cycle, le prix de vente de leur production et ainsi limiter les aléas sur leur résultat d’exploitation. Tous les actifs négociés au comptant sont aujourd’hui cotés à terme.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011Questions : remplir tableau

Marché au comptant Marché à terme Détermination du prix et livraison du bien ou de l’actif

Document 73 : marché des options (ou marché à terme conditionnel)Les marchés à terme conditionnels permettent de négocier des contrats conditionnels, également appelé option. Ce second type de contrat diffère de ceux échangés sur le marché à terme « ferme » par la possibilité et non l’obligation d’effectuer la transaction à terme. Il permet alors de se couvrir contre une évolution défavorable du cours de l’actif, tout en profitant d’une évolution favorable. L’actif est appelé de manière générale le sous-jacent. Cet actif peut revêtir des formes très diverses  : action, indice boursier, devise (taux de change), obligation, taux d’intérêt, matière première. L’achat d’une option d’achat (ou de vente) donne à l’échéance la possibilité à l’acquéreur d’acheter (ou de vendre) le sous-jacent au prix (le prix d’exercice) déterminé lors de l’achat (ou la vente) de l’option.

Source : Mathilde Lemoine, Philippe Madiès et Thierry Madiès « Les grandes questions d’économie et de finance internationales », De Boeck, 2007, p.435

Document 74 : marché des swaps, l’exemple d’un swap de taux d’intérêtLe swap de taux d’intérêt permet à deux coéchangistes de profiter mutuellement des conditions d’intérêts préférentielles que chacun possède sur un marché que l’autre souhaiterait utiliser. Prenons l’exemple d’une entreprise qui souhaite emprunter à taux fixe et l’autre à taux variable, sachant que chacune obtient de meilleures conditions d’emprunt sur le marché où elle ne souhaite pas emprunter. Elles ont alors tout intérêt à emprunter chacune sur le marché où le taux d’emprunt leur est le plus favorable et échanger («  swapper ») ensuite leurs emprunts respectifs.

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Source : Mathilde Lemoine, Philippe Madiès et Thierry Madiès « Les grandes questions d’économie et de finance internationales », De Boeck, 2007, p.435

3.3 Les stratégies des intervenants sur les marchés à terme

3.3.1 Les arbitragistes

Document 75: définition Un arbitrage est une opération de réalisation d’un gain sans risque par intervention simultanée sur plusieurs marchés. L’arbitrage le plus classique est l’arbitrage comptant-terme, tout décalage instantané entre le prix à terme d’un actif et son prix comptant majoré du coût du portage donnant lieu à la réalisation d’un gain sans risque. Des opérateurs, appelés arbitragistes, interviennent dans les banques pour profiter de tout décalage anormal de prix, et contribuent par leur action à rétablir de manière quasi instantanée les relations d’équilibre entre les prix des actifs des différents marchés. (…) Les opportunités d’arbitrages ont une durée de vie très courte. (…) L’arbitrage consistant à l’achat d’un actif sur le marché comptant et sa vente sur le marché à terme est appelé arbitrage « cash and carry ». (…)

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011

Document 76: un exemple d’opération d’arbitrageLes données du marché sont les suivantes :

- cours au comptant de l’action ABC : 20 euros ; - absence de dividende anticipé sur les 12 prochains mois ; - taux d’intérêt sur le marché monétaire à 12 mois : 4% ; - cours à terme de l’action : 21 euros ;

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011Question : compléter le texte Ces données offrent une opportunité d’arbitrage. Le cours à terme à 12 mois « fabriqué » par un emprunt de 20 euros sur le marché monétaire et l’achat de l’action sur le marché comptant est en effet inférieur au cours à terme coté sur le marché. L’arbitragiste se livre aux opérations d’arbitrages suivantes :

- il emprunte de 20 euros sur la marché monétaire à 4% et il achète sur le marché comptant l’action ABC 20 euros.

- Le prix de revient dans 12 mois de l’action ABC est donc de 20 euros majorés du taux d’emprunt, soit 20 x (_____) = ______ euros ;

- il vente à terme l’action ABC à 21 euros ; Le profit de l’arbitrage est donc de 21 - _______ = _____ euros/ titre. Cet arbitrage est auto-équilibrant, car l’achat de l’action sur le marché comptant augmente le cours du marché au comptant, tandis que la vente à terme réduit le cours à terme.Les opérations d’arbitrage s’interrompent lorsque le profit d’arbitrage s’annule.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011

3.3.2 Les opérateurs en couverture

Document 77: définition Tout agent économique dont le résultat de l’activité dépend involontairement de l’évolution d’un prix de marché peut chercher à se couvrir en préfixant le cours de la variable à l’origine de l’aléa. Le rôle économique originel des marchés à terme est de répondre à ce besoin de sécurité. L’achat à terme est alors une opération de couverture.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011

Document 78 : exemple, la couverture du risque de changeLe trésorier d’une entreprise américaine sait qu’il doit acheter 10 millions d’euros dans 3 mois pour réaliser le paiement d’une importation de biens d’équipement allemands. Il hésite entre l’une des trois stratégies suivantes :

- la stratégie de non couverture. Elle lui permet de profiter d’une éventuelle baisse de l’euro, mais l’expose pleinement au risque de hausse, qui pourrait transformer un gain d’exploitation en perte financière. Une

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telle stratégie a une dimension spéculative, puisqu’elle revient à prendre une position risquée sur une variable indépendante de l’objet économique de l’entreprise ;

- la stratégie d’achat à terme de l’euro-dollar. Elle offre une couverture parfaite du risque de change, puisqu’elle insensibilise le résultat de l’entreprise à l’évolution de l’euro-dollar. Le seul inconvénient de cette stratégie est qu’elle ne permet pas à l’entreprise de profiter d’une évolution favorable, donc baissière, de l’euro. Dans un scénario de baisse de l’euro, si l’un des concurrents de l’entreprise ne s’est pas couvert, cette dernière peut souffrir d’une dégradation de sa compétitivité et regretter d’avoir bloqué un cours à terme euro-dollar trop élevé.

- la stratégie d’achat d’une option d’achat d’euro-dollar. Cette stratégie associe les avantages de la non-couverture à ceux de la couverture à terme. L’entreprise achète le droit d’acheter l’euro-dollar à un cours préfixé, par exemple le cours à terme. Si, dans les 3 mois, le cours comptant de l’euro-dollar est inférieur au cours à terme côté aujourd’hui, l’entreprise n’exerce pas son option et achète ses euros sur le marché comptant. Elle a intégralement profité de la baisse de l’euro, comme ses concurrents non couverts. Si, dans 3 mois, le cours comptant est supérieur au cours à terme côté aujourd’hui, l’entreprise exerce son option et achète l’euro au cours à terme (…). Elle a été protégée contre la hausse de l’euro, comme ses concurrents couverts par un achat à terme. L’achat d’option permet aux entreprises qui se couvrent de profiter d’une évolution favorable du marché tout en étant protégées contre une évolution défavorable. L’option a bien sûr un prix

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011Question :

1) appliquer l’exemple du marché des changes sur celui du marché du blé : relier par un flèche la stratégie de l’acheteur au type de marché utilisé

Stratégie de l’acheteur Type de marché utiliséUn acheteur de blé se procure 1 tonne pour 100 euros.

Marché à terme

Un acheteur de blé doit acheter 1 tonne dans 6 mois mais il craint que le cours du blé augmente d’ici son achat.

Marché optionnel

Un acheteur de blé doit acheter 1 tonne dans 6 mois ; il ne sait pas comment va évoluer le prix du blé qui est volatile ; il aimerait se couvrir contre une hausse du prix actuel, mais voudrait en même temps profiter d’une éventuelle baisse.

Marché au comptant

2) dans le cas d’une stratégie de couverture sur le marché des changes ou le marché du blé, quel risque l’acheteur de blé transfère-t-il à sa contrepartie ?

3) remplir tableau : Opérateurs en couverture Contrepartie

Stratégie

Document 79 : exemple, la couverture du risque de défaillance de l’emprunteur (les CDS)Le marché des credit default swaps a amorcé son essor dans les années quatre-vingt-dix, pour répondre au besoin des banques et autres prêteurs de se couvrir contre le risque que des entreprises clientes fassent défaut sur leurs emprunts ou sur leurs obligations. Dans le cadre de ce contrat d’échange, l’acheteur de protection de crédit (par exemple la banque A) paye périodiquement au vendeur de protection (par exemple le hedge fund B) un prix pour la protection contre le risque de défaut d’une entreprise donnée (par exemple l’entreprise C). Ce paiement périodique revêt la forme d’un coupon, appelé spread ou prime, multiplié par le montant notionnel du contrat. Si C fait défaut avant l’arrivée à échéance du contrat de swap, A livre à B des titres de créances sélectionnés dans une liste des créances éligibles émises par C. En retour, B verse le pair à A. Ainsi, en cas de défaut, l’acheteur de protection reçoit une valeur nette égale au pair moins la valeur de récupération du titre.

Source : Revue de la stabilité financière, juillet 2010, p.4Question : remplir tableau

Marché au comptant Marché des dérivés de crédit Opération effectuée

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Document 80 : les CDS, une innovation financière de J.P.MorganEn 1994, la banque JP Morgan accorda une ligne de crédit de 4,8 milliards de dollars à la compagnie pétrolière américaine Exxon du fait des risques liés à la marée noire provoquée par l'échouage de l'Exxon Valdez. Une telle ligne de crédit ne pouvait être détenue à 100 % sans modifier considérablement le bilan et augmenter le coût de refinancement de la banque. Une équipe de banquiers dirigée par Blythe Masters travailla sur un moyen de transférer une partie du risque de cette ligne de crédit en créant un produit financier spécifique de crédit qu'elle vendit sur le marché. JP Morgan commença à standardiser ces produits qui prirent le nom de CDS. À l'origine, ces portefeuilles de crédit portaient le nom de BISTRO pour Broad Index Secured Trust Offering. Ces nouveaux produits financiers furent rapidement adoptés par l'ensemble des institutions bancaires avant d'être restructurés et reconnus sous le nom de CDS.

Source : wikipedia

Document 81 : fonctionnement des

CDS

Document 81On remarque que le montant notionnel du contrat ne correspond pas nécessairement au montant des échanges réalisés effectivement. Si pour un CDS de 100, la banque doit payer 2% par an pendant 5 ans  ; le CDS lui coûtera 10. En cas de non défaillance de l’entreprise, le montant total de la transaction sera donc uniquement de 10, et pas de 100. Seule la défaillance de l’entreprise conduit à réaliser le contrat notionnel. Le graphique suivant illustre l’évolution de la valeur notionnelle des contrats de produits dérivés. On observe bien une accélération du recours à ces techniques à partir du début 2000 mais la valeur notionnelle total représente plus de 10 fois le PIB mondial en 2012 ; mais on sait que le montant des contrats notionnels ne correspond pas au montant des contrats effectivement dénoués.

Document 82

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3.3.3 Les spéculateurs : en contrepartie des opérations de couverture

Document 83Pour qu’il y ait couverture, il faut qu’il y ait, en contrepartie soit un agent qui cherche à se débarrasser d’un risque symétrique, soit un agent qui est prêt à prendre le risque à la place de celui qui ne veut pas le porter. Dans le premier cas, par exemple un agriculteur ne veut pas que le prix chute au-dessous de 100 et une coopérative agricole ne veut pas que le prix augmente au-dessus de 100. Le risque de l’agriculteur est symétrique au risque de la coopérative, et l’échange les fait disparaître. Mais pour que cet échange se réalise, il y a une contrainte importante  : celle de double concordance des désirs. Dans le second cas, il y a transfert du risque de l’agent en couverture vers l’agent spéculateur. Le spéculateur apporte de la liquidité au marché. Le spéculateur porte alors le risque. Il peut chercher à s’en débarrasser à son tour en adoptant une position de couverture, ou bien, il peut le porter jusqu’au bout en espérant avoir choisit l’évènement qui se réalise. Lorsque les spéculateurs portent le risque durant un temps très court (quelques minutes ou secondes) on parle de scalpers ; durant une journée on parle de day traders ; au-delà d’une journée on parle de long term traders. Lorsque le spéculateur transfère le risque, il peut le faire vers un autre spéculateur, la chaîne peut alors se renouveler plusieurs fois ; mais il peut aussi trouver un agent qui cherche à se couvrir pour un risque symétrique.

Document 84 : la spéculation, contrepartie de la couvertureSur les marchés à terme se rencontrent les trois grandes familles d’intervenants, opérateurs en couverture (ou hedgers dans le jargon professionnel), spéculateurs et arbitragistes. Les premiers cherchent, par la pré-fixation d’un prix d’achat ou de vente, à réduire ou annuler l’incertitude associée à une variable affectant de manière non désirée leur résultat ou leur valeur. Ils conservent en général leur position à terme jusqu’à l’échéance, mais peuvent parfois la déboucler par anticipation et procéder plus tard à de nouvelles opérations de couverture dans le cadre d’une gestion active. (…) qui est cette contrepartie ? Soit un opérateur en couverture qui, au même moment et pour un même montant, couvre un besoin symétrique, soit un opérateur qui endosse temporairement la position dans l’espoir de la racheter très vite et à un coût moins élevé. Cet opérateur est nommé spéculateur ou trader dans la terminologie anglo-saxonne. Cette dernière hypothèse est la plus probable. Le rôle du spéculateur est d’endosser à tout moment le risque que ne veut pas supporter l’agent qui se couvre. (…) Les spéculateurs assurent la contrepartie des opérations de couverture en offrant à tout moment la liquidité désirée par les utilisateurs finaux. (…) Un marché à terme est un jeu à somme nulle. Les gains des spéculateurs sont égaux aux pertes cumulées des autres opérateurs (et inversement). Un marché à terme est un marché de réallocation de richesse, et les pertes éventuelles d’opérateurs ont toujours pour contrepartie des gains réalisés par d’autres opérateurs. Mais la publicité des pertes est souvent plus importante que celle des gains, d’où une représentation asymétrique de la réalité qui ne repose sur aucun fondement théorique.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p. 162 et 165

Document 85 : spéculateurs et liquidité des marchés Certains opérateurs ont (…) clairement une activité professionnelle de spéculation, c’est-à-dire de prise de position volontaire sur des actifs financiers, dont ils contribuent à la liquidité du marché. (…) Le rôle des spéculateurs sur les marchés à terme est d’abord d’assurer la liquidité du marché en permettant aux opérateurs en couverture de trouver instantanément une contrepartie. Les spéculateurs assurent le transfert de la position entre deux utilisateurs finaux qui ne peuvent se rencontrer de manière simultanée dans le temps. L’horizon de portage des spéculateurs est en conséquence très court, quelques secondes, heures, minutes voire jours, ces opérateurs ne souhaitant pas conserver le risque de la position trop longtemps. Les positions se transfèrent donc à C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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un rythme très rapide, gonflant le volume des transactions, avant qu’elles n’arrivent dans les mains d’un opérateur en couverture dont les besoins sont strictement opposés à ceux du premier utilisateur final. (…) La rapidité de débouclement des positions par les spéculateurs est le critère retenu sur certains marchés à terme pour qualifier les opérateurs. Sur le Chicago Mercantile Exchange, on distingue par exemple trois types de spéculateurs dont les dépôts initiaux exigés sont croissants :

- les scalpers, spéculateurs opérant des « allers-retours » sur un horizon de quelques secondes ou minutes, et dont le dépôt initial est en conséquence très limité ;

- les day traders dont l’horizon de débouclement est la journée ; - les long term traders, spéculateurs dont l’horizon de débouclement dépasse la journée, et soumis aux

règles générales de versement du dépôt initial. L’expression long terme traders utilisée pour qualifier les opérateurs conservant leur position au-delà de la journée, illustre bien le rôle d’octroi de liquidité conféré aux spéculateurs.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011

Document 86 : un exemple, les traders en contrepartie sur les marchés à terme du pétroleSoit une compagnie aérienne devant couvrir un besoin d’achat de 100 000 barils de pétrole dans 2 mois. Elle est exposée au risque de hausse du pétrole, elle décide d’acheter à terme le pétrole sur le Chicago Mercantile Exchange, l’un des principaux marchés à terme dans le monde. Le prix du pétrole dans le contrat à terme qu’elle achète est de 80 euros le baril. Soit un producteur de pétrole qui est exposé au risque de baisse du prix du pétrole. Il achète un contrat à terme sur le même marché. Le prix du pétrole qu’il livre à terme dans 2 mois est de 78 euros le baril.

Source : à partir de Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011Questions :

1) Les deux agents économiques (compagnie aérienne et producteur de pétrole) peuvent-ils échanger entre eux ?

2) remplir tableauStratégie sur le marché à termeAgents économiques Prix du baril qui couvre le risque que chaque

agent cherche à éviter : Quel risque prend l’agent qui se met en

contrepartie ? Se protéger contre le risque de hausse du prix Se protéger contre le risque de baisse du prix

3) La compagnie aérienne achète son contrat au Trader n°1. La compagnie pétrolière achète son contrat au Trader n°2. A l’issue des deux mois :

- que doit faire le Trader 1 ? - que doit faire le Trader 2 ? - les deux traders ont-ils ont-il intérêt à réaliser un échange de gré à gré ?

3.3.4 Les opérations de couverture et de spéculation sur le marché des changes au comptant

Document 87 : règlement des échanges commerciaux et rôle des banques Voici deux opérations commerciales, les deux agents économiques ont besoin de passer par des intermédiaires. Opération commerciale : un importateur américain a besoin d’acheter des euros contre des dollars

Banque 1 Banque 2 Banque 3 Opération commerciale : un exportateur américain a besoin d’acheter des dollars contre des euros

Il achète 1 euro contre 1,15 dollars

Il vend 1 euro pour 1,15 dollars mais doit se procurer les euros ; il trouve une banque (la banque n°2) qui lui vend 1 euro pour 1,14 dollars ;

Il vend 1 euro (à la banque n°1) pour 1,14 dollars mais doit se procurer les euros ; Il trouve une banque (la banque n°3) qui lui vend 1 euro pour 1,13 dollars

Il vend 1 euro (à la banque n°2) pour 1,13 dollars mais doit se procurer les euros ; Il trouve un agent économique qui lui vend 1 euro

Il vend 1 euro pour 1,12 dollars

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pour 1,12 dollarsQuestions :

1) combien y a-t-il d’opérations commerciales dans cette séquence ? 2) combien y a-t-il d’opérations sur le marché des changes dans cette séquence ? 3) combien y a-t-il d’opérations de couverture dans cet exemple ? 4) si le montant des importations est de 100000 euros et le montant des exportations est de 100000 euros  :

quel est le montant des échanges commerciaux (en euros) et quel est le montant des échanges d’euros sur le marché des changes ?

Document 88

Question : 1) quel est le rapport entre le montant quotidien des échanges de devises et le montant quotidien des

exportations en 2007 ?

Document 89 : couverture en série et « jeu de la patate chaude » sur le marché des changes au comptantLe marché sur lequel les agents économiques achètent et vendent des devises est appelé le marché des changes. Sur le marché des changes, l’achat d’une devise est toujours la vente d’une autre devise, dite devise de contrepartie  : un importateur américain qui achète des euros pour payer une facture à un entreprise, vend des dollars. Si le cours au comptant de l’eurodollar est de 1,40, l’importateur achète 1 euro et vend simultanément 1,40 dollar. Les transactions effectuées sur le compartiment comptant des devises sont réglées sur un horizon très court, par convention 48 heures après la date de l’opération, par le débit et le crédit de comptes libellés dans les deux monnaies de référence. L’importateur américain qui achète 100 millions d’euros voit donc son compte en euros crédité de 100 millions d’euros et son compte en dollars débité de 140 millions de dollars. Le règlement d’une opération de change n’est rien d’autre que le produit de deux écritures comptables, l’une en devise achetée, l’autre en devise vendue. (…) Les opérations de commerce international ne représentent qu’une fraction marginale, voisine de 3% du total des échanges réalisés sur le marché des changes au comptant. Ce chiffre est très souvent utilisé pour illustrer la dimension « spéculative » du marché des changes. (…) L’analyse n’est pas juste. Il faut entre dans le détail des mécanismes de cotation pour montrer que les spéculateurs sont très loin de réaliser 97% des transactions sur le marché des changes. (…) Ce marché fonctionne 24h/24h, les grandes devises sont cotées sur chaque fuseau horaire. Les utilisateurs finaux s’adressent donc à leur banque pour acheter ou vendre des devises. Les banques entre elles cotent les devises en annonçant systématiquement, lorsqu’elles sont interrogées, deux cours : le cours acheteur, auquel elles sont prêtes à acheter, et le cours vendeur, auquel elles sont prêtes à vendre. Le cours acheteur est évidemment plus bas que le cours vendeur. (…) Si le client d’une banque est un importateur américain qui a besoin d’acheter 10 millions d’euros, il les achètera au cours vendeur de la banque, par exemple à 1,44 dollars. Il s’agit clairement d’une opération de commerce international incluse dans les 3% ! Mais la banque, qui vient de vendre 10 C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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millions d’euros à 1,44 doit maintenant … les acheter ! elle peut se retourner sur le « marché » et demander à son tour une cotation (quelle obtiendra à son cours acheteur qui est plus bas que son cours vendeur). Par exemple, elle achète à 1,4333 ; réalisant au passage un gain sur l’opération de 67 000 dollars. Mais qui vendra les 10 millions d’euros ? A coup sûr une banque, qui à son tour devra couvrir sa position en les achetant auprès d’une autre banque … le processus de couverture des positions ne s’interrompant que lorsqu’un exportateur américain s’adressera à une banque pour lui vendre … 10 millions d’euros. Si la position « commerciale » de la première banque a « tourné » 60 fois sur le marché des changes avant d’être couverte, il y aura finalement eu 2 opérations de commerce international pour 62 opérations sur le marché des changes, soit un ratio d’environ 3%. En aucune manière, les opérations des banques sur le marché des banques ne peut être ici qualifiées de spéculatives. Elles ont permis à l’utilisateur final de se couvrir à l’instant désiré, en transférant sa position à une banque qui l’a à son tour transféré à une autre banque. Les professionnels du marché des changes nomment ce processus de manière familière « le jeu de la patate chaude ». Supposons que ces opérations soient interdites. L’importateur américain devrait alors chercher un exportateur non européen qui, au même moment et pour un montant identique, aurait besoin de céder 10 millions d’euros.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p.17Questions :

1) lorsque la banque 1 vend des euros à l’importateur américain endosse-t-elle un rôle de spéculateur ? 2) lorsque la banque 1 achète immédiatement des euros à la banque 2 pour les livrer comptant à l’importateur

continue-t-elle à endosser ce rôle de spéculateur ? 3) que fait le spéculateur que l’opérateur en couverture ne fait pas ? 4) quelle est l’origine du volume des échanges dans notre exemple : les stratégies de spéculation des banques

ou leur volonté de couverture ? 5) que pourrait faire la banque 1 pour spéculer sans se couvrir une fois qu’elle a vendu des euros à l’entreprise

américaine ?

Document 90 : la frontière couverture / spéculation sur le marché des changesMais n’éludons pas ainsi la question de la spéculation sur le marché des changes. (…) La couverture des positions commerciales peut avoir une dimension spéculative. La banque qui vend 10 millions d’euros à l’importateur américain peut en effet par exemple (…) attendre une baisse du marché dans la journée pour acheter ses euros. Peut-on considérer que le maintien volontaire d’une position euro-dollar non couverte mais issue d’une transaction commerciale, est assimilable à une opération spéculative ? Les difficultés de détermination de la frontière entre spéculation et couverture expliquent à coup sûr les difficultés que les Etats ont toujours rencontré pour mettre en application la taxe Tobin. J.Tobin lui-même recommandait de distinguer entre les opérations d’octroi de liquidité, couvertes rapidement par des opérations de sens inverse, et les opérations correspondant à des prises de position volontaires. Les premières devaient faire l’objet d’une taxation minimale, voire échapper à la taxation.

Source : Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p.18

Document 91 : opération de spéculation sur le marché des changes sans fourniture de liquidité Certains opérateurs interviennent sur le marché des changes au comptant à de pures fins de spéculation. L’opération la plus classique de spéculation consiste à emprunter de la monnaie dont on anticipe la dépréciation, à acheter avec le montant emprunté sa contre-valeur dans une monnaie forte, puis à revendre la monnaie achetée lorsque celle-ci s’est appréciée afin de rembourser l’emprunt initial et réaliser un profit. Par exemple, un spéculateur « joue » la baisse du cours eurodollars sur une horizon d’une journée. Il réalise les opérations suivantes : il emprunte des euros durant une journée à un taux donné ; il vend ses euros sur le marché comptant contre des dollars ; il place ses dollars sur le marché monétaire (contre une rémunération) ; le lendemain, le cours eurodollars a baissé (ie le cours dollars-euro a augmenté), il revend ses dollars (majorés des intérêts), il obtient une somme en euros supérieure à celle qu’il a emprunté la veille; il rembourse son prêt en euros (avec les intérêts) et réalise un gain sur l’opération.

Source : à partir de Didier Marteau « Les marchés des capitaux », A.Colin Cursus, 2011, p.18

Document 92 : synthèse, trois types d’acteurs sur les marchés des capitaux Opérations Arbitragistes Opérateurs de

couvertureSpéculateurs

En contrepartie des opérations de couverture (adopter une position

Pas de contre partie d’opérations de couverture

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couverte ou non couverte)

(opération non couverte)

Objectif ? Intérêt sur le fonctionnement des marchés ?

3.3.5 Spéculation et marchés financiers : résumé

Document 93Le terme de spéculation est souvent associé à celui de crise financière. Pourtant, nous avons vu qu’avec le développement des marchés des dérivés, les opérations de couverture nécessitent des opérations de spéculation  : sans spéculation pas de liquidité, sans liquidité pas de couverture. Les stratégies de couverture permettent aux agents de se libérer d’un risque (risque de change, risque de prêt, risque d’évolution des prix futurs, risque de taux …). Elles facilitent donc les décisions de production, d’investissement, de prêt ou d’échanges internationaux. Lorsque des agents se libèrent d’un risque c’est qu’ils le transfèrent à d’autres agents  : les spéculateurs. Ces derniers cherchent alors à se couvrir à leur tour et transfèrent le risque à d’autres agents spéculateurs suivant une logique de « jeu de la patate chaude », ainsi de suite, … C’est cette chaîne de stratégies de couverture/spéculation qui permet d’expliquer l’écart très important qui existe entre le volume des échanges commerciaux et le volume des échanges sur le marché des changes. Didier Marteau dans Les marchés des capitaux (2011) rappelle ainsi que «   Les opérations de commerce international ne représentent qu’une fraction marginale, voisine de 3% du total des échanges réalisés sur le marché des changes au comptant. Ce chiffre est très souvent utilisé pour illustrer la dimension « spéculative » du marché des changes. (…) L’analyse n’est pas juste. (…) Si la position « commerciale » de la première banque a « tourné » 60 fois sur le marché des changes avant d’être couverte, il y aura finalement eu 2 opérations de commerce international pour 62 opérations sur le marché des changes, soit un ratio d’environ 3%. »

Document 94Est-ce à dire pourtant que la spéculation ne pose pas de problème ? Il existe d’autres formes de comportements spéculatifs : les agents spéculent quand ils anticipent l’évolution du prix d’un actif et ne se couvrent pas. Ce comportement s’observe sur tous les marchés d’actifs mobiliers ou immobiliers, au comptant et des dérivés. Quelles anticipations poussent les agents à faire certains choix ? La littérature économique propose plusieurs explications. Par exemple pour Stiglitz et Weiss (1980) les agents forment leurs anticipations en copiant les prix de marché pour économiser des coûts de recherche, et parce qu’ils considèrent qu’il n’est pas possible de «  battre le marché ». Ce mécanisme de mimétisme rationnel a pour conséquence de vider le prix de toute référence fondamentale. Le mimétisme pousse les prix dans le sens attendu par les agents, car c’est aussi un processus auto-réalisateur (Blanchard, 1984) : plus les agents anticipent une hausse du prix, plus ils achètent, plus le prix monte ... Pour André Orléan (2004), les anticipations ne contiennent aucune données « objectives », mais sont des représentations (des croyances, des scénarios) sur les évolutions futures de la valeur des titres. Les prix n’expriment en rien des valeurs fondamentales, mais uniquement un consensus sur la manière dont va évoluer le marché. Comme les croyances oscillent entre optimisme et pessimisme (comme dans le cycle financier)  : la phase de hausse des prix pousse les agents à rationnellement prendre plus de risque et acheter. Les bulles « spéculatives » apparaissent et se matérialisent par une hausse des prix puis un effondrement. Shiller ou Akerlof proposent, quant à eux, une interprétation plus comportementale de ce que Keynes a appelé les « esprits animaux » : les facteurs psychologiques (la confiance, la cupidité, le ressentiment, les tentations) expliquent les brusques changements de prix sur les marchés financiers. En résumé, il ne faut pas confondre une spéculation que l’on retrouve sur les marchés des dérivés est qui les alimente en liquidité et une spéculation, que l’on retrouve sur tous les marchés des actifs, et qui en univers d’incertitude conduit les agents à adopter des comportements mimétiques provoquant des emballements sur les prix à la hausse (bulle) puis à la baisse (krach).

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4 Les conséquences de la globalisation financière

4.1 Les gains attendus de l’ouverture et de l’intégration financières (modèle néoclassique)

Document 95 : une mesure de l’intégration financière international (1870-2012) (valeur absolue moyenne du solde extérieur courant en % du PIB)

Source : A.Bénassy-Quéré « Economie internationale », Economica, 2014, p.29

Document 96La liberté des mouvements de capitaux et l’intégration des marchés des capitaux permettent trois types de gains :

- des gains issus de l’efficience allocative : L’ouverture du compte financier permet l’accès à un capital moins cher (aux bénéfices des agents à besoin de financement) mais permet symétriquement des rendements plus élevés (au bénéfice des agents à capacité de financement). Par ailleurs, la constitution des portefeuilles de titres davantage diversifiée permet d’en réduire les risques. Enfin, la contrainte de financement d’un pays en économie fermée est levée. Sa balance commerciale peut donc être durablement déficitaire tant qu’il est en capacité à rembourser ses dettes. Cette situation fait apparaître une contrainte budgétaire inter-temporelle qui affecte la soutenabilité de l’endettement externe.

- des gains issus de l’efficience informationnelle : la globalisation financière associée aux progrès technique (NTIC) a considérablement réduit les coûts de transaction et les délais. Ainsi, les stratégies d’arbitrages sont facilitées, ce qui pousse en retour à la formation de prix d’équilibre, et améliore encore la qualité de l’information donnée par les marchés.

- des gains issus de l’efficience opérationnelle : là aussi le progrès technique a considérablement modifié les pratiques (traitement automatisé de l’information, augmentation des capacités de calculs des ordinateurs) en faisant progresser son efficacité productive. Cette amélioration de l’efficience opérationnelle s’est répercutée sur l’efficience allocative par le biais des innovations financières. Des techniques sophistiquées d’ingénierie financière se développent à partir des années 1970 qui se traduisent par l’apparition de nouveaux outils financiers permettant de mieux gérer les risques. Le risque devient une « matière première » : il est transmis, découpé, dilué. L’offre de produits financiers stimulant les demandes de couverture et de spéculation. C’est exactement ce qui s’est passé avec la titrisation des crédits immobiliers aux Etats-Unis. La globalisation permet alors de mobiliser davantage de capitaux, à moindre coût, pour un nombre plus important d’agents à besoin de financement. On s’attend donc à ce qu’elle produise des effets positifs sur la croissance économique. C’est le sens du passage de « la répression financière » à « la libéralisation financière » théorisé par MacKinnon en 1973. En situation de répression financière, l’intervention de l’Etat et l’absence de concurrence empêchent la formation d’un véritable prix du capital et produit du gaspillage. Les ressources sont mal allouées. Un système financier libéralisé élimine ces gaspillages.

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Document 97 : les gains de la globalisation à travers l’ouverture financièreUn pays ouvert financièrement est un pays qui autorise ses résidents à financer leurs projets de consommation ou d’investissement avec des capitaux étrangers et à placer une partie de leur richesse dans des actifs étrangers (actions, obligations, immobilier, …). Une ouverture financière complète (ou parfaite mobilité des capitaux) signifie que les flux de capitaux entrants et sortants ne font l’objet d’aucune barrière administrative ni d’aucune taxe. Cela implique, par exemple, qu’un investisseur étranger peut racheter librement une entreprise résidente. En première analyse, les gains à l’ouverture financière s’appréhendent de la même manière que les gains à l’ouverture commerciale (…). Comme dans le cas de l’ouverture commerciale, il y a trois gains :

- l’ouverture financière permet de déconnecter dans le temps la consommation du revenu : la balance commerciale n’a plus besoin d’être équilibrée à chaque période, mais les dettes contractées à une date doivent être remboursées ultérieurement (contrainte budgétaire inter-temporelle : un pays s’endette en période 1 pour rembourser en période 2) ;

- l’ouverture financière permet de bénéficier d’un taux d’intérêt plus intéressant : plus faible qu’en autarcie pour le pays à forte préférence pour le présent (où les consommateurs, pour des raisons diverses, souhaitent consommer davantage que ne leur permet leur revenu) ; plus élevé qu’en autarcie pour les pays à faible préférence pour le présent (où les résidents épargnent beaucoup) ;

- l’ouverture financière permet de diversifier le portefeuille des épargnant et donc d’en réduire le risque (de même que l’ouverture commerciale permet de diversifier le panier de consommation). (…)

L’ouverture implique donc une baisse du taux d’intérêt qui converge vers le taux étranger. A ces gains statiques s’ajoutent des gains dynamiques : l’ouverture financière permet de déconnecter du revenu non pas la seule consommation, mais la somme de la consommation et de l’investissement. A ce titre, l’ouverture financière permet à un pays faiblement doté en capital d’investir davantage qu’en économie fermée. Ceci s’explique par la décroissance des rendements marginaux : dans un pays peu capitalisé, le rendement marginal élevé du capital attire en principe les financements étrangers. Au niveau mondial, le libre circulation des capitaux assure en principe une meilleure allocation des ressources et donc une élévation du revenu et du niveau de vie. En bref, selon la théorie néoclassique, l’ouverture financière accroît le revenu et le bien-être car elle permet de déconnecter, au cours d’une période donnée, la consommation et l’investissement du revenu, et parce qu’elle permet une meilleure allocation de l’épargne au niveau mondial.

Source : Agnès Bénassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Economie, Economica, 2014, p.12-13Questions :

1) quel est le montant de l’épargne nette d’une économie fermée ? 2) même question dans le cas d’une économie ouverte ? 3) pourquoi les agents économiques ont-ils accès de meilleurs taux en économie ouverte ? (expliquer pourquoi

les AE à besoin de financement obtiennent des taux plus bas et les AE à capacité de financement obtiennent des taux plus élevés qu’en autarcie) ;

4) remplir tableau Les avantages attendus de l’ouverture des marchés financiers nationaux et

de la libre circulation des capitaux

Document 98 : les gains de la globalisation financière à travers l’intégration des marchés mondiaux des capitaux

Les gains réalisés grâce à la globalisation financière recouvrent les trois dimensions de l’efficience des marchés. L’efficience informationnelle s’est significativement accrue sous les effets conjugués de la globalisation financière et des progrès technologiques. Les informations sont aujourd’hui transmises sans délai et à un coût quasi-nul à l’ensemble des intervenants de marché. Les informations sont donc très rapidement intégrées dans les prix des actifs financiers. Et la quête permanente de la recherche d’opportunités d’arbitrage contribue à la formation de prix d’équilibre. En effet, les opérations d’arbitrage sont des opérations visant à réaliser des gains sans risque, en recherchant de petits écarts de prix injustifiés entre des actifs financiers similaires. La recherche de ces écarts de prix contribue à les faire disparaître, ce qui améliore le contenu informationnel des prix des actifs financiers. De ce point de vue, les marchés financiers sont aujourd’hui presque parfaitement arbitrés, avec une réduction très importante de la distance et du temps qui ralentissent le processus d’intégration des informations dans les prix. C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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L’efficience allocative des marchés financiers a également été améliorée grâce à la globalisation financière. D’une part, les possibilités de diversification offertes à chaque investisseur sont plus larges, ce qui permet une amélioration de la rentabilité dont bénéficie un investisseur pour un niveau de risque donné. En d’autres termes, la frontière efficiente s’est déplacée sur les marchés dans un sens favorable aux investisseurs. D’autre part, les institutions financières peuvent gérer plus activement leur exposition à une variété plus étendue de risques : outre la gestion traditionnelle des risques de marché, de taux de change et de taux d’intérêt à l’aide de produits dérivés (options et contrat à termes), il est aujourd’hui possible de se protéger sur les marchés contre un risque climatique, un risque de catastrophe naturelle, ou un risque de crédit. Ainsi, de nouveaux mécanismes et de nouveaux marchés permettant le transfert des risques sont apparus, à l’image des marchés de risque de crédit. grâce à des techniques sophistiquées d’ingénierie financière, il est possible de fractionner le risque d’un actif en différentes tranches, de combiner celles-ci avec tout ou partie du risque d’autres actifs et enfin de vendre sur le marché un produit (que l’on qualifie de structuré) contenant ce mélange de risques provenant d’actifs divers. Le risque est donc devenu une matière première comme une autre : il peut être transformé ou transmis, dilué ou concentré à volonté …A troisième dimension de l’efficience des marchés financiers, l’efficience opérationnelle, a également profité de la globalisation, du fait de l’importante baisse du coût des opérations financières permise par les gains de productivité du secteur financier : le traitement automatisé de l’information et les technologies modernes de communication ont permis de secteur financier d’améliorer son efficacité productive. La concurrence accrue entre fournisseurs de services financiers et les économies d’échelle et de gamme permises par la concentration croissante des acteurs financiers ont accentué le phénomène. Grâce à ces évolutions, les capitaux sont disponibles plus rapidement, à moindre coût et en plus grande quantité pour les agents à besoin de financement. Un exemple de ce phénomène est la déconnexion relative entre le taux d’épargne d’un pays et son taux d’investissement, permise par les flux internationaux de capitaux, même si l’on sait depuis les travaux de Feldstein et Horioka (1980) que cette déconnexion est loin d’être totale.

Source : J.Charbonneau et N.Couderc « Globalisation et (in)stabilité financière » Revue Regards croisé sur l’économie n°3, 2008, p. 236

Document 99 : dans un contexte d’innovation financière qui stimule l’offre et la demande d’actifsL’innovation financière peut s’analyser comme une réponse à une demande de caractéristiques nouvelles, de combinaisons nouvelles de caractéristiques, ou de couverture face à de nouveaux risques. Ainsi, dans les années 1970, la montée de la volatilité des taux d’intérêt et de change a favorisé le développement des produits dérivés, donnant la possibilité de se couvrir contre de brusques variations, au moyen de contrats à termes (…), de swaps, ou bien encore d’options ou de prêts hypothécaires à taux révisables permettant d’ajuster les taux à l’inflation. Conformément aux travaux de Lancaster (1971), il existe une demande latente de nouvelles caractéristiques de produits que l’innovation vient satisfaire : le consommateur recherche sur le marché le produit qui s’approche le plus de sa « variété idéale » ; moins il trouve son bonheur, plus il y a de la place pour des innovations venant répondre à sa demande. (…) Le développement rapide de la finance islamique depuis le début des années 2000, exprimant le besoin de produits financiers conformes à la charia, proscrivant notamment l’intérêt, peut également trouver un éclairage du côté de cette approche par la demande. Les innovations financières sont aussi fonction des conditions d’offre, qui, lorsqu’elles sont modifiée, par l’émergence de l’informatique par exemple, permettent la création de nouveaux produits financiers. Ainsi, la diffusion des NTIC a permis de réduire drastiquement le coût des transactions et a rendu possible de nouveaux services (distributeurs automatiques, virements, carte de crédit …). En outre, avec l’introduction massive de l’informatique dans la sphère financière, l’utilisation de modèles statistiques tels que le credit scoring a largement facilité l’acquisition d’informations, que ce soit sur la santé des clients des banques ou bien sur le risque porté par ces dernières. L’exemple le plus récent en termes d’avancée technologique est le trading à haute fréquence permettant la réalisation de transactions à très grande vitesse, avoisinant par exemple, les 250 microsecondes pour les valeurs de l’indice américain Nasdaq. Les ordres sont traités à de telles vitesses grâce à de puissants serveurs informatiques et à l’utilisation d’algorithmes permettant d’analyser instantanément les positions et le temps de réponse des contreparties et d’automatiser les ordres. Ces techniques permettent en somme aux investisseurs de réduire le coût de transaction et de réaliser de petites marges mais sur de grands volumes et sur un grand nombre de transactions. (…) Enfin, l’initiative de l’innovation financière n’est pas toujours du fait des acteurs privés. Si, dans les pays anglo-saxons, l’initiative a été très largement le fait d’acteurs privés dès les années 1970, les pays européens ne voulant pas que leurs places financières soient dépassées et cherchant de nouveaux moyens de financer leurs déficits publics, ont largement encouragé l’innovation financière au travers de vastes réformes de leurs système financier.

Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 2013, p. 9-10

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Document 100 : de la répression financière à la libéralisation financièreLa libéralisation financière internationale repose aussi sur une analyse critique des effets néfastes de la réglementation et du contrôle étatique sur les systèmes financiers. (…) MacKinnon (1973) propose une distinction entre « répression financière » et « libéralisation financière ». (…) Les systèmes financiers « libéralisés » correspondent aux systèmes dans lesquels les banques sont (…) soumises à la concurrence des marchés financiers. Le gouvernement est libéral. En conséquence, concurrence des acteurs financiers et moindre intervention de l’Etat font que les taux d’intérêt sont déterminés librement par les conditions du marché et variables. (…) La libéralisation financière internationale repose sur des considérations liées à l’efficacité économique. On attend de la libéralisation financière des effets positifs sur le rythme de croissance des pays qui prennent des mesures en sa faveur. (…) La mobilité des capitaux permet d’organiser la préférence pour le temps des agents au niveau mondial. (…) La mobilité des capitaux permet une allocation optimale de l’investissement. Les plans de production ne sont plus contraints par les plans de consommation des agents nationaux, la mobilité de l’épargne mondiale permettant le financement de l’investissement. (…) L’ouverture financière incite les pays à améliorer leur architecture institutionnelle afin d’attirer des capitaux. (…) Les investisseurs internationaux pénètrent de plus en plus les marchés domestiques de la dette publique. En conséquence, les orientations macroéconomiques des décideurs publics sont contraintes par les anticipations des marchés. Plus précisément, les investisseurs internationaux auraient pour vertu d’empêcher les Etats de s’engager dans des stratégies inflationnistes et / ou d’accroissement de la dette publique. Ils garantiraient donc l’assainissement des politiques économiques.

Source : J.P. Allegret et P. Le Merrer « Economie de la mondialisation. Opportunités fractures », De Boeck, 2007, p.107-108

4.2 Les paradoxes de la globalisation financière

Document 101Le premier constat que l’on peut faire c’est que finalement la globalisation financière est moins « globale » que prévue. L’intégration financière est partielle. Robert Lucas, dès le début des années 1980, s’étonne de la faiblesse des flux de capitaux des pays développés vers les pays en développement, alors que le rendement marginal du capital dans ces derniers est plus élevé et devrait attirer les investissements. Gourinchas et Jeanne (2009) montre ainsi qu’il n’y a pas de corrélation entre le rendement marginal du capital et l’afflux de capitaux. Pour Ben Bernanke, malgré les évolutions des années 1980/1990, les systèmes financiers de certains pays restent en effet encore très frustres et n’ont pas la capacité d’absorber des capitaux étrangers ou même le surplus d’épargne domestique. C’est le cas de la Chine par exemple. Le système financier international n’est donc pas homogène. La dynamique de globalisation financière s’est donc construite sur des infrastructures qui stimulent davantage les flux de capitaux entre pays développés qu’entre pays de niveaux de développement différents. A ces écarts de développement des systèmes financiers se rajoutent d’autres facteurs explicatifs. Dans le SMI contemporain certains pays ancrent leur monnaie et interviennent sur les marchés des changes pour contrôler leur taux de change. A cette fin, ils accumulent des actifs libellés en monnaie étrangère. Enfin, les investissements dans les PVD sont plus risqués et aléatoires en raison de la faiblesse du capital institutionnel, ce qui désincite les investisseurs.

Document 102 : le paradoxe de Feldstein-HoriokaLe marché des capitaux a permis une plus grande diversification des portefeuilles depuis les années 1970, mais celle-ci semble insuffisante au regard de la théorie. De même, il semble que le commerce intertemporel, mesuré par le compte courant, soit trop faible. A l’inverse, le fait que les taux d’intérêt sur des actifs similaires, libellés dans la même monnaie, soient très proches (sauf en période de crises) témoigne d’un bon fonctionnement des marchés.

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Document 103 : l’évolution de la corrélation épargne domestique et investissement domestiqueUne autre mesure du degré d’intégration financière internationale porte sur la corrélation épargne-investissement. Prenant appui sur l’approche de Feldstein et Horioka (1980), on considère qu’une faible corrélation entre l’épargne et l’investissement domestiques signifie une mobilité élevée des capitaux.

Source : Jean-Pierre Allegret et Pascal Le Merrer « Economie de la mondialisation. Opportunités et fractures », De Boeck, 2007, p.71

Document  104: le paradoxe de Lucas (1990) et le paradoxe de Gourinchas-Jeanne (2009)La mobilité internationale des capitaux élève en principe le niveau d’efficacité de l’économie mondiale en permettant d’allouer l’épargne là où le rendement marginal (rendement d’un euro supplémentaire investi) est le plus élevé. En 1990, Robert Lucas montre que tel n’est pas le cas dans la pratique : si la productivité marginale est décroissante, elle doit être plus élevée dans les pays peu dotés en capital, c’est-à-dire les pays pauvres. Mais les flux nets de capitaux vont dans l’ensemble du nord vers le nord, du sud vers le nord et maintenant du sud vers le sud, mais non du nord vers le sud. C’est le paradoxe de Lucas. En outre, il ne semble pas y avoir de corrélation entre le rendement marginal du capital et l’afflux de capitaux. C’est le paradoxe d’allocation de Gourinchas et Jeanne (2009). Plusieurs explications ont été proposées pour comprendre ces deux paradoxes :

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- (…) la productivité marginale du capital au Sud est rabaissé par la corruption, la manque d’infrastructure, le manque de qualifications ;

- le systèmes financiers sont insuffisamment développés au sud : en situation d’autarcie, le manque de supports d’épargne maintient les taux d’intérêt à un niveau faible ; l’ouverture conduit alors à une sortie, non à une entrée de capitaux (B.Bernanke, 2005) ;

- le sous-développement des filets de sécurité sociale oblige les pays du sud à épargner beaucoup ; - les pays du sud exportent du capital pour maintenir la valeur de leur monnaie à un niveau-sous évalué ; ce

sont les banques centrales qui sont responsables des flux Sud-Nord ; Source : Agnès Bénassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Economie, Economica, 2014, p.18

Questions : 1) si les marchés mondiaux des capitaux étaient totalement intégrés, où devrait aller l’épargne mondiale : vers

les pays où la rémunération du capital est élevée ou vers les pays où cette rémunération est faible ?2) pourquoi certaines régions du monde attirent-elles plus les capitaux que d’autres ? 3) quelle forme d’efficience (informationnelle ou allocative) est ici remise en cause ?

Document 105 : écart de taux d’intérêt à Londres et à New York pour actifs identiques

4.3 Le système financier international : des marchés financiers moins résilients

4.3.1 Les crises financières des pays en rattrapage

4.3.1.1 De l’endettement extérieur aux crises des dettes souveraines

Document 106 : le cas mexicain (début années 1980)Les années 1970 devaient être bénies pour le Mexique. Ce pays producteur de pétrole bénéficie alors de la flambée du cours de l'or noir ; à l'époque, les réserves de la banque centrale engrangent les dollars à un rythme effréné. Pourtant, dans le même temps, le pays s'endette dangereusement.Entre 1970 et 1982, la dette à long terme du Mexique est passée de 6 à 86 milliards de dollars. Cette dette est surtout détenue massivement par des banques commerciales dont l'encourt passe de 1,8 à 44,5 milliards de dollars. Cette situation va déboucher sur une crise qui présente quelques similitudes avec la Grèce.

Source : http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/15/il-y-a-trente-ans-la-crise-mexicaine

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Document 107

Document 108 : le passage à l’UEMDans le cadre de la mise en place du marché unique, les dernières restrictions aux mouvements de capitaux dans l’UE ont été supprimées le 1er janvier 1994. Au sein de l’UE, un groupe de pays a souhaité compléter l’intégration financière par une intégration monétaire. Au 1er janvier 1999, onze pays ont fusionné leur monnaie avec la création de l’euro. La zone euro a été progressivement élargie pour compter 18 membres au 1 ier janvier 2014. L’unification monétaire renforce l’intégration financière en supprimant à la fois les coûts de conversion entre les monnaies et le risque sur leur valeur relative. L’unification monétaire a eu un effet spectaculaire sur les flux de capitaux au sein de la zone euro et les flux se sont bien dirigés, dans l’ensemble, des pays les plus riches de la zone vers les pays en rattrapage.

Source : Agnès Bénassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Economie, Economica, 2014, p.18

Document 109 : évolution trimestrielle de la dette publique grecque

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Document 110: l’échéancier des remboursements de la dette publique en 2011

4.3.1.2 Les combinaisons de crises de change et des crises bancaires accentuées par des phénomènes de sudden stop

Document 111 : la crise mexicaine de 1994Le Mexique met en place en 1987 un large programme de stabilisation et de réformes, combinant une forte réduction du déficit et de la dette publics, une politique de ciblage du taux de change et des accords sur les salaires (…). La même année, le pays s’engage concrètement sur la voie de la libéralisation commerciale en adhérant au Gatt, rejoint l’OCDE et signe en 1994 l’ALENA. Le Mexique fixe son taux de change à l’égard du dollar en 1987 (…). Dès lors le Mexique annonce chaque année un niveau maximal d’appréciation et (…) les autorités mexicaines conservent un niveau de taux de change proche de son seuil maximal d’appréciation (…) ce qui conduit à un fort déficit courant. En 1994, les réserves de change de la banque centrale s’épuisent, compte tenu des anticipations de dévaluation. (…) En décembre 1994, le peso mexicain est dévalué de 15%, au-delà de sa limite de dépréciation maximale, et le déficit courant atteint 8% du PIB. La monnaie mexicaine est alors attaquée par les spéculateurs et les autorités décident de laisser le peso flotter. La panique des investisseurs étrangers (qui fuient) accroît la dépréciation et le Mexique ne peut plus désormais emprunter, sauf à des taux d’intérêt très élevés. Le défaut est alors évité grâce à une aide du FMI et du Trésor américain. La forte dépréciation du peso a pour conséquence un retour de l’inflation, qui était pourtant passée de 159% en 1987 à seulement 7% en 1994. (…) La contraction ne dure qu’un an. Le Mexique retrouve accès au marché international des capitaux et rembourse même le Trésor américain avant la date prévue.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.656

Document 112 : la crise mexicaine de 1994Le déficit courant mexicain était tout simplement une autre façon de dire que les étrangers trouvaient au Mexique des conditions propices aux investissements. Cela ne serait inquiétant, dirent les optimistes, que si l’afflux de capitaux était « artificiel » (si le gouvernement avait ramené des capitaux de l’étranger en empruntant lui même de l’argent, comme avant 1982 ; ou en laissant filer le déficit budgétaire que l’épargne intérieure ne suffisait pas à financer). Mais le gouvernement mexicain maintenait un budget en équilibre en se constituant des actifs à l’étranger (des réserves de devises) plutôt que des passifs. Alors, pourquoi s’inquiéter ? Si le secteur privé voulait investir au Mexique, pourquoi le gouvernement aurait-il tenter de l’en dissuader ? Il y avait toutefois quelque chose de gênant dans les résultats du Mexique : compte tenu de toutes les réformes et de tous les capitaux qui affluaient, où était la croissance ? (…) Où était le miracle, où était la récompense pour toutes ces réformes, tous ces investissements étrangers ? En décembre 1994, confrontée à une hémorragie continue de leurs réserves en devises, les autorités mexicaines se trouvèrent dans l’obligation d’agir. Elles pouvaient enrayer cette perte en relevant les taux d’intérêt, ce qui C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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Page 44: Module 3 Globalisation financi_re€¦  · Web viewModule 3 La mondialisation économique et financière. La dynamique de la mondialisation financière. Constitution et fonctionnement

inciterait les résidents mexicains à conserver leur argent en pesos, tout en attirant, éventuellement de l’argent de l’étranger. Mais cette hausse des taux aurait nui à l’activité économique et à la consommation alors que le Mexique se trouvait au bord de la récession. Le Mexique choisit une dévaluation. Mais cette opération fut bâclée. (…) La première dévaluation fut de 15%, la moitié seulement de ce que les économistes avaient préconisé. (…) On sut peu après la dévaluation que des hommes d’affaires mexicains avaient été consultés juste avant la dévaluation : ils avaient bénéficié, directement à la source, d’une information refusée aux investisseurs étrangers. Une fuite massive de capitaux était alors inévitable et le gouvernement mexicain dut renoncer définitivement à fixer le taux de change. (…) Les investisseurs étaient choqués – réellement choqués – de découvrir que le Mexique n’était pas le modèle qu’il avait semblé être, et ils voulaient quitter le pays à tout prix. Bientôt le peso avait perdu la moitié de sa valeur qu’il avait avant la crise. Le budget du gouvernement représentait alors le problème le plus urgent. (…) La crise financière de l’Etat se propagea rapidement dans le secteur privé. En 1995, le PIB réel baissa de 7%, la production industrielle de 15%. Le plus surprenant vient de ce que la crise ne se cantonna pas au Mexique.

Source : P.Krugman «  Pourquoi les crises reviennent toujours », seuil 2008, p.35-59

Document 113 : la crise asiatique de 1997-1998La crise asiatique de 1997-1998 se caractérise par le décrochage presque simultané de plusieurs monnaies asiatiques puis des monnaies brésiliennes, russe et turque. Le fait marquant, cependant, est l’interconnexion entre crise de change et crise financière, ce que l’on nomme crises jumelles : les crises ne semblent dues ni à un épuisement des réserves, ni à un épuisement de la parité, mais à un arrêt brutal (sudden stop) des financements extérieurs qui provoque une chute de la valeur de la monnaie lorsque les autorités n’ont pas assez de réserves pour équilibrer la balance des paiements sans variation de taux de change. Les banques locales, lourdement endettées à court terme, se trouvent en difficulté, d’autant que le rendement de leurs investissements s’effondre suite l’explosion de diverses bulles financières (immobilier, bourses). La crise financière renforce la défiance des investisseurs étrangers, les retraits de capitaux et donc la chute des monnaies ; en retour, la dévaluation des monnaies locales aggrave les problèmes des banques qui sont endettées en monnaies étrangères alors que leurs actifs sont en monnaie locale.

Source : Agnès Bénassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Economie, Economica, 2014, p.220

Document 114 : Asie du Sud-Est 1997Jusqu’en 1997, les pays d’Asie du Sud-est font figure d’exemples. Ils connaissent une forte croissance qui leur permet de rattraper le niveau de développement économique des pays industrialisés. Mais, en 1997, ils sont victimes d’une crise financière désastreuse. (…) Cette crise a été particulièrement forte, mais elle a aussi été de courte durée. Elle a toutefois largement contribué au déclenchement des crises en Russie et au Brésil. (…) Jusqu’à la fin des années 1980, de manière peu surprenante, ces économies ont financé une grande part de leurs investissements en s’appuyant sur l’épargne nationale. Ce n’est que dans les années 1990 que la popularité grandissante des « économies émergentes » convainc les investisseurs internationaux d’investir dans les pays d’Asie du Sud-est. Ces entrées de capitaux se sont accompagnées de déficits courants très importants. (…) On considère généralement que la crise asiatique commence le 2 juillet 1997 avec la dévaluation du baht thailandais. Depuis 1996, le pays a montré des signes d’instabilité financière. Il devient notamment évident que le marché de l’immobilier puis le marché boursier entrent dans une période de déclin. Les spéculations sur une possible dévaluation du baht entraînent un épuisement des réserves de change et le 2 juillet, le pays tente une dévaluation contrôlée de 15%. Comme au Mexique en 1994, cette dévaluation modérée est un échec. Une vague de spéculation massive provoque alors une dépréciation du baht bien plus importante. La spéculation s’étend aux monnaies des pays voisins. Les spéculateurs estiment que toutes ces économies partagent les mêmes faiblesses. (…) Ces pays souffrent, avant la crise, d’une réglementation du secteur bancaire trop laxiste. (…) aucun contrôle ne vient limiter les risques pris par les banques, et de surcroît, les réformes du système financier au début des années 1990 facilitent les emprunts en monnaies étrangères. (…) Ceci explique pourquoi, en dépit d’un fort taux d’épargne, les incitations à l’investissement sont si fortes en Asie du sud-est, au point que les pays ont accumulé des déficits courants avant la crise. (…) L’éclatement de la bulle immobilière s’est inévitablement traduit par une spirale déflationniste et des faillites bancaires. (…) tous les pays touchés par la crise, sauf la Malaisie, demandent l’assistance du FMI. (…) Après la crise, la plupart des pays touchés poursuivent les plans administrés par le FMI, tandis que la Malaisie, qui n’avait pas accepté ses recommandations, impose des contrôles sur les mouvements de capitaux afin d’alléger la contrainte sur les politiques monétaire et budgétaire. notons que la Chine et Taiwan, qui disposaient de systèmes de contrôle sur les mouvements de capitaux avant la crise ont été relativement épargnés.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.709

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Document 115 : la crise asiatique de 1997La perte de confiance dans la monnaie et l’économie de la Thailande (…) a conduit les investisseurs, nationaux et étrangers, à désirer faire sortir leurs capitaux du pays. Toutes choses égales par ailleurs, ce processus a entraîné la chute du baht. Comme la banque centrale thaie n’était plus en mesure de soutenir sa monnaie en l’achetant sur le marché des changes (plus de dollars ou de yens à dépenser), son seul moyen d’enrayer le déclin de sa devise était de relever les taux d’intérêt et de limiter la masse monétaire en circulation. Malheureusement, la baisse de la valeur de la monnaie et l’augmentation des taux d’intérêt ont créé des problèmes financiers pour les entreprises, tant les institutions financières que les autres. D’un côté, beaucoup avaient des dettes en dollars, qui devinrent soudain plus lourdes lorsqu’il fallut de plus en plus de baht pour un dollar ; de l’autre, elles étaient nombreuses également à avoir des dettes en bahts, qui devinrent plus difficile à rembourser lorsque les taux d’intérêt grimpèrent en flèche.

Source : P.Krugman «  Pourquoi les crises reviennent toujours », seuil 2008, p.99

Document 116 : la contagion de la crise asiatique et l’arrêt brutal du financement des PVDParfois, il y a de bonnes raisons pour que se développe une contagion économique. Des relations directes unissaient bien les économies d’Asie qui furent touchées : la Thailande représente un marché pour les produits malaisiens. (…) Mais toutes les estimations de l’effet d’entraînement direct du « marché de biens » sur les économies en crise montrent que ce dernier ne peut avoir constitué un facteur majeur dans la propagation de la crise. (…) Les liaisons financières plus ou moins directes peuvent avoir servi de vecteur de contagion plus puissant. Non que les thailandais aient été de gros investisseurs en Corée, ou les coréens en Thailande : mais les flux de capitaux dans la région étaient souvent canalisés par les « fonds des marchés émergents » qui réunissaient tous ces pays. Lorsque les mauvaises nouvelles arrivèrent de Thailande, l’argent quitta ces fonds, puis tous les pays de la région. La manière dont les économies asiatiques étaient associées dans l’esprit des investisseurs était plus importante que cette liaison mécanique. L’appétit qu’ils avaient montré pour la région s’était nourri de la perception d’un « miracle asiatique » partagé ; quand l’économie d’un pays se révèle finalement ne pas être à ce point miraculeuse, la confiance accordée aux autres économies s’en trouve affectée.

Source : P.Krugman «  Pourquoi les crises reviennent toujours », seuil 2008, p.99

Document 117 : l’effet tequila (ou la contagion de la crise mexicaine de 1994)L’effet tequila gagna une partie significative du monde et plus particulièrement les autres pays d’Amérique latine, et notamment l’Argentine. Ce fut une mauvaise surprise. Tout d’abord en raison de l’éloignement des deux pays, (…) ensuite le mécanisme de caisse d’émission était supposé rendre invulnérable la crédibilité du peso argentin. Comment ce pays a-t-il pu être gagné par la crise du Mexique ? (…) La réduction de crédits opérés à New York à des clients argentins réduit l’actif de la banque centrale qui doit en contrepartie faire baisser son passif, donc la monnaie en circulation, par exemple en demandant à un homme d’affaires argentin de rembourser un prêt.

Source : P.Krugman «  Pourquoi les crises reviennent toujours », seuil 2008, p.35-59

Document 118 : la crise Argentine de 2002L’Argentine connut une crise de type asiatique en 2002. (…) L’Argentine avait frôlé le désastre en 1995, lorsque le contrecoup provoqué par la crise du Mexique était presque parvenu à détruire le système bancaire. Mais au moment où la crise reflua, la confiance revint. (…) Mais à la fin des années 1990, tout (re)commança à aller de travers. Tout d’abord, il y avait le problème de la rigidité du système de taux de change. Cela n’aurait pas été une difficulté si l’Argentine avait réalisé l’essentiel de ses échanges avec les Etats-Unis. (…) Si pour une raison quelconque le dollar montait par rapport à l’euro, la conséquence immédiate pour l’Argentine était qu’elle perdait les marchés européens pour ses exportations. C’est exactement ce qui s’est passé à la fin des années 1990. (…) D’autre part, le Brésil, touché par la contagion de la crise en Russie dévalua brusquement le réal. L’effet conjugué de ces changements de taux de change dut sérieusement entamer la compétitivité des exportations argentines, précipitant le pays dans la récession. Au moment où l’économie argentine s’est effondrée, les investisseurs étrangers ont perdu confiance. Les capitaux qui avaient afflué dans le pays repartirent en sens inverse, engendrant un étranglement du crédit. et comme en 1995, la perte des capitaux étrangers a aussi été à l’origine d’une crise bancaire. (…) Vers la fin de l’année 2001, le gouvernement se trouva dans l’incapacité de maintenir la règle de parité d’un peso pour un dollar. La valeur du peso chuta rapidement, passant d’un dollar à 30 cents. Les premières conséquences du plongeon de la monnaie furent catastrophiques, tout comme le furent les effondrement monétaires en Asie. Comme de nombreuses entreprises et personnes physiques avaient contractées des dettes en dollars, la dépréciation du peso déstabilisa les bilans, conduisant bien souvent à la faillite.

Source : P.Krugman «  Pourquoi les crises reviennent toujours », seuil 2008, p.105

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Document 119 : les crises des PVD dans une finance internationale de plus en plus intégréeCrises Mexicaine 1994 Asiatique 1997 Argentine 2002Régime de change choisit dans le SMISource de la perte de confiance qui conduit à l’épuisement des réserves de change (suivi d’une dévaluation ou d’un flottement – dépréciation)Conséquence du sudden stop sur le fonctionnement du système financier domestique Conséquence de la dévaluation (ou dépréciation) sur les agents économiques et financiers domestiques

Document 120 : la contagion d’une crise à d’autres PVDPropagation de la crise Mexique 1994 « l’effet tequila » Thailande 1997Autres pays touchés

Mécanisme de contagion

4.3.2 Des crises financières qui touchent ensuite les pays développés

4.3.2.1 Les transformations récentes des marchés financiers dans les PDEM les rendent plus fragiles

Document 121Hormis des crises de change qui affectaient certains pays européens dans le cadre du SME, les crises financières ont été jusqu’à la crise des subprimes essentiellement circonscrites aux pays émergents. Les années 2000 marquent un tournant avec deux chocs financiers internationaux qui le concernent directement : celui de 2001 et celui de 2008. Pourquoi ? Le premier élément de réponse consiste à rappeler que les transformations des marchés financiers dans les PDEM fragilisent les systèmes financiers. Ils sont plus fragiles parce que :

Ils sont plus intégrés : un choc dans un pays se diffuse plus facilement aux autres, c’est l’effet domino. Il peut s’agir d’un choc sur les prix (éclatement d’une bulle par exemple) ou un choc de liquidité (assèchement des marchés).

Les chaînes entre acteurs sont plus longues : on assiste à une multiplication des positions de couvertures et de spéculation. Or les spéculateurs alimentent le marché en liquidité. En conséquence, quand les agents ne désirent plus prendre des positions de spéculateur la liquidité sur les marchés vient à manquer (choc de liquidité).

Dans un contexte de mondialisation financière, la concurrence est désormais mondiale, et les grands établissements financiers sont de la taille du marché mondial, ils sont donc systémiques : leur faillite peut entraîner avec eux le système financier mondial dans son ensemble ;

Les intermédiaires de marché sont pour certains régulés (les banques), mais pour d’autres ne le sont pas ; c’est ce que l’on a appelé le shadow banking. Ce déficit de régulation a pour conséquence une plus grande fragilité en cas de crise car par exemple les obligations de réserve obligatoires sont quasi-inexistantes. Or, ce shadow banking est très lié aux banques « régulées », leurs difficultés financières se répercutent donc sur le système

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financier traditionnel. Comme ce fut le cas en 1998 avec la quasi-faillite du fonds Long Term Capital Management (LTCM) qui avait emprunté 300 milliards auprès de 13 banques.

Les innovations technologiques rendent les montages financiers plus complexes et l’évaluation des risques plus difficiles.

Le développement de certains marchés des dérivés et les stratégies de titrisation provoquent des problèmes d’aléa moral et de sélection adverse qui conduisent à une prise de risque croissante ;

Certaines techniques comme le trading haute fréquence provoque des flash krach : la vitesse de passage des ordres dépassent les capacités humaines et déstabilisent les cours sur les marchés ;

Document 122 : des marchés plus intégrés rendent les économies interdépendantes La globalisation financière accroît (…) la dépendance d’une économie vis-à-vis de toutes les autres (Brender & Pisani, 2006). (…) L’interdépendance entre économies est également de nature financière puisque l’intégration toujours plus grande des marchés financiers du fait de la globalisation financière implique une plus forte corrélation entre les marchés et les pays en termes de prix des actifs et de volatilité. Il s’agit d’une conséquence directe de l’intégration financière transfrontalière : les chocs de prix et de liquidité (hausse brutale du prix de certains actifs ou baisse brutale de la liquidité d’un marché), même très localisés au départ, ont une plus forte probabilité de se transmettre à d’autres régions, si bien que des évènements très éloignés peuvent avoir des répercussions très fortes sur des institutions ou investisseurs étrangers (l’exemple des banques européennes, allemandes en particulier, fortement exposées à la crise des subprimes est révélateur). L’interdépendance entre intervenants sur un même marché s’est également accrue. En effet, chaque acteur dépend de plus en plus de la volonté et de la capacité des autres acteurs à lui fournir de la liquidité en cas de besoin. Ce nouvel environnement, dans lequel chacun dépend des actions des autres, peut favoriser l’apparition de défauts de coordination entre acteurs, potentiellement porteurs d’enjeux systémiques.

Source : J.Charbonneau et N.Couderc « Globalisation et (in)stabilité financière » Revue Regards croisé sur l’économie n°3, 2008, p. 238-239

Document 123 : des innovations financières complexifient le système financier Les innovations financières et la libéralisation de l’activité d’intermédiaires financiers ont également rendu le système financier plus interconnecté et plus complexe en raison des montages financiers mis en place et des instruments financiers utilisés comme les produits dérivés. Dans ce contexte, l’évaluation des risques est plus difficile ainsi que l’identification des porteurs finals des risques. Ces difficultés se sont manifestées durant la crise de 2007 par le manque de fiabilité des notations émises par les agences mais également par les lacunes de la supervision.

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.20

Document 124 : des preneurs de risques moins régulés, le « shadow banking »Les innovations financières ont permis aux intermédiaires financiers d’externaliser les risques de leurs bilans et de reporter ces risques sur des agents disposés à les assumer. L’expérience a montré toutefois la dangerosité de ces pratiques parce qu’elles transfèrent le risque d’intermédiaires financiers régulés vers d’autres intermédiaires peu ou non régulés. Rien ne garantit que le porteur final du risque soit suffisamment solide pour prendre en charge ces risques. (…) C’est ainsi, par exemple que le groupe d’assurance américain AIG, après avoir subi des pertes sur le marché des crédits hypothécaires subprimes a été mise sous tutelle publique et refinancé par la Fed en 2008 pour tenir ses engagements vis-à-vis des banques américaines et européennes. (…)L’externalisation des risques de crédit fait peser ceux-ci sur des entités peu ou pas régulées, qui forment ce qu’on appelle aujourd’hui le Shadow banking. (…) Les fonds d’investissement (et en particulier les hedge funds) constitue la majeure partie (32%) de la sphère non régulée. (…) Le risque des Hedge funds résulte de leurs effets de levier important, conjugué à une forte exposition aux institutions financières via des prêts bancaires. C’est le cas du fonds Long Term Capital Management (LTCM) dont la quasi-faillite en 1998 a failli porter un coup dur au système bancaire mondial, ce fonds s’étant endetté pour environ 300 milliards de dollars auprès de 13 banques. Les véhicules de titrisation représentent 9% du shadow banking, posent un risque au système financier car (…) il s’est avéré que les banques demeurent in fine vulnérables : une banque qui cède des créances à un SIV fournit habituellement à ce dernier un ligne de liquidité pour le bon déroulement de son activité de titrisation. Pendant la crise des subprimes, les banques ont été contraintes, pour des questions de réputation et de risque de contrepartie, de racheter les créances cédées aux SIV et donc de reprendre à leur compte le risque inhérent à ces créances.

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.15

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Document 125 : des institutions financières systémiquesL’augmentation de la concurrence, induite par la déréglementation et l’ouverture des marchés en interne et à l’international, a contraint les acteurs financiers à rechercher des économies d’échelle et de gamme pour rester compétitifs. Les institutions financières se sont donc engagées dans un processus de concentration, notamment par le biais d’opérations de fusions et d’acquisitions. La conséquence en est que le système financier mondial se caractérise aujourd’hui par la présence d’une trentaine de conglomérats financiers dont le défaut causerait celui de beaucoup d’autres établissements et provoquerait ainsi une crise systémique. De plus, ces structures qui opèrent sur plusieurs marchés et sur plusieurs métiers à travers leurs filiales sont également susceptibles d’amplifier un choc initial dans une branche d’activité et de diffuser le risque à tout le conglomérat. (…) Le spectre de la crise systémique a pesé lourd sur les autorités publiques durant la crise de 2007-2008. La banque Northern Rock, 5ième banque anglaise, a par exemple été nationalisée en février 2008, étant jugée systémique par les autorités. Le caractère systémique ne se limite pas qu’aux banques. D’autres intermédiaires financiers contribuent au risque systémique. Les sociétés d’assurance ou les hedge funds. (…) L’assureur AIG fut finalement mis sous tutelle publique en septembre 2008 et refinancé par la Fed à hauteur de 85 milliards, ceci afin d’éviter un effet domino dans le secteur financier américain. (…) Du fait de leur taille et de leur place dans le système financier, les institutions systémiques posent le problème du « too big to fail », dans le sens où les autorités sont obligées de leur venir en aide en cas de difficultés. Cette configuration pose un problème d’aléa moral : se sachant sauvées en cas de problèmes, ces institutions systémiques peuvent être incitées à prendre plus de risques.

Source : J.H.Lorenzi et P.Trainar « Les nouveaux acteurs de la finance » in revue Regards croisés sur l’économie n°3, 2008, p.20

Document 126: les innovations financières et la concurrence entre les banques renforce l’aléa moralAu-delà du shadow banking et de la présence d’entités systémiques, le développement de nouveaux instruments financiers comme les dérivés de crédit ainsi que les nouvelles méthodes de financement comme le modèle « originate and distribute » basé sur la titrisation, sont en eux-mêmes susceptibles d’engendrer une plus grande prise de risque de la part des banques, surtout dans un contexte de forte concurrence. L’innovation financière a ainsi directement contribué à une augmentation des problèmes de selection adverse et d’aléa moral, comme le montre l’exemple des instruments de transferts de risque de crédit.Ainsi, une banque, acheteuse de protection contre le risque de défaut d’un emprunteur (CDS), n’a plus la même incitation à bien sélectionner des crédits qu’elle octroie du moment qu’elle est assurée. (…) Conjuguée au renforcement de la concurrence au sein de la sphère financière et à l’abondance de liquidités sur les marchés, la diminution de l’aversion au risque explique les phénomènes de « myopie face au désastre », au sens où les banques vont être incitées à sous-estimer la probabilité de défaut des emprunteurs. L’histoire a montré que de telles tendances s’accompagnent généralement d’un boom du crédit qui est facteur avant-coureur des crises. Cette prise de risque est fortement liée à l’essor de la titrisation, les banques peuvent « marchéiser » leurs créances et en transférer le risque aux investisseurs. Les banques américaines ont ainsi assoupli leurs conditions de crédits hypothécaires en misant d’abord sur l’augmentation des prix de l’immobilier avec l’idée que les emprunteurs pourraient quoi qu’il arrive rembourser leurs prêts en vendant leur bien immobilier. (…) Ces crédits hypothécaires, accordés à des ménages peu solvables, ont ensuite été cédés à des véhicules de titrisation non régulés, les SIV, qui ont permis la prolifération des risques subprimes dans le système financier mondial compliquant ainsi leur traçabilité. (…) Le retournement du marché immobilier s’est traduit au cours de l’année 2006 par une dégradation de la qualité des crédits, entraînant par la suite une dégradation des notations des dérivés de crédits (…) et une aversion généralisée au risque qui a paralysé le marché de la titrisation. Les banques américaines ont été affectées à deux niveaux : d’une part, les SIV, qui étaient dans l’incapacité de se financer, ont dû avoir recours aux banques, qui ont réintégrées les actifs transférés à leurs bilans ; d’autres part, les banques qui détenaient elles-mêmes des dérivées de crédits dont la valeur a diminué, ont cherché à s’en débarrasser en les bradant (ventes en détresse), ce qui n’a fait qu’accroître la défiance générale et étendre la crise devenue ainsi une crise systémique mondiale.

Source : ss la direction de C.de Boissieu et Jézabel Couppey-Soubeyran « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 2013, p. 21-22

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Document 127La fragilité du système financier international contemporain

Interconnexion des marchés

Shadow banking Innovations financières

Acteurs de taille globale

Présentation

Explication comme source de fragilité

Apparition d’un risque systémique

4.3.2.2 Le système financier international conduit l’afflux de liquidité des pays du sud vers les pays développés (les Etats-Unis)

Document 128Cette liquidité croissante provient tout d’abord des pays développés (85%), mais aussi des pays émergents (15%) qui cherchent à exporter leur surplus d’épargne et utilisent des actifs en dollars pour contrôler leur taux de change. Que devient cette liquidité ? Il existe une « division internationale de la prise de risques financiers » (Brender et Pisani) : le système financier des Etats-Unis est actuellement le seul capable de proposer des titres dans la même monnaie dont les rendements (et donc les risques) sont très différents avec des volumes capables d’absorber la demande de titres. Il attire donc une épargne mondiale à la recherche d’un rendement sûr provenant des pays émergents dont le système financier est plus frustre (Chine). Mais il attire aussi des flux de capitaux provenant de PDEM qui cherchent des rendements supérieurs et plus risqués. Cet afflux de capitaux alimente alors un cycle financier : les entrées de capitaux poussent les taux d’intérêt vers le bas, ce qui stimule l’intermédiation financière et alimente un cycle haussier. Les agents sont optimistes et s’endettent. Cet optimisme se traduit du côté de la prise de risque : l’ingéniérie financière fabrique des titres financiers dont les rendements sont plus élevés mais plus risqués, tout en permettant la couverture des risques grâce aux marchés des dérivés. Cette capacité à se débarrasser facilement du risque stimule les situations d’aléa moral qui poussent les agents financiers à prêter et à emprunter et donc alimente la dynamique du cycle financier. Il n’est pas étonnant de voir se développer le cycle financier lié aux subprimes aux Etats-Unis à partir de la très forte accélération des échanges de capitaux de la fin des années 1990.

Document 129 : l’hétérogénéité des systèmes financiers pousse l’épargne des PVD vers les PDEMLa structure des systèmes financiers est loin d’être partout la même. Les mécanismes d’information et de décisions qui règlent la distribution de crédits, comme ceux qui permettent d’en redistribuer les risque ou d’en assurer le financement, dotent chaque économie de « canaux de financement » qui lui sont propres. Ils reposent sur des routines et des pratiques souvent différentes d’un pays à l’autre : ici, les banques accorderont des prêts à taux variables, là, à taux fixes ; ici, les entreprises emprunteront sur les marchés, là, auprès des banques … (…) Dans une économie globalisée, des conséquences inattendues peuvent en résulter. Si, comme cela a été le cas au début des années 2000, les régions qui tendent à dégager une épargne importante lorsque leur revenu croît rapidement ont des canaux de financement frustres ou des agents averses à l’endettement, elles devront, pour mobiliser pleinement leur potentiel de croissance, exporter une partie de leur épargne vers celles, dont les canaux de financement ont un débit plus puissant ou dont les agents sont plus enclins à d’endetter. Si, en outre, les placements qui s’accumulent dans les régions « épargnantes » se font sous des formes peu risquées, ces transferts d’épargne ne pourront avoir lieu sans qu’une part au moins des risques qui leur sont liés soient pris par des preneurs de risques du reste du monde.

Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.97-98

Document 130 : le développement d’une division internationale de la prise de risques financiers Le cas américain est plus éclairant encore dans la mesure où il illustre le rôle joué par les différents «  segments » des canaux de financement dont chaque économie est dotée.

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Laissés à eux-mêmes, les mécanismes de distribution de crédits et ceux qui assurent la circulation des risques impliquées par ces crédits ont interagi de façon perverse à partir du milieu des années 2000 pour alimenter une montée continue de l’endettement des ménages américains. Si ces derniers ont un comportement d’endettement sensible au taux d’intérêt, leur capacité à s’endetter n’est en effet pas infinie pour autant  : la progression de leur endettement jusqu’en 2007 a pu être continue parce que, au fur et à mesure que les besoins d’emprunt des ménages solvables étaient saturés, des prêts à des ménages insolvables ont pris le relais. Ils ont pu le faire dans la mesure où, une fois accordé, ces prêts subprimes étaient titrisés : leurs risques ont été portés, euphorie financière aidant, par des opérateurs ne disposant d’aucun moyen d’information pour les apprécier. Les conséquences de ce laisser-aller ont été d’autant plus catastrophique qu’une part des prêts ainsi titrisés ont été acquis pour boucler la chaîne permettant à une épargne dégagée en Chine ou en Allemagne de financer des prêts faits aux Etats-Unis ou en Espagne. Dans les pays « peu dépensiers », l’épargne a en effet tendance à se placer sous des formes peu risquées, en l’occurrence des dépôts bancaires, à différents termes : des placements de ce type ont pu y être accumulés, pour des montants toujours plus importants, parce que, ailleurs, des banques d’investissement, des hedge funds ou d’autres opérateurs de marché prenaient les risques que les épargnants ne souhaitaient pas porter. Pour acheter les titres émis, ces preneurs de risques empruntaient à court terme (…). Une succession d’opérations de ce type, continuellement renouvelées, ont ainsi pendant plusieurs années permis de faire que des dépôts d’épargne s’accumulent dans les pays « fourmis » en contrepartie des prêts accordés ailleurs. La multiplication d’opérations nécessaires pour que l’ensemble des risques impliqués par ces transferts internationaux d’épargne soit pris explique aussi, pour une part au moins, l’intensification des flux internationaux de capitaux observée en termes bruts  : elle s’inscrit dans le cadre d’une « division internationale de la prise de risques financiers » qui n’a cessé de se développée depuis le début des années 1990. Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.101-

102Document 131 : les différences de développement des systèmes financiers entre PVD et PDEM

PVD (notamment Chine) PDEMProfondeur et largeur des marchés financiers Types d’intermédiaires financiers Capacité à prendre des risques Système financiers : frustres ou développés ?Pays à capacité ou à besoin de financement ?

Document 132 : les crédits aux NINJA américains font les dépôts des ménages chinois

Epargne des ménages chinois = dépôts

Les prêts aux ménages insolvables (les NINJA) se développent = crédits

Le montant de l’épargne dépasse les financements de l’économie chinoise : trop-plein d’épargne

Les preneurs de risques du shadow banking récupèrent les « risques »

Intermédiaires chinois achètent des titres « peu risqués » sur les marchés internationaux

Les intermédiaires financiers dans les PDEM bénéficient d’une liquidité plus abondante

Vers Etats-Unis : marché financier le plus développé

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Document 133 : la crise affecte les intermédiaires des marchés financiers les plus développésLa fin de l’épisode est connue. La « découverte » de la mauvaise qualité des prêts subprimes et la montée de l’aversion au risque qui a suivie ont provoqué le non-renouvellement des prêts qui finançaient les preneurs de risques. Pour rembourser ceux-ci n’ont eu d’autre choix que de vendre en détresse les titres qu’ils détenaient. La myriade de chaînes d’intermédiation nécessaires pour faire de dépôts à plus ou moins court terme la contrepartie de prêts à long terme a commencé à se briser. La paralysie progressive de la circulation monétaire et financière, la chute brutale de l’activité, en particulier dans les pays peu dépensiers, ont alors fait renaître le spectre d’une Grande dépression. Seule l’intervention, massive mais tardive, des banques centrales parviendra à l’écarter : à partir de fin 2008, aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, elles prendront purement et simplement la place des preneurs de risques désormais défaillants en empruntant, à court terme elles aussi, les liquidités prêtées jusque-là à ces preneurs de risques et en achetant les titres qu’ils étaient contraints de vendre. Les innovations des dernières décennies n’auront ainsi pas permis d’éviter la répétition de ce que l’économie mondiale a déjà connu à plusieurs reprises : laissée à elle-même, la finance globalisée s’est avérée à nouveau incapable de transférer des masses importantes d’épargne d’un espace domestique à un autre sans en gâcher une bonne partie. De ce point de vue, l’expérience récente ne diffère en rien de celle des années 1970 : le « recyclage » des pétrodollars s’était alors terminé par une crise dramatique celle de la dette latino-américaine. Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.101-

102Document 134 : le SFI est défaillant

4.4 Réformer le système financier et monétaire international : quelques pistes

4.4.1 Assurer le financement des pays en développement

Document 135 : contrôle des capitaux et choix du régime de change Les crises qui affectent les pays émergents interrogent sur leur capacité à absorber dans leur système financier les flux entrants de capitaux. La solidité de leur système financier est donc une condition nécessaire avant toute ouverture du compte financier. Les chinois l’ont bien compris puisqu’ils progressent lentement vers cette ouverture en libéralisation par étapes les flux de capitaux internes et externes. Par ailleurs, les pays émergents sont susceptibles de connaître davantage les effets de contagion : une crise qui se déclenche dans un pays peut se diffuser dans un autre, dont les variables macroéconomiques sont tout à fait saines, uniquement parce qu’il s’agit d’un autre pays émergent. C’est pourquoi certains défendent l’idée d’une ouverture contrôlée des capitaux de manière à limiter les risques de sorties massives (sudden stop). Les pays émergents sont en outre concernés par des crises de change. La peur du flottement ou les stratégies de mésalignement les poussent à ancrer leur monnaie souvent sur le dollar. Mais cet ancrage a un coût : la perte d’autonomie de la politique monétaire lorsque les capitaux circulent librement. Certains économistes comme Krugman considèrent que l’adoption d’un régime de change flottant permet de bénéficier à la fois de la circulation des capitaux et de l’autonomie monétaire. Il implique cependant une capacité à réguler l’inflation. D’autres économistes comme Stiglitz considèrent qu’il faut garder un régime de change flottant (peur du flottement) et que la capacité de mener une politique monétaire autonome nécessite alors de réduire la liberté les mouvements de capitaux. Ce qui limiterait de fait les sudden stop.

Document 136 : la qualité du système financier domestique, une nécessité avant l’ouverture aux flux de capitaux

Si la crise asiatique a été à ce point profonde, c’est que la crise de change s’est accompagnée d’une crise financière et d’une crise bancaire. Les banques centrales ont été confrontées à un dilemme, qui consistait d’une part à réduire l’offre de monnaie pour soutenir le taux de change (et empêcher les capitaux étrangers de fuir), et, d’autre part, à refinancer les banques domestiques (…). La faillite de nombreuses banques a eu pour conséquence un affaiblissement du canal du crédit, réduisant l’activité des entreprises, même les plus profitables. Les responsables C.Vernet ECE 2 ESH 2016-2017 N.Danglade

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Crises et transferts de l’épargne vers les PVD : exemples

Crise et transferts de l’épargne vers les PDEM : exemples

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politiques des PED ont compris que le cadre dans lequel s’effectue la libéralisation économique compte pour beaucoup dans son succès. (…) Il est par exemple dangereux de libéraliser les flux financiers avant d’avoir mis en place des mesures nécessaires à la supervision des activités bancaires. (…) Les PED ne devraient donc s’ouvrir aux flux internationaux de capitaux qu’à partir du moment où le système bancaire et financier domestique est suffisamment solide. (…) Enfin, il ne faut pas sous-estimer les risques de contagion. Même les économies apparemment saines peuvent subir des attaques spéculatives et faire face à des crises de confiance généralisée provoquée par des évènements qui interviennent pourtant à l’autre bout du monde : c’est l’effet domino.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.710

Document 137 : la question du choix du régime de change Il est possible de tirer des enseignements clairs des crises qui sont intervenues dans les économies émergentes. Il est dangereux pour un PED de fixer sont taux de change, à moins qu’il n’ai vraiment les moyens de le faire. En Asie du Sud-est par exemple, la confiance dans les régimes de changes fixes à contribuer à développer les emprunts en monnaie étrangère. Cela a conduit à de nombreuses faillites au moment de la dévaluation, du fait de l’alourdissement en monnaie nationale du poids des dettes. Les pays qui ont réussi à maîtriser l’inflation avec succès sont ceux qui ont adopté des régimes de changes plus flexibles ou qui sont passés à des changes flexibles après être parvenus à réduire les anticipations d’inflation. Ceux qui ont conservé des changes fixes ont en revanche subi une appréciation réelle de leur monnaie et une détérioration de leur solde courant, les rendant plus vulnérables aux attaques spéculatives.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.710

Document 138 : la question de la contagion des crises, faut-il encadrer la circulation des capitaux ?Les crises économiques suscitent immanquablement des propositions de réformes. La crise financière qui a touché les pays asiatiques n’a pas échappé à la règle. L’ampleur de la crise, le fait qu’elle touche des pays dont on a largement vanté les mérites, ainsi que ses répercussions ont convaincu beaucoup de monde quant à la nécessité d’une transformation du système monétaire et financier international, au moins pour ce qui est des PED. (…) La raison pour laquelle c’est la crise asiatique qui a déclenché cette volonté de réformes tient au poids relativement important des économies d’asie du sud-est sur le marché international des capitaux. Cette crise a aussi montré qu’une économie, en apparence saine, (absence de déficit budgétaire et d’inflation) peut cacher des faiblesses. Seule la fragilité du système bancaire aurait pu alerter les investisseurs, mais on n’a découvert cette fragilité qu’au moment des crises de change. Une seconde raison qui conduit à repenser l’architecture financière internationale est liée au problème de contagion. En effet, la rapidité et l’intensité avec lesquelles les crises se sont transmises entre des pays pourtant éloignés suggèrent que les mesures de prévention prises par chaque pays individuellement ne suffisent pas. Les préoccupations liées à l’interdépendance des économies avaient déjà inspirée les accords de Bretton Woods en 1944. Plus d’un demi-siècle plus tard, la réforme du système financier international est de nouveau à l’agenda des dirigeants des grandes puissances économiques. (…)La crise asiatique a rappelé les contraintes qui pèsent sur les économies ouvertes. Les politiques macroéconomiques en économie ouverte font face à un trilemme : sur les trois objectifs que sont l’autonomie de la politique monétaire, la stabilité du taux de change et la liberté des mouvements de capitaux deux seulement peuvent être remplis simultanément. Notons que la stabilité du taux de change est plus importante pour les PED que pour les pays industrialisés (pour réduire l’inflation ; pour éviter qu’une dépréciation ne fasse augmenter les emprunts en devises). Jusqu’à la fin des années 1970, la plupart des PED maintenaient des contrôles de change et des restrictions sur les mouvements de capitaux. Il était certes possible de contourner les contrôles mis en place, mais ils permettaient tout de même de stabiliser les taux de change, tout en gardant une certaine autonomie de la politique monétaire. Le problème c’est que ces mesures étaient coûteuses, réduisaient l’efficacité du système financier et favorisaient la corruption. Dans les années 1980-1990, les capitaux étaient plus mobiles, grâce au relâchement des contrôles et au développement des NTIC. Les régimes de changes fixes ajustables étaient alors vulnérables, car les investisseurs pouvaient facilement rapatrier leurs capitaux au moindre signe de dévaluation. Dans ces conditions, les PED ont été amenés à choisir l’un des deux cotés du triangle : soit un régime de changes fixes avec une forte dépendance de la politique monétaire (caisse d’émission ou dollarisation), soit un régime de changes flexibles éventuellement administrés, avec une autonomie plus importante de la politique monétaire. (…) Les PED ont été peu enclins à choisir des positions extrêmes et ils ont adopté des régimes de changes «pseudo-flottants » afin de limiter les fluctuations sur une longue période.

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Certains économistes influents, parmis lesquels Jagdish Bhagwati, Joseph Stiglitz ou Dani Rodrik sont favorables à ce que les PED exercent des restrictions sur la mobilité des flux de capitaux, afin de pouvoir bénéficier d’un minimum d’autonomie dans la conduite de la politique monétaire et d’un taux de change stable. Au moment de la crise asiatique, certains pays (Chine et Inde) ont mis un frein à leur projet de libéralisation de leur compte financier ; ceux qui avaient déjà libéralisé leur compte financier ont envisagé de réintégrer des contrôles de capitaux (comme la Malaisie l’a d’ailleurs fait) ; d’autres enfin ont mis en place des dispositifs de contrôle des capitaux pour prévenir les entrées massives de capitaux et éviter une appréciation de leur monnaie.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.716

Document 139: redéfinir le rôle du FMICertains souhaitent que le FMI soit supprimé, car le simple fait qu’il puisse intervenir en cas de crise encouragerait les prêts irresponsables, compte tenu des problèmes d’aléa moral. D’autres estiment que le FMI est nécessaire, mais qu’il n’est pas dans son rôle d’imposer des réformes structurelles, et qu’il devrait plutôt s’en tenir aux seules questions financières. Un certain nombre de pays asiatiques ont d’ailleurs gardé une certaine amertume vis-à-vis du FMI pour son intransigeance au moment de la crise des années 1990. C’est aussi une des raisons pour lesquelles ces pays ont décidé d’accumuler des réserves, afin d’éviter à l’avenir de devoir emprunter des dollars au FMI et d’avoir à accepter ses conditions. Pour d’autres enfin, la capitalisation du FMI est insuffisante, eu égard à la forte mobilité internationale des capitaux. le FMI devrait être capable de prêter des sommes bien plus importantes et dans des délais plus brefs. A l’issue du sommet du G20 de Londres (2009), il a été décidé de tripler la capacité de prêt du FMI. Pour renforcer la légitimité du FMI, il a été également décidé, sous les auspices du G20, de réformer les quotes-parts au profit d’une meilleure représentation des pays émergents.

Source : P.Krugman, M.Obstfeld, M.Melitz, G.Capelle-Blancard et Matthieu Crozet, « Economie internationale », 9ième édition, Pearson, 2013, p.717

4.4.2 Réguler la finance globalisée : rendre le système financier international à la fois plus efficient et plus résilient

Document 140Avec la globalisation financière, les systèmes financiers internationaux sont devenus plus efficients. Mais ce gain d’efficience, c’est dans le même temps, accompagné d’une plus grande fragilité, moins capable d’encaisser des chocs négatifs. Il est donc primordial de pouvoir renforcer sa régulation. Livré à lui-même, il ne peut être marqué que par la succession de crises. La stabilité financière internationale devient un enjeu central. La «  production » de cette stabilité est considérée comme un bien public mondial (BPM). La question est alors de savoir comment réaliser cette stabilité et produire ce BPM ? On distingue deux types de régulation : une première focalisée sur les établissements (régulation microprudentielle) et une seconde focalisée sur les interdépendances du système (régulation macroprudentielle). Or, force est de constater que depuis 2008 l’architecture de la régulation financière globale a peu progressé. Si les circuits de financement mondiaux ne sont pas en capacité de se réguler et de faire face à des chocs, les flux de capitaux vers les Etats-Unis vont se réduire. Or, ces flux ne peuvent pas s’orienter ailleurs, car l’architecture internationale des systèmes financiers ne leur permet pas. Sans capacité d’accueil des capitaux, on s’attend donc à avoir moins d’excès d’épargne et de sortie de capitaux et donc moins de déséquilibres courants et de flux internationaux de capitaux. Cela implique donc que les capacités exportatrices des pays comme la Chine ou l’Allemagne se réduisent. Les dysfonctionnements du système financier international peuvent donc avoir un impact négatif sur la demande globale et renforcer la faiblesse de la croissance actuelle. Cela illustre l’enjeu de la construction de canaux plus solides de transferts d’épargne entre les régions du monde.

Document 141 : le système financier globalisé entre efficience et résilienceSi les systèmes financiers sont devenus plus efficients grâce à la globalisation financière, ils ne sont pas pour autant devenus plus résilients, c’est-à-dire plus aptes à supporter des chocs exogènes. La globalisation financière semble donc imposer un compromis entre efficience et résilience. (…) Face à cet arbitrage entre résilience et efficience, le rôle des autorités de supervision et de régulation devient de plus en plus central. Avant tout, pour que l’ensemble du système soit résilient, il faut que chacun de ses maillons contribue à la stabilité financière. Mais ce n’est pas suffisant, car il est également nécessaire de limiter les conséquences systémiques potentielles des actions individuelles des institutions financières. Pour s’en assurer, une meilleure

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coordination des politiques de stabilité financière à l’échelle internationale est nécessaire. (…) La stabilité financière devient un impératif pour les banques centrales et les régulateurs.

Source : J.Charbonneau et N.Couderc « Globalisation et (in)stabilité financière » Revue Regards croisé sur l’économie n°3, 2008, p. 240-241

Document 142 : régulation financière micro et macroprudentielle La globalisation croissante du système financier et l’accélération des innovations financières constituent les deux grands volets de la mutation financière à l’œuvre depuis les années 1970. Ces changements sont à la fois le résultat d’une volonté politique de libéralisation et d’initiatives privées de la part des institutions financières qui, par l’innovation, ont cherché à desserrer les contraintes de leur environnement (concurrence, risques, réglementation). Le bilan de trois décennies de mutation financières est mitigé : les gains d’efficience et la mutualisation des risques qu’on en attendait se sont accompagnés d’une instabilité grandissante. Face à cette instabilité financière, le régulateur est contraint de tirer les leçons des crises et de faire évoluer la réglementation : trop souple avant la crise, celle-ci se doit désormais d’être plus contraignante. Focalisée sur les risques individuels des établissements, celle-ci se doit aussi désormais d’être plus globale pour mieux prévenir le risque systémique.

Source : C.de Boissieu et J.Couppey-Soubeyran, « Les systèmes financiers. Mutations, crises et régulation », 4ième édition, Economica, 2013, p.24

4.4.3 Construire des canaux plus solides de transferts d’épargne entre régions du monde

Document 143: les déséquilibres financiers après la crise Le problème auquel les pays émergents en croissance rapide, ceux d’Asie en particulier, se sont trouvés confrontés au lendemain de la crise financière est alors facile à comprendre : l’épargne qu’ils dégagent dépassant, compte tenu de la vitesse exceptionnelle de leur rattrapage, leurs besoins d’investissement, leur croissance ne peut rester soutenue qu’à condition que le reste du monde en absorbe le trop-plein, comme cela a été le cas pendant toute la première partie des années 2000. C’est précisément cette « capacité d’absorption » que la crise financière a remise en cause et qui, sept ans après, est loin d’être restaurée. La crise de 2008 a donné un coup d’arrêt à l’endettement des ménages des pays développés (…). Face au risque de dépression qui en est résulté, les Etats ont accepté de détériorer leurs soldes budgétaires pour soutenir l’activité. Il leur a fallu toutefois ensuite remettre leur endettement sur une trajectoire soutenable. (…) Mais la réduction des déficits publics n’a pas incité les agents privés à épargner moins, bien au contraire ! Pour les régions émergentes exportatrices d’épargne, les conséquences du choc financier de la fin des années 2000 sont faciles à résumer : le rythme auquel l’économie américaine absorbe l’épargne du reste du monde s’est fortement réduit, et la zone euro (…) est devenu exportatrice nette d’épargne. Face à ce changement brutal, les régions émergentes n’avaient guère le choix : pour éviter que leur croissance ne faiblisse trop sous l’effet de l’arrêt de l’endettement du reste du monde, elles ont dans l’urgence soutenu leur demande intérieure en stimulant l’endettement domestique. (…) Mais la hausse de cet endettement domestique a toutefois vite révélé le sous-développement de leurs systèmes financiers. L’expérience chinoise du début de la décennie 2010 montre combien il est difficile pour une économie à ce stade de développement de construire rapidement des canaux de financement capable d’allouer l’abondante épargne qui s’y dégage. Une part importante de cette épargne a, dès lors, de bonnes chances d’être gâchée. Faute de pouvoir « recycler » chez elles, dans des conditions soutenables, toute l’épargne qu’elles tendent à dégager, les régions émergentes ont eu depuis le début de la décennie une croissance moins dynamique. (…) Cette révision à la baisse de l’excédent courant et de la croissance attendus des pays d’Asie émergente fait clairement apparaître l’un des enjeux financiers de la fin de cette décennie  : doter l’économie mondiale de canaux de financement plus solides, plus nombreux et mieux répartis, capables de drainer l’excès l’épargne qui pèse sur la croissance de ces pays et plus généralement sur les économies « peu dépensières ».

Source : Anton Brender, Florence Pisani et Emile Cagna « Monnaie, finance et économie réelle », La découverte, 2015, p.101

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