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1 INTRODUCTION « L’individu humain est mortel, et les générations d’hommes se succèdent l’une à l’autre. Mais il est loisible à chacune, aussi passagère que soit son existence, de laisser ici-bas une trace immortelle de son génie, incarnée dans telle œuvre d’art, tel monument historique, tel bien culturel. N’oublions jamais le rapport entre ce qui est passager et ce qui, seul, peut assurer à l’homme et à son œuvre la pérennité. Vita brevis Ars longa» 1 . Le professeur Stanislaw Nahlik, spécialiste des questions de protection des biens culturels, n’aurait sans doute pu mieux résumer l’importance de la valeur des productions artistiques, historiques et, plus généralement, culturelles de l’homme. Venue ponctuer son cours dispensé à l’Académie de droit international de La Haye, en 1967, sur la protection internationale des biens culturels en cas de conflit armé, cette déclaration a pour mérite de mettre l’accent sur le caractère inestimable de tels biens culturels, qui sont autant de témoignages du talent des hommes, capables de traverser les ans et de témoigner de ce « génie » auprès des générations qui n’en ont pas été les témoins directs. Sans doute ne faut-il pas voir dans ces propos, résumés par la formule « Vita brevis Ars longa », un plaidoyer sur la nécessité de faire primer la préservation de ces biens culturels sur celle des vies humaines, quelque « passagère » que soit chacune d’elle. Une telle interprétation serait, à n’en pas douter, trop réductrice, voire simpliste. Cette déclaration sonne davantage comme un rappel de la valeur de ces biens dans un monde où le souci de leur préservation est souvent présenté comme secondaire, voire décalé, par rapport à celui de la protection des vies humaines. Sans faire primer l’un par rapport à l’autre, le professeur Nahlik semble, avant tout, chercher à défendre l’idée d’un équilibre entre ces deux impératifs. Cependant, cette aspiration, formulée il y a cinquante ans à peine, résonne aujourd’hui d’un écho douloureux et amer face au spectacle déplorable des destructions et pillages perpétrés par les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) 2 à l’encontre du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie. L’implantation et l’expansion 1 S.E. Nahlik, « La protection internationale des biens culturels en cas de conflit armé », R.C.A.D.I., 1967, vol. 120, p. 159. 2 Egalement nommé Etat islamique en Irak et en Syrie (EIIS), ou, plus simplement, Etat islamique (EI), mais également Organisation Etat islamique (OEI), ou encore, sous son acronyme arabe, Daech.

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INTRODUCTION

« L’individu humain est mortel, et les générations d’hommes se succèdent l’une à

l’autre. Mais il est loisible à chacune, aussi passagère que soit son existence, de laisser

ici-bas une trace immortelle de son génie, incarnée dans telle œuvre d’art, tel monument

historique, tel bien culturel. N’oublions jamais le rapport entre ce qui est passager et ce

qui, seul, peut assurer à l’homme et à son œuvre la pérennité. Vita brevis – Ars longa… »1.

Le professeur Stanislaw Nahlik, spécialiste des questions de protection des biens

culturels, n’aurait sans doute pu mieux résumer l’importance de la valeur des productions

artistiques, historiques et, plus généralement, culturelles de l’homme. Venue ponctuer son

cours dispensé à l’Académie de droit international de La Haye, en 1967, sur la protection

internationale des biens culturels en cas de conflit armé, cette déclaration a pour mérite

de mettre l’accent sur le caractère inestimable de tels biens culturels, qui sont autant de

témoignages du talent des hommes, capables de traverser les ans et de témoigner de ce

« génie » auprès des générations qui n’en ont pas été les témoins directs. Sans doute ne

faut-il pas voir dans ces propos, résumés par la formule « Vita brevis – Ars longa », un

plaidoyer sur la nécessité de faire primer la préservation de ces biens culturels sur celle

des vies humaines, quelque « passagère » que soit chacune d’elle. Une telle interprétation

serait, à n’en pas douter, trop réductrice, voire simpliste. Cette déclaration sonne

davantage comme un rappel de la valeur de ces biens dans un monde où le souci de leur

préservation est souvent présenté comme secondaire, voire décalé, par rapport à celui de

la protection des vies humaines. Sans faire primer l’un par rapport à l’autre, le professeur

Nahlik semble, avant tout, chercher à défendre l’idée d’un équilibre entre ces deux

impératifs.

Cependant, cette aspiration, formulée il y a cinquante ans à peine, résonne

aujourd’hui d’un écho douloureux et amer face au spectacle déplorable des destructions

et pillages perpétrés par les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL)2 à

l’encontre du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie. L’implantation et l’expansion

1 S.E. Nahlik, « La protection internationale des biens culturels en cas de conflit armé », R.C.A.D.I., 1967,

vol. 120, p. 159. 2 Egalement nommé Etat islamique en Irak et en Syrie (EIIS), ou, plus simplement, Etat islamique (EI),

mais également Organisation Etat islamique (OEI), ou encore, sous son acronyme arabe, Daech.

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géographiques de Daech dans ces deux Etats, venues s’ajouter, du côté syrien, à une

guerre civile qui fait rage depuis 2011, ont laissé des traces irréversibles sur des biens

archéologiques inestimables qui étaient autant de témoins d’une histoire millénaire et

riche.

L’histoire n’est pourtant pas avare d’exemples de situations dans lesquelles des

biens culturels n’ont pas résisté aux violences des conflits armés. Depuis l’Antiquité, ces

biens ont très souvent figuré au nombre des destructions, inévitables ou intentionnelles,

qu’apporte tout conflit armé. La seule réserve qui ait été émise pendant longtemps face à

de telles destructions concernait le sort des biens et lieux religieux, ces « choses sacrées »

mentionnées par l’historien grec Polybe (202-120 av. J.-C.), dont « la destruction inutile

[…] est une action de fou »3. Il faut attendre le tournant des XVIème et XVIIème siècles

pour enfin voir émerger une volonté, certes encore timide, de protéger certains biens face

aux guerres, non plus seulement en raison de leur dimension religieuse, mais pour leur

dimension culturelle. Si cette tendance nouvelle semble alors s’inscrire logiquement dans

une période de renaissance artistique et culturelle propice à une plus grande conscience

de la valeur de ces biens culturels, elle est toutefois rapidement étouffée par la prise de

position stricte et sans appel de Grotius, qui affirme qu’« il est permis à un ennemi public

de nuire à son ennemi et dans sa personne et dans ses biens ; c’est-à-dire que cela est

permis non seulement à celui qui fait la guerre pour une cause légitime, mais c’est permis

des deux côtés, et indistinctement »4. La protection des biens culturels en cas de conflit

armé a finalement dû attendre 1863 et la Guerre de Sécession pour qu’un premier tournant

s’opère en la matière. C’est dans ce contexte qu’ont, en effet, été adoptées les Instructions

pour le comportement des armés des Etats-Unis d’Amérique en campagne, également

désignées sous le nom de Lieber Code5, qui accordent une protection particulière aux

biens culturels en cas de conflit, constituant ainsi la première pierre à l’édifice de la

codification du droit de ces biens sur le plan international. S’en sont suivis de nombreux

autres textes relatifs à cette question, tels que les Conventions de La Haye (IV) et (IX) de

3 Citation extraite de J. Toman, La protection des biens culturels en cas de conflit armé. Commentaire de

la Convention de La Haye du 14 mai 1954, Paris, Editions UNESCO, coll. Patrimoine mondial, 1994, p.

18. 4 H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix. Traduction de M.-P. PRADIER-FODÉRÉ, Paris,

Guillaumin et Cie, tome III, 1867, p. 91 (III/IV/III). 5 Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field, préparées par Francis Lieber

et signées par le Président Lincoln le 24 avril 1864.

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19076, le Règlement de La Haye annexé à la Convention (IV) ou encore le Pacte Roerich,

en 1935, relatif à la protection des institutions artistiques et scientifiques et des

monuments historiques7. Ces différents textes, quelle que soit leur portée au niveau

international8, ont tous contribué à placer la protection des biens culturels en cas de conflit

armé sur la voie de l’universalisation, en entamant un processus de coopération

internationale qui a finalement abouti à l’adoption de la Convention de La Haye de 1954

pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé9, complétée par deux

protocoles, en 195410 et en 199911. Bien plus, le champ de cette protection a, par la suite,

été progressivement étendu, pour ne plus prendre seulement en compte la question des

destructions causées par la guerre. La lutte contre les pillages et le trafic illicite touchant

les biens culturels est également apparue comme un enjeu crucial de la protection de ces

biens, nécessitant la mise en place d’un régime spécifique. C’est à cette fin que

l’UNESCO a œuvré en vue de l’élaboration d’une convention relative aux mesures à

prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété

illicites des biens culturels, adoptée en 197012, avant qu’une seconde convention ne voie

le jour, en 1995, dans le cadre de l’organisation Unidroit, sur les biens culturels volés ou

illicitement exportés13.

Les cicatrices laissées au cours de l’histoire sur les biens culturels ont donc au moins

eu le « mérite » de conduire à une prise de conscience, lente mais sérieuse, de la nécessité

de préserver ces biens. Sous l’impulsion de la coopération des Etats, le droit international

a ainsi fait une place à part à ces « traces immortelles » évoquées par le professeur

Stanislaw Nahlik, les appréhendant comme « les biens qui, à titre religieux ou profane,

6 Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907 ;

Convention (IX) concernant le bombardement par les forces navales en temps de guerre, La Haye, 18

octobre 1907. 7 Traité concernant la protection des institutions artistiques et scientifiques et des monuments historiques

(Pacte Roerich), Washington, 15 avril 1935. 8 Il convient de rappeler que, outre le fait que Lieber Code ne traite que du comportement des forces armées

des Etats-Unis, l’adoption du Pacte Roerich est restée circonscrite au continent américain. À l’inverse, les

Conventions de La Haye (IV) et (IX) de 1907, ainsi que le Règlement annexé à la Convention (IV) ont fait

l’objet d’un nombre de ratifications beaucoup plus important, qui ont dépassé le cadre d’un seul continent. 9 Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, La Haye, 14 mai 1954. 10 (Premier) Protocole à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, La

Haye, 14 mai 1954. 11 Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en

cas de conflit armé, La Haye, 26 mai 1999. 12 Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et

le transfert de propriété illicites des biens culturels, UNESCO, Paris, 14 novembre 1970. 13 Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, Unidroit, Rome, 24 juin 1995.

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revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art

ou la science »14 et méritant, à ce titre, une protection particulière.

Ces efforts juridiques entrepris par la communauté internationale semblent pourtant

durement remis en question depuis que l’Etat islamique s’est donné pour tâche de détruire

méticuleusement et de manière systématique des joyaux de l’archéologie irakienne et

syrienne. Qu’ils soient préservés dans des musées ou restés sur les sites de leur

découverte, ces biens archéologiques sont devenus des cibles privilégiées de la barbarie

fanatique de Daech. Sous l’impulsion d’une rigoureuse conception iconoclaste de la

religion, condamnant les représentations comme une forme d’idolâtrie, les djihadistes de

l’Etat islamique se font plus vraisemblablement encore les pourfendeurs d’un

totalitarisme ignorant ayant fait naître chez eux une volonté d’éradication pure et simple

des traces du passé. Quelle meilleure trace du passé, en effet, qu’un patrimoine

archéologique, ces « vestiges, biens et autres traces de l’existence de l’humanité dans le

passé, dont […] la sauvegarde et l’étude permettent de retracer le développement de

l’histoire de l’humanité et de sa relation avec l’environnement naturel »15 ? Or, si les

peuples irakien et syrien se sont ainsi vus privés, en quelques mois, des plus beaux atours

de leur patrimoine archéologique, c’est l’humanité tout entière qui se trouve aujourd’hui

dépouillée d’une partie de son histoire. En tant qu’éléments d’un patrimoine

14 Extrait de la définition des biens culturels donnée par la Convention Unidroit de 1995, article 2. Plus

précisément, aux termes de cette définition, un bien peut être considéré comme un bien culturel lorsqu’il

répond aux critères généraux de l’extrait cité dans la présente étude et qu’il entre, par ailleurs, dans « l’une

des catégories énumérées dans l’annexe » à la Convention.

Par ailleurs, ces critères généraux recoupent, pour l’essentiel, ceux de la définition retenue par la

Convention de l’UNESCO de 1970 en son article premier, à cette différence que celle de 1970 prend en

compte l’appréciation des Etats parties à la Convention, dans la mesure où l’article dispose que « sont

considérés comme biens culturels les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque Etat

comme étant d’importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science »

(italique ajouté). Cette différence mise à part, l’article premier de la Convention de 1970 comprend

également une liste de catégories dans lesquelles doivent figurer les biens répondant aux critères généraux

énoncés en début de définition pour pouvoir être qualifiés de biens culturels au sens de la Convention.

Ces deux définitions de 1970 et 1995 reprennent, quant à elles, des éléments de la première définition

des biens culturels retenue en droit international, à savoir celle contenue à l’article premier de la Convention

de La Haye de 1954. Cependant, cette dernière ne présente pas tout à fait la même structure que ces deux

cadettes, en ce qu’elle s’articule tout entière en une liste de catégories de biens considérés par elle comme

des biens culturels. Ces catégories, moins détaillées que celles établies dans le cadre des Conventions de

1970 et 1995, contiennent les principaux caractères généraux retenus dans ces deux définitions ultérieures.

Le choix fait dans cette introduction de retenir la définition de la Convention Unidroit de 1995, par rapport

à celles de 1970 et de 1954, répond essentiellement à un souci de simplification, en ce que cette définition,

plus concise que ses aînées, résume bien la conception globale de la notion de biens culturels telle qu’elle

est admise en droit international. 15 Article 1er, al. 2 i) de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée),

signée à La Valette, le 16 janvier 1992, sous l’égide du Conseil de l’Europe.

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archéologique qui s’est constitué dans une région du monde considérée, à bien des égards,

comme le berceau culturel de l’humanité, les vestiges irakiens et syriens sont bien plus

que l’héritage commun de ces deux peuples ; ils sont un héritage commun à tous les

hommes. En témoigne l’inscription, par l’UNESCO, de nombre de ces biens

archéologiques au Patrimoine mondial de l’humanité.

Cet héritage, admirablement préservé pendant des millénaires, souffre aujourd’hui

des violentes cicatrices laissées, en l’espace d’à peine deux ans, par une organisation

terroriste qui s’est imposée sur la scène internationale comme, sans doute, aucun groupe

terroriste avant elle. Circonscrit initialement en Irak en tant que branche d’Al-Qaida sur

le territoire (Al-Qaida en Irak ou AQI), le groupe a progressivement gagné en

indépendance, devenant officiellement l’Etat islamique en Irak (EII) en 2006, puis

absorbant finalement AQI. Toutefois, c’est l’éclosion de la guerre civile en Syrie, en

2011, doublée, la même année, du départ définitif des troupes américaines d’Irak, qui a

véritablement donné à l’EII l’occasion de prendre son essor. Ayant réussi à implanter

profondément ses racines en Irak, le groupe terroriste s’est lancé à l’assaut de la Syrie dès

2013, faisant fi du refus de la branche d’Al-Qaida en place dans le pays, le Front Al-

Nosra, de fusionner avec lui. Dès lors, l’EII est devenu l’Etat islamique en Irak et au

Levant (EIIL), ou Daech, et plus rien n’a semblé l’empêcher de répandre ses idées et

modes de fonctionnement extrémistes sur les territoires dont il prenait le contrôle en Irak

et en Syrie. Or, à côté des considérables pertes humaines engendrées par le conflit qui

s’est ainsi implanté dans la région, les vestiges archéologiques irakiens et syriens sont

rapidement venus remplir les rangs des victimes de la sauvagerie terroriste de Daech.

C’est en Irak, sur le territoire qui a vu naître et se développer l’Etat islamique, que

les premières destructions massives de biens archéologiques sont intervenues.

Parmi les vestiges emblématiques du patrimoine irakien ayant été visés, l’un des

premiers à succomber aux attaques de Daech fut le mausolée de l’Imam Dur. Datant du

XIème siècle, cette construction revêtait une importance archéologique, mais aussi

artistique considérables en ce qu’il s’agissait sans doute de l’exemple le plus ancien de

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dôme à muqarnas16 en Irak, ce qui en faisait un emblème de l’architecture islamique17. Le

mausolée a été détruit par l’Etat islamique le 23 octobre 2014.

Toutefois, si cette destruction constitue une perte d’importance pour le patrimoine

archéologique irakien, c’est sans doute la mise à sac du musée de Mossoul qui a

véritablement retenu, pour la première fois, l’attention de l’ensemble de la communauté

internationale. Quelques mois après la prise de la ville – la deuxième du pays – par l’Etat

islamique18, les djihadistes se sont, en effet, livrés, le 26 février 2015, à une débauche de

sauvagerie envers les biens conservés dans le musée archéologique. Armés de massues et

de perceuses, ces hommes de Daech ont d’ailleurs pris soin de réaliser un film de

propagande mettant en scène la mutilation organisée et méticuleuse d’œuvres réduites,

par leurs bourreaux, à de simples idoles qu’il convient de détruire. Plusieurs d’entre elles

étaient d’une valeur inestimable, essentiellement les statues les plus monumentales.

Certaines étaient notamment conservées sur un site archéologique de Mossoul, sur lequel

se sont rendus les djihadistes, ce même jour de février 2015 pour y poursuivre leurs actes

de vandalisme19. Toutefois, il s’est avéré, par la suite, que de nombreuses statues détruites

ce jour-là dans le musée n’étaient que des copies en plâtre de vestiges archéologiques

conservés, pour la plupart, au musée de Bagdad20. L’Etat islamique a, en effet, pris soin

de piller les biens pouvant être vendus, se contentant de filmer la destruction de répliques

et des statues originales ne pouvant être transportées. Cet événement révèle donc que,

derrière l’idéologie destructrice de Daech, se cache un pragmatisme nécessaire à la survie

du groupe terroriste. Non content de subir les violents assauts des djihadistes, le

patrimoine archéologique est également devenu un moyen pour ses derniers de financer

leurs actions terroristes. Si cette attitude a permis que soit évitée la destruction de biens

conservés au musée archéologique de Mossoul, il n’en demeure pas moins que ce pillage

16 Les muqarnas désignent un élément caractéristique de l’architecture islamique qui consiste en une

structure en forme de nids d’abeilles ou de stalactites permettant de passer du plan carré d’une salle à un

dôme, en soutenant les poussées des voûtes. 17 Cf. Annexe I – Photographies et images satellites des vestiges archéologiques détruits ou endommagés

en Irak, p. 134. 18 Le groupe terroriste a pris le contrôle de Mossoul quelques jours seulement après l’assaut lancé contre la

ville, au début du mois de juin 2014. 19 Cf. Annexe I, p. 135. 20 Pour plus de détails, v. « Irak. Les statues détruites par l’EI à Mossoul étaient des copies »,

nouvelobs.com, 15 mars 2015 et M. Grépinet, « Palmyre décapitée. Le drapeau noir flotte sur ses trésors »,

Paris Match, n° 3458, 27 août 2015, p. 101.

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reste à déplorer, en ce qu’il risque de conduire à la perte, sans doute pour de nombreuses

années, d’éléments du patrimoine irakien21.

Le bilan des agressions portées à l’encontre du patrimoine archéologique d’Irak ne

s’est malheureusement pas arrêté avec le saccage du musée de Mossoul. Le fanatisme de

Daech s’en est aussi pris au site archéologique de Nimroud, situé à une trentaine de

kilomètres au sud-ouest de Mossoul. Sa découverte par l’explorateur britannique Austen

Henry Layard, dans les années 1840, avait permis de mettre au jour une cité bâtie au

XIIIème siècle av. J.-C. et devenue quatre siècles plus tard la deuxième capitale de

l’Empire assyrien. De splendides bas-reliefs et des statues monumentales furent

découverts au XIXème siècle, ensevelis depuis près de 3000 ans, et, de ce fait,

admirablement conservés pour nombre d’entre eux. Layard n’a-t-il, d’ailleurs, pas écrit,

après avoir contemplé de magnifiques statues de lions ailés androcéphales : “For twenty-

five centuries they had been hidden from the eye of man, and they now stood forth once

more in their ancient majesty” 22? Cette splendeur décrite par l’explorateur se retrouvait,

il y a quelques mois encore, dans certaines des statues toujours présentes sur le site23.

Aujourd’hui, ces vestiges ont pour la plupart disparu, emportés en mars 2015 par les

bulldozers et la dynamite utilisés sur une importante partie du site par les djihadistes24.

Une fois encore, il semblerait que ces derniers aient, auparavant, pris soin de piller ce qui

pouvait l’être25.

Si d’autres sites et biens archéologiques du patrimoine irakien ont également dû

faire face aux destructions et pillages perpétrés par l’Etat islamique, cette étude ne peut

se prêter à un examen exhaustif de chacun d’entre eux, notamment parce qu’il convient

également de présenter les principales atteintes portées, par ailleurs, au patrimoine

archéologique syrien. Ces atteintes ont d’ailleurs été d’une violence telle qu’elles en ont

presque occulté ce qui avait pu se passer au cours des mois précédents en Irak. Cette

émotion suscitée, parmi la communauté internationale, par les destructions et pillages

21 Cf. Annexe II – Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques volés au Musée de Mossoul en 2015,

p. 137. 22 A. H. Layard, A Popular Account of Discoveries at Nineveh, London, John Murray’s Library, 1851, 360

p., p. 52. La version consultée pour la présente étude est une version digitalisée par Google d’une édition

possédée par la Harvard College Library et mise en ligne sur archive.org. 23 Cf. Annexe I, p. 135. 24 Ibid., p. 136. 25 V. Satellite-Based Damage Assessment of Cultural Heritage Sites. 2015 Summary Report of Iraq, Nepal,

Syria & Yemen, UNITAR-UNOSAT, June 2016, p. 4 et « La cité antique détruite par l’EI en Irak, un

"crime de guerre" selon l’Unesco », lemonde.fr, 6 mars 2015.

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commis en Syrie s’explique sans doute par le fait que ces actes ont conduit à la mutilation

d’un site archéologique parmi les plus beaux et les mieux conservés qui aient été

découverts à ce jour : la cité antique de Palmyre.

Riche cité caravanière et plaque tournante du commerce entre Mésopotamie et

Méditerranée, cette « Venise du désert »26 fut rattachée à l’Empire romain au Ier siècle av.

J.-C., avant de devenir, vers l’an 200, une colonie romaine, c’est-à-dire une cité romaine

à part entière27. De cette influence romaine, naquit un art unique, un « hybride

palmyrénien »28, mêlant esthétiques gréco-romaine et orientale qui faisaient toute

l’originalité du site de Palmyre. La splendeur de l’antique cité pouvait ainsi, il y a

quelques mois encore, rivaliser avec celle de sites archéologiques aussi célèbres que ceux

de Pompéi, en Italie, et d’Ephèse, en Turquie29. Malheureusement, cette beauté

palmyrénienne – inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1980 – est

aujourd’hui profondément défigurée. Ayant pris possession de la ville à la fin du mois de

mai 2015, Daech n’a pas manqué de laisser sa marque sur le site, pillant dans l’ombre et

détruisant sous l’œil de leurs caméras.

Le 2 juillet 2015, les djihadistes ont commis leur premier acte de violence sur le

site en détruisant la célèbre statue du Lion d’Al-Lat, ou Lion d’Athéna, conservée à

l’entrée du musée du site de Palmyre. Érigée au Ier siècle av. J.-C., cette statue

monumentale de 3,50 mètres de haut était l’un des plus beaux atours de Palmyre. Ses

dimensions imposantes lui fermant les portes du trafic de biens culturels, la statue a donc

subi le même sort que celles, en Irak, du Musée de Mossoul et du site de Nimroud. Si la

perte de ce vestige a fait dire à l’époque à Maamoun Abdelkarim, directeur général du

Département des Antiquités et des Musées de Syrie, qu’il s’agissait du « plus grave

crime commis par les djihadistes contre le patrimoine de Palmyre »30, il devait rapidement

s’avérer que la destruction du Lion d’Athéna ne faisait que marquer le début d’une série

d’actes de vandalisme sans précédent à l’égard d’un patrimoine archéologique, au regard

aussi bien de la violence déployée à cet effet que de la valeur des vestiges touchés. La

26 C. Onot-Dit-Biot, « Palmyre renaît ! », Le Point, n° 2251, 29 octobre 2015, p. 108. Expression retenue

par l’historien et professeur honoraire au Collège de France, Paul Veyne, interrogé dans cet article sur la

cité antique de Palmyre. Cette expression se rapproche de celle retenue par l’archéologue et professeur

Ernest Will dans son ouvrage Les Palmyréniens. La Venise des sables, paru en 1992 et mentionné dans P.

Veyne, Palmyre. L’irremplaçable trésor, Paris, Seuil, 2016, p. 106. 27 Cf. P. Veyne, op. cit., p. 69. 28 Ibid., p. 140. 29 Ibid., p. 13. 30 « Palmyre : l’Etat islamique détruit une statue monumentale de 2000 ans, "plus grave crime" contre le

patrimoine des djihadistes », huffingtonpost.fr, 2 juillet 2015.

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première victime de cette série noire fut le temple de Baalshamin. Si l’édifice avait été

construit il y a 2000 ans, sa structure, telle qu’elle pouvait être observée sur le site il y a

encore quelques mois, datait de la période romaine et avait été érigée au Ier siècle.

Comptant au nombre des vestiges archéologiques les mieux préservés du site de

Palmyre31, le temple n’a pas résisté aux explosifs utilisés contre lui par l’Etat islamique,

le 23 août 2015. Il en est allé de même, quelques jours plus tard, pour le Temple de Bel,

autre perle du site archéologique, d’autant plus précieuse que le temple, érigé au Ier siècle,

illustrait magnifiquement l’hybridité caractéristique de l’architecture palmyrénienne,

empreinte d’un style à la fois gréco-romain et proche-oriental32. Là encore, des explosifs

ont réduit l’édifice en poussière33, le 30 août 2015. Seul subsiste aujourd’hui le portique

qui se dressait devant le temple. Loin de s’arrêter à ces destructions spectaculaires, dont

les images avaient fait le tour du monde, en suscitant partout la même émotion, Daech a,

au contraire, persisté dans cette folie destructrice en faisant exploser, au début du mois de

septembre 2015, plusieurs tours funéraires de la Vallée des Tombeaux, autre secteur du

site de Palmyre. De ces tours, dont trois étaient particulièrement bien préservées, il ne

reste plus rien, comme en témoignent des images satellitaires prise le 2 septembre et

diffusées sur le site internet de la Syrian Heritage Initiative34. Enfin, à titre d’ultime

exemple de la mutilation du site de Palmyre, il faut mentionner la destruction, le 5 octobre

2015, de son splendide Arc de Triomphe, construit entre 193 et 211 de notre ère, qui

marquait l’entrée de la célèbre Grande Colonnade de Palmyre. Avec cette destruction,

Daech a montré le basculement de son idéologie de la sphère purement religieuse, qui

« justifiait » la destruction de vestiges qualifiés d’idoles, dans la sphère politique. En

détruisant l’Arc de Triomphe de Palmyre, l’Etat islamique a uniquement cherché à

provoquer et à choquer l’Occident en le touchant dans des valeurs qui lui sont chères, à

savoir la préservation d’un patrimoine culturel commun à l’humanité35.

31 Cf. Annexe III – Photographies images satellite des vestiges archéologiques détruits ou endommagés à

Palmyre (Syrie), p. 138. 32 En ce sens, v. Paul Veyne, op. cit., p. 16. 33 Cf. Annexe III, p. 139. 34 La Syrian Heritage Initiative est un programme mis en place dans le cadre des Cultural Heritage

Initiatives, elles-mêmes résultant d’un accord entre l’organisation American Schools of Oriental Research

et le Département d’Etat américain. Ces Cultural Heritage Initiatives ont pour mission d’œuvrer à la

préservation des patrimoines syrien et irakien, principalement en rassemblant et en analysant des

informations et données sur le sujet. L’analyse d’images satellitaires entre donc pleinement dans la mission

assignée à ce programme. Pour plus d’informations, v. le site asor-syrianheritage.org, not. (pour une

présentation des images satellitaires des tours funéraires détruites) Allison Cuneo, Susan Penacho, LeeAnn

Barnes Gordon, « Special Report: Update on the Situation in Palmyra », 3 septembre 2015. 35 En ce sens, v. M. Slama, « Destruction de l’arc de triomphe de Palmyre : la théâtralité mortifère de

Daech », lefigaro.fr, 6 octobre 2015.

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Les périls auxquels ont dû faire face les patrimoines archéologiques irakien et

syrien pendant plus d’un an et demi, du fait des assauts répétés des djihadistes de Daech,

ont révélé l’extrême fragilité des vestiges archéologiques. La menace qui s’est mise à

planer sur ces biens culturels dès juin 2014 et qui n’a fait que grandir au fil des mois a

sonné comme une mise à l’épreuve du régime de protection des biens culturels mis en

place par les Etats au niveau international. Jamais encore des vestiges archéologiques

n’avaient autant eu besoin de ces instruments de droit international, élaborés au prix

d’efforts constants de la part des Etats en faveur d’une meilleure coopération

internationale pour la protection et la préservation des biens culturels. Pourtant, après que

le monde entier a assisté, pendant des mois, à la destruction et au pillage organisés du

patrimoine archéologique en Irak et en Syrie, l’efficacité, voire la réalité de cette

protection internationale peut, au premier abord, légitimement être remise en question.

Certes, le recul sensible des forces de Daech au cours des derniers mois, sous les assauts

combinés de la coalition armée internationale dirigée par les Etats-Unis, ainsi que des

forces russes et syriennes, allège sérieusement la menace ayant pesé jusqu’alors sur le

patrimoine archéologique, aussi bien en Irak qu’en Syrie. Certes, les djihadistes n’ont pas

détruit l’ensemble des vestiges irakiens et syriens, notamment grâce au soutien des

populations locales, qui ont contribué à leur échelle à la préservation de leur patrimoine36.

Cependant, que dire de l’impossibilité dans laquelle se sont trouvés les Etats de réagir

face à la mise en scène, pendant des mois, des atteintes portées par Daech aux vestiges

irakiens et syriens ? Que faire face à la dispersion des biens pillés dans les musées et les

sites ravagés par les djihadistes ? Comment faire, à l’avenir pour éviter que de tels

outrages soient à nouveau perpétrés à l’encontre d’un patrimoine archéologique ? Ces

questions sont autant de raisons de s’interroger sérieusement sur l’efficacité du système

de protection et de préservation des biens archéologiques existant en droit international.

Il est inévitable que de tels biens, dont la valeur n’a d’égal que leur fragilité, courent

des risques, que ce soit face aux aléas du temps ou aux activités humaines. Toutefois, il

convient de s’interroger sur les moyens juridiques, mais aussi techniques, de réduire ces

risques le plus possible. Il serait, à n’en pas douter, inacceptable que le monde ait un jour

à assister, une nouvelle fois, impuissant, au spectacle de destructions et de pillages

massifs d’un patrimoine archéologique. L’épisode irako-syrien, aussi dramatique qu’il

36 En ce sens, v. (concernant Palmyre) F. Gerschel, « "Palmyre aurait pu partir en fumée" », Le Parisien,

29 mars 2016, p. 6.

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soit, doit au moins présenter l’« avantage » de donner une occasion à cette remise en

question afin que jamais il ne se reproduise. L’analyse de cet épisode et de l’attitude des

Etats par le biais du droit international pourrait ainsi servir de base pour une meilleure

protection des biens culturels à l’avenir. Sans prétendre apporter toutes les solutions aux

problèmes existant en la matière, c’est à cette analyse que se livre la présente étude, en

tentant de répondre à la question de savoir dans quelle mesure le droit international permet

aux Etats d’apporter une réponse efficace face à la destruction et au pillage du patrimoine

archéologique en Irak et en Syrie.

La réponse à une telle question suppose de s’intéresser à la fois au passé et à

l’avenir, aux événements qui ont frappé le patrimoine en Irak et en Syrie ainsi qu’aux

enjeux auxquels celui-ci devra faire face. L’analyse des moyens juridiques disponibles

pour sauver un patrimoine archéologique en danger (PREMIÈRE PARTIE) conduira ainsi

naturellement à celle des moyens juridiques disponibles pour sauvegarder un patrimoine

archéologique fragilisé (DEUXIÈME PARTIE).

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PREMIÈRE PARTIE

LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR

SAUVER UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE EN

DANGER

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La question des atteintes portées à l’encontre d’un patrimoine archéologique – et,

plus généralement, d’un patrimoine culturel – lors d’un conflit armé est sans doute celle

qui est à l’origine du développement du régime de protection internationale des biens

culturels. La prise de conscience des Etats de la nécessité de préserver ces biens s’est

donc étoffée sur la base de cette question, dès la fin du XIXème siècle et pendant toute la

première moitié du XXème siècle, pour finalement se consolider au lendemain de la

Seconde Guerre mondiale, avec la Convention de La Haye de 195437.

Adoptée le 14 mai 1954, la Convention pour la protection des biens culturels en cas

de conflit armé reste, encore aujourd’hui, le texte de référence pour toutes les questions

relatives à la protection des biens culturels qui se trouvent sur un territoire touché par un

conflit armé, international ou non international. À cette fin, la Convention repose sur une

logique de « solidarité internationale »38, déjà présente dans le Pacte Roerich de 1935.

L’objectif est ainsi d’exiger de la part des Etats parties qu’ils assument leurs

responsabilités à l’égard du patrimoine culturel s’ils devaient s’engager dans un conflit

susceptible de porter atteinte à ce dernier39. La disposition centrale de la Convention est

donc son article 4, dont le paragraphe 1er dispose :

« Les Hautes parties contractantes s’engagent à respecter les biens culturels situés tant sur leur propre territoire

que sur celui des autres Hautes Parties contractantes en s’interdisant l’utilisation de ces biens, celle de leurs

dispositifs de protection et celle de leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une

destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, et en s’abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard. »

Cette disposition résume bien l’esprit général de la Convention qui est de mettre en

place une véritable coopération internationale en vue de préserver les biens culturels,

même lorsqu’un conflit oppose des Etats parties à la Convention, avec cette idée que la

préservation du patrimoine culturel doit transcender les clivages politiques à l’origine

d’un conflit. Cette coopération doit ainsi permettre d’éviter la destruction de biens

culturels, mais également les vols et pillages qui ne manquent pas d’accompagner les

conflits armés et qui alimentent le trafic illicite de biens culturels, de même que les actes

de vandalisme intentionnellement commis à l’encontre de ces biens40. La seule dérogation

37 Cf. supra, pp. 2 et 3. 38 S. E. Nahlik, cours préc., p. 121. 39 En ce sens, v. E. Clément, « Le concept de responsabilité collective de la communauté internationale

pour la protection des biens culturels dans les conventions et recommandations de l’UNESCO », R.B.D.I.,

1993, vol. 2, pp. 534-551. 40 Cf. article 4, par. 3.

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apportée à cette protection mise en place par la Convention réside dans le concept de

nécessité militaire qui seul peut permettre de déroger aux obligations générales posées au

paragraphe 1er de l’article 441.

Cheville ouvrière de la protection internationale des biens culturels, la Convention de

La Haye de 1954 a ainsi fait l’objet d’une large adhésion. Parmi les nombreuses parties

que compte le texte, émergent la Syrie, partie depuis le 6 mars 1958, et l’Irak, partie

depuis le 21 décembre 1967. Toutefois, ce texte, qui constitue le cœur de la protection

internationale des biens culturels en cas de conflit armé, n’a pu pleinement étendre cette

protection à la lutte contre les destructions intentionnelles et les pillages, révélant ainsi sa

relative impuissance face au sort des patrimoines archéologiques irakien et syrien (a).

Dans un autre registre, le Protocole de 1954 à la Convention de La Haye, apportant des

précisions sur l’exportation des biens culturels depuis un territoire occupé42, a montré sa

relative insuffisance dans la lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques irakien

et syrien (b).

(a) La relative impuissance de la Convention de La Haye dans la lutte contre la

destruction et le pillage systématiques des patrimoines archéologiques irakien et syrien

Si le conflit qui fait rage en Irak et en Syrie s’est accompagné d’atteintes à l’encontre

du patrimoine archéologique de ces derniers qui sont prises en compte par la Convention

de La Haye de 1954, il n’en demeure pas moins que ce texte n’a pu véritablement jouer

un rôle clé dans la lutte contre la destruction et le pillage systématiques de ce patrimoine.

La raison de cette impuissance réside, à première vue, dans la nature même du conflit,

qui ne répond pas au schéma classique du conflit interétatique, mais oppose, en l’espèce,

des acteurs étatiques – essentiellement la Syrie, l’Irak, les Etats de la coalition

internationale dirigée par les Etats-Unis et la Russie – et un groupe terroriste, acteur non-

étatique – Daech. Ce seul fait réduit considérablement la portée de la Convention de La

Haye, dans une situation où l’une des parties au conflit ne peut juridiquement être liée par

ce texte43. Bien plus, ce qui rend véritablement la Convention relativement impuissante

41 Cf. article 4, par. 2. 42 Protocole auquel sont également parties la Syrie et l’Irak, qui l’ont ratifié respectivement le 6 mars 1958

et le 21 décembre 1967. 43 Il convient de noter que, indépendamment de la ratification de la Convention de La Haye de 1954 et de

ces deux protocoles, les Etats sont tenus de respecter les principes fondamentaux contenus dans ces textes

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réside dans le fait que, quand bien même Daech serait considéré comme un acteur

étatique, la protection du patrimoine archéologique resterait en contradiction avec

l’idéologie qui fonde l’Etat islamique. Par conséquent, il est impossible d’imaginer que

celui-ci se soumettrait aux exigences internationales, conventionnelles ou coutumières,

de préservation des biens culturels en cas de conflit armé, prohibant les destructions

volontaires aussi bien que le trafic de biens culturels volés sur le territoire contrôlé par

une puissance occupante.

Dès lors, les exhortations faites par les institutions internationales, au premier rang

desquelles l’UNESCO44, de respecter les principes de la Convention de La Haye de 1954

et de ses protocoles ne peuvent s’adresser qu’aux autres parties au conflit en Irak et en

Syrie, c’est-à-dire les Etats qui interviennent militairement sur ces territoires pour lutter

contre Daech et qui sont parties à ces instruments. Toutefois, les premiers actes de

vandalisme perpétrés par l’Etat islamique dès 2014 en Irak pouvaient déjà laisser penser

que la principale menace pour le patrimoine archéologique viendrait du groupe terroriste,

davantage que des opérations militaires initiées par les Etats combattant Daech.

Face à la folie destructrice de l’EI, qui ne cessait de réduire en poussière des biens

archéologiques millénaires, de piller ce qui, parmi ces biens, pouvait l’être, appauvrissant

ainsi les patrimoines archéologiques irakien et syrien, une seule solution semblait

susceptible de mettre efficacement un terme à cette sauvagerie : le recours aux armes.

Faute de pouvoir appliquer la principale convention internationale régissant le sort des

biens culturels en cas de conflit armé, la seule solution véritablement efficace semblait

être celle d’un sauvetage armé du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie. Toutefois,

cette solution soulevait un certain nombre de questions quant à sa faisabilité au regard du

droit international. Ainsi, envisager une telle solution d’urgence pour sauver un

patrimoine archéologique en danger supposait de confronter le droit international à cette

question d’une intervention armée internationale destinée à mettre fin à la destruction et

au pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie (chapitre 1er).

en ce qu’ils sont considérés comme ayant une valeur de droit international coutumier, aussi bien dans un

conflit armé international que dans un conflit armé non international. En ce sens, v. J. Toman, op. cit., p.

41 et (pour les conflits armés non internationaux) TPIY, Procureur c. Dusko Tadić, affaire n° IT-94-1,

Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Chambre d’appel,

2 octobre 1995, par. 98, disponible sur le site www.icty.org. 44 V. not. la « Déclaration de la Présidente au nom du Comité pour la protection des biens culturels en cas

de conflit armé établi par le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954 », faite le 4 septembre

2015. Disponible sur ww.unesco.org.

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(b) La relative insuffisance du Protocole de 1954 à la Convention de La Haye dans la

lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques syriens et irakiens

Le premier Protocole à la Convention de La Haye de 1954, adopté, tout comme la

Convention, le 14 mai 1954, aurait pu constituer un support juridique intéressant dans la

lutte contre le trafic illicite touchant les patrimoines archéologiques irakien et syrien, dans

la mesure où ses dispositions touchent à la question de l’exportation de biens culturels

d’un territoire occupé. L’Irak et la Syrie, parties au Protocole et tous deux partiellement

occupés par les troupes de l’EI, auraient pu bénéficier de ce texte visant à empêcher la

dispersion du patrimoine culturel d’un pays occupé. Toutefois, la configuration

particulière du conflit armé en Irak et en Syrie a sérieusement compromis l’application

de ce Protocole.

À titre d’exemple de cette insuffisance du Protocole dans la lutte contre le trafic

illicite de biens archéologiques irakiens et syriens, il est possible de citer la disposition

centrale de ce texte, le paragraphe 1er, aux termes duquel :

« Chacune des Hautes Parties contractantes s’engage à empêcher l’exportation de biens culturels d’un territoire

occupé par Elle lors d’un conflit armé […] »45.

Dans ce conflit où la partie occupante est un groupe terroriste, et non un Etat, qui a,

qui plus est, fait du trafic illicite de biens archéologiques irakiens et syriens l’un des

modes de financement de ses activités, il est évident qu’une telle disposition, qui repose

sur une logique de coopération de la part de la partie occupante, ne pouvait aspirer à faire

l’objet d’une véritable application.

Si cette disposition clé du Protocole ne peut s’appliquer, une autre disposition de

celui-ci mérite, néanmoins, d’être mentionnée. Il s’agit du paragraphe 2, qui dispose :

« Chacune des Hautes Parties contractantes s’engage à mettre sous séquestre les biens culturels importés sur son

territoire et provenant directement ou indirectement d’un quelconque territoire occupé […] »46.

45 Il convient de noter, à titre de remarque, que le Protocole reprend la définition de biens culturels retenue

par la Convention de La Haye dans son article 1er. Cf. supra, p. 4, note 14. 46 Italique ajouté.

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En posant l’obligation, pour chaque Partie au Protocole, de mettre sous séquestre les

biens culturels importés sur son territoire « provenant […] d’un quelconque territoire

occupé », sans préciser que cette obligation ne vaut que pour un Etat partie qui occuperait

par ailleurs le territoire d’où proviennent ces biens, cette disposition peut, d’emblée,

sembler plus pertinente dans le cas irako-syrien. En effet, cette absence de rapprochement

entre l’Etat partie sur le territoire duquel des biens culturels sont importés et l’Etat

occupant le territoire d’où proviennent ces biens pourrait raisonnablement laisser penser

que la protection offerte par cette disposition pourrait bénéficier aux biens archéologiques

sortis illégalement de Syrie et d’Irak par le biais de Daech. Rien n’empêche, en effet, de

penser, à la lecture de ce paragraphe, que, si des biens archéologiques provenant de Syrie

ou d’Irak, tous deux occupés en partie par l’EI, étaient interceptés sur le territoire d’un

Etat partie au Protocole, celui-ci aurait alors l’obligation, en vertu du paragraphe 2, de

mettre ces biens archéologiques sous séquestre, que ceux-ci proviennent directement

d’Irak ou de Syrie, ou qu’ils aient d’abord transité par un ou plusieurs autres pays depuis

leur sortie d’Irak ou de Syrie. Dès lors, une telle obligation de mise sous séquestre

contribuerait à endiguer le trafic illicite de biens archéologiques illégalement exportés de

Syrie ou d’Irak.

Néanmoins, malgré cette possible interprétation du paragraphe 2 du Protocole, il faut

ici tempérer l’importance dudit Protocole dans la lutte contre le trafic illicite de biens

archéologiques syriens et irakiens, à deux égards.

Tout d’abord, quand bien même il serait possible d’interpréter le paragraphe 2 de la

façon retenue ci-dessus, la mesure ainsi préconisée aux termes de cette disposition serait

loin d’être suffisante pour lutter efficacement et en urgence contre le trafic illicite

touchant les patrimoines archéologiques irakien et syrien. D’autres mesures devraient, à

cette fin, s’ajouter à celle-ci. Or, le Protocole ne contient pas d’autres dispositions

pertinentes en vue d’une lutte urgente contre le trafic illicite de biens archéologiques

irakiens et syriens.

Ensuite, le paragraphe 3 du Protocole, qui semble être la conséquence logique du

paragraphe précédent, peut soulever une interrogation quant à l’interprétation

précédemment retenue du paragraphe 2. Le paragraphe 3 dispose, en effet :

« Chacune des Hautes Parties contractantes s’engage à remettre à la fin des hostilités, aux autorités compétentes

du territoire précédemment occupé, les biens culturels qui se trouvent chez Elle, si ces biens ont été exportés

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contrairement au principe du paragraphe premier. Ils ne pourront jamais être retenus au titre de dommages de

guerre »47.

Il est logiquement possible de considérer que ce paragraphe prévoit les suites de

l’hypothèse envisagée au paragraphe 2, c’est-à-dire la mise sous séquestre de biens

culturels par un Etat partie lorsque ces biens proviennent d’un territoire occupé. Partant,

la précision finale du paragraphe 3 soulève une interrogation. En effet, en précisant que

les biens culturels se trouvant sur le territoire d’un Etat partie, et provenant d’un territoire

antérieurement occupé, « ne pourront jamais être retenus au titre de dommages de

guerre », autrement dit par l’Etat sur le territoire duquel se trouvent ces biens, le

paragraphe laisse sous-entendre que ledit Etat aurait été impliqué dans les hostilités qui

sont à l’origine de l’exportation de ces biens culturels « contrairement au principe du

paragraphe premier ». Dès lors, il est possible de se demander si la Haute Partie

contractante mentionnée au paragraphe 3, et donc, partant, celle mentionnée au

paragraphe 2, ne serait pas, en fin de comptes, la partie occupante du territoire d’où

proviennent les biens culturels mis sous séquestre. Si tel était le cas, le paragraphe 2 du

Protocole serait inapplicable au cas irako-syrien, de même que le paragraphe 1er, dans la

mesure où la partie occupante, en l’espèce, est un groupe terroriste qui n’est pas un Etat,

ni n’a la volonté, loin de là, d’œuvrer de quelque manière que ce soit à la lutte contre le

trafic illicite de biens archéologiques syriens et irakiens.

Hormis le premier paragraphe du Protocole, dont il est certain qu’il n’a pas vocation

à s’appliquer dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite touchant les patrimoines

archéologiques syrien et irakien, un doute subsiste quant à la pertinence, dans cette lutte,

du paragraphe 2. Du reste, quand bien même la première interprétation du paragraphe

retenue dans cette étude serait pertinente, il n’en demeurerait pas moins que l’obligation

de mise sous séquestre de biens archéologiques interceptés sur le territoire d’un Etat partie

au Protocole ne constituerait qu’un aspect seulement de la lutte contre le trafic illicite de

biens archéologiques syriens et irakiens. Face à cette insuffisance globale du Premier

Protocole à la Convention de La Haye de 1954, d’autres moyens doivent donc être

mobilisés pour lutter efficacement et en urgence contre le trafic illicite de biens

archéologiques issus du pillage des patrimoines irakien et syrien par les djihadistes de

47 Italique ajouté.

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l’EI. Pour identifier ces moyens, il convient de rechercher d’autres fondements juridiques,

au-delà de Protocole de 1954, qui pourraient constituer des bases efficaces d’une telle

lutte, et donc, pour cela, de confronter le droit international à l’urgence de la lutte contre

le trafic illicite de biens issus du pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie

(chapitre 2).

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Chapitre 1er

Le droit international face à la question d’une intervention armée internationale

destinée à mettre fin à la destruction et au pillage du patrimoine archéologique en

Irak et en Syrie

Aussi radicale qu’elle puisse paraître, la solution d’un sauvetage armé des

patrimoines archéologiques irakien et syrien a pu rapidement apparaître comme la seule

capable de véritablement mettre fin, en urgence, aux destructions et pillages

systématiques perpétrés par Daech à l’encontre des nombreuses richesses archéologiques

d’Irak et de Syrie.

Les gouvernements irakien et syrien étant déjà aux prises avec les violents assauts du

groupe terroriste sur leurs territoires respectifs, il apparaissait clairement qu’un tel

sauvetage de ce patrimoine commun de l’humanité ne pourrait être que le fait d’Etats

étrangers acceptant de venir en aide à ces biens archéologiques en péril. De même que

l’idée d’une coalition internationale émergeait, dès septembre 2014, pour combattre l’EI

dans les places fortes qu’il avait acquises en Irak et en Syrie, il ne semblait pas

inconcevable de consacrer certaines de ces forces à l’expulsion des djihadistes des sites

archéologiques passés entre leurs mains.

Toutefois, décider d’intervenir militairement sur des territoires étrangers, pour

quelque but que ce soit, suppose de respecter un certain nombre de règles de droit

international. En outre, le respect des conditions d’une telle intervention peut faire naître

des difficultés supplémentaires dans l’hypothèse où cette intervention serait destinée à

sauver un patrimoine archéologique. Envisager une telle hypothèse pouvait ainsi faire

émerger des difficultés juridiques susceptibles de compromettre un sauvetage armé

international du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie (SECTION I). Pourtant, les

opérations militaires menées sur place, d’une part, par la coalition internationale dirigée

par les Etats-Unis et, d’autre part, par la Russie ont montré que les obstacles juridiques

susceptibles de s’ériger contre ces interventions armées ont pu être contournés.

Néanmoins, le sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien reste

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aujourd’hui très discutable en dépit du contournement des difficultés juridiques existantes

(SECTION II).

SECTION I : LES DIFFICULTÉS JURIDIQUES SUSCEPTIBLES DE

COMPROMETTRE UN SAUVETAGE ARMÉ INTERNATIONAL DU PATRIMOINE

ARCHÉOLOGIQUE EN IRAK ET EN SYRIE

Le fait, pour des Etats, d’intervenir militairement en Irak et en Syrie pour lutter contre

un groupe terroriste auteur, non seulement de violences contre les populations civiles

locales, mais également d’attentats terroristes à l’étranger, se heurte au respect de règles

incontournables du droit international. De ces règles sont donc susceptibles de naître des

obstacles juridiques à une telle intervention armée, qui plus est dans l’hypothèse où celle-

ci aurait vocation à permettre le sauvetage armé d’un patrimoine archéologique menacé.

Ainsi, la difficulté principale susceptible de compromettre un tel sauvetage a découlé de

l’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak et de la Syrie

(§1). Or, si le cas irakien n’a pas posé de grandes difficultés, il n’en est pas allé de même

en Syrie, au point qu’il aurait pu apparaître nécessaire de solliciter une mise en œuvre du

Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cependant, cette éventualité s’est heurtée

au constat de la difficile application du système de sécurité collective des Nations Unies

dans le cas syrien (§2).

§1. L’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak

et de la Syrie

L’éventualité d’un sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien

supposait que l’intervention militaire menée par les Etats étrangers ayant décidé d’y

prendre part se fasse dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Irak

et de la Syrie, sur le territoire desquels seraient organisées des opérations militaires.

L’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies énonce, en effet, que « [l]es

Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir

à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance

politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations

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Unies »48. Sur la base de cette obligation, toute intervention militaire étrangère en Irak et

en Syrie visant à lutter contre Daech était, par conséquent, subordonnée à l’accord

préalable de chacun de ces Etats.

La lutte militaire internationale contre l’EI en Irak n’a, à ce titre, rencontré aucun

obstacle, dans la mesure où l’Etat irakien a donné son autorisation à la réalisation de telles

opérations militaires étrangères sur son territoire. Les premières frappes aériennes lancées

par les Etats-Unis contre le groupe terroriste, à partir du 8 août 2014, se sont ainsi faites

dans le respect de l’intégrité territoriale irakienne. L’Irak a, d’ailleurs, clairement

confirmé sa position à l’occasion de la Conférence internationale pour la paix et la

sécurité en Irak qui s’est tenue à Paris le 15 septembre 2014, sur une initiative commune

de la France et de la République d’Irak. Cette réunion de près de trente pays a, en effet,

eu pour objectif de préciser les contours d’une coalition internationale en Irak, annoncée

officiellement quelques jours plus tôt par le président américain lors d’un discours

prononcé le 10 septembre49. À cette fin :

« Tous les participants ont souligné l’urgente nécessité de mettre un terme à la présence de Daech (EIIL) dans les

régions où il a pris position en Irak. Dans cet objectif, ils se sont engagés à soutenir, par tous les moyens

nécessaires, le nouveau gouvernement irakien dans sa lutte contre Daech (EIIL), y compris par une aide militaire

appropriée, correspondant aux besoins exprimés par les autorités irakiennes et dans le respect du droit

international et de la sécurité des populations civiles. »50

Face à ces « besoins exprimés par les autorités irakiennes », ce ne sont donc plus

seulement les Etats-Unis qui ont l’autorisation d’intervenir militairement sur le territoire

irakien, mais bien l’ensemble des participants à la Conférence. Forte de la légalité

internationale des opérations militaires étrangères susceptibles d’être organisées en Irak,

la coalition internationale menée par les Etats-Unis n’a donc eu à faire face à aucun

obstacle juridique majeur pour mener son action militaire sur place et ainsi œuvrer au

recul des forces djihadistes présentes sur le territoire irakien. Partant, le sauvetage armé

48 Il convient de noter que cette disposition envisage principalement l’hypothèse dans laquelle un Etat

violerait l’intégrité territoriale d’un autre en employant la force à son encontre, ce qui n’était pas tout à fait

le cas de l’intervention militaire internationale en Irak et en Syrie. Une telle intervention visait, en effet, à

user de la force, non pas contre les Etats irakien et syrien, mais pour combattre un groupe terroriste sur le

territoire de ces derniers. Cette remarque étant faite, il reste néanmoins incontestable que les Etats de la

coalition internationale restaient soumis à cette disposition, afin que soit préservée l’intégrité territoriale de

l’Irak et de la Syrie. 49 Statement by the President on ISIL, 10 septembre 2014, disponible sur le site de la Maison Blanche

www.whitehouse.gov/the-press-office/2014, dans la rubrique « Speeches & Remarks ». 50 Conclusions de la Conférence pour la paix et la sécurité, para. 4, disponible sur le site du Ministère des

Affaires étrangères www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/irak/evenements.

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du patrimoine archéologique irakien ne pouvait être compromis par des difficultés

juridiques susceptibles de naître de l’obligation de respecter l’intégrité territoriale de

l’Irak.

L’éventualité d’un tel sauvetage était, en revanche, largement plus incertaine dans le

cas de la Syrie, dans la mesure où le régime du président syrien Bachar al-Assad n’avait

pas donné son accord à des interventions militaires étrangères sur son territoire. La

position syrienne à cet égard résulte, bien évidemment, de l’hostilité marquée de la plupart

des Etats occidentaux faisant partie de la coalition internationale à l’égard du régime

syrien, en raison de l’attitude adoptée par celui-ci, depuis 2011, dans la guerre civile qui

oppose des rebelles syriens au gouvernement de Bachar al-Assad. Partant, c’est donc

logiquement que les Etats de la coalition internationale ont refusé de faire front commun

avec l’Etat syrien contre les djihadistes de Daech. Or, ainsi exclue de la coalition dirigée

par les Etats-Unis, la Syrie a refusé de donner son accord à l’intervention militaire de

celle-ci sur son territoire. Dès lors, l’obligation contenue à l’article 2, paragraphe 4 de la

Charte des Nations-Unies faisait naître un sérieux obstacle juridique à l’intervention

armée de cette coalition en Syrie et donc à un éventuel sauvetage armé du patrimoine

archéologique du pays.

Si la question du respect de l’intégrité territoriale, conditionnant toute intervention

militaire étrangère en Irak et en Syrie, a été rapidement résolue dans le cas irakien, grâce

à l’accord de l’Etat irakien à une telle intervention internationale, elle a soulevé, en

revanche, de sérieuses difficultés dans le cas syrien. À défaut d’une telle autorisation de

la part de l’Etat syrien, l’intervention militaire de la coalition internationale sur le

territoire de cet Etat, et donc la possibilité d’un sauvetage armé du patrimoine

archéologique syrien, pouvaient être grandement compromis. La seule solution était donc

de trouver une autre base légale internationale à cette intervention militaire. Dans un tel

contexte, le recours au mécanisme du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies aurait

pu apparaître comme une solution intéressante. Cependant, les faits ont montré que le

système de sécurité collective des Nations Unies pouvait difficilement être appliqué dans

le cas syrien, a fortiori pour justifier des interventions armées destinées à sauver le

patrimoine archéologique de ce pays.

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§2. La difficile application du système de sécurité collective des Nations Unies

dans le cas syrien

Indépendamment de la question de son application au sauvetage armé du patrimoine

archéologique syrien, le système de sécurité collective des Nations Unies découlant du

Chapitre VII de la Charte a toujours suscité certaines difficultés de mise en œuvre dans

les possibilités de recours à la force armée qu’il offre.

La difficulté originelle de mise en œuvre de ce système de sécurité collective prend

racine dans les mécanismes de recours à la force armée prévues aux articles 42 et 43 de

la Charte, organisant la possibilité d’opérations militaires directement placées sous

l’autorité du Conseil de sécurité. Sur la base de ces articles, le Conseil pourrait, en effet,

lorsqu’il « constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou

d’un acte d’agression »51, lancer, sous certaines conditions, une action militaire52, en

exerçant, pour cela, directement son autorité sur des forces armées mises à sa

disposition53. Or, l’absence d’accord sur l’organisation d’une force militaire

internationale mise au service de l’ONU a rendu inapplicable ce mécanisme du Chapitre

VII54.

Face à cette réalité, des moyens ont donc été mis en place pour contourner

l’inapplicabilité du dispositif d’action militaire directe du Conseil de sécurité prévu par

la Charte. À défaut de contingents militaires nationaux mis à la disposition du Conseil de

sécurité, celui-ci a ainsi pris l’habitude de recourir à d’autres techniques lui permettant

d’exercer la mission qui lui a été confiée par le Chapitre VII. Ne pouvant diriger lui-même

directement des opérations militaires, le Conseil a donc opté, dans la pratique, pour des

autorisations, voire des invitations à recourir à la force, adressées à des Etats membres.

51 Cf. article 39 de la Charte. 52 Cf. article 42 : « Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 [mesures

n’impliquant pas le recours à la force] seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut

entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au

maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales […] ». 53 Cf. article 43, par. 1er : « Tous les Membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix

et de la sécurité internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation

et conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et les

facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales ». 54 En ce sens, v. not. P. Tavernier, Les casques bleus, Paris, Presses Universitaires, coll. Que sais-je ?, 1996,

p. 19 et O. Thielen, Le recours à la force dans les opérations de maintien de la paix contemporaines,

Bibliothèque de droit international et communautaire, Paris, LGDJ, 2013, pp. 4-5.

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Si ces techniques ne sont pas expressément prévues par la Charte, il n’en demeure pas

moins qu’elles sont compatibles avec les exigences du Chapitre VII, dont l’article 39

dispose que « [l]e Conseil de sécurité […] fait des recommandations […] pour maintenir

ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Toutefois, si des moyens détournés ont été trouvés pour mettre en œuvre le système

de sécurité collective des Nations Unies, les difficultés liées à l’application de celui-ci

n’ont pas totalement disparu. Les divergences politiques au sein des membres permanents

du Conseil de sécurité peuvent toujours compromettre la mise en œuvre du Chapitre VII

par le biais du droit de véto dont chacun dispose. Quant aux résolutions du Conseil de

sécurité, si elles parviennent à être adoptées, elles ne formulent pas toujours de manière

parfaitement claire une autorisation de recourir à la force, au point parfois de faire douter

de la qualité d’autorisation de telles résolutions.

L’exposé de ces difficultés, originelles et découlant des techniques détournées

trouvées par la suite, a pour objectif de mettre en exergue les difficultés générales qui

existent dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre le système de sécurité collective des

Nations Unies. Ainsi, il est plus aisé de comprendre dans quelle mesure la mise en œuvre

de ce système afin de sauver un patrimoine archéologique par les armes est encore plus

ardue. L’exemple syrien a été, à ce titre, particulièrement révélateur de ces difficultés,

principalement à travers la résolution 2249 (2015) adoptée par le Conseil de sécurité le

20 novembre 201555. La lecture de ce texte laisse transparaître la difficile qualification de

« menace contre la paix » des destructions et pillages touchant un patrimoine

archéologique (A). Surtout, elle révèle l’improbabilité d’une autorisation du Conseil de

sécurité de recourir à la force armée pour sauver un patrimoine archéologique (B).

A- Des destructions et pillages difficilement qualifiables de « menace contre

la paix »

En dépit des techniques développées par le Conseil de sécurité pour contourner

l’inapplicabilité des articles 42 et 43 de la Charte des Nations Unies, une autorisation de

recourir à la force accordée par le Conseil de sécurité reste subordonnée au constat, par

55 Résolution 2249 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7565e séance, le 20 novembre 2015.

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celui-ci, de l’existence d’une « menace contre la paix », aux termes de l’article 39 de la

Charte56. Par conséquent, envisager un sauvetage armé du patrimoine archéologique

syrien sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité autorisant des opérations

militaires à cet effet supposait de s’interroger préalablement sur la possibilité de qualifier

de menace contre la paix les destructions et pillages massifs qui affectaient ce patrimoine.

À première vue, il peut apparaître assez inapproprié de chercher à qualifier de menace

contre la paix les « simples » destructions et vols commis contre un patrimoine

archéologique, à une époque où tant d’autres violences commises contre des personnes

mériteraient de recevoir cette qualification. Certes, le fait de détruire ou de piller des biens

archéologiques ne justifie pas, en principe, de recourir à cette qualification. Toutefois,

est-il si déraisonnable de considérer que les actes de vandalisme perpétrés ont, par leur

ampleur et leur systématisme, atteint un seuil de gravité inconnu jusqu’alors en matière

de protection des biens culturels ? En mettant en scène les destructions de vestiges

archéologiques reflétant l’histoire de l’humanité, l’EI n’a-t-il pas cherché à provoquer la

communauté internationale et tous ceux qui, en son sein, œuvrent en faveur de la

préservation des patrimoines culturels à travers le monde ? De nombreux observateurs

ont souligné que ces atteintes répétées à l’encontre du patrimoine archéologique en Irak

et en Syrie étaient pour Daech un moyen de marquer son hostilité à l’égard des valeurs

de l’Occident, au nombre desquelles figure la protection des biens culturels, mais aussi et

surtout un moyen de véhiculer la haine et la violence qu’incarne ce groupe terroriste57.

56 Aux termes de l’article 39 de la Charte, le Conseil de sécurité peut également constater l’existence de

deux autres situations – qui traduisent chacune une gravité supérieure à celle de la situation précédente –,

à savoir « une rupture de la paix », voire « un acte d’agression ». Nous cantonnerons cette étude à la

question de savoir les atteintes aux patrimoines archéologiques constituent au moins une « menace contre

la paix ». Comme le démontreront les développements de ce paragraphe, il aurait, dans tous les cas, été fort

peu probable, que les qualifications de « rupture de la paix » ou, encore moins, d’« acte d’agression » soient

retenues en ce qui concerne le sort du patrimoine archéologique syrien. 57 En ce sens, v. not. M. Slama, article en ligne préc., dans lequel l’auteur estime que « [e]n détruisant

méthodiquement les trésors de Palmyre, l’EI joue sur nos nerfs parce qu’il sait que la sauvegarde du

patrimoine est au cœur de la conception occidentale de la culture, là où cette notion de culture, qui implique

la prise en compte du processus historique, est antinomique avec la vision du monde anti-historique et

originaire de l’organisation terroriste ». Dans le même sens, Maamoun Abdulkarim, Directeur Général des

Antiquités et des Musées (DGAM) de Syrie, estimait, après la destruction de l’Arc de Triomphe de Palmyre,

que « l’EI détruit désormais par vengeance » et non pour des raisons idéologiques, dans la mesure où l’Arc

était une construction de caractère civil et non religieux (cf. « Syrie : l’Arc de Triomphe de Palmyre

pulvérisé par Daech », lepoint.fr, 5 octobre 2015). Dans le même sens, v. aussi A. Devecchio, « Destruction

de sites historiques par l’EI ou la révolution culturelle djihadiste », lefigaro.fr, 27 février 2015.

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Autrement dit, est-il déraisonnable de considérer que ces atteintes commises à l’encontre

d’un patrimoine archéologique incarnent tout ce qui est susceptible de menacer la paix ?

Ces remarques liminaires révèlent à quel point la question d’une telle qualification

est délicate. Elle l’est également d’autant plus que la notion même de « menace contre la

paix » est difficile à cerner. En témoigne le simple fait qu’il n’existe aucun critère précis

permettant d’apprécier l’existence d’une telle menace, laquelle désigne finalement une

situation considérée comme une menace pour la paix par le seul Conseil de sécurité58.

Ainsi, comme le souligne le professeur Jean-Marc Sorel, « la menace contre la paix est,

par essence, un produit indéfini »59. Par ailleurs, à cette imprécision de nature que porte

en elle la notion de menace contre la paix, s’ajoute souvent une certaine ambiguïté dans

la façon dont le Conseil de sécurité y a recours. Ainsi, les exemples ne sont pas rares dans

lesquels le Conseil de sécurité a utilisé des expressions proches de celle de menace contre

la paix, mais pour autant différentes, ou encore dans lesquels il a évoqué expressément

une telle menace, mais sans se placer dans le cadre de l’article 39 de la Charte60.

Les difficultés liées aux imprécisions de la notion de menace contre la paix ainsi

qu’au fait que l’application de cette qualification aux atteintes portées au patrimoine

archéologique syrien peut sembler en elle-même délicate se retrouvent dans la résolution

2249 (2015) du Conseil de sécurité61. Prenant position sur l’attitude à adopter face aux

actes commis par Daech en Irak et en Syrie, le Conseil y a, en effet, affirmé que par son

action, incluant l’« éradication du patrimoine culturel et ses activités de trafic de biens

culturels », « l’Etat islamique d’Irak et du Levant […] constitue une menace mondiale

d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales »62. Or, deux

interrogations peuvent être soulevées sur la base de ce considérant.

Tout d’abord, il convient de noter qu’en adoptant cette résolution, le Conseil de

sécurité ne s’est pas placé dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

58 Cf. article 39. 59 J.-M. Sorel, « L’élargissement de la notion de menace contre la paix », in S.F.D.I., Le Chapitre VII de la

Charte des Nations Unies, Colloque de Rennes de 1995, Paris, Pedone, 1995, p. 11. 60 Ibid., pp. 31 et 38. 61 Si les présents développements se concentrent sur le cas du patrimoine syrien, il est nécessaire de

souligner que la résolution 2249 (2015) mentionne également le patrimoine archéologique irakien. Les

raisonnements présents quant à la possibilité de qualifier de menace contre la paix les atteintes portées au

patrimoine syrien valent donc également pour le patrimoine irakien. Il ne sera, toutefois, pas fait mention

de ce deuxième cas dans le présent paragraphe, puisqu’il a été précédemment démontré qu’il n’était pas

besoin de recourir au mécanisme du Chapitre VII de la Charte dans le cas de l’Irak, qui a donné son

consentement aux opérations militaires étrangères sur son territoire. 62 Cf. Préambule de la résolution, par. 1er.

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et donc encore moins dans celui de l’article 39. Il se contente de préciser, en début de

résolution, qu’il réaffirme « les buts et principes de la Charte des Nations Unies ».

Néanmoins, les termes utilisés dans les considérants de la résolution ainsi que dans le

corps de celle-ci pourraient, dans une certaine mesure, autoriser une interprétation du

texte comme constituant la base d’une autorisation de recourir à la force et donc s’inscrire

dans le Chapitre VII et son article 3963.

Une deuxième interrogation apparaît néanmoins, quand bien même la menace

évoquée par la résolution serait implicitement celle mentionnée à l’article 39 de la Charte.

En effet, il est possible de se demander, à la lecture du considérant, si les atteintes portées

au patrimoine syrien peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de menace contre la paix.

À l’origine de cette question se trouve la rédaction même du considérant, dans lequel la

qualification de « menace mondiale d’une gravité sans précédent contre la paix et la

sécurité internationales » ne s’applique pas véritablement aux actes listés avec

exhaustivité, mais au groupe terroriste lui-même. Autrement dit, il semblerait que ce soit

la somme des violences commises par Daech qui conduise le Conseil de sécurité à

constater une menace contre la paix, et non pas chacune de ces violences qui constitue

une telle menace. Partant, il semble difficile d’envisager que le Conseil de sécurité

qualifie les destructions et pillages du patrimoine syrien comme constitutifs en eux-

mêmes d’une menace contre la paix. Il est vrai que ces remarques peuvent sembler reposer

sur des détails de rédaction trop subtils pour mériter d’être mentionnés. En effet, en

pratique, que la résolution qualifie de menace contre la paix les atteintes au patrimoine en

elles-mêmes ou le groupe terroriste en raison de l’ensemble de ses actions – donc

notamment les destructions et pillages – le possible résultat de cette qualification est le

même : autoriser, éventuellement, un recours à la force armée en Syrie. Toutefois, ces

remarques font prendre conscience de ce qu’une éventuelle autorisation du Conseil de

sécurité d’intervenir militairement en Syrie n’aurait pas pour objectif principal de

procéder au sauvetage en urgence du patrimoine archéologique.

S’il apparaissait en soi délicat, mais pas impossible, de qualifier de menace contre la

paix les destructions et pillages commis par Daech en Syrie, la résolution 2249 (2015)

semble avoir tranché la question. Ces atteintes commises à l’encontre du patrimoine

63 Cf. M. Bourreau, « L’ONU autorise "toutes les mesures" contre l’Etat islamique », lemonde.fr, 21

novembre 2015.

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archéologique syrien semblent difficilement qualifiables, en elles-mêmes, de menace

contre la paix. Néanmoins, un sauvetage armé de ce patrimoine restait possible dès lors

que Daech, par l’ensemble de ses actes, était expressément perçu par le Conseil comme

une menace contre la paix et la sécurité internationales. Partant, il était, en effet, encore

possible d’espérer que, sur la base d’une autorisation du Conseil de sécurité, une

intervention militaire de la coalition internationale en Syrie permettrait, à cette occasion,

un sauvetage armé du patrimoine archéologique. Cependant, passé son premier

considérant, la résolution 2249 (2015) révélait rapidement l’improbabilité d’une

autorisation du Conseil de sécurité de recourir à la force armée en Syrie.

B- L’improbabilité d’une autorisation du Conseil de sécurité de recourir à la

force armée pour sauver un patrimoine archéologique

Le vocable utilisé dans la résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité – et ce dès

son premier considérant reconnaissant l’existence d’une « menace mondiale […] contre

la paix et la sécurité internationales » – a pu donner l’impression qu’avec l’adoption de

ce texte, le Conseil de sécurité délivrait à la coalition internationale une autorisation à

intervenir militairement en Syrie. Néanmoins, en dépit de l’ambiguïté découlant des

termes de la résolution, il est peu probable que le Conseil ait entendu délivrer une telle

autorisation.

Au-delà de la menace évoquée dans le premier considérant, c’est essentiellement le

paragraphe 5 de la résolution qui aurait pu donner lieu à interprétation quant à l’attitude

préconisée par le Conseil de sécurité pour lutter contre l’EI. En effet, aux termes de ce

paragraphe, le Conseil :

« Demande aux Etats Membres qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures nécessaires,

conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies […] sur le territoire se trouvant

sous le contrôle de l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, en Syrie et en Irak, de redoubler d’efforts et

de coordonner leur action en vue de prévenir et de faire cesser les actes de terrorisme commis tout particulièrement

par l’EIIL […] »64.

64 Italique ajouté.

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Ainsi rédigé, ce paragraphe pouvait aisément être interprété comme une autorisation,

de la part du Conseil de sécurité, à recourir à la force armée en Syrie pour combattre

Daech. Toutefois, plusieurs éléments vont à l’encontre de cette interprétation.

Il convient, tout d’abord, de rappeler que, si le Conseil de sécurité a ici employé des

termes proches de ceux généralement utilisés dans une résolution autorisant à recourir à

la force armée, il ne s’est pas placé, en l’espèce, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte

des Nations Unies65. Or, si la qualification d’une menace contre la paix peut

éventuellement s’accommoder d’une absence de référence à l’article 39, il en va

autrement lorsqu’entre en jeu l’éventualité d’autoriser des Etats à intervenir militairement

sur un territoire étranger. Compte tenu des implications d’une telle autorisation, il est

raisonnable d’attendre du Conseil de sécurité qu’il fasse référence aux dispositions du

texte constitutif de l’organisation internationale au sein de laquelle il fonctionne qui

fondent son pouvoir de délivrer une telle autorisation66.

À côté de cette remarque – qui permet déjà de sérieusement contester le caractère

d’autorisation à recourir à la force armée de la résolution – il faut également en évoquer

une seconde. Il convient, en effet, de rappeler également que, parmi les membres

permanents du Conseil de sécurité, tous détenteurs d’un droit de veto lors de l’adoption

de résolutions par celui-ci, se trouve la Russie, soutien indéfectible du régime syrien de

Bachar al-Assad. Or, celle-ci avait très certainement à l’esprit, lors de l’adoption de la

résolution 2249 (2015), le fait que, si la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis

pouvait s’appuyer sur une autorisation du Conseil de sécurité à intervenir militairement

en Syrie, cela pourrait un jour représenter un risque pour l’avenir du président syrien,

lorsque la lutte contre Daech ne serait plus une priorité67. Si le contexte particulier dans

65 Cf. supra, p. 25. 66 En ce sens, v. J.-M. Sorel, article préc., p. 38. Constatant dans les résolutions du Conseil de sécurité « des

qualifications imbriquées dans les méandres des négociations politiques », l’auteur rappelle à juste titre

que, « si le Conseil possède un incontestable pouvoir discrétionnaire, ses décisions sont prises à partir des

possibilités ouvertes par la Charte à laquelle les références sont nécessaires », étant admis que « [t]oute

décision d’une Organisation internationale est soumise à son texte constitutif qui s’insère dans le droit

international ». 67 La Russie n’a très certainement pas oublié l’épisode libyen de 2011, lorsque la résolution 1973 (2011)

du Conseil de sécurité avait autorisé les Etats membres « à prendre toutes mesures nécessaires […] pour

protéger les populations et zones civiles menacées d’attaques » en Libye (Résolution 1973 (2011), adoptée

par le Conseil de sécurité, le 17 mars 2011, para. 4). Par la suite, cette résolution avait, en effet, été plus

largement interprétée par les Etats intervenus en Libye pour leur permettre de favoriser la chute du

gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi.

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lequel la résolution a été adoptée68 a pu pousser le Russie à consentir à l’adoption d’un

texte par lequel le Conseil de sécurité reconnaissait l’ampleur de la menace constituée par

l’EI, il est fort peu probable que la Russie eût donné son aval à une résolution autorisant

officiellement la coalition internationale à intervenir militairement en Syrie. Il est sans

doute plus probable que l’ambiguïté des termes de la résolution, due à l’absence de

mention du Chapitre VII, ait été le prix du consentement russe à l’adoption de ce texte.

Si le constat d’une menace contre la paix et la sécurité internationale a pu un instant

laisser penser que le Conseil de sécurité allait officiellement autoriser les Etats de la

coalition internationale à intervenir militairement en Syrie, rendant ainsi possible un

sauvetage armé en urgence du patrimoine archéologique, l’absence de référence au

Chapitre VII dote la résolution d’une ambiguïté qui s’accorde mal avec les enjeux d’une

autorisation à recourir à la force armée. Ce n’est donc pas sur la base de cet aspect du

système de sécurité collective que pouvait s’envisager un sauvetage armé du patrimoine

archéologique syrien.

Faute d’une autorisation du gouvernement syrien ou du Conseil de sécurité à

intervenir militairement en Syrie, les Etats de la coalition internationale dirigée par les

Etats-Unis ont pourtant bien trouvé un moyen de justifier légalement leur intervention sur

le territoire syrien. Pourtant, malgré le contournement de l’obstacle juridique à une

intervention militaire en Syrie et l’autorisation de l’Etat irakien à une telle intervention

sur son territoire, le « sauvetage armé » du patrimoine archéologique de ces deux pays

reste aujourd’hui discutable.

SECTION II : UN SAUVETAGE ARMÉ DISCUTABLE EN DÉPIT DU

CONTOURNEMENT DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES EXISTANTES

Les difficultés juridiques précédemment identifiées comme susceptibles de

compromettre le sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien

menacés par Daech ont finalement été contournées. Si ces obstacles juridiques se sont

rapidement surmontés en Irak, sous l’effet de l’autorisation accordée aux Etats le désirant

68 Rappelons que la résolution a été présentée par la France à la suite des attentats qui avaient frappé Paris

le 13 novembre 2015 et qui avaient été revendiqués par Daech.

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à intervenir militairement sur le territoire irakien, il en a finalement été également de

même en Syrie, en dépit de l’absence d’autorisation en ce sens par le régime syrien. Dès

lors, le patrimoine archéologique de Syrie, au même titre que celui d’Irak, pouvait aspirer

à un sauvetage en urgence, par les armes, afin d’échapper à la menace destructrice que

l’EI faisait planer sur eux.

Malheureusement, en dépit des possibilités ouvertes par les aménagements juridiques

à l’origine des opérations militaires menées en Syrie par la coalition internationale (§1),

le sauvetage armé du patrimoine archéologique est demeuré incontestablement

secondaire, non seulement en Syrie, mais également en Irak (§2).

§1. Les possibilités ouvertes par les aménagements juridiques à l’origine des

opérations militaires menées en Syrie par la coalition internationale

Le défaut de consentement de l’Etat syrien à une intervention militaire, sur son

territoire, de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis constituait un véritable

obstacle pour la légalité internationale des opérations militaires menées sur place – dès

septembre 2014, pour ce qui est des Etats-Unis. La justification légale de ces opérations

aurait, en outre, pu paraître d’autant plus incertaine du fait de l’absence d’autorisation

officielle en ce sens délivrée par le Conseil de sécurité. Celle-ci aurait, en effet, pu

confirmer la légalité des frappes aériennes menées déjà depuis quelques mois par

plusieurs Etats contre des bases de l’EI en Syrie. Toutefois, malgré l’absence d’une telle

autorisation, les Etats de la coalition, au premier rang desquels les Etats-Unis, ont eu

recours à un raisonnement juridique particulier pour habiller leurs frappes militaires d’un

manteau de légalité internationale.

Si le mécanisme d’autorisation par résolution du Conseil de sécurité n’a pu fonder les

opérations militaires menées par la coalition internationale en Syrie, c’est pourtant sur

une autre disposition du Chapitre VII qu’ont semblé se fonder les Etats de la coalition

internationale pour justifier leur intervention en Syrie : l’article 51. Faute d’une

autorisation du Conseil de sécurité, il n’existe, en effet, plus qu’une autre exception à la

prohibition du recours à la force armée dans les relations internationales, à savoir le droit

de légitime défense. C’est donc sur ce droit que les membres de la coalition ce sont

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largement fondés, même s’il est possible de considérer qu’ils ont quelque peu aménagé

les modalités d’exercice de ce droit afin de justifier leurs opérations.

Pour bien apprécier les modalités de ces aménagements, il convient de rappeler

brièvement le mécanisme de l’article 51, en commençant par son énoncé :

« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou

collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil

de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises

par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance

du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte,

d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité

internationales ».

L’article 51 présente ainsi comme une condition impérative de mise en œuvre du droit

de légitime défense l’existence d’une agression armée perpétrée à l’encontre de l’Etat

membre de l’ONU qui invoque ce droit. La Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée

générale des Nations Unies, adoptée le 14 décembre 1974, apporte, à cet égard, une

précision quant à la notion d’agression armée69, dont la définition précise, à son article

1er :

« L’agression est l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou

l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies,

ainsi qu’il ressort de la présente Définition ».

Par ailleurs, l’article 3, paragraphe g) de la définition contribue à élargir la conception

d’« agression armée » telle qu’elle est exposée à l’article 1er, dans la mesure où il inclut,

dans les actes répondant à la définition d’agression armée :

« L’envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui

se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés

ci-dessus, ou le fait de s’engager de manière substantielle dans une telle action ».

Sur la base de cette disposition, il est ainsi possible de considérer que des actes

terroristes commis par des personnes privées peuvent être considérés comme des actes

d’agression armée justifiant, au titre de l’article 51 de la Charte, une réponse armée d’un

Etat victime de tels actes70. Toutefois, même dans ce cas-là, s’impose la condition relative

69 Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, adoptée à sa 29e session, le 14 décembre 1974, et

dotée d’une annexe « Définition de l’agression armée ». 70 En ce sens, v. P. Klein, « Le droit international à l’épreuve du terrorisme », R.C.A.D.I., 2007, vol. 321,

pp. 371-372.

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à l’implication, dans ces actes terroristes, de l’Etat contre lequel l’action en légitime

défense est organisée. Dans le cas de l’intervention de la coalition internationale en Syrie,

force est de constater que certains aménagements ont été nécessaires, sur le plan juridique,

pour que cette intervention puisse se justifier par le droit de légitime défense.

Le cœur de ces aménagements réside dans la question de l’existence même d’une

agression armée. En effet, lorsque les Etats-Unis lancent les premières frappes aériennes

en Syrie, dès le 23 septembre 2014, ils n’ont pas été victimes d’une agression armée telle

que définie par la résolution 3314 (XXIX). Le discours tenu par le président américain le

10 septembre 2014 est d’ailleurs particulièrement révélateur de cette situation. Il y est, en

effet, affirmé, concernant les djihadistes de Daech que “[i]f left unchecked, these

terrorists could pose a growing threat beyond that region [the Middle East], including to

the United States”, pour finalement conclure : “we will hunt down terrorists who threaten

our country, wherever they are. That means I will not hesitate to take action against ISIL

in Syria”. Ce n’est donc pas en tant que victime d’une agression armée, mais en tant que

cible privilégiée d’attentats que les Etats-Unis fondent leur droit d’intervenir en Syrie. À

titre d’autre exemple, il en est allé de même pour la France. Lorsque celle-ci a entrepris

ses premières frappes aériennes contre l’EI en Syrie, le 27 septembre 2015, elle n’avait

pas non plus été victime d’une agression armée. De même que les Etats-Unis, la France

justifiait son intervention militaire par la menace représentée par Daech. Or, si le discours

du président américain ne mentionnait pas la légitime défense, il n’en a pas été de même

pour la France, comme en témoigne le discours tenu le 11 octobre 2015 par le Premier

ministre Manuel Valls, de passage en Jordanie, justifiant les frappes françaises en Syrie

par la légitime défense, « puisque Daech prépare, depuis la Syrie, des attentats contre la

France »71. En réalité, l’intervention militaire française en Syrie n’a pu réellement

prétendre se fonder sur la légitime défense telle qu’énoncée à l’article 51 de la Charte

qu’après avoir été victime des attentats commis à Paris le 13 novembre 2015 et

revendiqués par l’EI72.

71 Discours disponible sur le site lemonde.fr et mis en ligne le 12 octobre 2015. 72 Au moment de l’adoption de la résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité, quelques jours après les

attentats de Paris revendiqués par Daech, le représentant de la France, M. François Delattre, a d’ailleurs

déclaré : « nos opérations militaires peuvent désormais se justifier par la légitime défense, conformément

à l’article 51 de la Charte des Nations Unies » (déclaration reprise dans un communiqué de presse de l’ONU

mis en ligne le 23 novembre 2015 sur le site des Nations Unies, www.un.org/presse/fr). Il est vrai que c’est

avec ces attentats, qui peuvent s’assimiler à une forme d’agression armée, que la référence à la légitime

défense, telle que décrite à l’article 51, peut « désormais » être faite, du moins davantage qu’avant ces

attentats.

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Les Etats de la coalition internationale menant des opérations militaires en Syrie, au

premier rang desquels les Etats-Unis, sont intervenus en réponse à l’inquiétante menace

constituée par Daech, au-delà des seules frontières irakiennes et syriennes. Ce fondement

aux opérations militaires internationales en Syrie mobilise une forme aménagée de

légitime défense, un avatar du droit mentionné à l’article 51 de la Charte : la légitime

défense préventive. Face à une menace imminente – celle d’une agression armée sur le

territoire national – un Etat pourrait, en vertu de cette notion, recourir à la force armée

contre l’Etat à l’origine de cette menace. Si certains Etats, tels que les Etats-Unis, le

Royaume-Uni ou l’Australie admettent une telle théorie, notamment dans la lutte contre

le terrorisme, ils se fondent, pour cela, sur un précédent ancien – et unique – reconnaissant

la possibilité de recourir à la force face à un péril imminent, celui de l’affaire de la

Caroline. Toutefois, une majorité d’Etats considère qu’avec l’adoption de la Charte des

Nations Unies et l’encadrement du recours à la force dans les relations internationales qui

en découle il a été mis un terme à une telle possibilité, désormais supplantée par les

dispositions de l’article 51. Pourtant, c’est bien cette légitime défense particulière,

assimilée à celle de l’article 51 de la Charte au prix d’une interprétation très souple, qui

a justifié les frappes aériennes organisées par la coalition internationale dirigée par les

Etats-Unis.

En outre, cette interprétation de la disposition du Chapitre VII a dû se montrer

d’autant plus souple que l’auteur de ce péril imminent, Daech, n’est ni un Etat, ni un

groupe terroriste dans lequel est substantiellement impliqué l’Etat sur le territoire duquel

ont été menées les opérations militaires de la coalition, à savoir la Syrie. Autrement dit,

l’EI est un groupe de personnes privées agissant de leur propre autorité, dont les actions

ne peuvent donc, en aucun cas, être assimilées à celles fondant un droit de légitime

défense, aux termes de l’article 51 et de la définition d’agression armée comprise dans la

résolution 3314 (XXIX)73.

En fin de compte, les références qui ont pu être faites par les Etats de la coalition

internationale à la légitime défense de l’article de 51 sont purement formelles. Ne pouvant

véritablement justifier, sur un plan juridique, des opérations militaires non autorisées par

73 Autrement dit, même lorsque la France a été victime d’attentats revendiqués par l’EI, en novembre 2015,

ces derniers ne pouvaient véritablement être assimilés à une agression armée au sens de l’article 51, telle

que définie par la résolution 3314 (XXIX).

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les autorités syriennes, ces Etats ont invoqué la seule base légale à leur disposition pour

cela. Cependant, le contexte particulier de la lutte contre Daech a rendu nécessaires des

aménagements conséquents, pour ne pas dire une interprétation très large, du droit évoqué

dans la Charte des Nations Unies. Face à « une menace mondiale sans précédent »,

l’intervention de ces Etats sur le territoire syrien a pu légitimement sembler indispensable

au combat contre l’EI. Toutefois, en raison des tensions existant, par ailleurs, entre les

Etats de la coalition et l’Etat syrien, ainsi que du fait du soutien russe au président Bachar

al-Assad empêchant une autorisation du Conseil de sécurité d’intervenir militairement en

Syrie, un certain pragmatisme s’est imposé. La référence, certes bancale, à la légitime

défense ne doit se comprendre que comme le souci de parer ces opérations d’un voile de

légalité internationale.

En permettant ainsi l’intervention militaire en Syrie de la coalition internationale

dirigée par les Etats-Unis, ces aménagements juridiques ont ouvert, pour le patrimoine

archéologique syrien, les mêmes possibilités de sauvetage armé que celles qui existaient

déjà pour le patrimoine irakien. Cependant, malgré le dépassement des obstacles

juridiques à une intervention militaire en Syrie et en Irak, le sauvetage armé de ces

patrimoines est resté incontestablement secondaire.

§2. Un sauvetage armé demeuré incontestablement secondaire en Irak et en

Syrie

À la lumière des faits qui se sont produits en Irak et en Syrie au cours des années

2014 et 2015 à l’encontre du patrimoine archéologique, et ce en dépit de l’implication sur

le terrain, dès août 2014, des Etats-Unis, puis, à partir de septembre 2014, d’une coalition

internationale, un triste bilan s’impose. En effet, le sauvetage armé des vestiges

archéologiques irakiens et syriens, si tant est qu’il soit possible de parler de sauvetage,

est incontestablement demeuré une préoccupation secondaire des Etats investis dans la

lutte contre Daech. Outre un « sauvetage » indirect du patrimoine archéologique irakien

(A), le monde a pu également assister à un sauvetage politisé du patrimoine archéologique

syrien (B).

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A- Un « sauvetage » indirect du patrimoine archéologique irakien

L’autorisation très tôt donnée par l’Etat irakien aux Etats membres de la coalition

internationale dirigée par les Etats-Unis en vue d’une intervention armée sur son territoire

pour combattre Daech a permis d’espérer que cette présence militaire œuvrerait en faveur

de la préservation du patrimoine archéologique irakien sur lequel s’est mise à peser la

menace djihadiste dès les mois de juin 201474. La menace s’est d’ailleurs très rapidement

confirmée, avec la destruction intentionnelle du tombeau du prophète Jonas, à Mossoul,

le 24 juillet75. En outre, cette destruction était d’autant plus inquiétante qu’elle touchait à

un vestige devenu un important lieu de culte musulman. Si l’EI était capable de réduire

en poussière un monument lié à l’islam, il était possible de craindre le pire pour le

patrimoine archéologique irakien hérité de civilisations antiques sans rapport avec la

religion musulmane. Pourtant, malgré cette menace, le sauvetage de ce patrimoine irakien

n’a clairement jamais été une priorité de la coalition internationale venue soutenir les

autorités irakiennes dans leur lutte contre Daech.

Lorsque les premières frappes aériennes américaines se sont produites, dans le

courant du mois d’août 2014, la situation du patrimoine archéologique irakien n’appelait

pas encore un sauvetage urgent par les armes. Les assauts de Daech contre ce patrimoine

étaient, en effet, encore limités et épars. Cette situation n’avait pas beaucoup évolué non

plus lorsque les premiers Etats de la coalition internationale ont rejoint les Etats-Unis

pour des frappes aériennes supplémentaires. Ainsi, la France76, le Royaume-Uni, la

74 Cf. « The Director-General of UNESCO Irina Bokova calls on Iraqis to stand united around their cultural

heritage », communiqué de l’UNESCO du 17 juin 2014. Alors que les violences commises par l’EI en Irak

s’accroissent et se systématisent, la Directrice générale de l’UNESCO met immédiatement l’accent sur les

risques de destructions et de pillages encourus par le patrimoine culturel irakien. Ce communiqué constitue

ainsi une première étape dans la sensibilisation, par l’UNESCO, de la communauté internationale face au

sort du patrimoine archéologique menacé par Daech. 75 Cf. « Isis militants blow up Jonah’s tomb », theguardian.com, 24 juillet 2014 ; « La Directrice générale

de l’UNESCO appelle à cesser la destruction intentionnelle du patrimoine religieux et culturel en Irak »,

communiqué de l’UNESCO du 28 juillet 2014. 76 La France effectue ses premières frappes aériennes en Irak le 19 septembre 2014, comme rapporté sur le

site du Ministère de la Défense (cf. www.defense.gouv.fr/operations/irak-syrie/actualites).

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Belgique, le Danemark77, les Pays-Bas78 ou encore le Canada79 ont rejoint la coalition et

se sont engagés militairement en Irak alors que l’essentiel du patrimoine archéologique

irakien était encore intact. Dans cette situation, il était possible d’envisager que cette

présence militaire internationale en Irak contribuerait à empêcher des destructions

supplémentaires ou des pillages de biens archéologiques. Cependant, à la place de ce

scénario, c’en est un autre, bien plus dramatique, qui a lieu. Au lieu d’une préservation

du patrimoine archéologique irakien du fait de la présence militaire de la coalition

internationale, c’est une escalade de violences contre le patrimoine qui s’est produite.

D’octobre 2014 à avril 2015, l’EI s’est livré, avec une sauvagerie sans pareil jusqu’alors,

à la destruction et au pillage organisés des biens archéologiques les plus précieux d’Irak.

Du mausolée de l’Imam Dur au site archéologique de Nimroud, en passant par le musée

de Mossoul et la cité antique d’Hatra, c’est un pan considérable des richesses

archéologiques d’Irak qui est parti en fumée ou a été dispersé sous l’effet des pillages.

Ce bilan dramatique pour le patrimoine archéologique irakien n’appelle, semble-t-il,

qu’une seule conclusion : la préservation de ce patrimoine ne figurait pas au rang des

priorités de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, y compris lorsque la

situation de celui-ci s’est avéré particulièrement critique. Etait-il pourtant si

déraisonnable, en entendant les appels incessants de la Directrice générale de l’UNESCO,

en constatant le systématisme des destructions et des pillages, d’envisager une réaction

de la part de la coalition ? Lorsque le ciblage délibéré du patrimoine archéologique par

Daech a été avéré, était-il impossible de mettre au point des opérations de repérage visant

à identifier les sites archéologiques vers lesquels l’EI avançait ? Était-il inenvisageable

d’effectuer des frappes dissuasives autour de ces sites avant qu’ils ne tombent entre les

mains des djihadistes ? Certes, un cas à part doit être fait concernant le Musée

archéologique de Mossoul. La ville étant tombée depuis le début du mois de juin 2014

entre les mains de Daech, il était impossible d’envisager, dès lors, de sauver militairement

77 Le Royaume-Uni, la Belgique et le Danemark rejoignent la coalition internationale 26 septembre 2014

et les premières frappes britanniques s’effectuent dès le 27 septembre (cf. « Irak : premières frappes

britanniques contre l’organisation EI », rfi.fr, 28 septembre 2014), suivies, quelques jours plus tard, par les

frappes belges, le 5 octobre (cf. L. Lagneau, « Les F-16 belges et néerlandais ont effectué leurs premières

frappes en Irak », opex360.com, 7 octobre 2014). 78 Les Pays-Bas mènent leurs premières frappes aériennes en Irak le 7 octobre 2014 (cf. L. Lagneau, article

en ligne préc.). 79 Le Canada effectue ses premières frappes aériennes en Irak le 2 novembre 2014 (cf. « Premières frappes

des CF-18 canadiens contre l’Etat islamique en Irak », radio-canada.ca, 3 novembre 2014 et « Les frappes

canadiennes en Irak visaient à empêcher une inondation programmée par l’EI », radio-canada.ca, 4

novembre 2014).

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les biens conservés dans le musée, en plein cœur d’une ville aussi peuplée. Aussi, le

saccage du musée, le 26 février 2015, était-il malheureusement inévitable. Que dire, en

revanche, des sites archéologiques situés à l’extérieur de villes habitées, tels que Nimroud

ou encore Hatra ? Le risque de victimes civiles étant alors quasiment nul, des frappes

ciblées visant à faire reculer les djihadistes de Daech devenaient possibles.

En fin de compte, il est difficile de véritablement parler de sauvetage armé dans le

cas du patrimoine archéologique irakien. Si, aujourd’hui, des sites vandalisés par l’EI ont

échappé aux mains des djihadistes, cette « libération » s’est uniquement opérée de

manière indirecte, à mesure que Daech reculait sous les frappes aériennes de la coalition

menées contre les bases du groupe djihadiste, combinées aux opérations militaires

irakiennes de reconquête de leur territoire. L’autorisation accordée par l’Irak aux Etats de

la coalition à intervenir militairement sur son territoire avait pourtant fait naître l’espoir

que le patrimoine archéologique bénéficierait, par ricochet, de ce soutien militaire

international. Loin de là, celui-ci n’a strictement eu aucun impact sur la préservation de

ce patrimoine. Au contraire, l’EI, comme électrisé par l’implication d’une coalition

internationale sur le territoire irakien, a multiplié les assauts barbares contre les trésors

archéologiques du pays, comme autant de provocations possibles adressées à la

communauté internationale. Partant, ce spectacle ne laissait présager rien d’autre qu’un

immobilisme identique en Syrie de la part des Etats intervenant militairement sur place.

Cependant, un retournement de situation s’est finalement produit, qui devait conduire au

sauvetage armé de Palmyre. Néanmoins, ce qui semble avoir motivé cette libération n’a

pas tant été le désir de sauver de la destruction un site archéologique millénaire, qu’une

volonté de communication sur le plan international.

B- Un sauvetage politisé du patrimoine archéologique syrien

À l’inverse du patrimoine archéologique irakien, le patrimoine archéologique syrien,

plus précisément Palmyre, a pu bénéficier d’un véritable sauvetage armé, le libérant ainsi

de la barbarie djihadiste. Toutefois, ce sauvetage, rendu possible grâce au soutien

militaire appuyé de la Russie aux forces armées syriennes, soulève des interrogations

quant à sa motivation profonde. Si cette libération a été saluée à juste titre par l’ensemble

de la communauté internationale, au premier rang de laquelle l’UNESCO, pour avoir

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sauvé de la destruction totale un site archéologique d’une valeur considérable, ses

probables motivations politiques en ternissent incontestablement l’éclat.

Si, après être restée pendant près de dix mois aux mains de l’EI, la cité antique de

Palmyre a finalement été libérée de l’emprise djihadiste par l’armée syrienne, c’est en

grande partie grâce au soutien militaire de la Russie. L’aide russe avait, en effet, été

vivement sollicitée par le président Bachar al-Assad, le 30 septembre 2015, afin de

combattre les forces de Daech80. Après le refus des Etats membres de la coalition

internationale de coopérer à cette fin avec le gouvernement syrien, le soutien russe

permettait ainsi à l’armée syrienne de jouer un rôle actif dans le combat contre l’EI. Forte

de cette invitation syrienne, la Russie a ainsi pu lancer ses premières frappes aériennes en

Syrie, dès le 30 septembre, dans le respect de la souveraineté de l’intégrité territoriale de

la Syrie. Cependant, loin de faire l’unanimité au sein de la communauté internationale,

l’implication russe en Syrie, en dehors de la coalition dirigée par les Etats-Unis, n’a pas

tardé à faire polémique. Outre les accusations de l’opposition syrienne, affirmant que les

forces militaires russes n’avaient pas ciblé des bases de Daech, mais des rebelles syriens,

les Etats-Unis ont également condamné officiellement les frappes russes pour les mêmes

motifs. La France n’a pas tardé non plus à se faire le relais de ces doutes émis au sein de

la communauté internationale à l’égard des intentions russes.

Dans un contexte où le président Bachar al-Assad continuait d’être perçu par

beaucoup d’Etats comme responsable de nombreuses exactions depuis le début de la

guerre civile en 2011, et où la Russie apparaissait désormais – à tort ou à raison –

davantage comme le soutien du régime syrien que comme un acteur de la lutte contre

Daech, il est aisé de comprendre dans quelle mesure la libération de Palmyre constituait

un formidable moyen de communication, capable d’« adoucir » l’image de ces deux

protagonistes. En témoigne, du reste, l’intense soulagement suscité dans la communauté

internationale par le sauvetage du site81. Le 27 mars 2016, l’armée syrienne reprenait ainsi

le contrôle de la cité antique, aidée activement par l’aviation russe.

80 Cf. « Syrie : Bachar el-Assad appelle à l’"aide militaire" de la Russie », lepoint.fr, 30 septembre 2015. 81 Cf. G. Novello, « Palmyre : l’UNESCO "salue la libération" de la ville par le régime syrien »,

20minutes.fr, 24 mars 2016.

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Un tel sauvetage, qui a malheureusement fait défaut en Irak, doit bien évidemment

être salué. Quelles qu’aient été les motivations syriennes et russes, il a, en effet, permis

d’éviter que ne soit à jamais perdu un joyau archéologique, certes mutilé, mais encore

debout. Cependant, le sérieux doute qui existe quant aux raisons profondes qui ont poussé

l’armée syrienne, aidée des Russes, à redoubler d’effort pour libérer Palmyre peut

inquiéter. Faut-il, en effet, en déduire que le sauvetage d’un patrimoine archéologique ne

mérite de faire l’objet d’opérations militaires que lorsqu’il existe un enjeu politique à un

tel sauvetage ? S’il est impossible d’affirmer que les motivations russes et syriennes ont

été purement politiques, l’impact favorable qu’a eu, pour ces deux Etats, la libération d’un

site archéologique mondialement connu est incontestable. Or, dans un contexte où

l’attitude de ces deux acteurs était publiquement condamnée par une partie de la

communauté internationale, l’enjeu politique de la libération de Palmyre ne semble ainsi

faire aucun doute. Un tel enjeu a donc nécessairement dû peser, à un moment où à un

autre, dans la volonté du régime syrien d’œuvrer avec la Russie au sauvetage de Palmyre.

Or, le simple fait que des considérations politiques aient eu une influence, plus ou moins

grande, dans la décision de procéder à un tel sauvetage traduit le caractère secondaire de

celui-ci dans la lutte contre Daech.

*

Toute intervention militaire sur le territoire d’un Etat étranger est susceptible de

soulever des difficultés juridiques au regard de l’obligation de respecter la souveraineté

et l’intégrité territoriale de l’Etat en cause, pour peu que celui-ci ne donne pas son accord

à une telle intervention. La question de l’intervention d’une coalition armée internationale

en Irak et en Syrie n’a pas échappé à ces questions. Cependant, ces difficultés ont pu être

dépassées, dans le cas irakien, grâce au consentement du gouvernement, et, dans le cas

syrien, au moyen d’aménagements juridiques sur lesquels s’est fondée la coalition

internationale dirigée par les Etats-Unis, en dépit de l’absence de consentement de la

Syrie.

Le dépassement de ces difficultés juridiques aurait pu sonner la fin des menaces

pesant sur les patrimoines archéologiques irakien et syrien, dans la mesure où l’EI ne

contrôlait que très peu de sites archéologiques au moment de l’implication de la coalition

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dans le conflit. Aussi est-il difficile aujourd’hui de faire le bilan des destructions et

pillages commis par Daech sur ses deux territoires sans ressentir le goût amer du

désintérêt flagrant des Etats de la coalition pour le sauvetage de ces patrimoines au cours

de leurs interventions militaires sur place.

L’implication de la Russie en Syrie, à la demande du gouvernement syrien, a eu au

moins le mérite de conduire à la libération de la cité antique de Palmyre avant que celle-

ci ne parte en poussière sous les assauts de l’EI. Cependant, là encore, le sauvetage du

patrimoine archéologique ne semble pas avoir été complètement au centre des

préoccupations russes et syriennes, dans la mesure où des facteurs politiques ont très

certainement pesé sur le choix de procéder à la libération du site.

Le droit international offrait ainsi les moyens de sauver militairement les patrimoines

archéologiques irakien et syrien, même si une telle entreprise aurait parfois nécessité des

aménagements juridiques subtils, mais possibles, essentiellement dans le cas syrien. Or,

si les Etats de la coalition internationale n’ont pas hésité à recourir à ces aménagements

pour intervenir militairement en Syrie, aucun de ces moyens juridiques disponibles n’a

été mobilisé à la faveur du sauvetage des patrimoines archéologiques irakien et syrien,

conduisant ainsi la communauté internationale à assister pendant plusieurs mois au

spectacle de la sauvagerie de l’EI vis-à-vis de biens archéologiques d’une valeur

inestimable.

Il faut désormais espérer que les Etats s’impliqueront davantage dans la lutte urgente

contre le trafic illicite de biens archéologiques issus du pillage des patrimoines irakien et

syrien, en mobilisant pour cela tous les outils mis à leur disposition par le droit

international.

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Chapitre 2

Le droit international face à l’urgence de la lutte contre le trafic illicite de biens

issu du pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie

À côté des destructions, le trafic illicite de biens culturels constitue la deuxième

grande menace pesant sur le patrimoine archéologique. Nourri par les vols et les

exportations illicites de biens culturels, ce trafic s’est largement développé à travers le

monde, tout particulièrement depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970,

pour ce qui est du trafic illicite de biens archéologiques. Dans ce contexte, les principaux

Etats victimes du trafic sont les Etats « du Sud », dont le patrimoine culturel, et

notamment archéologique, recèle de nombreuses richesses, faisant de ces pays les

principaux Etats dits « exportateurs » dans le cadre du trafic de biens culturels. Les biens

culturels de ce trafic s’acheminent alors vers des Etats dits « importateurs », qui

constituent les principaux acteurs du marché de l’art sont généralement des Etats « du

Nord ». En suivant ce schéma, le trafic de biens culturels s’est ainsi affirmé comme un

filon lucratif particulièrement séduisant au sein du milieu criminel, notamment en raison

des facilités pratiques que présentent le vol et le transport de tels objets de valeur82. En

2012, INTERPOL estimait que le trafic de biens culturels se situait au troisième rang de

la criminalité internationale, après le trafic de drogues et le trafic d’armes83.

82 V. en ce sens, K. Mita, « Art Crimes and International Security », US-Japan Research Institute (USJI),

CSPC International President Fellows Program, 2014-2015, p. 8, disponible sur le site www.us-jpri.org.

Selon l’auteur : “Many artworks are seen to be suitable targets for theft, as they are small enough to

conceal, easy to transport, and valuable”. 83 Cf. M. Boilat, Trafic illicite de biens culturels et coopération judiciaire internationale en matière pénale,

Genève, Schultess, 2012, p. 5. L’auteur précise qu’elle a obtenu ce chiffre à partir d’une base de données

d’INTERPOL d’accès limité. Il n’a pas été possible, dans le cadre de la présente étude, de consulter cette

base de données pour déterminer le rang actuel du trafic de biens culturels au sein de la criminalité

internationale. Toutefois, sans disposer des chiffres exacts, il est possible de penser que le trafic illicite de

biens culturels n’a sans doute pas perdu son rang d’importance dans la criminalité internationale, au

contraire, compte tenu des propos du Secrétaire Général d’INTERPOL, M. Jürgen Stock, lors de l’ouverture

du neuvième Colloque international sur le vol et le trafic illicite d’objets d’art, de biens culturels et d’objets

anciens, le 11 mars 2015. À cette occasion, le Secrétaire Général a, en effet, déclaré : « Le marché noir des

objets d’art devient aussi lucratif que ceux de la drogue, des armes et des produits de contrefaçon, les objets

anciens représentant eux aussi une importante source potentielle de profits pour les groupes terroristes ».

Propos rapportés dans un communiqué d’INTERPOL du 11 mars 2015, « Une réunion internationale visant

à améliorer la protection du patrimoine culturel se tient au siège d’INTERPOL », disponible sur le site de

l’Organisation, www.interpol.int.

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Au sein de ce trafic, les biens archéologiques sont particulièrement touchés,

notamment en période de conflit armé. Les sites archéologiques sont ainsi des victimes

privilégiées des pillages, sur des territoires où leur protection est sérieusement

compromise par le conflit. Ces sites ne sont, hélas, pas les seules cibles des vols, puisque

les musées font également souvent les frais des conflits armés, dans les villes où l’ordre

social pâtit du contexte, laissant libre court au pillage. En 2003, l’Irak a donné un tragique

exemple de ces pratiques, puisqu’au lendemain de l’invasion américaine, le Musée

national de Bagdad a subi les assauts des pilleurs, après avoir été touché par des

bombardements84. Plus récemment, la guerre civile syrienne qui a éclaté en 2011 a été, à

son tour, le théâtre de pillages de plusieurs sites archéologiques85. L’un des plus touchés

est sans doute celui de la cité antique d’Apamée, fondée vers 300 av. J.-C. et inscrite sur

la Liste du Patrimoine mondial de l’humanité en 1999. En moins d’un an, de juillet 2011

à avril 2012, ce site du nord-ouest de la Syrie a été ravagé par des fouilles illicites86.

Avec l’avènement de l’EI et son expansion territoriale en Irak et en Syrie, le trafic

illicite de biens archéologiques en période de conflit armé a pris des proportions sans

doute jamais atteintes jusqu’alors, en termes d’organisation des pillages et du trafic des

biens ainsi volés. Le groupe terroriste n’a, en effet, pas manqué de déceler, dans un tel

trafic, un important mode de financement de ses activités, a fortiori dans deux Etats aussi

riches en sites archéologiques et en musées que l’Irak et la Syrie. Ainsi, à côté des

destructions spectaculaires perpétrées et mises en scène par les djihadistes à l’encontre

des patrimoines archéologiques syrien et irakien, Daech n’a pas oublié de tenir compte

des impératifs plus pragmatiques de son fonctionnement, au premier rang desquels son

financement.

S’il est difficile, voire même impossible, de connaître avec précision le montant des

revenus de l’EI générés par le trafic illicite de biens archéologiques87, l’examen

d’ordinateurs de Daech découverts par des officiers du renseignement irakien en juin

84 En ce sens, v. M. Boilat, op. cit., p. 7 et K. Mita, rapport préc., p. 9. 85 Pour un bilan global de la situation en Syrie, en termes de trafic illicite, au début de l’année 2013, v.

Regional Training on Syrian Cultural Heritage: Addressing the Issue of Illicit Trafficking. Final Report and

Recommendations, UNESCO, Amman, 10-13 février 2013, pp. 6-9. 86 Les traces laissées par les fouilles illicites réalisées sur le site sont clairement visibles sur une image prise

par Google Earth en avril 2012, qui tranche violemment avec une image du même site datant de juillet

2011. En 2012, le site apparaît parsemé de trous creusés par les pilleurs. Pour une analyse de ces images,

v. H. Pringle, « ISIS Cashing in on Looted Antiquities to Fuel Iraq Insurgency », nationalgeographic.com,

27 juin 2014. 87 En ce sens, v. le rapport du GAFI de février 2015, Financing of the Terrorist Organisation Islamic State

in Iraq and the Levant (ISIL), par. 1.5 « Cultural Artefacts », pp. 16-17.

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2014, peu avant la prise de Mossoul par le groupe terroriste, a révélé les différentes

sources du financement du réseau djihadiste88. Cette découverte a ainsi permis de prendre

conscience de l’importance du trafic illicite de biens archéologiques parmi ces sources de

financement. À titre d’exemple, les pillages perpétrés par l’EI en Syrie dans la seule

région d’al-Nabuk, auraient rapporté au groupe terroriste près de 36 millions de dollars89.

Il convient de noter que, parmi les pillages alimentant le trafic illicite perpétré par

Daech, ceux résultant de fouilles illicites obéissent à une organisation assez particulière.

Plutôt que de mobiliser ses propres « soldats » pour réaliser ces fouilles, l’EI a mis en

place un système de « licences ». Accordés à des habitants ou à des équipes de semi-

professionnels, ces documents autorisent ces derniers à effectuer eux-mêmes les

fouilles90. Un pourcentage de la valeur des biens archéologiques ainsi découverts est

ensuite reversé à Daech, sous la forme d’une taxe, dont le taux peut varier

considérablement selon le type de biens mis à jour et la région concernée91.

Enfin, l’EI aurait également augmenté ses revenus liés au trafic illicite de biens

archéologiques en faisant payer une taxe aux trafiquants désireux de transporter des biens

archéologiques volés à travers des territoires contrôlés par le groupe terroriste92.

Qu’ils touchent des sites archéologiques ou des musées, les pillages perpétrés sous

l’égide de Daech ne constituent que la première étape d’un trafic illicite qui pourrait

conduire à une dispersion massive des patrimoines archéologiques irakien et syrien à

travers le monde. Une fois volés, ces biens sont, en effet, destinés à alimenter un trafic

international rendu possible par leur exportation illicite hors de leurs pays d’origine93, à

88 Cf. M. Chulov, « How an arrest in Iraq revealed ISIS’s $2 bn jihadist network », theguardian.com, 15

juin 2014. 89 Ibid. 90 A. AL-AZM, S. AL-KUNTAR et B.I. DANIELS, « ISIS’s Antiquities Sideline », nytimes.com, 2

septembre 2014. 91 Ibid. L’article donne quelques exemples de taux de la taxe prélevée sur les biens archéologiques obtenus

dans le cadre de fouilles illicites dans différentes régions de Syrie. Pour une confirmation de cette pratique,

v. Rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’Etat islamique d’Irak et du Levant (Daech)

pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action de l’Organisation des Nations Unies pour aider les

Etats membres à contrer cette menace, 29 janvier 2016, par. 21. 92 Cf. S. Frenkel, « How ISIS Became the Richest Terrorist Group in the World », buzzfeed.com, 28 août

2014. 93 Il faut ici préciser qu’en règle générale, le trafic illicite de biens culturels n’implique pas nécessairement

le vol de biens culturels. Le trafic peut, en effet, résulter de la seule exportation illicite d’un bien culturel,

c’est-à-dire sans que soient respectées les conditions posées par la législation du pays d’origine à la sortie,

de son territoire, de biens culturels (en ce sens, v. M. Boilat, op. cit., pp. 11-13). Toutefois, lorsque des

biens culturels sont volés, comme c’est le cas dans la présente espèce, leur exportation, en vue d’alimenter

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destination des Etats qui constituent les principaux acteurs du marché de l’art, c’est-à-

dire essentiellement l’Europe et les Etats-Unis. Dès lors, la solution d’urgence qui

s’impose consiste à déployer tous les moyens possibles pour identifier et intercepter ces

biens avant qu’ils ne soient vendus sur le marché de l’art. Or, un examen du droit

international révèle les bases juridiques de cette lutte urgente contre la dispersion de biens

archéologiques irakiens et syriens due au trafic illicite (SECTION I). L’identification de

ces fondements permet de s’atteler ensuite à l’analyse et à l’appréciation des traductions

techniques des règles de droit international permettant d’endiguer le trafic illicite de biens

archéologiques irakiens et syriens (SECTION II).

SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE LUTTE URGENTE CONTRE LA

DISPERSION DE BIENS ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS DUE AU

TRAFIC ILLICITE

Pour envisager une lutte efficace, sur le plan international, contre la dispersion des

patrimoines archéologiques irakien et syrien, et ainsi endiguer à sa source le trafic illicite

des biens issus de ces patrimoines, il faut avant tout rechercher dans le droit international

les outils de cette lutte. Cette recherche dévoile ainsi des bases conventionnelles

incontournables (§1), auxquelles est venu s’ajouter l’apport conséquent du Conseil de

sécurité dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (§2).

§1. Des bases conventionnelles incontournables

De même que la Convention de La Haye de 1954, pourtant fer de lance de la

protection des biens culturels en cas de conflit armé, a montré sa relative impuissance

face aux destructions massives et délibérées perpétrées à l’encontre des patrimoines

archéologiques irakien et syrien94, son Protocole de 1954, axé sur les questions

d’exportation de biens culturels depuis un territoire occupé, s’avère globalement

insuffisant dans la lutte contre le trafic illicite touchant ces mêmes patrimoines95. Aussi,

face à l’urgente nécessité de développer des moyens capables d’empêcher la dispersion

de ces patrimoines archéologiques, est-il nécessaire de rechercher ces moyens dans

un trafic illicite, est logiquement illicite (en ce sens, v. G. Carducci, La restitution internationale des biens

culturels et des objets d’art volés ou illicitement exportés, Paris, LGDJ, 1997, p. 189). 94 Cf. supra, p. 14-15. 95 Cf. supra, pp. 16-19.

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d’autres bases conventionnelles. À cet égard, il apparaît que les textes pertinents en la

matière ne s’articulent pas, à l’inverse de la Convention de 1954 et de son Protocole,

autour du seul contexte du conflit armé. Qu’elles traitent de la question spécifique du

trafic de biens culturels ou de la protection à offrir aux biens qui constituent des richesses

particulières pour l’humanité, deux conventions peuvent être ici mises en avant pour

fonder une action internationale de lutte contre la dispersion des biens archéologiques

volés en Syrie et en Irak. Il est ainsi possible de souligner le rôle décisif de la Convention

de l’UNESCO de 1970 (A), de même que le rôle non négligeable de la Convention de

l’UNESCO de 1972 (B).

A- Le rôle décisif de la Convention de l’UNESCO de 1970

Adoptée le 14 novembre 197096, sous l’égide de l’UNESCO, la Convention

concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation

et le transfert de propriété illicites des biens culturels constitue un premier pas

fondamental dans la lutte contre le trafic illicite de ces biens à l’échelle internationale.

Elle s’est, à ce titre, imposée comme l’affirmation conventionnelle de principes dégagés,

quelques années auparavant, dans une recommandation éponyme de l’UNESCO, adoptée

le 19 novembre 1964.

La Convention de 1970 est le résultat de préoccupations partagées par un très grand

nombre d’Etats face à une recrudescence des pillages de biens culturels alimentant un

trafic illicite en expansion. Réunissant aujourd’hui 131 Etats parties, parmi lesquels des

pays dont la richesse du patrimoine culturel en fait des victimes du trafic, mais aussi les

principaux Etats du marché de l’art, la Convention est un remarquable exemple de

coopération internationale en vue de la réalisation de principes et d’objectifs communs.

L’Irak et la Syrie comptent ainsi parmi ces parties, les deux Etats ayant accepté la

Convention respectivement le 12 février 1973 et le 21 février 1975.

Si l’objectif final des principes posés par la Convention est de permettre la restitution

de biens culturels volés, plusieurs articles décrivent également des moyens de prévenir

l’expansion du trafic illicite. Ces moyens sont autant de mesures qu’il est aujourd’hui

96 Et entrée en vigueur le 24 avril 1972.

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nécessaire de mettre en œuvre ou de renforcer en vue de permettre l’identification et

l’interception des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie avant qu’ils n’alimentent

plus avant le trafic illicite engendré par l’EI. La Convention s’avère, en effet,

particulièrement pertinente en l’espèce, en ce qu’elle prévoit plusieurs mesures de

protection adéquates pour faire face aux principaux actes illicites identifiés (a), tout en

s’intéressant également au cas particulier des biens culturels provenant de territoires

occupés ou mis en danger par les pillages (b).

(a) Des mesures de protection adéquates pour faire face aux principaux

actes illicites identifiés

Sans distinguer entre le temps de guerre et le temps de paix, la Convention identifie

quels sont, d’une manière générale, les actes illicites contre lesquels il convient de lutter,

pour mieux dégager, ensuite, les mesures adéquates à adopter en vue de cette lutte. Cette

approche de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, développée dans plusieurs

articles de la Convention, est tout d’abord résumée, à titre d’introduction, dans l’article

2, aux termes duquel :

« 1. Les Etats parties à la présente Convention reconnaissent que l’importation, l’exportation et le transfert de

propriété illicites des biens culturels constituent l’une des causes principales de l’appauvrissement du patrimoine

culturel des pays d’origine de ces biens, et qu’une collaboration internationale constitue l’un des moyens les plus

efficaces de protéger leurs biens culturels respectifs contre tous les dangers qui en sont les conséquences.

2. A cette fin, les Etats parties s’engagent à combattre ces pratiques par les moyens dont ils disposent, notamment

en supprimant leurs causes, en arrêtant leur cours et en aidant à effectuer les réparations qui s’imposent ».

Cet article énonce, en quelque sorte, les deux principes fondamentaux de la

Convention de 1970, qui consistent non seulement en une identification des actes devant

être déclarés illicites en raison des atteintes qu’ils portent aux patrimoines culturels, mais

également en une obligation, pour les Etats parties, de combattre ces actes97.

97 En ce sens, v. les Directives opérationnelles pour la mise en œuvre de la Convention concernant les

mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites

des biens culturels, adoptées lors de la troisième Réunion des Etats parties à la Convention de 1970, qui

s’est tenue à Paris du 28 au 30 mai 2015, par. 13.

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En écho au premier volet de l’article 2, ainsi qu’à l’intitulé même de la Convention,

l’article 3 identifie ainsi les principaux actes qui alimentent le trafic de biens culturels et

doivent donc, à ce titre, être considérés comme illicites :

« Sont illicites l’importation, l’exportation et le transfert de propriété de biens culturels, effectués contrairement

aux dispositions prises par les Etats parties en vertu de la présente Convention ».

Aux termes de cette disposition, sont donc considérés comme illicites les transferts

de propriété de biens culturels, ainsi que les exportations et importations qui

accompagnent généralement ces vols dans le cadre d’un trafic international, qui sont

effectuées en violation des législations nationales des Etats parties98. Autrement dit, dès

lors que des biens culturels, et donc des biens archéologiques99, ont été volés sur le

territoire d’un Etat, en l’espèce l’Irak et la Syrie, il incombe logiquement aux Etats parties

de combattre les exportations et importations qui alimentent ensuite le trafic illicite de ces

biens volés « par les moyens dont ils disposent, notamment en en supprimant leurs causes,

en arrêtant leur cours », comme le prévoit le second volet de l’article 2. Parmi les mesures

visant à lutter contre les actes illicites identifiés dans l’article 3, les plus fondamentales

découlent des articles 6 et 7 de la Convention, respectivement axés sur l’exportation et

l’importation de biens culturels.

L’article 6, paragraphe a expose la principale mesure à mettre en œuvre en vue de

combattre l’exportation illicite de biens culturels volés, en imposant aux Etats parties à la

Convention d’« instituer un certificat approprié par lequel l’Etat exportateur spécifierait

que l’exportation du ou des biens culturels visés est autorisée par lui, ce certificat devant

accompagner le ou les biens régulièrement exportés ». De cette obligation découle

logiquement une seconde, exposée au paragraphe b de l’article 6, à savoir l’obligation,

pour les Etats parties, d’« interdire la sortie de leur territoire des biens culturels non

accompagnés du certificat d’exportation » présenté au paragraphe précédent. Dans le cas

de l’Irak et de la Syrie, si tous deux sont parties à la Convention et donc tenus par cette

obligation, il est raisonnablement possible de penser que la présence de Daech sur ces

deux territoires ainsi que le conflit armé découlant de l’expansion territoriale du groupe

98 Sans entrer dans le détail de développements qui ne sont pas véritablement pertinents dans le présent

paragraphe, il convient toutefois de noter, dès à présent, que cette définition de l’illicéité en fonction des

législations nationales des Etats parties constitue sans doute la principale particularité de la Convention de

1970, faisant ainsi dépendre de ces législations le succès ou l’échec de la Convention. 99 Cf. art. 1er de la Convention. Sur ce point, v. supra, p. 4, note 14.

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terroriste ont dû sérieusement compromettre ce contrôle à l’exportation imposé par la

Convention. De nombreux biens archéologiques volés ont donc très certainement quitté

les territoires irakien et syrien sans recevoir de certificat, et sans que l’absence d’un tel

document ne puisse véritablement empêcher l’exportation de ces biens. Toutefois, les

principes posés à l’article 6, dans ses paragraphes a et b, ne sont pas pour autant dénués

de pertinence dans la lutte urgente contre la dispersion des patrimoines archéologiques

irakien et syrien. En effet, ces obligations posées à la charge de l’Etat exportateur n’ont

pas vocation à s’appliquer seulement vis-à-vis de l’Etat d’origine de ces biens, mais vis-

à-vis de tout Etat partie sur le territoire duquel se trouvent des biens culturels volés sur le

territoire d’un autre Etat. L’obligation de délivrer un certificat d’exportation posée à

l’article 6, paragraphe a induit, logiquement, qu’un Etat partie à la Convention devrait

interdire l’exportation depuis son territoire de tout bien culturel dépourvu d’un tel

certificat100. De même, aux termes du paragraphe b de l’article 6, un Etat sur le territoire

duquel sont parvenus à entrer des biens culturels pourtant dépourvus d’un certificat

d’exportation du pays d’origine devrait logiquement interdire la sortie de son territoire de

tels biens, quand bien même ils auraient reçu à leur entrée un certificat d’importation101.

Le respect de l’obligation d’établir un certificat d’exportation, prévue à l’article 6 de la

Convention, est donc essentiel afin d’exercer un contrôle efficace de l’origine des biens

archéologiques irakiens et syriens circulant dans le monde et ainsi éviter la dispersion de

ceux de ces biens qui ont été pillés par l’EI.

Si les mesures prévues par la Convention au moment de l’exportation de biens

culturels ont des incidences sur le contrôle de l’importation, l’article 7 traite néanmoins

d’aspects spécifiquement liés à l’importation de biens culturels ainsi qu’aux suites d’une

telle importation.

Pour ce qui est de l’importation même de biens culturels, l’article 7, paragraphe b (i)

impose aux Etats d’« interdire l’importation des biens culturels volés dans un musée ou

un monument public civil ou religieux, ou une institution similaire, situés sur le territoire

d’un autre Etat partie à la présente Convention après l’entrée en vigueur de celle-ci à

l’égard des Etats en question, à condition qu’il soit prouvé que ce ou ces biens font partie

100 En ce sens, v. les Directives opérationnelles… préc., par. 57 et 58. 101 Ibid., par. 57. Il est notamment précisé, dans ce paragraphe, que « [l]a détention d'un certificat

d'importation sans le certificat d'exportation correspondant ne devrait pas être considérée comme une

preuve de bonne foi ou comme un titre de propriété ».

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de l’inventaire de cette institution ». Si cette disposition vise exclusivement les biens

culturels volés et non pas, plus généralement, les biens culturels dépourvus du certificat

d’exportation prévu à l’article 6, il va sans dite que l’absence, à l’importation, d’un tel

certificat est un sérieux indice quant à l’origine douteuse des biens culturels contrôlés à

l’importation102. Cependant, indépendamment de la présence ou de l’absence d’un tel

certificat – que certains trafiquants n’hésitent pas à falsifier103 – l’article impose la

vérification d’une garantie supplémentaire de l’origine d’un bien culturel, en établissant

que l’interdiction de l’importation d’un tel bien peut découler du constat que le bien en

cause figure dans l’inventaire d’« un musée ou un monument public civil ou religieux, ou

une institution similaire, situés sur le territoire d’un autre Etat partie ». Cette disposition

s’avère ainsi particulièrement pertinente en vue d’empêcher l’importation, sur le territoire

d’un Etat partie à la Convention, de biens archéologiques pillés notamment dans des

musées irakiens et syriens, tels que le Musée de Mossoul en Irak, ou encore celui de

Palmyre en Syrie.

Dans l’hypothèse où des biens culturels à l’origine douteuse seraient entrés sur le

territoire d’un Etat partie, le paragraphe a de l’article 7 offre une occasion supplémentaire

d’intercepter de tels biens, en imposant aux Etats parties de « prendre toutes les mesures

nécessaires, conformes à la législation nationale, pour empêcher l’acquisition, par les

musées et autres institutions similaires situés sur leur territoire, de biens culturels en

provenance d’un autre Etat partie, biens qui auraient été exportés illicitement après

l’entrée en vigueur de la Convention ». Une fois encore, une vigilance particulière à

l’égard du certificat d’exportation devant accompagner tout bien culturel est un moyen

privilégié d’identifier ceux de ces biens qui auraient été exportés illicitement depuis le

territoire d’un Etat partie.

Les articles 3, 6 et 7 de la Convention de 1970 offrent à eux seuls un cadre général

de protection particulièrement fourni des biens culturels dans la lutte contre le trafic

illicite. Les obligations posées en matière de contrôle à l’exportation et à l’importation

ont un rôle crucial à jouer dans l’identification et l’interception des biens archéologiques

irakiens et syriens pillés par Daech. Toutefois, la Convention recèle d’autres dispositions

102 En ce sens, v. les Directives opérationnelles… préc., par. 63. 103 En ce sens, v. le communiqué « ALERTE ESCROQUERIE : Faux certificats d’authenticité et faux

"laissez-passer ICOM-UNESCO" », été 2015, disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org.

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indispensables dans la lutte contre le trafic illicite touchant les patrimoines

archéologiques irakien et syrien. Ces dispositions concernent des hypothèses plus

spécifiques qui concernent directement les situations irakienne et syrienne, en ce qu’elles

touchent au cas particulier des biens culturels provenant de territoires occupés ou mis en

danger par des pillages.

(b) Le cas particulier des biens culturels provenant de territoires occupés

ou mis en danger par des pillages

Si les principes fondamentaux de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels

exposés dans la Convention ne distinguent pas entre le temps de paix et le temps de guerre

et visent les vols de biens culturels d’une manière générale, deux autres dispositions de

la Convention s’avèrent d’autant plus pertinentes dans le combat contre la dispersion des

patrimoines archéologiques irakien et syrien qu’elles touchent des situations plus

spécifiques qui concernent directement les atteintes portées aux patrimoines de ces deux

pays. En effet, l’une touche au sort des biens culturels provenant d’un territoire occupé,

tandis que l’autre s’intéresse spécifiquement à la question des pillages de sites

archéologiques.

Alors que l’article 3 de la Convention s’attache à l’illicéité de l’importation, de

l’exportation et du transfert de propriété de biens culturels d’une manière générale,

l’article 11 traite plus spécifiquement de l’illicéité de l’exportation et du transfert de

propriété, mais dans l’hypothèse où ces actes s’inscrivent dans un contexte d’occupation

d’un pays. L’article dispose ainsi :

« Sont considérés comme illicites l’exportation et le transfert de propriété forcés de biens culturels résultant

directement ou indirectement de l’occupation d’un pays par une puissance étrangère ».

Pour ce qui est de la notion d’occupation, il convient tout de suite de souligner la

particularité de l’occupation qui existe sur une partie des territoires de l’Irak et de la Syrie

par Daech. En effet, l’article 11 vise l’occupation d’un pays « par une puissance

étrangère », ce qui semble logiquement viser une puissance étatique, alors que l’EI n’est

pas un Etat, mais un groupe terroriste. Néanmoins, l’importance territoriale de cette

« occupation » ainsi que l’ampleur prise par l’organisation terroriste aussi bien en termes

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de moyens qu’en termes d’effectifs, du moins jusqu’à une période récente, pourrait

raisonnablement fonder la pertinence de cet article dans le contexte irako-syrien, au prix

d’une interprétation légèrement assouplie. Cet assouplissement serait d’autant plus

souhaitable que l’article 11 constitue un complément important de l’article 3 de la

Convention, mais également du Protocole de La Haye de 1954. En effet, contrairement à

l’article 3, qui conditionne l’illicéité de l’importation, de l’exportation et du transfert de

propriété de biens culturels à la violation des législations nationales des Etats parties,

l’article 11 fait résulter l’illicéité de l’exportation et du transfert de propriété forcés de

biens culturels de la seule occupation. Autrement dit, les variations dans les législations

nationales d’un Etat partie à l’autre quant à la protection à accorder aux biens culturels ne

sont pas susceptibles d’affecter le caractère illicite de l’exportation et du transfert de

propriété forcés d’un bien culturel, dès lors que cette exportation et ce transfert de

propriété résultent « directement ou indirectement de l’occupation d’un pays ». En toute

hypothèse, dès lors que sont remplies les conditions de l’article 11, les Etats parties ont

l’obligation de condamner comme illicites, dans leurs législations respectives, les

exportations et transferts de propriété en question. En outre, l’article 11 complète ainsi le

Protocole de La Haye de 1954, globalement très insuffisant dans le cas de l’Irak et de La

Syrie, puisque centré essentiellement sur les obligations de la puissance occupante vis-à-

vis de l’exportation des biens culturels situés sur le territoire occupé par elle104. En

l’espèce, l’article 11 se montre plus pertinent en ce qu’il impose à tout Etat partie à la

Convention l’obligation d’interdire l’exportation de tout bien culturel provenant d’un

territoire occupé105.

Sur la base de cette interdiction renforcée exposée dans l’article 11 de la Convention,

il est raisonnablement possible d’attendre des Etats parties, au titre des principes

fondamentaux exposés à l’article 2, qu’ils « s’engagent à combattre ces pratiques par les

moyens dont ils disposent ». Toutefois, contrairement à l’article 3 dont la mise en œuvre

est notamment précisée au travers des articles 6 et 7, l’article 11 n’est suivi d’aucune

précision particulière quant à sa mise en œuvre. Il n’est donc pas déraisonnable de penser

que les mêmes mesures liées au contrôle de l’exportation et de l’importation des biens

culturels prévues dans le cadre de l’article 3 doivent être mises en place dans l’hypothèse

visée par l’article 11106. Ainsi, l’application de cet article au cas des patrimoines

104 Cf. supra, pp. 16-19. 105 En ce sens, v. J. Toman, op. cit., p. 388. 106 Ibid., p. 391.

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archéologiques irakien et syrien conduirait à une application plus systématique des

mesures de protection prévues dans le sillage de l’article 3.

Il faut également s’intéresser à une autre disposition de la Convention, en ce qu’elle

vise plus spécifiquement les pillages archéologiques, qui ont tout particulièrement touché

les patrimoines archéologiques irakien et syrien.

Alors que l’article 7, paragraphe b (i) vise, d’une manière générale, les biens volés

dans des musées ou autres institutions similaires, l’article 9 de la Convention s’intéresse,

en effet, à un autre moteur du trafic illicite de biens culturels, à savoir les pillages de sites

archéologiques. À cette fin, il dispose :

« Tout Etat partie à la présente Convention et dont le patrimoine culturel est mis en danger par certains pillages

archéologiques ou ethnologiques peut faire appel aux Etats qui sont concernés. Les Etats parties à la présente

Convention s’engagent à participer à toute opération internationale concertée dans ces circonstances, en vue de

déterminer et d’appliquer les mesures concrètes nécessaires, y compris le contrôle de l’exportation, de

l’importation et du commerce international des biens culturels spécifiques concernés. En attendant un accord

chaque Etat prendra, dans la mesure du possible, des dispositions provisoires pour prévenir un dommage

irrémédiable au patrimoine culturel de l’Etat demandeur ».

Cet article est d’autant plus pertinent dans la lutte contre la dispersion des patrimoines

archéologiques irakien et syrien qu’il répond à l’impératif d’urgence qu’implique cette

lutte en vue d’endiguer le plus rapidement possible le trafic illicite de biens

archéologiques pillés. Prenant en compte les conséquences dramatiques des pillages

archéologiques pour le patrimoine d’un Etat, l’article 9 de la Convention prévoit ainsi un

mécanisme de coopération renforcée entre les Etats parties, avec l’obligation pour chacun

d’entre eux de « participer à toute opération internationale concertée dans ces

circonstances, en vue de déterminer et d’appliquer les mesures concrètes nécessaires ». À

titre d’exemple, l’article mentionne « le contrôle de l’exportation, de l’importation et du

commerce international de biens culturels », rappelant ainsi les mesures prévues, d’une

manière générale, par les articles 6 et 7.

La coopération internationale développée dans l’article 9 est, en principe, initiée par

l’Etat victime de tels pillages, qui sollicite les Etats les plus susceptibles de voir transiter

les biens archéologiques pillés ou d’être le lieu de leur vente illicite. Dans le cas de la

Syrie, les pillages et fouilles illicites perpétrés dans de nombreux sites archéologiques

depuis l’éclatement de la guerre civile en 2011 ont poussé la Direction générale des

antiquités et des musées (DGAM) syrienne à adresser un appel à l’aide à la communauté

internationale dès 2013, comme l’a rappelé le Directeur général de cette institution,

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Maamoun Abdulkarim, dans une déclaration du 21 juillet 2014107. Il va sans dire que cette

demande syrienne est devenue d’autant plus urgente avec le développement de Daech

dans le pays et la multiplication des pillages perpétrés sous son contrôle. Un appel

similaire a été effectué par les autorités irakiennes, en 2014, dans le contexte des pillages

archéologiques perpétrés par l’EI. Toutefois, l’appel a, cette fois-ci, été directement

adressé à l’UNESCO108. En effet, comme le précisent les Directives opérationnelles pour

la mise en œuvre de la Convention de 1970, l’« UNESCO et tous les partenaires

coopérants concernés peuvent également contribuer, si la même demande [que celle

pouvant être adressée aux Etats concernés] leur est présentée, à ces opérations

internationales concertées »109.

L’appel adressé à la communauté internationale par l’Irak et la Syrie en vue d’aider

à combattre le trafic illicite des biens archéologiques pillés sur leur territoire respectif

révèle l’importance cruciale de l’article 9 de la Convention de 1970 en vue de mettre en

place une lutte efficace et urgente contre la dispersion des patrimoines archéologiques de

ces deux pays. C’est d’ailleurs cette dimension d’urgence qu’impliquent des pillages

archéologiques qui explique sans doute que l’article 9 donne aux Etats parties les moyens

d’une coopération internationale renforcée. À cette fin, le dispositif de l’article permet la

conclusion d’accords bilatéraux entre Etats victimes et Etats concernés par le trafic en

vue de définir le cadre de la coopération entre ces Etats110, mais également afin de mettre

en place des mesures concrètes particulières111. Toutefois, l’urgence de la situation fonde

l’ultime précision de l’article, aux termes de laquelle « [e]n attendant un accord, chaque

Etat concerné prendra, dans la mesure du possible, des dispositions provisoires pour

107 M. Abdulkarim, « Statement by the Directorate General of Antiquities and Museums (DGAM). Syrian

Cultural Heritage. Three and a Half Years of Suffering », Damas, 21 juillet 2014, disponible sur le site

internet de l’UNESCO, dans la rubrique « Sauvegarder le patrimoine culturel syrien »,

www.unesco.org/new/fr/safeguarding-syrian-cultural-heritage. Le Directeur général commence sa

déclaration par : “A year has passed since we last sent an international call out to all those concerned with

defending Syria's heritage”. Les mots choisis dans cette déclaration reprennent clairement ceux de l’article

9 de la Convention de 1970. 108 En ce sens, v. le communiqué « La Directrice générale de l’UNESCO appelle à la vigilance », août 2014,

disponible sur le site de l’UNESCO, www.unesco.org. Dans ce communiqué, « [l]a Directrice générale de

l'UNESCO, Irina Bokova, répond à l'appel des autorités iraquiennes, et attire l’attention de la communauté

internationale, afin qu’elle redouble ses efforts et augmente sa vigilance pour sauvegarder le patrimoine

culturel de l'Iraq ». En outre, le communiqué précise que, « [e]n vue de protéger le patrimoine culturel

iraquien, la Directrice générale, en août 2014, a adressé des lettres à tous les Etats parties à la Convention

de l’UNESCO de 1970, aux Etats membres de l’UNESCO non-parties à cette Convention, et aux musées

et maisons de ventes à travers le monde, afin d’attirer leur attention sur les mesures à prendre en étroite

coordination avec l’UNESCO, ses partenaires internationaux, l’Organisation mondiale des douanes,

INTERPOL, UNIDROIT et l’ICOM ». 109 Directives opérationnelles, par. 105. 110 Ibid., par. 106. 111 Ibid., par. 108.

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prévenir un dommage irrémédiable au patrimoine culturel de l’Etat demandeur ». Il va

sans dire que cette précision est fondamentale dans un contexte comme celui dans lequel

s’inscrivent l’Irak et la Syrie. Compte tenu de l’ampleur des pillages et du trafic illicite

qui s’en suit, il serait inadéquat, au regard de l’urgence de la situation, d’attendre, pour

agir, que soient conclus des accords bilatéraux.

Aux termes de ces réflexions, le rôle central de la Convention de l’UNESCO de 1970

dans la lutte urgente contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien

semble incontestable. Bien qu’établie il y a près de cinquante ans, la Convention

concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation

et le transfert de propriété illicites de biens culturels conserve plus que jamais sa

pertinence en vue d’identifier et d’intercepter des biens archéologiques volés et ainsi

endiguer le plus rapidement possible le trafic illicite qui en découle. À ce titre, la

Convention apparaît comme la base conventionnelle principale de cette mobilisation

internationale visant à préserver les patrimoines archéologiques irakien et syrien des

effets dévastateurs du trafic illicite. Cependant, la primauté de ce texte ne doit pas

conduire à occulter le rôle non négligeable de la Convention de l’UNESCO de 1972.

B- Le rôle non négligeable de la Convention de l’UNESCO de 1972

Le 16 novembre 1972 était adoptée, à Paris, la Convention de l’UNESCO concernant

la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Par ce texte, la Conférence

générale de l’UNESCO mettait l’accent sur le fait que « certains biens du patrimoine

culturel et naturel présentent un intérêt exceptionnel qui nécessite leur préservation en

tant qu'élément du patrimoine mondial de l'humanité tout entière »112. C’est précisément

en raison de cet intérêt central de la Convention que celle-ci – acceptée par l’Irak le 5

mars 1974 et par la Syrie le 13 août 1975 – mérite d’être évoquée dans la présente étude.

En distinguant, parmi les biens culturels, ceux qui, en raison de leur valeur

exceptionnelle, nécessite une protection particulière, la Convention de 1972 s’avère

pertinente dans la lutte contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakiens et

112 Préambule de la Convention, par. 6.

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syriens, dans la mesure où plusieurs éléments de ces patrimoines sont inscrits sur la Liste

du Patrimoine mondial créée par la Convention. Ainsi, de même que la Convention met

en place un système de coopération internationale renforcé et « organisé d’une façon

permanente »113 pour les biens inscrits sur cette Liste, la lutte contre la dispersion des

biens archéologiques irakiens et syriens doit donner lieu à une coopération internationale

d’autant plus importante que nombre de ces biens proviennent de sites archéologiques

inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial. Au soutien de ce raisonnement, l’article 6,

paragraphe 1er de la Convention énonce :

« En respectant pleinement la souveraineté des Etats sur le territoire desquels est situé le patrimoine culturel et

naturel visé aux articles l et 2, et sans préjudice des droits réels prévus par la législation nationale sur ledit

patrimoine, les Etats parties à la présente convention reconnaissent qu'il constitue un patrimoine universel pour

la protection duquel la communauté internationale tout entière a le devoir de coopérer »114.

Autrement dit, la Convention de 1972 a un rôle à jouer dans la lutte urgente contre la

dispersion du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie, en ce qu’elle souligne

l’importance cruciale d’une coopération accrue de la part de « la communauté

internationale tout entière » dès lors qu’il s’agit d’œuvrer à la protection des éléments

d’un patrimoine culturel inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. En effet, plusieurs

sites archéologiques irakiens et syriens touchés par les pillages alimentant le trafic illicite

sont inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial. C’est notamment le cas, en Irak, du site

d’Hatra – inscrit sur la Liste en 1985 avant d’être inscrit sur la Liste du Patrimoine

mondial en péril en 2015 – ou encore de la cité antique de Samarra – directement inscrite

sur la Liste du Patrimoine mondial en péril en 2007 – mais également, en Syrie, du site

archéologique de Palmyre – inscrit au Patrimoine mondial en 1980, puis inscrit sur la

Liste du Patrimoine mondial en péril en 2013.

La communauté internationale, du moins les Etats parties à la Convention de 1972,

doivent donc redoubler d’effort dans la coopération internationale pouvant être mise en

place sous l’effet de la Convention de 1970 précisément parce que, parmi les biens

archéologiques pillés et alimentant le trafic illicite international figurent des éléments

provenant de « sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point

113 Ibid., par. 7. 114 Italique ajouté.

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de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique »115. Le rôle de la

Convention dans la mise en œuvre d’une action internationale en vue de lutter contre la

dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien est donc essentiellement un

rôle symbolique, à savoir celui de rappeler la valeur inestimable de nombreux biens

archéologiques victimes du trafic. Néanmoins, en permettant de soutenir les efforts de

coopération internationale rendus possibles aux termes de la Convention de l’UNESCO

de 1970, ce rôle joué par la Convention de 1972 est loin d’être négligeable.

À côté de ces deux conventions, le Conseil de sécurité a, de son côté, fourni

d’importantes bases juridiques à la lutte contre la dispersion des patrimoines

archéologiques irakien et syrien, comme en témoigne son apport conséquent dans le cadre

du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

§2. L’apport conséquent du Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII

de la Charte des Nations Unies

Face au spectacle dramatique des exactions commises par Daech en Irak et en Syrie,

le Conseil de sécurité est intervenu à plusieurs reprises par le biais de résolutions116. Parmi

celles-ci, deux sont particulièrement pertinentes dans le contexte de la lutte urgente contre

la dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien : la résolution 2199 (2015)

du 12 février 2015117 et la résolution 2253 (2015) du 17 décembre 2015118, dont

l’importance est d’autant plus grande qu’elles s’inscrivent toutes deux dans le cadre du

Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

La résolution 2199 (2015) est la première dans laquelle le Conseil de sécurité aborde

véritablement la question du trafic illicite des biens archéologiques pillés en Irak et en

Syrie par l’EI, en insistant sur ses enjeux et les mesures à prendre pour y remédier. À ce

titre, deux paragraphes de la résolution sont pertinents, dans lesquels le Conseil de

sécurité :

115 Article 1er, al. 3 de la Convention. 116 V. not. supra, pp. 25-31. 117 Résolution 2199 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7379e séance, le 12 février 2015. 118 Résolution 2253 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7587e séance, le 17 décembre 2015.

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« 16. Note avec préoccupation que l’EIIL, le Front el-Nosra et d’autres personnes, groupes, entreprises et entités

associées à Al-Qaida génèrent des revenus en procédant, directement ou indirectement, au pillage et à la

contrebande d’objets appartenant au patrimoine culturel provenant de sites archéologiques, de musées, de

bibliothèques, d’archives et d’autres sites en Syrie et en Irak, qui sont ensuite utilisés pour financer leurs efforts

de recrutement ou pour améliorer leurs capacités opérationnelles d’organiser et de mener des attentats terroristes ;

17. Réaffirme la décision qu’il a prise au paragraphe 7 de la résolution 1483 (2003) et décide que tous les Etats

Membres doivent prendre les mesures voulues pour empêcher le commerce des biens culturels irakiens et syriens

et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuses, qui ont été

enlevés illégalement d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, notamment en frappant

d’interdiction le commerce transnational de ces objets et permettant ainsi qu’ils soient restitués aux peuples

irakien et syrien, et demande à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, à

INTERPOL et aux autres organisations internationales compétentes de faciliter la mise en œuvre des dispositions

du présent paragraphe ».

La première observation qu’il convient de faire à la lecture de ces deux paragraphes

est qu’il est flagrant que la « préoccupation » manifestée par le Conseil de sécurité ne vise

pas tant le pillage et la dispersion, par le trafic qui s’en suit, de patrimoines archéologiques

d’une valeur inestimable, que le financement du terrorisme par ce trafic de biens culturels.

Certes, il était sans doute possible de prévoir ce raisonnement, étant donné que le

deuxième considérant de l’introduction de la résolution est consacré à l’affirmation de ce

que « le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue une

des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales ». Cette phrase

laisse bien prévoir que si le trafic illicite de biens culturels vient à être pris en compte

dans cette résolution, ce ne sera que pour autant qu’il contribue à alimenter le terrorisme,

en tant que moyen de financement. C’est, d’ailleurs, sans doute uniquement dans la

mesure il s’agit de lutter avant tout contre le terrorisme que le trafic illicite de biens

archéologiques irakiens et syriens se trouve évoqué dans une résolution du Conseil de

sécurité placée dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Alors que

les destructions intentionnelles de vestiges archéologiques n’auraient vraisemblablement

pu donner lieu à l’adoption de mesures décidées dans le cadre d’une résolution prise en

application du Chapitre VII119, le trafic illicite de biens archéologiques semble mériter de

figurer au rang des actes de l’EI qualifiés de menace contre la paix et la sécurité

internationales justifiant l’adoption d’une norme impérative par le Conseil de sécurité, en

application du Chapitre VII. Du reste, en témoigne le simple fait que, dans cette résolution

2199 (2015), le Conseil de sécurité se contente de simplement condamner « les

destructions du patrimoine culturel irakien et syrien, commises en particulier par

l’EIIL »120, alors qu’il envisage des mesures concrètes pour la lutte contre le trafic des

biens issus du pillage de ce même patrimoine.

119 Cf. supra, pp. 29-31. 120 Par. 15 de la résolution.

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S’il est possible de déplorer cet état de choses, il n’en demeure pas moins que l’apport

de la résolution est majeur dans la lutte contre la dispersion des patrimoines

archéologiques irakien et syrien. En effet, si l’objectif final est, tout comme dans la

Convention de l’UNESCO de 1970, de permettre que les biens archéologiques pillés

« soient restitués aux peuples irakien et syrien »121, les mesures décidées par le Conseil

de sécurité ont pour vocation première d’empêcher la dispersion de ces biens, en

interdisant leur commerce international. Les biens identifiés par le Conseil comme devant

être frappés de cette interdiction sont les biens culturels « qui ont été enlevés illégalement

d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011 »122. À cet égard, il

convient de noter que le Conseil de sécurité ne vise pas simplement les biens culturels

pillés et exportés illicitement par Daech. Dans le cas syrien, sont concernés les biens sortis

illégalement du territoire depuis le 15 mars 2011, c’est-à-dire depuis l’éclatement de la

guerre civile syrienne, celle-ci ayant, en effet, donné lieu à de nombreux pillages de sites

archéologiques avant que l’EI ne vienne amplifier le phénomène. Dans le cas de l’Irak,

l’interdiction de commerce international frappe beaucoup plus de biens culturels,

puisqu’elle s’étend aux biens sortis illégalement du territoire depuis le 6 août 1990, c’est-

à-dire depuis le premier conflit du Golfe. Les conflits armés qui ont ravagé le pays à

plusieurs reprises depuis cette époque-là ont, en effet, été la source de nombreuses

atteintes contre le patrimoine culturel irakien, parmi lesquelles des pillages répétés. Cette

interdiction de commerce international découle de la résolution 661 (1990) du Conseil de

sécurité du 6 août 1990 par laquelle le Conseil imposait aux Etats, dans le cadre du conflit

entre l’Irak et le Koweït, d’interdire « [l]’importation sur leur territoire de tous produits

de base ou de toutes marchandises en provenance d’Irak ou du Koweït qui seraient

exportés de ces pays après la date de la présente résolution »123. Cette interdiction

générale d’importation de produits provenant d’Irak ou du Koweït a, par la suite, été

reprise et adaptée dans la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité124, dont le

paragraphe 7 dispose :

« […] tous les Etats Membres doivent prendre les mesures voulues pour faciliter la restitution, en bon état, aux

institutions irakiennes des biens culturels irakiens et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique,

culturelle, scientifique ou religieuse, qui ont été enlevés illégalement du Musée national irakien, de la

Bibliothèque nationale et d’autres sites en Irak depuis l’adoption de la résolution 661 (1990) du 6 août 1990,

121 Par. 17 de la résolution. 122 Ibid. 123 Résolution 661 (1990), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 2933e séance, le 6 août 1990, par. 3 a). 124 Résolution 1483 (2003), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4761e séance, le 22 mai 2003.

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notamment en frappant d’interdiction le commerce ou le transfert de ces objets et des objets dont il y a de bonnes

raisons de croire qu’ils ont été enlevés illégalement […] ».

Cette adaptation de l’interdiction formulée en 1990 se justifiait alors par le contexte

de la guerre en Irak qui avait donné lieu à de nombreuses atteintes à l’encontre du

patrimoine archéologique irakien, dont le saccage du musée de Bagdad est sans doute

l’exemple le plus frappant. Par la résolution 2199 (2015), le Conseil de sécurité confirme

ainsi l’interdiction de commerce international formulée en 2003 dans le cas de l’Irak et

l’étend au cas de la Syrie en y incluant non seulement les biens pillés par Daech, mais

également ceux pillés depuis le début de la guerre civile syrienne.

La résolution 2253 (2015), quant à elle, approfondit les mesures visant à tarir les

sources de financement de Daech, notamment à la lecture de rapports établis par le GAFI

sur la question125.

Dans le cadre de cette résolution, le Conseil de sécurité prend logiquement la peine

de rappeler les mesures décidées aux termes de la résolution 2199 (2015) pour ce qui est

du trafic illicite de biens culturels irakiens et syriens126. Partant, le Conseil appelle les

Etats Membres à une application plus assidue de la résolution 2199 (2015), notamment

en rendant compte « des activités d’interception d’antiquités, ainsi que de l’issue des

poursuites judiciaires engagées contre des personnes et des entités du fait de ces

activités »127.

Pour ce qui est du trafic des biens culturels irakiens et syriens, la résolution 2253

(2015) constitue donc essentiellement une réaffirmation de l’importance de la résolution

2199 (2015) en la matière, toujours dans une optique plus générale de lutte contre le

terrorisme.

Les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015) constituent des bases juridiques d’autant

plus importantes dans la lutte contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakien

et syrien qu’elles sont la traduction d’un pouvoir normatif important du Conseil de

sécurité, par lequel celui-ci peut imposer des mesures obligatoires128. La portée

obligatoire des mesures décidées par le Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII

125 Cf. par. 17 de la résolution. 126 Préambule de la résolution, par. 31. 127 Par. 15 de la résolution. 128 En témoigne le recours systématique, dans ces résolutions ainsi que dans la résolution 1483 (2003), du

verbe « décide ».

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a d’ailleurs été clairement confirmée par la CIJ, dans son ordonnance du 14 avril 1992,

Libye c. Royaume-Uni129, aux termes de laquelle les membres de l’ONU « sont dans

l’obligation d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément

à l’article 25 de la Charte […], et […], conformément à l’article 103 de la Charte, les

obligations des Parties à cet égard prévalent sur leurs obligations en vertu de tout autre

accord international »130.

L’obligation de se conformer à des résolutions du Conseil de sécurité prises dans le

cadre du Chapitre VII doit se traduire par des mesures d’exécution appropriées de telles

décisions. Les modalités de leur exécution sont ainsi prévues à l’article 48 de la Charte,

dont le paragraphe 2 précise que « [c]es décisions sont exécutées par les Membres des

Nations Unies directement et grâce à leur action dans les organismes internationaux

appropriés dont ils font partie ». Ainsi les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015)

constituent un apport considérable dans la lutte contre la dispersion des patrimoines

archéologiques irakien et syrien, en ce que les Etats membres des Nations Unies ont

l’obligation de prévoir dans leur législation nationale les moyens de mettre efficacement

en œuvre les mesures prévues aux termes de ces résolutions. Ces dernières viennent ainsi

conforter les mécanismes mis en place par la Convention de l’UNESCO de 1970 et même

les renforcent en ce qu’elles incluent dans cette coopération internationale visant à lutter

contre le trafic illicite de biens culturels des Etats qui ne seraient éventuellement pas

parties à la Convention131.

129 CIJ, Affaire relative à des questions d’interprétation et d’application de la Convention de Montréal de

1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), mesures

conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, CIJ Rec. 1992, p. 3. 130 Ibid., par. 39, p. 15. En effet, aux termes de l’article 103 de la Charte des Nations Unies, « [e]n cas de

conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs

obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ». Par conséquent, la

prééminence de la Charte implique celle du principe posé à l’article 25 de la Charte des Nations Unies, aux

termes duquel « [l]es Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du

Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ». De l’interprétation combinée de ces deux articles,

la CIJ peut donc logiquement conclure à l’obligation stricte de se conformer aux résolutions du Conseil de

sécurité. 131 Pour un bilan de la valeur des résolutions prises par le Conseil de sécurité dans le domaine du patrimoine

culturel, v. not. V. Négri, « Étude juridique sur la protection du patrimoine culturel par la voie des

résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le patrimoine culturel dans le prisme de la résolution

2199 (2015) du Conseil de sécurité », étude réalisée à l’occasion de la Réunion de haut niveau au Siège de

l’UNESCO, le 1er avril 2015, pp. 5-9, disponible sur le site internet de l’UNESCO

www.unesco.org/new/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/emergency-actions/iraq.

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La coopération internationale qu’il convient de mettre en place face à l’urgence de la

lutte contre la dispersion des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie trouve

indéniablement dans le droit international les bases de son édification. Que ces bases

soient de nature conventionnelle ou qu’elles découlent de résolutions du Conseil de

sécurité, le droit international dispose d’outils suffisants pour permettre l’adoption, à

l’échelle internationale, de mesures concrètes. Partant, ces règles de droit international

appellent des traductions techniques propres à endiguer le trafic illicite de biens

archéologiques irakiens et syriens.

SECTION II : LES TRADUCTIONS TECHNIQUES DES RÈGLES DE DROIT

INTERNATIONAL PERMETTANT D’ENDIGUER LE TRAFIC ILLICITE DE BIENS

ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS

Les nombreuses bases de droit international pertinentes dans la lutte contre la

dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien rendent possible la mise en

place d’une grande diversité de mesures visant à endiguer le trafic illicite des biens issus

de ces patrimoines. C’est ainsi que le constat des pillages perpétrés à grande échelle par

Daech en Irak et en Syrie a donné naissance à une violente prise de conscience de la part

de la communauté internationale de l’urgente nécessité d’empêcher, par des mesures

concrètes, le fleurissement d’un trafic illicite international appelé à croître du fait des vols

commis par les djihadistes.

Face à l’appel à l’aide de la DGAM syrienne et des autorités irakiennes, comme le

leur permet l’article 9 de la Convention de 1970, l’UNESCO a rapidement montré le

chemin à suivre dans le sauvetage des patrimoines archéologiques de ces deux pays en

prenant la tête de la coopération internationale en la matière132. Si la préservation des

biens archéologiques contre les destructions intentionnelles perpétrées sur place par les

djihadistes s’est avérée pratiquement impossible, il est apparu que la communauté

internationale devait se mobiliser afin que soient identifiés et interceptés le plus

132 En ce sens, v. not. S. Delepierre et M. Schneider, « Ratification and Implementation of International

Conventions to Fight Illicit Trafficking in Cultural Property », in International Observatory on Illicit Traffic

in Cultural Goods, Countering Illicit Traffic in Cultural Goods. The Global Challenge of Protecting the

World’s Heritage, Paris, éd. France Desmarais, 2015, p. 132. L’ensemble de l’ouvrage est disponible en

ligne (uniquement en anglais), sur le site de l’ICOM www.icom.museum/resources/publications-

database/publication.

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rapidement possible les trésors archéologiques pillés et sortis illégalement d’Irak et de

Syrie. À cette fin, l’UNESCO n’a pas tardé à mettre en place des plans d’action d’urgence

pour l’Irak et la Syrie, rassemblant chacun des informations détaillées et régulièrement

actualisées sur la situation du patrimoine archéologique du pays concerné, et présentant

également les actions nationales et internationales en vue de réagir face aux atteintes

perpétrées à l’encontre du patrimoine. Une part importante de chacune de ces actions

d’urgence est dédiée à la question du trafic illicite, insistant sur l’importance cruciale

d’une coopération internationale efficace en la matière. Consciente de ce que l’ampleur

et l’efficacité d’une telle coopération suppose une sensibilisation accrue face aux menaces

pesant sur le patrimoine culturel, la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a

également lancé, le 28 mars 2015, la campagne #Unite4Heritage sur les réseaux sociaux.

Face à un groupe terroriste se servant des patrimoines archéologiques irakien et syrien

comme moyen de propagande, l’UNESCO a ainsi cherché à unifier la communauté

internationale autour de valeurs communes axées sur la protection du patrimoine culturel.

Face aux atteintes barbares perpétrées par Daech contre les patrimoines archéologiques

d’Irak et de Syrie, l’UNESCO a ainsi incontestablement et pleinement assumé la fonction

qui lui a été reconnue dans son Acte constitutif133, celle d’aider « au maintien, à

l’avancement et à la diffusion du savoir […] en veillant à la conservation et protection du

patrimoine universel de livres, d’œuvres d’art et d’autres monuments d’intérêt historique

ou scientifique »134.

L’appel de l’UNESCO à mettre en œuvre les outils prévus par le droit international

pour lutter efficacement contre la dispersion des biens archéologiques irakiens et syriens

alimentant le trafic illicite a été relayé par de nombreuses autres organisations

internationales. À cette fin, celles-ci ont non seulement mis en place des outils

indispensables d’identification des biens archéologiques touchés par le trafic illicite (§1),

mais ont également favorisé le développement de techniques de coopération variées en

vue de l’identification et de l’interception des biens archéologiques faisant l’objet d’un

trafic illicite (§2).

133 Convention créant une Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, signée

à Londres, le 16 novembre 1945. 134 Cf. art. 2, par. c), al. 1er.

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§1. Des outils indispensables d’identification des biens archéologiques touchés

par le trafic illicite

Toute lutte contre le trafic illicite de biens culturels suppose, pour être efficace, de

pouvoir clairement identifier les biens volés et/ou illicitement exportés. Or, une telle

identification n’est pas une tâche facile, dans la mesure où les biens concernés sont

généralement nombreux et proviennent de diverses régions du monde, de sorte qu’il n’est

raisonnablement pas possible d’attendre de ceux qui sont amenés à les inspecter – les

agents des services de douanes, les musées, les marchands d’art et maisons de vente, voire

les collectionneurs – qu’ils soient capables de tous les identifier comme des biens volés.

Afin de faciliter ce processus d’identification, et donc l’interception des biens faisant

l’objet d’un trafic illicite, des outils ont été mis en place à l’échelle internationale, lesquels

se sont montrés indispensables. Dans le cas des patrimoines irakien et syrien, ces outils

permettent non seulement l’identification des catégories de biens archéologiques exposés

au trafic illicite (A), mais également celle des biens archéologiques recherchés dans le

cadre d’un trafic illicite (B).

A- L’identification des catégories de biens archéologiques exposés au trafic

illicite

En 2000, l’ICOM mettait en place un nouvel outil de lutte contre le trafic illicite de

biens culturels : les Listes Rouges. En répertoriant les biens archéologiques et œuvres

d’art de régions du monde particulièrement menacées par les pillages et le trafic illicite,

ces Listes sont amenées à jouer un rôle considérable dans l’identification des biens

archéologiques irakiens et syriens pillés par Daech et venus alimenter le trafic illicite

international.

Après avoir présenté une brève introduction sur la situation de la région concernée et

une énumération des instruments nationaux et internationaux assurant la protection du

patrimoine culturel en cause, chaque Liste Rouge commence par la même observation,

inscrite en rouge :

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« REMARQUE IMPORTANTE : une Liste Rouge n’est PAS une liste d’objets volés. Les biens culturels

présentés dans la Liste sont des objets inventoriés au sein de collections d’institutions reconnues. Ils servent à

illustrer les catégories de biens culturels protégés par la législation et les plus exposés au trafic illicite »135.

En répertoriant ainsi des biens qui illustrent simplement les « catégories de biens

culturels […] les plus exposés au trafic », les Listes Rouges établies par l’ICOM ont

vocation à faciliter l’identification de biens culturels volés en incitant à une plus grande

vigilance quant à l’origine de biens qui appartiennent aux catégories identifiées dans ces

Listes. Celles-ci fournissent donc essentiellement des indices quant à la possible origine

douteuse d’un bien culturel provenant d’une région du monde ayant donné lieu à une Liste

Rouge et appartenant, de surcroît, à l’une des catégories répertoriées dans cette Liste. Afin

que l’identification soit la plus rigoureuse possible, chaque catégorie de biens concernés

fait l’objet d’une description des caractéristiques de ces biens, accompagnée de

photographies illustrant les biens de cette catégorie136.

Parce que les patrimoines archéologiques irakien et syrien sont particulièrement

menacés par les pillages, ils ont chacun fait l’objet d’une Liste. Dans le cas de la Syrie, la

vulnérabilité du patrimoine face aux pillages s’est considérablement accrue avec

l’éclatement de la guerre civile syrienne, au point qu’en 2013, l’ICOM a publié une Liste

Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril. Pour ce qui est du patrimoine

archéologique irakien, la gravité de la menace pesant sur lui dans le contexte de la guerre

menée dans le pays entre les forces américaines et irakiennes a conduit à l’édiction d’une

première Liste Rouge des antiquités irakiennes en péril en 2003. L’implantation et le

développement de l’EI sur le territoire plus de dix ans après ont conduit à des pillages du

patrimoine irakien d’une telle ampleur que l’ICOM a procédé en 2015 à la mise à jour de

la première Liste, donnant ainsi naissance à la Liste Rouge d’urgence des biens culturels

irakiens en péril.

Ces deux Listes Rouges constituent un outil indispensable dans l’identification des

biens archéologiques pillés en Syrie et en Irak et venus alimenter le trafic illicite de biens

culturels. L’efficacité du système des Listes de l’ICOM n’est, en effet, plus à prouver,

dans la mesure où de nombreux objets volés ont été récupérés depuis 2000 grâce à elles.

À titre d’exemple, en 2012, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels

135 À titre d’exemple, v. Annexe IV – Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril (extrait),

p. 140. 136 Ibid.

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(OCBC)137 a pu, grâce à la Liste Rouge d’urgence des antiquités irakiennes en péril,

récupérer treize pièces archéologiques sorties illégalement d’Irak, qui ont ensuite été

restituées à leur pays d’origine138.

À l’heure où le trafic illicite de biens archéologiques alimenté par les pillages de l’EI

menace de conduire à la dissémination de ces biens à travers le monde, les Listes Rouges

d’urgence publiées par l’ICOM sont incontestablement amenées à jouer un rôle crucial

dans l’identification et la récupération de ces biens. Elles ont ainsi naturellement vocation

à être utilisées en complément d’un autre outil établi par une organisation internationale

et permettant, quant à lui, l’identification des biens archéologiques recherchés dans le

cadre d’un trafic illicite.

B- L’identification des biens archéologiques recherchés dans le cadre d’un

trafic illicite

En tant qu’organisation internationale de police s’appuyant sur un réseau de 190 pays

membres – parmi lesquels l’Irak et la Syrie –, INTERPOL a incontestablement un rôle à

jouer dans la lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques sortis illégalement d’Irak

et de Syrie. À cette fin, l’apport principal de l’organisation réside dans son importante

base de données, rassemblant des informations sur environ 49 000 biens culturels volés139,

parmi lesquels de nombreux biens archéologiques provenant d’Irak et de Syrie,

notamment volés par l’EI. Ainsi, à côté des indices fournis par les Listes Rouges

d’urgence de l’ICOM, la base de données mise en place par INTERPOL peut permettre

l’identification de nombreux biens archéologiques irakiens et syriens volés et recherchés

dans le cadre du trafic illicite engendré par les pillages de Daech.

Mise en place en 1995, la base de données d’INTERPOL sur les œuvres d’art volées

répertorie les biens culturels dont le vol a été officiellement rapporté à l’organisation par

137 Organisme de police français compétent en matière de vol et de recel de biens culturels. 138 Pour plus de détails, v. le site internet de l’ICOM www.icom.museum/programmes/lutte-contre-le-

trafic-illicite/listes-rouges. 139 Chiffre reflétant la situation au 1er septembre 2016 et fourni par INTERPOL sur son site

www.interpol.int.

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un Etat membre. L’efficacité de cette base de données dans la lutte contre le trafic illicite

de biens culturels repose donc entièrement sur la coopération des pays membres de

l’organisation dont le patrimoine culturel a fait l’objet de vols de biens. Toutefois, cette

coopération peut être compromise dans le cas où les vols découlent de fouilles

archéologiques illicites. Dans cette hypothèse, il est, en effet, extrêmement difficile, voire

impossible, pour le pays qui en est victime d’avoir connaissance de la nature des biens

ainsi pillés et donc d’en rapporter le vol auprès d’INTERPOL140. Les biens

archéologiques volés en Syrie et en Irak dans le cadre des fouilles illicites que Daech a

autorisées par la délivrance de « licences » ont donc relativement peu de chances de

figurer dans cette base de données.

Néanmoins, dans le cas des biens archéologiques dont le vol a été signalé à

INTERPOL, ceux-ci figurent désormais dans la base de données de l’organisation.

Chacun des objets ainsi enregistré fait l’objet d’une description destinée à faciliter son

identification. Cette description obéit à la norme internationale Object ID141,

généralement utilisée pour décrire des biens culturels. Cette norme consiste à utiliser un

vocabulaire non technique dont la simplicité doit permettre de comprendre clairement les

caractéristiques de l’objet sans qu’il soit nécessaire, pour cela, d’être un spécialiste142. La

description d’un bien culturel dans la base de données d’INTERPOL doit ainsi rassembler

un certain nombre d’informations, à la fois concises et suffisamment précises pour que

l’identification du bien ne soulève pas de difficulté particulière143.

Une telle base de données offre des informations précieuses dans le cadre d’une

coopération internationale visant à retrouver des éléments pillés des patrimoines

archéologiques irakien et syrien. Avec cet instrument, INTERPOL contribue au soutien

des efforts sollicités par le Conseil de sécurité, dans le cadre de ses résolutions, en vue

d’endiguer le trafic illicite de biens culturels144. Grâce aux informations rassemblées par

140 En ce sens, v. la rubrique « Bases de données » sur le site d’INTERPOL www.interpol.int. 141 Object Identification. Norme créée en 1997 par le Getty Information Institute, programme relevant de

la fondation américaine J. Paul Getty Trust, dédiée à l’art. Ce programme n’existe plus depuis 1999. 142 Cf. Annexe V – Informations requises aux termes de la norme Object ID, p. 141. 143 Cf. Annexe VI – Exemple de fiche descriptive d’un bien archéologique syrien volé en 2015 enregistré

dans la base de données d’INTERPOL, p. 142. 144 La résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité et, avant elle, la résolution 1483 (2003) ont, en effet,

chacune été l’occasion pour le Conseil de reconnaître le rôle majeur d’INTERPOL dans la lutte contre le

trafic illicite de biens culturels, en appelant INTERPOL, parmi d’autres organisations internationales,

à « faciliter la mise en œuvre » des mesures prévues par ces résolutions en vue de lutter contre le trafic

illicite de biens culturels irakiens et syriens. Cf. Rés. 2199 (2015), par. 17 et Rés. 1483 (2003), par. 7.

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INTERPOL, tous les acteurs de cette lutte contre le trafic illicite ont la possibilité

d’identifier plus facilement les biens archéologiques volés en Irak et en Syrie. En outre,

depuis 2009, cette base de données n’est plus seulement accessible au personnel de

douanes et professionnels du marché de l’art, mais également à certains particuliers

autorisés, à savoir principalement des collectionneurs privés susceptibles de se voir

proposer l’achat d’objets volés. Par ailleurs, les personnes ne disposant pas d’une

autorisation leur permettant de consulter l’ensemble de la base de données d’INTERPOL

peuvent néanmoins accéder à une partie de cette base de données. Or, parmi les

informations consultables par ces personnes, figurent notamment des biens irakiens et

syriens volés, ce qui traduit la volonté de l’organisation de sensibiliser le plus large public

possible au trafic de biens archéologiques irakiens et syriens et, ainsi, d’accroître les

chances de récupérer ces objets.

Enfin, il faut noter qu’INTERPOL publie chaque année, aux mois de juin et

décembre, une affiche présentant les biens culturels volés les plus recherchés, figurant,

par ailleurs, dans sa base de données. Il s’agit ainsi d’attirer l’attention plus

particulièrement sur certains des biens volés inscrits dans la base de données. Si la

publication d’une telle affiche se fait, en principe, à l’initiative d’INTERPOL, chaque

Etat membre a, néanmoins, la possibilité de requérir de l’organisation qu’elle publie une

affiche spéciale sur des biens ayant été volés sur son territoire. Face à une demande de

l’Irak en ce sens, INTERPOL a ainsi publié en 2015 une affiche mettant l’accent sur 94

objets volés au Musée de Mossoul durant l’année145. L’affiche est illustrée par les

photographies de six de ces biens archéologiques, les autres pouvant être consultés sur la

base de données par les utilisateurs autorisés.

Les informations ainsi recueillies par INTERPOL en vue de l’identification des biens

culturels volés ont montré leur utilité dans la lutte contre le trafic illicite de ces biens.

Depuis la création de la base de données, plus de 2 800 objets volés ont été retrouvés146.

En outre, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 1483 (2003) du Conseil de

sécurité, la base de données a permis de retrouver environ un quart des 2 700 biens

145 Cf. Annexe II, p. 137. 146 Cf. Fiche pratique « Œuvres d’art volées » établie par INTERPOL et disponible sur le site de

l’organisation www.interpol.int/fr/Criminalité/Œuvres-d’art.

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culturels irakiens qui y sont enregistrés147. Cette base de données est donc amenée à jouer

un rôle fondamental dans la lutte contre la dispersion des patrimoines archéologiques

irakien et syrien.

La combinaison de la base de données d’INTERPOL et des Listes Rouges d’urgence

de l’ICOM est une première traduction technique des bases juridiques de la lutte contre

le trafic illicite des biens archéologiques irakiens et syriens pillés par Daech. Grâce à ces

outils indispensables, ont pu se mettre en place des techniques de coopération variées

visant à lutter contre le trafic illicite de biens culturels et qui sont d’une importance

cruciale en vue de l’identification et de l’interception des biens archéologiques volés en

Irak et en Syrie.

§2. Des techniques de coopération variées en vue de l’identification et de

l’interception des biens archéologiques faisant l’objet d’un trafic illicite

Si les outils d’identification des biens culturels volés mis en place au niveau

international sont la base de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, ils n’ont

d’utilité que pour autant qu’ils facilitent la coopération internationale entre les acteurs de

cette lutte. Avec le développement des Listes Rouges et de la base de données

d’INTERPOL, se sont ainsi mises en place des techniques de coopération variées grâce

auxquelles ont été facilitées l’identification et l’interception des biens culturels alimentant

un trafic illicite. Ces formes de coopération sont donc amenées à jouer un rôle majeur

dans la lutte contre la dispersion des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie. Cette

lutte peut ainsi compter, en premier lieu, sur le renforcement de la coopération des

services de douanes (A). Toutefois, le rôle actif du personnel de douanes ne peut occulter

la nécessité d’une coopération accrue des principaux acteurs du marché de l’art (B).

A- Le renforcement de la coopération des services de douanes

Les services de douanes sont sans doute les principaux acteurs de la lutte contre le

trafic de biens culturels. Leur efficacité en la matière est d’autant plus importante qu’une

147 Cf. « Le chef d’INTERPOL promet un soutien constant en faveur de la protection du patrimoine

culturel », communiqué du 28 avril 2015, disponible sur le site d’INTERPOL www.interpol.int.

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véritable coopération douanière s’est organisée au niveau international depuis la seconde

moitié du XXème siècle, avec la création, en 1950, du Conseil de coopération douanière

(CCD)148. Si l’organisation s’est initialement développée dans le cadre européen,

l’augmentation considérable du nombre de ses membres149 a conduit le CCD à prendre,

en 1994, sa dénomination actuelle – mais officieuse – d’Organisation mondiale des

douanes (OMD). Aujourd’hui, l’ampleur de la coopération douanière internationale

constitue un avantage de taille dans la lutte contre le trafic illicite de biens. Le

renforcement de cette coopération, sous l’impulsion de l’OMD, représente l’une des

meilleures chances de retrouver les biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie et ainsi

d’endiguer le trafic illicite qui en a suivi.

Face à l’ampleur de ces pillages, l’OMD est consciente du rôle qui est le sien dans la

lutte pour endiguer le trafic illicite de ces biens volés. Dans une résolution de juillet

2016150, l’organisation n’a ainsi pas manqué de rappeler les enjeux majeurs de la lutte

contre le trafic illicite de biens culturels, ainsi que la nécessité de renforcer la coopération

douanière afin de réagir efficacement face à l’augmentation de ce trafic. L’OMD y définit

donc clairement les lignes de la stratégie à adopter en vue de récupérer les biens

archéologiques volés en Irak et en Syrie et venus alimenter le trafic international de biens

culturels. La première partie de la résolution prend ainsi soin de rappeler que la

coopération douanière internationale dans la prévention du trafic illicite de biens culturels

s’inscrit totalement dans le sillage des principales bases juridiques en la matière, insistant

ainsi sur le fait que cette coopération se veut l’une des traductions pratiques de la

Convention de l’UNESCO de 1970, mais également des deux résolutions du Conseil de

sécurité, 2199 (2015) et 2253 (2015)151. Partant, le texte insiste sur le rôle central des

services de douanes, dans la mesure où les contrôles aux frontières internationales offrent

« toujours la meilleure opportunité d’intercepter les biens culturels volés »152.

148 Convention portant création d’un Conseil de coopération douanière, signée à Bruxelles, le 15 décembre

1950. Le CCD est entré en fonction le 26 janvier 1953. 149 Le CCD compte aujourd’hui 180 membres, intervenant dans la gestion de 98 % des échanges

commerciaux dans le monde. Chiffres disponibles sur le site internet de l’organisation www.wcoomd.org. 150 Résolution du Conseil de coopération douanière concernant le rôle de la douane dans la prévention du

trafic illicite de biens culturels, adoptée à Bruxelles, en juillet 2016. Disponible sur le site de l’OMD

www.wcoomd.org. 151 Alinéas 2 à 5 de la résolution. 152 Al. 10 de la résolution.

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Sur la base de ces observations, la résolution s’attache ensuite à identifier les divers

outils de coopération internationale propres à endiguer le trafic illicite des biens

archéologiques irakiens et syriens, reflétant ainsi la stratégie mise en place par l’OMD en

vue d’intercepter ces biens.

C’est assez logiquement que le texte se réfère, en premier lieu, au certificat

d’exportation censé accompagner tout bien culturel en transit hors du territoire de son

pays d’origine. Il s’agit, en effet, d’une mesure centrale de la lutte contre le trafic illicite

de biens culturels, figurant, à ce titre, au rang des dispositions prévues à cet effet par la

Convention de l’UNESCO de 1970 (article 6)153. Si les Etats parties à la Convention sont

de fait tenus d’instituer un tel certificat, la résolution de l’OMD « encourage »154 plus

largement les services douaniers de tous ses Etats membres à se conformer à cette

pratique. Plus précisément, l’OMD appelle ses membres à établir ces certificats

« conformément au modèle de certificat d’exportation UNESCO-OMD »155. En effet, si

la plupart des pays dans le monde ont institué des certificats d’exportation, la majorité

d’entre eux utilise un formulaire d’exportation identique pour tous les biens susceptibles

d’être exportés, qu’il s’agisse de biens culturels ou de marchandises. Afin que soit

renforcé le contrôle, à l’exportation, de l’origine des biens culturels, mais aussi que soit

rendue possible une meilleure traçabilité de ces biens, l’UNESCO et l’OMD ont donc

élaboré conjointement un Modèle de certificat d’exportation de biens culturels156. Ce

Modèle se décline en cinq exemplaires qui doivent tous être remplis pour chaque bien

culturel exporté, chacun d’entre eux ayant une fonction spécifique157 : le premier

exemplaire consiste dans la demande d’exportation du bien en cause et doit être conservé

par l’autorité qui délivre le certificat ; le deuxième est un exemplaire du certificat qui doit

être conservé par la personne ayant formulé la demande d’exportation ; le troisième est

un exemplaire du certificat d’exportation conservé par l’autorité de délivrance du

certificat ; le quatrième est un exemplaire du certificat destiné aux autorités douanières

au moment de l’exportation du bien en cause ; enfin, le cinquième est un exemplaire du

certificat qui doit être présenté au moment de l’importation du bien dans un pays

153 Cf. supra, pp. 49-50. 154 Al. 14 de la résolution. 155 Ibid. 156 Disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-

cultural-property/legal-and-practical-instruments/unesco-wco-model-export-certificate. 157 Pour plus de détails sur la fonction de chaque exemplaire, v. les Notes explicatives attachées au Modèle

de certificat d’exportation de biens culturels, p. 1.

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étranger158. En proposant ce Modèle, l’UNESCO et l’OMD aspirent à ce que le plus grand

nombre d’Etats possibles adoptent ce dispositif, dans sa totalité ou seulement en partie159,

afin que soit facilité le travail des autorités douanières dans l’interception des biens

culturels volés. Un accroissement du recours à ce Modèle de certificat au sein de la

communauté internationale œuvrerait, en effet, incontestablement en faveur de

l’identification et de l’interception des biens archéologiques volés en Irak et en Syrie.

La résolution évoque également un autre outil permettant une meilleure coopération

douanière internationale : ARCHEO160. Il s’agit d’un outil de communication en temps

réel permettant un échange d’informations entre services de lutte contre la fraude et

experts. L’expertise fournie par le biais de cette plateforme est un atout de plus dans la

lutte contre le trafic illicite de biens culturels, de nature à faciliter un peu plus encore

l’identification des biens volés.

Enfin, les efforts déployés par les Bureaux régionaux chargés de la liaison et du

renseignement (BRLR) sont, à juste titre, mentionnés dans la résolution161, en ce qu’ils

renforcent davantage encore les modalités d’échange d’information et œuvrent ainsi à une

meilleure coopération douanière internationale.

Ainsi organisés dans le cadre de l’OMD, les services douaniers sont appelés à jouer

un rôle de premier plan dans l’identification et l’interception des biens archéologiques

pillés par Daech en Irak et en Syrie. La résolution adoptée par l’Organisation en juillet

2016 révèle un renforcement de la coopération internationale entre ces services, traduisant

ainsi une volonté de mettre en œuvre efficacement les résolutions 2199 (2015) et 2253

(2015) du Conseil de sécurité. En outre, en signant le même mois un Protocole d’accord

avec la Smithsonian Institution162, en vue de la mise en place de programmes de formation

158 Cf. Annexe VII – Modèle de certificat d’exportation de biens culturels UNESCO-OMD : cinquième

exemplaire, pp. 143-144. Tous les exemplaires du Modèle de certificat d’exportation contiennent 21

rubriques, toutes identiques d’un exemplaire à l’autre, à l’exception de la rubrique 19 qui varie dans le

premier exemplaire, en ce qu’elle contient la formulation de la demande d’exportation (« Je demande par

la présente une autorisation d’exportation du bien culturel décrit ci-dessus et déclare que les renseignements

fournis dans la présente demande et dans tous les documents justificatifs joints sont exacts »). 159 En ce sens, v. les explications fournies par l’UNESCO sur la page de son site internet consacrée au

Modèle de certificat d’exportation UNESCO-OMD, www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-

trafficking-of-cultural-property/legal-and-practical-instruments/unesco-wco-model-export-certificate. 160 Al. 16. 161 Al. 18. 162 Memorandum of Understanding between the World Customs Organization and the Smithsonian

Institution, signé le 15 juillet 2016. Disponible (uniquement en anglais) sur le site de l’OMD

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spécifique des agents des douanes chargés de la lutte contre le trafic illicite de biens

culturels, l’OMD a démontré son implication totale dans cette lutte ainsi que sa volonté

d’œuvrer efficacement à la récupération des biens archéologiques volés en Irak et en

Syrie.

Les services douaniers ne sont, toutefois, pas les seuls acteurs de la lutte contre le

trafic illicite des biens culturels. Le marché de l’art doit prendre également ses

responsabilités, en ce qu’il incarne l’étape ultime du trafic. À ce titre, la récupération des

biens archéologiques irakiens et syriens rend nécessaire une coopération accrue des

principaux acteurs du marché de l’art.

B- La nécessité d’une coopération accrue des principaux acteurs du marché

de l’art

Le renforcement de la coopération douanière internationale impulsé par l’OMD ne

rend pas moins nécessaire une coopération active des acteurs du marché de l’art. Le rôle

de ces derniers dans la récupération des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie est

crucial, dans la mesure où ils incarnent la dernière chance d’intercepter un bien culturel

volé qui aurait réussi à déjouer les contrôles à l’exportation et à l’importation163. Cette

prise de conscience conduit à une responsabilisation croissante des professionnels du

marché de l’art et de leurs acheteurs (a), à laquelle se joint l’appel à une plus grande

vigilance de la part des plateformes de vente sur Internet (b).

(a) La responsabilisation croissante des professionnels du marché de

l’art et de leurs acheteurs

Si les questions relatives à la responsabilité des professionnels du marché de l’art et

de leurs acheteurs relèvent avant tout de la législation nationale dans chaque Etat

concerné, elles n’ont pas pour autant été ignorées par les organisations internationales

www.wcoomd.org/fr/media/newsroom/2016/july/wco-steps-up-efforts-to-deter-the-illicit-trafficking-of-

cultural-objects. 163 Certains spécialistes estiment, en effet, que de nombreux biens archéologiques volés en Irak et en Syrie

ont pu déjouer des contrôles à l’exportation et à l’importation et ainsi transiter librement par des pays tels

que le Liban et la Turquie, tandis que d’autres ont pu éventuellement transiter par des ports francs, c’est-à-

dire des zones portuaires, maritimes ou aériennes non soumises à des contrôles douaniers, notamment à

Dubaï ou à Zurich. En ce sens, v. not. G. Schwarz, M. Roussey et C. Peguet, « Du Moyen-Orient à

l’Europe : un vaste trafic d’œuvres d’art », info.arte.tv/fr, 11 mars 2015.

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compétentes en matière de protection du patrimoine culturel. Bien plus, la

responsabilisation de ces acteurs du marché de l’art est aujourd’hui appréhendée, au

niveau international, comme un enjeu majeur de la lutte contre le trafic illicite de biens

culturels. Cette prise en compte croissante du rôle des professionnels de ce marché et de

leurs acheteurs est d’autant plus évidente dans le contexte actuel né du pillage massif des

patrimoines archéologiques irakien et syrien.

L’implication des marchands d’art et de leurs acheteurs dans la lutte internationale

contre le trafic illicite de biens archéologiques irakiens et syriens repose notamment sur

des instruments préexistants adoptés dans le cadre de l’UNESCO et de l’ICOM.

Dès 1999, l’UNESCO a été à l’origine d’un Code international de déontologie pour

les négociants en biens culturels164. En adoptant ce code, les négociants « acceptent d'être

liés par les principes de pratique professionnelle [énoncés dans le Code], destinés à

permettre de distinguer les biens culturels ressortissant au commerce illicite de ceux qui

ressortissent au commerce licite »165, dans l’optique « d’éliminer les premiers de leurs

activités professionnelles »166. En mettant au point ce cadre pour les marchands d’art,

l’UNESCO n’a pas adopté un instrument contraignant, mais en appelle à la bonne volonté

de ces derniers en vue de coopérer avec tous les autres acteurs de la lutte contre le trafic

de biens culturels. Cette coopération attendue de la part des professionnels du marché de

l’art repose sur l’idée que ces derniers acceptent d’assumer leurs responsabilités dans les

ventes qu’ils organisent et donc s’engagent notamment à ce que ce soient menées des

« enquêtes rigoureuses » en cas d’« infractions au présent code de déontologie »167.

Cette tendance à la responsabilisation des acteurs du marché de l’art existait déjà du

côté des acheteurs, notamment les musées. En témoigne l’adoption par l’ICOM, en 1986,

d’un Code de déontologie, modifié en 2001 pour prendre le titre de Code de déontologie

de l’ICOM pour les musées168. L’adhésion d’un musée à l’ICOM implique l’acceptation

164 Code international de déontologie de l’UNESCO pour les négociants en biens culturels, adopté par le

Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d'origine ou de leur

restitution en cas d'appropriation illégale lors de sa dixième session, en janvier 1999, et approuvé par la 30e

Conférence générale de l'UNESCO, en novembre 1999. Disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/legal-and-practical-instruments. 165 Al. 2 du préambule du Code. 166 Ibid. 167 Article 8. 168 Le Code de déontologie de l’ICOM a été adopté par la 15e Assemblée générale de l’ICOM, à Buenos-

Aires, le 4 novembre 1986, puis modifié par la 20e Assemblée générale, à Barcelone, le 6 juillet 2001 pour

prendre le titre de Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, avant d’être révisé par la 21e Assemblée

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du Code par le musée en question. Ainsi, tout musée membre de l’Organisation est tenu

de respecter le principe 6.4 du Code, aux termes duquel :

« Les musées doivent s’abstenir d’acheter ou d’acquérir des biens culturels provenant de territoires occupés, et

respecter rigoureusement les lois et conventions qui régissent l’importation, l’exportation et le transfert de biens

culturels ou naturels ».

Par ce principe, l’ICOM attend de la communauté muséale qu’elle s’implique

activement dans la coopération internationale visant à endiguer le trafic de biens culturels

découlant de l’occupation d’un territoire. Cet outil de responsabilisation des musées ne

peut qu’avoir un impact favorable dans la lutte contre la dispersion des patrimoines

archéologiques irakien et syrien.

À côté de ces deux codes préexistants, il faut également mentionner les appels récents

lancés non seulement par l’UNESCO, mais également par l’Assemblée générale de

l’ONU à une responsabilisation accrue des acteurs du marché de l’art dans la lutte contre

le trafic illicite de biens irakiens et syriens.

Le 28 mai 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a ainsi adopté une

résolution 69/281 sur la « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Iraq », par laquelle elle :

« Exhorte tous les Etats membres à prendre des mesures appropriées pour s’assurer que tous les acteurs

intervenant dans le commerce de biens culturels, y compris, mais sans s’y limiter, les maisons de vente aux

enchères, les marchands d’œuvres d’art, les collectionneurs et les conservateurs de musées, sont tenus de fournir

des documents permettant de vérifier les provenances des objets, ainsi que des certificats d’exportation pour tous

les biens culturels importés, exportés ou mis en vente […] »169.

Une fois encore, est rappelée l’importance cruciale du contrôle de l’origine des biens

culturels, cette fois-ci au moment de leur vente. Les certificats d’exportation apparaissent,

une nouvelle fois, comme un outil indispensable de l’endiguement du trafic illicite de

biens culturels dont la pertinence est accrue par la situation d’urgence à laquelle doivent

faire face les patrimoines irakien et syrien.

De son côté, l’UNESCO assume toujours pleinement son rôle, tel qu’il a été rappelé

dans les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité, en contribuant à

coordonner la coopération internationale au sein du milieu des professionnels du marché

générale, à Séoul, le 8 octobre 2004. Le Code est disponible sur le site de l’ICOM www.icom.museum/la-

vision/code-de-deontologie//L/2. 169 Résolution 69/281 « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Iraq », adoptée par l’Assemblée générale

des Nations Unies à sa 69e session, le 28 mai 2015, par. 12. Disponible sur le site des Nations Unies

www.un.org.

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de l’art. En témoigne, notamment, une table ronde organisée au Siège de l’UNESCO le

30 mars 2016 sur le rôle du marché de l’art dans la lutte contre le trafic illicite de biens

culturels170.

De leur côté, d’importantes maisons de vente aux enchères ont assuré de leur pleine

coopération face au trafic illicite des biens archéologiques irakiens et syriens. C’est

notamment le cas de la maison de vente londonienne Christie’s Auction House, qui

affirmait, en juin 2015, être particulièrement vigilante vis-à-vis de l’origine des biens

culturels qu’elle met en vente, et travailler en étroite collaboration avec l’UNESCO et

INTERPOL171. Du côté français, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux

enchères publiques (CVV), autorité de régulation des ventes volontaires aux enchères,

s’est associé à l’UNESCO pour appeler les professionnels du marché de l’art à une plus

grande vigilance dans l’identification des biens culturels qu’ils sont amenés à mettre en

vente172.

Au regard de ces observations, la responsabilisation accrue des professionnels du

marché de l’art et de leurs acheteurs ne peut que contribuer à une plus grande efficacité

de la lutte internationale contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakien et

syrien du fait du trafic illicite. Toutefois, pour être véritablement efficace, elle devrait

également inclure les sites de vente sur Internet, particulièrement prisés par les

trafiquants. Il est donc logique que les exigences manifestées, au niveau international, à

l’égard du marché de l’art s’accompagnent, comme c’est de plus en plus le cas, d’un appel

à une plus grande vigilance de la part des plateformes de vente sur Internet.

170 Cf. « La circulation des biens culturels en 2016 : réglementation, coopération internationale et diligence

des professionnels au service de la protection du patrimoine culturel », communiqué de l’UNESCO du 30

mars 2016, disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org. 171 Cf. L. Daftari, « Facebook Purges Pages Offering Priceless ISIS Plunder for Sale », foxnews.com, 11

juin 2015. L’article reprend des propos tenus par l’attaché à la communication de la maison de vente, M. Sung-Hee Kim. 172 En ce sens, v. not. le message adressé conjointement par l’UNESCO et le CVV aux professionnels du

marché de l’art en octobre 2015. Disponible sur le site internet de l’UNESCO

www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property.

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(b) L’appel à une plus grande vigilance de la part des plateformes de

vente sur Internet

Avec le développement considérable d’Internet depuis la fin des années 1990, les

plateformes de vente en ligne sont devenues d’importants lieux de revente de biens

culturels et notamment archéologiques. Elles sont également devenues un outil privilégié

des trafiquants qui cherchent à vendre des biens archéologiques volés ou illicitement

exportés depuis le territoire de leur Etat d’origine. À ce titre, le contrôle de ces

plateformes est devenu un enjeu majeur de la lutte contre le trafic illicite de biens

culturels, amplifié par le contexte actuel de dispersion des biens archéologiques volés en

Irak et en Syrie.

L’UNESCO, INTERPOL et l’ICOM ont travaillé ensemble à l’élaboration en 2006

d’une liste de Mesures élémentaires concernant les objets culturels mis en vente sur

Internet. Proposées aux Etats, ces lignes directrices présentent les principales techniques

permettant de renforcer la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, afin que celui-ci

ne prenne pas son essor dans le cadre de la vente sur Internet.

Parmi les mesures proposées par le document, figure l’encouragement des

plateformes de vente en ligne à publier, sur leur site, un avertissement concernant les

ventes d’objets culturels qui seraient susceptibles d’avoir lieu sur cette plateforme :

« S’agissant des objets culturels mis en vente, il est conseillé à l’acheteur avant toute transaction de : (i) vérifier

et demander que soit vérifiée la provenance licite de l’objet, y compris les documents attestant la légalité de

l’exportation (et éventuellement celle de l’importation) de l’objet susceptible d’avoir été importé ; (ii) demander

au vendeur de prouver qu’il est le propriétaire légitime de l’objet. En cas de doute, l’acheteur est invité à s’adresser

en premier lieu aux autorités du pays d’origine et à INTERPOL, et éventuellement à l’UNESCO ou à l’ICOM »173.

Si elles mentionnaient cet avertissement, les plateformes de vente sur Internet

rappelleraient clairement les responsabilités de tous ceux qui prennent part à des ventes

de biens culturels en ligne. Cependant, force est de constater que cet avertissement ne

figure sur aucun site Internet de vente en ligne174. Même sur les sites de pays qui se

conforment aux Mesures élémentaires, en rappelant notamment l’importance de joindre

à tout bien culturel mis en vente des documents attestant de leur origine, aucune mention

173 Mesure 1. 174 En ce sens, v. not. N. Brodie, « The Internet Market in Antiquities », in Countering Illicit Traffic…,

préc., p. 18.

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n’est jamais faite de l’avertissement, notamment de la nécessité de contacter les autorités

compétentes en cas de doute175.

À l’heure où la coopération de tous les acteurs du marché de l’art est d’une

importance majeure dans la lutte contre le trafic illicite touchant les biens archéologiques

volés par Daech en Irak et en Syrie, les réticences des sites Internet de vente en ligne à

s’impliquer entièrement dans cette lutte constituent un obstacle sérieux à la récupération

des biens irakiens et syriens. C’est d’ailleurs sans doute face au constat de cette

défaillance dans la coopération existant aujourd’hui de la part des plateformes de vente

sur Internet qu’INTERPOL martèle l’importance des signalements susceptibles d’être

fournis par ces sites dès lors qu’il existe un doute quant à la provenance d’un bien culturel

mis en vente176. Dans le même esprit, l’Assemblée générale des Nations Unies n’a pas

manqué de souligner l’importance du contrôle des certificats d’exportation attachés aux

biens culturels mis en vente « y compris sur Internet »177.

Alors que les professionnels du marché donnent de plus en plus des témoignages de

leur implication réelle dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, le manque

de coopération des sites de vente sur Internet ternit le tableau général de la coopération

existant au niveau du marché de l’art. Il faut espérer que la dispersion sans précédent des

patrimoines archéologiques irakien et syrien incite ces acteurs à part entière du marché

de l’art à prendre une part plus active dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

*

Face au désastre culturel survenu en Irak et en Syrie du fait de l’EI, les réponses à

l’urgence de la situation n’ont pas été homogènes. Alors que les destructions massives

commises par le groupe terroriste pendant des mois n’ont eu, en face d’elles, qu’une

communauté internationale qui semblait paralysée et incapable de réagir, les bases d’une

175 Ibid., pp. 17-18. 176 En ce sens, v. not., « Le chef d’INTERPOL promet un soutien constant en faveur de la protection du

patrimoine culturel », communiqué préc. 177 Rés. 69/281 préc., par. 12.

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réelle coopération internationale ont été rapidement posées en vue d’identifier et

d’intercepter les biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie.

Il est quelque peu malheureux de devoir ainsi admettre qu’une véritable coopération

interétatique en matière de protection des biens culturels semble conditionnée par

l’existence d’un lien entre cette protection et d’autres enjeux des relations internationales.

À cet égard, c’est le souci de tarir l’une des sources de financement de Daech qui a fondé

les dispositions des résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité

relatives au trafic illicite de biens culturels et, partant le renforcement des modalités de

coopération soutenu par les efforts d’INTERPOL ou encore de l’OMD. En comparaison,

il est certain que le sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien

n’aurait eu d’autres motivations que le souci de préserver l’héritage commun de

l’humanité. Les Etats se sont alors montrés moins prompts à mobiliser les bases juridiques

internationales susceptibles de fonder une telle intervention.

En fin de compte, l’urgence de la situation irako-syrienne appelait et appelle encore

aujourd’hui des réponses qui peuvent toutes être appréhendées dans le cadre du droit

international, même si, parfois, une certaine souplesse a pu être nécessaire dans

l’interprétation des règles pertinentes. Il s’avère ainsi que le défaut de coopération

internationale en la matière n’est pas le fait d’insuffisances de la part du droit

international, mais bien de la frilosité des Etats à mobiliser les instruments que celui-ci

leur offre.

À cet égard, la sauvegarde des patrimoines archéologiques, en Irak et en Syrie, mais

également à travers le monde, appellera à une plus grande audace de la part des Etats dans

la mise en œuvre des moyens juridiques disponibles en la matière.

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DEUXIÈME PARTIE

LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR

SAUVEGARDER UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

FRAGILISÉ

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Alors que la menace djihadiste pesant sur les patrimoines archéologiques irakien et

syrien semble s’alléger de plus en plus à mesure que le groupe terroriste recule sous les

assauts des forces irakiennes et syriennes, commence à se poser la question de l’avenir

de ces patrimoines fragilisés par les destructions et les pillages dont ils ont été victimes.

Après avoir analysé les moyens offerts par le droit international pour lutter en urgence

contre les menaces pesant sur ces patrimoines, il s’agit donc désormais de rechercher ceux

susceptibles d’offrir un cadre à la sauvegarde de ces vestiges meurtris, afin que les années

à venir n’offrent plus jamais le spectacle d’une sauvagerie obscurantiste à l’encontre d’un

patrimoine culturel.

La tâche de sauvegarder les patrimoines irakien et syrien ne saurait reposer sur les

seules épaules de ces deux pays. Parce qu’ont été atteints des vestiges de l’histoire

commune de l’humanité, il incombe à la communauté internationale de participer à la

construction d’un avenir plus sûr pour ces deux patrimoines archéologiques mutilés. Une

telle entreprise implique de poser des bases solides sur lesquelles faire reposer les moyens

d’une protection restaurée et renforcée du patrimoine, non seulement en Irak et en Syrie,

mais également dans le monde. L’expérience irako-syrienne doit servir d’alarme sur les

menaces qui pèsent sur tout patrimoine archéologique et ainsi susciter une réaction de la

part de la communauté internationale qui soit de nature à assurer la préservation future de

chacun de ces patrimoines.

Garantir un avenir plus sûr pour les patrimoines archéologiques qui font la richesse

des peuples à travers le monde suppose notamment de montrer que les atteintes portées à

leur encontre ne resteront pas impunies. Comment, en effet, prétendre œuvrer à la

préservation d’un patrimoine si les auteurs des violences qui lui sont faites ne sont pas

poursuivis ? L’avenir des patrimoines archéologiques, en Irak, en Syrie ou ailleurs, ne

peut se construire que sur une répression, volontaire et efficace, des atteintes commises

par l’EI, ainsi que sur l’affirmation de ce que toute autre atteinte, à l’avenir, ne saurait

échapper à des poursuites. Or, quel meilleur moyen de poursuivre les responsables

d’atteintes à l’encontre de l’héritage commun de l’humanité qu’une répression organisée

au niveau international ? Il convient donc de rechercher, en premier lieu, les moyens

offerts par le droit international en vue d’une répression efficace des atteintes portées au

patrimoine archéologique en Irak et en Syrie (chapitre 1er).

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Une fois ce cadre répressif défini, il devient alors possible d’envisager les modalités

d’une meilleure préservation des patrimoines archéologiques irakien et syrien. Les

destructions et les pillages perpétrés par Daech à l’encontre de ces patrimoines doivent

non seulement faire réagir les gouvernements de Syrie et d’Irak sur la nécessité d’utiliser

tous les moyens à leur disposition pour prévenir de nouvelles atteintes, mais également la

communauté internationale sur des façons de les aider dans cette entreprise. Cette action

commune est indispensable si l’Irak et la Syrie envisagent de restaurer leurs patrimoines

meurtris et de récupérer les richesses pillées par l’EI et parties alimenter le trafic illicite

de biens culturels.

Qu’il s’agisse d’améliorer la prévention des menaces susceptibles de peser sur ces

patrimoines archéologiques ou d’œuvrer en faveur de la restauration et de la

reconstitution de ces derniers, le droit international est, là encore, susceptible d’offrir les

bases juridiques de l’avenir du patrimoine archéologique d’Irak et de Syrie (chapitre 2).

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Chapitre 1er

Les moyens juridiques d’une répression efficace des atteintes portées au

patrimoine archéologique en Irak et en Syrie

La poursuite des auteurs des atteintes commises à l’encontre des patrimoines

archéologiques irakien et syrien aurait incontestablement un impact bien plus fort si elle

était organisée au niveau international. L’humanité ayant perdu une part de son

patrimoine commun, il serait, en effet, logique d’espérer de cette répression qu’elle ait

une résonnance internationale. Partant, il convient de chercher dans le droit international

les bases de la concrétisation de cette aspiration.

Une telle répression implique de trouver des bases juridiques qui non seulement

assurent une incrimination des actes commis par Daech en Irak et en Syrie, mais

permettent également d’envisager des peines adéquates, c’est-à-dire proportionnées aux

actes incriminés. À cet égard, une analyse du droit international révèle que celui-ci recèle

de nombreuses règles propres à rendre possible ce double objectif. En témoigne, tout

d’abord, la possibilité d’une répression internationale des destructions du patrimoine

archéologique (SECTION I). Si cette possibilité revêt un intérêt majeur, elle ne doit pas

conduire à occulter la question de la répression en droit international du pillage et du trafic

illicite touchant le patrimoine archéologique (SECTION II).

SECTION I : LA POSSIBILITÉ D’UNE RÉPRESSION INTERNATIONALE DES

DESTRUCTIONS DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

Les destructions intentionnelles de sites archéologiques par l’EI en Irak et en Syrie

sont certainement les atteintes les plus marquantes commises à l’encontre des patrimoines

de ces deux pays. La sauvagerie avec laquelle les djihadistes se sont acharnés à détruire

ce qui ne pouvait être pillé a d’autant plus choqué la communauté internationale qu’elle

a été mise en scène de façon à ce que les images de ces destructions fassent le tour du

monde. En outre, là où les pillages alimentant le trafic illicite de biens culturels laissent

l’espoir que soient un jour retrouvés les biens volés, les destructions ont causé la perte

définitive de richesses d’une valeur inestimable. Face au spectacle des ruines qui jonchent

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aujourd’hui le sol de nombreux sites archéologiques d’Irak et de Syrie, là où s’élevaient

auparavant des édifices qui avaient réussi à traverser les siècles, il est légitime de

souhaiter que les auteurs de ces actes de vandalisme soient poursuivis et jugés. Or, si cette

idée semble s’imposer avec une force particulière après les événements qui se sont

déroulés en Irak et en Syrie, elle n’est pas nouvelle en droit international. En effet, s’il est

aujourd’hui possible d’envisager une répression internationale des destructions

intentionnelles de vestiges archéologiques, cette possibilité découle d’une préoccupation

ancienne du droit international envers la nécessité d’interdire et de poursuivre de telles

destructions commises dans le cadre d’un conflit armé.

Le Règlement de La Haye de 1907178 constitue, à cet égard, le premier texte de droit

international exprimant véritablement l’idée que la destruction intentionnelle de biens

culturels doit être poursuivie. L’article 56, al. 2 du Règlement dispose, en effet :

« Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements179, de monuments

historiques, d’œuvres d’art et de science, est interdite et doit être poursuivie ».

Si l’obligation de poursuite énoncée dans cette disposition reste assez vague, elle n’en

constitue pas moins un premier pas vers une criminalisation internationale des

destructions intentionnelles d’éléments d’un patrimoine culturel180. Cette impression a

d’ailleurs été confirmée, en 1939, lorsque le Tribunal militaire international de

Nuremberg a présenté les dispositions du Règlement de 1907 comme contenant des règles

« admises par tous les Etats civilisés et regardées par eux comme l’expression, codifiée,

des lois et coutumes de la guerre »181.

L’adoption, le 14 mai 1954, de la Convention de La Haye pour la protection des biens

culturels en cas de conflit armé confirme et approfondit la tendance initiée par le

Règlement de 1907. L’article 28 de la Convention, s’il est l’unique disposition relative

aux sanctions des violations du traité, n’en énonce pas moins un principe de responsabilité

178 Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la Convention (IV) concernant

les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907. 179 Référence faite aux « établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l’instruction, aux arts et aux

sciences » mentionnés à l’art. 56, al. 1er du Règlement. 180 En ce sens, v. not., V. Mainetti, « Des crimes contre le patrimoine culturel ? Réflexions à propos de la

criminalisation internationale des atteintes aux biens culturels », rapport présenté le 15 mai 2004 à la

Société européenne de droit international, p. 2. Disponible sur le site www.esil-sedi.eu. 181 Extrait du Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg

14 novembre 1945 – 1er octobre 1946, vol. I, cité dans J. Toman, op. cit., p. 27.

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pénale individuelle. Se faisant ainsi plus précis que la vague référence du Règlement de

La Haye à l’incrimination des actes de destructions intentionnelles de biens culturels,

l’article 28 de la Convention dispose :

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à prendre, dans le cadre de leur système de droit pénal, toutes

mesures nécessaires pour que soient recherchées et frappées de sanctions pénales ou disciplinaires les personnes,

quelle que soit leur nationalité, qui ont commis ou donné l’ordre de commettre une infraction à la présente

Convention ».

Malgré l’avancée réalisée par la Convention de La Haye par rapport au Règlement de

1907, le chemin vers une répression internationale des destructions intentionnelles de

biens culturels est encore long. En effet, les précisions apportées par la Convention de

1954 restent insuffisantes, ne serait-ce que parce qu’elles n’imposent pas aux Etats parties

de poursuivre et de sanctionner les auteurs de telles destructions, mais leur imposent

simplement de prendre « toutes les mesures nécessaires » à de telles poursuites et

sanctions. En outre, la répression ainsi prévue par la Convention reste entièrement

nationale, dans la mesure où l’article 28 n’énonce aucune infraction internationale. La

définition des infractions et, a fortiori, des peines adéquates relève entièrement des Etats

parties, « dans le cadre de leur système de droit pénal ».

À cet égard, un tournant important s’opère avec l’adoption du Premier Protocole

additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, le 8 juin 1977182. Ne se

contentant pas d’interdire un certain nombre d’actes conduisant à la destruction ou à

l’endommagement de biens culturels dans le cadre d’un conflit armé183, le Protocole

identifie une liste d’infractions graves dans son article 85. Parmi celles-ci, sont

mentionnés des actes de vandalisme commis intentionnellement à l’encontre du

patrimoine culturel, à savoir :

« le fait de diriger des attaques contre les monuments historiques, les œuvres d'art ou les lieux de culte clairement

reconnus qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et auxquels une protection spéciale a été

accordée en vertu d'un arrangement particulier, par exemple dans le cadre d'une organisation internationale

compétente, provoquant ainsi leur destruction sur une grande échelle, alors qu'il n'existe aucune preuve de

182 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes

des conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, 8 juin 1977. 183 Cf. art. 53 : « Sans préjudice des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la

protection des biens culturels en cas de conflit armé et d’autres instruments internationaux pertinents, il est

interdit : a) de commettre tout acte d’hostilité dirigé contre les monuments historiques, les œuvres d’art ou

les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples ; b) d’utiliser ces biens à

l’appui de l’effort militaire ; c) de faire de ces biens l’objet de représailles ».

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violation par la Partie adverse de l'article 53, alinéa b, et que les monuments historiques, œuvres d'art et lieux de

culte en question ne sont pas situés à proximité immédiate d'objectifs militaires »184.

En outre, le Protocole précise que ces infractions graves « sont considérées comme

des crimes de guerre »185. À côté de la relative timidité du Règlement de 1907 et de la

Convention de La Haye de 1954, qui laissaient une considérable marge de manœuvre aux

Etats dans la qualification pénale des actes de vandalisme commis à l’encontre du

patrimoine culturel, le Protocole I de 1977 constitue une avancée considérable dans la

mise en place d’une répression internationale des destructions intentionnelles d’éléments

du patrimoine culturel. Certes, les poursuites en la matière relèvent alors toujours des

juridictions étatiques, mais ces destructions intentionnelles reçoivent désormais une

qualification pénale internationale et les Etats parties ont l’obligation de poursuivre de

tels actes.

La création des TPI par résolutions du Conseil de sécurité186, puis de la CPI avec

l’adoption du Statut de Rome en 1998187 ont parachevé cette évolution vers une répression

internationale des destructions intentionnelles d’éléments du patrimoine culturel. En

définissant les contours d’une responsabilité pénale individuelle au niveau international,

les statuts de ces différentes juridictions ont défini les infractions relevant de la

compétence des TPI et de la CPI, incluant dans ces dernières les destructions

intentionnelles de biens culturels. Aujourd’hui, les actes de vandalisme commis par l’EI

peuvent recevoir une qualification pénale internationale afin que leurs auteurs fassent

l’objet de poursuites devant la juridiction pénale internationale permanente qu’est la CPI.

Du reste, en termes de compétences de la Cour, celle-ci peut exercer sa compétence

dès lors que « [l]’Etat sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu »188 et/ou

« [l]’Etat dont la personne accusée du crime est un ressortissant »189 est/sont parties au

Statut de Rome ou a/ont accepté la compétence de la Cour. Dans le cas de l’Irak et de la

Syrie, qui ne sont pas parties au Statut de Rome, la CPI pourrait donc être compétente

dans l’hypothèse où seraient interpelés des djihadistes ayant la nationalité d’un Etat partie

184 Art. 85, par. 4 d). 185 Art. 85, par. 5. 186 Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, adopté le 25 mai 1993, par la résolution

827 (1993) du Conseil de sécurité, à sa 3217e séance ; Statut du Tribunal pénal international pour le

Rwanda, adopté le 8 novembre 1994, par la résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité, à sa 3453e séance. 187 Statut de la Cour pénale internationale, Rome, 17 juillet 1998. 188 Art. 12 (2) (a). 189 Art. 12 (2) (b).

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au Statut. Cette éventualité est tout à fait envisageable, dans la mesure où de nombreux

« soldats » de Daech se sont avérés être des ressortissants d’Etats européens, qui sont

pratiquement tous parties au Statut de Rome. Pour ce qui est de la saisine de la Cour, il

est tout à fait envisageable que des Etats parties au Statut dont les ressortissants ont

commis des destructions intentionnelles d’éléments des patrimoines archéologiques

irakien et syrien acceptent, dans l’éventualité de leur interpellation, de renvoyer ces

situations à la CPI, comme le prévoit l’article 14 du Statut.

Ainsi, les destructions perpétrées intentionnellement à l’encontre des patrimoines

archéologiques irakien et syrien peuvent faire l’objet d’une répression internationale

susceptible d’être fondée sur des qualifications pénales variées (§1), laissant entrevoir la

possibilité de peines adéquates (§2).

§1. Une répression internationale susceptible d’être fondée sur des qualifications

pénales variées

Aux termes du Statut de la CPI, la destruction intentionnelle de biens culturels reçoit

la qualification avérée, mais contraignante de crime de guerre (A). Néanmoins, l’ampleur

des destructions commises en Irak et en Syrie ainsi que les motivations idéologiques

incontestables des djihadistes qui les ont perpétrées invitent à s’interroger sur la

possibilité d’appliquer à de tels actes d’autres qualifications pénales prévues par le Statut

de Rome. Avec l’idée que cela pourrait éventuellement induire des peines plus sévères, il

convient de s’interroger également sur la possibilité d’autres qualifications pénales

internationales (B).

A- La qualification avérée mais contraignante de crime de guerre

L’incrimination des crimes de guerre découle de l’article 8 du Statut de Rome.

L’article identifie quatre catégories d’actes recevant cette qualification, en distinguant

selon qu’ils ont été commis dans un conflit armé international ou interne190. Néanmoins,

190 En considérant ainsi qu’un crime de guerre peut également être commis dans le cadre d’un conflit armé

interne, l’article 8 du Statut de Rome fait sienne la solution retenue par le TPIY, dans le cadre de l’affaire

Tadić, à l’occasion de l’arrêt rendu le 2 octobre 1995 (TPIY, arrêt préc., par. 102), qui confirmait ainsi la

position déjà tenue par la CIJ dans l’affaire Nicaragua (CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires

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quelles que soient les circonstances de leur commission, tous les actes susceptibles de

recevoir la qualification de crimes de guerre aux termes de l’article 8 « s’inscrivent dans

le cadre d’un plan ou d’une politique ou […] font partie d’une série de crimes analogues

commis sur une grande échelle »191. D’emblée, cette précision semble s’appliquer

parfaitement aux actes commis par l’EI en Irak et en Syrie à l’encontre du patrimoine

archéologique, en ce que les destructions massives perpétrées sur place s’inscrivaient

complètement dans le cadre de l’idéologie fanatique de Daech, seule véritable politique

du groupe terroriste.

Parmi les différentes catégories d’actes identifiés par l’article 8 (2) comme

constituant des crimes de guerre, un type d’actes correspond plus particulièrement aux

destructions intentionnelles commises par l’EI, à savoir :

« [l]e fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement,

à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades

ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires »192.

Les destructions intentionnelles perpétrées par l’EI à l’encontre de sites

archéologiques irakiens et syriens peuvent incontestablement être assimilées à l’acte ainsi

désigné par le Statut de Rome comme constituant un crime de guerre. Outre le fait que

les sites en question peuvent incontestablement être assimilés à des « monuments

historiques », il est clair, par ailleurs, qu’ils ne constituaient pas des objectifs militaires193.

Toutefois, cette assimilation entre les actes commis par Daech et ceux décrits à

l’article 8 (2) du Statut de la CPI est loin d’être suffisante pour que les destructions

perpétrées par l’EI puissent être qualifiées de crimes de guerre en vertu du Statut de

Rome. Tout d’abord, l’article 8 ne peut être invoqué que dans le cas d’actes commis à

l’occasion d’un conflit armé. Par ailleurs, à cette condition première, s’en ajoutent deux

au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua c. Etats-Unis, Arrêt du 27 juin 1986, CIJ Recueil 1986, par.

128). 191 Art. 8 (1). 192 Art. 8 (2) (b) (ix) dans le cas d’un conflit armé international et art. 8 (2) (e) (iv) dans le cas d’un conflit

armé non international. 193 Il est utile de rappeler ici la définition d’« objectif militaire » donnée par le Deuxième Protocole relatif

à la Convention de La Haye de 1954, aux termes de laquelle un objectif militaire est « un objet qui, par sa

nature, son emplacement, sa destination ou son utilisation, apporte une contribution effective à l’action

militaire et dont la destruction totale et partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un

avantage militaire précis » (Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la

protection des biens culturels en cas de conflit armé, La Haye, 26 mars 1999, art. 1er, par. f).

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autres, comme cela ressort de la lecture des Éléments des crimes de la CPI194 – qui

« aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8 »195. Autrement dit, la

qualification de crime de guerre est une qualification systématiquement subordonnée à la

réunion de conditions strictes (a), lesquelles ont été réunies pour la première fois en

matière de destructions intentionnelles de biens culturels dans la récente affaire Ahmad

Al Faqi Al Mahdi (b).

(a) Une qualification systématiquement subordonnée à la réunion de

conditions strictes

Comme tout acte susceptible de recevoir la qualification de crime de guerre aux

termes de l’article 8 (2) du Statut de Rome, les destructions intentionnelles commises par

l’EI à l’encontre de sites archéologiques irakiens et syriens ne peuvent être reconnues par

la CPI comme étant des crimes de guerre que dans la mesure où elles ont été commises

dans les conditions prévues à cet article. Si la condition selon laquelle ces destructions

doivent être commises dans le cadre d’un conflit armé ressort logiquement de l’article

lui-même, les Éléments des crimes précisent non seulement qu’un tel comportement doit

être « associé à un conflit armé »196, international ou non, mais également que l’auteur

doit avoir eu « connaissance des circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit

armé »197.

Il est incontestable que la première condition de conflit armé est remplie dans le cas

des événements survenus en Irak et en Syrie du fait de l’EI. Les offensives armées menées

par le groupe terroriste sur chacun de ces deux territoires répondent, en effet, à la

définition du conflit armé telle qu’elle a été dégagée par le TPIY dans l’affaire Tadić, aux

termes de laquelle un tel conflit peut notamment se traduire par « un conflit armé prolongé

194 Éléments des crimes, tirés des Documents officiels de l’Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome

de la Cour pénale internationale, première session, New York, 3-10 septembre 2002, deuxième partie B

(publication des Nations Unies), révisés lors de la Conférence de révision de 2010 et repris dans les

Documents officiels de la Conférence de révision au Statut de Rome de la Cour pénale internationale,

Kampala, 31 mai-11 juin 2010, publiés par la CPI en 2011. Disponibles sur le site de la CPI www.icc-

cpi.int. 195 Art. 9 (1) du Statut de Rome. 196 Éléments des crimes : « Article 8 2) b) ix) – Attaques contre des biens protégés », par. 4, p. 24 et « Article

8 2) e) iv) – Attaques contre des biens protégés », par. 4, p. 37. 197 Ibid., par. 5, p. 24 et par. 5, p. 37.

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entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés »198. Le conflit

opposant l’EI – entité non étatique – aux forces armées irakiennes, d’une part, et aux

forces armées syriennes, d’autre part, constitue donc bien un conflit armé.

La seule question qui émerge quant à la nature du conflit en Irak et en Syrie est celle

qui consiste à se demander si, dans chacun de ces deux cas, le conflit armé est purement

interne ou s’il peut être qualifié d’international, dans la mesure où d’autres Etats que l’Irak

et la Syrie sont impliqués, sur les territoires de ces deux Etats, dans la lutte contre l’EI.

Force est d’admettre que la réponse à cette question n’a, en soi, aucune conséquence sur

la possibilité de retenir ou non la qualification de crime de guerre, puisque l’article 8 (2)

qualifie ainsi les destructions intentionnelles commises aussi bien dans le cadre d’un

conflit armé international – article 8 (2) (b) (ix) – qu’à l’occasion d’un conflit armé interne

– article 8 (2) (e) (iv). Néanmoins, si une disposition du Statut devait être retenue en cas

d’éventuelles poursuites devant la CPI, il serait sans doute plus simple de se référer au

seul article 8 (2) (e) (iv) applicable en cas de conflit armé non international, dans la

mesure où, à l’origine, le conflit en Irak et en Syrie présente une dimension purement

interne. En outre, malgré l’intervention ultérieure d’autres Etats, le conflit a continué

d’opposer un groupe armé, d’une part, à des entités étatiques, d’autre part, de sorte que la

nature internationale du conflit armé, tel qu’envisagé par le TPIY, est loin d’être

évidente199.

Par ailleurs, pour que les destructions commises intentionnellement par Daech

puissent être qualifiées de crime de guerre, il est également nécessaire que celles-ci aient

un lien avec le conflit armé qui se tenait alors en Irak et en Syrie200. Cette condition a

pour objectif de distinguer les crimes de guerre, relevant de la compétence de la CPI, des

crimes de droit commun, relevant de la seule compétence des juridictions nationales201.

La nature de ce lien a été précisée par la CPI à l’occasion des deux premières affaires

qu’elle a traitées, Lubanga et Katanga. La Cour a ainsi établi que, pour qu’un

comportement soit qualifié de crime de guerre, il « doit être étroitement lié aux hostilités

198 TPIY, Procureur c. Dusko Tadić, arrêt préc., par. 70. 199 Pour plus de détails sur les différents aspects permettant de distinguer les conflits armés internationaux

et non internationaux, v. not. M. Eudes, « Article 8 du Statut de Rome », in J. Fernandez et X. Pacreau

(dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire article par article, Paris, Pedone, t.

1, pp. 493-499. 200 Cf. supra, p. 88, note 190. 201 En ce sens, v. M Eudes, op. cit., p. 499.

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se déroulant dans tout ou partie des territoires contrôlés par les parties au conflit »202, en

ce sens que « le conflit armé doit jouer un rôle substantiel dans la décision de l’auteur du

crime, dans la capacité de celui-ci de l’exécuter ou dans la manière dont le comportement

a finalement été commis »203. Parmi les indices permettant de conclure à un tel lien entre

le conflit et les actes incriminés, figurent notamment « le fait que l’auteur du crime est un

combattant, […] le fait que l’acte pourrait être considéré comme servant l’objectif ultime

d’une campagne militaire, et le fait que la commission du crime participe des fonctions

officielles de son auteur ou s’inscrit dans leur contexte »204.

Dans le cas des destructions commises par l’EI, il est incontestable que celles-ci ont

été commises par des combattants, quand bien même ces « soldats » de Daech ne relèvent

pas à proprement parler de forces armées régulières, mais d’un groupe terroriste. En

témoignent notamment les vidéos réalisées par le groupe terroriste mettant en scène des

djihadistes appliqués à détruire des vestiges sur des sites archéologiques. En outre, le fait

que ces destructions aient été mises en scène par Daech témoigne de ce qu’elles

s’inscrivent dans l’objectif général du combat mené par l’EI, à savoir l’affirmation, par

le groupe terroriste, d’une idéologie fanatique qui ne se s’accommode pas de vestiges

archéologiques qualifiés pour la plupart de symboles d’idolâtrie. Il est donc

raisonnablement possible de conclure que les destructions de sites archéologiques

irakiens et syriens étaient associées à un conflit armé, comme l’exigent les Éléments des

crimes.

Enfin, il est nécessaire, au titre d’une ultime condition, que les auteurs de ces

destructions intentionnelles aient eu « connaissance des circonstances de fait établissant

l’existence d’un conflit armé »205. En introduction du commentaire de l’article 8, les

Éléments des crimes précisent au sujet de cette condition :

« a) Il n’est pas nécessaire d’établir que l’auteur a déterminé sur le plan juridique l’existence d’un conflit armé ou

le caractère international ou non international du conflit ; […]

202 CPI, Situation en République Démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire

n° ICC-01/04-01/06, Décision sur la confirmation des charges, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007,

par. 287 et CPI, Situation en République Démocratique du Congo, Le Procureur c. Germain Katanga et

Mathieu Ngudjolo Chui, affaire n° ICC‐01/04‐01/07, Décision sur la confirmation des charges, Chambre

préliminaire I, 30 septembre 2008, par. 380. 203 Ibid. 204 TPIY, Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic, affaire n° IT-96-23 et IT-

96-23/1-A, Arrêt du 12 juin 2002, Chambre d’appel, par. 59, cité dans CPI, Le Procureur c. Katanga, préc.,

par. 382. 205 Cf. Éléments des crimes : « Article 8 2) e) iv) … », par. 5 préc.

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c) Il faut seulement que l’auteur ait eu la connaissance des circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit

armé […] ».

Au regard de ces précisions, qui imposent simplement que l’auteur des actes

incriminés ait eu conscience du contexte de conflit armé au moment de la commission

desdits actes, il semble difficile d’arguer de ce que les djihadistes de Daech à l’origine

des destructions n’avaient pas connaissance de telles circonstances traduisant un conflit

armé en Irak et en Syrie.

Après un examen des trois conditions exigées par la CPI pour qualifier un acte de

crime de guerre, il est incontestable que les destructions intentionnelles commises par les

djihadistes de l’EI contre les patrimoines archéologiques irakien et syrien remplissent ces

conditions. Dans l’éventualité où des djihadistes ayant perpétré de tels actes de

vandalisme seraient poursuivis devant la CPI, leur condamnation pour crime de guerre,

sur le fondement de l’article 8 (2) (e) (iv) du Statut de Rome, paraît assurée. La récente

affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi qui s’est déroulée devant la CPI semble d’ailleurs

confirmer cette impression. Pour la première fois depuis la création de la Cour, celle-ci a,

en effet, estimé que les conditions de l’article 8 (2) étaient réunies dans une affaire

impliquant des destructions intentionnelles de biens culturels.

(b) Des conditions réunies pour la première fois en matière de

destructions intentionnelles de biens culturels dans la récente affaire

Ahmad Al Faqi Al Mahdi

Le 26 septembre 2015, Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été remis à la CPI à la suite d’un

mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cour le 18 septembre. Al Mahdi était soupçonné

d’être l’auteur de crimes de guerre consistant en la destruction intentionnelle de neuf

mausolées et d’une mosquée, à Tombouctou, au Mali, entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.

Le gouvernement malien ayant déféré la situation au Mali à la CPI, le 13 juillet 2012, la

Chambre préliminaire I a estimé, au regard des éléments mis à jour au cours de l’enquête

menée par le Bureau du Procureur, à partir du 16 janvier 2013, qu’il existait des charges

suffisantes à l’encontre de M. Al Mahdi pour que celui-ci comparaisse devant elle. Cette

affaire inédite a ainsi été l’occasion pour la CPI d’examiner des charges portant sur des

destructions intentionnelles de biens culturels et susceptibles, en vertu de l’article 8 (2)

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de son Statut, de recevoir la qualification de crimes de guerre206. Examinée à l’aune des

destructions de sites archéologiques syriens et irakiens commises intentionnellement par

l’EI, cette affaire ouvre la voie à de possibles poursuites des djihadistes à l’origine d’actes

de vandalisme, sur le modèle de celles menées à l’encontre de M. Al Mahdi. À ce titre, la

décision de confirmation des charges contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi, rendue par la

Chambre préliminaire I le 24 mars 2016207, donne une illustration des charges qui

pourraient être retenues à l’encontre de djihadistes de Daech qui comparaîtraient

éventuellement devant la CPI.

Afin de pouvoir conclure à la commission, par M. Al Mahdi, de crimes de guerre

pour destructions intentionnelles de biens culturels, la Chambre préliminaire I vérifie

logiquement que sont réunies les conditions découlant de l’article 8 (2) du Statut de Rome,

telles qu’expliquées par les Éléments des crimes, auxquelles est subordonnée la

qualification de crime de guerre.

La Chambre conclut rapidement à l’existence d’un conflit armé au Mali, à partir de

janvier 2012, doublé d’une occupation de la ville de Tombouctou par des groupes armés

d’AQMI et du mouvement associé Ansar Dine, en précisant que ce conflit ne présente

pas un caractère international et qu’il était en cours au moment des faits incriminés208. La

Chambre confirme donc ainsi le premier critère de la qualification de crime de guerre et

inscrit l’examen des charges dans le cadre de l’article 8 (2) (e) (iv) du Statut de Rome,

invoqué en cas de conflit armé non international. En soulignant ensuite que les

destructions en cause ont touché des mausolées et une mosquée qui constituaient des

« bâtiments consacrés à la religion » et des « monuments historiques » qui n’étaient pas

des objectifs militaires, la Chambre estime que les actes auxquels a participé M. Al Mahdi

s’assimilent clairement à ceux condamnés par l’article 8 (2) (e) (iv)209. Enfin, la Chambre

estime que les destructions décidées et mises en œuvre par l’accusé s’inscrivaient

incontestablement dans les fonctions officielles de celui-ci, elles-mêmes définies dans le

206 Pour un exposé détaillé des étapes de la procédure dans cette affaire, v. not. « Fiche d’information sur

l’affaire Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15 »,

disponible sur le site de la CPI www.icc-cpi.int. 207 CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqui Al Mahdi, affaire n° ICC-01/12-

01/15, Décision relative à la confirmation des charges, Chambre préliminaire I, 24 mars 2016, disponible

sur le site de la CPI www.icc-cpi.int. 208 Cf. par. 30-32. 209 Cf. par. 40-42.

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contexte de conflit armé au Mali, de sorte que ces destructions présentaient bien un lien

avec le conflit en cours et que M. Al Mahdi avait clairement connaissance des

circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit armé210.

Compte tenu de la similitude des faits commis au Mali, d’une part, et en Irak et en

Syrie, d’autre part, il y a de fortes chances que, dans l’hypothèse où des djihadistes de

Daech comparaîtraient devant la CPI en tant qu’auteurs de destructions intentionnelles de

biens culturels, la Cour considère également qu’il y a eu violation de l’article 8 (2) (e)

(iv) de son Statut, comme elle l’a fait dans cette affaire.

Par ailleurs, la décision du 24 mars 2016 laisse entrevoir les différents modes de

responsabilité pénale individuelle qui pourraient être retenus à l’encontre des auteurs de

destructions intentionnelles de sites archéologiques en Irak et en Syrie. Dans le cas de M.

Al Mahdi, la Chambre se fonde sur les articles 25 (3) (a)211, 25 (3) (b)212, 25 (3) (c)213 et

25 (3) (d)214 du Statut de Rome pour préciser l’implication de l’accusé dans les

destructions commises au Mali. Dans le cas irako-syrien, les vidéos réalisées par Daech

des destructions commises par les djihadistes devraient aider à identifier le degré

d’implication des auteurs éventuellement poursuivis par la CPI.

Au regard de l’analyse de l’article 8 (2) du Statut de Rome, principalement son alinéa

(e) (iv), confirmée par l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, les destructions intentionnelles

de sites archéologiques en Irak et en Syrie par l’EI constituent manifestement des crimes

de guerre. Si des djihadistes auteurs de ces destructions venaient à comparaître devant la

CPI, celle-ci retiendrait, à n’en pas douter, la qualification de crimes de guerre à leur

égard. Ce raisonnement ne doit, toutefois, pas empêcher de s’interroger sur la possibilité

de retenir d’autres qualifications pénales à l’encontre de tels actes.

210 Cf. par. 45-57, spéc. par. 56. 211 L’auteur a commis le crime « individuellement, conjointement avec une autre personne ou par

l’intermédiaire d’une autre personne ». 212 L’auteur a « ordonn[é], sollicit[é] ou encourag[é] la commision » du crime. 213 L’auteur a apporté « son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la

tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ». 214 L’auteur a contribué « de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel

crime par un groupe de personnes agissant de concert », étant entendu que « [c]ette contribution doit être

intentionnelle ».

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B- Interrogations sur la possibilité d’autres qualifications pénales

internationales

S’il est certain que les destructions intentionnelles commises par l’EI en Irak et en

Syrie constituent des crimes de guerre au regard de l’article 8 du Statut de Rome, il est

possible de se demander si d’autres qualifications pénales pourraient être retenues aux

termes du Statut de Rome. Ces interrogations ne sont pas dénuées d’intérêt si la possibilité

d’adjoindre au crime de guerre une autre qualification conduit à l’application de peines

plus lourdes pour leurs auteurs. Il convient ainsi de s’arrêter sur la qualification évoquée,

mais débattue de crime contre l’humanité (a), avant de s’intéresser à la qualification

contestée, mais envisageable de génocide culturel (b).

(a) La qualification évoquée mais débattue de crime contre l’humanité

La tentation est grande de vouloir qualifier spontanément de crimes contre l’humanité

les destructions intentionnelles de sites archéologiques qui traduisaient l’histoire

commune de l’humanité et qui appartenaient, pour certains d’entre eux, au Patrimoine

mondial de l’UNESCO. Toutefois, une lecture de l’article 7 du Statut de Rome consacré

au crime contre l’humanité révèle qu’il est assez difficile de trouver, parmi les actes

constitutifs d’un tel crime énumérés dans l’article, un comportement auquel pourraient

être assimilées ces destructions intentionnelles215. Néanmoins, la CPI pourrait

éventuellement interpréter souplement la notion de crime contre l’humanité, à l’image du

TPIY, pour inclure de telles destructions au rang des actes constitutifs de ce crime.

215 « Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après

lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population

civile et en connaissance de cette attaque : a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d)

Déportation ou transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de

liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; f) Torture ; g) Viol,

esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence

sexuelle de gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des

motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3,

ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en

corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la

Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ; j) Crime d’apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère

analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique

ou à la santé physique ou mentale » (art. 7 (1) du Statut de Rome).

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Si l’application de la qualification de crime contre l’humanité à des destructions

intentionnelles de biens culturels est aujourd’hui loin d’être évidente au regard des termes

de l’article 7 du Statut de la CPI, il en va également de même au regard de l’article 5 du

Statut du TPIY216. Néanmoins, le Tribunal s’est montré soucieux de réprimer de tels actes

de vandalisme, qu’il considère comme un crime constituant « une atteinte à des valeurs

spécialement protégées par la communauté internationale »217. À ce titre, il n’a pas hésité

à préciser les conditions auxquelles des destructions de biens culturels pourraient recevoir

la qualification de crimes contre l’humanité. Dans un jugement du 26 février 2009, le

TPIY a ainsi tenu le raisonnement suivant :

“Extrapolating from the Tribunal’s jurisprudence regarding the elements of Article 3(d) of the Statute, as well as

the jurisprudence dealing with destruction of property as an underlying offence of persecution as a crime against

humanity, the Trial Chamber finds that, in addition to the general requirements of crimes against humanity and

the specific requirements of persecution, the Prosecution must prove the actus reus and mens rea of wanton

destruction or damage of religious sites and cultural monuments, as a form of persecution, a crime against

humanity. The actus reus of this underlying offence is as follows: (a) the religious or cultural property must be

destroyed or damaged extensively; (b) the religious or cultural property must not be used for a military purpose

at the time of the act; and (c) the destruction or damage must be the result of an act directed against this property.

The mens rea required for the offence is that the physical perpetrator, intermediary perpetrator, or accused acted

with the intent to destroy or extensively damage the property in question, or in reckless disregard of the likelihood

of its destruction or damage”218.

Dans le cas des destructions de sites archéologiques irakiens et syriens par l’EI, les

conditions posées par le TPIY à la qualification de crime contre l’humanité semblent

remplies. Pour ce qui est de l’élément matériel, tout d’abord, les sites visés par Daech ont

soit été détruits complètement ou presque – par exemple, le site de Nimroud en Irak – soit

sérieusement endommagés – par exemple, le site de Palmyre en Syrie – ce qui remplit la

condition (a). Par ailleurs, ces sites n’étaient pas utilisés à des fins militaires – condition

(b) – et leur destruction ou les dommages qu’ils ont subis ont clairement résulté d’actes

qui leur étaient directement destinés – condition (c). Pour ce qui est de l’intention, il est

incontestable, là encore, que les djihadistes aient eu l’intention de détruire ou

d’endommager sérieusement les sites archéologiques concernés, comme en témoignent

les vidéos réalisées par Daech. Ainsi, au regard des conditions posées par le TPIY, qui

216 « Le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants

lorsqu’ils ont été commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre

une population civile quelle qu’elle soit : a) assassinat ; b) extermination ; c) réduction en esclavage ; d)

expulsion ; e) emprisonnement ; f) torture ; g) viol ; h) persécutions pour des raisons politiques, raciales et

religieuses ; i) autres actes inhumains ». 217 TPIY, Le Procureur c. Miodrag Jokić, affaire n° IT-01-42/1-S, Jugement portant condamnation,

Chambre de première instance I, 18 mars 2004, par. 46. Disponible sur le site du TPIY www.icty.org. 218 TPIY, Le Procureur c. Milan Milutinović, Nikola Šainović, Dragoljub Ojdanić, Nebojša Pavković,

Vladimir Lazarević, Sreten Lukić, affaire n° IT-05-87-T, Jugement, Chambre d’instance, 26 février 2009,

par. 206. Disponible (uniquement en anglais) sur le site du TPIY www.icty.org.

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résultent d’une interprétation élargie de l’article 5 de son Statut, les destructions

commises par l’EI en Irak et en Syrie envers des sites archéologiques pourraient être

qualifiées de crimes contre l’humanité.

Néanmoins, l’application de cette qualification à des destructions intentionnelles de

biens culturels peut être débattue. À cet égard, il est possible de mentionner la Déclaration

de l’UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel du 17

octobre 2003219, qui ne fait aucune référence à la qualification de crime contre l’humanité,

préférant baser la compétence de la CPI sur son seul article 8 (2). Néanmoins, face à

l’ampleur des destructions commises en Irak et en Syrie, l’UNESCO à accueillir en son

Siège une réunion d’experts en novembre 2015 sur la « responsabilité de protéger »220. À

cette occasion, des recommandations ont été adoptées, dans lesquelles il est précisé que

« les actes de destruction intentionnelle et de détournement du patrimoine culturel

peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité »221.

En dépit des discussions qui peuvent exister, sur le plan doctrinal, quant à la

possibilité de qualifier ou non de telles destructions de crime contre l’humanité, la CPI

est libre de se montrer plus audacieuse, en s’inspirant de la jurisprudence du TPIY en la

matière. Certes, elle s’est abstenue de reproduire cette jurisprudence à l’occasion de la

confirmation des charges pesant sur Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Toutefois, l’ampleur des

destructions commises en Irak et en Syrie, qui dépasse de loin celle des destructions

perpétrées au Mali, pourrait peut-être pousser la CPI à faire preuve de la même audace

que le TPIY et à accepter de qualifier de crimes contre l’humanité les destructions

commises par l’EI.

Loin d’être superflue, cette qualification aurait le mérite de reconnaître la violence et

l’ampleur sans précédent des destructions perpétrées en Irak et en Syrie à l’encontre

d’éléments du patrimoine commun de l’humanité. C’est dans cet esprit qu’il est

219 Déclaration de l’UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel, résolution

adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO à sa 32e session sur rapport de la Commission IV à la

21e séance plénière, le 17 octobre 2003, Actes de la Conférence générale, vol. 1, 2004, pp. 70-73.

Disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org. 220 Réunion d’experts sur la « Responsabilité de protéger » et son application à la protection du patrimoine

culturel en cas de conflit armé, UNESCO, Paris, 26-27 novembre 2015. 221 Recommandations adoptées lors de la Réunion sur la « Responsabilité de protéger » et la protection du

patrimoine culturel, UNESCO, Paris, 27 novembre 2015, Préambule, par. 2. En ce sens, v. aussi le Rapport

final de la Réunion, UNESCO, Paris, 27 novembre 2015, par. 7, p. 2.

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intéressant de s’interroger, en dernier lieu, sur la qualification contestée, mais

envisageable de génocide culturel.

(b) La qualification contestée mais envisageable de génocide culturel

Telle qu’appréhendée aujourd’hui par le droit international, la qualification de

génocide n’inclut pas de dimension culturelle. Autrement dit, en l’état actuel du droit

international, ne peuvent être réprimés, au titre du crime de génocide, des actes de

vandalisme à l’encontre d’un patrimoine culturel. Pourtant, au regard de l’ampleur et de

la sauvagerie des destructions de biens archéologiques irakiens et syriens par l’EI, il est

possible de s’interroger sur la possibilité de qualifier ces actes de crimes de génocide

culturel.

Premier texte international à définir et à condamner le crime de génocide, la

Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide222 a clairement exclu

l’idée de réprimer, au titre de ce crime, des actes de vandalisme à l’encontre du patrimoine

culturel223. Sur la base de ce modèle, il en a été de même par la suite des statuts des TPIY

et TPIR224, ainsi que du Statut de Rome225. Certes, la destruction de biens culturels peut

être prise en compte dans la répression d’un crime de génocide, mais uniquement en tant

qu’élément révélateur d’un génocide, tel que défini dans les textes de droit international,

c’est-à-dire des actes visant à la destruction physique ou biologique d’un groupe226.

222 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée par l’Assemblée

générale des Nations Unies dans sa résolution 260 A (III) du 9 décembre 1948. 223 Cf. article II de la Convention : « Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque

des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique,

racial ou religieux, comme tel : a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l'intégrité physique

ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence

devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au

sein du groupe ; e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ». 224 L’article 4, par. 2 du Statut du TPIY et l’article 2, par. 2 du Statut du TPIR reprennent la définition de

l’article II de la Convention de 1948. Le TPIR a même pris soin de rappeler, à l’occasion de l’une des

affaires qu’il a eu à traiter, que « les auteurs du Statut du Tribunal, qui ont repris textuellement la définition

du génocide donnée par la Convention sur le génocide, ont clairement choisi de circonscrire le sens du

verbe "détruire" aux seuls actes constitutifs de génocide physique ou biologique » (TPIR, Le Procureur c.

Laurent Semanza, affaire n° ICTR-97-20-T, Jugement et sentence, Chambre de première instance III, 15

mai 2003, par. 315), ce qui exclut, de fait, de la définition de génocide une quelconque dimension de

génocide culturel. 225 L’article 6 du Statut de Rome consacré au génocide reprend également textuellement la définition de ce

crime donnée par la Convention de 1948. 226 Le TPIY a ainsi reconnu que la définition du génocide se limite « aux actes visant à la destruction

physique ou biologique de tout ou partie du groupe », de sorte que « [n]’entrerait […] pas dans le cadre de

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Malgré les réticences du droit international à reconnaître comme un crime

international à part entière le génocide culturel, l’idée d’incriminer de tels actes de

vandalisme est relativement ancienne, puisqu’elle est née en même temps que celle

d’incriminer des actes tendant à la destruction physique d’un groupe. Le concept de

génocide culturel est, en effet, apparu dès 1944 dans les travaux de Raphaël Lemkin sur

le génocide227, c’est-à-dire dans ces mêmes travaux qui ont servi de base à la mise au

point d’une définition internationale du crime de génocide. Définissant ce crime comme

“the destruction of a nation or an ethnic group”228, Lemkin a distingué, plus

particulièrement, deux crimes dont il considérait la répression comme indispensable, à

savoir :

“the crime of barbarity, conceived as oppressive and destructive actions directed against individuals as members

of a national, religious, or racial group, and the crime of vandalism, conceived as malicious destruction of works

of art and culture because they represent the specific creations of the genius of such groups”229.

Autrement dit, la Convention de 1948, puis les statuts des juridictions pénales

internationales ont appréhendé comme génocide des actes qui, dans les travaux de

Lemkin, ne relevaient que du crime de “barbarity”, les actes constitutifs d’un crime de

“vandalism” ayant été purement et simplement écartés de la définition du génocide

finalement retenue.

Envisager la répression, par le droit pénal international, du crime de génocide

culturel, loin d’être révolutionnaire, reviendrait simplement à traduire complètement la

pensée de Lemkin, mettant ainsi un terme à la dissection dont elle a été l’objet au moment

de sa traduction en droit international. Certes, il serait délicat de remettre en question la

définition du crime de génocide admise depuis 1948, notamment parce qu’elle découle

d’une convention largement ratifiée. Néanmoins, il serait possible d’envisager une

révision du Statut de Rome pour y inclure un article supplémentaire incriminant le crime

la définition du génocide une entreprise qui s’en prendrait exclusivement, en vue de les annihiler, aux traits

culturels et sociologiques d’un groupe humain, fondement de son identité », avant d’admettre, néanmoins,

que « la destruction physique ou biologique s’accompagne souvent d’atteintes aux biens et symboles

culturels et religieux du groupe pris pour cible, atteintes dont il pourra légitimement être tenu compte pour

établir l’intention de détruire le groupe physiquement […] comme une preuve de l’intention de détruire ce

groupe » (TPIY, Le Procureur c. Radislav Krstić, affaire n° IT-98-33-T, Jugement, 2 août 2001, par. 580). 227 R. Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe, Washington, Carnegie Endowment for International Peace,

1944, pp. 79-95. 228 Ibid., p. 75. 229 Ibid., p. 91.

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de génocide culturel230. Ainsi, le crime de “vandalism” conceptualisé par Lemkin

trouverait un écho en droit international pénal, sans pour autant bouleverser la conception

traditionnelle du génocide ancrée dans la pratique internationale depuis presque soixante-

dix ans. Sans emporter, peut-être les mêmes conséquences que la reconnaissance de

l’existence d’un crime de génocide, l’incrimination du génocide culturel aurait le mérite

de traduire le degré de gravité supérieur de certaines destructions intentionnelles de biens

culturels.

Si la qualification de génocide culturel devait être admise, elle aurait vocation à

s’appliquer à des destructions de biens culturels dont l’ampleur et le caractère

systématique traduiraient une volonté de la part de leurs auteurs de détruire ce qui

constitue l’identité culturelle, artistique ou historique d’un groupe, en vue d’imposer à la

place des éléments d’identification culturelle propres à ces auteurs231. Or, n’est-ce pas

précisément ce à quoi s’est employé l’EI en Irak et en Syrie ? En détruisant massivement

et de manière systématique des éléments du patrimoine archéologique de ces deux pays

dont il prenait le contrôle, Daech n’a rien fait d’autre que montrer sa volonté d’éradiquer

des particularités culturelles de ces deux pays héritées de leur histoire, avec l’objectif

d’imposer à la place son propre mode de pensée. Bien plus, au-delà de cet aspect du

génocide culturel qui pourrait être ici reconnu, et dont les victimes sont des populations

nationales, il serait également possible de reconnaître à ce génocide une dimension

internationale, dont la victime serait l’humanité. Les destructions commises par Daech

traduisent également la volonté profonde du groupe terroriste d’annihiler ce qui fait la

richesse historique de l’humanité pour imposer à la place sa propre vision obscurantiste

et totalitaire qui ne tolère d’autre vérité que son idéologie fanatique.

Face aux destructions massives et d’une sauvagerie rare perpétrées par l’EI contre les

patrimoines archéologiques irakien et syrien, la qualification de crime de guerre peut

paraître insuffisante. L’ampleur de ce désastre culturel appelle une condamnation qui soit

230 L’article 123 du Statut de Rome admet la possibilité que, « [à] tout moment […], à la demande d’un Etat

partie […], le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, avec l’approbation de la majorité des

Etats parties, convoque une conférence de révision » (par. 2) qui « pourra porter notamment, mais pas

exclusivement, sur la liste des crimes figurant à l’article 5 » (par. 1er). 231 Se traduiraient ainsi les deux phases du génocide identifiées par Raphaël Lemkin : “one, destruction of

the national pattern of the oppressed group; the other, the imposition of the national pattern of the

oppressor” (R. Lemkin, op. cit., p. 75).

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à la mesure de la barbarie de ses auteurs. La reconnaissance de l’existence d’un crime

contre l’humanité, voire d’un génocide culturel serait plus en mesure de réprimer à leur

« juste valeur » les actes commis en Irak et en Syrie. Non content d’avoir un impact

symbolique très fort, le recours à de telles qualifications présenterait également l’avantage

de justifier le prononcé de peines adéquates, c’est-à-dire plus lourdes que celles qui

découleraient de la seule reconnaissance de l’existence d’un crime de guerre.

§2. Des qualifications pénales justifiées par la possibilité de peines adéquates

L’analyse des qualifications pénales internationales qu’il est possible de retenir à

l’encontre des auteurs de destructions intentionnelles de biens archéologiques en Irak et

en Syrie ne présente un intérêt dans l’étude de la sauvegarde future du patrimoine

archéologique de ces deux pays que dans la mesure où ces qualifications entraînent le

prononcé de peines adéquates par la CPI. En effet, comme le rappelle le Préambule du

Statut de Rome, les Etats parties à ce Statut sont « [d]éterminés à mettre un terme à

l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux

crimes »232. Dans cet optique, la gravité du crime est logiquement appelée à constituer un

facteur clé dans la détermination de la peine.

Toutefois, le Statut de Rome ne prévoit qu’un système de peine unique pour tous les

crimes internationaux qui relèvent de sa compétence. L’article 77 du Statut, relatif aux

peines applicables, dispose que :

« 1. […] la Cour peut prononcer contre une personne déclarée coupable d'un crime visé à l'article 5 du présent

Statut l'une des peines suivantes :

a) Une peine d'emprisonnement à temps de 30 ans au plus ; ou

b) Une peine d'emprisonnement à perpétuité, si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du

condamné le justifient.

2. À la peine d'emprisonnement, la Cour peut ajouter :

a) Une amende fixée selon les critères prévus par le Règlement de procédure et de preuve ;

b) La confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime, sans préjudice

des droits des tiers de bonne foi. »

Le fait que le Statut ne prévoit pas des peines spécifiques pour chaque crime traduit,

à première vue, un principe de non hiérarchisation des crimes en termes de gravité.

232 Préambule, par. 5.

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103

Néanmoins, en dépit de cette première impression, il est possible de trouver, dans le Statut

de Rome, des indices permettant de penser qu’il existe, en réalité, une forme de hiérarchie

entre ces crimes. Partant, la possibilité de fonder la répression internationale des

destructions intentionnelles en Irak et en Syrie présente un intérêt concret, en ce qu’elle

pourrait conduire au prononcé de peines proportionnées à la gravité de chacun de ces

crimes.

Des traces d’une hiérarchie entre les crimes internationaux en termes de gravité

apparaissent dans les articles 31 et 33 du Statut de Rome. Tout d’abord, l’article 31 du

Statut, relatif aux motifs d’exonération de responsabilité pénale, identifie plusieurs motifs

d’une telle exonération dans le cas de crimes de guerre233, mais pas dans ceux de crimes

contre l’humanité ou de génocide. Par ailleurs, l’article 33 (2) du Statut dispose que

« l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement

illégal », alors le paragraphe 1er de ce même article envisage trois hypothèses dans

lesquelles une personne qui a reçu l’ordre de commettre un crime peut être exonérée de

sa responsabilité pénale234. Autrement dit, là encore, les motifs d’exonération prévus ne

semblent concerner que les crimes de guerre.

À la lecture de ces deux articles, une hiérarchie semble bien se dessiner entre, d’une

part, le crime de guerre et, d’autre part, le crime contre l’humanité et le génocide. Au sein

de ces trois crimes, qui figurent déjà parmi les crimes « les plus graves qui touchent

l’ensemble de la communauté internationale », il semblerait, en effet, que le crime contre

l’humanité et le génocide présentent un degré de gravité supérieur à celui du crime de

guerre, révélé par l’absence de motifs d’exonération de responsabilité prévus à leur égard

par le Statut235.

233 Cf. art. 31 (1) (c) : « […] une personne n’est pas responsable pénalement si, au moment du comportement

en cause […] [e]lle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes

de guerre, pour défendre des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à

l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, d’une manière

proportionnée à l’ampleur du danger qu’elle courait ou que couraient l’autre personne ou les biens

protégés ». 234 Cf. art. 33 (1) : « Le fait qu’un crime relevant de la compétence de la Cour a été commis sur ordre d’un

gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa

responsabilité pénale, à moins que : a) Cette personne n’ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du

gouvernement ou du supérieur en question ; b) Cette personne n’ait pas su que l’ordre était illégal ; et c)

L’ordre n’ait pas été manifestement illégal ». 235 En ce sens, v. not. D. Scalia, Du principe de légalité des délits et des peines en droit international pénal,

Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève, Bruxelles, Bruylant, 2011, p.

190.

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En fin de compte, en ne prévoyant qu’un système de peine unique, le Statut de Rome

ne conduit pas tant à mettre tous les crimes internationaux à égalité en termes de gravité,

qu’à laisser à la CPI une plus grande liberté dans l’individualisation des peines qu’elle

prononce. Or, cette tendance à vouloir adapter chaque peine à la situation personnelle de

l’accusé n’est pas incompatible avec une forme de hiérarchie dans la gravité des crimes

qui relèvent de sa compétence, comme cela semble ressortir de l’article 31 (1) (c) et de

l’article 33 du Statut. Du reste, la CPI n’a pas manqué de rappeler cette dualité existant

dans le prononcé d’une peine, à l’occasion du jugement portant condamnation d’Ahmad

Al Faqi Al Mahdi :

« Pour fixer une peine proportionnée, il faut apprécier la gravité des actes commis par la personne déclarée

coupable in concreto, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce »236.

En appliquant aux destructions intentionnelles commises par Daech en Irak et en

Syrie, non seulement la qualification de crime de guerre, mais également, compte tenu de

l’ampleur des dommages causés au patrimoine, celle de crime contre l’humanité, voire

de génocide culturel, la CPI pourrait prononcer une peine bien plus lourde à l’encontre

des auteurs que celle qui découlerait de la seule qualification de crime de guerre. Une

telle peine serait, certes, le résultat du cumul de plusieurs crimes internationaux, mais elle

traduirait également le degré de gravité supérieur implicitement reconnu au crime contre

l’humanité et au génocide237. M. Al Mahdi ayant été condamné à une peine de neuf ans

de prison sur le « seul » chef de crimes de guerre, des peines privatives de liberté plus

sévères pourraient être prononcées dans l’éventualité où d’autres qualifications pénales

seraient également retenues.

De même que la répression internationale des destructions intentionnelles commises

par Daech en Irak et en Syrie aurait le mérite de poser des bases solides pour l’avenir des

patrimoines archéologiques ainsi fragilisés, la répression du pillage et du trafic illicite

236 CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, affaire n° ICC-01/12-

01/15, Jugement portant condamnation, Chambre de première instance VIII, 27 septembre 2016, par. 71,

disponible sur le site de la CPI www.icc-cpi.int. 237 Et ce, même si le crime de génocide culturel, s’il venait à être reconnu, serait sans doute considéré

comme étant moins grave qu’un génocide visant directement des personnes. En effet, quelle que soit la ou

les qualifications retenues, la CPI n’a pas manqué de rappeler, dans l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, que

« bien que fondamentalement graves, les crimes contre les biens le sont généralement moins que les crimes

contre les personnes » (CPI, jugement du 27 septembre 2016, préc., par. 77).

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touchant ces patrimoines est indispensable. À ce titre, il convient de s’intéresser à la

répression en droit international de ces deux actes.

SECTION II : LA RÉPRESSION EN DROIT INTERNATIONAL DU PILLAGE ET DU

TRAFIC ILLICITE TOUCHANT LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE.

Afin de dissuader à l’avenir les potentiels pilleurs et trafiquants de biens

archéologiques, il convient de tout mettre en œuvre pour réprimer comme il se doit les

auteurs de pillages en Irak et en Syrie, de même que ceux qui profitent de ces vols pour

mettre en place un trafic illicite. Ici encore, le droit international n’est pas dépourvu de

moyens à cet effet. Si certains fondent la possibilité d’une répression internationale du

pillage de biens archéologiques (§1), d’autres assurent le renforcement de l’encadrement

international de la répression nationale du trafic illicite de biens archéologiques pillés

(§2).

§1. La possibilité d’une répression internationale du pillage des biens

archéologiques

La question du pillage des biens archéologiques et, plus largement, des biens

culturels, en cas de conflit armé est un aspect de celle, plus générale, du pillage. Or, le

pillage en cas de conflit armé, international ou non, est depuis longtemps interdit en droit

international et fait même aujourd’hui l’objet d’une incrimination pénale internationale.

Partant, les bases juridiques de cette répression internationale du pillage permettent

d’envisager la possibilité de mesures identiques à l’égard des pillages de biens

archéologiques. Dans le cas de ceux commis par des djihadistes en Irak et en Syrie, une

telle répression contribuerait, au même titre que celle des destructions intentionnelles, à

offrir un socle solide à la sauvegarde future du patrimoine archéologique de ces deux pays

en proclamant que les atteintes au patrimoine ne resteront jamais impunies.

La première véritable consécration internationale de l’interdiction du pillage en cas

de conflit armé découle du Règlement de La Haye de 1907, dont l’article 47 affirme

clairement que « [l]e pillage est formellement interdit ». Cette interdiction vaut d’ailleurs

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même en cas d’assaut d’une ville ou d’une localité238. Par la suite, le pillage a également

fait l’objet d’une interdiction très claire dans la Convention (IV) de Genève de 1949239,

dont l’article 33, alinéa 2 énonce, de manière concise, que « [l]e pillage est interdit ».

Pour ce qui est du pillage des biens culturels, il a fallu attendre la Convention de La

Haye de 1954 pour que soit évoqué cet aspect particulier du pillage en cas de conflit armé.

L’article 4 de la Convention énonce, à cet égard :

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent […] à interdire, à prévenir et, au besoin, à faire cesser tout acte de

vol, de pillage ou de détournement de biens culturels, pratiqué sous quelque forme que ce soit […] ».

Si cette disposition a le mérite d’insister sur la nécessité d’interdire cette dimension

spécifique du pillage, elle est insuffisamment précise pour fonder une répression

internationale de ce comportement. Au contraire, la Convention laisse les Etats membres

maîtres de l’incrimination et de la répression de ce type de pillages.

L’interdiction du pillage en cas de conflit armé est donc ancienne. Néanmoins, elle

n’a été clairement confirmée dans le cadre des conflits non internationaux qu’avec

l’adoption du Protocole II aux Conventions de Genève de 1949240. Relatif aux conflits

armés ne présentant pas un caractère international, le Protocole n’en affirme pas moins

l’interdiction du pillage dans un tel contexte241. Dans le cas des biens culturels,

l’extension de l’interdiction de leur pillage aux conflits armés non internationaux a été

confirmée à l’occasion d’un arrêt du TPIY. En effet, si la Convention de La Haye est

considérée comme une codification de règles de droit international coutumier, la

confirmation du caractère coutumier de ces règles en cas de conflit armé non international

est le fait du Tribunal, dans le cadre de l’affaire Tadić, plus précisément aux termes de

son arrêt du 2 octobre 1995242.

Le pillage en cas de conflit armé a pu faire l’objet d’une véritable répression

internationale dès lors qu’il a été clairement qualifié de crime de guerre par un texte

international et que sa répression devant une juridiction internationale a été possible. À

238 Cf. art. 28. 239 Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, 12 août 1949. 240 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes

des conflits armés non internationaux (Protocole II), Genève, 8 juin 1977. 241 Cf. art. 4 (2) (g) du Protocole. 242 Cf. TPIY, Tadić, Arrêt préc., par. 98.

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ce titre, le pillage a été qualifié comme tel pour la première fois dans le Statut du Tribunal

militaire international de Nuremberg243, aux termes de son article 6 (b). Les Statuts du

TPIY244 et du TPIR245 ont, par la suite, confirmé l’incrimination internationale des

pillages. Aujourd’hui, la répression internationale de ce comportement est possible aux

termes de l’article 8 (2) du Statut de Rome.

Envisagé dans le cadre d’un conflit armé non international246, le pillage est qualifié

de crime de guerre par l’article 8 (2) (e) (v) du Statut de la CPI, lequel condamne « [l]e

pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ». Autrement dit, alors que le

Statut de Rome envisage spécifiquement, au rang des crimes de guerre, les destructions

intentionnelles de biens culturels, le pillage de tels biens n’est pas expressément

mentionné dans l’article. Toutefois, la généralité de la disposition du Statut permet

raisonnablement d’inclure le pillage de biens culturels dans la catégorie plus générale du

pillage « d’une ville ou d’une localité ». Assurément, le pillage du Musée de Mossoul, en

Irak, peut être assimilé au pillage d’une ville visé dans l’article. Quant à ceux perpétrés

sur des sites archéologiques irakiens et syriens, il serait difficile de ne pas les considérer

comme des pillages aux termes de l’article 8 (2) (e) (v), qui condamne le pillage d’une

« localité ».

De même que la répression internationale des destructions intentionnelles de biens

archéologiques est souhaitable en raison de son impact symbolique très fort, la répression

des pillages auxquels se sont livrés les djihadistes appelle également une réponse à

l’échelle internationale. En outre, ce serait l’assurance d’une unité dans la répression des

auteurs, dans la mesure où il est fort probable que ceux qui se sont livrés à des pillages

aient également été impliqués dans des destructions ou des actes de vandalisme. À travers

l’article 8 (2) (e) (v) du Statut de Rome, le droit international rend possible une telle

répression. Partant, il faut espérer que les Etats dont les ressortissants sont responsables

de tels actes acceptent de soumettre ces questions à la compétence de la CPI, dans

l’éventualité où ces individus seraient interceptés.

243 Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances

européennes de l'Axe et statut du tribunal international militaire, Londres, 8 août 1945. 244 Cf. art. 3, par. e) du Statut. 245 Cf. art. 4, par. f) du Statut. 246 Auquel s’assimile plus certainement le conflit opposant l’EI et le gouvernement irakien, d’une part, et

l’EI et le gouvernement syrien, d’autre part. Cf. supra, p. 91.

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Conséquence inévitable du pillage de biens archéologiques, le trafic illicite appelle

également une répression efficace. Toutefois, à côté des destructions intentionnelles de

biens archéologiques et des pillages, qui figurent au nombre des « crimes les plus

graves »247 justifiant l’implication d’une juridiction pénale internationale, il n’en va pas

de même pour le trafic illicite de biens archéologiques. Cependant, compte tenu de

l’ampleur prise par ce trafic au cours des dernières années et davantage encore dans le

cadre des événements en Irak et en Syrie, il est possible de constater un renforcement de

l’encadrement international de la répression nationale du trafic illicite de biens

archéologiques pillés.

§2. Le renforcement de l’encadrement international de la répression nationale

du trafic illicite des biens archéologiques pillés

Face au développement considérable du trafic de biens archéologiques pillés en Irak

et en Syrie, de nombreuses organisations internationales n’ont cessé de sensibiliser la

communauté internationale sur la nécessité de renforcer la lutte contre ce trafic,

notamment en vue d’intercepter le plus rapidement possible les biens ainsi sortis

illégalement des territoires irakien et syrien. Si cette réaction s’imposait face à l’urgence

de la situation, ce trafic appelle également une autre réponse : la répression des

trafiquants.

La répression du trafic illicite de biens archéologiques – et plus généralement de biens

culturels – ne donne pas lieu à des qualifications pénales internationales, de sorte que le

droit international ne semble pas désireux d’en faire un crime international248. Du reste,

la Convention qui était la mieux placée pour aborder la question de ce trafic sous un angle

pénal, à savoir la Convention de l’UNESCO de 1970, s’est contentée d’évoquer la

nécessité de sanctions pénales, mais tout en laissant les Etats maîtres de la détermination

des mesures pénales qu’ils jugent adéquates à la répression de ce comportement. À ce

titre, il découle notamment de l’obligation de mettre en place un certificat d’exportation

247 Cf. art. 5 du Statut de Rome. 248 En ce sens, v. not. C. Bories, « Le commerce illicite des biens culturels », in A. Ascensio, E. Decaux et

A. Pellet (dir.), Droit international pénal, Paris, Pedone, 2e éd., 2012, p. 419.

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des biens culturels249 celle de « frapper de sanctions pénales ou administratives toute

personne responsable d’une infraction » à cette disposition250. Cet exemple révèle que les

Etats restent donc très libres dans la fixation des sanctions pénales et même dans le choix

entre sanctions pénales et sanctions administratives.

Dans ce contexte, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution

portant des Principes directeurs internationaux sur les mesures de prévention du crime et

de justice pénale relatives au trafic de biens culturels et aux autres infractions connexes251.

Lorsque la résolution a été adoptée, le 18 décembre 2014, la menace du trafic illicite de

biens archéologiques pesait déjà sur le patrimoine syrien, en proie à des pillages de grande

ampleur depuis l’éclatement de la guerre civile syrienne en 2011. Le constat des pillages

massifs perpétrés par la suite sous l’égide de l’EI en Syrie, mais aussi en Irak, rend cette

résolution d’autant plus pertinente, en ce qu’elle propose aux Etats des lignes directrices

en matière de répression des pillages. À cette fin, la résolution souligne que :

« […] ces Principes directeurs constituent un cadre utile pour orienter les Etats Membres au niveau de

l’élaboration et du renforcement de leurs politiques, stratégies, législations et mécanismes de coopération dans le

domaine de la protection contre le trafic de biens culturels et autres infractions connexes »252.

À défaut d’une répression du trafic illicite de biens culturels établie au niveau

international, la résolution renforce l’encadrement international d’une répression mise en

œuvre au niveau national. L’objectif de ces Principes est de souligner l’importance de

« reconnaître le caractère pénal de telles infractions »253 et donc d’affirmer l’insuffisance

de seules sanctions administratives à l’égard des trafiquants.

À cette fin, les Principes directeurs préconisent notamment aux Etats de se conformer

aux dispositions de la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée254.

Cette Convention constitue, en effet, un instrument de droit international important dans

l’encadrement de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. À l’occasion de la

conférence des Etats parties à la Convention, qui s’est tenue à Vienne du 18 au 22 octobre

249 Art. 6, par. a de la Convention. 250 Art. 6, par. b et art. 8 de la Convention. 251 Résolution 69/196 « Principes directeurs internationaux sur les mesures de prévention du crime et de

justice pénale relatives au trafic de biens culturels et aux autres infractions connexes » de l’Assemblée

générale des Nations Unies, adoptée à sa 69e session, le 18 décembre 2014. 252 Ibid., par. 2, italique ajouté. 253 Principes directeurs, introduction, par. 1. 254 Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, New York, 15 novembre

2000. En ce sens, v. Principe directeur 13.

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2010, il a ainsi été affirmé que cette Convention avait vocation à jouer un rôle majeur

dans la coopération internationale en vue de lutter contre ce trafic, considéré comme un

aspect de la criminalité organisée255.

Partant, les Principes directeurs appellent les Etats à « envisager de conférer le

caractère d’infraction pénale grave »256 au trafic illicite de biens culturels, ce qui doit

logiquement conduire au prononcé de peines de prison à l’encontre des auteurs257.

La répression des individus prenant part au trafic illicite des biens archéologiques

pillés en Irak et en Syrie est appelée à être mise en œuvre par les Etats. Néanmoins, cette

question est loin d’échapper complètement au droit international. Qu’elle soit évoquée

dans des conventions ou dans des instruments de soft law, dont les Principes directeurs

sont un exemple, la répression de ce trafic est encadrée par le droit international. Cet

encadrement, renforcé dans le contexte des pillages massifs perpétrés en Syrie et en Irak,

a pour but de sensibiliser les Etats à la nécessité de réprimer comme il se doit les

infractions relatives à ce trafic. À cet égard, la pénalisation des infractions les plus graves

est l’un des meilleurs moyens d’une répression efficace du trafic illicite de biens culturels

pillés.

*

En tant que préalable à l’édification d’un avenir plus sûr pour les patrimoines

archéologiques irakien et syrien – et, partant, pour les patrimoines archéologiques à

travers le monde – la répression des atteintes portées à ces patrimoines est incontournable,

et même cruciale. Non contente de rendre possible la sanction des atteintes déjà

commises, elle permet également d’affirmer qu’aucune destruction intentionnelle ni

aucun pillage de biens archéologiques ou trafic illicite en découlant ne restera impuni à

l’avenir.

255 En ce sens, v. not. M. Boilat, op. cit., p. 44. 256 Principe directeur 16. 257 Principe directeur 21.

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Dans cette optique, l’organisation d’une répression internationale de ces atteintes

aurait un impact symbolique encore plus fort. En outre, elle serait le garant d’une

répression unifiée, ce qui serait appréciable en termes d’efficacité. À cet égard, le droit

international offre les moyens d’une telle répression, tout particulièrement pour ce qui est

des destructions intentionnelles et des pillages ayant affecté les patrimoines irakien et

syrien. Pour peu que les Etats reconnaissent la compétence de la CPI en la matière et que

celle-ci n’hésite pas à faire preuve de fermeté, voire d’audace dans les qualifications

pénales à retenir, la répression internationale des individus interpelés pourrait s’avérer

efficace en tant qu’élément de dissuasion d’atteintes futures à l’encontre d’un patrimoine

archéologique.

Une fois menée cette lutte contre l’impunité des agressions portées à l’encontre des

patrimoines irakien et syrien, il devient possible de se tourner vers l’avenir de ces

patrimoines et, notamment, d’en chercher les bases juridiques.

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Chapitre 2

Les bases juridiques de l’avenir du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie

Les traces laissées par Daech sur les patrimoines archéologiques irakien et syrien sont

autant de rappels de la nécessité d’empêcher que de tels actes de sauvagerie ne se

reproduisent à l’avenir. Le renforcement de la sauvegarde de ces patrimoines s’impose

aujourd’hui comme un impératif majeur. Ce n’est que dans la mesure où les moyens de

cette sauvegarde seront mobilisés de manière efficace qu’il devient possible d’envisager

la reconstitution de ces patrimoines fragilisés.

Si les Etats sont restés relativement immobiles face aux destructions et pillages qui

ont ravagé les patrimoines archéologiques irakien et syrien – et ce en dépit des possibilités

que leur offrait le droit international – il leur incombe, aujourd’hui, de prendre une part

active à la préservation future non seulement des patrimoines irakien et syrien, mais aussi

de l’ensemble des patrimoines archéologiques à travers le monde. Les atteintes portées à

l’encontre du patrimoine en Irak et en Syrie doivent rester dans les mémoires comme des

événements qu’il faut à tout prix éviter à l’avenir. À cet égard, le droit international peut

offrir, une nouvelle fois, les moyens de cette entreprise, pour autant que la communauté

internationale décide véritablement de se mobiliser à cet effet. Pour cela, les Etats doivent

rechercher les bases juridiques d’une meilleure prévention des menaces pesant sur le

patrimoine archéologique (SECTION I).

En se donnant ainsi les moyens de mieux prévenir les atteintes à l’encontre du

patrimoine, l’Irak et la Syrie pourront alors envisager de reconstituer leurs patrimoines

archéologiques si durement touchés par les destructions et les pillages et en partie

dispersés sous l’effet du trafic illicite. S’il s’agit là d’une démarche essentiellement

nationale, le droit international ne dispose pas moins d’instruments susceptibles de jouer

un rôle important en la matière. C’est donc logiquement qu’il conviendra de s’interroger

sur les bases juridiques de la reconstitution d’un patrimoine archéologique (SECTION II).

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SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES

MENACES PESANT SUR LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

Les événements survenus depuis la fin 2014 en Irak et en Syrie ayant révélé toute

l’ampleur des menaces susceptibles de peser sur un patrimoine archéologique, il convient

aujourd’hui de rechercher dans le droit international les moyens de mieux prévenir de

telles atteintes, à l’avenir.

À cet égard, les Etats ne devront pas craindre de faire preuve d’audace en acceptant

de se livrer à une application renouvelée de certains moyens offerts par le droit

international. Notamment, il conviendrait de réaliser l’intérêt qu’il y a à envisager des

missions internationales d’urgence en vue d’une meilleure prévention des destructions et

pillages du patrimoine archéologique (§1). Par ailleurs, l’Irak et la Syrie, mais également

l’ensemble des Etats devraient admettre la nécessité d’une mise en œuvre renforcée des

instruments internationaux de lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques (§2).

§1. L’intérêt d’envisager des missions internationales d’urgence en vue d’une

meilleure prévention des destructions et pillages du patrimoine archéologique

L’ampleur des destructions et des pillages perpétrés par l’EI en Irak et en Syrie, de

manière organisée et méticuleuse, mutilant les sites archéologiques touchés, a révélé

l’insuffisance des instruments classiquement prévus par le droit international pour la

protection des biens culturels en cas de conflit armé. Si la Convention de La Haye de

1954, en principe cheville ouvrière de cette protection, a fait défaut, c’est uniquement

parce qu’elle part d’un postulat de base complètement inopérant dans le cas irako-syrien :

la coopération de toutes les parties belligérantes en vue de la protection des biens culturels

présents dans les zones de conflit258.

La sauvagerie déployée par Daech à l’encontre du patrimoine archéologique en Irak

et en Syrie a rendu obsolète une telle convention, contraignant la communauté

internationale à assister au spectacle de destructions soigneusement mises en scène par le

groupe terroriste. Malgré cela, l’implication d’Etats étrangers dans le conflit faisant rage

sur les deux territoires n’a guère profité au patrimoine archéologique sur place. S’il est

258 Cf. supra, pp. 14-15.

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possible de le déplorer, il convient, néanmoins, de reconnaître que les forces armées

étrangères déployées sur place ont activement œuvré au recul de Daech.

Toutefois, cette situation invite à sérieusement reconsidérer les moyens juridiques

disponibles pour prévenir de telles atteintes lorsqu’éclate un conflit sur un territoire riche

en vestiges archéologiques, a fortiori lorsque l’une des parties au conflit manifeste

clairement son hostilité à l’égard de ces biens culturels. Dans la mesure où il est très

improbable que le Conseil de sécurité autorise un jour des Etats à recourir à la force en

vue de sauver de la destruction et du pillage le patrimoine d’un autre Etat259, il faut

envisager d’autres moyens. À cet égard, la mise en place de missions internationales

d’urgence semble, à bien des égards, être une solution adéquate afin de préserver le plus

possible le patrimoine archéologique d’un Etat en proie à un conflit et n’étant pas en

mesure d’assurer lui-même une telle protection. Dans le cas de l’Irak et de la Syrie,

l’organisation de telles missions dès les premiers actes d’hostilités perpétrés par Daech –

et alors que de nombreux sites archéologiques n’étaient pas encore sous son contrôle –

aurait pu contribuer à prévenir les destructions violentes et les pillages massifs perpétrés

par l’EI pendant plus d’un an à mesure que son assise territoriale grandissait.

En vue de mettre en place de telles missions, il pourrait être intéressant de mobiliser

une technique ancrée dans la pratique internationale depuis de nombreuses années : les

opérations de maintien de la paix. Une application renouvelée de ce mécanisme, en vue

de répondre aux enjeux particuliers de la prévention des atteintes à l’encontre d’un

patrimoine archéologique, pourrait permettre d’éviter que ne se reproduisent, à l’avenir,

les événements survenus en Irak et en Syrie.

Bien qu’elles ne soient pas prévues par la Charte des Nations Unies, les opérations

de maintien de la paix se sont imposées comme une technique privilégiée de l’ONU en

matière de paix et de sécurité. Considérés comme des organes subsidiaires du Conseil de

sécurité ou de l’Assemblée générale, ces opérations peuvent ainsi être créées aussi bien

par l’un que par l’autre260. Toutefois, la pratique contemporaine révèle que la plupart de

259 Cf. supra, pp. 29-31. 260 La création d’organes subsidiaires par des organes principaux de l’ONU est, en effet, possible aux termes

de l’art. 7, par. 2 de la Charte (« Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés

conformément à la présente Charte »), mais également, pour ce qui est du Conseil de sécurité, par l’article

29 de la Charte (« Le Conseil de sécurité peut créer les organes subsidiaires qu'il juge nécessaires à

l'exercice de ses fonctions »).

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ces opérations sont créées par le Conseil de sécurité, dans le cadre du Chapitre VII261.

Dans ce contexte, les opérations de maintien de la paix se sont adaptées et se sont vu

accorder les moyens de leur efficacité. À ce titre, le droit de légitime défense reconnu aux

Casques bleus dans l’accomplissement de leur mission a été interprété plus largement afin

de ne plus être seulement une légitime défense individuelle, mais également une légitime

défense fonctionnelle autorisant les Casques bleus à recourir à la force face à toute

tentative visant à compromettre l’accomplissement de leurs fonctions262.

Une telle possibilité de recours à la force, bien qu’encadrée par le mandat de

l’opération tel que fixé par le Conseil de sécurité, constituerait une garantie d’efficacité

plus qu’appréciable dans l’éventualité d’une opération destinée à la préservation d’un

patrimoine archéologique menacé de destructions et de pillages. La mise en place d’une

telle opération en Irak et en Syrie aurait, à n’en pas douter, contribué à prévenir les

destructions et pillages dont ont été victimes de nombreux sites archéologiques à mesure

que le contrôle en était pris par l’EI. L’efficacité d’une telle opération aurait, d’ailleurs,

pu bénéficier de la présence des forces aériennes de la coalition internationale.

Il convient de déplorer l’absence de recours au mécanisme des opérations de maintien

de la paix face à la crise culturelle subie par l’Irak et la Syrie, dans la mesure où les

destructions de même nature perpétrées au Mali en 2012 ont été prises en compte par le

Conseil de sécurité dans la définition du mandat de l’opération organisée sur place. En

effet, par sa résolution 2100 (2013) du 25 avril 2013263, le Conseil de sécurité a créé la

MINUSMA264 et a inclus dans le mandat de cette dernière la protection du patrimoine

culturel, pour :

« Aider les autorités de transition maliennes, en tant que de besoin et, si possible, à protéger les sites culturels et

historiques du pays contre toutes attaques, en collaboration avec l’UNESCO »265.

261 En ce sens, v. not. S. Zašova, Le cadre juridique de l’action des casques bleus, Paris, Publications de la

Sorbonne, coll. Guerre et Paix, 2014, p. 29. 262 Cf. Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 425 (1978) du Conseil de sécurité,

S/12611, 19 mars 1978, par. 4 d) : « La Force [Force intérimaire des Nations Unies au Liban, FINUL]

recevra des armes de caractère défensif. Elle ne devra faire usage de la force qu’en cas de légitime défense.

La légitime défense comprendrait la résistance à toute tentative de l’empêcher par la force de s’acquitter de

ses fonctions conformément au mandat du Conseil de sécurité ». Pour une analyse de cette nouvelle

interprétation de la légitime défense dans le cadre des opérations de maintien de la paix, v. not., O. Thielen,

op. cit., pp. 19-26. 263 Résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 6952e séance, le 25 avril 2013. 264 À cette occasion, l’autorité de la MISMA, première opération de maintien de la paix mise en place dans

le contexte du conflit malien (créée par la résolution 2085 du Conseil de sécurité, le 30 décembre 2012), à

la MINUSMA (cf. par. 7 de la résolution). 265 Par. 16, al. f) de la résolution.

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Par cette résolution, le Conseil de sécurité inclut, pour la première fois, dans le

mandat d’une mission de maintien de la paix, la préservation du patrimoine culturel du

pays en conflit, menacé notamment de destructions intentionnelles. En outre, si le

paragraphe 16, alinéa f) semble tempérer la portée de cet aspect du mandat par la précision

« si possible », le paragraphe 17, en revanche, précise que la MINUSMA est autorisée « à

user de tous les moyens nécessaires […] pour s’acquitter du mandat défini » à plusieurs

alinéas du paragraphe 16, parmi lesquels l’alinéa f) relatif à la sauvegarde du patrimoine

culturel malien. Or, dans la mesure où le Conseil de sécurité a pris la peine de rappeler,

en début de résolution, la possibilité de recourir à la force dans le cadre d’une opération

de maintien de la paix en vue d’assurer la « défense du mandat »266, cette référence à

« tous les moyens nécessaires » inclut implicitement un tel recours à la force afin de

contrer d’éventuelles attaques dirigées contre « les sites culturels et historiques du pays ».

Une telle initiative de la part du Conseil de sécurité aurait été plus qu’appréciable

dans le cas des atteintes portées à l’encontre des patrimoines archéologiques irakien et

syrien. Compte tenu de l’ampleur de la menace, une opération de maintien de la paix

exclusivement consacrée à la préservation de ces patrimoines aurait même pu être

envisagée. Après tout, la préservation d’un patrimoine culturel, notamment contre les

pillages, n’œuvre-t-elle pas à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, qui

constitue une importante source de revenus pour des groupes terroristes comme Daech ?

Cette préservation ne facilite-t-elle pas également la reconstruction d’un Etat à la suite

d’un conflit, autour d’éléments d’identification culturelle ? Compte tenu de l’utilisation

idéologique des patrimoines archéologiques, et plus largement culturels, lors des conflits,

notamment comme un moyen d’incitation à la haine, il n’est pas possible de considérer

que la préservation de ces patrimoines n’a pas un rôle à jouer en matière de paix et de

sécurité internationales. La résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité paraissait enfin

le reconnaître.

Toutefois, il semblerait aujourd’hui que cette résolution fasse figure à la fois de

précédent et d’exception dans la pratique des opérations de maintien de la paix. En effet,

à l’occasion de sa résolution 2164 (2014), adoptée le 25 juin 2014, relative également à

la situation au Mali et à la MINUSMA267, le Conseil de sécurité a paru tempérer

l’importance de la préservation du patrimoine culturel dans le mandat de la mission. En

266 Préambule de la résolution, par. 3. 267 Résolution 2164 (2014) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7210e séance, le 25 juin 2014.

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effet, le Conseil y distingue les « tâches prioritaires » au sein de ce mandat268, des « tâches

supplémentaires »269. Or, désormais, l’« [a]ppui à la sauvegarde du patrimoine culturel »

est inscrit au rang de ces « tâches supplémentaires »270.

Après avoir fait preuve d’audace à travers la vision renouvelée du mécanisme des

opérations de maintien de la paix dans sa résolution 2100 (2013), le Conseil de sécurité

semble avoir fait marche arrière depuis. La sauvagerie des destructions commises par

Daech en Irak et en Syrie, ainsi que l’institutionnalisation des pillages archéologiques n’a

manifestement pas incité le Conseil à reproduire le précédent institué par sa résolution de

2013. Pourtant, une telle mission internationale d’urgence aurait peut-être pu contenir la

violence de l’EI à l’égard des sites archéologiques et permettre que certains d’entre eux

soient préservés. Il n’y a plus qu’à espérer, dans l’éventualité malheureuse d’un nouveau

désastre culturel, que le souvenir des dommages subis par les patrimoines irakien et syrien

incite le Conseil de sécurité à se montrer plus audacieux.

Toutefois, la prévention future des menaces pesant sur le patrimoine archéologique

n’incombe pas uniquement à des entités internationales, telles que le Conseil de sécurité.

Les Etats dont les territoires sont riches en sites archéologiques doivent, de leur côté, tout

mettre en œuvre afin de les préserver. Si la prévention des destructions et des pillages

n’est pas toujours évidente, notamment lorsqu’ils sont le fait d’une organisation terroriste

aussi violente et méticuleuse que Daech, il n’en va pas tout à fait de même de la lutte

contre le trafic illicite de biens archéologiques. En effet, celui-ci pourrait être mieux

endigué pour peu que les Etats possédant un patrimoine archéologique se livrent à une

mise en œuvre renforcée des instruments internationaux de lutte contre ce trafic et soient

aidés, en cela, par les Etats voisins et ceux susceptibles d’accueillir de tels biens en tant

qu’acteurs du marché de l’art.

268 Par. 13 de la résolution. 269 Par. 14 de la résolution. 270 Par. 14, al. b) de la résolution.

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§2. La nécessité d’une mise en œuvre renforcée des instruments internationaux

de lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques

L’ampleur des pillages commis par l’EI et l’accroissement du trafic illicite de biens

archéologiques qui a suivi doivent pousser les Etats à une meilleure mise en œuvre, à

l’avenir, des instruments internationaux permettant de lutter contre ce trafic. Cette tâche

incombe non seulement aux Etats dont le patrimoine archéologique est susceptible d’être

menacé par le trafic, mais également aux Etats voisins et à ceux qui constituent les

principales places de vente du marché de l’art.

Cette étude a déjà été l’occasion de souligner le rôle majeur de la Convention de

l’UNESCO de 1970 dans la lutte contre le trafic illicite. Notamment, plusieurs mesures

prévues par la Convention peuvent être utilement mobilisées en urgence afin d’intercepter

les biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie avant qu’ils ne soient revendus dans le

cadre de ce trafic271. Toutefois, se contenter de faire preuve d’une vigilance accrue lors

des contrôles aux frontières quant à l’origine des biens archéologiques en transit en vue

d’identifier le plus rapidement possible les biens irakiens et syriens est loin d’être

suffisant. Il faut que le désastre survenu en Irak et en Syrie serve d’exemple sur la durée.

À cet égard, les Etats doivent adopter des stratégies efficaces et durables de lutte contre

le trafic illicite de biens culturels, ce qui implique éventuellement des modifications de

leurs législations afin de traduire de telles stratégies.

Or, l’accroissement du trafic illicite de biens archéologiques engendré par les

activités de Daech en Irak et en Syrie témoigne des défaillances flagrantes en la matière.

Comment est-il possible, encore aujourd’hui, que des biens archéologiques pillés dans le

cadre d’un conflit armé puissent quitter le territoire de leur Etat d’origine et transiter par

celui d’autres Etats pour alimenter un trafic international ? La question peut légitimement

se poser compte tenu du très grand nombre d’Etats parties à la Convention de l’UNESCO

de 1970, censés, à ce titre, se conformer aux exigences de ce texte, principalement en

matière de contrôle aux frontières des certificats d’exportation censés accompagner

chaque bien culturel en transit. En effet, si un contexte de conflit armé peut

271 La principale étant l’établissement d’un certificat d’exportation prévu à l’art. 6, par. a) de la Convention.

Cf. supra, pp. 47-51.

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éventuellement fragiliser les contrôles opérés par les services douaniers de ce pays lors

de l’exportation d’un bien, la vigilance des Etats voisins devrait, en principe, combler

cette fragilité temporaire de l’Etat d’origine. Dans le cas des biens irakiens et syriens,

cette vigilance est d’autant plus attendue de la part de leurs pays voisins qui sont, pour la

plupart, parties à la Convention de 1970272. Or, le fait est que la Turquie reste, aujourd’hui

encore, un territoire de transit pour les biens culturels provenant de Syrie et d’Irak, en

dépit des contrôles existant à l’importation273. Bien plus, compte tenu de la tendance au

renforcement des contrôles en Europe occidentale, les trafiquants n’hésitent pas à choisir

de nouvelles destinations pour les biens culturels qu’ils transportent, y compris des Etats

parties à la Convention de l’UNESCO, tels que la Russie ou encore le Japon274.

Cette situation impose des changements nécessaires dans les législations des Etats

concernés. À titre d’exemple, une meilleure prise en compte du Modèle de certificat

d’exportation UNESCO-OMD semble l’un des meilleurs moyens de lutter contre le trafic,

en diminuant les chances qu’un bien archéologique pillé puisse passer au travers des

contrôles douaniers aux frontières.

Il serait également plus que souhaitable que des Etats non encore parties à la

Convention de l’UNESCO de 1970 acceptent de ratifier ce texte et ainsi de se conformer

aux exigences posés par celui-ci. Ce souhait concerne essentiellement les pays du Golfe,

mais également la Thaïlande qui sont devenus des destinations privilégiées des

trafiquants.

De telles préconisations peuvent sonner comme des évidences. Cependant, la

dispersion de très nombreux biens archéologiques irakiens et syriens, très certainement

destinés à gonfler le trafic illicite international de biens culturels, traduit des défaillances

évidentes dans les moyens mis en œuvre par les Etats pour contrôler l’origine des biens

culturels qui traversent leurs frontières. Il faut espérer que les dommages sans précédents

272 C’est le cas du Liban, de la Jordanie, de l’Iran et de la Turquie. 273 En ce sens, v. not. M. Robert, « Sur les traces des antiquités pillées par l’Etat islamique », lesechos.fr,

26 novembre 2014. L’article recueille, notamment, les propos d’Edouard Planche, spécialiste du trafic des

biens culturels à l’UNESCO, affirmant que « [c]e qui sort de Syrie et d'Irak passe beaucoup par la Turquie,

malgré les contrôles, pour atteindre les marchés londoniens, suisses, français, américains ». 274 Ibid.

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subis par les patrimoines archéologiques irakien et syrien persuadent les Etats de la

nécessité de renforcer leurs législations sur les contrôles à l’importation et à l’exportation.

Ce n’est que dans la mesure où seront mis en œuvre les moyens d’une véritable

prévention des menaces pesant sur le patrimoine archéologique qu’il sera possible

d’envisager la reconstitution des patrimoines archéologiques irakien et syrien, afin que

les patrimoines ainsi reconstitués n’aient plus à subir, à l’avenir, les atteintes dont ils ont

été la cible pendant près d’un an et demi.

SECTION II : LES BASES JURIDIQUES DE LA RECONSTITUTION D’UN

PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE

En partie détruits sous les coups de l’EI et dispersés sous l’effet de pillages massifs,

les patrimoines archéologiques irakien et syrien arborent aujourd’hui un visage qui donne

la mesure du désastre culturel survenu dans ces deux Etats. Alors que la menace

représentée par Daech s’amenuise de plus en plus, il est donc naturel d’envisager

désormais l’avenir de ces patrimoines en vue de leur reconstitution.

Cette entreprise de reconstitution est appelée à se développer à deux niveaux : celui

de la récupération des biens archéologiques pillés et celui de la reconstruction éventuelle

des sites archéologiques ravagés par les marteaux et les bulldozers de l’EI. Or, chacun de

ces niveaux est appréhendé par le droit international. En effet, en matière de restitution et

de retour des biens archéologiques volés ou illicitement exportés, tout d’abord, la

Convention d’UNIDROIT de 1995 constitue un apport majeur (§1). Par ailleurs, le droit

international a montré son intérêt pour les enjeux liés à la reconstruction d’un patrimoine

archéologique (§2).

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§1. L’apport majeur de la Convention d’UNIDROIT de 1995 en matière de

restitution et de retour des biens archéologiques volés ou illicitement exportés275

Constituant l’étape ultime de la lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques,

le retour de ces derniers vers leur Etat d’origine fait l’objet de dispositions spécifiques du

droit international conventionnel. La reconstitution des patrimoines archéologiques

irakien et syrien pourrait bénéficier du cadre défini en la matière. Or, si la Convention de

l’UNESCO de 1970 est la première à avoir abordé cette question, la Convention

d’UNIDROIT adoptée en 1995 constitue une avancée majeure, de nature à faciliter la

restitution des biens archéologiques volés à la Syrie et à l’Irak.

Si la Convention de l’UNESCO de 1970 a montré son importance dans la lutte contre

le trafic illicite de biens culturels, au regard des mesures qu’elle préconise en vue de

récupérer ces biens avant qu’ils ne soient revendus, elle a, en revanche, montré quelques

failles en matière de restitution et de retour de biens volés ou illicitement exportés.

La question de la restitution des biens culturels volés découle des dispositions prévues

à l’article 7, paragraphe (b) (ii) de la Convention, en vertu duquel :

« Les Etats parties à la présente Convention s’engagent […] à prendre des mesures appropriées pour saisir et

restituer à la requête de l'Etat d'origine partie à la Convention tout bien culturel ainsi volé et importé après l'entrée

en vigueur de la présente Convention à l'égard des deux Etats concernés, à condition que l'Etat requérant verse

une indemnité équitable à la personne qui est acquéreur de bonne foi ou qui détient légalement la propriété de ce

bien […] ».

En outre, cette obligation de restitution ne concerne que les « biens, culturels volés

dans un musée ou un monument public civil ou religieux, ou une institution similaire,

situés sur le territoire d'un autre Etat partie à la présente Convention » pour autant qu’il

soit prouvé que « ces biens font partie de l'inventaire de cette institution »276. Autrement

dit, aux termes de la Convention de l’UNESCO, la restitution de biens archéologiques

volés est soumise à de nombreuses conditions, dont la somme est susceptible de

275 Il faut ici préciser qu’il existe une distinction entre « restitution » et « retour » en matière de biens faisant

l’objet d’un trafic. Alors que la notion de « restitution » s’applique lorsqu’est en cause un bien volé sur le

territoire de son Etat d’origine, celle de « retour » est mobilisée pour viser les biens qui, bien que n’ayant

pas été volés, ont été exportés illégalement du territoire de son Etat d’origine. En ce sens, v. not. G.

Carducci, op. cit., pp. 190-191. 276 Art. 7, par. (b) (i) de la Convention.

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compromettre la récupération de ces biens par l’Etat d’origine277. Par ailleurs, le cas des

biens issus de fouilles archéologiques illicites, qui constituent donc, de fait, des biens

culturels volés, est complètement ignoré par la Convention. Appliquée au cas irako-

syrien, cette disposition permettrait peut-être la restitution des biens archéologiques volés

au Musée de Mossoul, dont la liste a été confirmée dans la base de données

d’INTERPOL278, mais elle ne permettrait en aucun cas de fonder la restitution des biens

archéologiques volés sur les sites sans être répertoriés ou issus de fouilles illicites.

Pour ce qui est de la question du retour des biens culturels illicitement exportés, elle

est brièvement évoquée à l’article 13, paragraphe (d), aux termes duquel :

« Les Etats parties à la présente Convention s'engagent par ailleurs dans le cadre de la législation de chaque Etat

[…] à reconnaître, en outre, le droit imprescriptible de chaque Etat partie à la présente Convention, de classer et

déclarer inaliénables certains biens culturels qui, de ce fait, ne doivent pas être exportés, et à faciliter la

récupération par l'Etat intéressé de tels biens au cas où ils auraient été exportés ».

Cette disposition s’avère assez pauvre, notamment dans la mesure où elle ne pose pas

véritablement une obligation de retour des biens illicitement exportés, mais oblige

simplement les Etats à « faciliter » la récupération du bien en cause par l’Etat d’origine279.

En outre, la disposition ne vise que les biens culturels classés et déclarés inaliénables par

l’Etat de provenance de ces biens. Or, il s’avère que peu de biens culturels font l’objet

d’un tel régime, ce qui réduit considérablement la portée de cet article280.

Il serait injuste et erroné de conclure que la Convention de 1970 a été totalement

dépourvue d’effet en matière de restitution et de retour de biens culturels volés ou

illicitement exportés281. Toutefois, ses faiblesses en la matière sont incontestables, ce qui

a d’ailleurs poussé l’UNESCO à demander à l’UNIDROIT de préparer une Convention

sur les biens culturels volés ou illicitement exportés282. Finalement adoptée le 24 juin

1995, la Convention d’UNIDROIT est le résultat d’un travail considérable destiné à

pallier les carences de la Convention de 1970.

L’innovation principale de la Convention réside sans doute dans la distinction claire

qu’elle opère, au sein de ses articles, entre la « restitution des biens culturels volés »

277 En ce sens, v. not. M. Delepierre et M. Schneider, op. cit., p. 131. 278 Cf. Annexe II, p. 137. 279 En ce sens, v. not. M. Boilat, op. cit., p. 31. 280 En ce sens, v. not. G. Carducci, op. cit., p. 271. 281 En ce sens, v. not. M. Delepierre et M. Schneider, op. cit., p. 131. 282 Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, UNIDROIT, Rome, 24 juin 1995.

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(chapitre II) et le « retour des biens culturels illicitement exportés » (chapitre III),

annoncée dans son article 1er. Cette distinction lui permet ainsi naturellement d’être plus

précise que la Convention de 1970 à l’égard de ces deux hypothèses.

Pour ce qui est des biens culturels volés, la Convention d’UNIDROIT opère une

première avancée majeure par rapport à celle de l’UNESCO, en ce qu’elle envisage

spécifiquement la question des vols provenant de fouilles archéologiques. À cet égard,

son article 3, paragraphe 2 énonce ainsi :

« Au sens de la présente Convention, un bien culturel issu de fouilles illicites ou licitement issus de fouilles mais

illicitement retenu est considéré comme volé si cela est compatible avec le droit de l’Etat où lesdites fouilles ont

eu lieu ».

Par cette disposition, la Convention de 1995 élargit donc la notion de vol par rapport

à celle retenue par la Convention de 1970. Désormais sont inclus non seulement les biens

archéologiques issus de fouilles illicites, mais également les biens archéologiques issus

de fouilles licites, mais volés par la suite. Cette avancée ne peut qu’être bénéfique pour

la Syrie et l’Irak dont nombre de biens ont été pillés sur des sites archéologiques ou dans

le cadre de fouilles illicites.

Un autre apport majeur résulte de la Convention d’UNIDROIT, à savoir l’abandon

du principe posé par la Convention de l’UNESCO selon lequel la restitution d’un objet

culturel volé ne peut se faire qu’à la condition que ce bien ait été inventorié ou identifié

avant son vol. Désormais cette règle ne joue plus qu’à l’égard des biens culturels

appartenant à une collection publique283. Ce changement opéré par la Convention de 1995

est une avancée de plus par rapport à celle de 1970 en vue de faciliter la restitution des

biens volés.

Pour ce qui est du retour des biens culturels illicitement exportés, des précisions ont

également été apportées, aux termes de l’article 5 :

« 1. Un Etat contractant peut demander au tribunal ou à toute autre autorité compétente d’un autre Etat contractant

d’ordonner le retour d’un bien culturel illicitement exporté du territoire de l’Etat requérant. […]

3. Le tribunal ou toute autre autorité compétente de l’Etat requis ordonne le retour du bien culturel lorsque l’Etat

requérant établit que l’exportation du bien porte une atteinte significative à l’un ou l’autre des intérêts suivants :

a) la conservation matérielle du bien ou de son contexte ;

b) l’intégrité d’un bien complexe ;

c) la conservation de l’information, notamment de nature scientifique ou historique relative au bien ;

d) l’usage traditionnel ou rituel du bien par une communauté autochtone ou tribale, ou établit que le bien

revêt pour lui une importance culturelle significative […] ».

283 Cf. art. 3, par. 7 de la Convention.

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124

En comparaison de l’exigence rigoureuse posée par la Convention de l’UNESCO

comme condition au retour d’un bien culturel illicitement exporté – le classement du bien

et l’affirmation de son caractère inaliénable par l’Etat – l’article 5 de la Convention

d’UNIDROIT se montre bien plus souple dans les exigences qu’il pose au retour d’un tel

bien. En effet, il semble relativement facile pour un Etat demandeur de prouver que

l’exportation illicite du bien dont il demande le retour porte atteinte à l’un des intérêts

évoqués au paragraphe 3. Notamment, dans le cas de l’Irak et de la Syrie, la valeur des

sites pillés ou des biens dérobés dans les musées rend cette preuve particulièrement aisée.

Ces quelques observations révèlent que les mérites de la Convention d’UNIDROIT

sont incontestables. L’assouplissement des conditions relatives à la restitution et au retour

des biens culturels volés ou illicitement exportés, par rapport à la Convention de

l’UNESCO, pourrait grandement bénéficier à l’Irak et la Syrie dans la reconstitution de

leurs patrimoines archéologiques durement touchés par les pillages et les exportations

illicites.

Cependant, force est de constater que, un peu plus de vingt ans après l’adoption de

cette Convention, le nombre de ratifications de cet instrument reste très faible284. En outre,

si de nombreux Etats traditionnellement victimes du trafic illicite de biens culturels sont

parties à la Convention, aucun des principaux Etats du marché de l’art ne l’a ratifiée285.

Cette situation est la résultante malheureuse de la divergence des intérêts en jeux, ceux

des pays « exportateurs », d’une part, et ceux des pays « importateurs », d’autre part.

Alors que les Etats victimes se sont montrés prompts à la ratification de la Convention,

dans l’espoir que seraient facilités la restitution et le retour de ceux de leurs biens culturels

volés ou illicitement exportés, les Etats « importateurs » se sont montrés particulièrement

méfiants à l’égard de ce texte. Certains d’entre eux ont notamment argué, sans doute à

tort, des possibilités d’abus de la part des Etats demandeurs, résultant de

l’assouplissement important des conditions posées à la restitution et au retour des biens

culturels286. L’Irak et la Syrie, quant à eux, n’ont étrangement pas ratifié la Convention.

Peut-être que l’épreuve subie par leurs patrimoines archéologiques au cours de ces

284 La Convention d’UNIDROIT compte aujourd’hui seulement 37 Etats parties. 285 La liste des Etats parties à la Convention d’UNIDROIT est disponible sur le site Internet d’UNIDROIT

www.unidroit.org. À titre d’exemple, la France a signé la Convention le 24 juin 1995, jour de son adoption,

mais ne l’a toujours pas ratifiée. 286 Pour un examen et une appréciation des critiques formulées par les Etats « importateurs », v. not., P.L.

d’Epinay, « Une avancée du droit international : la Convention de Rome d’Unidroit sur les biens culturels

volés ou illicitement exportés », U.L.R., 1996, vol. 1, pp. 54-57.

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dernières années les conduira à revoir leur position en la matière. Toutefois, cette

démarche n’aura pas de véritable impact sur la reconstitution de leurs patrimoines tant

que les principaux Etats du marché n’auront pas eux-mêmes ratifié la Convention et

retranscrit ses dispositions dans leurs législations.

Il semble donc que la restitution et le retour des biens archéologiques irakiens et

syriens volés ou illicitement exportés doivent se contenter de reposer sur les mécanismes

prévus à cet effet par la Convention de l’UNESCO de 1970, en attendant, il faut l’espérer,

une prise de conscience générale de la nécessité d’adhérer au nouvel instrument constitué

par la Convention d’UNIDROIT de 1995287.

Dans un autre registre, la reconstruction des patrimoines archéologiques irakiens et

syriens constitue le deuxième volet de l’entreprise de reconstitution de ces patrimoines.

Loin d’être indifférent à cette question qui relève avant tout de l’initiative de chaque Etat

concerné, le droit international s’intéresse aux enjeux de la reconstruction d’un

patrimoine archéologique.

§2. Le droit international face aux enjeux de la reconstruction d’un patrimoine

archéologique

Ce n’est pas parce que la question de la reconstruction d’un patrimoine archéologique

relève en grande partie d’une initiative nationale qu’elle est complètement étrangère au

droit international. Au contraire, celui-ci a montré un intérêt ancien pour les enjeux liés à

ce type de reconstructions.

287 Dans cette optique, il est possible d’évoquer la résolution 70/76 « Retour ou restitution de biens culturels

à leurs pays d’origine » de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée à sa 70e session, le 9 décembre

2015. L’Assemblée générale y rappelle, en effet, l’importance de la Convention d’UNIDROIT dans la lutte

contre le trafic illicite de biens culturels (par. 6). Dans l’esprit des principes posés par la Convention et en

attendant sans doute une augmentation du nombre de ratifications de celle-ci, l’Assemblée demande

également « à tous les Etats Membres qui sont en mesure de le faire d’aider les Etats touchés à lutter contre

le trafic de biens culturels provenant de fouilles illégales pratiquées sur des sites archéologiques ou volés

dans des musées, des bibliothèques, des archives et des collections de manuscrits, y compris dans le cadre

de la coopération internationale concernant la restitution de biens culturels volés ou exportés illicitement,

selon qu’il convient » (par. 12).

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126

C’est essentiellement par la voie de lignes directrices, prenant la forme de chartes,

que le droit international a appréhendé la question des enjeux de la restauration et de la

reconstruction des patrimoines culturels. À cet égard, l’ICOMOS est l’institution

internationale sous l’égide de laquelle se sont développées de telles chartes, destinées à

servir de cadre pour les Etats désireux de restaurer, voire de reconstruire des éléments de

leur patrimoine. Cette démarche est motivée par l’importance que revêt le patrimoine

culturel pour l’humanité et non pas seulement pour l’Etat auquel il appartient. Partant, il

a semblé opportun d’établir des principes fondamentaux relatifs à la restauration et à la

reconstruction d’un patrimoine ayant subi des destructions ou des détériorations. À cet

égard, la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des

sites adoptée en 1964 fait figure de principale référence en la matière288. L’accent est mis

dans ce texte sur la nécessité de préserver l’authenticité du patrimoine culturel à l’égard

duquel est menée une entreprise de restauration289. En conséquence, la Charte insiste sur

le fait que :

« La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de

révéler les valeurs esthétiques et historiques des monuments et se fonde sur le respect de la substance ancienne et

de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse […]. La restauration sera toujours précédée

et accompagnée d’une étude archéologique et historique du monument »290.

Toujours dans une optique de préservation de l’authenticité des monuments et sites

restaurés, la Charte précise :

« Les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s’intégrer harmonieusement à l’ensemble,

tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d’art et

d’histoire »291.

Les principes ainsi énoncés dans cette Charte fournissent d’intéressantes et précieuses

lignes directrices au regard des entreprises irakiennes et syriennes de restauration et de

reconstruction des éléments détruits ou simplement endommagés de leur patrimoine

archéologique. Bien sûr, l’instrument rassemblant ces principes n’est pas contraignant.

Néanmoins, il est crucial que de tels principes soient au cœur de la restauration des joyaux

mutilés du patrimoine archéologique d’Irak et de Syrie. Notamment, les mouvements de

288 Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (Charte de Venise),

IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964. La

Charte a ensuite été officiellement adoptée par l’ICOMOS en 1965. 289 Cf. Préambule de la Charte, par. 1er. 290 Art. 9 de la Charte. 291 Art. 12 de la Charte.

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restauration en marche dans ces deux pays ne doivent pas donner lieu à des

reconstructions qui cherchent à se fondre dans les éléments d’origine restés debout sur les

sites, afin de chercher à faire oublier que les destructions commises par Daech ont jamais

eu lieu. Bien qu’il soit tentant de procéder ainsi afin de redonner aux sites touchés leur

splendeur d’antan, ce ne serait pas souhaitable en termes de préservation de leur valeur

archéologique et scientifique.

Du reste, si les principes découlant des chartes de l’ICOMOS ne sont pas

contraignants, ils trouvent néanmoins un écho dans le cadre de la Convention de

l’UNESCO de 1972 relative au Patrimoine mondial. En effet, l’inscription d’un site

archéologique sur la Liste du Patrimoine mondial emporte des conséquences concrètes en

termes de restauration et de reconstruction de patrimoines culturels endommagés.

Lorsqu’un Etat envisage de procéder à de telles opérations à l’égard d’éléments de son

patrimoine qui appartiennent au Patrimoine mondial de l’humanité, il doit procéder en

étroite coopération avec l’UNESCO et, plus particulièrement, avec le Centre du

Patrimoine mondial. Cette réalité est particulièrement flagrante, aujourd’hui, alors que la

DGAM syrienne, avec son directeur Maamoun Abdulkarim, a manifesté sa volonté de

reconstruire les édifices détruits de Palmyre. Dans plusieurs articles consacrés à la

question, ce dernier n’a pas manqué de rappeler que l’accord de l’UNESCO était un

préalable nécessaire à la reconstruction des parties détruites de la cité antique292. Du côté

irakien, le gouvernement a conclu, dès juillet 2015, un accord avec l’UNESCO en vue

d’œuvrer à la conservation et à la gestion du site archéologique de Samarra, également

inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial et touché par les destructions commises par

Daech.

Face au traumatisme causé par les destructions violentes perpétrées en Irak et en

Syrie, il est compréhensible que ces deux Etats envisagent aujourd’hui la restauration et

la reconstruction de leurs patrimoines archéologiques mutilés. À cette fin, le droit

international offre un cadre utile, que ce soit par le biais de lignes directrices contenues

dans des chartes non contraignantes ou par des mécanismes de contrôle découlant de

l’inscription de certains sites archéologiques sur la Liste du Patrimoine mondial.

292 En ce sens, v. not., A. Paulet, « Cinq ans seront nécessaires pour reconstruire Palmyre », lefigaro.fr, 28

mars 2016 ; C. Fleury, « Syrie. Faut-il reconstruire Palmyre ? », nouvelobs.com, 30 mars 2016.

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128

*

Le recul territorial de Daech en Irak et en Syrie permet aujourd’hui de commencer à

envisager l’avenir des patrimoines archéologiques irakien et syrien. À mesure que

disparaissent les menaces qui planent depuis 2014 sur ces patrimoines du fait de

l’implantation de l’EI, il convient de s’interroger sur les moyens d’un renforcement

efficace de la sauvegarde des sites archéologiques, non seulement en Irak et en Syrie,

mais également à travers le monde.

En tant qu’élément de dissuasion des atteintes susceptibles d’être portées à l’avenir

contre de tels patrimoines, la répression à l’égard des djihadistes responsables des

destructions et pillages perpétrés en Irak et en Syrie constitue un préalable nécessaire,

pour autant qu’il sera possible d’interpeler ces individus. Si le droit international prévoit

déjà des modalités de répression en la matière, il est possible d’en envisager de nouvelles,

notamment sur la base de qualifications pénales supplémentaires. La condamnation

récente à neuf ans de prison d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi pour sa participation à la

destruction de mausolées et d’une mosquée au Mali ne peut que constituer un heureux

précédent dans ce domaine. Avec cette affaire, la CPI a affirmé la volonté de la

communauté internationale ne jamais laisser impunies les actes de vandalisme commis à

l’encontre du patrimoine commun de l’humanité.

À côté de la répression des atteintes portées à l’encontre des patrimoines

archéologiques, l’avenir de ces derniers ne peut que reposer sur une prévention renforcée

de ces atteintes. Afin, notamment, que le monde n’assiste plus jamais impuissant à la

destruction organisée et massive de patrimoines archéologiques, et plus généralement

culturels, il serait souhaitable que puissent être mises en place, à l’avenir, des opérations

de maintien de la paix incluant dans leur mandat la préservation du patrimoine culturel,

comme cela a été fait en 2013 avec la résolution 2100 (2013) créant la MINUSMA. Une

telle résolution ne devrait pas rester un précédent unique. L’Irak et la Syrie doivent

prendre conscience de cette nécessité de renforcer la prévention des menaces pesant sur

leur patrimoine archéologique avant que de s’investir plus avant dans la reconstitution de

celui-ci.

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Pour ce qui est de la récupération des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie

ou illicitement exportés depuis ces territoires, cette entreprise appelle à une mobilisation

de tous les outils offerts à cette fin par le droit international, ce qui inclut la ratification

de l’importante Convention d’UNIDROIT de 1995. De même, la restauration et la

reconstruction des éléments meurtris des patrimoines archéologiques irakien et syrien doit

tenir compte du cadre international existant en la matière, a fortiori lorsque sont en cause

des éléments de sites archéologiques classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

CONCLUSION

Le désastre culturel survenu en Irak et en Syrie entre la fin de l’année 2014 et le

milieu de l’année 2016 n’a pas seulement bouleversé les peuples irakien et syrien, mais

également l’ensemble de la communauté internationale, qui a assisté à la disparition d’une

partie du patrimoine commun de l’humanité. Si les destructions de sites archéologiques

aussi bien conservés que ceux de Nimroud, en Irak, et de Palmyre, en Syrie, constituent

sans doute l’aspect le plus violent des atteintes commises par l’EI, elles ne sauraient pour

autant faire oublier la perte d’un nombre considérable, quoique difficilement appréciable

avec précision, de biens archéologiques sous l’effet des pillages organisés par Daech.

L’urgence de la situation appelait des réponses rapides et efficaces de la part des Etats

afin de venir en aide à l’Irak et à la Syrie, déjà aux prises avec l’avancée fulgurante du

groupe terroriste sur leur territoire. À cet égard, le droit international offrait un véritable

cadre à la coopération internationale appelée à se mettre en place. Malheureusement, ce

cadre n’a pas été utilisé de manière homogène pour répondre à la crise traversée par les

patrimoines archéologiques irakien et syrien. Là où les destructions de vestiges mises en

scène par l’EI, à mesure qu’il prenait le contrôle de sites archéologiques, n’a suscité

aucune véritable réaction de la part de la coalition internationale qui s’est mobilisée pour

intervenir militairement sur place, le trafic illicite des biens pillés par Daech a, lui, donné

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naissance, au contraire, à une coopération internationale fournie et étoffée sous l’effet des

résolutions adoptées en ce sens par le Conseil de sécurité.

Cette posture adoptée par la communauté internationale face à l’urgence du sauvetage

des patrimoines archéologiques irakien et syrien traduit, non pas une défaillance du cadre

juridique international, mais bien une sélection opérée par les Etats parmi les aspects de

la protection du patrimoine culturel en vue d’isoler ceux qui justifient véritablement selon

eux la mise en place d’une coopération interétatique. En témoigne le fait que la lutte

contre le trafic illicite des biens archéologiques irakiens et syriens est clairement

envisagée comme un aspect de la lutte contre le financement du terrorisme, dans la mesure

où les revenus tirés de ce trafic viennent alimenter les ressources de l’EI. Sans doute est-

ce parce que le sauvetage armé d’un patrimoine archéologique menacé de destruction ne

met en cause aucun autre intérêt que la préservation de ce patrimoine que les Etats ne se

sont pas mobilisés en vue d’une telle intervention.

Face aux destructions barbares de vestiges archéologiques qui constituent l’héritage

commun de l’humanité, la condamnation officielle de ces actes ne suffit plus, a fortiori

lorsque les auteurs de ces violences ne connaissent aucune limite comme c’est le cas de

Daech. À la lumière des pertes subies par les patrimoines archéologiques d’Irak et de

Syrie, il n’est plus possible désormais de détourner le regard, qui plus est dans un contexte

où le patrimoine culturel devient de plus en plus une cible privilégiée des conflits armés.

Les Etats doivent se donner les moyens de prévenir de telles atteintes, mais également

d’y remédier lorsqu’elles sont perpétrées. Cette exigence est d’autant plus impérative que

le droit international fournit les moyens d’une telle entreprise. De même que les

destructions commises par l’EI auraient pu justifier une autorisation du Conseil de

sécurité à recourir à la force armée pour y mettre un terme, la prévention de cette menace,

qui s’est mise à planer dès les débuts de l’expansion de Daech, aurait pu être facilitée par

la mise en place d’une opération de maintien de la paix, sur le modèle de celle créée au

Mali et dont le mandat incluait la préservation du patrimoine culturel malien. Désormais,

seule la répression internationale à l’égard des auteurs de tels actes de barbarie qui

seraient interpelés est à même d’appréhender cette question des destructions

intentionnelles de biens archéologiques. Pour peu que les Etats coopèrent en faveur d’une

reconnaissance de la compétence de la CPI et que celle-ci n’hésite pas à mobiliser les

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qualifications pénales adéquates, cette répression pourrait permettre de tourner la page de

violences et de sauvagerie écrite par l’EI.

Pour ce qui est de la lutte contre le trafic illicite, il faut remarquer que, si une

coopération internationale efficace tend à se mettre en place, sur la base de la Convention

de l’UNESCO de 1970, mais aussi des résolutions du Conseil de sécurité, elle vise

essentiellement à l’identification et à la récupération des biens archéologiques pillés en

Irak et en Syrie et sortis illégalement de ces Etats. Pour ce qui est de la restitution et du

retour de ces biens volés ou illicitement exportés, l’Irak et la Syrie devront se contenter

des modalités de coopération internationale prévues en la matière par la Convention de

l’UNESCO de 1970, du moins, tant que ne sera pas ratifiée à une plus grande échelle, y

compris par ces deux Etats, la Convention d’UNIDROIT de 1995. Face aux imprécisions

et aux conditions relativement strictes découlant de la Convention de l’UNESCO, la

ratification de la Convention de 1995, qui pallie précisément ces carences, serait plus que

souhaitable en vue de faciliter la restitution et le retour des biens archéologiques pillés ou

exportés illégalement. L’ampleur sans précédent des pillages commis en Irak et en Syrie

conduira peut-être à une prise de conscience, de la part des Etats, sur les avantages de la

ratification de ce nouvel instrument.

La question de la restauration et de la reconstruction des patrimoines archéologiques

irakien et syrien est le dernier révélateur de l’intérêt du droit international pour les enjeux

relatifs à la protection et à la préservation du patrimoine culturel. En effet, à l’heure où la

Syrie envisage déjà de reconstruire les éléments détruits de la cité antique de Palmyre, il

convient de se référer aux lignes directrices fournies en la matière par plusieurs chartes,

notamment la Charte de Venise de 1964. Bien plus, dans le cas de la restauration

d’éléments du Patrimoine mondial de l’humanité – comme c’est le cas de Palmyre – cette

entreprise se trouve prise dans le champ des effets de la Convention de l’UNESCO de

1972 relative au patrimoine mondial. La valeur exceptionnelle des biens inscrits sur la

Liste du Patrimoine mondial exige, en effet, un encadrement de toute éventuelle

restauration ou reconstruction de ces biens, qui doit alors être effectuée en étroite

coopération avec l’UNESCO et, en particulier, le Centre du Patrimoine mondial.

Ainsi, cette étude aura été l’occasion de mettre en évidence la très grande variété des

règles de droit international susceptibles d’être mobilisées ou adaptées dans le cadre de

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la lutte contre la destruction et le pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie.

À présent que celle-ci est sur le point de s’achever, un seul constat s’impose, celui que

les Etats ont à leur disposition tout un panel de moyens juridiques propres à leur permettre

de contribuer efficacement à la protection et à la préservation du patrimoine culturel à

travers le monde. Le précédent irako-syrien doit être considéré par la communauté

internationale comme l’occasion d’identifier clairement ce qui nécessite des

améliorations ou des adaptations afin que jamais plus ne se reproduise un tel désastre. La

Déclaration conjointe des Présidents des Comités des Conventions culturelles de

l’UNESCO, prononcée le 29 juin 2015, se fait l’écho de cette aspiration en affirmant :

« L'importance stratégique de renforcer et de puiser dans notre patrimoine culturel et naturel, dans toute sa

diversité et sa richesse, pour l'humanité dans son ensemble, ne saurait être surestimée. Le patrimoine constitue le

fondement de notre identité humaine, de notre potentiel, de notre diversité culturelle et de notre expression

créative en tant que droits humains fondamentaux et les nourrit. Sa pleine connaissance et compréhension à des

fins scientifiques, culturelles et éducatives est au cœur du développement équitable et durable, améliore la

connaissance partagée des réalisations historiques de l'humanité, enrichit la vie de tous les peuples et inspire le

dialogue et le respect mutuel et l'appréciation entre les nations. Cette contribution essentielle à notre bien-être

collectif est particulièrement nécessaire dans le contexte actuel où les défis mondiaux se font plus nombreux et la

consolidation d'une vision humaniste apparaît cruciale »293.

Il n’y a plus qu’à espérer que cet écho raisonne encore longtemps.

293 Déclaration conjointe des Présidents des Comités des Conventions culturelles de l’UNESCO, 29 juin

2015, prononcée lors de la 39e session du Comité du patrimoine mondial qui s’est tenue à Bonn, du 28 juin

au 8 juillet 2015. Par. 3 de la Déclaration.

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ANNEXES

Annexe I

Annexe II

Annexe III

Annexe IV

Annexe V

Annexe VI

Annexe VII

Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques détruits

ou endommagés en Irak

Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques volés au musée de

Mossoul en 2015

Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques détruits

ou endommagés à Palmyre (Syrie)

Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril (extraits)

Informations requises aux termes de la norme Object ID

Exemple de fiche descriptive d’un bien archéologique syrien volé en 2015

enregistré dans la base de données d’INTERPOL

Modèle de certificat d’exportation de biens culturels UNESCO-OMD :

cinquième exemplaire

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Annexe I – Photographies et images satellitaires des vestiges

archéologiques détruits ou endommagés en Irak

1. Mausolée de l’Imam Dur

Photographie prise par Yasser Tabbaa et publiée sur le site internet archnet.org.

Cette vue intérieure du mausolée révèle l’emblématique dôme à muqarnas, permettant le passage de

la structure carrée de la salle du bâtiment à celle, circulaire, du dôme. Élément caractéristique de

l’architecture islamique, ce dôme à muqarnas était d’autant plus inestimable qu’il constituait sans doute

l’un des premiers exemples de ce type de dôme.

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2. Musée de Mossoul

Capture d’écran de la vidéo diffusée par l’Etat islamique, le 26 février 2015, montrant des djihadistes de

l’EI qui défigurent un taureau ailé assyrien sur un site archéologique de Mossoul (probablement celui de

Ninive).

3. Site archéologique de Nimroud

Photographie prise par M. Chohan le 8 août 2007, disponible sur Wikimedia Commons294.

294 L’utilisation, dans cette étude, de photographies provenant de la médiathèque Wikimedia Commons

respecte les conditions d’utilisation relatives aux droits d’auteur précisées sur le site

commons.wkimedia.org pour chacune de ces photographies.

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Cette photographie montre des statues monumentales caractéristiques de l’art assyrien et présentes en

plusieurs endroits du site de Nimroud. Ce type de statues se retrouve, en effet, à plusieurs entrées du palais

nord-ouest du roi assyrien Assurnasirpal II (883-859 av. J.-C.).

Au premier plan à droite, se trouve une statue de taureau ailé androcéphale magnifiquement conservée.

Une statue identique est aujourd’hui conservée au British Museum. Au second plan à gauche, il est possible

d’observer deux statues identiques marquant l’entrée d’une chambre du palais et dont les détails ont été

décrits avec précision par l’explorateur britannique Austen Henry Layard, soulignant :

“The body and limbs were admirably portrayed; the muscles and bones, although strongly developed to display

the strength of the animal, showed at the same time a correct knowledge of its anatomy and form.”295

Images satellitaires révélant l’étendue des destructions et dommages portés au site de

Nimroud (disponibles sur le site de l’UNOSAT)

295 A. H. Layard, op. cit., p. 51.

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Annexe II – Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques

volés au musée de Mossoul en 2015

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Annexe III – Photographies et images satellitaires des vestiges

archéologiques détruits ou endommagés à Palmyre (Syrie)

1. Le Temple de Baalshamin

(a) Photographie du temple avant sa destruction

Photographie prise par Bernard Gagnon, le 7 avril 2010. Disponible sur Wikimedia Commons.

(b) Images satellitaires montrant l’ampleur des destructions (disponibles sur le site de l’UNOSAT)

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2. Le Temple de Bel

(a) Photographie du temple avant sa destruction

Photographie prise par Bernard Gagnon, le 6 avril 2010. Disponible sur Wikimedia Commons.

(b) Images satellitaires montrant l’ampleur des destructions (disponibles sur le site de l’UNOSAT)

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Annexe IV – Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens

en péril (extraits)

Cet extrait de la Liste Rouge d’urgence a été obtenu sur le site internet de l’ICOM.

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Annexe V – Informations requises aux termes de la norme

Object ID

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Annexe VI – Exemple de fiche descriptive d’un bien

archéologique syrien volé en 2015 enregistré dans la base de

données d’INTERPOL

Les informations relatives à cet objet ainsi que les photographies de celui-ci ont été obtenues sur le site

d’INTERPOL, à partir de la base de données recensant les biens syriens volés, librement consultable par

le public.

STANDING FIGURE

Type:

Period:

Technics:

Additional Information:

Signature state:

Materials:

SCULPTURE/STATUE/FULL LENGHT/NOT RELIGIOUS 3RD MILLENIUM B.C. SCULPTURE,STATUE/CARVED/THREE DIMENSIONAL

RIHT EYE MISSING

STONE

ADMINISTRATIVE INFORMATION

Case happened in:

Folder:

Syria

2015/58714-1.1

PHOTOS

IF YOU HAVE ANY INFORMATION PLEASE CONTACT

Your national or local police General Secretariat of INTERPOL

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Annexe VII – Modèle de certificat d’exportation de biens

culturels UNESCO-OMD : cinquième exemplaire

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145

BIBLIOGRAPHIE

I. Sources primaires

Conventions et Protocoles

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24 avril 1863.

Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18

octobre 1907.

Convention (IX) concernant le bombardement par les forces navales en temps de guerre,

La Haye, 18 octobre 1907.

Charte des Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945.

Convention pour la prévention et la répression de crime de génocide, ONU, 9 décembre

1948.

Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève,

12 août 1949.

Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, UNESCO, La

Haye, 14 mai 1954.

(Premier) Protocole à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit

armé, UNESCO, La Haye, 14 mai 1954.

Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation,

l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, UNESCO, Paris, 14

novembre 1970.

Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, UNESCO,

Paris, 16 novembre 1972.

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection

des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, 8 juin 1977.

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection

des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), Genève, 8 juin 1977

Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), Conseil

de l’Europe, La Valette, 16 janvier 1992.

Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, Unidroit, Rome, 24 juin

1995.

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Statut de la Cour pénale internationale, Rome, 17 juillet 1998.

Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des

biens culturels en cas de conflit armé, UNESCO, La Haye, 26 mars 1999.

Jurisprudence1*

CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c. Etats-Unis), Arrêt du 27 juin 1986, CIJ Recueil 1986, p. 14.

TPIY, Procureur c. Dusko Tadić, affaire n° IT-94-1, Arrêt relatif à l’appel de la défense

concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Chambre d’appel, 2 octobre 1995.

TPIY, Le Procureur c. Radislav Krstić, affaire n° IT-98-33-T, Jugement, 2 août 2001.

TPIY, Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic, affaire n°

IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Arrêt du 12 juin 2002, Chambre d’appel.

TPIR, Le Procureur c. Laurent Semanza, affaire n° ICTR-97-20-T, Jugement et sentence,

Chambre de première instance III, 15 mai 2003.

TPIY, Le Procureur c. Miodrag Jokić, affaire n° IT-01-42/1-S, Jugement portant

condamnation, Chambre de première instance I, 18 mars 2004

CPI, Situation en République démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga

Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06, Décision relative à la confirmation des charges,

Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007.

CPI, Situation en République démocratique du Congo, Le Procureur c. Germain Katanga

et Mathieu Ngudjol Chui, affaire n° ICC-01/04-01/07, Décision relative à la confirmation

des charges, Chambre préliminaire I, 30 septembre 2008.

TPIY, Le Procureur c. Milan Milutinović, Nikola Šainović, Dragoljub Ojdanić, Nebojša

Pavković, Vladimir Lazarević, Sreten Lukić, affaire n° IT-05-87-T, Jugement, Chambre

d’instance, 26 février 2009

CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, affaire

n° ICC-01/12-01/15, Décision relative à la confirmation des charges, Chambre

préliminaire I, 24 mars 2016.

CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, affaire

n° ICC-01/12-01/15, Jugement portant condamnation, Chambre de première instance

VIII, 27 septembre 2016.

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Actes d’organisations internationales

Actes de l’U.N.E.S.C.O.2*

1°) Déclaration et communiqués

Déclaration de l’UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine

culturel, résolution adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO à sa 32e session sur

rapport de la Commission IV à la 21e séance plénière, le 17 octobre 2003, Actes de la

Conférence générale, vol. 1, 2004, pp. 70-73.

« La Directrice générale Irina Bokova condamne la destruction du mausolée de l’Imam

Dur », 28 octobre 2014.

« La Directrice générale dénonce un nettoyage culturel lors de sa visite en Irak », 5

novembre 2014.

« La Directrice générale de l’UNESCO salue l’adoption par le Conseil de sécurité des

Nations Unies d’une résolution visant à renforcer la protection du patrimoine culturel en

Syrie et en Irak », 12 février 2015.

« La Directrice générale demande une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU après la

destruction du patrimoine de Mossoul », 26 février 2015.

« L’UNESCO appelle à la mobilisation pour arrêter le "nettoyage culturel" en Irak », 27

février 2015.

« La Directrice générale salue le communiqué du Conseil de sécurité sur l’attaque du

musée de Mossoul », 28 février 2015.

« L’UNESCO mobilise la communauté internationale pour mettre fin au nettoyage

culturel en Irak », 11 mars 2015.

« "Nous sommes tous unis" pour protéger le patrimoine culturel de l’Irak, déclarent

ensemble le président français et la Directrice générale de l’UNESCO », 18 mars 2015.

« "La culture est en première ligne des conflits – elle devrait être en première ligne de

l’édification de la paix", a déclaré la Directrice générale devant le Conseil de sécurité de

l’ONU », 24 avril 2015. « L’UNESCO souligne l’importance de la collaboration internationale pour mettre fin au

trafic illicite des biens culturels », 21 mai 2015.

« L’UNESCO et l’Irak lancent un projet visant à conserver le site du patrimoine mondial

de Samarra », 29 juillet 2015.

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148

2°) Recommandations et rapports de conférence

Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de

fouilles archéologiques, adoptée par la Conférence générale à sa neuvième session, New

Dehli, 5 décembre 1956.

Recommandation concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher

l'exportation, l'importation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, adoptée

par la Conférence générale à sa treizième session, Paris, 19 novembre 1964.

Regional Training on Syrian Cultural Heritage: Addressing the Issue of Illicit Trafficking.

Final Report and Recommendations, Amman, 10-13 février 2013, 28 p.

Actes de l’O.N.U.3*

1°) Résolutions du Conseil de sécurité

Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, adopté le 25 mai 1993, par

la résolution 827 (1993) du Conseil de sécurité, à sa 3217e séance.

Statut du Tribunal pénal international pour la Rwanda, adopté le 8 novembre 1994, par la

résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité, à sa 3453e séance.

Résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 4761e séance, le 22 mai 2003.

Résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 6952e séance, le 25 avril

2013.

Résolution 2164 (2014) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7210e séance, le 25 juin 2014.

Résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7379e séance, le 12 février

2015.

Résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7565e séance, le 20 novembre

2015.

Résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7587e séance, le 17 décembre

2015.

2°) Résolution de l’Assemblée générale

Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, adoptée à sa 29e session, le 14

décembre 1974.

Résolution 69/196 « Principes directeurs internationaux sur les mesures de prévention du

crime et de justice pénale relatives au trafic de biens culturels et aux autres infractions

connexes » de l’Assemblée générale, adoptée à sa 69e session, le 18 décembre 2014.

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149

Résolution 69/281 « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Irak » de l’Assemblée

générale, adoptée à sa 69e session, le 28 mai 2015.

Résolution 70/76, « Retour ou restitution des biens culturels à leur pays d’origine » de

l’Assemblée générale, adoptée à sa 70e session, le 9 décembre 2015.

3°) Rapport de l’UNITAR-UNOSAT

Satellite-Based Damage Assessment of Cultural Heritage Sites. 2015 Summary Report of

Iraq, Nepal, Syria & Yemen, June 2016.

Acte de la C.P.I.

Éléments des crimes, tirés des Documents officiels de l’Assemblée des Etats Parties au

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, première session, New York, 3-10

septembre 2002, deuxième partie B (publication des Nations Unies), révisés lors de la

Conférence de révision de 2010 et repris dans les Documents officiels de la Conférence

de révision au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Kampala, 31 mai-11 juin

2010, publiés par la CPI en 2011. Disponibles sur le site de la CPI www.icc-cpi.int.

Actes de l’I.C.O.M. 4*

Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, adopté par la 20e Assemblée générale,

à Barcelone, le 6 juillet 2001, et révisé par la 21e Assemblée générale, à Séoul, le 8 octobre

2004.

Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril, 2013.

Liste Rouge d’urgence des biens culturels irakiens en péril (mise à jour 2015), 2015.

Actes de l’O.M.D.5*

Résolution du Conseil de coopération douanière concernant le rôle de la douane dans la

prévention du trafic illicite de biens culturels, Bruxelles, juillet 2016.

Memorandum of Understanding between the World Customs Organization and the

Smithsonian Institution, signé le 15 juillet 2016.

Rapports du GAFI

Financing of the Terrorist Organisation Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL), février

2015.

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1* Tous les arrêts et jugements du TPIY cités sont disponibles sur le site Internet du Tribunal www.icty.org

et toutes les décisions de la CPI citées sont disponibles sur le site Internet de la Cour www.icc-cpi.int. 2* Tous les actes de l’UNESCO cités sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.unesco.org. 3*

Tous les actes de l’ONU cités sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.un.org. 4*

Tous les actes de l’ICOM sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.icom.museum. 5*

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

..

PARTIE I : LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR SAUVER UN

PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE EN DANGER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

Chapitre 1er : Le droit international face à la question d’une intervention armée

internationale destinée à mettre fin à la destruction et au pillage du patrimoine

archéologique en Irak et en Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. SECTION I : LES DIFFICULTÉS JURIDIQUES SUSCEPTIBLES DE COMPROMETTRE UN

SAUVETAGE ARMÉ DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE EN IRAK ET EN SYRIE . . . . .

.

§1. L’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak

et de la Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§2. La difficile application du système de sécurité collective des Nations Unies

dans le cas syrien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

A- Des destructions et pillages difficilement qualifiables de « menace contre

la paix » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

B- L’improbabilité d’une autorisation du Conseil de sécurité de recourir à

la force armée pour sauver un patrimoine archéologique . . . . . . . . . . . .

. SECTION II : UN SAUVETAGE ARMÉ DISCUTABLE EN DÉPIT DU CONTOURNEMENT

DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES EXISTANTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§1. Les possibilités ouvertes par les aménagements juridiques à l’origine des

opérations militaires menées en Syrie par la coalition internationale . . . . . . . . .

.

§2. Un sauvetage armé demeuré incontestablement secondaire en Irak et en

Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

A- Un « sauvetage » indirect du patrimoine archéologique irakien . . . . . . .

.

B- Un sauvetage politisé du patrimoine archéologique syrien . . . . . . . . . . .

.

Chapitre 2 : Le droit international face à l’urgence de la lutte contre le trafic

illicite de biens issu du pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie .

. SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE LUTTE URGENTE CONTRE LA

DISPERSION DE BIENS ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS DUE AU TRAFIC

ILLICITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§1. Des bases conventionnelles incontournables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

A- Le rôle décisif de la Convention de l’UNESCO de 1970 . . . . . . . . . . . . .

.

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(a) Des mesures de protection adéquates pour faire face aux

principaux actes illicites identifiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

(b) Le cas particulier des biens culturels provenant de territoires

occupés ou mis en danger par des pillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

B- Le rôle non négligeable de la Convention de l’UNESCO de 1972 . . . . . .

.

§2. L’apport conséquent du Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII

de la Charte des Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. SECTION II : LES TRADUCTIONS TECHNIQUES DES RÈGLES DE DROIT

INTERNATIONAL PERMETTANT D’ENDIGUER LE TRAFIC ILLICITE DE BIENS

ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. §1. Des outils indispensables d’identification des biens archéologiques touchés

par le trafic illicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

A- L’identification des catégories de biens archéologiques exposés au trafic

illicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

B- L’identification des biens archéologiques recherchés dans le cadre d’un

trafic illicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§2. Des techniques de coopération variées en vue de l’identification et de

l’interception des biens archéologiques faisant l’objet d’un trafic illicite . . . . . .

.

A- Le renforcement de la coopération des services de douanes . . . . . . . . . .

.

B- La nécessité d’une coopération accrue des principaux acteurs du marché

de l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

(a) La responsabilisation croissante des professionnels du marché de

l’art et de leurs acheteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

..

(b) L’appel à une plus grande vigilance de la part des plateformes de

vente sur Internet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

PARTIE II : LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR

SAUVEGARDER UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE FRAGILISÉ . . . . .

.

Chapitre 1er : Les moyens juridiques d’une répression efficace des atteintes

portées au patrimoine archéologique en Irak et en Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. SECTION I : LA POSSIBILITÉ D’UNE RÉPRESSION INTERNATIONALE DES

DESTRUCTIONS DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§1. Une répression internationale susceptible d’être fondée sur des

qualifications pénales variées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. .

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A- La qualification avérée mais contraignante de crime de guerre . . . . . . .

.

(a) Une qualification systématiquement subordonnée à la réunion de

conditions strictes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

(b) Des conditions réunies pour la première fois en matière de

destructions intentionnelles de biens culturels dans la récente affaire

Ahmad Al Faqi Al Mahdi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

B- Interrogations sur la possibilité de retenir d’autres qualifications

pénales internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

(a) La qualification évoquée mais débattue de crime contre l’humanité .

.

(b) La qualification contestée mais envisageable de génocide culturel . .

.

§2. Des qualifications pénales justifiées par la possibilité de peines adéquates .

. SECTION II : LA RÉPRESSION EN DROIT INTERNATIONAL DU PILLAGE ET DU TRAFIC

ILLICITE TOUCHANT LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§1. La possibilité d’une répression internationale du pillage des biens

archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§2. Le renforcement de l’encadrement international d’une répression nationale

du trafic illicite des biens archéologiques pillés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

Chapitre 2 : Les bases juridiques de l’avenir du patrimoine archéologique en

Irak et en Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES MENACES

PESANT SUR LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§1. L’intérêt d’envisager des missions internationales d’urgence en vue d’une

meilleure prévention des destructions et pillages du patrimoine archéologique .

.

§2. La nécessité d’une mise en œuvre renforcée des instruments internationaux

de lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. SECTION II : LES BASES JURIDIQUES DE LA RECONSTITUTION D’UN PATRIMOINE

ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§1. Le rôle majeur de la Convention d’UNIDROIT de 1995 en matière de retour

des biens archéologiques pillés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

§2. Le droit international face aux enjeux de la reconstruction d’un patrimoine

archéologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

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ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

Annexe I – Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques

détruits ou endommagés en Irak . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

.

Annexe II – Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques volés au Musée

de Mossoul en 2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Annexe III – Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques

détruits ou endommagés à Palmyre (Syrie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Annexe IV – Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril (extraits) .

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Annexe V – Informations requises aux termes de la norme Object ID . . . . . . . . . .

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Annexe VI – Exemple de fiche descriptive d’un bien archéologique syrien volé en

2015 enregistré dans la base de données d’INTERPOL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Annexe VII – Modèle de certificat d’exportation de biens culturels UNESCO-

OMD : cinquième exemplaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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