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1
INTRODUCTION
« L’individu humain est mortel, et les générations d’hommes se succèdent l’une à
l’autre. Mais il est loisible à chacune, aussi passagère que soit son existence, de laisser
ici-bas une trace immortelle de son génie, incarnée dans telle œuvre d’art, tel monument
historique, tel bien culturel. N’oublions jamais le rapport entre ce qui est passager et ce
qui, seul, peut assurer à l’homme et à son œuvre la pérennité. Vita brevis – Ars longa… »1.
Le professeur Stanislaw Nahlik, spécialiste des questions de protection des biens
culturels, n’aurait sans doute pu mieux résumer l’importance de la valeur des productions
artistiques, historiques et, plus généralement, culturelles de l’homme. Venue ponctuer son
cours dispensé à l’Académie de droit international de La Haye, en 1967, sur la protection
internationale des biens culturels en cas de conflit armé, cette déclaration a pour mérite
de mettre l’accent sur le caractère inestimable de tels biens culturels, qui sont autant de
témoignages du talent des hommes, capables de traverser les ans et de témoigner de ce
« génie » auprès des générations qui n’en ont pas été les témoins directs. Sans doute ne
faut-il pas voir dans ces propos, résumés par la formule « Vita brevis – Ars longa », un
plaidoyer sur la nécessité de faire primer la préservation de ces biens culturels sur celle
des vies humaines, quelque « passagère » que soit chacune d’elle. Une telle interprétation
serait, à n’en pas douter, trop réductrice, voire simpliste. Cette déclaration sonne
davantage comme un rappel de la valeur de ces biens dans un monde où le souci de leur
préservation est souvent présenté comme secondaire, voire décalé, par rapport à celui de
la protection des vies humaines. Sans faire primer l’un par rapport à l’autre, le professeur
Nahlik semble, avant tout, chercher à défendre l’idée d’un équilibre entre ces deux
impératifs.
Cependant, cette aspiration, formulée il y a cinquante ans à peine, résonne
aujourd’hui d’un écho douloureux et amer face au spectacle déplorable des destructions
et pillages perpétrés par les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL)2 à
l’encontre du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie. L’implantation et l’expansion
1 S.E. Nahlik, « La protection internationale des biens culturels en cas de conflit armé », R.C.A.D.I., 1967,
vol. 120, p. 159. 2 Egalement nommé Etat islamique en Irak et en Syrie (EIIS), ou, plus simplement, Etat islamique (EI),
mais également Organisation Etat islamique (OEI), ou encore, sous son acronyme arabe, Daech.
2
géographiques de Daech dans ces deux Etats, venues s’ajouter, du côté syrien, à une
guerre civile qui fait rage depuis 2011, ont laissé des traces irréversibles sur des biens
archéologiques inestimables qui étaient autant de témoins d’une histoire millénaire et
riche.
L’histoire n’est pourtant pas avare d’exemples de situations dans lesquelles des
biens culturels n’ont pas résisté aux violences des conflits armés. Depuis l’Antiquité, ces
biens ont très souvent figuré au nombre des destructions, inévitables ou intentionnelles,
qu’apporte tout conflit armé. La seule réserve qui ait été émise pendant longtemps face à
de telles destructions concernait le sort des biens et lieux religieux, ces « choses sacrées »
mentionnées par l’historien grec Polybe (202-120 av. J.-C.), dont « la destruction inutile
[…] est une action de fou »3. Il faut attendre le tournant des XVIème et XVIIème siècles
pour enfin voir émerger une volonté, certes encore timide, de protéger certains biens face
aux guerres, non plus seulement en raison de leur dimension religieuse, mais pour leur
dimension culturelle. Si cette tendance nouvelle semble alors s’inscrire logiquement dans
une période de renaissance artistique et culturelle propice à une plus grande conscience
de la valeur de ces biens culturels, elle est toutefois rapidement étouffée par la prise de
position stricte et sans appel de Grotius, qui affirme qu’« il est permis à un ennemi public
de nuire à son ennemi et dans sa personne et dans ses biens ; c’est-à-dire que cela est
permis non seulement à celui qui fait la guerre pour une cause légitime, mais c’est permis
des deux côtés, et indistinctement »4. La protection des biens culturels en cas de conflit
armé a finalement dû attendre 1863 et la Guerre de Sécession pour qu’un premier tournant
s’opère en la matière. C’est dans ce contexte qu’ont, en effet, été adoptées les Instructions
pour le comportement des armés des Etats-Unis d’Amérique en campagne, également
désignées sous le nom de Lieber Code5, qui accordent une protection particulière aux
biens culturels en cas de conflit, constituant ainsi la première pierre à l’édifice de la
codification du droit de ces biens sur le plan international. S’en sont suivis de nombreux
autres textes relatifs à cette question, tels que les Conventions de La Haye (IV) et (IX) de
3 Citation extraite de J. Toman, La protection des biens culturels en cas de conflit armé. Commentaire de
la Convention de La Haye du 14 mai 1954, Paris, Editions UNESCO, coll. Patrimoine mondial, 1994, p.
18. 4 H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix. Traduction de M.-P. PRADIER-FODÉRÉ, Paris,
Guillaumin et Cie, tome III, 1867, p. 91 (III/IV/III). 5 Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field, préparées par Francis Lieber
et signées par le Président Lincoln le 24 avril 1864.
3
19076, le Règlement de La Haye annexé à la Convention (IV) ou encore le Pacte Roerich,
en 1935, relatif à la protection des institutions artistiques et scientifiques et des
monuments historiques7. Ces différents textes, quelle que soit leur portée au niveau
international8, ont tous contribué à placer la protection des biens culturels en cas de conflit
armé sur la voie de l’universalisation, en entamant un processus de coopération
internationale qui a finalement abouti à l’adoption de la Convention de La Haye de 1954
pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé9, complétée par deux
protocoles, en 195410 et en 199911. Bien plus, le champ de cette protection a, par la suite,
été progressivement étendu, pour ne plus prendre seulement en compte la question des
destructions causées par la guerre. La lutte contre les pillages et le trafic illicite touchant
les biens culturels est également apparue comme un enjeu crucial de la protection de ces
biens, nécessitant la mise en place d’un régime spécifique. C’est à cette fin que
l’UNESCO a œuvré en vue de l’élaboration d’une convention relative aux mesures à
prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété
illicites des biens culturels, adoptée en 197012, avant qu’une seconde convention ne voie
le jour, en 1995, dans le cadre de l’organisation Unidroit, sur les biens culturels volés ou
illicitement exportés13.
Les cicatrices laissées au cours de l’histoire sur les biens culturels ont donc au moins
eu le « mérite » de conduire à une prise de conscience, lente mais sérieuse, de la nécessité
de préserver ces biens. Sous l’impulsion de la coopération des Etats, le droit international
a ainsi fait une place à part à ces « traces immortelles » évoquées par le professeur
Stanislaw Nahlik, les appréhendant comme « les biens qui, à titre religieux ou profane,
6 Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907 ;
Convention (IX) concernant le bombardement par les forces navales en temps de guerre, La Haye, 18
octobre 1907. 7 Traité concernant la protection des institutions artistiques et scientifiques et des monuments historiques
(Pacte Roerich), Washington, 15 avril 1935. 8 Il convient de rappeler que, outre le fait que Lieber Code ne traite que du comportement des forces armées
des Etats-Unis, l’adoption du Pacte Roerich est restée circonscrite au continent américain. À l’inverse, les
Conventions de La Haye (IV) et (IX) de 1907, ainsi que le Règlement annexé à la Convention (IV) ont fait
l’objet d’un nombre de ratifications beaucoup plus important, qui ont dépassé le cadre d’un seul continent. 9 Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, La Haye, 14 mai 1954. 10 (Premier) Protocole à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, La
Haye, 14 mai 1954. 11 Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en
cas de conflit armé, La Haye, 26 mai 1999. 12 Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et
le transfert de propriété illicites des biens culturels, UNESCO, Paris, 14 novembre 1970. 13 Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, Unidroit, Rome, 24 juin 1995.
4
revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art
ou la science »14 et méritant, à ce titre, une protection particulière.
Ces efforts juridiques entrepris par la communauté internationale semblent pourtant
durement remis en question depuis que l’Etat islamique s’est donné pour tâche de détruire
méticuleusement et de manière systématique des joyaux de l’archéologie irakienne et
syrienne. Qu’ils soient préservés dans des musées ou restés sur les sites de leur
découverte, ces biens archéologiques sont devenus des cibles privilégiées de la barbarie
fanatique de Daech. Sous l’impulsion d’une rigoureuse conception iconoclaste de la
religion, condamnant les représentations comme une forme d’idolâtrie, les djihadistes de
l’Etat islamique se font plus vraisemblablement encore les pourfendeurs d’un
totalitarisme ignorant ayant fait naître chez eux une volonté d’éradication pure et simple
des traces du passé. Quelle meilleure trace du passé, en effet, qu’un patrimoine
archéologique, ces « vestiges, biens et autres traces de l’existence de l’humanité dans le
passé, dont […] la sauvegarde et l’étude permettent de retracer le développement de
l’histoire de l’humanité et de sa relation avec l’environnement naturel »15 ? Or, si les
peuples irakien et syrien se sont ainsi vus privés, en quelques mois, des plus beaux atours
de leur patrimoine archéologique, c’est l’humanité tout entière qui se trouve aujourd’hui
dépouillée d’une partie de son histoire. En tant qu’éléments d’un patrimoine
14 Extrait de la définition des biens culturels donnée par la Convention Unidroit de 1995, article 2. Plus
précisément, aux termes de cette définition, un bien peut être considéré comme un bien culturel lorsqu’il
répond aux critères généraux de l’extrait cité dans la présente étude et qu’il entre, par ailleurs, dans « l’une
des catégories énumérées dans l’annexe » à la Convention.
Par ailleurs, ces critères généraux recoupent, pour l’essentiel, ceux de la définition retenue par la
Convention de l’UNESCO de 1970 en son article premier, à cette différence que celle de 1970 prend en
compte l’appréciation des Etats parties à la Convention, dans la mesure où l’article dispose que « sont
considérés comme biens culturels les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque Etat
comme étant d’importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science »
(italique ajouté). Cette différence mise à part, l’article premier de la Convention de 1970 comprend
également une liste de catégories dans lesquelles doivent figurer les biens répondant aux critères généraux
énoncés en début de définition pour pouvoir être qualifiés de biens culturels au sens de la Convention.
Ces deux définitions de 1970 et 1995 reprennent, quant à elles, des éléments de la première définition
des biens culturels retenue en droit international, à savoir celle contenue à l’article premier de la Convention
de La Haye de 1954. Cependant, cette dernière ne présente pas tout à fait la même structure que ces deux
cadettes, en ce qu’elle s’articule tout entière en une liste de catégories de biens considérés par elle comme
des biens culturels. Ces catégories, moins détaillées que celles établies dans le cadre des Conventions de
1970 et 1995, contiennent les principaux caractères généraux retenus dans ces deux définitions ultérieures.
Le choix fait dans cette introduction de retenir la définition de la Convention Unidroit de 1995, par rapport
à celles de 1970 et de 1954, répond essentiellement à un souci de simplification, en ce que cette définition,
plus concise que ses aînées, résume bien la conception globale de la notion de biens culturels telle qu’elle
est admise en droit international. 15 Article 1er, al. 2 i) de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée),
signée à La Valette, le 16 janvier 1992, sous l’égide du Conseil de l’Europe.
5
archéologique qui s’est constitué dans une région du monde considérée, à bien des égards,
comme le berceau culturel de l’humanité, les vestiges irakiens et syriens sont bien plus
que l’héritage commun de ces deux peuples ; ils sont un héritage commun à tous les
hommes. En témoigne l’inscription, par l’UNESCO, de nombre de ces biens
archéologiques au Patrimoine mondial de l’humanité.
Cet héritage, admirablement préservé pendant des millénaires, souffre aujourd’hui
des violentes cicatrices laissées, en l’espace d’à peine deux ans, par une organisation
terroriste qui s’est imposée sur la scène internationale comme, sans doute, aucun groupe
terroriste avant elle. Circonscrit initialement en Irak en tant que branche d’Al-Qaida sur
le territoire (Al-Qaida en Irak ou AQI), le groupe a progressivement gagné en
indépendance, devenant officiellement l’Etat islamique en Irak (EII) en 2006, puis
absorbant finalement AQI. Toutefois, c’est l’éclosion de la guerre civile en Syrie, en
2011, doublée, la même année, du départ définitif des troupes américaines d’Irak, qui a
véritablement donné à l’EII l’occasion de prendre son essor. Ayant réussi à implanter
profondément ses racines en Irak, le groupe terroriste s’est lancé à l’assaut de la Syrie dès
2013, faisant fi du refus de la branche d’Al-Qaida en place dans le pays, le Front Al-
Nosra, de fusionner avec lui. Dès lors, l’EII est devenu l’Etat islamique en Irak et au
Levant (EIIL), ou Daech, et plus rien n’a semblé l’empêcher de répandre ses idées et
modes de fonctionnement extrémistes sur les territoires dont il prenait le contrôle en Irak
et en Syrie. Or, à côté des considérables pertes humaines engendrées par le conflit qui
s’est ainsi implanté dans la région, les vestiges archéologiques irakiens et syriens sont
rapidement venus remplir les rangs des victimes de la sauvagerie terroriste de Daech.
C’est en Irak, sur le territoire qui a vu naître et se développer l’Etat islamique, que
les premières destructions massives de biens archéologiques sont intervenues.
Parmi les vestiges emblématiques du patrimoine irakien ayant été visés, l’un des
premiers à succomber aux attaques de Daech fut le mausolée de l’Imam Dur. Datant du
XIème siècle, cette construction revêtait une importance archéologique, mais aussi
artistique considérables en ce qu’il s’agissait sans doute de l’exemple le plus ancien de
6
dôme à muqarnas16 en Irak, ce qui en faisait un emblème de l’architecture islamique17. Le
mausolée a été détruit par l’Etat islamique le 23 octobre 2014.
Toutefois, si cette destruction constitue une perte d’importance pour le patrimoine
archéologique irakien, c’est sans doute la mise à sac du musée de Mossoul qui a
véritablement retenu, pour la première fois, l’attention de l’ensemble de la communauté
internationale. Quelques mois après la prise de la ville – la deuxième du pays – par l’Etat
islamique18, les djihadistes se sont, en effet, livrés, le 26 février 2015, à une débauche de
sauvagerie envers les biens conservés dans le musée archéologique. Armés de massues et
de perceuses, ces hommes de Daech ont d’ailleurs pris soin de réaliser un film de
propagande mettant en scène la mutilation organisée et méticuleuse d’œuvres réduites,
par leurs bourreaux, à de simples idoles qu’il convient de détruire. Plusieurs d’entre elles
étaient d’une valeur inestimable, essentiellement les statues les plus monumentales.
Certaines étaient notamment conservées sur un site archéologique de Mossoul, sur lequel
se sont rendus les djihadistes, ce même jour de février 2015 pour y poursuivre leurs actes
de vandalisme19. Toutefois, il s’est avéré, par la suite, que de nombreuses statues détruites
ce jour-là dans le musée n’étaient que des copies en plâtre de vestiges archéologiques
conservés, pour la plupart, au musée de Bagdad20. L’Etat islamique a, en effet, pris soin
de piller les biens pouvant être vendus, se contentant de filmer la destruction de répliques
et des statues originales ne pouvant être transportées. Cet événement révèle donc que,
derrière l’idéologie destructrice de Daech, se cache un pragmatisme nécessaire à la survie
du groupe terroriste. Non content de subir les violents assauts des djihadistes, le
patrimoine archéologique est également devenu un moyen pour ses derniers de financer
leurs actions terroristes. Si cette attitude a permis que soit évitée la destruction de biens
conservés au musée archéologique de Mossoul, il n’en demeure pas moins que ce pillage
16 Les muqarnas désignent un élément caractéristique de l’architecture islamique qui consiste en une
structure en forme de nids d’abeilles ou de stalactites permettant de passer du plan carré d’une salle à un
dôme, en soutenant les poussées des voûtes. 17 Cf. Annexe I – Photographies et images satellites des vestiges archéologiques détruits ou endommagés
en Irak, p. 134. 18 Le groupe terroriste a pris le contrôle de Mossoul quelques jours seulement après l’assaut lancé contre la
ville, au début du mois de juin 2014. 19 Cf. Annexe I, p. 135. 20 Pour plus de détails, v. « Irak. Les statues détruites par l’EI à Mossoul étaient des copies »,
nouvelobs.com, 15 mars 2015 et M. Grépinet, « Palmyre décapitée. Le drapeau noir flotte sur ses trésors »,
Paris Match, n° 3458, 27 août 2015, p. 101.
7
reste à déplorer, en ce qu’il risque de conduire à la perte, sans doute pour de nombreuses
années, d’éléments du patrimoine irakien21.
Le bilan des agressions portées à l’encontre du patrimoine archéologique d’Irak ne
s’est malheureusement pas arrêté avec le saccage du musée de Mossoul. Le fanatisme de
Daech s’en est aussi pris au site archéologique de Nimroud, situé à une trentaine de
kilomètres au sud-ouest de Mossoul. Sa découverte par l’explorateur britannique Austen
Henry Layard, dans les années 1840, avait permis de mettre au jour une cité bâtie au
XIIIème siècle av. J.-C. et devenue quatre siècles plus tard la deuxième capitale de
l’Empire assyrien. De splendides bas-reliefs et des statues monumentales furent
découverts au XIXème siècle, ensevelis depuis près de 3000 ans, et, de ce fait,
admirablement conservés pour nombre d’entre eux. Layard n’a-t-il, d’ailleurs, pas écrit,
après avoir contemplé de magnifiques statues de lions ailés androcéphales : “For twenty-
five centuries they had been hidden from the eye of man, and they now stood forth once
more in their ancient majesty” 22? Cette splendeur décrite par l’explorateur se retrouvait,
il y a quelques mois encore, dans certaines des statues toujours présentes sur le site23.
Aujourd’hui, ces vestiges ont pour la plupart disparu, emportés en mars 2015 par les
bulldozers et la dynamite utilisés sur une importante partie du site par les djihadistes24.
Une fois encore, il semblerait que ces derniers aient, auparavant, pris soin de piller ce qui
pouvait l’être25.
Si d’autres sites et biens archéologiques du patrimoine irakien ont également dû
faire face aux destructions et pillages perpétrés par l’Etat islamique, cette étude ne peut
se prêter à un examen exhaustif de chacun d’entre eux, notamment parce qu’il convient
également de présenter les principales atteintes portées, par ailleurs, au patrimoine
archéologique syrien. Ces atteintes ont d’ailleurs été d’une violence telle qu’elles en ont
presque occulté ce qui avait pu se passer au cours des mois précédents en Irak. Cette
émotion suscitée, parmi la communauté internationale, par les destructions et pillages
21 Cf. Annexe II – Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques volés au Musée de Mossoul en 2015,
p. 137. 22 A. H. Layard, A Popular Account of Discoveries at Nineveh, London, John Murray’s Library, 1851, 360
p., p. 52. La version consultée pour la présente étude est une version digitalisée par Google d’une édition
possédée par la Harvard College Library et mise en ligne sur archive.org. 23 Cf. Annexe I, p. 135. 24 Ibid., p. 136. 25 V. Satellite-Based Damage Assessment of Cultural Heritage Sites. 2015 Summary Report of Iraq, Nepal,
Syria & Yemen, UNITAR-UNOSAT, June 2016, p. 4 et « La cité antique détruite par l’EI en Irak, un
"crime de guerre" selon l’Unesco », lemonde.fr, 6 mars 2015.
8
commis en Syrie s’explique sans doute par le fait que ces actes ont conduit à la mutilation
d’un site archéologique parmi les plus beaux et les mieux conservés qui aient été
découverts à ce jour : la cité antique de Palmyre.
Riche cité caravanière et plaque tournante du commerce entre Mésopotamie et
Méditerranée, cette « Venise du désert »26 fut rattachée à l’Empire romain au Ier siècle av.
J.-C., avant de devenir, vers l’an 200, une colonie romaine, c’est-à-dire une cité romaine
à part entière27. De cette influence romaine, naquit un art unique, un « hybride
palmyrénien »28, mêlant esthétiques gréco-romaine et orientale qui faisaient toute
l’originalité du site de Palmyre. La splendeur de l’antique cité pouvait ainsi, il y a
quelques mois encore, rivaliser avec celle de sites archéologiques aussi célèbres que ceux
de Pompéi, en Italie, et d’Ephèse, en Turquie29. Malheureusement, cette beauté
palmyrénienne – inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO en 1980 – est
aujourd’hui profondément défigurée. Ayant pris possession de la ville à la fin du mois de
mai 2015, Daech n’a pas manqué de laisser sa marque sur le site, pillant dans l’ombre et
détruisant sous l’œil de leurs caméras.
Le 2 juillet 2015, les djihadistes ont commis leur premier acte de violence sur le
site en détruisant la célèbre statue du Lion d’Al-Lat, ou Lion d’Athéna, conservée à
l’entrée du musée du site de Palmyre. Érigée au Ier siècle av. J.-C., cette statue
monumentale de 3,50 mètres de haut était l’un des plus beaux atours de Palmyre. Ses
dimensions imposantes lui fermant les portes du trafic de biens culturels, la statue a donc
subi le même sort que celles, en Irak, du Musée de Mossoul et du site de Nimroud. Si la
perte de ce vestige a fait dire à l’époque à Maamoun Abdelkarim, directeur général du
Département des Antiquités et des Musées de Syrie, qu’il s’agissait du « plus grave
crime commis par les djihadistes contre le patrimoine de Palmyre »30, il devait rapidement
s’avérer que la destruction du Lion d’Athéna ne faisait que marquer le début d’une série
d’actes de vandalisme sans précédent à l’égard d’un patrimoine archéologique, au regard
aussi bien de la violence déployée à cet effet que de la valeur des vestiges touchés. La
26 C. Onot-Dit-Biot, « Palmyre renaît ! », Le Point, n° 2251, 29 octobre 2015, p. 108. Expression retenue
par l’historien et professeur honoraire au Collège de France, Paul Veyne, interrogé dans cet article sur la
cité antique de Palmyre. Cette expression se rapproche de celle retenue par l’archéologue et professeur
Ernest Will dans son ouvrage Les Palmyréniens. La Venise des sables, paru en 1992 et mentionné dans P.
Veyne, Palmyre. L’irremplaçable trésor, Paris, Seuil, 2016, p. 106. 27 Cf. P. Veyne, op. cit., p. 69. 28 Ibid., p. 140. 29 Ibid., p. 13. 30 « Palmyre : l’Etat islamique détruit une statue monumentale de 2000 ans, "plus grave crime" contre le
patrimoine des djihadistes », huffingtonpost.fr, 2 juillet 2015.
9
première victime de cette série noire fut le temple de Baalshamin. Si l’édifice avait été
construit il y a 2000 ans, sa structure, telle qu’elle pouvait être observée sur le site il y a
encore quelques mois, datait de la période romaine et avait été érigée au Ier siècle.
Comptant au nombre des vestiges archéologiques les mieux préservés du site de
Palmyre31, le temple n’a pas résisté aux explosifs utilisés contre lui par l’Etat islamique,
le 23 août 2015. Il en est allé de même, quelques jours plus tard, pour le Temple de Bel,
autre perle du site archéologique, d’autant plus précieuse que le temple, érigé au Ier siècle,
illustrait magnifiquement l’hybridité caractéristique de l’architecture palmyrénienne,
empreinte d’un style à la fois gréco-romain et proche-oriental32. Là encore, des explosifs
ont réduit l’édifice en poussière33, le 30 août 2015. Seul subsiste aujourd’hui le portique
qui se dressait devant le temple. Loin de s’arrêter à ces destructions spectaculaires, dont
les images avaient fait le tour du monde, en suscitant partout la même émotion, Daech a,
au contraire, persisté dans cette folie destructrice en faisant exploser, au début du mois de
septembre 2015, plusieurs tours funéraires de la Vallée des Tombeaux, autre secteur du
site de Palmyre. De ces tours, dont trois étaient particulièrement bien préservées, il ne
reste plus rien, comme en témoignent des images satellitaires prise le 2 septembre et
diffusées sur le site internet de la Syrian Heritage Initiative34. Enfin, à titre d’ultime
exemple de la mutilation du site de Palmyre, il faut mentionner la destruction, le 5 octobre
2015, de son splendide Arc de Triomphe, construit entre 193 et 211 de notre ère, qui
marquait l’entrée de la célèbre Grande Colonnade de Palmyre. Avec cette destruction,
Daech a montré le basculement de son idéologie de la sphère purement religieuse, qui
« justifiait » la destruction de vestiges qualifiés d’idoles, dans la sphère politique. En
détruisant l’Arc de Triomphe de Palmyre, l’Etat islamique a uniquement cherché à
provoquer et à choquer l’Occident en le touchant dans des valeurs qui lui sont chères, à
savoir la préservation d’un patrimoine culturel commun à l’humanité35.
31 Cf. Annexe III – Photographies images satellite des vestiges archéologiques détruits ou endommagés à
Palmyre (Syrie), p. 138. 32 En ce sens, v. Paul Veyne, op. cit., p. 16. 33 Cf. Annexe III, p. 139. 34 La Syrian Heritage Initiative est un programme mis en place dans le cadre des Cultural Heritage
Initiatives, elles-mêmes résultant d’un accord entre l’organisation American Schools of Oriental Research
et le Département d’Etat américain. Ces Cultural Heritage Initiatives ont pour mission d’œuvrer à la
préservation des patrimoines syrien et irakien, principalement en rassemblant et en analysant des
informations et données sur le sujet. L’analyse d’images satellitaires entre donc pleinement dans la mission
assignée à ce programme. Pour plus d’informations, v. le site asor-syrianheritage.org, not. (pour une
présentation des images satellitaires des tours funéraires détruites) Allison Cuneo, Susan Penacho, LeeAnn
Barnes Gordon, « Special Report: Update on the Situation in Palmyra », 3 septembre 2015. 35 En ce sens, v. M. Slama, « Destruction de l’arc de triomphe de Palmyre : la théâtralité mortifère de
Daech », lefigaro.fr, 6 octobre 2015.
10
Les périls auxquels ont dû faire face les patrimoines archéologiques irakien et
syrien pendant plus d’un an et demi, du fait des assauts répétés des djihadistes de Daech,
ont révélé l’extrême fragilité des vestiges archéologiques. La menace qui s’est mise à
planer sur ces biens culturels dès juin 2014 et qui n’a fait que grandir au fil des mois a
sonné comme une mise à l’épreuve du régime de protection des biens culturels mis en
place par les Etats au niveau international. Jamais encore des vestiges archéologiques
n’avaient autant eu besoin de ces instruments de droit international, élaborés au prix
d’efforts constants de la part des Etats en faveur d’une meilleure coopération
internationale pour la protection et la préservation des biens culturels. Pourtant, après que
le monde entier a assisté, pendant des mois, à la destruction et au pillage organisés du
patrimoine archéologique en Irak et en Syrie, l’efficacité, voire la réalité de cette
protection internationale peut, au premier abord, légitimement être remise en question.
Certes, le recul sensible des forces de Daech au cours des derniers mois, sous les assauts
combinés de la coalition armée internationale dirigée par les Etats-Unis, ainsi que des
forces russes et syriennes, allège sérieusement la menace ayant pesé jusqu’alors sur le
patrimoine archéologique, aussi bien en Irak qu’en Syrie. Certes, les djihadistes n’ont pas
détruit l’ensemble des vestiges irakiens et syriens, notamment grâce au soutien des
populations locales, qui ont contribué à leur échelle à la préservation de leur patrimoine36.
Cependant, que dire de l’impossibilité dans laquelle se sont trouvés les Etats de réagir
face à la mise en scène, pendant des mois, des atteintes portées par Daech aux vestiges
irakiens et syriens ? Que faire face à la dispersion des biens pillés dans les musées et les
sites ravagés par les djihadistes ? Comment faire, à l’avenir pour éviter que de tels
outrages soient à nouveau perpétrés à l’encontre d’un patrimoine archéologique ? Ces
questions sont autant de raisons de s’interroger sérieusement sur l’efficacité du système
de protection et de préservation des biens archéologiques existant en droit international.
Il est inévitable que de tels biens, dont la valeur n’a d’égal que leur fragilité, courent
des risques, que ce soit face aux aléas du temps ou aux activités humaines. Toutefois, il
convient de s’interroger sur les moyens juridiques, mais aussi techniques, de réduire ces
risques le plus possible. Il serait, à n’en pas douter, inacceptable que le monde ait un jour
à assister, une nouvelle fois, impuissant, au spectacle de destructions et de pillages
massifs d’un patrimoine archéologique. L’épisode irako-syrien, aussi dramatique qu’il
36 En ce sens, v. (concernant Palmyre) F. Gerschel, « "Palmyre aurait pu partir en fumée" », Le Parisien,
29 mars 2016, p. 6.
11
soit, doit au moins présenter l’« avantage » de donner une occasion à cette remise en
question afin que jamais il ne se reproduise. L’analyse de cet épisode et de l’attitude des
Etats par le biais du droit international pourrait ainsi servir de base pour une meilleure
protection des biens culturels à l’avenir. Sans prétendre apporter toutes les solutions aux
problèmes existant en la matière, c’est à cette analyse que se livre la présente étude, en
tentant de répondre à la question de savoir dans quelle mesure le droit international permet
aux Etats d’apporter une réponse efficace face à la destruction et au pillage du patrimoine
archéologique en Irak et en Syrie.
La réponse à une telle question suppose de s’intéresser à la fois au passé et à
l’avenir, aux événements qui ont frappé le patrimoine en Irak et en Syrie ainsi qu’aux
enjeux auxquels celui-ci devra faire face. L’analyse des moyens juridiques disponibles
pour sauver un patrimoine archéologique en danger (PREMIÈRE PARTIE) conduira ainsi
naturellement à celle des moyens juridiques disponibles pour sauvegarder un patrimoine
archéologique fragilisé (DEUXIÈME PARTIE).
12
PREMIÈRE PARTIE
LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR
SAUVER UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE EN
DANGER
13
La question des atteintes portées à l’encontre d’un patrimoine archéologique – et,
plus généralement, d’un patrimoine culturel – lors d’un conflit armé est sans doute celle
qui est à l’origine du développement du régime de protection internationale des biens
culturels. La prise de conscience des Etats de la nécessité de préserver ces biens s’est
donc étoffée sur la base de cette question, dès la fin du XIXème siècle et pendant toute la
première moitié du XXème siècle, pour finalement se consolider au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, avec la Convention de La Haye de 195437.
Adoptée le 14 mai 1954, la Convention pour la protection des biens culturels en cas
de conflit armé reste, encore aujourd’hui, le texte de référence pour toutes les questions
relatives à la protection des biens culturels qui se trouvent sur un territoire touché par un
conflit armé, international ou non international. À cette fin, la Convention repose sur une
logique de « solidarité internationale »38, déjà présente dans le Pacte Roerich de 1935.
L’objectif est ainsi d’exiger de la part des Etats parties qu’ils assument leurs
responsabilités à l’égard du patrimoine culturel s’ils devaient s’engager dans un conflit
susceptible de porter atteinte à ce dernier39. La disposition centrale de la Convention est
donc son article 4, dont le paragraphe 1er dispose :
« Les Hautes parties contractantes s’engagent à respecter les biens culturels situés tant sur leur propre territoire
que sur celui des autres Hautes Parties contractantes en s’interdisant l’utilisation de ces biens, celle de leurs
dispositifs de protection et celle de leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une
destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, et en s’abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard. »
Cette disposition résume bien l’esprit général de la Convention qui est de mettre en
place une véritable coopération internationale en vue de préserver les biens culturels,
même lorsqu’un conflit oppose des Etats parties à la Convention, avec cette idée que la
préservation du patrimoine culturel doit transcender les clivages politiques à l’origine
d’un conflit. Cette coopération doit ainsi permettre d’éviter la destruction de biens
culturels, mais également les vols et pillages qui ne manquent pas d’accompagner les
conflits armés et qui alimentent le trafic illicite de biens culturels, de même que les actes
de vandalisme intentionnellement commis à l’encontre de ces biens40. La seule dérogation
37 Cf. supra, pp. 2 et 3. 38 S. E. Nahlik, cours préc., p. 121. 39 En ce sens, v. E. Clément, « Le concept de responsabilité collective de la communauté internationale
pour la protection des biens culturels dans les conventions et recommandations de l’UNESCO », R.B.D.I.,
1993, vol. 2, pp. 534-551. 40 Cf. article 4, par. 3.
14
apportée à cette protection mise en place par la Convention réside dans le concept de
nécessité militaire qui seul peut permettre de déroger aux obligations générales posées au
paragraphe 1er de l’article 441.
Cheville ouvrière de la protection internationale des biens culturels, la Convention de
La Haye de 1954 a ainsi fait l’objet d’une large adhésion. Parmi les nombreuses parties
que compte le texte, émergent la Syrie, partie depuis le 6 mars 1958, et l’Irak, partie
depuis le 21 décembre 1967. Toutefois, ce texte, qui constitue le cœur de la protection
internationale des biens culturels en cas de conflit armé, n’a pu pleinement étendre cette
protection à la lutte contre les destructions intentionnelles et les pillages, révélant ainsi sa
relative impuissance face au sort des patrimoines archéologiques irakien et syrien (a).
Dans un autre registre, le Protocole de 1954 à la Convention de La Haye, apportant des
précisions sur l’exportation des biens culturels depuis un territoire occupé42, a montré sa
relative insuffisance dans la lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques irakien
et syrien (b).
(a) La relative impuissance de la Convention de La Haye dans la lutte contre la
destruction et le pillage systématiques des patrimoines archéologiques irakien et syrien
Si le conflit qui fait rage en Irak et en Syrie s’est accompagné d’atteintes à l’encontre
du patrimoine archéologique de ces derniers qui sont prises en compte par la Convention
de La Haye de 1954, il n’en demeure pas moins que ce texte n’a pu véritablement jouer
un rôle clé dans la lutte contre la destruction et le pillage systématiques de ce patrimoine.
La raison de cette impuissance réside, à première vue, dans la nature même du conflit,
qui ne répond pas au schéma classique du conflit interétatique, mais oppose, en l’espèce,
des acteurs étatiques – essentiellement la Syrie, l’Irak, les Etats de la coalition
internationale dirigée par les Etats-Unis et la Russie – et un groupe terroriste, acteur non-
étatique – Daech. Ce seul fait réduit considérablement la portée de la Convention de La
Haye, dans une situation où l’une des parties au conflit ne peut juridiquement être liée par
ce texte43. Bien plus, ce qui rend véritablement la Convention relativement impuissante
41 Cf. article 4, par. 2. 42 Protocole auquel sont également parties la Syrie et l’Irak, qui l’ont ratifié respectivement le 6 mars 1958
et le 21 décembre 1967. 43 Il convient de noter que, indépendamment de la ratification de la Convention de La Haye de 1954 et de
ces deux protocoles, les Etats sont tenus de respecter les principes fondamentaux contenus dans ces textes
15
réside dans le fait que, quand bien même Daech serait considéré comme un acteur
étatique, la protection du patrimoine archéologique resterait en contradiction avec
l’idéologie qui fonde l’Etat islamique. Par conséquent, il est impossible d’imaginer que
celui-ci se soumettrait aux exigences internationales, conventionnelles ou coutumières,
de préservation des biens culturels en cas de conflit armé, prohibant les destructions
volontaires aussi bien que le trafic de biens culturels volés sur le territoire contrôlé par
une puissance occupante.
Dès lors, les exhortations faites par les institutions internationales, au premier rang
desquelles l’UNESCO44, de respecter les principes de la Convention de La Haye de 1954
et de ses protocoles ne peuvent s’adresser qu’aux autres parties au conflit en Irak et en
Syrie, c’est-à-dire les Etats qui interviennent militairement sur ces territoires pour lutter
contre Daech et qui sont parties à ces instruments. Toutefois, les premiers actes de
vandalisme perpétrés par l’Etat islamique dès 2014 en Irak pouvaient déjà laisser penser
que la principale menace pour le patrimoine archéologique viendrait du groupe terroriste,
davantage que des opérations militaires initiées par les Etats combattant Daech.
Face à la folie destructrice de l’EI, qui ne cessait de réduire en poussière des biens
archéologiques millénaires, de piller ce qui, parmi ces biens, pouvait l’être, appauvrissant
ainsi les patrimoines archéologiques irakien et syrien, une seule solution semblait
susceptible de mettre efficacement un terme à cette sauvagerie : le recours aux armes.
Faute de pouvoir appliquer la principale convention internationale régissant le sort des
biens culturels en cas de conflit armé, la seule solution véritablement efficace semblait
être celle d’un sauvetage armé du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie. Toutefois,
cette solution soulevait un certain nombre de questions quant à sa faisabilité au regard du
droit international. Ainsi, envisager une telle solution d’urgence pour sauver un
patrimoine archéologique en danger supposait de confronter le droit international à cette
question d’une intervention armée internationale destinée à mettre fin à la destruction et
au pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie (chapitre 1er).
en ce qu’ils sont considérés comme ayant une valeur de droit international coutumier, aussi bien dans un
conflit armé international que dans un conflit armé non international. En ce sens, v. J. Toman, op. cit., p.
41 et (pour les conflits armés non internationaux) TPIY, Procureur c. Dusko Tadić, affaire n° IT-94-1,
Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Chambre d’appel,
2 octobre 1995, par. 98, disponible sur le site www.icty.org. 44 V. not. la « Déclaration de la Présidente au nom du Comité pour la protection des biens culturels en cas
de conflit armé établi par le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954 », faite le 4 septembre
2015. Disponible sur ww.unesco.org.
16
(b) La relative insuffisance du Protocole de 1954 à la Convention de La Haye dans la
lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques syriens et irakiens
Le premier Protocole à la Convention de La Haye de 1954, adopté, tout comme la
Convention, le 14 mai 1954, aurait pu constituer un support juridique intéressant dans la
lutte contre le trafic illicite touchant les patrimoines archéologiques irakien et syrien, dans
la mesure où ses dispositions touchent à la question de l’exportation de biens culturels
d’un territoire occupé. L’Irak et la Syrie, parties au Protocole et tous deux partiellement
occupés par les troupes de l’EI, auraient pu bénéficier de ce texte visant à empêcher la
dispersion du patrimoine culturel d’un pays occupé. Toutefois, la configuration
particulière du conflit armé en Irak et en Syrie a sérieusement compromis l’application
de ce Protocole.
À titre d’exemple de cette insuffisance du Protocole dans la lutte contre le trafic
illicite de biens archéologiques irakiens et syriens, il est possible de citer la disposition
centrale de ce texte, le paragraphe 1er, aux termes duquel :
« Chacune des Hautes Parties contractantes s’engage à empêcher l’exportation de biens culturels d’un territoire
occupé par Elle lors d’un conflit armé […] »45.
Dans ce conflit où la partie occupante est un groupe terroriste, et non un Etat, qui a,
qui plus est, fait du trafic illicite de biens archéologiques irakiens et syriens l’un des
modes de financement de ses activités, il est évident qu’une telle disposition, qui repose
sur une logique de coopération de la part de la partie occupante, ne pouvait aspirer à faire
l’objet d’une véritable application.
Si cette disposition clé du Protocole ne peut s’appliquer, une autre disposition de
celui-ci mérite, néanmoins, d’être mentionnée. Il s’agit du paragraphe 2, qui dispose :
« Chacune des Hautes Parties contractantes s’engage à mettre sous séquestre les biens culturels importés sur son
territoire et provenant directement ou indirectement d’un quelconque territoire occupé […] »46.
45 Il convient de noter, à titre de remarque, que le Protocole reprend la définition de biens culturels retenue
par la Convention de La Haye dans son article 1er. Cf. supra, p. 4, note 14. 46 Italique ajouté.
17
En posant l’obligation, pour chaque Partie au Protocole, de mettre sous séquestre les
biens culturels importés sur son territoire « provenant […] d’un quelconque territoire
occupé », sans préciser que cette obligation ne vaut que pour un Etat partie qui occuperait
par ailleurs le territoire d’où proviennent ces biens, cette disposition peut, d’emblée,
sembler plus pertinente dans le cas irako-syrien. En effet, cette absence de rapprochement
entre l’Etat partie sur le territoire duquel des biens culturels sont importés et l’Etat
occupant le territoire d’où proviennent ces biens pourrait raisonnablement laisser penser
que la protection offerte par cette disposition pourrait bénéficier aux biens archéologiques
sortis illégalement de Syrie et d’Irak par le biais de Daech. Rien n’empêche, en effet, de
penser, à la lecture de ce paragraphe, que, si des biens archéologiques provenant de Syrie
ou d’Irak, tous deux occupés en partie par l’EI, étaient interceptés sur le territoire d’un
Etat partie au Protocole, celui-ci aurait alors l’obligation, en vertu du paragraphe 2, de
mettre ces biens archéologiques sous séquestre, que ceux-ci proviennent directement
d’Irak ou de Syrie, ou qu’ils aient d’abord transité par un ou plusieurs autres pays depuis
leur sortie d’Irak ou de Syrie. Dès lors, une telle obligation de mise sous séquestre
contribuerait à endiguer le trafic illicite de biens archéologiques illégalement exportés de
Syrie ou d’Irak.
Néanmoins, malgré cette possible interprétation du paragraphe 2 du Protocole, il faut
ici tempérer l’importance dudit Protocole dans la lutte contre le trafic illicite de biens
archéologiques syriens et irakiens, à deux égards.
Tout d’abord, quand bien même il serait possible d’interpréter le paragraphe 2 de la
façon retenue ci-dessus, la mesure ainsi préconisée aux termes de cette disposition serait
loin d’être suffisante pour lutter efficacement et en urgence contre le trafic illicite
touchant les patrimoines archéologiques irakien et syrien. D’autres mesures devraient, à
cette fin, s’ajouter à celle-ci. Or, le Protocole ne contient pas d’autres dispositions
pertinentes en vue d’une lutte urgente contre le trafic illicite de biens archéologiques
irakiens et syriens.
Ensuite, le paragraphe 3 du Protocole, qui semble être la conséquence logique du
paragraphe précédent, peut soulever une interrogation quant à l’interprétation
précédemment retenue du paragraphe 2. Le paragraphe 3 dispose, en effet :
« Chacune des Hautes Parties contractantes s’engage à remettre à la fin des hostilités, aux autorités compétentes
du territoire précédemment occupé, les biens culturels qui se trouvent chez Elle, si ces biens ont été exportés
18
contrairement au principe du paragraphe premier. Ils ne pourront jamais être retenus au titre de dommages de
guerre »47.
Il est logiquement possible de considérer que ce paragraphe prévoit les suites de
l’hypothèse envisagée au paragraphe 2, c’est-à-dire la mise sous séquestre de biens
culturels par un Etat partie lorsque ces biens proviennent d’un territoire occupé. Partant,
la précision finale du paragraphe 3 soulève une interrogation. En effet, en précisant que
les biens culturels se trouvant sur le territoire d’un Etat partie, et provenant d’un territoire
antérieurement occupé, « ne pourront jamais être retenus au titre de dommages de
guerre », autrement dit par l’Etat sur le territoire duquel se trouvent ces biens, le
paragraphe laisse sous-entendre que ledit Etat aurait été impliqué dans les hostilités qui
sont à l’origine de l’exportation de ces biens culturels « contrairement au principe du
paragraphe premier ». Dès lors, il est possible de se demander si la Haute Partie
contractante mentionnée au paragraphe 3, et donc, partant, celle mentionnée au
paragraphe 2, ne serait pas, en fin de comptes, la partie occupante du territoire d’où
proviennent les biens culturels mis sous séquestre. Si tel était le cas, le paragraphe 2 du
Protocole serait inapplicable au cas irako-syrien, de même que le paragraphe 1er, dans la
mesure où la partie occupante, en l’espèce, est un groupe terroriste qui n’est pas un Etat,
ni n’a la volonté, loin de là, d’œuvrer de quelque manière que ce soit à la lutte contre le
trafic illicite de biens archéologiques syriens et irakiens.
Hormis le premier paragraphe du Protocole, dont il est certain qu’il n’a pas vocation
à s’appliquer dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite touchant les patrimoines
archéologiques syrien et irakien, un doute subsiste quant à la pertinence, dans cette lutte,
du paragraphe 2. Du reste, quand bien même la première interprétation du paragraphe
retenue dans cette étude serait pertinente, il n’en demeurerait pas moins que l’obligation
de mise sous séquestre de biens archéologiques interceptés sur le territoire d’un Etat partie
au Protocole ne constituerait qu’un aspect seulement de la lutte contre le trafic illicite de
biens archéologiques syriens et irakiens. Face à cette insuffisance globale du Premier
Protocole à la Convention de La Haye de 1954, d’autres moyens doivent donc être
mobilisés pour lutter efficacement et en urgence contre le trafic illicite de biens
archéologiques issus du pillage des patrimoines irakien et syrien par les djihadistes de
47 Italique ajouté.
19
l’EI. Pour identifier ces moyens, il convient de rechercher d’autres fondements juridiques,
au-delà de Protocole de 1954, qui pourraient constituer des bases efficaces d’une telle
lutte, et donc, pour cela, de confronter le droit international à l’urgence de la lutte contre
le trafic illicite de biens issus du pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie
(chapitre 2).
20
Chapitre 1er
Le droit international face à la question d’une intervention armée internationale
destinée à mettre fin à la destruction et au pillage du patrimoine archéologique en
Irak et en Syrie
Aussi radicale qu’elle puisse paraître, la solution d’un sauvetage armé des
patrimoines archéologiques irakien et syrien a pu rapidement apparaître comme la seule
capable de véritablement mettre fin, en urgence, aux destructions et pillages
systématiques perpétrés par Daech à l’encontre des nombreuses richesses archéologiques
d’Irak et de Syrie.
Les gouvernements irakien et syrien étant déjà aux prises avec les violents assauts du
groupe terroriste sur leurs territoires respectifs, il apparaissait clairement qu’un tel
sauvetage de ce patrimoine commun de l’humanité ne pourrait être que le fait d’Etats
étrangers acceptant de venir en aide à ces biens archéologiques en péril. De même que
l’idée d’une coalition internationale émergeait, dès septembre 2014, pour combattre l’EI
dans les places fortes qu’il avait acquises en Irak et en Syrie, il ne semblait pas
inconcevable de consacrer certaines de ces forces à l’expulsion des djihadistes des sites
archéologiques passés entre leurs mains.
Toutefois, décider d’intervenir militairement sur des territoires étrangers, pour
quelque but que ce soit, suppose de respecter un certain nombre de règles de droit
international. En outre, le respect des conditions d’une telle intervention peut faire naître
des difficultés supplémentaires dans l’hypothèse où cette intervention serait destinée à
sauver un patrimoine archéologique. Envisager une telle hypothèse pouvait ainsi faire
émerger des difficultés juridiques susceptibles de compromettre un sauvetage armé
international du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie (SECTION I). Pourtant, les
opérations militaires menées sur place, d’une part, par la coalition internationale dirigée
par les Etats-Unis et, d’autre part, par la Russie ont montré que les obstacles juridiques
susceptibles de s’ériger contre ces interventions armées ont pu être contournés.
Néanmoins, le sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien reste
21
aujourd’hui très discutable en dépit du contournement des difficultés juridiques existantes
(SECTION II).
SECTION I : LES DIFFICULTÉS JURIDIQUES SUSCEPTIBLES DE
COMPROMETTRE UN SAUVETAGE ARMÉ INTERNATIONAL DU PATRIMOINE
ARCHÉOLOGIQUE EN IRAK ET EN SYRIE
Le fait, pour des Etats, d’intervenir militairement en Irak et en Syrie pour lutter contre
un groupe terroriste auteur, non seulement de violences contre les populations civiles
locales, mais également d’attentats terroristes à l’étranger, se heurte au respect de règles
incontournables du droit international. De ces règles sont donc susceptibles de naître des
obstacles juridiques à une telle intervention armée, qui plus est dans l’hypothèse où celle-
ci aurait vocation à permettre le sauvetage armé d’un patrimoine archéologique menacé.
Ainsi, la difficulté principale susceptible de compromettre un tel sauvetage a découlé de
l’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak et de la Syrie
(§1). Or, si le cas irakien n’a pas posé de grandes difficultés, il n’en est pas allé de même
en Syrie, au point qu’il aurait pu apparaître nécessaire de solliciter une mise en œuvre du
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cependant, cette éventualité s’est heurtée
au constat de la difficile application du système de sécurité collective des Nations Unies
dans le cas syrien (§2).
§1. L’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak
et de la Syrie
L’éventualité d’un sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien
supposait que l’intervention militaire menée par les Etats étrangers ayant décidé d’y
prendre part se fasse dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Irak
et de la Syrie, sur le territoire desquels seraient organisées des opérations militaires.
L’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies énonce, en effet, que « [l]es
Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance
politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations
22
Unies »48. Sur la base de cette obligation, toute intervention militaire étrangère en Irak et
en Syrie visant à lutter contre Daech était, par conséquent, subordonnée à l’accord
préalable de chacun de ces Etats.
La lutte militaire internationale contre l’EI en Irak n’a, à ce titre, rencontré aucun
obstacle, dans la mesure où l’Etat irakien a donné son autorisation à la réalisation de telles
opérations militaires étrangères sur son territoire. Les premières frappes aériennes lancées
par les Etats-Unis contre le groupe terroriste, à partir du 8 août 2014, se sont ainsi faites
dans le respect de l’intégrité territoriale irakienne. L’Irak a, d’ailleurs, clairement
confirmé sa position à l’occasion de la Conférence internationale pour la paix et la
sécurité en Irak qui s’est tenue à Paris le 15 septembre 2014, sur une initiative commune
de la France et de la République d’Irak. Cette réunion de près de trente pays a, en effet,
eu pour objectif de préciser les contours d’une coalition internationale en Irak, annoncée
officiellement quelques jours plus tôt par le président américain lors d’un discours
prononcé le 10 septembre49. À cette fin :
« Tous les participants ont souligné l’urgente nécessité de mettre un terme à la présence de Daech (EIIL) dans les
régions où il a pris position en Irak. Dans cet objectif, ils se sont engagés à soutenir, par tous les moyens
nécessaires, le nouveau gouvernement irakien dans sa lutte contre Daech (EIIL), y compris par une aide militaire
appropriée, correspondant aux besoins exprimés par les autorités irakiennes et dans le respect du droit
international et de la sécurité des populations civiles. »50
Face à ces « besoins exprimés par les autorités irakiennes », ce ne sont donc plus
seulement les Etats-Unis qui ont l’autorisation d’intervenir militairement sur le territoire
irakien, mais bien l’ensemble des participants à la Conférence. Forte de la légalité
internationale des opérations militaires étrangères susceptibles d’être organisées en Irak,
la coalition internationale menée par les Etats-Unis n’a donc eu à faire face à aucun
obstacle juridique majeur pour mener son action militaire sur place et ainsi œuvrer au
recul des forces djihadistes présentes sur le territoire irakien. Partant, le sauvetage armé
48 Il convient de noter que cette disposition envisage principalement l’hypothèse dans laquelle un Etat
violerait l’intégrité territoriale d’un autre en employant la force à son encontre, ce qui n’était pas tout à fait
le cas de l’intervention militaire internationale en Irak et en Syrie. Une telle intervention visait, en effet, à
user de la force, non pas contre les Etats irakien et syrien, mais pour combattre un groupe terroriste sur le
territoire de ces derniers. Cette remarque étant faite, il reste néanmoins incontestable que les Etats de la
coalition internationale restaient soumis à cette disposition, afin que soit préservée l’intégrité territoriale de
l’Irak et de la Syrie. 49 Statement by the President on ISIL, 10 septembre 2014, disponible sur le site de la Maison Blanche
www.whitehouse.gov/the-press-office/2014, dans la rubrique « Speeches & Remarks ». 50 Conclusions de la Conférence pour la paix et la sécurité, para. 4, disponible sur le site du Ministère des
Affaires étrangères www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/irak/evenements.
23
du patrimoine archéologique irakien ne pouvait être compromis par des difficultés
juridiques susceptibles de naître de l’obligation de respecter l’intégrité territoriale de
l’Irak.
L’éventualité d’un tel sauvetage était, en revanche, largement plus incertaine dans le
cas de la Syrie, dans la mesure où le régime du président syrien Bachar al-Assad n’avait
pas donné son accord à des interventions militaires étrangères sur son territoire. La
position syrienne à cet égard résulte, bien évidemment, de l’hostilité marquée de la plupart
des Etats occidentaux faisant partie de la coalition internationale à l’égard du régime
syrien, en raison de l’attitude adoptée par celui-ci, depuis 2011, dans la guerre civile qui
oppose des rebelles syriens au gouvernement de Bachar al-Assad. Partant, c’est donc
logiquement que les Etats de la coalition internationale ont refusé de faire front commun
avec l’Etat syrien contre les djihadistes de Daech. Or, ainsi exclue de la coalition dirigée
par les Etats-Unis, la Syrie a refusé de donner son accord à l’intervention militaire de
celle-ci sur son territoire. Dès lors, l’obligation contenue à l’article 2, paragraphe 4 de la
Charte des Nations-Unies faisait naître un sérieux obstacle juridique à l’intervention
armée de cette coalition en Syrie et donc à un éventuel sauvetage armé du patrimoine
archéologique du pays.
Si la question du respect de l’intégrité territoriale, conditionnant toute intervention
militaire étrangère en Irak et en Syrie, a été rapidement résolue dans le cas irakien, grâce
à l’accord de l’Etat irakien à une telle intervention internationale, elle a soulevé, en
revanche, de sérieuses difficultés dans le cas syrien. À défaut d’une telle autorisation de
la part de l’Etat syrien, l’intervention militaire de la coalition internationale sur le
territoire de cet Etat, et donc la possibilité d’un sauvetage armé du patrimoine
archéologique syrien, pouvaient être grandement compromis. La seule solution était donc
de trouver une autre base légale internationale à cette intervention militaire. Dans un tel
contexte, le recours au mécanisme du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies aurait
pu apparaître comme une solution intéressante. Cependant, les faits ont montré que le
système de sécurité collective des Nations Unies pouvait difficilement être appliqué dans
le cas syrien, a fortiori pour justifier des interventions armées destinées à sauver le
patrimoine archéologique de ce pays.
24
§2. La difficile application du système de sécurité collective des Nations Unies
dans le cas syrien
Indépendamment de la question de son application au sauvetage armé du patrimoine
archéologique syrien, le système de sécurité collective des Nations Unies découlant du
Chapitre VII de la Charte a toujours suscité certaines difficultés de mise en œuvre dans
les possibilités de recours à la force armée qu’il offre.
La difficulté originelle de mise en œuvre de ce système de sécurité collective prend
racine dans les mécanismes de recours à la force armée prévues aux articles 42 et 43 de
la Charte, organisant la possibilité d’opérations militaires directement placées sous
l’autorité du Conseil de sécurité. Sur la base de ces articles, le Conseil pourrait, en effet,
lorsqu’il « constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou
d’un acte d’agression »51, lancer, sous certaines conditions, une action militaire52, en
exerçant, pour cela, directement son autorité sur des forces armées mises à sa
disposition53. Or, l’absence d’accord sur l’organisation d’une force militaire
internationale mise au service de l’ONU a rendu inapplicable ce mécanisme du Chapitre
VII54.
Face à cette réalité, des moyens ont donc été mis en place pour contourner
l’inapplicabilité du dispositif d’action militaire directe du Conseil de sécurité prévu par
la Charte. À défaut de contingents militaires nationaux mis à la disposition du Conseil de
sécurité, celui-ci a ainsi pris l’habitude de recourir à d’autres techniques lui permettant
d’exercer la mission qui lui a été confiée par le Chapitre VII. Ne pouvant diriger lui-même
directement des opérations militaires, le Conseil a donc opté, dans la pratique, pour des
autorisations, voire des invitations à recourir à la force, adressées à des Etats membres.
51 Cf. article 39 de la Charte. 52 Cf. article 42 : « Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 [mesures
n’impliquant pas le recours à la force] seraient inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il peut
entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au
maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales […] ». 53 Cf. article 43, par. 1er : « Tous les Membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix
et de la sécurité internationales, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation
et conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l'assistance et les
facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales ». 54 En ce sens, v. not. P. Tavernier, Les casques bleus, Paris, Presses Universitaires, coll. Que sais-je ?, 1996,
p. 19 et O. Thielen, Le recours à la force dans les opérations de maintien de la paix contemporaines,
Bibliothèque de droit international et communautaire, Paris, LGDJ, 2013, pp. 4-5.
25
Si ces techniques ne sont pas expressément prévues par la Charte, il n’en demeure pas
moins qu’elles sont compatibles avec les exigences du Chapitre VII, dont l’article 39
dispose que « [l]e Conseil de sécurité […] fait des recommandations […] pour maintenir
ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».
Toutefois, si des moyens détournés ont été trouvés pour mettre en œuvre le système
de sécurité collective des Nations Unies, les difficultés liées à l’application de celui-ci
n’ont pas totalement disparu. Les divergences politiques au sein des membres permanents
du Conseil de sécurité peuvent toujours compromettre la mise en œuvre du Chapitre VII
par le biais du droit de véto dont chacun dispose. Quant aux résolutions du Conseil de
sécurité, si elles parviennent à être adoptées, elles ne formulent pas toujours de manière
parfaitement claire une autorisation de recourir à la force, au point parfois de faire douter
de la qualité d’autorisation de telles résolutions.
L’exposé de ces difficultés, originelles et découlant des techniques détournées
trouvées par la suite, a pour objectif de mettre en exergue les difficultés générales qui
existent dès lors qu’il s’agit de mettre en œuvre le système de sécurité collective des
Nations Unies. Ainsi, il est plus aisé de comprendre dans quelle mesure la mise en œuvre
de ce système afin de sauver un patrimoine archéologique par les armes est encore plus
ardue. L’exemple syrien a été, à ce titre, particulièrement révélateur de ces difficultés,
principalement à travers la résolution 2249 (2015) adoptée par le Conseil de sécurité le
20 novembre 201555. La lecture de ce texte laisse transparaître la difficile qualification de
« menace contre la paix » des destructions et pillages touchant un patrimoine
archéologique (A). Surtout, elle révèle l’improbabilité d’une autorisation du Conseil de
sécurité de recourir à la force armée pour sauver un patrimoine archéologique (B).
A- Des destructions et pillages difficilement qualifiables de « menace contre
la paix »
En dépit des techniques développées par le Conseil de sécurité pour contourner
l’inapplicabilité des articles 42 et 43 de la Charte des Nations Unies, une autorisation de
recourir à la force accordée par le Conseil de sécurité reste subordonnée au constat, par
55 Résolution 2249 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7565e séance, le 20 novembre 2015.
26
celui-ci, de l’existence d’une « menace contre la paix », aux termes de l’article 39 de la
Charte56. Par conséquent, envisager un sauvetage armé du patrimoine archéologique
syrien sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité autorisant des opérations
militaires à cet effet supposait de s’interroger préalablement sur la possibilité de qualifier
de menace contre la paix les destructions et pillages massifs qui affectaient ce patrimoine.
À première vue, il peut apparaître assez inapproprié de chercher à qualifier de menace
contre la paix les « simples » destructions et vols commis contre un patrimoine
archéologique, à une époque où tant d’autres violences commises contre des personnes
mériteraient de recevoir cette qualification. Certes, le fait de détruire ou de piller des biens
archéologiques ne justifie pas, en principe, de recourir à cette qualification. Toutefois,
est-il si déraisonnable de considérer que les actes de vandalisme perpétrés ont, par leur
ampleur et leur systématisme, atteint un seuil de gravité inconnu jusqu’alors en matière
de protection des biens culturels ? En mettant en scène les destructions de vestiges
archéologiques reflétant l’histoire de l’humanité, l’EI n’a-t-il pas cherché à provoquer la
communauté internationale et tous ceux qui, en son sein, œuvrent en faveur de la
préservation des patrimoines culturels à travers le monde ? De nombreux observateurs
ont souligné que ces atteintes répétées à l’encontre du patrimoine archéologique en Irak
et en Syrie étaient pour Daech un moyen de marquer son hostilité à l’égard des valeurs
de l’Occident, au nombre desquelles figure la protection des biens culturels, mais aussi et
surtout un moyen de véhiculer la haine et la violence qu’incarne ce groupe terroriste57.
56 Aux termes de l’article 39 de la Charte, le Conseil de sécurité peut également constater l’existence de
deux autres situations – qui traduisent chacune une gravité supérieure à celle de la situation précédente –,
à savoir « une rupture de la paix », voire « un acte d’agression ». Nous cantonnerons cette étude à la
question de savoir les atteintes aux patrimoines archéologiques constituent au moins une « menace contre
la paix ». Comme le démontreront les développements de ce paragraphe, il aurait, dans tous les cas, été fort
peu probable, que les qualifications de « rupture de la paix » ou, encore moins, d’« acte d’agression » soient
retenues en ce qui concerne le sort du patrimoine archéologique syrien. 57 En ce sens, v. not. M. Slama, article en ligne préc., dans lequel l’auteur estime que « [e]n détruisant
méthodiquement les trésors de Palmyre, l’EI joue sur nos nerfs parce qu’il sait que la sauvegarde du
patrimoine est au cœur de la conception occidentale de la culture, là où cette notion de culture, qui implique
la prise en compte du processus historique, est antinomique avec la vision du monde anti-historique et
originaire de l’organisation terroriste ». Dans le même sens, Maamoun Abdulkarim, Directeur Général des
Antiquités et des Musées (DGAM) de Syrie, estimait, après la destruction de l’Arc de Triomphe de Palmyre,
que « l’EI détruit désormais par vengeance » et non pour des raisons idéologiques, dans la mesure où l’Arc
était une construction de caractère civil et non religieux (cf. « Syrie : l’Arc de Triomphe de Palmyre
pulvérisé par Daech », lepoint.fr, 5 octobre 2015). Dans le même sens, v. aussi A. Devecchio, « Destruction
de sites historiques par l’EI ou la révolution culturelle djihadiste », lefigaro.fr, 27 février 2015.
27
Autrement dit, est-il déraisonnable de considérer que ces atteintes commises à l’encontre
d’un patrimoine archéologique incarnent tout ce qui est susceptible de menacer la paix ?
Ces remarques liminaires révèlent à quel point la question d’une telle qualification
est délicate. Elle l’est également d’autant plus que la notion même de « menace contre la
paix » est difficile à cerner. En témoigne le simple fait qu’il n’existe aucun critère précis
permettant d’apprécier l’existence d’une telle menace, laquelle désigne finalement une
situation considérée comme une menace pour la paix par le seul Conseil de sécurité58.
Ainsi, comme le souligne le professeur Jean-Marc Sorel, « la menace contre la paix est,
par essence, un produit indéfini »59. Par ailleurs, à cette imprécision de nature que porte
en elle la notion de menace contre la paix, s’ajoute souvent une certaine ambiguïté dans
la façon dont le Conseil de sécurité y a recours. Ainsi, les exemples ne sont pas rares dans
lesquels le Conseil de sécurité a utilisé des expressions proches de celle de menace contre
la paix, mais pour autant différentes, ou encore dans lesquels il a évoqué expressément
une telle menace, mais sans se placer dans le cadre de l’article 39 de la Charte60.
Les difficultés liées aux imprécisions de la notion de menace contre la paix ainsi
qu’au fait que l’application de cette qualification aux atteintes portées au patrimoine
archéologique syrien peut sembler en elle-même délicate se retrouvent dans la résolution
2249 (2015) du Conseil de sécurité61. Prenant position sur l’attitude à adopter face aux
actes commis par Daech en Irak et en Syrie, le Conseil y a, en effet, affirmé que par son
action, incluant l’« éradication du patrimoine culturel et ses activités de trafic de biens
culturels », « l’Etat islamique d’Irak et du Levant […] constitue une menace mondiale
d’une gravité sans précédent contre la paix et la sécurité internationales »62. Or, deux
interrogations peuvent être soulevées sur la base de ce considérant.
Tout d’abord, il convient de noter qu’en adoptant cette résolution, le Conseil de
sécurité ne s’est pas placé dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
58 Cf. article 39. 59 J.-M. Sorel, « L’élargissement de la notion de menace contre la paix », in S.F.D.I., Le Chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, Colloque de Rennes de 1995, Paris, Pedone, 1995, p. 11. 60 Ibid., pp. 31 et 38. 61 Si les présents développements se concentrent sur le cas du patrimoine syrien, il est nécessaire de
souligner que la résolution 2249 (2015) mentionne également le patrimoine archéologique irakien. Les
raisonnements présents quant à la possibilité de qualifier de menace contre la paix les atteintes portées au
patrimoine syrien valent donc également pour le patrimoine irakien. Il ne sera, toutefois, pas fait mention
de ce deuxième cas dans le présent paragraphe, puisqu’il a été précédemment démontré qu’il n’était pas
besoin de recourir au mécanisme du Chapitre VII de la Charte dans le cas de l’Irak, qui a donné son
consentement aux opérations militaires étrangères sur son territoire. 62 Cf. Préambule de la résolution, par. 1er.
28
et donc encore moins dans celui de l’article 39. Il se contente de préciser, en début de
résolution, qu’il réaffirme « les buts et principes de la Charte des Nations Unies ».
Néanmoins, les termes utilisés dans les considérants de la résolution ainsi que dans le
corps de celle-ci pourraient, dans une certaine mesure, autoriser une interprétation du
texte comme constituant la base d’une autorisation de recourir à la force et donc s’inscrire
dans le Chapitre VII et son article 3963.
Une deuxième interrogation apparaît néanmoins, quand bien même la menace
évoquée par la résolution serait implicitement celle mentionnée à l’article 39 de la Charte.
En effet, il est possible de se demander, à la lecture du considérant, si les atteintes portées
au patrimoine syrien peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de menace contre la paix.
À l’origine de cette question se trouve la rédaction même du considérant, dans lequel la
qualification de « menace mondiale d’une gravité sans précédent contre la paix et la
sécurité internationales » ne s’applique pas véritablement aux actes listés avec
exhaustivité, mais au groupe terroriste lui-même. Autrement dit, il semblerait que ce soit
la somme des violences commises par Daech qui conduise le Conseil de sécurité à
constater une menace contre la paix, et non pas chacune de ces violences qui constitue
une telle menace. Partant, il semble difficile d’envisager que le Conseil de sécurité
qualifie les destructions et pillages du patrimoine syrien comme constitutifs en eux-
mêmes d’une menace contre la paix. Il est vrai que ces remarques peuvent sembler reposer
sur des détails de rédaction trop subtils pour mériter d’être mentionnés. En effet, en
pratique, que la résolution qualifie de menace contre la paix les atteintes au patrimoine en
elles-mêmes ou le groupe terroriste en raison de l’ensemble de ses actions – donc
notamment les destructions et pillages – le possible résultat de cette qualification est le
même : autoriser, éventuellement, un recours à la force armée en Syrie. Toutefois, ces
remarques font prendre conscience de ce qu’une éventuelle autorisation du Conseil de
sécurité d’intervenir militairement en Syrie n’aurait pas pour objectif principal de
procéder au sauvetage en urgence du patrimoine archéologique.
S’il apparaissait en soi délicat, mais pas impossible, de qualifier de menace contre la
paix les destructions et pillages commis par Daech en Syrie, la résolution 2249 (2015)
semble avoir tranché la question. Ces atteintes commises à l’encontre du patrimoine
63 Cf. M. Bourreau, « L’ONU autorise "toutes les mesures" contre l’Etat islamique », lemonde.fr, 21
novembre 2015.
29
archéologique syrien semblent difficilement qualifiables, en elles-mêmes, de menace
contre la paix. Néanmoins, un sauvetage armé de ce patrimoine restait possible dès lors
que Daech, par l’ensemble de ses actes, était expressément perçu par le Conseil comme
une menace contre la paix et la sécurité internationales. Partant, il était, en effet, encore
possible d’espérer que, sur la base d’une autorisation du Conseil de sécurité, une
intervention militaire de la coalition internationale en Syrie permettrait, à cette occasion,
un sauvetage armé du patrimoine archéologique. Cependant, passé son premier
considérant, la résolution 2249 (2015) révélait rapidement l’improbabilité d’une
autorisation du Conseil de sécurité de recourir à la force armée en Syrie.
B- L’improbabilité d’une autorisation du Conseil de sécurité de recourir à la
force armée pour sauver un patrimoine archéologique
Le vocable utilisé dans la résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité – et ce dès
son premier considérant reconnaissant l’existence d’une « menace mondiale […] contre
la paix et la sécurité internationales » – a pu donner l’impression qu’avec l’adoption de
ce texte, le Conseil de sécurité délivrait à la coalition internationale une autorisation à
intervenir militairement en Syrie. Néanmoins, en dépit de l’ambiguïté découlant des
termes de la résolution, il est peu probable que le Conseil ait entendu délivrer une telle
autorisation.
Au-delà de la menace évoquée dans le premier considérant, c’est essentiellement le
paragraphe 5 de la résolution qui aurait pu donner lieu à interprétation quant à l’attitude
préconisée par le Conseil de sécurité pour lutter contre l’EI. En effet, aux termes de ce
paragraphe, le Conseil :
« Demande aux Etats Membres qui ont la capacité de le faire de prendre toutes les mesures nécessaires,
conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations Unies […] sur le territoire se trouvant
sous le contrôle de l’EIIL, également connu sous le nom de Daech, en Syrie et en Irak, de redoubler d’efforts et
de coordonner leur action en vue de prévenir et de faire cesser les actes de terrorisme commis tout particulièrement
par l’EIIL […] »64.
64 Italique ajouté.
30
Ainsi rédigé, ce paragraphe pouvait aisément être interprété comme une autorisation,
de la part du Conseil de sécurité, à recourir à la force armée en Syrie pour combattre
Daech. Toutefois, plusieurs éléments vont à l’encontre de cette interprétation.
Il convient, tout d’abord, de rappeler que, si le Conseil de sécurité a ici employé des
termes proches de ceux généralement utilisés dans une résolution autorisant à recourir à
la force armée, il ne s’est pas placé, en l’espèce, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte
des Nations Unies65. Or, si la qualification d’une menace contre la paix peut
éventuellement s’accommoder d’une absence de référence à l’article 39, il en va
autrement lorsqu’entre en jeu l’éventualité d’autoriser des Etats à intervenir militairement
sur un territoire étranger. Compte tenu des implications d’une telle autorisation, il est
raisonnable d’attendre du Conseil de sécurité qu’il fasse référence aux dispositions du
texte constitutif de l’organisation internationale au sein de laquelle il fonctionne qui
fondent son pouvoir de délivrer une telle autorisation66.
À côté de cette remarque – qui permet déjà de sérieusement contester le caractère
d’autorisation à recourir à la force armée de la résolution – il faut également en évoquer
une seconde. Il convient, en effet, de rappeler également que, parmi les membres
permanents du Conseil de sécurité, tous détenteurs d’un droit de veto lors de l’adoption
de résolutions par celui-ci, se trouve la Russie, soutien indéfectible du régime syrien de
Bachar al-Assad. Or, celle-ci avait très certainement à l’esprit, lors de l’adoption de la
résolution 2249 (2015), le fait que, si la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis
pouvait s’appuyer sur une autorisation du Conseil de sécurité à intervenir militairement
en Syrie, cela pourrait un jour représenter un risque pour l’avenir du président syrien,
lorsque la lutte contre Daech ne serait plus une priorité67. Si le contexte particulier dans
65 Cf. supra, p. 25. 66 En ce sens, v. J.-M. Sorel, article préc., p. 38. Constatant dans les résolutions du Conseil de sécurité « des
qualifications imbriquées dans les méandres des négociations politiques », l’auteur rappelle à juste titre
que, « si le Conseil possède un incontestable pouvoir discrétionnaire, ses décisions sont prises à partir des
possibilités ouvertes par la Charte à laquelle les références sont nécessaires », étant admis que « [t]oute
décision d’une Organisation internationale est soumise à son texte constitutif qui s’insère dans le droit
international ». 67 La Russie n’a très certainement pas oublié l’épisode libyen de 2011, lorsque la résolution 1973 (2011)
du Conseil de sécurité avait autorisé les Etats membres « à prendre toutes mesures nécessaires […] pour
protéger les populations et zones civiles menacées d’attaques » en Libye (Résolution 1973 (2011), adoptée
par le Conseil de sécurité, le 17 mars 2011, para. 4). Par la suite, cette résolution avait, en effet, été plus
largement interprétée par les Etats intervenus en Libye pour leur permettre de favoriser la chute du
gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi.
31
lequel la résolution a été adoptée68 a pu pousser le Russie à consentir à l’adoption d’un
texte par lequel le Conseil de sécurité reconnaissait l’ampleur de la menace constituée par
l’EI, il est fort peu probable que la Russie eût donné son aval à une résolution autorisant
officiellement la coalition internationale à intervenir militairement en Syrie. Il est sans
doute plus probable que l’ambiguïté des termes de la résolution, due à l’absence de
mention du Chapitre VII, ait été le prix du consentement russe à l’adoption de ce texte.
Si le constat d’une menace contre la paix et la sécurité internationale a pu un instant
laisser penser que le Conseil de sécurité allait officiellement autoriser les Etats de la
coalition internationale à intervenir militairement en Syrie, rendant ainsi possible un
sauvetage armé en urgence du patrimoine archéologique, l’absence de référence au
Chapitre VII dote la résolution d’une ambiguïté qui s’accorde mal avec les enjeux d’une
autorisation à recourir à la force armée. Ce n’est donc pas sur la base de cet aspect du
système de sécurité collective que pouvait s’envisager un sauvetage armé du patrimoine
archéologique syrien.
Faute d’une autorisation du gouvernement syrien ou du Conseil de sécurité à
intervenir militairement en Syrie, les Etats de la coalition internationale dirigée par les
Etats-Unis ont pourtant bien trouvé un moyen de justifier légalement leur intervention sur
le territoire syrien. Pourtant, malgré le contournement de l’obstacle juridique à une
intervention militaire en Syrie et l’autorisation de l’Etat irakien à une telle intervention
sur son territoire, le « sauvetage armé » du patrimoine archéologique de ces deux pays
reste aujourd’hui discutable.
SECTION II : UN SAUVETAGE ARMÉ DISCUTABLE EN DÉPIT DU
CONTOURNEMENT DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES EXISTANTES
Les difficultés juridiques précédemment identifiées comme susceptibles de
compromettre le sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien
menacés par Daech ont finalement été contournées. Si ces obstacles juridiques se sont
rapidement surmontés en Irak, sous l’effet de l’autorisation accordée aux Etats le désirant
68 Rappelons que la résolution a été présentée par la France à la suite des attentats qui avaient frappé Paris
le 13 novembre 2015 et qui avaient été revendiqués par Daech.
32
à intervenir militairement sur le territoire irakien, il en a finalement été également de
même en Syrie, en dépit de l’absence d’autorisation en ce sens par le régime syrien. Dès
lors, le patrimoine archéologique de Syrie, au même titre que celui d’Irak, pouvait aspirer
à un sauvetage en urgence, par les armes, afin d’échapper à la menace destructrice que
l’EI faisait planer sur eux.
Malheureusement, en dépit des possibilités ouvertes par les aménagements juridiques
à l’origine des opérations militaires menées en Syrie par la coalition internationale (§1),
le sauvetage armé du patrimoine archéologique est demeuré incontestablement
secondaire, non seulement en Syrie, mais également en Irak (§2).
§1. Les possibilités ouvertes par les aménagements juridiques à l’origine des
opérations militaires menées en Syrie par la coalition internationale
Le défaut de consentement de l’Etat syrien à une intervention militaire, sur son
territoire, de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis constituait un véritable
obstacle pour la légalité internationale des opérations militaires menées sur place – dès
septembre 2014, pour ce qui est des Etats-Unis. La justification légale de ces opérations
aurait, en outre, pu paraître d’autant plus incertaine du fait de l’absence d’autorisation
officielle en ce sens délivrée par le Conseil de sécurité. Celle-ci aurait, en effet, pu
confirmer la légalité des frappes aériennes menées déjà depuis quelques mois par
plusieurs Etats contre des bases de l’EI en Syrie. Toutefois, malgré l’absence d’une telle
autorisation, les Etats de la coalition, au premier rang desquels les Etats-Unis, ont eu
recours à un raisonnement juridique particulier pour habiller leurs frappes militaires d’un
manteau de légalité internationale.
Si le mécanisme d’autorisation par résolution du Conseil de sécurité n’a pu fonder les
opérations militaires menées par la coalition internationale en Syrie, c’est pourtant sur
une autre disposition du Chapitre VII qu’ont semblé se fonder les Etats de la coalition
internationale pour justifier leur intervention en Syrie : l’article 51. Faute d’une
autorisation du Conseil de sécurité, il n’existe, en effet, plus qu’une autre exception à la
prohibition du recours à la force armée dans les relations internationales, à savoir le droit
de légitime défense. C’est donc sur ce droit que les membres de la coalition ce sont
33
largement fondés, même s’il est possible de considérer qu’ils ont quelque peu aménagé
les modalités d’exercice de ce droit afin de justifier leurs opérations.
Pour bien apprécier les modalités de ces aménagements, il convient de rappeler
brièvement le mécanisme de l’article 51, en commençant par son énoncé :
« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil
de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises
par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance
du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte,
d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité
internationales ».
L’article 51 présente ainsi comme une condition impérative de mise en œuvre du droit
de légitime défense l’existence d’une agression armée perpétrée à l’encontre de l’Etat
membre de l’ONU qui invoque ce droit. La Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée
générale des Nations Unies, adoptée le 14 décembre 1974, apporte, à cet égard, une
précision quant à la notion d’agression armée69, dont la définition précise, à son article
1er :
« L’agression est l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies,
ainsi qu’il ressort de la présente Définition ».
Par ailleurs, l’article 3, paragraphe g) de la définition contribue à élargir la conception
d’« agression armée » telle qu’elle est exposée à l’article 1er, dans la mesure où il inclut,
dans les actes répondant à la définition d’agression armée :
« L’envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui
se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés
ci-dessus, ou le fait de s’engager de manière substantielle dans une telle action ».
Sur la base de cette disposition, il est ainsi possible de considérer que des actes
terroristes commis par des personnes privées peuvent être considérés comme des actes
d’agression armée justifiant, au titre de l’article 51 de la Charte, une réponse armée d’un
Etat victime de tels actes70. Toutefois, même dans ce cas-là, s’impose la condition relative
69 Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, adoptée à sa 29e session, le 14 décembre 1974, et
dotée d’une annexe « Définition de l’agression armée ». 70 En ce sens, v. P. Klein, « Le droit international à l’épreuve du terrorisme », R.C.A.D.I., 2007, vol. 321,
pp. 371-372.
34
à l’implication, dans ces actes terroristes, de l’Etat contre lequel l’action en légitime
défense est organisée. Dans le cas de l’intervention de la coalition internationale en Syrie,
force est de constater que certains aménagements ont été nécessaires, sur le plan juridique,
pour que cette intervention puisse se justifier par le droit de légitime défense.
Le cœur de ces aménagements réside dans la question de l’existence même d’une
agression armée. En effet, lorsque les Etats-Unis lancent les premières frappes aériennes
en Syrie, dès le 23 septembre 2014, ils n’ont pas été victimes d’une agression armée telle
que définie par la résolution 3314 (XXIX). Le discours tenu par le président américain le
10 septembre 2014 est d’ailleurs particulièrement révélateur de cette situation. Il y est, en
effet, affirmé, concernant les djihadistes de Daech que “[i]f left unchecked, these
terrorists could pose a growing threat beyond that region [the Middle East], including to
the United States”, pour finalement conclure : “we will hunt down terrorists who threaten
our country, wherever they are. That means I will not hesitate to take action against ISIL
in Syria”. Ce n’est donc pas en tant que victime d’une agression armée, mais en tant que
cible privilégiée d’attentats que les Etats-Unis fondent leur droit d’intervenir en Syrie. À
titre d’autre exemple, il en est allé de même pour la France. Lorsque celle-ci a entrepris
ses premières frappes aériennes contre l’EI en Syrie, le 27 septembre 2015, elle n’avait
pas non plus été victime d’une agression armée. De même que les Etats-Unis, la France
justifiait son intervention militaire par la menace représentée par Daech. Or, si le discours
du président américain ne mentionnait pas la légitime défense, il n’en a pas été de même
pour la France, comme en témoigne le discours tenu le 11 octobre 2015 par le Premier
ministre Manuel Valls, de passage en Jordanie, justifiant les frappes françaises en Syrie
par la légitime défense, « puisque Daech prépare, depuis la Syrie, des attentats contre la
France »71. En réalité, l’intervention militaire française en Syrie n’a pu réellement
prétendre se fonder sur la légitime défense telle qu’énoncée à l’article 51 de la Charte
qu’après avoir été victime des attentats commis à Paris le 13 novembre 2015 et
revendiqués par l’EI72.
71 Discours disponible sur le site lemonde.fr et mis en ligne le 12 octobre 2015. 72 Au moment de l’adoption de la résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité, quelques jours après les
attentats de Paris revendiqués par Daech, le représentant de la France, M. François Delattre, a d’ailleurs
déclaré : « nos opérations militaires peuvent désormais se justifier par la légitime défense, conformément
à l’article 51 de la Charte des Nations Unies » (déclaration reprise dans un communiqué de presse de l’ONU
mis en ligne le 23 novembre 2015 sur le site des Nations Unies, www.un.org/presse/fr). Il est vrai que c’est
avec ces attentats, qui peuvent s’assimiler à une forme d’agression armée, que la référence à la légitime
défense, telle que décrite à l’article 51, peut « désormais » être faite, du moins davantage qu’avant ces
attentats.
35
Les Etats de la coalition internationale menant des opérations militaires en Syrie, au
premier rang desquels les Etats-Unis, sont intervenus en réponse à l’inquiétante menace
constituée par Daech, au-delà des seules frontières irakiennes et syriennes. Ce fondement
aux opérations militaires internationales en Syrie mobilise une forme aménagée de
légitime défense, un avatar du droit mentionné à l’article 51 de la Charte : la légitime
défense préventive. Face à une menace imminente – celle d’une agression armée sur le
territoire national – un Etat pourrait, en vertu de cette notion, recourir à la force armée
contre l’Etat à l’origine de cette menace. Si certains Etats, tels que les Etats-Unis, le
Royaume-Uni ou l’Australie admettent une telle théorie, notamment dans la lutte contre
le terrorisme, ils se fondent, pour cela, sur un précédent ancien – et unique – reconnaissant
la possibilité de recourir à la force face à un péril imminent, celui de l’affaire de la
Caroline. Toutefois, une majorité d’Etats considère qu’avec l’adoption de la Charte des
Nations Unies et l’encadrement du recours à la force dans les relations internationales qui
en découle il a été mis un terme à une telle possibilité, désormais supplantée par les
dispositions de l’article 51. Pourtant, c’est bien cette légitime défense particulière,
assimilée à celle de l’article 51 de la Charte au prix d’une interprétation très souple, qui
a justifié les frappes aériennes organisées par la coalition internationale dirigée par les
Etats-Unis.
En outre, cette interprétation de la disposition du Chapitre VII a dû se montrer
d’autant plus souple que l’auteur de ce péril imminent, Daech, n’est ni un Etat, ni un
groupe terroriste dans lequel est substantiellement impliqué l’Etat sur le territoire duquel
ont été menées les opérations militaires de la coalition, à savoir la Syrie. Autrement dit,
l’EI est un groupe de personnes privées agissant de leur propre autorité, dont les actions
ne peuvent donc, en aucun cas, être assimilées à celles fondant un droit de légitime
défense, aux termes de l’article 51 et de la définition d’agression armée comprise dans la
résolution 3314 (XXIX)73.
En fin de compte, les références qui ont pu être faites par les Etats de la coalition
internationale à la légitime défense de l’article de 51 sont purement formelles. Ne pouvant
véritablement justifier, sur un plan juridique, des opérations militaires non autorisées par
73 Autrement dit, même lorsque la France a été victime d’attentats revendiqués par l’EI, en novembre 2015,
ces derniers ne pouvaient véritablement être assimilés à une agression armée au sens de l’article 51, telle
que définie par la résolution 3314 (XXIX).
36
les autorités syriennes, ces Etats ont invoqué la seule base légale à leur disposition pour
cela. Cependant, le contexte particulier de la lutte contre Daech a rendu nécessaires des
aménagements conséquents, pour ne pas dire une interprétation très large, du droit évoqué
dans la Charte des Nations Unies. Face à « une menace mondiale sans précédent »,
l’intervention de ces Etats sur le territoire syrien a pu légitimement sembler indispensable
au combat contre l’EI. Toutefois, en raison des tensions existant, par ailleurs, entre les
Etats de la coalition et l’Etat syrien, ainsi que du fait du soutien russe au président Bachar
al-Assad empêchant une autorisation du Conseil de sécurité d’intervenir militairement en
Syrie, un certain pragmatisme s’est imposé. La référence, certes bancale, à la légitime
défense ne doit se comprendre que comme le souci de parer ces opérations d’un voile de
légalité internationale.
En permettant ainsi l’intervention militaire en Syrie de la coalition internationale
dirigée par les Etats-Unis, ces aménagements juridiques ont ouvert, pour le patrimoine
archéologique syrien, les mêmes possibilités de sauvetage armé que celles qui existaient
déjà pour le patrimoine irakien. Cependant, malgré le dépassement des obstacles
juridiques à une intervention militaire en Syrie et en Irak, le sauvetage armé de ces
patrimoines est resté incontestablement secondaire.
§2. Un sauvetage armé demeuré incontestablement secondaire en Irak et en
Syrie
À la lumière des faits qui se sont produits en Irak et en Syrie au cours des années
2014 et 2015 à l’encontre du patrimoine archéologique, et ce en dépit de l’implication sur
le terrain, dès août 2014, des Etats-Unis, puis, à partir de septembre 2014, d’une coalition
internationale, un triste bilan s’impose. En effet, le sauvetage armé des vestiges
archéologiques irakiens et syriens, si tant est qu’il soit possible de parler de sauvetage,
est incontestablement demeuré une préoccupation secondaire des Etats investis dans la
lutte contre Daech. Outre un « sauvetage » indirect du patrimoine archéologique irakien
(A), le monde a pu également assister à un sauvetage politisé du patrimoine archéologique
syrien (B).
37
A- Un « sauvetage » indirect du patrimoine archéologique irakien
L’autorisation très tôt donnée par l’Etat irakien aux Etats membres de la coalition
internationale dirigée par les Etats-Unis en vue d’une intervention armée sur son territoire
pour combattre Daech a permis d’espérer que cette présence militaire œuvrerait en faveur
de la préservation du patrimoine archéologique irakien sur lequel s’est mise à peser la
menace djihadiste dès les mois de juin 201474. La menace s’est d’ailleurs très rapidement
confirmée, avec la destruction intentionnelle du tombeau du prophète Jonas, à Mossoul,
le 24 juillet75. En outre, cette destruction était d’autant plus inquiétante qu’elle touchait à
un vestige devenu un important lieu de culte musulman. Si l’EI était capable de réduire
en poussière un monument lié à l’islam, il était possible de craindre le pire pour le
patrimoine archéologique irakien hérité de civilisations antiques sans rapport avec la
religion musulmane. Pourtant, malgré cette menace, le sauvetage de ce patrimoine irakien
n’a clairement jamais été une priorité de la coalition internationale venue soutenir les
autorités irakiennes dans leur lutte contre Daech.
Lorsque les premières frappes aériennes américaines se sont produites, dans le
courant du mois d’août 2014, la situation du patrimoine archéologique irakien n’appelait
pas encore un sauvetage urgent par les armes. Les assauts de Daech contre ce patrimoine
étaient, en effet, encore limités et épars. Cette situation n’avait pas beaucoup évolué non
plus lorsque les premiers Etats de la coalition internationale ont rejoint les Etats-Unis
pour des frappes aériennes supplémentaires. Ainsi, la France76, le Royaume-Uni, la
74 Cf. « The Director-General of UNESCO Irina Bokova calls on Iraqis to stand united around their cultural
heritage », communiqué de l’UNESCO du 17 juin 2014. Alors que les violences commises par l’EI en Irak
s’accroissent et se systématisent, la Directrice générale de l’UNESCO met immédiatement l’accent sur les
risques de destructions et de pillages encourus par le patrimoine culturel irakien. Ce communiqué constitue
ainsi une première étape dans la sensibilisation, par l’UNESCO, de la communauté internationale face au
sort du patrimoine archéologique menacé par Daech. 75 Cf. « Isis militants blow up Jonah’s tomb », theguardian.com, 24 juillet 2014 ; « La Directrice générale
de l’UNESCO appelle à cesser la destruction intentionnelle du patrimoine religieux et culturel en Irak »,
communiqué de l’UNESCO du 28 juillet 2014. 76 La France effectue ses premières frappes aériennes en Irak le 19 septembre 2014, comme rapporté sur le
site du Ministère de la Défense (cf. www.defense.gouv.fr/operations/irak-syrie/actualites).
38
Belgique, le Danemark77, les Pays-Bas78 ou encore le Canada79 ont rejoint la coalition et
se sont engagés militairement en Irak alors que l’essentiel du patrimoine archéologique
irakien était encore intact. Dans cette situation, il était possible d’envisager que cette
présence militaire internationale en Irak contribuerait à empêcher des destructions
supplémentaires ou des pillages de biens archéologiques. Cependant, à la place de ce
scénario, c’en est un autre, bien plus dramatique, qui a lieu. Au lieu d’une préservation
du patrimoine archéologique irakien du fait de la présence militaire de la coalition
internationale, c’est une escalade de violences contre le patrimoine qui s’est produite.
D’octobre 2014 à avril 2015, l’EI s’est livré, avec une sauvagerie sans pareil jusqu’alors,
à la destruction et au pillage organisés des biens archéologiques les plus précieux d’Irak.
Du mausolée de l’Imam Dur au site archéologique de Nimroud, en passant par le musée
de Mossoul et la cité antique d’Hatra, c’est un pan considérable des richesses
archéologiques d’Irak qui est parti en fumée ou a été dispersé sous l’effet des pillages.
Ce bilan dramatique pour le patrimoine archéologique irakien n’appelle, semble-t-il,
qu’une seule conclusion : la préservation de ce patrimoine ne figurait pas au rang des
priorités de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, y compris lorsque la
situation de celui-ci s’est avéré particulièrement critique. Etait-il pourtant si
déraisonnable, en entendant les appels incessants de la Directrice générale de l’UNESCO,
en constatant le systématisme des destructions et des pillages, d’envisager une réaction
de la part de la coalition ? Lorsque le ciblage délibéré du patrimoine archéologique par
Daech a été avéré, était-il impossible de mettre au point des opérations de repérage visant
à identifier les sites archéologiques vers lesquels l’EI avançait ? Était-il inenvisageable
d’effectuer des frappes dissuasives autour de ces sites avant qu’ils ne tombent entre les
mains des djihadistes ? Certes, un cas à part doit être fait concernant le Musée
archéologique de Mossoul. La ville étant tombée depuis le début du mois de juin 2014
entre les mains de Daech, il était impossible d’envisager, dès lors, de sauver militairement
77 Le Royaume-Uni, la Belgique et le Danemark rejoignent la coalition internationale 26 septembre 2014
et les premières frappes britanniques s’effectuent dès le 27 septembre (cf. « Irak : premières frappes
britanniques contre l’organisation EI », rfi.fr, 28 septembre 2014), suivies, quelques jours plus tard, par les
frappes belges, le 5 octobre (cf. L. Lagneau, « Les F-16 belges et néerlandais ont effectué leurs premières
frappes en Irak », opex360.com, 7 octobre 2014). 78 Les Pays-Bas mènent leurs premières frappes aériennes en Irak le 7 octobre 2014 (cf. L. Lagneau, article
en ligne préc.). 79 Le Canada effectue ses premières frappes aériennes en Irak le 2 novembre 2014 (cf. « Premières frappes
des CF-18 canadiens contre l’Etat islamique en Irak », radio-canada.ca, 3 novembre 2014 et « Les frappes
canadiennes en Irak visaient à empêcher une inondation programmée par l’EI », radio-canada.ca, 4
novembre 2014).
39
les biens conservés dans le musée, en plein cœur d’une ville aussi peuplée. Aussi, le
saccage du musée, le 26 février 2015, était-il malheureusement inévitable. Que dire, en
revanche, des sites archéologiques situés à l’extérieur de villes habitées, tels que Nimroud
ou encore Hatra ? Le risque de victimes civiles étant alors quasiment nul, des frappes
ciblées visant à faire reculer les djihadistes de Daech devenaient possibles.
En fin de compte, il est difficile de véritablement parler de sauvetage armé dans le
cas du patrimoine archéologique irakien. Si, aujourd’hui, des sites vandalisés par l’EI ont
échappé aux mains des djihadistes, cette « libération » s’est uniquement opérée de
manière indirecte, à mesure que Daech reculait sous les frappes aériennes de la coalition
menées contre les bases du groupe djihadiste, combinées aux opérations militaires
irakiennes de reconquête de leur territoire. L’autorisation accordée par l’Irak aux Etats de
la coalition à intervenir militairement sur son territoire avait pourtant fait naître l’espoir
que le patrimoine archéologique bénéficierait, par ricochet, de ce soutien militaire
international. Loin de là, celui-ci n’a strictement eu aucun impact sur la préservation de
ce patrimoine. Au contraire, l’EI, comme électrisé par l’implication d’une coalition
internationale sur le territoire irakien, a multiplié les assauts barbares contre les trésors
archéologiques du pays, comme autant de provocations possibles adressées à la
communauté internationale. Partant, ce spectacle ne laissait présager rien d’autre qu’un
immobilisme identique en Syrie de la part des Etats intervenant militairement sur place.
Cependant, un retournement de situation s’est finalement produit, qui devait conduire au
sauvetage armé de Palmyre. Néanmoins, ce qui semble avoir motivé cette libération n’a
pas tant été le désir de sauver de la destruction un site archéologique millénaire, qu’une
volonté de communication sur le plan international.
B- Un sauvetage politisé du patrimoine archéologique syrien
À l’inverse du patrimoine archéologique irakien, le patrimoine archéologique syrien,
plus précisément Palmyre, a pu bénéficier d’un véritable sauvetage armé, le libérant ainsi
de la barbarie djihadiste. Toutefois, ce sauvetage, rendu possible grâce au soutien
militaire appuyé de la Russie aux forces armées syriennes, soulève des interrogations
quant à sa motivation profonde. Si cette libération a été saluée à juste titre par l’ensemble
de la communauté internationale, au premier rang de laquelle l’UNESCO, pour avoir
40
sauvé de la destruction totale un site archéologique d’une valeur considérable, ses
probables motivations politiques en ternissent incontestablement l’éclat.
Si, après être restée pendant près de dix mois aux mains de l’EI, la cité antique de
Palmyre a finalement été libérée de l’emprise djihadiste par l’armée syrienne, c’est en
grande partie grâce au soutien militaire de la Russie. L’aide russe avait, en effet, été
vivement sollicitée par le président Bachar al-Assad, le 30 septembre 2015, afin de
combattre les forces de Daech80. Après le refus des Etats membres de la coalition
internationale de coopérer à cette fin avec le gouvernement syrien, le soutien russe
permettait ainsi à l’armée syrienne de jouer un rôle actif dans le combat contre l’EI. Forte
de cette invitation syrienne, la Russie a ainsi pu lancer ses premières frappes aériennes en
Syrie, dès le 30 septembre, dans le respect de la souveraineté de l’intégrité territoriale de
la Syrie. Cependant, loin de faire l’unanimité au sein de la communauté internationale,
l’implication russe en Syrie, en dehors de la coalition dirigée par les Etats-Unis, n’a pas
tardé à faire polémique. Outre les accusations de l’opposition syrienne, affirmant que les
forces militaires russes n’avaient pas ciblé des bases de Daech, mais des rebelles syriens,
les Etats-Unis ont également condamné officiellement les frappes russes pour les mêmes
motifs. La France n’a pas tardé non plus à se faire le relais de ces doutes émis au sein de
la communauté internationale à l’égard des intentions russes.
Dans un contexte où le président Bachar al-Assad continuait d’être perçu par
beaucoup d’Etats comme responsable de nombreuses exactions depuis le début de la
guerre civile en 2011, et où la Russie apparaissait désormais – à tort ou à raison –
davantage comme le soutien du régime syrien que comme un acteur de la lutte contre
Daech, il est aisé de comprendre dans quelle mesure la libération de Palmyre constituait
un formidable moyen de communication, capable d’« adoucir » l’image de ces deux
protagonistes. En témoigne, du reste, l’intense soulagement suscité dans la communauté
internationale par le sauvetage du site81. Le 27 mars 2016, l’armée syrienne reprenait ainsi
le contrôle de la cité antique, aidée activement par l’aviation russe.
80 Cf. « Syrie : Bachar el-Assad appelle à l’"aide militaire" de la Russie », lepoint.fr, 30 septembre 2015. 81 Cf. G. Novello, « Palmyre : l’UNESCO "salue la libération" de la ville par le régime syrien »,
20minutes.fr, 24 mars 2016.
41
Un tel sauvetage, qui a malheureusement fait défaut en Irak, doit bien évidemment
être salué. Quelles qu’aient été les motivations syriennes et russes, il a, en effet, permis
d’éviter que ne soit à jamais perdu un joyau archéologique, certes mutilé, mais encore
debout. Cependant, le sérieux doute qui existe quant aux raisons profondes qui ont poussé
l’armée syrienne, aidée des Russes, à redoubler d’effort pour libérer Palmyre peut
inquiéter. Faut-il, en effet, en déduire que le sauvetage d’un patrimoine archéologique ne
mérite de faire l’objet d’opérations militaires que lorsqu’il existe un enjeu politique à un
tel sauvetage ? S’il est impossible d’affirmer que les motivations russes et syriennes ont
été purement politiques, l’impact favorable qu’a eu, pour ces deux Etats, la libération d’un
site archéologique mondialement connu est incontestable. Or, dans un contexte où
l’attitude de ces deux acteurs était publiquement condamnée par une partie de la
communauté internationale, l’enjeu politique de la libération de Palmyre ne semble ainsi
faire aucun doute. Un tel enjeu a donc nécessairement dû peser, à un moment où à un
autre, dans la volonté du régime syrien d’œuvrer avec la Russie au sauvetage de Palmyre.
Or, le simple fait que des considérations politiques aient eu une influence, plus ou moins
grande, dans la décision de procéder à un tel sauvetage traduit le caractère secondaire de
celui-ci dans la lutte contre Daech.
*
Toute intervention militaire sur le territoire d’un Etat étranger est susceptible de
soulever des difficultés juridiques au regard de l’obligation de respecter la souveraineté
et l’intégrité territoriale de l’Etat en cause, pour peu que celui-ci ne donne pas son accord
à une telle intervention. La question de l’intervention d’une coalition armée internationale
en Irak et en Syrie n’a pas échappé à ces questions. Cependant, ces difficultés ont pu être
dépassées, dans le cas irakien, grâce au consentement du gouvernement, et, dans le cas
syrien, au moyen d’aménagements juridiques sur lesquels s’est fondée la coalition
internationale dirigée par les Etats-Unis, en dépit de l’absence de consentement de la
Syrie.
Le dépassement de ces difficultés juridiques aurait pu sonner la fin des menaces
pesant sur les patrimoines archéologiques irakien et syrien, dans la mesure où l’EI ne
contrôlait que très peu de sites archéologiques au moment de l’implication de la coalition
42
dans le conflit. Aussi est-il difficile aujourd’hui de faire le bilan des destructions et
pillages commis par Daech sur ses deux territoires sans ressentir le goût amer du
désintérêt flagrant des Etats de la coalition pour le sauvetage de ces patrimoines au cours
de leurs interventions militaires sur place.
L’implication de la Russie en Syrie, à la demande du gouvernement syrien, a eu au
moins le mérite de conduire à la libération de la cité antique de Palmyre avant que celle-
ci ne parte en poussière sous les assauts de l’EI. Cependant, là encore, le sauvetage du
patrimoine archéologique ne semble pas avoir été complètement au centre des
préoccupations russes et syriennes, dans la mesure où des facteurs politiques ont très
certainement pesé sur le choix de procéder à la libération du site.
Le droit international offrait ainsi les moyens de sauver militairement les patrimoines
archéologiques irakien et syrien, même si une telle entreprise aurait parfois nécessité des
aménagements juridiques subtils, mais possibles, essentiellement dans le cas syrien. Or,
si les Etats de la coalition internationale n’ont pas hésité à recourir à ces aménagements
pour intervenir militairement en Syrie, aucun de ces moyens juridiques disponibles n’a
été mobilisé à la faveur du sauvetage des patrimoines archéologiques irakien et syrien,
conduisant ainsi la communauté internationale à assister pendant plusieurs mois au
spectacle de la sauvagerie de l’EI vis-à-vis de biens archéologiques d’une valeur
inestimable.
Il faut désormais espérer que les Etats s’impliqueront davantage dans la lutte urgente
contre le trafic illicite de biens archéologiques issus du pillage des patrimoines irakien et
syrien, en mobilisant pour cela tous les outils mis à leur disposition par le droit
international.
43
Chapitre 2
Le droit international face à l’urgence de la lutte contre le trafic illicite de biens
issu du pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie
À côté des destructions, le trafic illicite de biens culturels constitue la deuxième
grande menace pesant sur le patrimoine archéologique. Nourri par les vols et les
exportations illicites de biens culturels, ce trafic s’est largement développé à travers le
monde, tout particulièrement depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970,
pour ce qui est du trafic illicite de biens archéologiques. Dans ce contexte, les principaux
Etats victimes du trafic sont les Etats « du Sud », dont le patrimoine culturel, et
notamment archéologique, recèle de nombreuses richesses, faisant de ces pays les
principaux Etats dits « exportateurs » dans le cadre du trafic de biens culturels. Les biens
culturels de ce trafic s’acheminent alors vers des Etats dits « importateurs », qui
constituent les principaux acteurs du marché de l’art sont généralement des Etats « du
Nord ». En suivant ce schéma, le trafic de biens culturels s’est ainsi affirmé comme un
filon lucratif particulièrement séduisant au sein du milieu criminel, notamment en raison
des facilités pratiques que présentent le vol et le transport de tels objets de valeur82. En
2012, INTERPOL estimait que le trafic de biens culturels se situait au troisième rang de
la criminalité internationale, après le trafic de drogues et le trafic d’armes83.
82 V. en ce sens, K. Mita, « Art Crimes and International Security », US-Japan Research Institute (USJI),
CSPC International President Fellows Program, 2014-2015, p. 8, disponible sur le site www.us-jpri.org.
Selon l’auteur : “Many artworks are seen to be suitable targets for theft, as they are small enough to
conceal, easy to transport, and valuable”. 83 Cf. M. Boilat, Trafic illicite de biens culturels et coopération judiciaire internationale en matière pénale,
Genève, Schultess, 2012, p. 5. L’auteur précise qu’elle a obtenu ce chiffre à partir d’une base de données
d’INTERPOL d’accès limité. Il n’a pas été possible, dans le cadre de la présente étude, de consulter cette
base de données pour déterminer le rang actuel du trafic de biens culturels au sein de la criminalité
internationale. Toutefois, sans disposer des chiffres exacts, il est possible de penser que le trafic illicite de
biens culturels n’a sans doute pas perdu son rang d’importance dans la criminalité internationale, au
contraire, compte tenu des propos du Secrétaire Général d’INTERPOL, M. Jürgen Stock, lors de l’ouverture
du neuvième Colloque international sur le vol et le trafic illicite d’objets d’art, de biens culturels et d’objets
anciens, le 11 mars 2015. À cette occasion, le Secrétaire Général a, en effet, déclaré : « Le marché noir des
objets d’art devient aussi lucratif que ceux de la drogue, des armes et des produits de contrefaçon, les objets
anciens représentant eux aussi une importante source potentielle de profits pour les groupes terroristes ».
Propos rapportés dans un communiqué d’INTERPOL du 11 mars 2015, « Une réunion internationale visant
à améliorer la protection du patrimoine culturel se tient au siège d’INTERPOL », disponible sur le site de
l’Organisation, www.interpol.int.
44
Au sein de ce trafic, les biens archéologiques sont particulièrement touchés,
notamment en période de conflit armé. Les sites archéologiques sont ainsi des victimes
privilégiées des pillages, sur des territoires où leur protection est sérieusement
compromise par le conflit. Ces sites ne sont, hélas, pas les seules cibles des vols, puisque
les musées font également souvent les frais des conflits armés, dans les villes où l’ordre
social pâtit du contexte, laissant libre court au pillage. En 2003, l’Irak a donné un tragique
exemple de ces pratiques, puisqu’au lendemain de l’invasion américaine, le Musée
national de Bagdad a subi les assauts des pilleurs, après avoir été touché par des
bombardements84. Plus récemment, la guerre civile syrienne qui a éclaté en 2011 a été, à
son tour, le théâtre de pillages de plusieurs sites archéologiques85. L’un des plus touchés
est sans doute celui de la cité antique d’Apamée, fondée vers 300 av. J.-C. et inscrite sur
la Liste du Patrimoine mondial de l’humanité en 1999. En moins d’un an, de juillet 2011
à avril 2012, ce site du nord-ouest de la Syrie a été ravagé par des fouilles illicites86.
Avec l’avènement de l’EI et son expansion territoriale en Irak et en Syrie, le trafic
illicite de biens archéologiques en période de conflit armé a pris des proportions sans
doute jamais atteintes jusqu’alors, en termes d’organisation des pillages et du trafic des
biens ainsi volés. Le groupe terroriste n’a, en effet, pas manqué de déceler, dans un tel
trafic, un important mode de financement de ses activités, a fortiori dans deux Etats aussi
riches en sites archéologiques et en musées que l’Irak et la Syrie. Ainsi, à côté des
destructions spectaculaires perpétrées et mises en scène par les djihadistes à l’encontre
des patrimoines archéologiques syrien et irakien, Daech n’a pas oublié de tenir compte
des impératifs plus pragmatiques de son fonctionnement, au premier rang desquels son
financement.
S’il est difficile, voire même impossible, de connaître avec précision le montant des
revenus de l’EI générés par le trafic illicite de biens archéologiques87, l’examen
d’ordinateurs de Daech découverts par des officiers du renseignement irakien en juin
84 En ce sens, v. M. Boilat, op. cit., p. 7 et K. Mita, rapport préc., p. 9. 85 Pour un bilan global de la situation en Syrie, en termes de trafic illicite, au début de l’année 2013, v.
Regional Training on Syrian Cultural Heritage: Addressing the Issue of Illicit Trafficking. Final Report and
Recommendations, UNESCO, Amman, 10-13 février 2013, pp. 6-9. 86 Les traces laissées par les fouilles illicites réalisées sur le site sont clairement visibles sur une image prise
par Google Earth en avril 2012, qui tranche violemment avec une image du même site datant de juillet
2011. En 2012, le site apparaît parsemé de trous creusés par les pilleurs. Pour une analyse de ces images,
v. H. Pringle, « ISIS Cashing in on Looted Antiquities to Fuel Iraq Insurgency », nationalgeographic.com,
27 juin 2014. 87 En ce sens, v. le rapport du GAFI de février 2015, Financing of the Terrorist Organisation Islamic State
in Iraq and the Levant (ISIL), par. 1.5 « Cultural Artefacts », pp. 16-17.
45
2014, peu avant la prise de Mossoul par le groupe terroriste, a révélé les différentes
sources du financement du réseau djihadiste88. Cette découverte a ainsi permis de prendre
conscience de l’importance du trafic illicite de biens archéologiques parmi ces sources de
financement. À titre d’exemple, les pillages perpétrés par l’EI en Syrie dans la seule
région d’al-Nabuk, auraient rapporté au groupe terroriste près de 36 millions de dollars89.
Il convient de noter que, parmi les pillages alimentant le trafic illicite perpétré par
Daech, ceux résultant de fouilles illicites obéissent à une organisation assez particulière.
Plutôt que de mobiliser ses propres « soldats » pour réaliser ces fouilles, l’EI a mis en
place un système de « licences ». Accordés à des habitants ou à des équipes de semi-
professionnels, ces documents autorisent ces derniers à effectuer eux-mêmes les
fouilles90. Un pourcentage de la valeur des biens archéologiques ainsi découverts est
ensuite reversé à Daech, sous la forme d’une taxe, dont le taux peut varier
considérablement selon le type de biens mis à jour et la région concernée91.
Enfin, l’EI aurait également augmenté ses revenus liés au trafic illicite de biens
archéologiques en faisant payer une taxe aux trafiquants désireux de transporter des biens
archéologiques volés à travers des territoires contrôlés par le groupe terroriste92.
Qu’ils touchent des sites archéologiques ou des musées, les pillages perpétrés sous
l’égide de Daech ne constituent que la première étape d’un trafic illicite qui pourrait
conduire à une dispersion massive des patrimoines archéologiques irakien et syrien à
travers le monde. Une fois volés, ces biens sont, en effet, destinés à alimenter un trafic
international rendu possible par leur exportation illicite hors de leurs pays d’origine93, à
88 Cf. M. Chulov, « How an arrest in Iraq revealed ISIS’s $2 bn jihadist network », theguardian.com, 15
juin 2014. 89 Ibid. 90 A. AL-AZM, S. AL-KUNTAR et B.I. DANIELS, « ISIS’s Antiquities Sideline », nytimes.com, 2
septembre 2014. 91 Ibid. L’article donne quelques exemples de taux de la taxe prélevée sur les biens archéologiques obtenus
dans le cadre de fouilles illicites dans différentes régions de Syrie. Pour une confirmation de cette pratique,
v. Rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’Etat islamique d’Irak et du Levant (Daech)
pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action de l’Organisation des Nations Unies pour aider les
Etats membres à contrer cette menace, 29 janvier 2016, par. 21. 92 Cf. S. Frenkel, « How ISIS Became the Richest Terrorist Group in the World », buzzfeed.com, 28 août
2014. 93 Il faut ici préciser qu’en règle générale, le trafic illicite de biens culturels n’implique pas nécessairement
le vol de biens culturels. Le trafic peut, en effet, résulter de la seule exportation illicite d’un bien culturel,
c’est-à-dire sans que soient respectées les conditions posées par la législation du pays d’origine à la sortie,
de son territoire, de biens culturels (en ce sens, v. M. Boilat, op. cit., pp. 11-13). Toutefois, lorsque des
biens culturels sont volés, comme c’est le cas dans la présente espèce, leur exportation, en vue d’alimenter
46
destination des Etats qui constituent les principaux acteurs du marché de l’art, c’est-à-
dire essentiellement l’Europe et les Etats-Unis. Dès lors, la solution d’urgence qui
s’impose consiste à déployer tous les moyens possibles pour identifier et intercepter ces
biens avant qu’ils ne soient vendus sur le marché de l’art. Or, un examen du droit
international révèle les bases juridiques de cette lutte urgente contre la dispersion de biens
archéologiques irakiens et syriens due au trafic illicite (SECTION I). L’identification de
ces fondements permet de s’atteler ensuite à l’analyse et à l’appréciation des traductions
techniques des règles de droit international permettant d’endiguer le trafic illicite de biens
archéologiques irakiens et syriens (SECTION II).
SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE LUTTE URGENTE CONTRE LA
DISPERSION DE BIENS ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS DUE AU
TRAFIC ILLICITE
Pour envisager une lutte efficace, sur le plan international, contre la dispersion des
patrimoines archéologiques irakien et syrien, et ainsi endiguer à sa source le trafic illicite
des biens issus de ces patrimoines, il faut avant tout rechercher dans le droit international
les outils de cette lutte. Cette recherche dévoile ainsi des bases conventionnelles
incontournables (§1), auxquelles est venu s’ajouter l’apport conséquent du Conseil de
sécurité dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (§2).
§1. Des bases conventionnelles incontournables
De même que la Convention de La Haye de 1954, pourtant fer de lance de la
protection des biens culturels en cas de conflit armé, a montré sa relative impuissance
face aux destructions massives et délibérées perpétrées à l’encontre des patrimoines
archéologiques irakien et syrien94, son Protocole de 1954, axé sur les questions
d’exportation de biens culturels depuis un territoire occupé, s’avère globalement
insuffisant dans la lutte contre le trafic illicite touchant ces mêmes patrimoines95. Aussi,
face à l’urgente nécessité de développer des moyens capables d’empêcher la dispersion
de ces patrimoines archéologiques, est-il nécessaire de rechercher ces moyens dans
un trafic illicite, est logiquement illicite (en ce sens, v. G. Carducci, La restitution internationale des biens
culturels et des objets d’art volés ou illicitement exportés, Paris, LGDJ, 1997, p. 189). 94 Cf. supra, p. 14-15. 95 Cf. supra, pp. 16-19.
47
d’autres bases conventionnelles. À cet égard, il apparaît que les textes pertinents en la
matière ne s’articulent pas, à l’inverse de la Convention de 1954 et de son Protocole,
autour du seul contexte du conflit armé. Qu’elles traitent de la question spécifique du
trafic de biens culturels ou de la protection à offrir aux biens qui constituent des richesses
particulières pour l’humanité, deux conventions peuvent être ici mises en avant pour
fonder une action internationale de lutte contre la dispersion des biens archéologiques
volés en Syrie et en Irak. Il est ainsi possible de souligner le rôle décisif de la Convention
de l’UNESCO de 1970 (A), de même que le rôle non négligeable de la Convention de
l’UNESCO de 1972 (B).
A- Le rôle décisif de la Convention de l’UNESCO de 1970
Adoptée le 14 novembre 197096, sous l’égide de l’UNESCO, la Convention
concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation
et le transfert de propriété illicites des biens culturels constitue un premier pas
fondamental dans la lutte contre le trafic illicite de ces biens à l’échelle internationale.
Elle s’est, à ce titre, imposée comme l’affirmation conventionnelle de principes dégagés,
quelques années auparavant, dans une recommandation éponyme de l’UNESCO, adoptée
le 19 novembre 1964.
La Convention de 1970 est le résultat de préoccupations partagées par un très grand
nombre d’Etats face à une recrudescence des pillages de biens culturels alimentant un
trafic illicite en expansion. Réunissant aujourd’hui 131 Etats parties, parmi lesquels des
pays dont la richesse du patrimoine culturel en fait des victimes du trafic, mais aussi les
principaux Etats du marché de l’art, la Convention est un remarquable exemple de
coopération internationale en vue de la réalisation de principes et d’objectifs communs.
L’Irak et la Syrie comptent ainsi parmi ces parties, les deux Etats ayant accepté la
Convention respectivement le 12 février 1973 et le 21 février 1975.
Si l’objectif final des principes posés par la Convention est de permettre la restitution
de biens culturels volés, plusieurs articles décrivent également des moyens de prévenir
l’expansion du trafic illicite. Ces moyens sont autant de mesures qu’il est aujourd’hui
96 Et entrée en vigueur le 24 avril 1972.
48
nécessaire de mettre en œuvre ou de renforcer en vue de permettre l’identification et
l’interception des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie avant qu’ils n’alimentent
plus avant le trafic illicite engendré par l’EI. La Convention s’avère, en effet,
particulièrement pertinente en l’espèce, en ce qu’elle prévoit plusieurs mesures de
protection adéquates pour faire face aux principaux actes illicites identifiés (a), tout en
s’intéressant également au cas particulier des biens culturels provenant de territoires
occupés ou mis en danger par les pillages (b).
(a) Des mesures de protection adéquates pour faire face aux principaux
actes illicites identifiés
Sans distinguer entre le temps de guerre et le temps de paix, la Convention identifie
quels sont, d’une manière générale, les actes illicites contre lesquels il convient de lutter,
pour mieux dégager, ensuite, les mesures adéquates à adopter en vue de cette lutte. Cette
approche de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, développée dans plusieurs
articles de la Convention, est tout d’abord résumée, à titre d’introduction, dans l’article
2, aux termes duquel :
« 1. Les Etats parties à la présente Convention reconnaissent que l’importation, l’exportation et le transfert de
propriété illicites des biens culturels constituent l’une des causes principales de l’appauvrissement du patrimoine
culturel des pays d’origine de ces biens, et qu’une collaboration internationale constitue l’un des moyens les plus
efficaces de protéger leurs biens culturels respectifs contre tous les dangers qui en sont les conséquences.
2. A cette fin, les Etats parties s’engagent à combattre ces pratiques par les moyens dont ils disposent, notamment
en supprimant leurs causes, en arrêtant leur cours et en aidant à effectuer les réparations qui s’imposent ».
Cet article énonce, en quelque sorte, les deux principes fondamentaux de la
Convention de 1970, qui consistent non seulement en une identification des actes devant
être déclarés illicites en raison des atteintes qu’ils portent aux patrimoines culturels, mais
également en une obligation, pour les Etats parties, de combattre ces actes97.
97 En ce sens, v. les Directives opérationnelles pour la mise en œuvre de la Convention concernant les
mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites
des biens culturels, adoptées lors de la troisième Réunion des Etats parties à la Convention de 1970, qui
s’est tenue à Paris du 28 au 30 mai 2015, par. 13.
49
En écho au premier volet de l’article 2, ainsi qu’à l’intitulé même de la Convention,
l’article 3 identifie ainsi les principaux actes qui alimentent le trafic de biens culturels et
doivent donc, à ce titre, être considérés comme illicites :
« Sont illicites l’importation, l’exportation et le transfert de propriété de biens culturels, effectués contrairement
aux dispositions prises par les Etats parties en vertu de la présente Convention ».
Aux termes de cette disposition, sont donc considérés comme illicites les transferts
de propriété de biens culturels, ainsi que les exportations et importations qui
accompagnent généralement ces vols dans le cadre d’un trafic international, qui sont
effectuées en violation des législations nationales des Etats parties98. Autrement dit, dès
lors que des biens culturels, et donc des biens archéologiques99, ont été volés sur le
territoire d’un Etat, en l’espèce l’Irak et la Syrie, il incombe logiquement aux Etats parties
de combattre les exportations et importations qui alimentent ensuite le trafic illicite de ces
biens volés « par les moyens dont ils disposent, notamment en en supprimant leurs causes,
en arrêtant leur cours », comme le prévoit le second volet de l’article 2. Parmi les mesures
visant à lutter contre les actes illicites identifiés dans l’article 3, les plus fondamentales
découlent des articles 6 et 7 de la Convention, respectivement axés sur l’exportation et
l’importation de biens culturels.
L’article 6, paragraphe a expose la principale mesure à mettre en œuvre en vue de
combattre l’exportation illicite de biens culturels volés, en imposant aux Etats parties à la
Convention d’« instituer un certificat approprié par lequel l’Etat exportateur spécifierait
que l’exportation du ou des biens culturels visés est autorisée par lui, ce certificat devant
accompagner le ou les biens régulièrement exportés ». De cette obligation découle
logiquement une seconde, exposée au paragraphe b de l’article 6, à savoir l’obligation,
pour les Etats parties, d’« interdire la sortie de leur territoire des biens culturels non
accompagnés du certificat d’exportation » présenté au paragraphe précédent. Dans le cas
de l’Irak et de la Syrie, si tous deux sont parties à la Convention et donc tenus par cette
obligation, il est raisonnablement possible de penser que la présence de Daech sur ces
deux territoires ainsi que le conflit armé découlant de l’expansion territoriale du groupe
98 Sans entrer dans le détail de développements qui ne sont pas véritablement pertinents dans le présent
paragraphe, il convient toutefois de noter, dès à présent, que cette définition de l’illicéité en fonction des
législations nationales des Etats parties constitue sans doute la principale particularité de la Convention de
1970, faisant ainsi dépendre de ces législations le succès ou l’échec de la Convention. 99 Cf. art. 1er de la Convention. Sur ce point, v. supra, p. 4, note 14.
50
terroriste ont dû sérieusement compromettre ce contrôle à l’exportation imposé par la
Convention. De nombreux biens archéologiques volés ont donc très certainement quitté
les territoires irakien et syrien sans recevoir de certificat, et sans que l’absence d’un tel
document ne puisse véritablement empêcher l’exportation de ces biens. Toutefois, les
principes posés à l’article 6, dans ses paragraphes a et b, ne sont pas pour autant dénués
de pertinence dans la lutte urgente contre la dispersion des patrimoines archéologiques
irakien et syrien. En effet, ces obligations posées à la charge de l’Etat exportateur n’ont
pas vocation à s’appliquer seulement vis-à-vis de l’Etat d’origine de ces biens, mais vis-
à-vis de tout Etat partie sur le territoire duquel se trouvent des biens culturels volés sur le
territoire d’un autre Etat. L’obligation de délivrer un certificat d’exportation posée à
l’article 6, paragraphe a induit, logiquement, qu’un Etat partie à la Convention devrait
interdire l’exportation depuis son territoire de tout bien culturel dépourvu d’un tel
certificat100. De même, aux termes du paragraphe b de l’article 6, un Etat sur le territoire
duquel sont parvenus à entrer des biens culturels pourtant dépourvus d’un certificat
d’exportation du pays d’origine devrait logiquement interdire la sortie de son territoire de
tels biens, quand bien même ils auraient reçu à leur entrée un certificat d’importation101.
Le respect de l’obligation d’établir un certificat d’exportation, prévue à l’article 6 de la
Convention, est donc essentiel afin d’exercer un contrôle efficace de l’origine des biens
archéologiques irakiens et syriens circulant dans le monde et ainsi éviter la dispersion de
ceux de ces biens qui ont été pillés par l’EI.
Si les mesures prévues par la Convention au moment de l’exportation de biens
culturels ont des incidences sur le contrôle de l’importation, l’article 7 traite néanmoins
d’aspects spécifiquement liés à l’importation de biens culturels ainsi qu’aux suites d’une
telle importation.
Pour ce qui est de l’importation même de biens culturels, l’article 7, paragraphe b (i)
impose aux Etats d’« interdire l’importation des biens culturels volés dans un musée ou
un monument public civil ou religieux, ou une institution similaire, situés sur le territoire
d’un autre Etat partie à la présente Convention après l’entrée en vigueur de celle-ci à
l’égard des Etats en question, à condition qu’il soit prouvé que ce ou ces biens font partie
100 En ce sens, v. les Directives opérationnelles… préc., par. 57 et 58. 101 Ibid., par. 57. Il est notamment précisé, dans ce paragraphe, que « [l]a détention d'un certificat
d'importation sans le certificat d'exportation correspondant ne devrait pas être considérée comme une
preuve de bonne foi ou comme un titre de propriété ».
51
de l’inventaire de cette institution ». Si cette disposition vise exclusivement les biens
culturels volés et non pas, plus généralement, les biens culturels dépourvus du certificat
d’exportation prévu à l’article 6, il va sans dite que l’absence, à l’importation, d’un tel
certificat est un sérieux indice quant à l’origine douteuse des biens culturels contrôlés à
l’importation102. Cependant, indépendamment de la présence ou de l’absence d’un tel
certificat – que certains trafiquants n’hésitent pas à falsifier103 – l’article impose la
vérification d’une garantie supplémentaire de l’origine d’un bien culturel, en établissant
que l’interdiction de l’importation d’un tel bien peut découler du constat que le bien en
cause figure dans l’inventaire d’« un musée ou un monument public civil ou religieux, ou
une institution similaire, situés sur le territoire d’un autre Etat partie ». Cette disposition
s’avère ainsi particulièrement pertinente en vue d’empêcher l’importation, sur le territoire
d’un Etat partie à la Convention, de biens archéologiques pillés notamment dans des
musées irakiens et syriens, tels que le Musée de Mossoul en Irak, ou encore celui de
Palmyre en Syrie.
Dans l’hypothèse où des biens culturels à l’origine douteuse seraient entrés sur le
territoire d’un Etat partie, le paragraphe a de l’article 7 offre une occasion supplémentaire
d’intercepter de tels biens, en imposant aux Etats parties de « prendre toutes les mesures
nécessaires, conformes à la législation nationale, pour empêcher l’acquisition, par les
musées et autres institutions similaires situés sur leur territoire, de biens culturels en
provenance d’un autre Etat partie, biens qui auraient été exportés illicitement après
l’entrée en vigueur de la Convention ». Une fois encore, une vigilance particulière à
l’égard du certificat d’exportation devant accompagner tout bien culturel est un moyen
privilégié d’identifier ceux de ces biens qui auraient été exportés illicitement depuis le
territoire d’un Etat partie.
Les articles 3, 6 et 7 de la Convention de 1970 offrent à eux seuls un cadre général
de protection particulièrement fourni des biens culturels dans la lutte contre le trafic
illicite. Les obligations posées en matière de contrôle à l’exportation et à l’importation
ont un rôle crucial à jouer dans l’identification et l’interception des biens archéologiques
irakiens et syriens pillés par Daech. Toutefois, la Convention recèle d’autres dispositions
102 En ce sens, v. les Directives opérationnelles… préc., par. 63. 103 En ce sens, v. le communiqué « ALERTE ESCROQUERIE : Faux certificats d’authenticité et faux
"laissez-passer ICOM-UNESCO" », été 2015, disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org.
52
indispensables dans la lutte contre le trafic illicite touchant les patrimoines
archéologiques irakien et syrien. Ces dispositions concernent des hypothèses plus
spécifiques qui concernent directement les situations irakienne et syrienne, en ce qu’elles
touchent au cas particulier des biens culturels provenant de territoires occupés ou mis en
danger par des pillages.
(b) Le cas particulier des biens culturels provenant de territoires occupés
ou mis en danger par des pillages
Si les principes fondamentaux de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels
exposés dans la Convention ne distinguent pas entre le temps de paix et le temps de guerre
et visent les vols de biens culturels d’une manière générale, deux autres dispositions de
la Convention s’avèrent d’autant plus pertinentes dans le combat contre la dispersion des
patrimoines archéologiques irakien et syrien qu’elles touchent des situations plus
spécifiques qui concernent directement les atteintes portées aux patrimoines de ces deux
pays. En effet, l’une touche au sort des biens culturels provenant d’un territoire occupé,
tandis que l’autre s’intéresse spécifiquement à la question des pillages de sites
archéologiques.
Alors que l’article 3 de la Convention s’attache à l’illicéité de l’importation, de
l’exportation et du transfert de propriété de biens culturels d’une manière générale,
l’article 11 traite plus spécifiquement de l’illicéité de l’exportation et du transfert de
propriété, mais dans l’hypothèse où ces actes s’inscrivent dans un contexte d’occupation
d’un pays. L’article dispose ainsi :
« Sont considérés comme illicites l’exportation et le transfert de propriété forcés de biens culturels résultant
directement ou indirectement de l’occupation d’un pays par une puissance étrangère ».
Pour ce qui est de la notion d’occupation, il convient tout de suite de souligner la
particularité de l’occupation qui existe sur une partie des territoires de l’Irak et de la Syrie
par Daech. En effet, l’article 11 vise l’occupation d’un pays « par une puissance
étrangère », ce qui semble logiquement viser une puissance étatique, alors que l’EI n’est
pas un Etat, mais un groupe terroriste. Néanmoins, l’importance territoriale de cette
« occupation » ainsi que l’ampleur prise par l’organisation terroriste aussi bien en termes
53
de moyens qu’en termes d’effectifs, du moins jusqu’à une période récente, pourrait
raisonnablement fonder la pertinence de cet article dans le contexte irako-syrien, au prix
d’une interprétation légèrement assouplie. Cet assouplissement serait d’autant plus
souhaitable que l’article 11 constitue un complément important de l’article 3 de la
Convention, mais également du Protocole de La Haye de 1954. En effet, contrairement à
l’article 3, qui conditionne l’illicéité de l’importation, de l’exportation et du transfert de
propriété de biens culturels à la violation des législations nationales des Etats parties,
l’article 11 fait résulter l’illicéité de l’exportation et du transfert de propriété forcés de
biens culturels de la seule occupation. Autrement dit, les variations dans les législations
nationales d’un Etat partie à l’autre quant à la protection à accorder aux biens culturels ne
sont pas susceptibles d’affecter le caractère illicite de l’exportation et du transfert de
propriété forcés d’un bien culturel, dès lors que cette exportation et ce transfert de
propriété résultent « directement ou indirectement de l’occupation d’un pays ». En toute
hypothèse, dès lors que sont remplies les conditions de l’article 11, les Etats parties ont
l’obligation de condamner comme illicites, dans leurs législations respectives, les
exportations et transferts de propriété en question. En outre, l’article 11 complète ainsi le
Protocole de La Haye de 1954, globalement très insuffisant dans le cas de l’Irak et de La
Syrie, puisque centré essentiellement sur les obligations de la puissance occupante vis-à-
vis de l’exportation des biens culturels situés sur le territoire occupé par elle104. En
l’espèce, l’article 11 se montre plus pertinent en ce qu’il impose à tout Etat partie à la
Convention l’obligation d’interdire l’exportation de tout bien culturel provenant d’un
territoire occupé105.
Sur la base de cette interdiction renforcée exposée dans l’article 11 de la Convention,
il est raisonnablement possible d’attendre des Etats parties, au titre des principes
fondamentaux exposés à l’article 2, qu’ils « s’engagent à combattre ces pratiques par les
moyens dont ils disposent ». Toutefois, contrairement à l’article 3 dont la mise en œuvre
est notamment précisée au travers des articles 6 et 7, l’article 11 n’est suivi d’aucune
précision particulière quant à sa mise en œuvre. Il n’est donc pas déraisonnable de penser
que les mêmes mesures liées au contrôle de l’exportation et de l’importation des biens
culturels prévues dans le cadre de l’article 3 doivent être mises en place dans l’hypothèse
visée par l’article 11106. Ainsi, l’application de cet article au cas des patrimoines
104 Cf. supra, pp. 16-19. 105 En ce sens, v. J. Toman, op. cit., p. 388. 106 Ibid., p. 391.
54
archéologiques irakien et syrien conduirait à une application plus systématique des
mesures de protection prévues dans le sillage de l’article 3.
Il faut également s’intéresser à une autre disposition de la Convention, en ce qu’elle
vise plus spécifiquement les pillages archéologiques, qui ont tout particulièrement touché
les patrimoines archéologiques irakien et syrien.
Alors que l’article 7, paragraphe b (i) vise, d’une manière générale, les biens volés
dans des musées ou autres institutions similaires, l’article 9 de la Convention s’intéresse,
en effet, à un autre moteur du trafic illicite de biens culturels, à savoir les pillages de sites
archéologiques. À cette fin, il dispose :
« Tout Etat partie à la présente Convention et dont le patrimoine culturel est mis en danger par certains pillages
archéologiques ou ethnologiques peut faire appel aux Etats qui sont concernés. Les Etats parties à la présente
Convention s’engagent à participer à toute opération internationale concertée dans ces circonstances, en vue de
déterminer et d’appliquer les mesures concrètes nécessaires, y compris le contrôle de l’exportation, de
l’importation et du commerce international des biens culturels spécifiques concernés. En attendant un accord
chaque Etat prendra, dans la mesure du possible, des dispositions provisoires pour prévenir un dommage
irrémédiable au patrimoine culturel de l’Etat demandeur ».
Cet article est d’autant plus pertinent dans la lutte contre la dispersion des patrimoines
archéologiques irakien et syrien qu’il répond à l’impératif d’urgence qu’implique cette
lutte en vue d’endiguer le plus rapidement possible le trafic illicite de biens
archéologiques pillés. Prenant en compte les conséquences dramatiques des pillages
archéologiques pour le patrimoine d’un Etat, l’article 9 de la Convention prévoit ainsi un
mécanisme de coopération renforcée entre les Etats parties, avec l’obligation pour chacun
d’entre eux de « participer à toute opération internationale concertée dans ces
circonstances, en vue de déterminer et d’appliquer les mesures concrètes nécessaires ». À
titre d’exemple, l’article mentionne « le contrôle de l’exportation, de l’importation et du
commerce international de biens culturels », rappelant ainsi les mesures prévues, d’une
manière générale, par les articles 6 et 7.
La coopération internationale développée dans l’article 9 est, en principe, initiée par
l’Etat victime de tels pillages, qui sollicite les Etats les plus susceptibles de voir transiter
les biens archéologiques pillés ou d’être le lieu de leur vente illicite. Dans le cas de la
Syrie, les pillages et fouilles illicites perpétrés dans de nombreux sites archéologiques
depuis l’éclatement de la guerre civile en 2011 ont poussé la Direction générale des
antiquités et des musées (DGAM) syrienne à adresser un appel à l’aide à la communauté
internationale dès 2013, comme l’a rappelé le Directeur général de cette institution,
55
Maamoun Abdulkarim, dans une déclaration du 21 juillet 2014107. Il va sans dire que cette
demande syrienne est devenue d’autant plus urgente avec le développement de Daech
dans le pays et la multiplication des pillages perpétrés sous son contrôle. Un appel
similaire a été effectué par les autorités irakiennes, en 2014, dans le contexte des pillages
archéologiques perpétrés par l’EI. Toutefois, l’appel a, cette fois-ci, été directement
adressé à l’UNESCO108. En effet, comme le précisent les Directives opérationnelles pour
la mise en œuvre de la Convention de 1970, l’« UNESCO et tous les partenaires
coopérants concernés peuvent également contribuer, si la même demande [que celle
pouvant être adressée aux Etats concernés] leur est présentée, à ces opérations
internationales concertées »109.
L’appel adressé à la communauté internationale par l’Irak et la Syrie en vue d’aider
à combattre le trafic illicite des biens archéologiques pillés sur leur territoire respectif
révèle l’importance cruciale de l’article 9 de la Convention de 1970 en vue de mettre en
place une lutte efficace et urgente contre la dispersion des patrimoines archéologiques de
ces deux pays. C’est d’ailleurs cette dimension d’urgence qu’impliquent des pillages
archéologiques qui explique sans doute que l’article 9 donne aux Etats parties les moyens
d’une coopération internationale renforcée. À cette fin, le dispositif de l’article permet la
conclusion d’accords bilatéraux entre Etats victimes et Etats concernés par le trafic en
vue de définir le cadre de la coopération entre ces Etats110, mais également afin de mettre
en place des mesures concrètes particulières111. Toutefois, l’urgence de la situation fonde
l’ultime précision de l’article, aux termes de laquelle « [e]n attendant un accord, chaque
Etat concerné prendra, dans la mesure du possible, des dispositions provisoires pour
107 M. Abdulkarim, « Statement by the Directorate General of Antiquities and Museums (DGAM). Syrian
Cultural Heritage. Three and a Half Years of Suffering », Damas, 21 juillet 2014, disponible sur le site
internet de l’UNESCO, dans la rubrique « Sauvegarder le patrimoine culturel syrien »,
www.unesco.org/new/fr/safeguarding-syrian-cultural-heritage. Le Directeur général commence sa
déclaration par : “A year has passed since we last sent an international call out to all those concerned with
defending Syria's heritage”. Les mots choisis dans cette déclaration reprennent clairement ceux de l’article
9 de la Convention de 1970. 108 En ce sens, v. le communiqué « La Directrice générale de l’UNESCO appelle à la vigilance », août 2014,
disponible sur le site de l’UNESCO, www.unesco.org. Dans ce communiqué, « [l]a Directrice générale de
l'UNESCO, Irina Bokova, répond à l'appel des autorités iraquiennes, et attire l’attention de la communauté
internationale, afin qu’elle redouble ses efforts et augmente sa vigilance pour sauvegarder le patrimoine
culturel de l'Iraq ». En outre, le communiqué précise que, « [e]n vue de protéger le patrimoine culturel
iraquien, la Directrice générale, en août 2014, a adressé des lettres à tous les Etats parties à la Convention
de l’UNESCO de 1970, aux Etats membres de l’UNESCO non-parties à cette Convention, et aux musées
et maisons de ventes à travers le monde, afin d’attirer leur attention sur les mesures à prendre en étroite
coordination avec l’UNESCO, ses partenaires internationaux, l’Organisation mondiale des douanes,
INTERPOL, UNIDROIT et l’ICOM ». 109 Directives opérationnelles, par. 105. 110 Ibid., par. 106. 111 Ibid., par. 108.
56
prévenir un dommage irrémédiable au patrimoine culturel de l’Etat demandeur ». Il va
sans dire que cette précision est fondamentale dans un contexte comme celui dans lequel
s’inscrivent l’Irak et la Syrie. Compte tenu de l’ampleur des pillages et du trafic illicite
qui s’en suit, il serait inadéquat, au regard de l’urgence de la situation, d’attendre, pour
agir, que soient conclus des accords bilatéraux.
Aux termes de ces réflexions, le rôle central de la Convention de l’UNESCO de 1970
dans la lutte urgente contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien
semble incontestable. Bien qu’établie il y a près de cinquante ans, la Convention
concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation
et le transfert de propriété illicites de biens culturels conserve plus que jamais sa
pertinence en vue d’identifier et d’intercepter des biens archéologiques volés et ainsi
endiguer le plus rapidement possible le trafic illicite qui en découle. À ce titre, la
Convention apparaît comme la base conventionnelle principale de cette mobilisation
internationale visant à préserver les patrimoines archéologiques irakien et syrien des
effets dévastateurs du trafic illicite. Cependant, la primauté de ce texte ne doit pas
conduire à occulter le rôle non négligeable de la Convention de l’UNESCO de 1972.
B- Le rôle non négligeable de la Convention de l’UNESCO de 1972
Le 16 novembre 1972 était adoptée, à Paris, la Convention de l’UNESCO concernant
la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Par ce texte, la Conférence
générale de l’UNESCO mettait l’accent sur le fait que « certains biens du patrimoine
culturel et naturel présentent un intérêt exceptionnel qui nécessite leur préservation en
tant qu'élément du patrimoine mondial de l'humanité tout entière »112. C’est précisément
en raison de cet intérêt central de la Convention que celle-ci – acceptée par l’Irak le 5
mars 1974 et par la Syrie le 13 août 1975 – mérite d’être évoquée dans la présente étude.
En distinguant, parmi les biens culturels, ceux qui, en raison de leur valeur
exceptionnelle, nécessite une protection particulière, la Convention de 1972 s’avère
pertinente dans la lutte contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakiens et
112 Préambule de la Convention, par. 6.
57
syriens, dans la mesure où plusieurs éléments de ces patrimoines sont inscrits sur la Liste
du Patrimoine mondial créée par la Convention. Ainsi, de même que la Convention met
en place un système de coopération internationale renforcé et « organisé d’une façon
permanente »113 pour les biens inscrits sur cette Liste, la lutte contre la dispersion des
biens archéologiques irakiens et syriens doit donner lieu à une coopération internationale
d’autant plus importante que nombre de ces biens proviennent de sites archéologiques
inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial. Au soutien de ce raisonnement, l’article 6,
paragraphe 1er de la Convention énonce :
« En respectant pleinement la souveraineté des Etats sur le territoire desquels est situé le patrimoine culturel et
naturel visé aux articles l et 2, et sans préjudice des droits réels prévus par la législation nationale sur ledit
patrimoine, les Etats parties à la présente convention reconnaissent qu'il constitue un patrimoine universel pour
la protection duquel la communauté internationale tout entière a le devoir de coopérer »114.
Autrement dit, la Convention de 1972 a un rôle à jouer dans la lutte urgente contre la
dispersion du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie, en ce qu’elle souligne
l’importance cruciale d’une coopération accrue de la part de « la communauté
internationale tout entière » dès lors qu’il s’agit d’œuvrer à la protection des éléments
d’un patrimoine culturel inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. En effet, plusieurs
sites archéologiques irakiens et syriens touchés par les pillages alimentant le trafic illicite
sont inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial. C’est notamment le cas, en Irak, du site
d’Hatra – inscrit sur la Liste en 1985 avant d’être inscrit sur la Liste du Patrimoine
mondial en péril en 2015 – ou encore de la cité antique de Samarra – directement inscrite
sur la Liste du Patrimoine mondial en péril en 2007 – mais également, en Syrie, du site
archéologique de Palmyre – inscrit au Patrimoine mondial en 1980, puis inscrit sur la
Liste du Patrimoine mondial en péril en 2013.
La communauté internationale, du moins les Etats parties à la Convention de 1972,
doivent donc redoubler d’effort dans la coopération internationale pouvant être mise en
place sous l’effet de la Convention de 1970 précisément parce que, parmi les biens
archéologiques pillés et alimentant le trafic illicite international figurent des éléments
provenant de « sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point
113 Ibid., par. 7. 114 Italique ajouté.
58
de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique »115. Le rôle de la
Convention dans la mise en œuvre d’une action internationale en vue de lutter contre la
dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien est donc essentiellement un
rôle symbolique, à savoir celui de rappeler la valeur inestimable de nombreux biens
archéologiques victimes du trafic. Néanmoins, en permettant de soutenir les efforts de
coopération internationale rendus possibles aux termes de la Convention de l’UNESCO
de 1970, ce rôle joué par la Convention de 1972 est loin d’être négligeable.
À côté de ces deux conventions, le Conseil de sécurité a, de son côté, fourni
d’importantes bases juridiques à la lutte contre la dispersion des patrimoines
archéologiques irakien et syrien, comme en témoigne son apport conséquent dans le cadre
du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
§2. L’apport conséquent du Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII
de la Charte des Nations Unies
Face au spectacle dramatique des exactions commises par Daech en Irak et en Syrie,
le Conseil de sécurité est intervenu à plusieurs reprises par le biais de résolutions116. Parmi
celles-ci, deux sont particulièrement pertinentes dans le contexte de la lutte urgente contre
la dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien : la résolution 2199 (2015)
du 12 février 2015117 et la résolution 2253 (2015) du 17 décembre 2015118, dont
l’importance est d’autant plus grande qu’elles s’inscrivent toutes deux dans le cadre du
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
La résolution 2199 (2015) est la première dans laquelle le Conseil de sécurité aborde
véritablement la question du trafic illicite des biens archéologiques pillés en Irak et en
Syrie par l’EI, en insistant sur ses enjeux et les mesures à prendre pour y remédier. À ce
titre, deux paragraphes de la résolution sont pertinents, dans lesquels le Conseil de
sécurité :
115 Article 1er, al. 3 de la Convention. 116 V. not. supra, pp. 25-31. 117 Résolution 2199 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7379e séance, le 12 février 2015. 118 Résolution 2253 (2015), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7587e séance, le 17 décembre 2015.
59
« 16. Note avec préoccupation que l’EIIL, le Front el-Nosra et d’autres personnes, groupes, entreprises et entités
associées à Al-Qaida génèrent des revenus en procédant, directement ou indirectement, au pillage et à la
contrebande d’objets appartenant au patrimoine culturel provenant de sites archéologiques, de musées, de
bibliothèques, d’archives et d’autres sites en Syrie et en Irak, qui sont ensuite utilisés pour financer leurs efforts
de recrutement ou pour améliorer leurs capacités opérationnelles d’organiser et de mener des attentats terroristes ;
17. Réaffirme la décision qu’il a prise au paragraphe 7 de la résolution 1483 (2003) et décide que tous les Etats
Membres doivent prendre les mesures voulues pour empêcher le commerce des biens culturels irakiens et syriens
et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique, culturelle, scientifique ou religieuses, qui ont été
enlevés illégalement d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, notamment en frappant
d’interdiction le commerce transnational de ces objets et permettant ainsi qu’ils soient restitués aux peuples
irakien et syrien, et demande à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, à
INTERPOL et aux autres organisations internationales compétentes de faciliter la mise en œuvre des dispositions
du présent paragraphe ».
La première observation qu’il convient de faire à la lecture de ces deux paragraphes
est qu’il est flagrant que la « préoccupation » manifestée par le Conseil de sécurité ne vise
pas tant le pillage et la dispersion, par le trafic qui s’en suit, de patrimoines archéologiques
d’une valeur inestimable, que le financement du terrorisme par ce trafic de biens culturels.
Certes, il était sans doute possible de prévoir ce raisonnement, étant donné que le
deuxième considérant de l’introduction de la résolution est consacré à l’affirmation de ce
que « le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue une
des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales ». Cette phrase
laisse bien prévoir que si le trafic illicite de biens culturels vient à être pris en compte
dans cette résolution, ce ne sera que pour autant qu’il contribue à alimenter le terrorisme,
en tant que moyen de financement. C’est, d’ailleurs, sans doute uniquement dans la
mesure il s’agit de lutter avant tout contre le terrorisme que le trafic illicite de biens
archéologiques irakiens et syriens se trouve évoqué dans une résolution du Conseil de
sécurité placée dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Alors que
les destructions intentionnelles de vestiges archéologiques n’auraient vraisemblablement
pu donner lieu à l’adoption de mesures décidées dans le cadre d’une résolution prise en
application du Chapitre VII119, le trafic illicite de biens archéologiques semble mériter de
figurer au rang des actes de l’EI qualifiés de menace contre la paix et la sécurité
internationales justifiant l’adoption d’une norme impérative par le Conseil de sécurité, en
application du Chapitre VII. Du reste, en témoigne le simple fait que, dans cette résolution
2199 (2015), le Conseil de sécurité se contente de simplement condamner « les
destructions du patrimoine culturel irakien et syrien, commises en particulier par
l’EIIL »120, alors qu’il envisage des mesures concrètes pour la lutte contre le trafic des
biens issus du pillage de ce même patrimoine.
119 Cf. supra, pp. 29-31. 120 Par. 15 de la résolution.
60
S’il est possible de déplorer cet état de choses, il n’en demeure pas moins que l’apport
de la résolution est majeur dans la lutte contre la dispersion des patrimoines
archéologiques irakien et syrien. En effet, si l’objectif final est, tout comme dans la
Convention de l’UNESCO de 1970, de permettre que les biens archéologiques pillés
« soient restitués aux peuples irakien et syrien »121, les mesures décidées par le Conseil
de sécurité ont pour vocation première d’empêcher la dispersion de ces biens, en
interdisant leur commerce international. Les biens identifiés par le Conseil comme devant
être frappés de cette interdiction sont les biens culturels « qui ont été enlevés illégalement
d’Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011 »122. À cet égard, il
convient de noter que le Conseil de sécurité ne vise pas simplement les biens culturels
pillés et exportés illicitement par Daech. Dans le cas syrien, sont concernés les biens sortis
illégalement du territoire depuis le 15 mars 2011, c’est-à-dire depuis l’éclatement de la
guerre civile syrienne, celle-ci ayant, en effet, donné lieu à de nombreux pillages de sites
archéologiques avant que l’EI ne vienne amplifier le phénomène. Dans le cas de l’Irak,
l’interdiction de commerce international frappe beaucoup plus de biens culturels,
puisqu’elle s’étend aux biens sortis illégalement du territoire depuis le 6 août 1990, c’est-
à-dire depuis le premier conflit du Golfe. Les conflits armés qui ont ravagé le pays à
plusieurs reprises depuis cette époque-là ont, en effet, été la source de nombreuses
atteintes contre le patrimoine culturel irakien, parmi lesquelles des pillages répétés. Cette
interdiction de commerce international découle de la résolution 661 (1990) du Conseil de
sécurité du 6 août 1990 par laquelle le Conseil imposait aux Etats, dans le cadre du conflit
entre l’Irak et le Koweït, d’interdire « [l]’importation sur leur territoire de tous produits
de base ou de toutes marchandises en provenance d’Irak ou du Koweït qui seraient
exportés de ces pays après la date de la présente résolution »123. Cette interdiction
générale d’importation de produits provenant d’Irak ou du Koweït a, par la suite, été
reprise et adaptée dans la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité124, dont le
paragraphe 7 dispose :
« […] tous les Etats Membres doivent prendre les mesures voulues pour faciliter la restitution, en bon état, aux
institutions irakiennes des biens culturels irakiens et des autres objets ayant une valeur archéologique, historique,
culturelle, scientifique ou religieuse, qui ont été enlevés illégalement du Musée national irakien, de la
Bibliothèque nationale et d’autres sites en Irak depuis l’adoption de la résolution 661 (1990) du 6 août 1990,
121 Par. 17 de la résolution. 122 Ibid. 123 Résolution 661 (1990), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 2933e séance, le 6 août 1990, par. 3 a). 124 Résolution 1483 (2003), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4761e séance, le 22 mai 2003.
61
notamment en frappant d’interdiction le commerce ou le transfert de ces objets et des objets dont il y a de bonnes
raisons de croire qu’ils ont été enlevés illégalement […] ».
Cette adaptation de l’interdiction formulée en 1990 se justifiait alors par le contexte
de la guerre en Irak qui avait donné lieu à de nombreuses atteintes à l’encontre du
patrimoine archéologique irakien, dont le saccage du musée de Bagdad est sans doute
l’exemple le plus frappant. Par la résolution 2199 (2015), le Conseil de sécurité confirme
ainsi l’interdiction de commerce international formulée en 2003 dans le cas de l’Irak et
l’étend au cas de la Syrie en y incluant non seulement les biens pillés par Daech, mais
également ceux pillés depuis le début de la guerre civile syrienne.
La résolution 2253 (2015), quant à elle, approfondit les mesures visant à tarir les
sources de financement de Daech, notamment à la lecture de rapports établis par le GAFI
sur la question125.
Dans le cadre de cette résolution, le Conseil de sécurité prend logiquement la peine
de rappeler les mesures décidées aux termes de la résolution 2199 (2015) pour ce qui est
du trafic illicite de biens culturels irakiens et syriens126. Partant, le Conseil appelle les
Etats Membres à une application plus assidue de la résolution 2199 (2015), notamment
en rendant compte « des activités d’interception d’antiquités, ainsi que de l’issue des
poursuites judiciaires engagées contre des personnes et des entités du fait de ces
activités »127.
Pour ce qui est du trafic des biens culturels irakiens et syriens, la résolution 2253
(2015) constitue donc essentiellement une réaffirmation de l’importance de la résolution
2199 (2015) en la matière, toujours dans une optique plus générale de lutte contre le
terrorisme.
Les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015) constituent des bases juridiques d’autant
plus importantes dans la lutte contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakien
et syrien qu’elles sont la traduction d’un pouvoir normatif important du Conseil de
sécurité, par lequel celui-ci peut imposer des mesures obligatoires128. La portée
obligatoire des mesures décidées par le Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII
125 Cf. par. 17 de la résolution. 126 Préambule de la résolution, par. 31. 127 Par. 15 de la résolution. 128 En témoigne le recours systématique, dans ces résolutions ainsi que dans la résolution 1483 (2003), du
verbe « décide ».
62
a d’ailleurs été clairement confirmée par la CIJ, dans son ordonnance du 14 avril 1992,
Libye c. Royaume-Uni129, aux termes de laquelle les membres de l’ONU « sont dans
l’obligation d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément
à l’article 25 de la Charte […], et […], conformément à l’article 103 de la Charte, les
obligations des Parties à cet égard prévalent sur leurs obligations en vertu de tout autre
accord international »130.
L’obligation de se conformer à des résolutions du Conseil de sécurité prises dans le
cadre du Chapitre VII doit se traduire par des mesures d’exécution appropriées de telles
décisions. Les modalités de leur exécution sont ainsi prévues à l’article 48 de la Charte,
dont le paragraphe 2 précise que « [c]es décisions sont exécutées par les Membres des
Nations Unies directement et grâce à leur action dans les organismes internationaux
appropriés dont ils font partie ». Ainsi les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015)
constituent un apport considérable dans la lutte contre la dispersion des patrimoines
archéologiques irakien et syrien, en ce que les Etats membres des Nations Unies ont
l’obligation de prévoir dans leur législation nationale les moyens de mettre efficacement
en œuvre les mesures prévues aux termes de ces résolutions. Ces dernières viennent ainsi
conforter les mécanismes mis en place par la Convention de l’UNESCO de 1970 et même
les renforcent en ce qu’elles incluent dans cette coopération internationale visant à lutter
contre le trafic illicite de biens culturels des Etats qui ne seraient éventuellement pas
parties à la Convention131.
129 CIJ, Affaire relative à des questions d’interprétation et d’application de la Convention de Montréal de
1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), mesures
conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, CIJ Rec. 1992, p. 3. 130 Ibid., par. 39, p. 15. En effet, aux termes de l’article 103 de la Charte des Nations Unies, « [e]n cas de
conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs
obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ». Par conséquent, la
prééminence de la Charte implique celle du principe posé à l’article 25 de la Charte des Nations Unies, aux
termes duquel « [l]es Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du
Conseil de sécurité conformément à la présente Charte ». De l’interprétation combinée de ces deux articles,
la CIJ peut donc logiquement conclure à l’obligation stricte de se conformer aux résolutions du Conseil de
sécurité. 131 Pour un bilan de la valeur des résolutions prises par le Conseil de sécurité dans le domaine du patrimoine
culturel, v. not. V. Négri, « Étude juridique sur la protection du patrimoine culturel par la voie des
résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le patrimoine culturel dans le prisme de la résolution
2199 (2015) du Conseil de sécurité », étude réalisée à l’occasion de la Réunion de haut niveau au Siège de
l’UNESCO, le 1er avril 2015, pp. 5-9, disponible sur le site internet de l’UNESCO
www.unesco.org/new/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/emergency-actions/iraq.
63
La coopération internationale qu’il convient de mettre en place face à l’urgence de la
lutte contre la dispersion des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie trouve
indéniablement dans le droit international les bases de son édification. Que ces bases
soient de nature conventionnelle ou qu’elles découlent de résolutions du Conseil de
sécurité, le droit international dispose d’outils suffisants pour permettre l’adoption, à
l’échelle internationale, de mesures concrètes. Partant, ces règles de droit international
appellent des traductions techniques propres à endiguer le trafic illicite de biens
archéologiques irakiens et syriens.
SECTION II : LES TRADUCTIONS TECHNIQUES DES RÈGLES DE DROIT
INTERNATIONAL PERMETTANT D’ENDIGUER LE TRAFIC ILLICITE DE BIENS
ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS
Les nombreuses bases de droit international pertinentes dans la lutte contre la
dispersion des patrimoines archéologiques irakien et syrien rendent possible la mise en
place d’une grande diversité de mesures visant à endiguer le trafic illicite des biens issus
de ces patrimoines. C’est ainsi que le constat des pillages perpétrés à grande échelle par
Daech en Irak et en Syrie a donné naissance à une violente prise de conscience de la part
de la communauté internationale de l’urgente nécessité d’empêcher, par des mesures
concrètes, le fleurissement d’un trafic illicite international appelé à croître du fait des vols
commis par les djihadistes.
Face à l’appel à l’aide de la DGAM syrienne et des autorités irakiennes, comme le
leur permet l’article 9 de la Convention de 1970, l’UNESCO a rapidement montré le
chemin à suivre dans le sauvetage des patrimoines archéologiques de ces deux pays en
prenant la tête de la coopération internationale en la matière132. Si la préservation des
biens archéologiques contre les destructions intentionnelles perpétrées sur place par les
djihadistes s’est avérée pratiquement impossible, il est apparu que la communauté
internationale devait se mobiliser afin que soient identifiés et interceptés le plus
132 En ce sens, v. not. S. Delepierre et M. Schneider, « Ratification and Implementation of International
Conventions to Fight Illicit Trafficking in Cultural Property », in International Observatory on Illicit Traffic
in Cultural Goods, Countering Illicit Traffic in Cultural Goods. The Global Challenge of Protecting the
World’s Heritage, Paris, éd. France Desmarais, 2015, p. 132. L’ensemble de l’ouvrage est disponible en
ligne (uniquement en anglais), sur le site de l’ICOM www.icom.museum/resources/publications-
database/publication.
64
rapidement possible les trésors archéologiques pillés et sortis illégalement d’Irak et de
Syrie. À cette fin, l’UNESCO n’a pas tardé à mettre en place des plans d’action d’urgence
pour l’Irak et la Syrie, rassemblant chacun des informations détaillées et régulièrement
actualisées sur la situation du patrimoine archéologique du pays concerné, et présentant
également les actions nationales et internationales en vue de réagir face aux atteintes
perpétrées à l’encontre du patrimoine. Une part importante de chacune de ces actions
d’urgence est dédiée à la question du trafic illicite, insistant sur l’importance cruciale
d’une coopération internationale efficace en la matière. Consciente de ce que l’ampleur
et l’efficacité d’une telle coopération suppose une sensibilisation accrue face aux menaces
pesant sur le patrimoine culturel, la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a
également lancé, le 28 mars 2015, la campagne #Unite4Heritage sur les réseaux sociaux.
Face à un groupe terroriste se servant des patrimoines archéologiques irakien et syrien
comme moyen de propagande, l’UNESCO a ainsi cherché à unifier la communauté
internationale autour de valeurs communes axées sur la protection du patrimoine culturel.
Face aux atteintes barbares perpétrées par Daech contre les patrimoines archéologiques
d’Irak et de Syrie, l’UNESCO a ainsi incontestablement et pleinement assumé la fonction
qui lui a été reconnue dans son Acte constitutif133, celle d’aider « au maintien, à
l’avancement et à la diffusion du savoir […] en veillant à la conservation et protection du
patrimoine universel de livres, d’œuvres d’art et d’autres monuments d’intérêt historique
ou scientifique »134.
L’appel de l’UNESCO à mettre en œuvre les outils prévus par le droit international
pour lutter efficacement contre la dispersion des biens archéologiques irakiens et syriens
alimentant le trafic illicite a été relayé par de nombreuses autres organisations
internationales. À cette fin, celles-ci ont non seulement mis en place des outils
indispensables d’identification des biens archéologiques touchés par le trafic illicite (§1),
mais ont également favorisé le développement de techniques de coopération variées en
vue de l’identification et de l’interception des biens archéologiques faisant l’objet d’un
trafic illicite (§2).
133 Convention créant une Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, signée
à Londres, le 16 novembre 1945. 134 Cf. art. 2, par. c), al. 1er.
65
§1. Des outils indispensables d’identification des biens archéologiques touchés
par le trafic illicite
Toute lutte contre le trafic illicite de biens culturels suppose, pour être efficace, de
pouvoir clairement identifier les biens volés et/ou illicitement exportés. Or, une telle
identification n’est pas une tâche facile, dans la mesure où les biens concernés sont
généralement nombreux et proviennent de diverses régions du monde, de sorte qu’il n’est
raisonnablement pas possible d’attendre de ceux qui sont amenés à les inspecter – les
agents des services de douanes, les musées, les marchands d’art et maisons de vente, voire
les collectionneurs – qu’ils soient capables de tous les identifier comme des biens volés.
Afin de faciliter ce processus d’identification, et donc l’interception des biens faisant
l’objet d’un trafic illicite, des outils ont été mis en place à l’échelle internationale, lesquels
se sont montrés indispensables. Dans le cas des patrimoines irakien et syrien, ces outils
permettent non seulement l’identification des catégories de biens archéologiques exposés
au trafic illicite (A), mais également celle des biens archéologiques recherchés dans le
cadre d’un trafic illicite (B).
A- L’identification des catégories de biens archéologiques exposés au trafic
illicite
En 2000, l’ICOM mettait en place un nouvel outil de lutte contre le trafic illicite de
biens culturels : les Listes Rouges. En répertoriant les biens archéologiques et œuvres
d’art de régions du monde particulièrement menacées par les pillages et le trafic illicite,
ces Listes sont amenées à jouer un rôle considérable dans l’identification des biens
archéologiques irakiens et syriens pillés par Daech et venus alimenter le trafic illicite
international.
Après avoir présenté une brève introduction sur la situation de la région concernée et
une énumération des instruments nationaux et internationaux assurant la protection du
patrimoine culturel en cause, chaque Liste Rouge commence par la même observation,
inscrite en rouge :
66
« REMARQUE IMPORTANTE : une Liste Rouge n’est PAS une liste d’objets volés. Les biens culturels
présentés dans la Liste sont des objets inventoriés au sein de collections d’institutions reconnues. Ils servent à
illustrer les catégories de biens culturels protégés par la législation et les plus exposés au trafic illicite »135.
En répertoriant ainsi des biens qui illustrent simplement les « catégories de biens
culturels […] les plus exposés au trafic », les Listes Rouges établies par l’ICOM ont
vocation à faciliter l’identification de biens culturels volés en incitant à une plus grande
vigilance quant à l’origine de biens qui appartiennent aux catégories identifiées dans ces
Listes. Celles-ci fournissent donc essentiellement des indices quant à la possible origine
douteuse d’un bien culturel provenant d’une région du monde ayant donné lieu à une Liste
Rouge et appartenant, de surcroît, à l’une des catégories répertoriées dans cette Liste. Afin
que l’identification soit la plus rigoureuse possible, chaque catégorie de biens concernés
fait l’objet d’une description des caractéristiques de ces biens, accompagnée de
photographies illustrant les biens de cette catégorie136.
Parce que les patrimoines archéologiques irakien et syrien sont particulièrement
menacés par les pillages, ils ont chacun fait l’objet d’une Liste. Dans le cas de la Syrie, la
vulnérabilité du patrimoine face aux pillages s’est considérablement accrue avec
l’éclatement de la guerre civile syrienne, au point qu’en 2013, l’ICOM a publié une Liste
Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril. Pour ce qui est du patrimoine
archéologique irakien, la gravité de la menace pesant sur lui dans le contexte de la guerre
menée dans le pays entre les forces américaines et irakiennes a conduit à l’édiction d’une
première Liste Rouge des antiquités irakiennes en péril en 2003. L’implantation et le
développement de l’EI sur le territoire plus de dix ans après ont conduit à des pillages du
patrimoine irakien d’une telle ampleur que l’ICOM a procédé en 2015 à la mise à jour de
la première Liste, donnant ainsi naissance à la Liste Rouge d’urgence des biens culturels
irakiens en péril.
Ces deux Listes Rouges constituent un outil indispensable dans l’identification des
biens archéologiques pillés en Syrie et en Irak et venus alimenter le trafic illicite de biens
culturels. L’efficacité du système des Listes de l’ICOM n’est, en effet, plus à prouver,
dans la mesure où de nombreux objets volés ont été récupérés depuis 2000 grâce à elles.
À titre d’exemple, en 2012, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels
135 À titre d’exemple, v. Annexe IV – Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril (extrait),
p. 140. 136 Ibid.
67
(OCBC)137 a pu, grâce à la Liste Rouge d’urgence des antiquités irakiennes en péril,
récupérer treize pièces archéologiques sorties illégalement d’Irak, qui ont ensuite été
restituées à leur pays d’origine138.
À l’heure où le trafic illicite de biens archéologiques alimenté par les pillages de l’EI
menace de conduire à la dissémination de ces biens à travers le monde, les Listes Rouges
d’urgence publiées par l’ICOM sont incontestablement amenées à jouer un rôle crucial
dans l’identification et la récupération de ces biens. Elles ont ainsi naturellement vocation
à être utilisées en complément d’un autre outil établi par une organisation internationale
et permettant, quant à lui, l’identification des biens archéologiques recherchés dans le
cadre d’un trafic illicite.
B- L’identification des biens archéologiques recherchés dans le cadre d’un
trafic illicite
En tant qu’organisation internationale de police s’appuyant sur un réseau de 190 pays
membres – parmi lesquels l’Irak et la Syrie –, INTERPOL a incontestablement un rôle à
jouer dans la lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques sortis illégalement d’Irak
et de Syrie. À cette fin, l’apport principal de l’organisation réside dans son importante
base de données, rassemblant des informations sur environ 49 000 biens culturels volés139,
parmi lesquels de nombreux biens archéologiques provenant d’Irak et de Syrie,
notamment volés par l’EI. Ainsi, à côté des indices fournis par les Listes Rouges
d’urgence de l’ICOM, la base de données mise en place par INTERPOL peut permettre
l’identification de nombreux biens archéologiques irakiens et syriens volés et recherchés
dans le cadre du trafic illicite engendré par les pillages de Daech.
Mise en place en 1995, la base de données d’INTERPOL sur les œuvres d’art volées
répertorie les biens culturels dont le vol a été officiellement rapporté à l’organisation par
137 Organisme de police français compétent en matière de vol et de recel de biens culturels. 138 Pour plus de détails, v. le site internet de l’ICOM www.icom.museum/programmes/lutte-contre-le-
trafic-illicite/listes-rouges. 139 Chiffre reflétant la situation au 1er septembre 2016 et fourni par INTERPOL sur son site
www.interpol.int.
68
un Etat membre. L’efficacité de cette base de données dans la lutte contre le trafic illicite
de biens culturels repose donc entièrement sur la coopération des pays membres de
l’organisation dont le patrimoine culturel a fait l’objet de vols de biens. Toutefois, cette
coopération peut être compromise dans le cas où les vols découlent de fouilles
archéologiques illicites. Dans cette hypothèse, il est, en effet, extrêmement difficile, voire
impossible, pour le pays qui en est victime d’avoir connaissance de la nature des biens
ainsi pillés et donc d’en rapporter le vol auprès d’INTERPOL140. Les biens
archéologiques volés en Syrie et en Irak dans le cadre des fouilles illicites que Daech a
autorisées par la délivrance de « licences » ont donc relativement peu de chances de
figurer dans cette base de données.
Néanmoins, dans le cas des biens archéologiques dont le vol a été signalé à
INTERPOL, ceux-ci figurent désormais dans la base de données de l’organisation.
Chacun des objets ainsi enregistré fait l’objet d’une description destinée à faciliter son
identification. Cette description obéit à la norme internationale Object ID141,
généralement utilisée pour décrire des biens culturels. Cette norme consiste à utiliser un
vocabulaire non technique dont la simplicité doit permettre de comprendre clairement les
caractéristiques de l’objet sans qu’il soit nécessaire, pour cela, d’être un spécialiste142. La
description d’un bien culturel dans la base de données d’INTERPOL doit ainsi rassembler
un certain nombre d’informations, à la fois concises et suffisamment précises pour que
l’identification du bien ne soulève pas de difficulté particulière143.
Une telle base de données offre des informations précieuses dans le cadre d’une
coopération internationale visant à retrouver des éléments pillés des patrimoines
archéologiques irakien et syrien. Avec cet instrument, INTERPOL contribue au soutien
des efforts sollicités par le Conseil de sécurité, dans le cadre de ses résolutions, en vue
d’endiguer le trafic illicite de biens culturels144. Grâce aux informations rassemblées par
140 En ce sens, v. la rubrique « Bases de données » sur le site d’INTERPOL www.interpol.int. 141 Object Identification. Norme créée en 1997 par le Getty Information Institute, programme relevant de
la fondation américaine J. Paul Getty Trust, dédiée à l’art. Ce programme n’existe plus depuis 1999. 142 Cf. Annexe V – Informations requises aux termes de la norme Object ID, p. 141. 143 Cf. Annexe VI – Exemple de fiche descriptive d’un bien archéologique syrien volé en 2015 enregistré
dans la base de données d’INTERPOL, p. 142. 144 La résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité et, avant elle, la résolution 1483 (2003) ont, en effet,
chacune été l’occasion pour le Conseil de reconnaître le rôle majeur d’INTERPOL dans la lutte contre le
trafic illicite de biens culturels, en appelant INTERPOL, parmi d’autres organisations internationales,
à « faciliter la mise en œuvre » des mesures prévues par ces résolutions en vue de lutter contre le trafic
illicite de biens culturels irakiens et syriens. Cf. Rés. 2199 (2015), par. 17 et Rés. 1483 (2003), par. 7.
69
INTERPOL, tous les acteurs de cette lutte contre le trafic illicite ont la possibilité
d’identifier plus facilement les biens archéologiques volés en Irak et en Syrie. En outre,
depuis 2009, cette base de données n’est plus seulement accessible au personnel de
douanes et professionnels du marché de l’art, mais également à certains particuliers
autorisés, à savoir principalement des collectionneurs privés susceptibles de se voir
proposer l’achat d’objets volés. Par ailleurs, les personnes ne disposant pas d’une
autorisation leur permettant de consulter l’ensemble de la base de données d’INTERPOL
peuvent néanmoins accéder à une partie de cette base de données. Or, parmi les
informations consultables par ces personnes, figurent notamment des biens irakiens et
syriens volés, ce qui traduit la volonté de l’organisation de sensibiliser le plus large public
possible au trafic de biens archéologiques irakiens et syriens et, ainsi, d’accroître les
chances de récupérer ces objets.
Enfin, il faut noter qu’INTERPOL publie chaque année, aux mois de juin et
décembre, une affiche présentant les biens culturels volés les plus recherchés, figurant,
par ailleurs, dans sa base de données. Il s’agit ainsi d’attirer l’attention plus
particulièrement sur certains des biens volés inscrits dans la base de données. Si la
publication d’une telle affiche se fait, en principe, à l’initiative d’INTERPOL, chaque
Etat membre a, néanmoins, la possibilité de requérir de l’organisation qu’elle publie une
affiche spéciale sur des biens ayant été volés sur son territoire. Face à une demande de
l’Irak en ce sens, INTERPOL a ainsi publié en 2015 une affiche mettant l’accent sur 94
objets volés au Musée de Mossoul durant l’année145. L’affiche est illustrée par les
photographies de six de ces biens archéologiques, les autres pouvant être consultés sur la
base de données par les utilisateurs autorisés.
Les informations ainsi recueillies par INTERPOL en vue de l’identification des biens
culturels volés ont montré leur utilité dans la lutte contre le trafic illicite de ces biens.
Depuis la création de la base de données, plus de 2 800 objets volés ont été retrouvés146.
En outre, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 1483 (2003) du Conseil de
sécurité, la base de données a permis de retrouver environ un quart des 2 700 biens
145 Cf. Annexe II, p. 137. 146 Cf. Fiche pratique « Œuvres d’art volées » établie par INTERPOL et disponible sur le site de
l’organisation www.interpol.int/fr/Criminalité/Œuvres-d’art.
70
culturels irakiens qui y sont enregistrés147. Cette base de données est donc amenée à jouer
un rôle fondamental dans la lutte contre la dispersion des patrimoines archéologiques
irakien et syrien.
La combinaison de la base de données d’INTERPOL et des Listes Rouges d’urgence
de l’ICOM est une première traduction technique des bases juridiques de la lutte contre
le trafic illicite des biens archéologiques irakiens et syriens pillés par Daech. Grâce à ces
outils indispensables, ont pu se mettre en place des techniques de coopération variées
visant à lutter contre le trafic illicite de biens culturels et qui sont d’une importance
cruciale en vue de l’identification et de l’interception des biens archéologiques volés en
Irak et en Syrie.
§2. Des techniques de coopération variées en vue de l’identification et de
l’interception des biens archéologiques faisant l’objet d’un trafic illicite
Si les outils d’identification des biens culturels volés mis en place au niveau
international sont la base de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, ils n’ont
d’utilité que pour autant qu’ils facilitent la coopération internationale entre les acteurs de
cette lutte. Avec le développement des Listes Rouges et de la base de données
d’INTERPOL, se sont ainsi mises en place des techniques de coopération variées grâce
auxquelles ont été facilitées l’identification et l’interception des biens culturels alimentant
un trafic illicite. Ces formes de coopération sont donc amenées à jouer un rôle majeur
dans la lutte contre la dispersion des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie. Cette
lutte peut ainsi compter, en premier lieu, sur le renforcement de la coopération des
services de douanes (A). Toutefois, le rôle actif du personnel de douanes ne peut occulter
la nécessité d’une coopération accrue des principaux acteurs du marché de l’art (B).
A- Le renforcement de la coopération des services de douanes
Les services de douanes sont sans doute les principaux acteurs de la lutte contre le
trafic de biens culturels. Leur efficacité en la matière est d’autant plus importante qu’une
147 Cf. « Le chef d’INTERPOL promet un soutien constant en faveur de la protection du patrimoine
culturel », communiqué du 28 avril 2015, disponible sur le site d’INTERPOL www.interpol.int.
71
véritable coopération douanière s’est organisée au niveau international depuis la seconde
moitié du XXème siècle, avec la création, en 1950, du Conseil de coopération douanière
(CCD)148. Si l’organisation s’est initialement développée dans le cadre européen,
l’augmentation considérable du nombre de ses membres149 a conduit le CCD à prendre,
en 1994, sa dénomination actuelle – mais officieuse – d’Organisation mondiale des
douanes (OMD). Aujourd’hui, l’ampleur de la coopération douanière internationale
constitue un avantage de taille dans la lutte contre le trafic illicite de biens. Le
renforcement de cette coopération, sous l’impulsion de l’OMD, représente l’une des
meilleures chances de retrouver les biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie et ainsi
d’endiguer le trafic illicite qui en a suivi.
Face à l’ampleur de ces pillages, l’OMD est consciente du rôle qui est le sien dans la
lutte pour endiguer le trafic illicite de ces biens volés. Dans une résolution de juillet
2016150, l’organisation n’a ainsi pas manqué de rappeler les enjeux majeurs de la lutte
contre le trafic illicite de biens culturels, ainsi que la nécessité de renforcer la coopération
douanière afin de réagir efficacement face à l’augmentation de ce trafic. L’OMD y définit
donc clairement les lignes de la stratégie à adopter en vue de récupérer les biens
archéologiques volés en Irak et en Syrie et venus alimenter le trafic international de biens
culturels. La première partie de la résolution prend ainsi soin de rappeler que la
coopération douanière internationale dans la prévention du trafic illicite de biens culturels
s’inscrit totalement dans le sillage des principales bases juridiques en la matière, insistant
ainsi sur le fait que cette coopération se veut l’une des traductions pratiques de la
Convention de l’UNESCO de 1970, mais également des deux résolutions du Conseil de
sécurité, 2199 (2015) et 2253 (2015)151. Partant, le texte insiste sur le rôle central des
services de douanes, dans la mesure où les contrôles aux frontières internationales offrent
« toujours la meilleure opportunité d’intercepter les biens culturels volés »152.
148 Convention portant création d’un Conseil de coopération douanière, signée à Bruxelles, le 15 décembre
1950. Le CCD est entré en fonction le 26 janvier 1953. 149 Le CCD compte aujourd’hui 180 membres, intervenant dans la gestion de 98 % des échanges
commerciaux dans le monde. Chiffres disponibles sur le site internet de l’organisation www.wcoomd.org. 150 Résolution du Conseil de coopération douanière concernant le rôle de la douane dans la prévention du
trafic illicite de biens culturels, adoptée à Bruxelles, en juillet 2016. Disponible sur le site de l’OMD
www.wcoomd.org. 151 Alinéas 2 à 5 de la résolution. 152 Al. 10 de la résolution.
72
Sur la base de ces observations, la résolution s’attache ensuite à identifier les divers
outils de coopération internationale propres à endiguer le trafic illicite des biens
archéologiques irakiens et syriens, reflétant ainsi la stratégie mise en place par l’OMD en
vue d’intercepter ces biens.
C’est assez logiquement que le texte se réfère, en premier lieu, au certificat
d’exportation censé accompagner tout bien culturel en transit hors du territoire de son
pays d’origine. Il s’agit, en effet, d’une mesure centrale de la lutte contre le trafic illicite
de biens culturels, figurant, à ce titre, au rang des dispositions prévues à cet effet par la
Convention de l’UNESCO de 1970 (article 6)153. Si les Etats parties à la Convention sont
de fait tenus d’instituer un tel certificat, la résolution de l’OMD « encourage »154 plus
largement les services douaniers de tous ses Etats membres à se conformer à cette
pratique. Plus précisément, l’OMD appelle ses membres à établir ces certificats
« conformément au modèle de certificat d’exportation UNESCO-OMD »155. En effet, si
la plupart des pays dans le monde ont institué des certificats d’exportation, la majorité
d’entre eux utilise un formulaire d’exportation identique pour tous les biens susceptibles
d’être exportés, qu’il s’agisse de biens culturels ou de marchandises. Afin que soit
renforcé le contrôle, à l’exportation, de l’origine des biens culturels, mais aussi que soit
rendue possible une meilleure traçabilité de ces biens, l’UNESCO et l’OMD ont donc
élaboré conjointement un Modèle de certificat d’exportation de biens culturels156. Ce
Modèle se décline en cinq exemplaires qui doivent tous être remplis pour chaque bien
culturel exporté, chacun d’entre eux ayant une fonction spécifique157 : le premier
exemplaire consiste dans la demande d’exportation du bien en cause et doit être conservé
par l’autorité qui délivre le certificat ; le deuxième est un exemplaire du certificat qui doit
être conservé par la personne ayant formulé la demande d’exportation ; le troisième est
un exemplaire du certificat d’exportation conservé par l’autorité de délivrance du
certificat ; le quatrième est un exemplaire du certificat destiné aux autorités douanières
au moment de l’exportation du bien en cause ; enfin, le cinquième est un exemplaire du
certificat qui doit être présenté au moment de l’importation du bien dans un pays
153 Cf. supra, pp. 49-50. 154 Al. 14 de la résolution. 155 Ibid. 156 Disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-
cultural-property/legal-and-practical-instruments/unesco-wco-model-export-certificate. 157 Pour plus de détails sur la fonction de chaque exemplaire, v. les Notes explicatives attachées au Modèle
de certificat d’exportation de biens culturels, p. 1.
73
étranger158. En proposant ce Modèle, l’UNESCO et l’OMD aspirent à ce que le plus grand
nombre d’Etats possibles adoptent ce dispositif, dans sa totalité ou seulement en partie159,
afin que soit facilité le travail des autorités douanières dans l’interception des biens
culturels volés. Un accroissement du recours à ce Modèle de certificat au sein de la
communauté internationale œuvrerait, en effet, incontestablement en faveur de
l’identification et de l’interception des biens archéologiques volés en Irak et en Syrie.
La résolution évoque également un autre outil permettant une meilleure coopération
douanière internationale : ARCHEO160. Il s’agit d’un outil de communication en temps
réel permettant un échange d’informations entre services de lutte contre la fraude et
experts. L’expertise fournie par le biais de cette plateforme est un atout de plus dans la
lutte contre le trafic illicite de biens culturels, de nature à faciliter un peu plus encore
l’identification des biens volés.
Enfin, les efforts déployés par les Bureaux régionaux chargés de la liaison et du
renseignement (BRLR) sont, à juste titre, mentionnés dans la résolution161, en ce qu’ils
renforcent davantage encore les modalités d’échange d’information et œuvrent ainsi à une
meilleure coopération douanière internationale.
Ainsi organisés dans le cadre de l’OMD, les services douaniers sont appelés à jouer
un rôle de premier plan dans l’identification et l’interception des biens archéologiques
pillés par Daech en Irak et en Syrie. La résolution adoptée par l’Organisation en juillet
2016 révèle un renforcement de la coopération internationale entre ces services, traduisant
ainsi une volonté de mettre en œuvre efficacement les résolutions 2199 (2015) et 2253
(2015) du Conseil de sécurité. En outre, en signant le même mois un Protocole d’accord
avec la Smithsonian Institution162, en vue de la mise en place de programmes de formation
158 Cf. Annexe VII – Modèle de certificat d’exportation de biens culturels UNESCO-OMD : cinquième
exemplaire, pp. 143-144. Tous les exemplaires du Modèle de certificat d’exportation contiennent 21
rubriques, toutes identiques d’un exemplaire à l’autre, à l’exception de la rubrique 19 qui varie dans le
premier exemplaire, en ce qu’elle contient la formulation de la demande d’exportation (« Je demande par
la présente une autorisation d’exportation du bien culturel décrit ci-dessus et déclare que les renseignements
fournis dans la présente demande et dans tous les documents justificatifs joints sont exacts »). 159 En ce sens, v. les explications fournies par l’UNESCO sur la page de son site internet consacrée au
Modèle de certificat d’exportation UNESCO-OMD, www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-
trafficking-of-cultural-property/legal-and-practical-instruments/unesco-wco-model-export-certificate. 160 Al. 16. 161 Al. 18. 162 Memorandum of Understanding between the World Customs Organization and the Smithsonian
Institution, signé le 15 juillet 2016. Disponible (uniquement en anglais) sur le site de l’OMD
74
spécifique des agents des douanes chargés de la lutte contre le trafic illicite de biens
culturels, l’OMD a démontré son implication totale dans cette lutte ainsi que sa volonté
d’œuvrer efficacement à la récupération des biens archéologiques volés en Irak et en
Syrie.
Les services douaniers ne sont, toutefois, pas les seuls acteurs de la lutte contre le
trafic illicite des biens culturels. Le marché de l’art doit prendre également ses
responsabilités, en ce qu’il incarne l’étape ultime du trafic. À ce titre, la récupération des
biens archéologiques irakiens et syriens rend nécessaire une coopération accrue des
principaux acteurs du marché de l’art.
B- La nécessité d’une coopération accrue des principaux acteurs du marché
de l’art
Le renforcement de la coopération douanière internationale impulsé par l’OMD ne
rend pas moins nécessaire une coopération active des acteurs du marché de l’art. Le rôle
de ces derniers dans la récupération des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie est
crucial, dans la mesure où ils incarnent la dernière chance d’intercepter un bien culturel
volé qui aurait réussi à déjouer les contrôles à l’exportation et à l’importation163. Cette
prise de conscience conduit à une responsabilisation croissante des professionnels du
marché de l’art et de leurs acheteurs (a), à laquelle se joint l’appel à une plus grande
vigilance de la part des plateformes de vente sur Internet (b).
(a) La responsabilisation croissante des professionnels du marché de
l’art et de leurs acheteurs
Si les questions relatives à la responsabilité des professionnels du marché de l’art et
de leurs acheteurs relèvent avant tout de la législation nationale dans chaque Etat
concerné, elles n’ont pas pour autant été ignorées par les organisations internationales
www.wcoomd.org/fr/media/newsroom/2016/july/wco-steps-up-efforts-to-deter-the-illicit-trafficking-of-
cultural-objects. 163 Certains spécialistes estiment, en effet, que de nombreux biens archéologiques volés en Irak et en Syrie
ont pu déjouer des contrôles à l’exportation et à l’importation et ainsi transiter librement par des pays tels
que le Liban et la Turquie, tandis que d’autres ont pu éventuellement transiter par des ports francs, c’est-à-
dire des zones portuaires, maritimes ou aériennes non soumises à des contrôles douaniers, notamment à
Dubaï ou à Zurich. En ce sens, v. not. G. Schwarz, M. Roussey et C. Peguet, « Du Moyen-Orient à
l’Europe : un vaste trafic d’œuvres d’art », info.arte.tv/fr, 11 mars 2015.
75
compétentes en matière de protection du patrimoine culturel. Bien plus, la
responsabilisation de ces acteurs du marché de l’art est aujourd’hui appréhendée, au
niveau international, comme un enjeu majeur de la lutte contre le trafic illicite de biens
culturels. Cette prise en compte croissante du rôle des professionnels de ce marché et de
leurs acheteurs est d’autant plus évidente dans le contexte actuel né du pillage massif des
patrimoines archéologiques irakien et syrien.
L’implication des marchands d’art et de leurs acheteurs dans la lutte internationale
contre le trafic illicite de biens archéologiques irakiens et syriens repose notamment sur
des instruments préexistants adoptés dans le cadre de l’UNESCO et de l’ICOM.
Dès 1999, l’UNESCO a été à l’origine d’un Code international de déontologie pour
les négociants en biens culturels164. En adoptant ce code, les négociants « acceptent d'être
liés par les principes de pratique professionnelle [énoncés dans le Code], destinés à
permettre de distinguer les biens culturels ressortissant au commerce illicite de ceux qui
ressortissent au commerce licite »165, dans l’optique « d’éliminer les premiers de leurs
activités professionnelles »166. En mettant au point ce cadre pour les marchands d’art,
l’UNESCO n’a pas adopté un instrument contraignant, mais en appelle à la bonne volonté
de ces derniers en vue de coopérer avec tous les autres acteurs de la lutte contre le trafic
de biens culturels. Cette coopération attendue de la part des professionnels du marché de
l’art repose sur l’idée que ces derniers acceptent d’assumer leurs responsabilités dans les
ventes qu’ils organisent et donc s’engagent notamment à ce que ce soient menées des
« enquêtes rigoureuses » en cas d’« infractions au présent code de déontologie »167.
Cette tendance à la responsabilisation des acteurs du marché de l’art existait déjà du
côté des acheteurs, notamment les musées. En témoigne l’adoption par l’ICOM, en 1986,
d’un Code de déontologie, modifié en 2001 pour prendre le titre de Code de déontologie
de l’ICOM pour les musées168. L’adhésion d’un musée à l’ICOM implique l’acceptation
164 Code international de déontologie de l’UNESCO pour les négociants en biens culturels, adopté par le
Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d'origine ou de leur
restitution en cas d'appropriation illégale lors de sa dixième session, en janvier 1999, et approuvé par la 30e
Conférence générale de l'UNESCO, en novembre 1999. Disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/legal-and-practical-instruments. 165 Al. 2 du préambule du Code. 166 Ibid. 167 Article 8. 168 Le Code de déontologie de l’ICOM a été adopté par la 15e Assemblée générale de l’ICOM, à Buenos-
Aires, le 4 novembre 1986, puis modifié par la 20e Assemblée générale, à Barcelone, le 6 juillet 2001 pour
prendre le titre de Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, avant d’être révisé par la 21e Assemblée
76
du Code par le musée en question. Ainsi, tout musée membre de l’Organisation est tenu
de respecter le principe 6.4 du Code, aux termes duquel :
« Les musées doivent s’abstenir d’acheter ou d’acquérir des biens culturels provenant de territoires occupés, et
respecter rigoureusement les lois et conventions qui régissent l’importation, l’exportation et le transfert de biens
culturels ou naturels ».
Par ce principe, l’ICOM attend de la communauté muséale qu’elle s’implique
activement dans la coopération internationale visant à endiguer le trafic de biens culturels
découlant de l’occupation d’un territoire. Cet outil de responsabilisation des musées ne
peut qu’avoir un impact favorable dans la lutte contre la dispersion des patrimoines
archéologiques irakien et syrien.
À côté de ces deux codes préexistants, il faut également mentionner les appels récents
lancés non seulement par l’UNESCO, mais également par l’Assemblée générale de
l’ONU à une responsabilisation accrue des acteurs du marché de l’art dans la lutte contre
le trafic illicite de biens irakiens et syriens.
Le 28 mai 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a ainsi adopté une
résolution 69/281 sur la « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Iraq », par laquelle elle :
« Exhorte tous les Etats membres à prendre des mesures appropriées pour s’assurer que tous les acteurs
intervenant dans le commerce de biens culturels, y compris, mais sans s’y limiter, les maisons de vente aux
enchères, les marchands d’œuvres d’art, les collectionneurs et les conservateurs de musées, sont tenus de fournir
des documents permettant de vérifier les provenances des objets, ainsi que des certificats d’exportation pour tous
les biens culturels importés, exportés ou mis en vente […] »169.
Une fois encore, est rappelée l’importance cruciale du contrôle de l’origine des biens
culturels, cette fois-ci au moment de leur vente. Les certificats d’exportation apparaissent,
une nouvelle fois, comme un outil indispensable de l’endiguement du trafic illicite de
biens culturels dont la pertinence est accrue par la situation d’urgence à laquelle doivent
faire face les patrimoines irakien et syrien.
De son côté, l’UNESCO assume toujours pleinement son rôle, tel qu’il a été rappelé
dans les résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité, en contribuant à
coordonner la coopération internationale au sein du milieu des professionnels du marché
générale, à Séoul, le 8 octobre 2004. Le Code est disponible sur le site de l’ICOM www.icom.museum/la-
vision/code-de-deontologie//L/2. 169 Résolution 69/281 « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Iraq », adoptée par l’Assemblée générale
des Nations Unies à sa 69e session, le 28 mai 2015, par. 12. Disponible sur le site des Nations Unies
www.un.org.
77
de l’art. En témoigne, notamment, une table ronde organisée au Siège de l’UNESCO le
30 mars 2016 sur le rôle du marché de l’art dans la lutte contre le trafic illicite de biens
culturels170.
De leur côté, d’importantes maisons de vente aux enchères ont assuré de leur pleine
coopération face au trafic illicite des biens archéologiques irakiens et syriens. C’est
notamment le cas de la maison de vente londonienne Christie’s Auction House, qui
affirmait, en juin 2015, être particulièrement vigilante vis-à-vis de l’origine des biens
culturels qu’elle met en vente, et travailler en étroite collaboration avec l’UNESCO et
INTERPOL171. Du côté français, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques (CVV), autorité de régulation des ventes volontaires aux enchères,
s’est associé à l’UNESCO pour appeler les professionnels du marché de l’art à une plus
grande vigilance dans l’identification des biens culturels qu’ils sont amenés à mettre en
vente172.
Au regard de ces observations, la responsabilisation accrue des professionnels du
marché de l’art et de leurs acheteurs ne peut que contribuer à une plus grande efficacité
de la lutte internationale contre la dispersion des patrimoines archéologiques irakien et
syrien du fait du trafic illicite. Toutefois, pour être véritablement efficace, elle devrait
également inclure les sites de vente sur Internet, particulièrement prisés par les
trafiquants. Il est donc logique que les exigences manifestées, au niveau international, à
l’égard du marché de l’art s’accompagnent, comme c’est de plus en plus le cas, d’un appel
à une plus grande vigilance de la part des plateformes de vente sur Internet.
170 Cf. « La circulation des biens culturels en 2016 : réglementation, coopération internationale et diligence
des professionnels au service de la protection du patrimoine culturel », communiqué de l’UNESCO du 30
mars 2016, disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org. 171 Cf. L. Daftari, « Facebook Purges Pages Offering Priceless ISIS Plunder for Sale », foxnews.com, 11
juin 2015. L’article reprend des propos tenus par l’attaché à la communication de la maison de vente, M. Sung-Hee Kim. 172 En ce sens, v. not. le message adressé conjointement par l’UNESCO et le CVV aux professionnels du
marché de l’art en octobre 2015. Disponible sur le site internet de l’UNESCO
www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property.
78
(b) L’appel à une plus grande vigilance de la part des plateformes de
vente sur Internet
Avec le développement considérable d’Internet depuis la fin des années 1990, les
plateformes de vente en ligne sont devenues d’importants lieux de revente de biens
culturels et notamment archéologiques. Elles sont également devenues un outil privilégié
des trafiquants qui cherchent à vendre des biens archéologiques volés ou illicitement
exportés depuis le territoire de leur Etat d’origine. À ce titre, le contrôle de ces
plateformes est devenu un enjeu majeur de la lutte contre le trafic illicite de biens
culturels, amplifié par le contexte actuel de dispersion des biens archéologiques volés en
Irak et en Syrie.
L’UNESCO, INTERPOL et l’ICOM ont travaillé ensemble à l’élaboration en 2006
d’une liste de Mesures élémentaires concernant les objets culturels mis en vente sur
Internet. Proposées aux Etats, ces lignes directrices présentent les principales techniques
permettant de renforcer la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, afin que celui-ci
ne prenne pas son essor dans le cadre de la vente sur Internet.
Parmi les mesures proposées par le document, figure l’encouragement des
plateformes de vente en ligne à publier, sur leur site, un avertissement concernant les
ventes d’objets culturels qui seraient susceptibles d’avoir lieu sur cette plateforme :
« S’agissant des objets culturels mis en vente, il est conseillé à l’acheteur avant toute transaction de : (i) vérifier
et demander que soit vérifiée la provenance licite de l’objet, y compris les documents attestant la légalité de
l’exportation (et éventuellement celle de l’importation) de l’objet susceptible d’avoir été importé ; (ii) demander
au vendeur de prouver qu’il est le propriétaire légitime de l’objet. En cas de doute, l’acheteur est invité à s’adresser
en premier lieu aux autorités du pays d’origine et à INTERPOL, et éventuellement à l’UNESCO ou à l’ICOM »173.
Si elles mentionnaient cet avertissement, les plateformes de vente sur Internet
rappelleraient clairement les responsabilités de tous ceux qui prennent part à des ventes
de biens culturels en ligne. Cependant, force est de constater que cet avertissement ne
figure sur aucun site Internet de vente en ligne174. Même sur les sites de pays qui se
conforment aux Mesures élémentaires, en rappelant notamment l’importance de joindre
à tout bien culturel mis en vente des documents attestant de leur origine, aucune mention
173 Mesure 1. 174 En ce sens, v. not. N. Brodie, « The Internet Market in Antiquities », in Countering Illicit Traffic…,
préc., p. 18.
79
n’est jamais faite de l’avertissement, notamment de la nécessité de contacter les autorités
compétentes en cas de doute175.
À l’heure où la coopération de tous les acteurs du marché de l’art est d’une
importance majeure dans la lutte contre le trafic illicite touchant les biens archéologiques
volés par Daech en Irak et en Syrie, les réticences des sites Internet de vente en ligne à
s’impliquer entièrement dans cette lutte constituent un obstacle sérieux à la récupération
des biens irakiens et syriens. C’est d’ailleurs sans doute face au constat de cette
défaillance dans la coopération existant aujourd’hui de la part des plateformes de vente
sur Internet qu’INTERPOL martèle l’importance des signalements susceptibles d’être
fournis par ces sites dès lors qu’il existe un doute quant à la provenance d’un bien culturel
mis en vente176. Dans le même esprit, l’Assemblée générale des Nations Unies n’a pas
manqué de souligner l’importance du contrôle des certificats d’exportation attachés aux
biens culturels mis en vente « y compris sur Internet »177.
Alors que les professionnels du marché donnent de plus en plus des témoignages de
leur implication réelle dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, le manque
de coopération des sites de vente sur Internet ternit le tableau général de la coopération
existant au niveau du marché de l’art. Il faut espérer que la dispersion sans précédent des
patrimoines archéologiques irakien et syrien incite ces acteurs à part entière du marché
de l’art à prendre une part plus active dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.
*
Face au désastre culturel survenu en Irak et en Syrie du fait de l’EI, les réponses à
l’urgence de la situation n’ont pas été homogènes. Alors que les destructions massives
commises par le groupe terroriste pendant des mois n’ont eu, en face d’elles, qu’une
communauté internationale qui semblait paralysée et incapable de réagir, les bases d’une
175 Ibid., pp. 17-18. 176 En ce sens, v. not., « Le chef d’INTERPOL promet un soutien constant en faveur de la protection du
patrimoine culturel », communiqué préc. 177 Rés. 69/281 préc., par. 12.
80
réelle coopération internationale ont été rapidement posées en vue d’identifier et
d’intercepter les biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie.
Il est quelque peu malheureux de devoir ainsi admettre qu’une véritable coopération
interétatique en matière de protection des biens culturels semble conditionnée par
l’existence d’un lien entre cette protection et d’autres enjeux des relations internationales.
À cet égard, c’est le souci de tarir l’une des sources de financement de Daech qui a fondé
les dispositions des résolutions 2199 (2015) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité
relatives au trafic illicite de biens culturels et, partant le renforcement des modalités de
coopération soutenu par les efforts d’INTERPOL ou encore de l’OMD. En comparaison,
il est certain que le sauvetage armé des patrimoines archéologiques irakien et syrien
n’aurait eu d’autres motivations que le souci de préserver l’héritage commun de
l’humanité. Les Etats se sont alors montrés moins prompts à mobiliser les bases juridiques
internationales susceptibles de fonder une telle intervention.
En fin de compte, l’urgence de la situation irako-syrienne appelait et appelle encore
aujourd’hui des réponses qui peuvent toutes être appréhendées dans le cadre du droit
international, même si, parfois, une certaine souplesse a pu être nécessaire dans
l’interprétation des règles pertinentes. Il s’avère ainsi que le défaut de coopération
internationale en la matière n’est pas le fait d’insuffisances de la part du droit
international, mais bien de la frilosité des Etats à mobiliser les instruments que celui-ci
leur offre.
À cet égard, la sauvegarde des patrimoines archéologiques, en Irak et en Syrie, mais
également à travers le monde, appellera à une plus grande audace de la part des Etats dans
la mise en œuvre des moyens juridiques disponibles en la matière.
81
DEUXIÈME PARTIE
LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR
SAUVEGARDER UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE
FRAGILISÉ
82
Alors que la menace djihadiste pesant sur les patrimoines archéologiques irakien et
syrien semble s’alléger de plus en plus à mesure que le groupe terroriste recule sous les
assauts des forces irakiennes et syriennes, commence à se poser la question de l’avenir
de ces patrimoines fragilisés par les destructions et les pillages dont ils ont été victimes.
Après avoir analysé les moyens offerts par le droit international pour lutter en urgence
contre les menaces pesant sur ces patrimoines, il s’agit donc désormais de rechercher ceux
susceptibles d’offrir un cadre à la sauvegarde de ces vestiges meurtris, afin que les années
à venir n’offrent plus jamais le spectacle d’une sauvagerie obscurantiste à l’encontre d’un
patrimoine culturel.
La tâche de sauvegarder les patrimoines irakien et syrien ne saurait reposer sur les
seules épaules de ces deux pays. Parce qu’ont été atteints des vestiges de l’histoire
commune de l’humanité, il incombe à la communauté internationale de participer à la
construction d’un avenir plus sûr pour ces deux patrimoines archéologiques mutilés. Une
telle entreprise implique de poser des bases solides sur lesquelles faire reposer les moyens
d’une protection restaurée et renforcée du patrimoine, non seulement en Irak et en Syrie,
mais également dans le monde. L’expérience irako-syrienne doit servir d’alarme sur les
menaces qui pèsent sur tout patrimoine archéologique et ainsi susciter une réaction de la
part de la communauté internationale qui soit de nature à assurer la préservation future de
chacun de ces patrimoines.
Garantir un avenir plus sûr pour les patrimoines archéologiques qui font la richesse
des peuples à travers le monde suppose notamment de montrer que les atteintes portées à
leur encontre ne resteront pas impunies. Comment, en effet, prétendre œuvrer à la
préservation d’un patrimoine si les auteurs des violences qui lui sont faites ne sont pas
poursuivis ? L’avenir des patrimoines archéologiques, en Irak, en Syrie ou ailleurs, ne
peut se construire que sur une répression, volontaire et efficace, des atteintes commises
par l’EI, ainsi que sur l’affirmation de ce que toute autre atteinte, à l’avenir, ne saurait
échapper à des poursuites. Or, quel meilleur moyen de poursuivre les responsables
d’atteintes à l’encontre de l’héritage commun de l’humanité qu’une répression organisée
au niveau international ? Il convient donc de rechercher, en premier lieu, les moyens
offerts par le droit international en vue d’une répression efficace des atteintes portées au
patrimoine archéologique en Irak et en Syrie (chapitre 1er).
83
Une fois ce cadre répressif défini, il devient alors possible d’envisager les modalités
d’une meilleure préservation des patrimoines archéologiques irakien et syrien. Les
destructions et les pillages perpétrés par Daech à l’encontre de ces patrimoines doivent
non seulement faire réagir les gouvernements de Syrie et d’Irak sur la nécessité d’utiliser
tous les moyens à leur disposition pour prévenir de nouvelles atteintes, mais également la
communauté internationale sur des façons de les aider dans cette entreprise. Cette action
commune est indispensable si l’Irak et la Syrie envisagent de restaurer leurs patrimoines
meurtris et de récupérer les richesses pillées par l’EI et parties alimenter le trafic illicite
de biens culturels.
Qu’il s’agisse d’améliorer la prévention des menaces susceptibles de peser sur ces
patrimoines archéologiques ou d’œuvrer en faveur de la restauration et de la
reconstitution de ces derniers, le droit international est, là encore, susceptible d’offrir les
bases juridiques de l’avenir du patrimoine archéologique d’Irak et de Syrie (chapitre 2).
84
Chapitre 1er
Les moyens juridiques d’une répression efficace des atteintes portées au
patrimoine archéologique en Irak et en Syrie
La poursuite des auteurs des atteintes commises à l’encontre des patrimoines
archéologiques irakien et syrien aurait incontestablement un impact bien plus fort si elle
était organisée au niveau international. L’humanité ayant perdu une part de son
patrimoine commun, il serait, en effet, logique d’espérer de cette répression qu’elle ait
une résonnance internationale. Partant, il convient de chercher dans le droit international
les bases de la concrétisation de cette aspiration.
Une telle répression implique de trouver des bases juridiques qui non seulement
assurent une incrimination des actes commis par Daech en Irak et en Syrie, mais
permettent également d’envisager des peines adéquates, c’est-à-dire proportionnées aux
actes incriminés. À cet égard, une analyse du droit international révèle que celui-ci recèle
de nombreuses règles propres à rendre possible ce double objectif. En témoigne, tout
d’abord, la possibilité d’une répression internationale des destructions du patrimoine
archéologique (SECTION I). Si cette possibilité revêt un intérêt majeur, elle ne doit pas
conduire à occulter la question de la répression en droit international du pillage et du trafic
illicite touchant le patrimoine archéologique (SECTION II).
SECTION I : LA POSSIBILITÉ D’UNE RÉPRESSION INTERNATIONALE DES
DESTRUCTIONS DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE
Les destructions intentionnelles de sites archéologiques par l’EI en Irak et en Syrie
sont certainement les atteintes les plus marquantes commises à l’encontre des patrimoines
de ces deux pays. La sauvagerie avec laquelle les djihadistes se sont acharnés à détruire
ce qui ne pouvait être pillé a d’autant plus choqué la communauté internationale qu’elle
a été mise en scène de façon à ce que les images de ces destructions fassent le tour du
monde. En outre, là où les pillages alimentant le trafic illicite de biens culturels laissent
l’espoir que soient un jour retrouvés les biens volés, les destructions ont causé la perte
définitive de richesses d’une valeur inestimable. Face au spectacle des ruines qui jonchent
85
aujourd’hui le sol de nombreux sites archéologiques d’Irak et de Syrie, là où s’élevaient
auparavant des édifices qui avaient réussi à traverser les siècles, il est légitime de
souhaiter que les auteurs de ces actes de vandalisme soient poursuivis et jugés. Or, si cette
idée semble s’imposer avec une force particulière après les événements qui se sont
déroulés en Irak et en Syrie, elle n’est pas nouvelle en droit international. En effet, s’il est
aujourd’hui possible d’envisager une répression internationale des destructions
intentionnelles de vestiges archéologiques, cette possibilité découle d’une préoccupation
ancienne du droit international envers la nécessité d’interdire et de poursuivre de telles
destructions commises dans le cadre d’un conflit armé.
Le Règlement de La Haye de 1907178 constitue, à cet égard, le premier texte de droit
international exprimant véritablement l’idée que la destruction intentionnelle de biens
culturels doit être poursuivie. L’article 56, al. 2 du Règlement dispose, en effet :
« Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements179, de monuments
historiques, d’œuvres d’art et de science, est interdite et doit être poursuivie ».
Si l’obligation de poursuite énoncée dans cette disposition reste assez vague, elle n’en
constitue pas moins un premier pas vers une criminalisation internationale des
destructions intentionnelles d’éléments d’un patrimoine culturel180. Cette impression a
d’ailleurs été confirmée, en 1939, lorsque le Tribunal militaire international de
Nuremberg a présenté les dispositions du Règlement de 1907 comme contenant des règles
« admises par tous les Etats civilisés et regardées par eux comme l’expression, codifiée,
des lois et coutumes de la guerre »181.
L’adoption, le 14 mai 1954, de la Convention de La Haye pour la protection des biens
culturels en cas de conflit armé confirme et approfondit la tendance initiée par le
Règlement de 1907. L’article 28 de la Convention, s’il est l’unique disposition relative
aux sanctions des violations du traité, n’en énonce pas moins un principe de responsabilité
178 Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, annexé à la Convention (IV) concernant
les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18 octobre 1907. 179 Référence faite aux « établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l’instruction, aux arts et aux
sciences » mentionnés à l’art. 56, al. 1er du Règlement. 180 En ce sens, v. not., V. Mainetti, « Des crimes contre le patrimoine culturel ? Réflexions à propos de la
criminalisation internationale des atteintes aux biens culturels », rapport présenté le 15 mai 2004 à la
Société européenne de droit international, p. 2. Disponible sur le site www.esil-sedi.eu. 181 Extrait du Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg
14 novembre 1945 – 1er octobre 1946, vol. I, cité dans J. Toman, op. cit., p. 27.
86
pénale individuelle. Se faisant ainsi plus précis que la vague référence du Règlement de
La Haye à l’incrimination des actes de destructions intentionnelles de biens culturels,
l’article 28 de la Convention dispose :
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à prendre, dans le cadre de leur système de droit pénal, toutes
mesures nécessaires pour que soient recherchées et frappées de sanctions pénales ou disciplinaires les personnes,
quelle que soit leur nationalité, qui ont commis ou donné l’ordre de commettre une infraction à la présente
Convention ».
Malgré l’avancée réalisée par la Convention de La Haye par rapport au Règlement de
1907, le chemin vers une répression internationale des destructions intentionnelles de
biens culturels est encore long. En effet, les précisions apportées par la Convention de
1954 restent insuffisantes, ne serait-ce que parce qu’elles n’imposent pas aux Etats parties
de poursuivre et de sanctionner les auteurs de telles destructions, mais leur imposent
simplement de prendre « toutes les mesures nécessaires » à de telles poursuites et
sanctions. En outre, la répression ainsi prévue par la Convention reste entièrement
nationale, dans la mesure où l’article 28 n’énonce aucune infraction internationale. La
définition des infractions et, a fortiori, des peines adéquates relève entièrement des Etats
parties, « dans le cadre de leur système de droit pénal ».
À cet égard, un tournant important s’opère avec l’adoption du Premier Protocole
additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, le 8 juin 1977182. Ne se
contentant pas d’interdire un certain nombre d’actes conduisant à la destruction ou à
l’endommagement de biens culturels dans le cadre d’un conflit armé183, le Protocole
identifie une liste d’infractions graves dans son article 85. Parmi celles-ci, sont
mentionnés des actes de vandalisme commis intentionnellement à l’encontre du
patrimoine culturel, à savoir :
« le fait de diriger des attaques contre les monuments historiques, les œuvres d'art ou les lieux de culte clairement
reconnus qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et auxquels une protection spéciale a été
accordée en vertu d'un arrangement particulier, par exemple dans le cadre d'une organisation internationale
compétente, provoquant ainsi leur destruction sur une grande échelle, alors qu'il n'existe aucune preuve de
182 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, 8 juin 1977. 183 Cf. art. 53 : « Sans préjudice des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la
protection des biens culturels en cas de conflit armé et d’autres instruments internationaux pertinents, il est
interdit : a) de commettre tout acte d’hostilité dirigé contre les monuments historiques, les œuvres d’art ou
les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples ; b) d’utiliser ces biens à
l’appui de l’effort militaire ; c) de faire de ces biens l’objet de représailles ».
87
violation par la Partie adverse de l'article 53, alinéa b, et que les monuments historiques, œuvres d'art et lieux de
culte en question ne sont pas situés à proximité immédiate d'objectifs militaires »184.
En outre, le Protocole précise que ces infractions graves « sont considérées comme
des crimes de guerre »185. À côté de la relative timidité du Règlement de 1907 et de la
Convention de La Haye de 1954, qui laissaient une considérable marge de manœuvre aux
Etats dans la qualification pénale des actes de vandalisme commis à l’encontre du
patrimoine culturel, le Protocole I de 1977 constitue une avancée considérable dans la
mise en place d’une répression internationale des destructions intentionnelles d’éléments
du patrimoine culturel. Certes, les poursuites en la matière relèvent alors toujours des
juridictions étatiques, mais ces destructions intentionnelles reçoivent désormais une
qualification pénale internationale et les Etats parties ont l’obligation de poursuivre de
tels actes.
La création des TPI par résolutions du Conseil de sécurité186, puis de la CPI avec
l’adoption du Statut de Rome en 1998187 ont parachevé cette évolution vers une répression
internationale des destructions intentionnelles d’éléments du patrimoine culturel. En
définissant les contours d’une responsabilité pénale individuelle au niveau international,
les statuts de ces différentes juridictions ont défini les infractions relevant de la
compétence des TPI et de la CPI, incluant dans ces dernières les destructions
intentionnelles de biens culturels. Aujourd’hui, les actes de vandalisme commis par l’EI
peuvent recevoir une qualification pénale internationale afin que leurs auteurs fassent
l’objet de poursuites devant la juridiction pénale internationale permanente qu’est la CPI.
Du reste, en termes de compétences de la Cour, celle-ci peut exercer sa compétence
dès lors que « [l]’Etat sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu »188 et/ou
« [l]’Etat dont la personne accusée du crime est un ressortissant »189 est/sont parties au
Statut de Rome ou a/ont accepté la compétence de la Cour. Dans le cas de l’Irak et de la
Syrie, qui ne sont pas parties au Statut de Rome, la CPI pourrait donc être compétente
dans l’hypothèse où seraient interpelés des djihadistes ayant la nationalité d’un Etat partie
184 Art. 85, par. 4 d). 185 Art. 85, par. 5. 186 Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, adopté le 25 mai 1993, par la résolution
827 (1993) du Conseil de sécurité, à sa 3217e séance ; Statut du Tribunal pénal international pour le
Rwanda, adopté le 8 novembre 1994, par la résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité, à sa 3453e séance. 187 Statut de la Cour pénale internationale, Rome, 17 juillet 1998. 188 Art. 12 (2) (a). 189 Art. 12 (2) (b).
88
au Statut. Cette éventualité est tout à fait envisageable, dans la mesure où de nombreux
« soldats » de Daech se sont avérés être des ressortissants d’Etats européens, qui sont
pratiquement tous parties au Statut de Rome. Pour ce qui est de la saisine de la Cour, il
est tout à fait envisageable que des Etats parties au Statut dont les ressortissants ont
commis des destructions intentionnelles d’éléments des patrimoines archéologiques
irakien et syrien acceptent, dans l’éventualité de leur interpellation, de renvoyer ces
situations à la CPI, comme le prévoit l’article 14 du Statut.
Ainsi, les destructions perpétrées intentionnellement à l’encontre des patrimoines
archéologiques irakien et syrien peuvent faire l’objet d’une répression internationale
susceptible d’être fondée sur des qualifications pénales variées (§1), laissant entrevoir la
possibilité de peines adéquates (§2).
§1. Une répression internationale susceptible d’être fondée sur des qualifications
pénales variées
Aux termes du Statut de la CPI, la destruction intentionnelle de biens culturels reçoit
la qualification avérée, mais contraignante de crime de guerre (A). Néanmoins, l’ampleur
des destructions commises en Irak et en Syrie ainsi que les motivations idéologiques
incontestables des djihadistes qui les ont perpétrées invitent à s’interroger sur la
possibilité d’appliquer à de tels actes d’autres qualifications pénales prévues par le Statut
de Rome. Avec l’idée que cela pourrait éventuellement induire des peines plus sévères, il
convient de s’interroger également sur la possibilité d’autres qualifications pénales
internationales (B).
A- La qualification avérée mais contraignante de crime de guerre
L’incrimination des crimes de guerre découle de l’article 8 du Statut de Rome.
L’article identifie quatre catégories d’actes recevant cette qualification, en distinguant
selon qu’ils ont été commis dans un conflit armé international ou interne190. Néanmoins,
190 En considérant ainsi qu’un crime de guerre peut également être commis dans le cadre d’un conflit armé
interne, l’article 8 du Statut de Rome fait sienne la solution retenue par le TPIY, dans le cadre de l’affaire
Tadić, à l’occasion de l’arrêt rendu le 2 octobre 1995 (TPIY, arrêt préc., par. 102), qui confirmait ainsi la
position déjà tenue par la CIJ dans l’affaire Nicaragua (CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires
89
quelles que soient les circonstances de leur commission, tous les actes susceptibles de
recevoir la qualification de crimes de guerre aux termes de l’article 8 « s’inscrivent dans
le cadre d’un plan ou d’une politique ou […] font partie d’une série de crimes analogues
commis sur une grande échelle »191. D’emblée, cette précision semble s’appliquer
parfaitement aux actes commis par l’EI en Irak et en Syrie à l’encontre du patrimoine
archéologique, en ce que les destructions massives perpétrées sur place s’inscrivaient
complètement dans le cadre de l’idéologie fanatique de Daech, seule véritable politique
du groupe terroriste.
Parmi les différentes catégories d’actes identifiés par l’article 8 (2) comme
constituant des crimes de guerre, un type d’actes correspond plus particulièrement aux
destructions intentionnelles commises par l’EI, à savoir :
« [l]e fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement,
à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades
ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient pas des objectifs militaires »192.
Les destructions intentionnelles perpétrées par l’EI à l’encontre de sites
archéologiques irakiens et syriens peuvent incontestablement être assimilées à l’acte ainsi
désigné par le Statut de Rome comme constituant un crime de guerre. Outre le fait que
les sites en question peuvent incontestablement être assimilés à des « monuments
historiques », il est clair, par ailleurs, qu’ils ne constituaient pas des objectifs militaires193.
Toutefois, cette assimilation entre les actes commis par Daech et ceux décrits à
l’article 8 (2) du Statut de la CPI est loin d’être suffisante pour que les destructions
perpétrées par l’EI puissent être qualifiées de crimes de guerre en vertu du Statut de
Rome. Tout d’abord, l’article 8 ne peut être invoqué que dans le cas d’actes commis à
l’occasion d’un conflit armé. Par ailleurs, à cette condition première, s’en ajoutent deux
au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua c. Etats-Unis, Arrêt du 27 juin 1986, CIJ Recueil 1986, par.
128). 191 Art. 8 (1). 192 Art. 8 (2) (b) (ix) dans le cas d’un conflit armé international et art. 8 (2) (e) (iv) dans le cas d’un conflit
armé non international. 193 Il est utile de rappeler ici la définition d’« objectif militaire » donnée par le Deuxième Protocole relatif
à la Convention de La Haye de 1954, aux termes de laquelle un objectif militaire est « un objet qui, par sa
nature, son emplacement, sa destination ou son utilisation, apporte une contribution effective à l’action
militaire et dont la destruction totale et partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence un
avantage militaire précis » (Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la
protection des biens culturels en cas de conflit armé, La Haye, 26 mars 1999, art. 1er, par. f).
90
autres, comme cela ressort de la lecture des Éléments des crimes de la CPI194 – qui
« aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8 »195. Autrement dit, la
qualification de crime de guerre est une qualification systématiquement subordonnée à la
réunion de conditions strictes (a), lesquelles ont été réunies pour la première fois en
matière de destructions intentionnelles de biens culturels dans la récente affaire Ahmad
Al Faqi Al Mahdi (b).
(a) Une qualification systématiquement subordonnée à la réunion de
conditions strictes
Comme tout acte susceptible de recevoir la qualification de crime de guerre aux
termes de l’article 8 (2) du Statut de Rome, les destructions intentionnelles commises par
l’EI à l’encontre de sites archéologiques irakiens et syriens ne peuvent être reconnues par
la CPI comme étant des crimes de guerre que dans la mesure où elles ont été commises
dans les conditions prévues à cet article. Si la condition selon laquelle ces destructions
doivent être commises dans le cadre d’un conflit armé ressort logiquement de l’article
lui-même, les Éléments des crimes précisent non seulement qu’un tel comportement doit
être « associé à un conflit armé »196, international ou non, mais également que l’auteur
doit avoir eu « connaissance des circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit
armé »197.
Il est incontestable que la première condition de conflit armé est remplie dans le cas
des événements survenus en Irak et en Syrie du fait de l’EI. Les offensives armées menées
par le groupe terroriste sur chacun de ces deux territoires répondent, en effet, à la
définition du conflit armé telle qu’elle a été dégagée par le TPIY dans l’affaire Tadić, aux
termes de laquelle un tel conflit peut notamment se traduire par « un conflit armé prolongé
194 Éléments des crimes, tirés des Documents officiels de l’Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome
de la Cour pénale internationale, première session, New York, 3-10 septembre 2002, deuxième partie B
(publication des Nations Unies), révisés lors de la Conférence de révision de 2010 et repris dans les
Documents officiels de la Conférence de révision au Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
Kampala, 31 mai-11 juin 2010, publiés par la CPI en 2011. Disponibles sur le site de la CPI www.icc-
cpi.int. 195 Art. 9 (1) du Statut de Rome. 196 Éléments des crimes : « Article 8 2) b) ix) – Attaques contre des biens protégés », par. 4, p. 24 et « Article
8 2) e) iv) – Attaques contre des biens protégés », par. 4, p. 37. 197 Ibid., par. 5, p. 24 et par. 5, p. 37.
91
entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés »198. Le conflit
opposant l’EI – entité non étatique – aux forces armées irakiennes, d’une part, et aux
forces armées syriennes, d’autre part, constitue donc bien un conflit armé.
La seule question qui émerge quant à la nature du conflit en Irak et en Syrie est celle
qui consiste à se demander si, dans chacun de ces deux cas, le conflit armé est purement
interne ou s’il peut être qualifié d’international, dans la mesure où d’autres Etats que l’Irak
et la Syrie sont impliqués, sur les territoires de ces deux Etats, dans la lutte contre l’EI.
Force est d’admettre que la réponse à cette question n’a, en soi, aucune conséquence sur
la possibilité de retenir ou non la qualification de crime de guerre, puisque l’article 8 (2)
qualifie ainsi les destructions intentionnelles commises aussi bien dans le cadre d’un
conflit armé international – article 8 (2) (b) (ix) – qu’à l’occasion d’un conflit armé interne
– article 8 (2) (e) (iv). Néanmoins, si une disposition du Statut devait être retenue en cas
d’éventuelles poursuites devant la CPI, il serait sans doute plus simple de se référer au
seul article 8 (2) (e) (iv) applicable en cas de conflit armé non international, dans la
mesure où, à l’origine, le conflit en Irak et en Syrie présente une dimension purement
interne. En outre, malgré l’intervention ultérieure d’autres Etats, le conflit a continué
d’opposer un groupe armé, d’une part, à des entités étatiques, d’autre part, de sorte que la
nature internationale du conflit armé, tel qu’envisagé par le TPIY, est loin d’être
évidente199.
Par ailleurs, pour que les destructions commises intentionnellement par Daech
puissent être qualifiées de crime de guerre, il est également nécessaire que celles-ci aient
un lien avec le conflit armé qui se tenait alors en Irak et en Syrie200. Cette condition a
pour objectif de distinguer les crimes de guerre, relevant de la compétence de la CPI, des
crimes de droit commun, relevant de la seule compétence des juridictions nationales201.
La nature de ce lien a été précisée par la CPI à l’occasion des deux premières affaires
qu’elle a traitées, Lubanga et Katanga. La Cour a ainsi établi que, pour qu’un
comportement soit qualifié de crime de guerre, il « doit être étroitement lié aux hostilités
198 TPIY, Procureur c. Dusko Tadić, arrêt préc., par. 70. 199 Pour plus de détails sur les différents aspects permettant de distinguer les conflits armés internationaux
et non internationaux, v. not. M. Eudes, « Article 8 du Statut de Rome », in J. Fernandez et X. Pacreau
(dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Commentaire article par article, Paris, Pedone, t.
1, pp. 493-499. 200 Cf. supra, p. 88, note 190. 201 En ce sens, v. M Eudes, op. cit., p. 499.
92
se déroulant dans tout ou partie des territoires contrôlés par les parties au conflit »202, en
ce sens que « le conflit armé doit jouer un rôle substantiel dans la décision de l’auteur du
crime, dans la capacité de celui-ci de l’exécuter ou dans la manière dont le comportement
a finalement été commis »203. Parmi les indices permettant de conclure à un tel lien entre
le conflit et les actes incriminés, figurent notamment « le fait que l’auteur du crime est un
combattant, […] le fait que l’acte pourrait être considéré comme servant l’objectif ultime
d’une campagne militaire, et le fait que la commission du crime participe des fonctions
officielles de son auteur ou s’inscrit dans leur contexte »204.
Dans le cas des destructions commises par l’EI, il est incontestable que celles-ci ont
été commises par des combattants, quand bien même ces « soldats » de Daech ne relèvent
pas à proprement parler de forces armées régulières, mais d’un groupe terroriste. En
témoignent notamment les vidéos réalisées par le groupe terroriste mettant en scène des
djihadistes appliqués à détruire des vestiges sur des sites archéologiques. En outre, le fait
que ces destructions aient été mises en scène par Daech témoigne de ce qu’elles
s’inscrivent dans l’objectif général du combat mené par l’EI, à savoir l’affirmation, par
le groupe terroriste, d’une idéologie fanatique qui ne se s’accommode pas de vestiges
archéologiques qualifiés pour la plupart de symboles d’idolâtrie. Il est donc
raisonnablement possible de conclure que les destructions de sites archéologiques
irakiens et syriens étaient associées à un conflit armé, comme l’exigent les Éléments des
crimes.
Enfin, il est nécessaire, au titre d’une ultime condition, que les auteurs de ces
destructions intentionnelles aient eu « connaissance des circonstances de fait établissant
l’existence d’un conflit armé »205. En introduction du commentaire de l’article 8, les
Éléments des crimes précisent au sujet de cette condition :
« a) Il n’est pas nécessaire d’établir que l’auteur a déterminé sur le plan juridique l’existence d’un conflit armé ou
le caractère international ou non international du conflit ; […]
202 CPI, Situation en République Démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire
n° ICC-01/04-01/06, Décision sur la confirmation des charges, Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007,
par. 287 et CPI, Situation en République Démocratique du Congo, Le Procureur c. Germain Katanga et
Mathieu Ngudjolo Chui, affaire n° ICC‐01/04‐01/07, Décision sur la confirmation des charges, Chambre
préliminaire I, 30 septembre 2008, par. 380. 203 Ibid. 204 TPIY, Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic, affaire n° IT-96-23 et IT-
96-23/1-A, Arrêt du 12 juin 2002, Chambre d’appel, par. 59, cité dans CPI, Le Procureur c. Katanga, préc.,
par. 382. 205 Cf. Éléments des crimes : « Article 8 2) e) iv) … », par. 5 préc.
93
c) Il faut seulement que l’auteur ait eu la connaissance des circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit
armé […] ».
Au regard de ces précisions, qui imposent simplement que l’auteur des actes
incriminés ait eu conscience du contexte de conflit armé au moment de la commission
desdits actes, il semble difficile d’arguer de ce que les djihadistes de Daech à l’origine
des destructions n’avaient pas connaissance de telles circonstances traduisant un conflit
armé en Irak et en Syrie.
Après un examen des trois conditions exigées par la CPI pour qualifier un acte de
crime de guerre, il est incontestable que les destructions intentionnelles commises par les
djihadistes de l’EI contre les patrimoines archéologiques irakien et syrien remplissent ces
conditions. Dans l’éventualité où des djihadistes ayant perpétré de tels actes de
vandalisme seraient poursuivis devant la CPI, leur condamnation pour crime de guerre,
sur le fondement de l’article 8 (2) (e) (iv) du Statut de Rome, paraît assurée. La récente
affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi qui s’est déroulée devant la CPI semble d’ailleurs
confirmer cette impression. Pour la première fois depuis la création de la Cour, celle-ci a,
en effet, estimé que les conditions de l’article 8 (2) étaient réunies dans une affaire
impliquant des destructions intentionnelles de biens culturels.
(b) Des conditions réunies pour la première fois en matière de
destructions intentionnelles de biens culturels dans la récente affaire
Ahmad Al Faqi Al Mahdi
Le 26 septembre 2015, Ahmad Al Faqi Al Mahdi a été remis à la CPI à la suite d’un
mandat d’arrêt lancé contre lui par la Cour le 18 septembre. Al Mahdi était soupçonné
d’être l’auteur de crimes de guerre consistant en la destruction intentionnelle de neuf
mausolées et d’une mosquée, à Tombouctou, au Mali, entre le 30 juin et le 11 juillet 2012.
Le gouvernement malien ayant déféré la situation au Mali à la CPI, le 13 juillet 2012, la
Chambre préliminaire I a estimé, au regard des éléments mis à jour au cours de l’enquête
menée par le Bureau du Procureur, à partir du 16 janvier 2013, qu’il existait des charges
suffisantes à l’encontre de M. Al Mahdi pour que celui-ci comparaisse devant elle. Cette
affaire inédite a ainsi été l’occasion pour la CPI d’examiner des charges portant sur des
destructions intentionnelles de biens culturels et susceptibles, en vertu de l’article 8 (2)
94
de son Statut, de recevoir la qualification de crimes de guerre206. Examinée à l’aune des
destructions de sites archéologiques syriens et irakiens commises intentionnellement par
l’EI, cette affaire ouvre la voie à de possibles poursuites des djihadistes à l’origine d’actes
de vandalisme, sur le modèle de celles menées à l’encontre de M. Al Mahdi. À ce titre, la
décision de confirmation des charges contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi, rendue par la
Chambre préliminaire I le 24 mars 2016207, donne une illustration des charges qui
pourraient être retenues à l’encontre de djihadistes de Daech qui comparaîtraient
éventuellement devant la CPI.
Afin de pouvoir conclure à la commission, par M. Al Mahdi, de crimes de guerre
pour destructions intentionnelles de biens culturels, la Chambre préliminaire I vérifie
logiquement que sont réunies les conditions découlant de l’article 8 (2) du Statut de Rome,
telles qu’expliquées par les Éléments des crimes, auxquelles est subordonnée la
qualification de crime de guerre.
La Chambre conclut rapidement à l’existence d’un conflit armé au Mali, à partir de
janvier 2012, doublé d’une occupation de la ville de Tombouctou par des groupes armés
d’AQMI et du mouvement associé Ansar Dine, en précisant que ce conflit ne présente
pas un caractère international et qu’il était en cours au moment des faits incriminés208. La
Chambre confirme donc ainsi le premier critère de la qualification de crime de guerre et
inscrit l’examen des charges dans le cadre de l’article 8 (2) (e) (iv) du Statut de Rome,
invoqué en cas de conflit armé non international. En soulignant ensuite que les
destructions en cause ont touché des mausolées et une mosquée qui constituaient des
« bâtiments consacrés à la religion » et des « monuments historiques » qui n’étaient pas
des objectifs militaires, la Chambre estime que les actes auxquels a participé M. Al Mahdi
s’assimilent clairement à ceux condamnés par l’article 8 (2) (e) (iv)209. Enfin, la Chambre
estime que les destructions décidées et mises en œuvre par l’accusé s’inscrivaient
incontestablement dans les fonctions officielles de celui-ci, elles-mêmes définies dans le
206 Pour un exposé détaillé des étapes de la procédure dans cette affaire, v. not. « Fiche d’information sur
l’affaire Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, n° ICC-01/12-01/15 »,
disponible sur le site de la CPI www.icc-cpi.int. 207 CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqui Al Mahdi, affaire n° ICC-01/12-
01/15, Décision relative à la confirmation des charges, Chambre préliminaire I, 24 mars 2016, disponible
sur le site de la CPI www.icc-cpi.int. 208 Cf. par. 30-32. 209 Cf. par. 40-42.
95
contexte de conflit armé au Mali, de sorte que ces destructions présentaient bien un lien
avec le conflit en cours et que M. Al Mahdi avait clairement connaissance des
circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit armé210.
Compte tenu de la similitude des faits commis au Mali, d’une part, et en Irak et en
Syrie, d’autre part, il y a de fortes chances que, dans l’hypothèse où des djihadistes de
Daech comparaîtraient devant la CPI en tant qu’auteurs de destructions intentionnelles de
biens culturels, la Cour considère également qu’il y a eu violation de l’article 8 (2) (e)
(iv) de son Statut, comme elle l’a fait dans cette affaire.
Par ailleurs, la décision du 24 mars 2016 laisse entrevoir les différents modes de
responsabilité pénale individuelle qui pourraient être retenus à l’encontre des auteurs de
destructions intentionnelles de sites archéologiques en Irak et en Syrie. Dans le cas de M.
Al Mahdi, la Chambre se fonde sur les articles 25 (3) (a)211, 25 (3) (b)212, 25 (3) (c)213 et
25 (3) (d)214 du Statut de Rome pour préciser l’implication de l’accusé dans les
destructions commises au Mali. Dans le cas irako-syrien, les vidéos réalisées par Daech
des destructions commises par les djihadistes devraient aider à identifier le degré
d’implication des auteurs éventuellement poursuivis par la CPI.
Au regard de l’analyse de l’article 8 (2) du Statut de Rome, principalement son alinéa
(e) (iv), confirmée par l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, les destructions intentionnelles
de sites archéologiques en Irak et en Syrie par l’EI constituent manifestement des crimes
de guerre. Si des djihadistes auteurs de ces destructions venaient à comparaître devant la
CPI, celle-ci retiendrait, à n’en pas douter, la qualification de crimes de guerre à leur
égard. Ce raisonnement ne doit, toutefois, pas empêcher de s’interroger sur la possibilité
de retenir d’autres qualifications pénales à l’encontre de tels actes.
210 Cf. par. 45-57, spéc. par. 56. 211 L’auteur a commis le crime « individuellement, conjointement avec une autre personne ou par
l’intermédiaire d’une autre personne ». 212 L’auteur a « ordonn[é], sollicit[é] ou encourag[é] la commision » du crime. 213 L’auteur a apporté « son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la
tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ». 214 L’auteur a contribué « de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel
crime par un groupe de personnes agissant de concert », étant entendu que « [c]ette contribution doit être
intentionnelle ».
96
B- Interrogations sur la possibilité d’autres qualifications pénales
internationales
S’il est certain que les destructions intentionnelles commises par l’EI en Irak et en
Syrie constituent des crimes de guerre au regard de l’article 8 du Statut de Rome, il est
possible de se demander si d’autres qualifications pénales pourraient être retenues aux
termes du Statut de Rome. Ces interrogations ne sont pas dénuées d’intérêt si la possibilité
d’adjoindre au crime de guerre une autre qualification conduit à l’application de peines
plus lourdes pour leurs auteurs. Il convient ainsi de s’arrêter sur la qualification évoquée,
mais débattue de crime contre l’humanité (a), avant de s’intéresser à la qualification
contestée, mais envisageable de génocide culturel (b).
(a) La qualification évoquée mais débattue de crime contre l’humanité
La tentation est grande de vouloir qualifier spontanément de crimes contre l’humanité
les destructions intentionnelles de sites archéologiques qui traduisaient l’histoire
commune de l’humanité et qui appartenaient, pour certains d’entre eux, au Patrimoine
mondial de l’UNESCO. Toutefois, une lecture de l’article 7 du Statut de Rome consacré
au crime contre l’humanité révèle qu’il est assez difficile de trouver, parmi les actes
constitutifs d’un tel crime énumérés dans l’article, un comportement auquel pourraient
être assimilées ces destructions intentionnelles215. Néanmoins, la CPI pourrait
éventuellement interpréter souplement la notion de crime contre l’humanité, à l’image du
TPIY, pour inclure de telles destructions au rang des actes constitutifs de ce crime.
215 « Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après
lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population
civile et en connaissance de cette attaque : a) Meurtre ; b) Extermination ; c) Réduction en esclavage ; d)
Déportation ou transfert forcé de population ; e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de
liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; f) Torture ; g) Viol,
esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence
sexuelle de gravité comparable ; h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des
motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3,
ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la
Cour ; i) Disparitions forcées de personnes ; j) Crime d’apartheid ; k) Autres actes inhumains de caractère
analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique
ou à la santé physique ou mentale » (art. 7 (1) du Statut de Rome).
97
Si l’application de la qualification de crime contre l’humanité à des destructions
intentionnelles de biens culturels est aujourd’hui loin d’être évidente au regard des termes
de l’article 7 du Statut de la CPI, il en va également de même au regard de l’article 5 du
Statut du TPIY216. Néanmoins, le Tribunal s’est montré soucieux de réprimer de tels actes
de vandalisme, qu’il considère comme un crime constituant « une atteinte à des valeurs
spécialement protégées par la communauté internationale »217. À ce titre, il n’a pas hésité
à préciser les conditions auxquelles des destructions de biens culturels pourraient recevoir
la qualification de crimes contre l’humanité. Dans un jugement du 26 février 2009, le
TPIY a ainsi tenu le raisonnement suivant :
“Extrapolating from the Tribunal’s jurisprudence regarding the elements of Article 3(d) of the Statute, as well as
the jurisprudence dealing with destruction of property as an underlying offence of persecution as a crime against
humanity, the Trial Chamber finds that, in addition to the general requirements of crimes against humanity and
the specific requirements of persecution, the Prosecution must prove the actus reus and mens rea of wanton
destruction or damage of religious sites and cultural monuments, as a form of persecution, a crime against
humanity. The actus reus of this underlying offence is as follows: (a) the religious or cultural property must be
destroyed or damaged extensively; (b) the religious or cultural property must not be used for a military purpose
at the time of the act; and (c) the destruction or damage must be the result of an act directed against this property.
The mens rea required for the offence is that the physical perpetrator, intermediary perpetrator, or accused acted
with the intent to destroy or extensively damage the property in question, or in reckless disregard of the likelihood
of its destruction or damage”218.
Dans le cas des destructions de sites archéologiques irakiens et syriens par l’EI, les
conditions posées par le TPIY à la qualification de crime contre l’humanité semblent
remplies. Pour ce qui est de l’élément matériel, tout d’abord, les sites visés par Daech ont
soit été détruits complètement ou presque – par exemple, le site de Nimroud en Irak – soit
sérieusement endommagés – par exemple, le site de Palmyre en Syrie – ce qui remplit la
condition (a). Par ailleurs, ces sites n’étaient pas utilisés à des fins militaires – condition
(b) – et leur destruction ou les dommages qu’ils ont subis ont clairement résulté d’actes
qui leur étaient directement destinés – condition (c). Pour ce qui est de l’intention, il est
incontestable, là encore, que les djihadistes aient eu l’intention de détruire ou
d’endommager sérieusement les sites archéologiques concernés, comme en témoignent
les vidéos réalisées par Daech. Ainsi, au regard des conditions posées par le TPIY, qui
216 « Le Tribunal international est habilité à juger les personnes présumées responsables des crimes suivants
lorsqu’ils ont été commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre
une population civile quelle qu’elle soit : a) assassinat ; b) extermination ; c) réduction en esclavage ; d)
expulsion ; e) emprisonnement ; f) torture ; g) viol ; h) persécutions pour des raisons politiques, raciales et
religieuses ; i) autres actes inhumains ». 217 TPIY, Le Procureur c. Miodrag Jokić, affaire n° IT-01-42/1-S, Jugement portant condamnation,
Chambre de première instance I, 18 mars 2004, par. 46. Disponible sur le site du TPIY www.icty.org. 218 TPIY, Le Procureur c. Milan Milutinović, Nikola Šainović, Dragoljub Ojdanić, Nebojša Pavković,
Vladimir Lazarević, Sreten Lukić, affaire n° IT-05-87-T, Jugement, Chambre d’instance, 26 février 2009,
par. 206. Disponible (uniquement en anglais) sur le site du TPIY www.icty.org.
98
résultent d’une interprétation élargie de l’article 5 de son Statut, les destructions
commises par l’EI en Irak et en Syrie envers des sites archéologiques pourraient être
qualifiées de crimes contre l’humanité.
Néanmoins, l’application de cette qualification à des destructions intentionnelles de
biens culturels peut être débattue. À cet égard, il est possible de mentionner la Déclaration
de l’UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel du 17
octobre 2003219, qui ne fait aucune référence à la qualification de crime contre l’humanité,
préférant baser la compétence de la CPI sur son seul article 8 (2). Néanmoins, face à
l’ampleur des destructions commises en Irak et en Syrie, l’UNESCO à accueillir en son
Siège une réunion d’experts en novembre 2015 sur la « responsabilité de protéger »220. À
cette occasion, des recommandations ont été adoptées, dans lesquelles il est précisé que
« les actes de destruction intentionnelle et de détournement du patrimoine culturel
peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité »221.
En dépit des discussions qui peuvent exister, sur le plan doctrinal, quant à la
possibilité de qualifier ou non de telles destructions de crime contre l’humanité, la CPI
est libre de se montrer plus audacieuse, en s’inspirant de la jurisprudence du TPIY en la
matière. Certes, elle s’est abstenue de reproduire cette jurisprudence à l’occasion de la
confirmation des charges pesant sur Ahmad Al Faqi Al Mahdi. Toutefois, l’ampleur des
destructions commises en Irak et en Syrie, qui dépasse de loin celle des destructions
perpétrées au Mali, pourrait peut-être pousser la CPI à faire preuve de la même audace
que le TPIY et à accepter de qualifier de crimes contre l’humanité les destructions
commises par l’EI.
Loin d’être superflue, cette qualification aurait le mérite de reconnaître la violence et
l’ampleur sans précédent des destructions perpétrées en Irak et en Syrie à l’encontre
d’éléments du patrimoine commun de l’humanité. C’est dans cet esprit qu’il est
219 Déclaration de l’UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel, résolution
adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO à sa 32e session sur rapport de la Commission IV à la
21e séance plénière, le 17 octobre 2003, Actes de la Conférence générale, vol. 1, 2004, pp. 70-73.
Disponible sur le site de l’UNESCO www.unesco.org. 220 Réunion d’experts sur la « Responsabilité de protéger » et son application à la protection du patrimoine
culturel en cas de conflit armé, UNESCO, Paris, 26-27 novembre 2015. 221 Recommandations adoptées lors de la Réunion sur la « Responsabilité de protéger » et la protection du
patrimoine culturel, UNESCO, Paris, 27 novembre 2015, Préambule, par. 2. En ce sens, v. aussi le Rapport
final de la Réunion, UNESCO, Paris, 27 novembre 2015, par. 7, p. 2.
99
intéressant de s’interroger, en dernier lieu, sur la qualification contestée, mais
envisageable de génocide culturel.
(b) La qualification contestée mais envisageable de génocide culturel
Telle qu’appréhendée aujourd’hui par le droit international, la qualification de
génocide n’inclut pas de dimension culturelle. Autrement dit, en l’état actuel du droit
international, ne peuvent être réprimés, au titre du crime de génocide, des actes de
vandalisme à l’encontre d’un patrimoine culturel. Pourtant, au regard de l’ampleur et de
la sauvagerie des destructions de biens archéologiques irakiens et syriens par l’EI, il est
possible de s’interroger sur la possibilité de qualifier ces actes de crimes de génocide
culturel.
Premier texte international à définir et à condamner le crime de génocide, la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide222 a clairement exclu
l’idée de réprimer, au titre de ce crime, des actes de vandalisme à l’encontre du patrimoine
culturel223. Sur la base de ce modèle, il en a été de même par la suite des statuts des TPIY
et TPIR224, ainsi que du Statut de Rome225. Certes, la destruction de biens culturels peut
être prise en compte dans la répression d’un crime de génocide, mais uniquement en tant
qu’élément révélateur d’un génocide, tel que défini dans les textes de droit international,
c’est-à-dire des actes visant à la destruction physique ou biologique d’un groupe226.
222 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée par l’Assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 260 A (III) du 9 décembre 1948. 223 Cf. article II de la Convention : « Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque
des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique,
racial ou religieux, comme tel : a) Meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l'intégrité physique
ou mentale de membres du groupe ; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) Mesures visant à entraver les naissances au
sein du groupe ; e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ». 224 L’article 4, par. 2 du Statut du TPIY et l’article 2, par. 2 du Statut du TPIR reprennent la définition de
l’article II de la Convention de 1948. Le TPIR a même pris soin de rappeler, à l’occasion de l’une des
affaires qu’il a eu à traiter, que « les auteurs du Statut du Tribunal, qui ont repris textuellement la définition
du génocide donnée par la Convention sur le génocide, ont clairement choisi de circonscrire le sens du
verbe "détruire" aux seuls actes constitutifs de génocide physique ou biologique » (TPIR, Le Procureur c.
Laurent Semanza, affaire n° ICTR-97-20-T, Jugement et sentence, Chambre de première instance III, 15
mai 2003, par. 315), ce qui exclut, de fait, de la définition de génocide une quelconque dimension de
génocide culturel. 225 L’article 6 du Statut de Rome consacré au génocide reprend également textuellement la définition de ce
crime donnée par la Convention de 1948. 226 Le TPIY a ainsi reconnu que la définition du génocide se limite « aux actes visant à la destruction
physique ou biologique de tout ou partie du groupe », de sorte que « [n]’entrerait […] pas dans le cadre de
100
Malgré les réticences du droit international à reconnaître comme un crime
international à part entière le génocide culturel, l’idée d’incriminer de tels actes de
vandalisme est relativement ancienne, puisqu’elle est née en même temps que celle
d’incriminer des actes tendant à la destruction physique d’un groupe. Le concept de
génocide culturel est, en effet, apparu dès 1944 dans les travaux de Raphaël Lemkin sur
le génocide227, c’est-à-dire dans ces mêmes travaux qui ont servi de base à la mise au
point d’une définition internationale du crime de génocide. Définissant ce crime comme
“the destruction of a nation or an ethnic group”228, Lemkin a distingué, plus
particulièrement, deux crimes dont il considérait la répression comme indispensable, à
savoir :
“the crime of barbarity, conceived as oppressive and destructive actions directed against individuals as members
of a national, religious, or racial group, and the crime of vandalism, conceived as malicious destruction of works
of art and culture because they represent the specific creations of the genius of such groups”229.
Autrement dit, la Convention de 1948, puis les statuts des juridictions pénales
internationales ont appréhendé comme génocide des actes qui, dans les travaux de
Lemkin, ne relevaient que du crime de “barbarity”, les actes constitutifs d’un crime de
“vandalism” ayant été purement et simplement écartés de la définition du génocide
finalement retenue.
Envisager la répression, par le droit pénal international, du crime de génocide
culturel, loin d’être révolutionnaire, reviendrait simplement à traduire complètement la
pensée de Lemkin, mettant ainsi un terme à la dissection dont elle a été l’objet au moment
de sa traduction en droit international. Certes, il serait délicat de remettre en question la
définition du crime de génocide admise depuis 1948, notamment parce qu’elle découle
d’une convention largement ratifiée. Néanmoins, il serait possible d’envisager une
révision du Statut de Rome pour y inclure un article supplémentaire incriminant le crime
la définition du génocide une entreprise qui s’en prendrait exclusivement, en vue de les annihiler, aux traits
culturels et sociologiques d’un groupe humain, fondement de son identité », avant d’admettre, néanmoins,
que « la destruction physique ou biologique s’accompagne souvent d’atteintes aux biens et symboles
culturels et religieux du groupe pris pour cible, atteintes dont il pourra légitimement être tenu compte pour
établir l’intention de détruire le groupe physiquement […] comme une preuve de l’intention de détruire ce
groupe » (TPIY, Le Procureur c. Radislav Krstić, affaire n° IT-98-33-T, Jugement, 2 août 2001, par. 580). 227 R. Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe, Washington, Carnegie Endowment for International Peace,
1944, pp. 79-95. 228 Ibid., p. 75. 229 Ibid., p. 91.
101
de génocide culturel230. Ainsi, le crime de “vandalism” conceptualisé par Lemkin
trouverait un écho en droit international pénal, sans pour autant bouleverser la conception
traditionnelle du génocide ancrée dans la pratique internationale depuis presque soixante-
dix ans. Sans emporter, peut-être les mêmes conséquences que la reconnaissance de
l’existence d’un crime de génocide, l’incrimination du génocide culturel aurait le mérite
de traduire le degré de gravité supérieur de certaines destructions intentionnelles de biens
culturels.
Si la qualification de génocide culturel devait être admise, elle aurait vocation à
s’appliquer à des destructions de biens culturels dont l’ampleur et le caractère
systématique traduiraient une volonté de la part de leurs auteurs de détruire ce qui
constitue l’identité culturelle, artistique ou historique d’un groupe, en vue d’imposer à la
place des éléments d’identification culturelle propres à ces auteurs231. Or, n’est-ce pas
précisément ce à quoi s’est employé l’EI en Irak et en Syrie ? En détruisant massivement
et de manière systématique des éléments du patrimoine archéologique de ces deux pays
dont il prenait le contrôle, Daech n’a rien fait d’autre que montrer sa volonté d’éradiquer
des particularités culturelles de ces deux pays héritées de leur histoire, avec l’objectif
d’imposer à la place son propre mode de pensée. Bien plus, au-delà de cet aspect du
génocide culturel qui pourrait être ici reconnu, et dont les victimes sont des populations
nationales, il serait également possible de reconnaître à ce génocide une dimension
internationale, dont la victime serait l’humanité. Les destructions commises par Daech
traduisent également la volonté profonde du groupe terroriste d’annihiler ce qui fait la
richesse historique de l’humanité pour imposer à la place sa propre vision obscurantiste
et totalitaire qui ne tolère d’autre vérité que son idéologie fanatique.
Face aux destructions massives et d’une sauvagerie rare perpétrées par l’EI contre les
patrimoines archéologiques irakien et syrien, la qualification de crime de guerre peut
paraître insuffisante. L’ampleur de ce désastre culturel appelle une condamnation qui soit
230 L’article 123 du Statut de Rome admet la possibilité que, « [à] tout moment […], à la demande d’un Etat
partie […], le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, avec l’approbation de la majorité des
Etats parties, convoque une conférence de révision » (par. 2) qui « pourra porter notamment, mais pas
exclusivement, sur la liste des crimes figurant à l’article 5 » (par. 1er). 231 Se traduiraient ainsi les deux phases du génocide identifiées par Raphaël Lemkin : “one, destruction of
the national pattern of the oppressed group; the other, the imposition of the national pattern of the
oppressor” (R. Lemkin, op. cit., p. 75).
102
à la mesure de la barbarie de ses auteurs. La reconnaissance de l’existence d’un crime
contre l’humanité, voire d’un génocide culturel serait plus en mesure de réprimer à leur
« juste valeur » les actes commis en Irak et en Syrie. Non content d’avoir un impact
symbolique très fort, le recours à de telles qualifications présenterait également l’avantage
de justifier le prononcé de peines adéquates, c’est-à-dire plus lourdes que celles qui
découleraient de la seule reconnaissance de l’existence d’un crime de guerre.
§2. Des qualifications pénales justifiées par la possibilité de peines adéquates
L’analyse des qualifications pénales internationales qu’il est possible de retenir à
l’encontre des auteurs de destructions intentionnelles de biens archéologiques en Irak et
en Syrie ne présente un intérêt dans l’étude de la sauvegarde future du patrimoine
archéologique de ces deux pays que dans la mesure où ces qualifications entraînent le
prononcé de peines adéquates par la CPI. En effet, comme le rappelle le Préambule du
Statut de Rome, les Etats parties à ce Statut sont « [d]éterminés à mettre un terme à
l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux
crimes »232. Dans cet optique, la gravité du crime est logiquement appelée à constituer un
facteur clé dans la détermination de la peine.
Toutefois, le Statut de Rome ne prévoit qu’un système de peine unique pour tous les
crimes internationaux qui relèvent de sa compétence. L’article 77 du Statut, relatif aux
peines applicables, dispose que :
« 1. […] la Cour peut prononcer contre une personne déclarée coupable d'un crime visé à l'article 5 du présent
Statut l'une des peines suivantes :
a) Une peine d'emprisonnement à temps de 30 ans au plus ; ou
b) Une peine d'emprisonnement à perpétuité, si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du
condamné le justifient.
2. À la peine d'emprisonnement, la Cour peut ajouter :
a) Une amende fixée selon les critères prévus par le Règlement de procédure et de preuve ;
b) La confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime, sans préjudice
des droits des tiers de bonne foi. »
Le fait que le Statut ne prévoit pas des peines spécifiques pour chaque crime traduit,
à première vue, un principe de non hiérarchisation des crimes en termes de gravité.
232 Préambule, par. 5.
103
Néanmoins, en dépit de cette première impression, il est possible de trouver, dans le Statut
de Rome, des indices permettant de penser qu’il existe, en réalité, une forme de hiérarchie
entre ces crimes. Partant, la possibilité de fonder la répression internationale des
destructions intentionnelles en Irak et en Syrie présente un intérêt concret, en ce qu’elle
pourrait conduire au prononcé de peines proportionnées à la gravité de chacun de ces
crimes.
Des traces d’une hiérarchie entre les crimes internationaux en termes de gravité
apparaissent dans les articles 31 et 33 du Statut de Rome. Tout d’abord, l’article 31 du
Statut, relatif aux motifs d’exonération de responsabilité pénale, identifie plusieurs motifs
d’une telle exonération dans le cas de crimes de guerre233, mais pas dans ceux de crimes
contre l’humanité ou de génocide. Par ailleurs, l’article 33 (2) du Statut dispose que
« l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est manifestement
illégal », alors le paragraphe 1er de ce même article envisage trois hypothèses dans
lesquelles une personne qui a reçu l’ordre de commettre un crime peut être exonérée de
sa responsabilité pénale234. Autrement dit, là encore, les motifs d’exonération prévus ne
semblent concerner que les crimes de guerre.
À la lecture de ces deux articles, une hiérarchie semble bien se dessiner entre, d’une
part, le crime de guerre et, d’autre part, le crime contre l’humanité et le génocide. Au sein
de ces trois crimes, qui figurent déjà parmi les crimes « les plus graves qui touchent
l’ensemble de la communauté internationale », il semblerait, en effet, que le crime contre
l’humanité et le génocide présentent un degré de gravité supérieur à celui du crime de
guerre, révélé par l’absence de motifs d’exonération de responsabilité prévus à leur égard
par le Statut235.
233 Cf. art. 31 (1) (c) : « […] une personne n’est pas responsable pénalement si, au moment du comportement
en cause […] [e]lle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes
de guerre, pour défendre des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à
l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, d’une manière
proportionnée à l’ampleur du danger qu’elle courait ou que couraient l’autre personne ou les biens
protégés ». 234 Cf. art. 33 (1) : « Le fait qu’un crime relevant de la compétence de la Cour a été commis sur ordre d’un
gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa
responsabilité pénale, à moins que : a) Cette personne n’ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du
gouvernement ou du supérieur en question ; b) Cette personne n’ait pas su que l’ordre était illégal ; et c)
L’ordre n’ait pas été manifestement illégal ». 235 En ce sens, v. not. D. Scalia, Du principe de légalité des délits et des peines en droit international pénal,
Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève, Bruxelles, Bruylant, 2011, p.
190.
104
En fin de compte, en ne prévoyant qu’un système de peine unique, le Statut de Rome
ne conduit pas tant à mettre tous les crimes internationaux à égalité en termes de gravité,
qu’à laisser à la CPI une plus grande liberté dans l’individualisation des peines qu’elle
prononce. Or, cette tendance à vouloir adapter chaque peine à la situation personnelle de
l’accusé n’est pas incompatible avec une forme de hiérarchie dans la gravité des crimes
qui relèvent de sa compétence, comme cela semble ressortir de l’article 31 (1) (c) et de
l’article 33 du Statut. Du reste, la CPI n’a pas manqué de rappeler cette dualité existant
dans le prononcé d’une peine, à l’occasion du jugement portant condamnation d’Ahmad
Al Faqi Al Mahdi :
« Pour fixer une peine proportionnée, il faut apprécier la gravité des actes commis par la personne déclarée
coupable in concreto, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce »236.
En appliquant aux destructions intentionnelles commises par Daech en Irak et en
Syrie, non seulement la qualification de crime de guerre, mais également, compte tenu de
l’ampleur des dommages causés au patrimoine, celle de crime contre l’humanité, voire
de génocide culturel, la CPI pourrait prononcer une peine bien plus lourde à l’encontre
des auteurs que celle qui découlerait de la seule qualification de crime de guerre. Une
telle peine serait, certes, le résultat du cumul de plusieurs crimes internationaux, mais elle
traduirait également le degré de gravité supérieur implicitement reconnu au crime contre
l’humanité et au génocide237. M. Al Mahdi ayant été condamné à une peine de neuf ans
de prison sur le « seul » chef de crimes de guerre, des peines privatives de liberté plus
sévères pourraient être prononcées dans l’éventualité où d’autres qualifications pénales
seraient également retenues.
De même que la répression internationale des destructions intentionnelles commises
par Daech en Irak et en Syrie aurait le mérite de poser des bases solides pour l’avenir des
patrimoines archéologiques ainsi fragilisés, la répression du pillage et du trafic illicite
236 CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, affaire n° ICC-01/12-
01/15, Jugement portant condamnation, Chambre de première instance VIII, 27 septembre 2016, par. 71,
disponible sur le site de la CPI www.icc-cpi.int. 237 Et ce, même si le crime de génocide culturel, s’il venait à être reconnu, serait sans doute considéré
comme étant moins grave qu’un génocide visant directement des personnes. En effet, quelle que soit la ou
les qualifications retenues, la CPI n’a pas manqué de rappeler, dans l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, que
« bien que fondamentalement graves, les crimes contre les biens le sont généralement moins que les crimes
contre les personnes » (CPI, jugement du 27 septembre 2016, préc., par. 77).
105
touchant ces patrimoines est indispensable. À ce titre, il convient de s’intéresser à la
répression en droit international de ces deux actes.
SECTION II : LA RÉPRESSION EN DROIT INTERNATIONAL DU PILLAGE ET DU
TRAFIC ILLICITE TOUCHANT LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE.
Afin de dissuader à l’avenir les potentiels pilleurs et trafiquants de biens
archéologiques, il convient de tout mettre en œuvre pour réprimer comme il se doit les
auteurs de pillages en Irak et en Syrie, de même que ceux qui profitent de ces vols pour
mettre en place un trafic illicite. Ici encore, le droit international n’est pas dépourvu de
moyens à cet effet. Si certains fondent la possibilité d’une répression internationale du
pillage de biens archéologiques (§1), d’autres assurent le renforcement de l’encadrement
international de la répression nationale du trafic illicite de biens archéologiques pillés
(§2).
§1. La possibilité d’une répression internationale du pillage des biens
archéologiques
La question du pillage des biens archéologiques et, plus largement, des biens
culturels, en cas de conflit armé est un aspect de celle, plus générale, du pillage. Or, le
pillage en cas de conflit armé, international ou non, est depuis longtemps interdit en droit
international et fait même aujourd’hui l’objet d’une incrimination pénale internationale.
Partant, les bases juridiques de cette répression internationale du pillage permettent
d’envisager la possibilité de mesures identiques à l’égard des pillages de biens
archéologiques. Dans le cas de ceux commis par des djihadistes en Irak et en Syrie, une
telle répression contribuerait, au même titre que celle des destructions intentionnelles, à
offrir un socle solide à la sauvegarde future du patrimoine archéologique de ces deux pays
en proclamant que les atteintes au patrimoine ne resteront jamais impunies.
La première véritable consécration internationale de l’interdiction du pillage en cas
de conflit armé découle du Règlement de La Haye de 1907, dont l’article 47 affirme
clairement que « [l]e pillage est formellement interdit ». Cette interdiction vaut d’ailleurs
106
même en cas d’assaut d’une ville ou d’une localité238. Par la suite, le pillage a également
fait l’objet d’une interdiction très claire dans la Convention (IV) de Genève de 1949239,
dont l’article 33, alinéa 2 énonce, de manière concise, que « [l]e pillage est interdit ».
Pour ce qui est du pillage des biens culturels, il a fallu attendre la Convention de La
Haye de 1954 pour que soit évoqué cet aspect particulier du pillage en cas de conflit armé.
L’article 4 de la Convention énonce, à cet égard :
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent […] à interdire, à prévenir et, au besoin, à faire cesser tout acte de
vol, de pillage ou de détournement de biens culturels, pratiqué sous quelque forme que ce soit […] ».
Si cette disposition a le mérite d’insister sur la nécessité d’interdire cette dimension
spécifique du pillage, elle est insuffisamment précise pour fonder une répression
internationale de ce comportement. Au contraire, la Convention laisse les Etats membres
maîtres de l’incrimination et de la répression de ce type de pillages.
L’interdiction du pillage en cas de conflit armé est donc ancienne. Néanmoins, elle
n’a été clairement confirmée dans le cadre des conflits non internationaux qu’avec
l’adoption du Protocole II aux Conventions de Genève de 1949240. Relatif aux conflits
armés ne présentant pas un caractère international, le Protocole n’en affirme pas moins
l’interdiction du pillage dans un tel contexte241. Dans le cas des biens culturels,
l’extension de l’interdiction de leur pillage aux conflits armés non internationaux a été
confirmée à l’occasion d’un arrêt du TPIY. En effet, si la Convention de La Haye est
considérée comme une codification de règles de droit international coutumier, la
confirmation du caractère coutumier de ces règles en cas de conflit armé non international
est le fait du Tribunal, dans le cadre de l’affaire Tadić, plus précisément aux termes de
son arrêt du 2 octobre 1995242.
Le pillage en cas de conflit armé a pu faire l’objet d’une véritable répression
internationale dès lors qu’il a été clairement qualifié de crime de guerre par un texte
international et que sa répression devant une juridiction internationale a été possible. À
238 Cf. art. 28. 239 Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, 12 août 1949. 240 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes
des conflits armés non internationaux (Protocole II), Genève, 8 juin 1977. 241 Cf. art. 4 (2) (g) du Protocole. 242 Cf. TPIY, Tadić, Arrêt préc., par. 98.
107
ce titre, le pillage a été qualifié comme tel pour la première fois dans le Statut du Tribunal
militaire international de Nuremberg243, aux termes de son article 6 (b). Les Statuts du
TPIY244 et du TPIR245 ont, par la suite, confirmé l’incrimination internationale des
pillages. Aujourd’hui, la répression internationale de ce comportement est possible aux
termes de l’article 8 (2) du Statut de Rome.
Envisagé dans le cadre d’un conflit armé non international246, le pillage est qualifié
de crime de guerre par l’article 8 (2) (e) (v) du Statut de la CPI, lequel condamne « [l]e
pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ». Autrement dit, alors que le
Statut de Rome envisage spécifiquement, au rang des crimes de guerre, les destructions
intentionnelles de biens culturels, le pillage de tels biens n’est pas expressément
mentionné dans l’article. Toutefois, la généralité de la disposition du Statut permet
raisonnablement d’inclure le pillage de biens culturels dans la catégorie plus générale du
pillage « d’une ville ou d’une localité ». Assurément, le pillage du Musée de Mossoul, en
Irak, peut être assimilé au pillage d’une ville visé dans l’article. Quant à ceux perpétrés
sur des sites archéologiques irakiens et syriens, il serait difficile de ne pas les considérer
comme des pillages aux termes de l’article 8 (2) (e) (v), qui condamne le pillage d’une
« localité ».
De même que la répression internationale des destructions intentionnelles de biens
archéologiques est souhaitable en raison de son impact symbolique très fort, la répression
des pillages auxquels se sont livrés les djihadistes appelle également une réponse à
l’échelle internationale. En outre, ce serait l’assurance d’une unité dans la répression des
auteurs, dans la mesure où il est fort probable que ceux qui se sont livrés à des pillages
aient également été impliqués dans des destructions ou des actes de vandalisme. À travers
l’article 8 (2) (e) (v) du Statut de Rome, le droit international rend possible une telle
répression. Partant, il faut espérer que les Etats dont les ressortissants sont responsables
de tels actes acceptent de soumettre ces questions à la compétence de la CPI, dans
l’éventualité où ces individus seraient interceptés.
243 Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances
européennes de l'Axe et statut du tribunal international militaire, Londres, 8 août 1945. 244 Cf. art. 3, par. e) du Statut. 245 Cf. art. 4, par. f) du Statut. 246 Auquel s’assimile plus certainement le conflit opposant l’EI et le gouvernement irakien, d’une part, et
l’EI et le gouvernement syrien, d’autre part. Cf. supra, p. 91.
108
Conséquence inévitable du pillage de biens archéologiques, le trafic illicite appelle
également une répression efficace. Toutefois, à côté des destructions intentionnelles de
biens archéologiques et des pillages, qui figurent au nombre des « crimes les plus
graves »247 justifiant l’implication d’une juridiction pénale internationale, il n’en va pas
de même pour le trafic illicite de biens archéologiques. Cependant, compte tenu de
l’ampleur prise par ce trafic au cours des dernières années et davantage encore dans le
cadre des événements en Irak et en Syrie, il est possible de constater un renforcement de
l’encadrement international de la répression nationale du trafic illicite de biens
archéologiques pillés.
§2. Le renforcement de l’encadrement international de la répression nationale
du trafic illicite des biens archéologiques pillés
Face au développement considérable du trafic de biens archéologiques pillés en Irak
et en Syrie, de nombreuses organisations internationales n’ont cessé de sensibiliser la
communauté internationale sur la nécessité de renforcer la lutte contre ce trafic,
notamment en vue d’intercepter le plus rapidement possible les biens ainsi sortis
illégalement des territoires irakien et syrien. Si cette réaction s’imposait face à l’urgence
de la situation, ce trafic appelle également une autre réponse : la répression des
trafiquants.
La répression du trafic illicite de biens archéologiques – et plus généralement de biens
culturels – ne donne pas lieu à des qualifications pénales internationales, de sorte que le
droit international ne semble pas désireux d’en faire un crime international248. Du reste,
la Convention qui était la mieux placée pour aborder la question de ce trafic sous un angle
pénal, à savoir la Convention de l’UNESCO de 1970, s’est contentée d’évoquer la
nécessité de sanctions pénales, mais tout en laissant les Etats maîtres de la détermination
des mesures pénales qu’ils jugent adéquates à la répression de ce comportement. À ce
titre, il découle notamment de l’obligation de mettre en place un certificat d’exportation
247 Cf. art. 5 du Statut de Rome. 248 En ce sens, v. not. C. Bories, « Le commerce illicite des biens culturels », in A. Ascensio, E. Decaux et
A. Pellet (dir.), Droit international pénal, Paris, Pedone, 2e éd., 2012, p. 419.
109
des biens culturels249 celle de « frapper de sanctions pénales ou administratives toute
personne responsable d’une infraction » à cette disposition250. Cet exemple révèle que les
Etats restent donc très libres dans la fixation des sanctions pénales et même dans le choix
entre sanctions pénales et sanctions administratives.
Dans ce contexte, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution
portant des Principes directeurs internationaux sur les mesures de prévention du crime et
de justice pénale relatives au trafic de biens culturels et aux autres infractions connexes251.
Lorsque la résolution a été adoptée, le 18 décembre 2014, la menace du trafic illicite de
biens archéologiques pesait déjà sur le patrimoine syrien, en proie à des pillages de grande
ampleur depuis l’éclatement de la guerre civile syrienne en 2011. Le constat des pillages
massifs perpétrés par la suite sous l’égide de l’EI en Syrie, mais aussi en Irak, rend cette
résolution d’autant plus pertinente, en ce qu’elle propose aux Etats des lignes directrices
en matière de répression des pillages. À cette fin, la résolution souligne que :
« […] ces Principes directeurs constituent un cadre utile pour orienter les Etats Membres au niveau de
l’élaboration et du renforcement de leurs politiques, stratégies, législations et mécanismes de coopération dans le
domaine de la protection contre le trafic de biens culturels et autres infractions connexes »252.
À défaut d’une répression du trafic illicite de biens culturels établie au niveau
international, la résolution renforce l’encadrement international d’une répression mise en
œuvre au niveau national. L’objectif de ces Principes est de souligner l’importance de
« reconnaître le caractère pénal de telles infractions »253 et donc d’affirmer l’insuffisance
de seules sanctions administratives à l’égard des trafiquants.
À cette fin, les Principes directeurs préconisent notamment aux Etats de se conformer
aux dispositions de la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée254.
Cette Convention constitue, en effet, un instrument de droit international important dans
l’encadrement de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. À l’occasion de la
conférence des Etats parties à la Convention, qui s’est tenue à Vienne du 18 au 22 octobre
249 Art. 6, par. a de la Convention. 250 Art. 6, par. b et art. 8 de la Convention. 251 Résolution 69/196 « Principes directeurs internationaux sur les mesures de prévention du crime et de
justice pénale relatives au trafic de biens culturels et aux autres infractions connexes » de l’Assemblée
générale des Nations Unies, adoptée à sa 69e session, le 18 décembre 2014. 252 Ibid., par. 2, italique ajouté. 253 Principes directeurs, introduction, par. 1. 254 Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, New York, 15 novembre
2000. En ce sens, v. Principe directeur 13.
110
2010, il a ainsi été affirmé que cette Convention avait vocation à jouer un rôle majeur
dans la coopération internationale en vue de lutter contre ce trafic, considéré comme un
aspect de la criminalité organisée255.
Partant, les Principes directeurs appellent les Etats à « envisager de conférer le
caractère d’infraction pénale grave »256 au trafic illicite de biens culturels, ce qui doit
logiquement conduire au prononcé de peines de prison à l’encontre des auteurs257.
La répression des individus prenant part au trafic illicite des biens archéologiques
pillés en Irak et en Syrie est appelée à être mise en œuvre par les Etats. Néanmoins, cette
question est loin d’échapper complètement au droit international. Qu’elle soit évoquée
dans des conventions ou dans des instruments de soft law, dont les Principes directeurs
sont un exemple, la répression de ce trafic est encadrée par le droit international. Cet
encadrement, renforcé dans le contexte des pillages massifs perpétrés en Syrie et en Irak,
a pour but de sensibiliser les Etats à la nécessité de réprimer comme il se doit les
infractions relatives à ce trafic. À cet égard, la pénalisation des infractions les plus graves
est l’un des meilleurs moyens d’une répression efficace du trafic illicite de biens culturels
pillés.
*
En tant que préalable à l’édification d’un avenir plus sûr pour les patrimoines
archéologiques irakien et syrien – et, partant, pour les patrimoines archéologiques à
travers le monde – la répression des atteintes portées à ces patrimoines est incontournable,
et même cruciale. Non contente de rendre possible la sanction des atteintes déjà
commises, elle permet également d’affirmer qu’aucune destruction intentionnelle ni
aucun pillage de biens archéologiques ou trafic illicite en découlant ne restera impuni à
l’avenir.
255 En ce sens, v. not. M. Boilat, op. cit., p. 44. 256 Principe directeur 16. 257 Principe directeur 21.
111
Dans cette optique, l’organisation d’une répression internationale de ces atteintes
aurait un impact symbolique encore plus fort. En outre, elle serait le garant d’une
répression unifiée, ce qui serait appréciable en termes d’efficacité. À cet égard, le droit
international offre les moyens d’une telle répression, tout particulièrement pour ce qui est
des destructions intentionnelles et des pillages ayant affecté les patrimoines irakien et
syrien. Pour peu que les Etats reconnaissent la compétence de la CPI en la matière et que
celle-ci n’hésite pas à faire preuve de fermeté, voire d’audace dans les qualifications
pénales à retenir, la répression internationale des individus interpelés pourrait s’avérer
efficace en tant qu’élément de dissuasion d’atteintes futures à l’encontre d’un patrimoine
archéologique.
Une fois menée cette lutte contre l’impunité des agressions portées à l’encontre des
patrimoines irakien et syrien, il devient possible de se tourner vers l’avenir de ces
patrimoines et, notamment, d’en chercher les bases juridiques.
112
Chapitre 2
Les bases juridiques de l’avenir du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie
Les traces laissées par Daech sur les patrimoines archéologiques irakien et syrien sont
autant de rappels de la nécessité d’empêcher que de tels actes de sauvagerie ne se
reproduisent à l’avenir. Le renforcement de la sauvegarde de ces patrimoines s’impose
aujourd’hui comme un impératif majeur. Ce n’est que dans la mesure où les moyens de
cette sauvegarde seront mobilisés de manière efficace qu’il devient possible d’envisager
la reconstitution de ces patrimoines fragilisés.
Si les Etats sont restés relativement immobiles face aux destructions et pillages qui
ont ravagé les patrimoines archéologiques irakien et syrien – et ce en dépit des possibilités
que leur offrait le droit international – il leur incombe, aujourd’hui, de prendre une part
active à la préservation future non seulement des patrimoines irakien et syrien, mais aussi
de l’ensemble des patrimoines archéologiques à travers le monde. Les atteintes portées à
l’encontre du patrimoine en Irak et en Syrie doivent rester dans les mémoires comme des
événements qu’il faut à tout prix éviter à l’avenir. À cet égard, le droit international peut
offrir, une nouvelle fois, les moyens de cette entreprise, pour autant que la communauté
internationale décide véritablement de se mobiliser à cet effet. Pour cela, les Etats doivent
rechercher les bases juridiques d’une meilleure prévention des menaces pesant sur le
patrimoine archéologique (SECTION I).
En se donnant ainsi les moyens de mieux prévenir les atteintes à l’encontre du
patrimoine, l’Irak et la Syrie pourront alors envisager de reconstituer leurs patrimoines
archéologiques si durement touchés par les destructions et les pillages et en partie
dispersés sous l’effet du trafic illicite. S’il s’agit là d’une démarche essentiellement
nationale, le droit international ne dispose pas moins d’instruments susceptibles de jouer
un rôle important en la matière. C’est donc logiquement qu’il conviendra de s’interroger
sur les bases juridiques de la reconstitution d’un patrimoine archéologique (SECTION II).
113
SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES
MENACES PESANT SUR LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE
Les événements survenus depuis la fin 2014 en Irak et en Syrie ayant révélé toute
l’ampleur des menaces susceptibles de peser sur un patrimoine archéologique, il convient
aujourd’hui de rechercher dans le droit international les moyens de mieux prévenir de
telles atteintes, à l’avenir.
À cet égard, les Etats ne devront pas craindre de faire preuve d’audace en acceptant
de se livrer à une application renouvelée de certains moyens offerts par le droit
international. Notamment, il conviendrait de réaliser l’intérêt qu’il y a à envisager des
missions internationales d’urgence en vue d’une meilleure prévention des destructions et
pillages du patrimoine archéologique (§1). Par ailleurs, l’Irak et la Syrie, mais également
l’ensemble des Etats devraient admettre la nécessité d’une mise en œuvre renforcée des
instruments internationaux de lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques (§2).
§1. L’intérêt d’envisager des missions internationales d’urgence en vue d’une
meilleure prévention des destructions et pillages du patrimoine archéologique
L’ampleur des destructions et des pillages perpétrés par l’EI en Irak et en Syrie, de
manière organisée et méticuleuse, mutilant les sites archéologiques touchés, a révélé
l’insuffisance des instruments classiquement prévus par le droit international pour la
protection des biens culturels en cas de conflit armé. Si la Convention de La Haye de
1954, en principe cheville ouvrière de cette protection, a fait défaut, c’est uniquement
parce qu’elle part d’un postulat de base complètement inopérant dans le cas irako-syrien :
la coopération de toutes les parties belligérantes en vue de la protection des biens culturels
présents dans les zones de conflit258.
La sauvagerie déployée par Daech à l’encontre du patrimoine archéologique en Irak
et en Syrie a rendu obsolète une telle convention, contraignant la communauté
internationale à assister au spectacle de destructions soigneusement mises en scène par le
groupe terroriste. Malgré cela, l’implication d’Etats étrangers dans le conflit faisant rage
sur les deux territoires n’a guère profité au patrimoine archéologique sur place. S’il est
258 Cf. supra, pp. 14-15.
114
possible de le déplorer, il convient, néanmoins, de reconnaître que les forces armées
étrangères déployées sur place ont activement œuvré au recul de Daech.
Toutefois, cette situation invite à sérieusement reconsidérer les moyens juridiques
disponibles pour prévenir de telles atteintes lorsqu’éclate un conflit sur un territoire riche
en vestiges archéologiques, a fortiori lorsque l’une des parties au conflit manifeste
clairement son hostilité à l’égard de ces biens culturels. Dans la mesure où il est très
improbable que le Conseil de sécurité autorise un jour des Etats à recourir à la force en
vue de sauver de la destruction et du pillage le patrimoine d’un autre Etat259, il faut
envisager d’autres moyens. À cet égard, la mise en place de missions internationales
d’urgence semble, à bien des égards, être une solution adéquate afin de préserver le plus
possible le patrimoine archéologique d’un Etat en proie à un conflit et n’étant pas en
mesure d’assurer lui-même une telle protection. Dans le cas de l’Irak et de la Syrie,
l’organisation de telles missions dès les premiers actes d’hostilités perpétrés par Daech –
et alors que de nombreux sites archéologiques n’étaient pas encore sous son contrôle –
aurait pu contribuer à prévenir les destructions violentes et les pillages massifs perpétrés
par l’EI pendant plus d’un an à mesure que son assise territoriale grandissait.
En vue de mettre en place de telles missions, il pourrait être intéressant de mobiliser
une technique ancrée dans la pratique internationale depuis de nombreuses années : les
opérations de maintien de la paix. Une application renouvelée de ce mécanisme, en vue
de répondre aux enjeux particuliers de la prévention des atteintes à l’encontre d’un
patrimoine archéologique, pourrait permettre d’éviter que ne se reproduisent, à l’avenir,
les événements survenus en Irak et en Syrie.
Bien qu’elles ne soient pas prévues par la Charte des Nations Unies, les opérations
de maintien de la paix se sont imposées comme une technique privilégiée de l’ONU en
matière de paix et de sécurité. Considérés comme des organes subsidiaires du Conseil de
sécurité ou de l’Assemblée générale, ces opérations peuvent ainsi être créées aussi bien
par l’un que par l’autre260. Toutefois, la pratique contemporaine révèle que la plupart de
259 Cf. supra, pp. 29-31. 260 La création d’organes subsidiaires par des organes principaux de l’ONU est, en effet, possible aux termes
de l’art. 7, par. 2 de la Charte (« Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés
conformément à la présente Charte »), mais également, pour ce qui est du Conseil de sécurité, par l’article
29 de la Charte (« Le Conseil de sécurité peut créer les organes subsidiaires qu'il juge nécessaires à
l'exercice de ses fonctions »).
115
ces opérations sont créées par le Conseil de sécurité, dans le cadre du Chapitre VII261.
Dans ce contexte, les opérations de maintien de la paix se sont adaptées et se sont vu
accorder les moyens de leur efficacité. À ce titre, le droit de légitime défense reconnu aux
Casques bleus dans l’accomplissement de leur mission a été interprété plus largement afin
de ne plus être seulement une légitime défense individuelle, mais également une légitime
défense fonctionnelle autorisant les Casques bleus à recourir à la force face à toute
tentative visant à compromettre l’accomplissement de leurs fonctions262.
Une telle possibilité de recours à la force, bien qu’encadrée par le mandat de
l’opération tel que fixé par le Conseil de sécurité, constituerait une garantie d’efficacité
plus qu’appréciable dans l’éventualité d’une opération destinée à la préservation d’un
patrimoine archéologique menacé de destructions et de pillages. La mise en place d’une
telle opération en Irak et en Syrie aurait, à n’en pas douter, contribué à prévenir les
destructions et pillages dont ont été victimes de nombreux sites archéologiques à mesure
que le contrôle en était pris par l’EI. L’efficacité d’une telle opération aurait, d’ailleurs,
pu bénéficier de la présence des forces aériennes de la coalition internationale.
Il convient de déplorer l’absence de recours au mécanisme des opérations de maintien
de la paix face à la crise culturelle subie par l’Irak et la Syrie, dans la mesure où les
destructions de même nature perpétrées au Mali en 2012 ont été prises en compte par le
Conseil de sécurité dans la définition du mandat de l’opération organisée sur place. En
effet, par sa résolution 2100 (2013) du 25 avril 2013263, le Conseil de sécurité a créé la
MINUSMA264 et a inclus dans le mandat de cette dernière la protection du patrimoine
culturel, pour :
« Aider les autorités de transition maliennes, en tant que de besoin et, si possible, à protéger les sites culturels et
historiques du pays contre toutes attaques, en collaboration avec l’UNESCO »265.
261 En ce sens, v. not. S. Zašova, Le cadre juridique de l’action des casques bleus, Paris, Publications de la
Sorbonne, coll. Guerre et Paix, 2014, p. 29. 262 Cf. Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 425 (1978) du Conseil de sécurité,
S/12611, 19 mars 1978, par. 4 d) : « La Force [Force intérimaire des Nations Unies au Liban, FINUL]
recevra des armes de caractère défensif. Elle ne devra faire usage de la force qu’en cas de légitime défense.
La légitime défense comprendrait la résistance à toute tentative de l’empêcher par la force de s’acquitter de
ses fonctions conformément au mandat du Conseil de sécurité ». Pour une analyse de cette nouvelle
interprétation de la légitime défense dans le cadre des opérations de maintien de la paix, v. not., O. Thielen,
op. cit., pp. 19-26. 263 Résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 6952e séance, le 25 avril 2013. 264 À cette occasion, l’autorité de la MISMA, première opération de maintien de la paix mise en place dans
le contexte du conflit malien (créée par la résolution 2085 du Conseil de sécurité, le 30 décembre 2012), à
la MINUSMA (cf. par. 7 de la résolution). 265 Par. 16, al. f) de la résolution.
116
Par cette résolution, le Conseil de sécurité inclut, pour la première fois, dans le
mandat d’une mission de maintien de la paix, la préservation du patrimoine culturel du
pays en conflit, menacé notamment de destructions intentionnelles. En outre, si le
paragraphe 16, alinéa f) semble tempérer la portée de cet aspect du mandat par la précision
« si possible », le paragraphe 17, en revanche, précise que la MINUSMA est autorisée « à
user de tous les moyens nécessaires […] pour s’acquitter du mandat défini » à plusieurs
alinéas du paragraphe 16, parmi lesquels l’alinéa f) relatif à la sauvegarde du patrimoine
culturel malien. Or, dans la mesure où le Conseil de sécurité a pris la peine de rappeler,
en début de résolution, la possibilité de recourir à la force dans le cadre d’une opération
de maintien de la paix en vue d’assurer la « défense du mandat »266, cette référence à
« tous les moyens nécessaires » inclut implicitement un tel recours à la force afin de
contrer d’éventuelles attaques dirigées contre « les sites culturels et historiques du pays ».
Une telle initiative de la part du Conseil de sécurité aurait été plus qu’appréciable
dans le cas des atteintes portées à l’encontre des patrimoines archéologiques irakien et
syrien. Compte tenu de l’ampleur de la menace, une opération de maintien de la paix
exclusivement consacrée à la préservation de ces patrimoines aurait même pu être
envisagée. Après tout, la préservation d’un patrimoine culturel, notamment contre les
pillages, n’œuvre-t-elle pas à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, qui
constitue une importante source de revenus pour des groupes terroristes comme Daech ?
Cette préservation ne facilite-t-elle pas également la reconstruction d’un Etat à la suite
d’un conflit, autour d’éléments d’identification culturelle ? Compte tenu de l’utilisation
idéologique des patrimoines archéologiques, et plus largement culturels, lors des conflits,
notamment comme un moyen d’incitation à la haine, il n’est pas possible de considérer
que la préservation de ces patrimoines n’a pas un rôle à jouer en matière de paix et de
sécurité internationales. La résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité paraissait enfin
le reconnaître.
Toutefois, il semblerait aujourd’hui que cette résolution fasse figure à la fois de
précédent et d’exception dans la pratique des opérations de maintien de la paix. En effet,
à l’occasion de sa résolution 2164 (2014), adoptée le 25 juin 2014, relative également à
la situation au Mali et à la MINUSMA267, le Conseil de sécurité a paru tempérer
l’importance de la préservation du patrimoine culturel dans le mandat de la mission. En
266 Préambule de la résolution, par. 3. 267 Résolution 2164 (2014) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7210e séance, le 25 juin 2014.
117
effet, le Conseil y distingue les « tâches prioritaires » au sein de ce mandat268, des « tâches
supplémentaires »269. Or, désormais, l’« [a]ppui à la sauvegarde du patrimoine culturel »
est inscrit au rang de ces « tâches supplémentaires »270.
Après avoir fait preuve d’audace à travers la vision renouvelée du mécanisme des
opérations de maintien de la paix dans sa résolution 2100 (2013), le Conseil de sécurité
semble avoir fait marche arrière depuis. La sauvagerie des destructions commises par
Daech en Irak et en Syrie, ainsi que l’institutionnalisation des pillages archéologiques n’a
manifestement pas incité le Conseil à reproduire le précédent institué par sa résolution de
2013. Pourtant, une telle mission internationale d’urgence aurait peut-être pu contenir la
violence de l’EI à l’égard des sites archéologiques et permettre que certains d’entre eux
soient préservés. Il n’y a plus qu’à espérer, dans l’éventualité malheureuse d’un nouveau
désastre culturel, que le souvenir des dommages subis par les patrimoines irakien et syrien
incite le Conseil de sécurité à se montrer plus audacieux.
Toutefois, la prévention future des menaces pesant sur le patrimoine archéologique
n’incombe pas uniquement à des entités internationales, telles que le Conseil de sécurité.
Les Etats dont les territoires sont riches en sites archéologiques doivent, de leur côté, tout
mettre en œuvre afin de les préserver. Si la prévention des destructions et des pillages
n’est pas toujours évidente, notamment lorsqu’ils sont le fait d’une organisation terroriste
aussi violente et méticuleuse que Daech, il n’en va pas tout à fait de même de la lutte
contre le trafic illicite de biens archéologiques. En effet, celui-ci pourrait être mieux
endigué pour peu que les Etats possédant un patrimoine archéologique se livrent à une
mise en œuvre renforcée des instruments internationaux de lutte contre ce trafic et soient
aidés, en cela, par les Etats voisins et ceux susceptibles d’accueillir de tels biens en tant
qu’acteurs du marché de l’art.
268 Par. 13 de la résolution. 269 Par. 14 de la résolution. 270 Par. 14, al. b) de la résolution.
118
§2. La nécessité d’une mise en œuvre renforcée des instruments internationaux
de lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques
L’ampleur des pillages commis par l’EI et l’accroissement du trafic illicite de biens
archéologiques qui a suivi doivent pousser les Etats à une meilleure mise en œuvre, à
l’avenir, des instruments internationaux permettant de lutter contre ce trafic. Cette tâche
incombe non seulement aux Etats dont le patrimoine archéologique est susceptible d’être
menacé par le trafic, mais également aux Etats voisins et à ceux qui constituent les
principales places de vente du marché de l’art.
Cette étude a déjà été l’occasion de souligner le rôle majeur de la Convention de
l’UNESCO de 1970 dans la lutte contre le trafic illicite. Notamment, plusieurs mesures
prévues par la Convention peuvent être utilement mobilisées en urgence afin d’intercepter
les biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie avant qu’ils ne soient revendus dans le
cadre de ce trafic271. Toutefois, se contenter de faire preuve d’une vigilance accrue lors
des contrôles aux frontières quant à l’origine des biens archéologiques en transit en vue
d’identifier le plus rapidement possible les biens irakiens et syriens est loin d’être
suffisant. Il faut que le désastre survenu en Irak et en Syrie serve d’exemple sur la durée.
À cet égard, les Etats doivent adopter des stratégies efficaces et durables de lutte contre
le trafic illicite de biens culturels, ce qui implique éventuellement des modifications de
leurs législations afin de traduire de telles stratégies.
Or, l’accroissement du trafic illicite de biens archéologiques engendré par les
activités de Daech en Irak et en Syrie témoigne des défaillances flagrantes en la matière.
Comment est-il possible, encore aujourd’hui, que des biens archéologiques pillés dans le
cadre d’un conflit armé puissent quitter le territoire de leur Etat d’origine et transiter par
celui d’autres Etats pour alimenter un trafic international ? La question peut légitimement
se poser compte tenu du très grand nombre d’Etats parties à la Convention de l’UNESCO
de 1970, censés, à ce titre, se conformer aux exigences de ce texte, principalement en
matière de contrôle aux frontières des certificats d’exportation censés accompagner
chaque bien culturel en transit. En effet, si un contexte de conflit armé peut
271 La principale étant l’établissement d’un certificat d’exportation prévu à l’art. 6, par. a) de la Convention.
Cf. supra, pp. 47-51.
119
éventuellement fragiliser les contrôles opérés par les services douaniers de ce pays lors
de l’exportation d’un bien, la vigilance des Etats voisins devrait, en principe, combler
cette fragilité temporaire de l’Etat d’origine. Dans le cas des biens irakiens et syriens,
cette vigilance est d’autant plus attendue de la part de leurs pays voisins qui sont, pour la
plupart, parties à la Convention de 1970272. Or, le fait est que la Turquie reste, aujourd’hui
encore, un territoire de transit pour les biens culturels provenant de Syrie et d’Irak, en
dépit des contrôles existant à l’importation273. Bien plus, compte tenu de la tendance au
renforcement des contrôles en Europe occidentale, les trafiquants n’hésitent pas à choisir
de nouvelles destinations pour les biens culturels qu’ils transportent, y compris des Etats
parties à la Convention de l’UNESCO, tels que la Russie ou encore le Japon274.
Cette situation impose des changements nécessaires dans les législations des Etats
concernés. À titre d’exemple, une meilleure prise en compte du Modèle de certificat
d’exportation UNESCO-OMD semble l’un des meilleurs moyens de lutter contre le trafic,
en diminuant les chances qu’un bien archéologique pillé puisse passer au travers des
contrôles douaniers aux frontières.
Il serait également plus que souhaitable que des Etats non encore parties à la
Convention de l’UNESCO de 1970 acceptent de ratifier ce texte et ainsi de se conformer
aux exigences posés par celui-ci. Ce souhait concerne essentiellement les pays du Golfe,
mais également la Thaïlande qui sont devenus des destinations privilégiées des
trafiquants.
De telles préconisations peuvent sonner comme des évidences. Cependant, la
dispersion de très nombreux biens archéologiques irakiens et syriens, très certainement
destinés à gonfler le trafic illicite international de biens culturels, traduit des défaillances
évidentes dans les moyens mis en œuvre par les Etats pour contrôler l’origine des biens
culturels qui traversent leurs frontières. Il faut espérer que les dommages sans précédents
272 C’est le cas du Liban, de la Jordanie, de l’Iran et de la Turquie. 273 En ce sens, v. not. M. Robert, « Sur les traces des antiquités pillées par l’Etat islamique », lesechos.fr,
26 novembre 2014. L’article recueille, notamment, les propos d’Edouard Planche, spécialiste du trafic des
biens culturels à l’UNESCO, affirmant que « [c]e qui sort de Syrie et d'Irak passe beaucoup par la Turquie,
malgré les contrôles, pour atteindre les marchés londoniens, suisses, français, américains ». 274 Ibid.
120
subis par les patrimoines archéologiques irakien et syrien persuadent les Etats de la
nécessité de renforcer leurs législations sur les contrôles à l’importation et à l’exportation.
Ce n’est que dans la mesure où seront mis en œuvre les moyens d’une véritable
prévention des menaces pesant sur le patrimoine archéologique qu’il sera possible
d’envisager la reconstitution des patrimoines archéologiques irakien et syrien, afin que
les patrimoines ainsi reconstitués n’aient plus à subir, à l’avenir, les atteintes dont ils ont
été la cible pendant près d’un an et demi.
SECTION II : LES BASES JURIDIQUES DE LA RECONSTITUTION D’UN
PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE
En partie détruits sous les coups de l’EI et dispersés sous l’effet de pillages massifs,
les patrimoines archéologiques irakien et syrien arborent aujourd’hui un visage qui donne
la mesure du désastre culturel survenu dans ces deux Etats. Alors que la menace
représentée par Daech s’amenuise de plus en plus, il est donc naturel d’envisager
désormais l’avenir de ces patrimoines en vue de leur reconstitution.
Cette entreprise de reconstitution est appelée à se développer à deux niveaux : celui
de la récupération des biens archéologiques pillés et celui de la reconstruction éventuelle
des sites archéologiques ravagés par les marteaux et les bulldozers de l’EI. Or, chacun de
ces niveaux est appréhendé par le droit international. En effet, en matière de restitution et
de retour des biens archéologiques volés ou illicitement exportés, tout d’abord, la
Convention d’UNIDROIT de 1995 constitue un apport majeur (§1). Par ailleurs, le droit
international a montré son intérêt pour les enjeux liés à la reconstruction d’un patrimoine
archéologique (§2).
121
§1. L’apport majeur de la Convention d’UNIDROIT de 1995 en matière de
restitution et de retour des biens archéologiques volés ou illicitement exportés275
Constituant l’étape ultime de la lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques,
le retour de ces derniers vers leur Etat d’origine fait l’objet de dispositions spécifiques du
droit international conventionnel. La reconstitution des patrimoines archéologiques
irakien et syrien pourrait bénéficier du cadre défini en la matière. Or, si la Convention de
l’UNESCO de 1970 est la première à avoir abordé cette question, la Convention
d’UNIDROIT adoptée en 1995 constitue une avancée majeure, de nature à faciliter la
restitution des biens archéologiques volés à la Syrie et à l’Irak.
Si la Convention de l’UNESCO de 1970 a montré son importance dans la lutte contre
le trafic illicite de biens culturels, au regard des mesures qu’elle préconise en vue de
récupérer ces biens avant qu’ils ne soient revendus, elle a, en revanche, montré quelques
failles en matière de restitution et de retour de biens volés ou illicitement exportés.
La question de la restitution des biens culturels volés découle des dispositions prévues
à l’article 7, paragraphe (b) (ii) de la Convention, en vertu duquel :
« Les Etats parties à la présente Convention s’engagent […] à prendre des mesures appropriées pour saisir et
restituer à la requête de l'Etat d'origine partie à la Convention tout bien culturel ainsi volé et importé après l'entrée
en vigueur de la présente Convention à l'égard des deux Etats concernés, à condition que l'Etat requérant verse
une indemnité équitable à la personne qui est acquéreur de bonne foi ou qui détient légalement la propriété de ce
bien […] ».
En outre, cette obligation de restitution ne concerne que les « biens, culturels volés
dans un musée ou un monument public civil ou religieux, ou une institution similaire,
situés sur le territoire d'un autre Etat partie à la présente Convention » pour autant qu’il
soit prouvé que « ces biens font partie de l'inventaire de cette institution »276. Autrement
dit, aux termes de la Convention de l’UNESCO, la restitution de biens archéologiques
volés est soumise à de nombreuses conditions, dont la somme est susceptible de
275 Il faut ici préciser qu’il existe une distinction entre « restitution » et « retour » en matière de biens faisant
l’objet d’un trafic. Alors que la notion de « restitution » s’applique lorsqu’est en cause un bien volé sur le
territoire de son Etat d’origine, celle de « retour » est mobilisée pour viser les biens qui, bien que n’ayant
pas été volés, ont été exportés illégalement du territoire de son Etat d’origine. En ce sens, v. not. G.
Carducci, op. cit., pp. 190-191. 276 Art. 7, par. (b) (i) de la Convention.
122
compromettre la récupération de ces biens par l’Etat d’origine277. Par ailleurs, le cas des
biens issus de fouilles archéologiques illicites, qui constituent donc, de fait, des biens
culturels volés, est complètement ignoré par la Convention. Appliquée au cas irako-
syrien, cette disposition permettrait peut-être la restitution des biens archéologiques volés
au Musée de Mossoul, dont la liste a été confirmée dans la base de données
d’INTERPOL278, mais elle ne permettrait en aucun cas de fonder la restitution des biens
archéologiques volés sur les sites sans être répertoriés ou issus de fouilles illicites.
Pour ce qui est de la question du retour des biens culturels illicitement exportés, elle
est brièvement évoquée à l’article 13, paragraphe (d), aux termes duquel :
« Les Etats parties à la présente Convention s'engagent par ailleurs dans le cadre de la législation de chaque Etat
[…] à reconnaître, en outre, le droit imprescriptible de chaque Etat partie à la présente Convention, de classer et
déclarer inaliénables certains biens culturels qui, de ce fait, ne doivent pas être exportés, et à faciliter la
récupération par l'Etat intéressé de tels biens au cas où ils auraient été exportés ».
Cette disposition s’avère assez pauvre, notamment dans la mesure où elle ne pose pas
véritablement une obligation de retour des biens illicitement exportés, mais oblige
simplement les Etats à « faciliter » la récupération du bien en cause par l’Etat d’origine279.
En outre, la disposition ne vise que les biens culturels classés et déclarés inaliénables par
l’Etat de provenance de ces biens. Or, il s’avère que peu de biens culturels font l’objet
d’un tel régime, ce qui réduit considérablement la portée de cet article280.
Il serait injuste et erroné de conclure que la Convention de 1970 a été totalement
dépourvue d’effet en matière de restitution et de retour de biens culturels volés ou
illicitement exportés281. Toutefois, ses faiblesses en la matière sont incontestables, ce qui
a d’ailleurs poussé l’UNESCO à demander à l’UNIDROIT de préparer une Convention
sur les biens culturels volés ou illicitement exportés282. Finalement adoptée le 24 juin
1995, la Convention d’UNIDROIT est le résultat d’un travail considérable destiné à
pallier les carences de la Convention de 1970.
L’innovation principale de la Convention réside sans doute dans la distinction claire
qu’elle opère, au sein de ses articles, entre la « restitution des biens culturels volés »
277 En ce sens, v. not. M. Delepierre et M. Schneider, op. cit., p. 131. 278 Cf. Annexe II, p. 137. 279 En ce sens, v. not. M. Boilat, op. cit., p. 31. 280 En ce sens, v. not. G. Carducci, op. cit., p. 271. 281 En ce sens, v. not. M. Delepierre et M. Schneider, op. cit., p. 131. 282 Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, UNIDROIT, Rome, 24 juin 1995.
123
(chapitre II) et le « retour des biens culturels illicitement exportés » (chapitre III),
annoncée dans son article 1er. Cette distinction lui permet ainsi naturellement d’être plus
précise que la Convention de 1970 à l’égard de ces deux hypothèses.
Pour ce qui est des biens culturels volés, la Convention d’UNIDROIT opère une
première avancée majeure par rapport à celle de l’UNESCO, en ce qu’elle envisage
spécifiquement la question des vols provenant de fouilles archéologiques. À cet égard,
son article 3, paragraphe 2 énonce ainsi :
« Au sens de la présente Convention, un bien culturel issu de fouilles illicites ou licitement issus de fouilles mais
illicitement retenu est considéré comme volé si cela est compatible avec le droit de l’Etat où lesdites fouilles ont
eu lieu ».
Par cette disposition, la Convention de 1995 élargit donc la notion de vol par rapport
à celle retenue par la Convention de 1970. Désormais sont inclus non seulement les biens
archéologiques issus de fouilles illicites, mais également les biens archéologiques issus
de fouilles licites, mais volés par la suite. Cette avancée ne peut qu’être bénéfique pour
la Syrie et l’Irak dont nombre de biens ont été pillés sur des sites archéologiques ou dans
le cadre de fouilles illicites.
Un autre apport majeur résulte de la Convention d’UNIDROIT, à savoir l’abandon
du principe posé par la Convention de l’UNESCO selon lequel la restitution d’un objet
culturel volé ne peut se faire qu’à la condition que ce bien ait été inventorié ou identifié
avant son vol. Désormais cette règle ne joue plus qu’à l’égard des biens culturels
appartenant à une collection publique283. Ce changement opéré par la Convention de 1995
est une avancée de plus par rapport à celle de 1970 en vue de faciliter la restitution des
biens volés.
Pour ce qui est du retour des biens culturels illicitement exportés, des précisions ont
également été apportées, aux termes de l’article 5 :
« 1. Un Etat contractant peut demander au tribunal ou à toute autre autorité compétente d’un autre Etat contractant
d’ordonner le retour d’un bien culturel illicitement exporté du territoire de l’Etat requérant. […]
3. Le tribunal ou toute autre autorité compétente de l’Etat requis ordonne le retour du bien culturel lorsque l’Etat
requérant établit que l’exportation du bien porte une atteinte significative à l’un ou l’autre des intérêts suivants :
a) la conservation matérielle du bien ou de son contexte ;
b) l’intégrité d’un bien complexe ;
c) la conservation de l’information, notamment de nature scientifique ou historique relative au bien ;
d) l’usage traditionnel ou rituel du bien par une communauté autochtone ou tribale, ou établit que le bien
revêt pour lui une importance culturelle significative […] ».
283 Cf. art. 3, par. 7 de la Convention.
124
En comparaison de l’exigence rigoureuse posée par la Convention de l’UNESCO
comme condition au retour d’un bien culturel illicitement exporté – le classement du bien
et l’affirmation de son caractère inaliénable par l’Etat – l’article 5 de la Convention
d’UNIDROIT se montre bien plus souple dans les exigences qu’il pose au retour d’un tel
bien. En effet, il semble relativement facile pour un Etat demandeur de prouver que
l’exportation illicite du bien dont il demande le retour porte atteinte à l’un des intérêts
évoqués au paragraphe 3. Notamment, dans le cas de l’Irak et de la Syrie, la valeur des
sites pillés ou des biens dérobés dans les musées rend cette preuve particulièrement aisée.
Ces quelques observations révèlent que les mérites de la Convention d’UNIDROIT
sont incontestables. L’assouplissement des conditions relatives à la restitution et au retour
des biens culturels volés ou illicitement exportés, par rapport à la Convention de
l’UNESCO, pourrait grandement bénéficier à l’Irak et la Syrie dans la reconstitution de
leurs patrimoines archéologiques durement touchés par les pillages et les exportations
illicites.
Cependant, force est de constater que, un peu plus de vingt ans après l’adoption de
cette Convention, le nombre de ratifications de cet instrument reste très faible284. En outre,
si de nombreux Etats traditionnellement victimes du trafic illicite de biens culturels sont
parties à la Convention, aucun des principaux Etats du marché de l’art ne l’a ratifiée285.
Cette situation est la résultante malheureuse de la divergence des intérêts en jeux, ceux
des pays « exportateurs », d’une part, et ceux des pays « importateurs », d’autre part.
Alors que les Etats victimes se sont montrés prompts à la ratification de la Convention,
dans l’espoir que seraient facilités la restitution et le retour de ceux de leurs biens culturels
volés ou illicitement exportés, les Etats « importateurs » se sont montrés particulièrement
méfiants à l’égard de ce texte. Certains d’entre eux ont notamment argué, sans doute à
tort, des possibilités d’abus de la part des Etats demandeurs, résultant de
l’assouplissement important des conditions posées à la restitution et au retour des biens
culturels286. L’Irak et la Syrie, quant à eux, n’ont étrangement pas ratifié la Convention.
Peut-être que l’épreuve subie par leurs patrimoines archéologiques au cours de ces
284 La Convention d’UNIDROIT compte aujourd’hui seulement 37 Etats parties. 285 La liste des Etats parties à la Convention d’UNIDROIT est disponible sur le site Internet d’UNIDROIT
www.unidroit.org. À titre d’exemple, la France a signé la Convention le 24 juin 1995, jour de son adoption,
mais ne l’a toujours pas ratifiée. 286 Pour un examen et une appréciation des critiques formulées par les Etats « importateurs », v. not., P.L.
d’Epinay, « Une avancée du droit international : la Convention de Rome d’Unidroit sur les biens culturels
volés ou illicitement exportés », U.L.R., 1996, vol. 1, pp. 54-57.
125
dernières années les conduira à revoir leur position en la matière. Toutefois, cette
démarche n’aura pas de véritable impact sur la reconstitution de leurs patrimoines tant
que les principaux Etats du marché n’auront pas eux-mêmes ratifié la Convention et
retranscrit ses dispositions dans leurs législations.
Il semble donc que la restitution et le retour des biens archéologiques irakiens et
syriens volés ou illicitement exportés doivent se contenter de reposer sur les mécanismes
prévus à cet effet par la Convention de l’UNESCO de 1970, en attendant, il faut l’espérer,
une prise de conscience générale de la nécessité d’adhérer au nouvel instrument constitué
par la Convention d’UNIDROIT de 1995287.
Dans un autre registre, la reconstruction des patrimoines archéologiques irakiens et
syriens constitue le deuxième volet de l’entreprise de reconstitution de ces patrimoines.
Loin d’être indifférent à cette question qui relève avant tout de l’initiative de chaque Etat
concerné, le droit international s’intéresse aux enjeux de la reconstruction d’un
patrimoine archéologique.
§2. Le droit international face aux enjeux de la reconstruction d’un patrimoine
archéologique
Ce n’est pas parce que la question de la reconstruction d’un patrimoine archéologique
relève en grande partie d’une initiative nationale qu’elle est complètement étrangère au
droit international. Au contraire, celui-ci a montré un intérêt ancien pour les enjeux liés à
ce type de reconstructions.
287 Dans cette optique, il est possible d’évoquer la résolution 70/76 « Retour ou restitution de biens culturels
à leurs pays d’origine » de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée à sa 70e session, le 9 décembre
2015. L’Assemblée générale y rappelle, en effet, l’importance de la Convention d’UNIDROIT dans la lutte
contre le trafic illicite de biens culturels (par. 6). Dans l’esprit des principes posés par la Convention et en
attendant sans doute une augmentation du nombre de ratifications de celle-ci, l’Assemblée demande
également « à tous les Etats Membres qui sont en mesure de le faire d’aider les Etats touchés à lutter contre
le trafic de biens culturels provenant de fouilles illégales pratiquées sur des sites archéologiques ou volés
dans des musées, des bibliothèques, des archives et des collections de manuscrits, y compris dans le cadre
de la coopération internationale concernant la restitution de biens culturels volés ou exportés illicitement,
selon qu’il convient » (par. 12).
126
C’est essentiellement par la voie de lignes directrices, prenant la forme de chartes,
que le droit international a appréhendé la question des enjeux de la restauration et de la
reconstruction des patrimoines culturels. À cet égard, l’ICOMOS est l’institution
internationale sous l’égide de laquelle se sont développées de telles chartes, destinées à
servir de cadre pour les Etats désireux de restaurer, voire de reconstruire des éléments de
leur patrimoine. Cette démarche est motivée par l’importance que revêt le patrimoine
culturel pour l’humanité et non pas seulement pour l’Etat auquel il appartient. Partant, il
a semblé opportun d’établir des principes fondamentaux relatifs à la restauration et à la
reconstruction d’un patrimoine ayant subi des destructions ou des détériorations. À cet
égard, la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des
sites adoptée en 1964 fait figure de principale référence en la matière288. L’accent est mis
dans ce texte sur la nécessité de préserver l’authenticité du patrimoine culturel à l’égard
duquel est menée une entreprise de restauration289. En conséquence, la Charte insiste sur
le fait que :
« La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de
révéler les valeurs esthétiques et historiques des monuments et se fonde sur le respect de la substance ancienne et
de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse […]. La restauration sera toujours précédée
et accompagnée d’une étude archéologique et historique du monument »290.
Toujours dans une optique de préservation de l’authenticité des monuments et sites
restaurés, la Charte précise :
« Les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s’intégrer harmonieusement à l’ensemble,
tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d’art et
d’histoire »291.
Les principes ainsi énoncés dans cette Charte fournissent d’intéressantes et précieuses
lignes directrices au regard des entreprises irakiennes et syriennes de restauration et de
reconstruction des éléments détruits ou simplement endommagés de leur patrimoine
archéologique. Bien sûr, l’instrument rassemblant ces principes n’est pas contraignant.
Néanmoins, il est crucial que de tels principes soient au cœur de la restauration des joyaux
mutilés du patrimoine archéologique d’Irak et de Syrie. Notamment, les mouvements de
288 Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (Charte de Venise),
IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964. La
Charte a ensuite été officiellement adoptée par l’ICOMOS en 1965. 289 Cf. Préambule de la Charte, par. 1er. 290 Art. 9 de la Charte. 291 Art. 12 de la Charte.
127
restauration en marche dans ces deux pays ne doivent pas donner lieu à des
reconstructions qui cherchent à se fondre dans les éléments d’origine restés debout sur les
sites, afin de chercher à faire oublier que les destructions commises par Daech ont jamais
eu lieu. Bien qu’il soit tentant de procéder ainsi afin de redonner aux sites touchés leur
splendeur d’antan, ce ne serait pas souhaitable en termes de préservation de leur valeur
archéologique et scientifique.
Du reste, si les principes découlant des chartes de l’ICOMOS ne sont pas
contraignants, ils trouvent néanmoins un écho dans le cadre de la Convention de
l’UNESCO de 1972 relative au Patrimoine mondial. En effet, l’inscription d’un site
archéologique sur la Liste du Patrimoine mondial emporte des conséquences concrètes en
termes de restauration et de reconstruction de patrimoines culturels endommagés.
Lorsqu’un Etat envisage de procéder à de telles opérations à l’égard d’éléments de son
patrimoine qui appartiennent au Patrimoine mondial de l’humanité, il doit procéder en
étroite coopération avec l’UNESCO et, plus particulièrement, avec le Centre du
Patrimoine mondial. Cette réalité est particulièrement flagrante, aujourd’hui, alors que la
DGAM syrienne, avec son directeur Maamoun Abdulkarim, a manifesté sa volonté de
reconstruire les édifices détruits de Palmyre. Dans plusieurs articles consacrés à la
question, ce dernier n’a pas manqué de rappeler que l’accord de l’UNESCO était un
préalable nécessaire à la reconstruction des parties détruites de la cité antique292. Du côté
irakien, le gouvernement a conclu, dès juillet 2015, un accord avec l’UNESCO en vue
d’œuvrer à la conservation et à la gestion du site archéologique de Samarra, également
inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial et touché par les destructions commises par
Daech.
Face au traumatisme causé par les destructions violentes perpétrées en Irak et en
Syrie, il est compréhensible que ces deux Etats envisagent aujourd’hui la restauration et
la reconstruction de leurs patrimoines archéologiques mutilés. À cette fin, le droit
international offre un cadre utile, que ce soit par le biais de lignes directrices contenues
dans des chartes non contraignantes ou par des mécanismes de contrôle découlant de
l’inscription de certains sites archéologiques sur la Liste du Patrimoine mondial.
292 En ce sens, v. not., A. Paulet, « Cinq ans seront nécessaires pour reconstruire Palmyre », lefigaro.fr, 28
mars 2016 ; C. Fleury, « Syrie. Faut-il reconstruire Palmyre ? », nouvelobs.com, 30 mars 2016.
128
*
Le recul territorial de Daech en Irak et en Syrie permet aujourd’hui de commencer à
envisager l’avenir des patrimoines archéologiques irakien et syrien. À mesure que
disparaissent les menaces qui planent depuis 2014 sur ces patrimoines du fait de
l’implantation de l’EI, il convient de s’interroger sur les moyens d’un renforcement
efficace de la sauvegarde des sites archéologiques, non seulement en Irak et en Syrie,
mais également à travers le monde.
En tant qu’élément de dissuasion des atteintes susceptibles d’être portées à l’avenir
contre de tels patrimoines, la répression à l’égard des djihadistes responsables des
destructions et pillages perpétrés en Irak et en Syrie constitue un préalable nécessaire,
pour autant qu’il sera possible d’interpeler ces individus. Si le droit international prévoit
déjà des modalités de répression en la matière, il est possible d’en envisager de nouvelles,
notamment sur la base de qualifications pénales supplémentaires. La condamnation
récente à neuf ans de prison d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi pour sa participation à la
destruction de mausolées et d’une mosquée au Mali ne peut que constituer un heureux
précédent dans ce domaine. Avec cette affaire, la CPI a affirmé la volonté de la
communauté internationale ne jamais laisser impunies les actes de vandalisme commis à
l’encontre du patrimoine commun de l’humanité.
À côté de la répression des atteintes portées à l’encontre des patrimoines
archéologiques, l’avenir de ces derniers ne peut que reposer sur une prévention renforcée
de ces atteintes. Afin, notamment, que le monde n’assiste plus jamais impuissant à la
destruction organisée et massive de patrimoines archéologiques, et plus généralement
culturels, il serait souhaitable que puissent être mises en place, à l’avenir, des opérations
de maintien de la paix incluant dans leur mandat la préservation du patrimoine culturel,
comme cela a été fait en 2013 avec la résolution 2100 (2013) créant la MINUSMA. Une
telle résolution ne devrait pas rester un précédent unique. L’Irak et la Syrie doivent
prendre conscience de cette nécessité de renforcer la prévention des menaces pesant sur
leur patrimoine archéologique avant que de s’investir plus avant dans la reconstitution de
celui-ci.
129
Pour ce qui est de la récupération des biens archéologiques pillés en Irak et en Syrie
ou illicitement exportés depuis ces territoires, cette entreprise appelle à une mobilisation
de tous les outils offerts à cette fin par le droit international, ce qui inclut la ratification
de l’importante Convention d’UNIDROIT de 1995. De même, la restauration et la
reconstruction des éléments meurtris des patrimoines archéologiques irakien et syrien doit
tenir compte du cadre international existant en la matière, a fortiori lorsque sont en cause
des éléments de sites archéologiques classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
CONCLUSION
Le désastre culturel survenu en Irak et en Syrie entre la fin de l’année 2014 et le
milieu de l’année 2016 n’a pas seulement bouleversé les peuples irakien et syrien, mais
également l’ensemble de la communauté internationale, qui a assisté à la disparition d’une
partie du patrimoine commun de l’humanité. Si les destructions de sites archéologiques
aussi bien conservés que ceux de Nimroud, en Irak, et de Palmyre, en Syrie, constituent
sans doute l’aspect le plus violent des atteintes commises par l’EI, elles ne sauraient pour
autant faire oublier la perte d’un nombre considérable, quoique difficilement appréciable
avec précision, de biens archéologiques sous l’effet des pillages organisés par Daech.
L’urgence de la situation appelait des réponses rapides et efficaces de la part des Etats
afin de venir en aide à l’Irak et à la Syrie, déjà aux prises avec l’avancée fulgurante du
groupe terroriste sur leur territoire. À cet égard, le droit international offrait un véritable
cadre à la coopération internationale appelée à se mettre en place. Malheureusement, ce
cadre n’a pas été utilisé de manière homogène pour répondre à la crise traversée par les
patrimoines archéologiques irakien et syrien. Là où les destructions de vestiges mises en
scène par l’EI, à mesure qu’il prenait le contrôle de sites archéologiques, n’a suscité
aucune véritable réaction de la part de la coalition internationale qui s’est mobilisée pour
intervenir militairement sur place, le trafic illicite des biens pillés par Daech a, lui, donné
130
naissance, au contraire, à une coopération internationale fournie et étoffée sous l’effet des
résolutions adoptées en ce sens par le Conseil de sécurité.
Cette posture adoptée par la communauté internationale face à l’urgence du sauvetage
des patrimoines archéologiques irakien et syrien traduit, non pas une défaillance du cadre
juridique international, mais bien une sélection opérée par les Etats parmi les aspects de
la protection du patrimoine culturel en vue d’isoler ceux qui justifient véritablement selon
eux la mise en place d’une coopération interétatique. En témoigne le fait que la lutte
contre le trafic illicite des biens archéologiques irakiens et syriens est clairement
envisagée comme un aspect de la lutte contre le financement du terrorisme, dans la mesure
où les revenus tirés de ce trafic viennent alimenter les ressources de l’EI. Sans doute est-
ce parce que le sauvetage armé d’un patrimoine archéologique menacé de destruction ne
met en cause aucun autre intérêt que la préservation de ce patrimoine que les Etats ne se
sont pas mobilisés en vue d’une telle intervention.
Face aux destructions barbares de vestiges archéologiques qui constituent l’héritage
commun de l’humanité, la condamnation officielle de ces actes ne suffit plus, a fortiori
lorsque les auteurs de ces violences ne connaissent aucune limite comme c’est le cas de
Daech. À la lumière des pertes subies par les patrimoines archéologiques d’Irak et de
Syrie, il n’est plus possible désormais de détourner le regard, qui plus est dans un contexte
où le patrimoine culturel devient de plus en plus une cible privilégiée des conflits armés.
Les Etats doivent se donner les moyens de prévenir de telles atteintes, mais également
d’y remédier lorsqu’elles sont perpétrées. Cette exigence est d’autant plus impérative que
le droit international fournit les moyens d’une telle entreprise. De même que les
destructions commises par l’EI auraient pu justifier une autorisation du Conseil de
sécurité à recourir à la force armée pour y mettre un terme, la prévention de cette menace,
qui s’est mise à planer dès les débuts de l’expansion de Daech, aurait pu être facilitée par
la mise en place d’une opération de maintien de la paix, sur le modèle de celle créée au
Mali et dont le mandat incluait la préservation du patrimoine culturel malien. Désormais,
seule la répression internationale à l’égard des auteurs de tels actes de barbarie qui
seraient interpelés est à même d’appréhender cette question des destructions
intentionnelles de biens archéologiques. Pour peu que les Etats coopèrent en faveur d’une
reconnaissance de la compétence de la CPI et que celle-ci n’hésite pas à mobiliser les
131
qualifications pénales adéquates, cette répression pourrait permettre de tourner la page de
violences et de sauvagerie écrite par l’EI.
Pour ce qui est de la lutte contre le trafic illicite, il faut remarquer que, si une
coopération internationale efficace tend à se mettre en place, sur la base de la Convention
de l’UNESCO de 1970, mais aussi des résolutions du Conseil de sécurité, elle vise
essentiellement à l’identification et à la récupération des biens archéologiques pillés en
Irak et en Syrie et sortis illégalement de ces Etats. Pour ce qui est de la restitution et du
retour de ces biens volés ou illicitement exportés, l’Irak et la Syrie devront se contenter
des modalités de coopération internationale prévues en la matière par la Convention de
l’UNESCO de 1970, du moins, tant que ne sera pas ratifiée à une plus grande échelle, y
compris par ces deux Etats, la Convention d’UNIDROIT de 1995. Face aux imprécisions
et aux conditions relativement strictes découlant de la Convention de l’UNESCO, la
ratification de la Convention de 1995, qui pallie précisément ces carences, serait plus que
souhaitable en vue de faciliter la restitution et le retour des biens archéologiques pillés ou
exportés illégalement. L’ampleur sans précédent des pillages commis en Irak et en Syrie
conduira peut-être à une prise de conscience, de la part des Etats, sur les avantages de la
ratification de ce nouvel instrument.
La question de la restauration et de la reconstruction des patrimoines archéologiques
irakien et syrien est le dernier révélateur de l’intérêt du droit international pour les enjeux
relatifs à la protection et à la préservation du patrimoine culturel. En effet, à l’heure où la
Syrie envisage déjà de reconstruire les éléments détruits de la cité antique de Palmyre, il
convient de se référer aux lignes directrices fournies en la matière par plusieurs chartes,
notamment la Charte de Venise de 1964. Bien plus, dans le cas de la restauration
d’éléments du Patrimoine mondial de l’humanité – comme c’est le cas de Palmyre – cette
entreprise se trouve prise dans le champ des effets de la Convention de l’UNESCO de
1972 relative au patrimoine mondial. La valeur exceptionnelle des biens inscrits sur la
Liste du Patrimoine mondial exige, en effet, un encadrement de toute éventuelle
restauration ou reconstruction de ces biens, qui doit alors être effectuée en étroite
coopération avec l’UNESCO et, en particulier, le Centre du Patrimoine mondial.
Ainsi, cette étude aura été l’occasion de mettre en évidence la très grande variété des
règles de droit international susceptibles d’être mobilisées ou adaptées dans le cadre de
132
la lutte contre la destruction et le pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie.
À présent que celle-ci est sur le point de s’achever, un seul constat s’impose, celui que
les Etats ont à leur disposition tout un panel de moyens juridiques propres à leur permettre
de contribuer efficacement à la protection et à la préservation du patrimoine culturel à
travers le monde. Le précédent irako-syrien doit être considéré par la communauté
internationale comme l’occasion d’identifier clairement ce qui nécessite des
améliorations ou des adaptations afin que jamais plus ne se reproduise un tel désastre. La
Déclaration conjointe des Présidents des Comités des Conventions culturelles de
l’UNESCO, prononcée le 29 juin 2015, se fait l’écho de cette aspiration en affirmant :
« L'importance stratégique de renforcer et de puiser dans notre patrimoine culturel et naturel, dans toute sa
diversité et sa richesse, pour l'humanité dans son ensemble, ne saurait être surestimée. Le patrimoine constitue le
fondement de notre identité humaine, de notre potentiel, de notre diversité culturelle et de notre expression
créative en tant que droits humains fondamentaux et les nourrit. Sa pleine connaissance et compréhension à des
fins scientifiques, culturelles et éducatives est au cœur du développement équitable et durable, améliore la
connaissance partagée des réalisations historiques de l'humanité, enrichit la vie de tous les peuples et inspire le
dialogue et le respect mutuel et l'appréciation entre les nations. Cette contribution essentielle à notre bien-être
collectif est particulièrement nécessaire dans le contexte actuel où les défis mondiaux se font plus nombreux et la
consolidation d'une vision humaniste apparaît cruciale »293.
Il n’y a plus qu’à espérer que cet écho raisonne encore longtemps.
293 Déclaration conjointe des Présidents des Comités des Conventions culturelles de l’UNESCO, 29 juin
2015, prononcée lors de la 39e session du Comité du patrimoine mondial qui s’est tenue à Bonn, du 28 juin
au 8 juillet 2015. Par. 3 de la Déclaration.
133
ANNEXES
Annexe I
Annexe II
Annexe III
Annexe IV
Annexe V
Annexe VI
Annexe VII
Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques détruits
ou endommagés en Irak
Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques volés au musée de
Mossoul en 2015
Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques détruits
ou endommagés à Palmyre (Syrie)
Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril (extraits)
Informations requises aux termes de la norme Object ID
Exemple de fiche descriptive d’un bien archéologique syrien volé en 2015
enregistré dans la base de données d’INTERPOL
Modèle de certificat d’exportation de biens culturels UNESCO-OMD :
cinquième exemplaire
134
Annexe I – Photographies et images satellitaires des vestiges
archéologiques détruits ou endommagés en Irak
1. Mausolée de l’Imam Dur
Photographie prise par Yasser Tabbaa et publiée sur le site internet archnet.org.
Cette vue intérieure du mausolée révèle l’emblématique dôme à muqarnas, permettant le passage de
la structure carrée de la salle du bâtiment à celle, circulaire, du dôme. Élément caractéristique de
l’architecture islamique, ce dôme à muqarnas était d’autant plus inestimable qu’il constituait sans doute
l’un des premiers exemples de ce type de dôme.
135
2. Musée de Mossoul
Capture d’écran de la vidéo diffusée par l’Etat islamique, le 26 février 2015, montrant des djihadistes de
l’EI qui défigurent un taureau ailé assyrien sur un site archéologique de Mossoul (probablement celui de
Ninive).
3. Site archéologique de Nimroud
Photographie prise par M. Chohan le 8 août 2007, disponible sur Wikimedia Commons294.
294 L’utilisation, dans cette étude, de photographies provenant de la médiathèque Wikimedia Commons
respecte les conditions d’utilisation relatives aux droits d’auteur précisées sur le site
commons.wkimedia.org pour chacune de ces photographies.
136
Cette photographie montre des statues monumentales caractéristiques de l’art assyrien et présentes en
plusieurs endroits du site de Nimroud. Ce type de statues se retrouve, en effet, à plusieurs entrées du palais
nord-ouest du roi assyrien Assurnasirpal II (883-859 av. J.-C.).
Au premier plan à droite, se trouve une statue de taureau ailé androcéphale magnifiquement conservée.
Une statue identique est aujourd’hui conservée au British Museum. Au second plan à gauche, il est possible
d’observer deux statues identiques marquant l’entrée d’une chambre du palais et dont les détails ont été
décrits avec précision par l’explorateur britannique Austen Henry Layard, soulignant :
“The body and limbs were admirably portrayed; the muscles and bones, although strongly developed to display
the strength of the animal, showed at the same time a correct knowledge of its anatomy and form.”295
Images satellitaires révélant l’étendue des destructions et dommages portés au site de
Nimroud (disponibles sur le site de l’UNOSAT)
295 A. H. Layard, op. cit., p. 51.
137
Annexe II – Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques
volés au musée de Mossoul en 2015
138
Annexe III – Photographies et images satellitaires des vestiges
archéologiques détruits ou endommagés à Palmyre (Syrie)
1. Le Temple de Baalshamin
(a) Photographie du temple avant sa destruction
Photographie prise par Bernard Gagnon, le 7 avril 2010. Disponible sur Wikimedia Commons.
(b) Images satellitaires montrant l’ampleur des destructions (disponibles sur le site de l’UNOSAT)
139
2. Le Temple de Bel
(a) Photographie du temple avant sa destruction
Photographie prise par Bernard Gagnon, le 6 avril 2010. Disponible sur Wikimedia Commons.
(b) Images satellitaires montrant l’ampleur des destructions (disponibles sur le site de l’UNOSAT)
140
Annexe IV – Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens
en péril (extraits)
Cet extrait de la Liste Rouge d’urgence a été obtenu sur le site internet de l’ICOM.
141
Annexe V – Informations requises aux termes de la norme
Object ID
142
Annexe VI – Exemple de fiche descriptive d’un bien
archéologique syrien volé en 2015 enregistré dans la base de
données d’INTERPOL
Les informations relatives à cet objet ainsi que les photographies de celui-ci ont été obtenues sur le site
d’INTERPOL, à partir de la base de données recensant les biens syriens volés, librement consultable par
le public.
STANDING FIGURE
Type:
Period:
Technics:
Additional Information:
Signature state:
Materials:
SCULPTURE/STATUE/FULL LENGHT/NOT RELIGIOUS 3RD MILLENIUM B.C. SCULPTURE,STATUE/CARVED/THREE DIMENSIONAL
RIHT EYE MISSING
STONE
ADMINISTRATIVE INFORMATION
Case happened in:
Folder:
Syria
2015/58714-1.1
PHOTOS
IF YOU HAVE ANY INFORMATION PLEASE CONTACT
Your national or local police General Secretariat of INTERPOL
143
Annexe VII – Modèle de certificat d’exportation de biens
culturels UNESCO-OMD : cinquième exemplaire
144
145
BIBLIOGRAPHIE
I. Sources primaires
Conventions et Protocoles
Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field (Lieber Code),
24 avril 1863.
Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye, 18
octobre 1907.
Convention (IX) concernant le bombardement par les forces navales en temps de guerre,
La Haye, 18 octobre 1907.
Charte des Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945.
Convention pour la prévention et la répression de crime de génocide, ONU, 9 décembre
1948.
Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève,
12 août 1949.
Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, UNESCO, La
Haye, 14 mai 1954.
(Premier) Protocole à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit
armé, UNESCO, La Haye, 14 mai 1954.
Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation,
l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, UNESCO, Paris, 14
novembre 1970.
Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, UNESCO,
Paris, 16 novembre 1972.
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection
des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), Genève, 8 juin 1977.
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection
des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), Genève, 8 juin 1977
Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), Conseil
de l’Europe, La Valette, 16 janvier 1992.
Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, Unidroit, Rome, 24 juin
1995.
146
Statut de la Cour pénale internationale, Rome, 17 juillet 1998.
Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des
biens culturels en cas de conflit armé, UNESCO, La Haye, 26 mars 1999.
Jurisprudence1*
CIJ, Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis), Arrêt du 27 juin 1986, CIJ Recueil 1986, p. 14.
TPIY, Procureur c. Dusko Tadić, affaire n° IT-94-1, Arrêt relatif à l’appel de la défense
concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Chambre d’appel, 2 octobre 1995.
TPIY, Le Procureur c. Radislav Krstić, affaire n° IT-98-33-T, Jugement, 2 août 2001.
TPIY, Le Procureur c. Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic, affaire n°
IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Arrêt du 12 juin 2002, Chambre d’appel.
TPIR, Le Procureur c. Laurent Semanza, affaire n° ICTR-97-20-T, Jugement et sentence,
Chambre de première instance III, 15 mai 2003.
TPIY, Le Procureur c. Miodrag Jokić, affaire n° IT-01-42/1-S, Jugement portant
condamnation, Chambre de première instance I, 18 mars 2004
CPI, Situation en République démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga
Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06, Décision relative à la confirmation des charges,
Chambre préliminaire I, 29 janvier 2007.
CPI, Situation en République démocratique du Congo, Le Procureur c. Germain Katanga
et Mathieu Ngudjol Chui, affaire n° ICC-01/04-01/07, Décision relative à la confirmation
des charges, Chambre préliminaire I, 30 septembre 2008.
TPIY, Le Procureur c. Milan Milutinović, Nikola Šainović, Dragoljub Ojdanić, Nebojša
Pavković, Vladimir Lazarević, Sreten Lukić, affaire n° IT-05-87-T, Jugement, Chambre
d’instance, 26 février 2009
CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, affaire
n° ICC-01/12-01/15, Décision relative à la confirmation des charges, Chambre
préliminaire I, 24 mars 2016.
CPI, Situation en République du Mali, Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, affaire
n° ICC-01/12-01/15, Jugement portant condamnation, Chambre de première instance
VIII, 27 septembre 2016.
147
Actes d’organisations internationales
Actes de l’U.N.E.S.C.O.2*
1°) Déclaration et communiqués
Déclaration de l’UNESCO concernant la destruction intentionnelle du patrimoine
culturel, résolution adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO à sa 32e session sur
rapport de la Commission IV à la 21e séance plénière, le 17 octobre 2003, Actes de la
Conférence générale, vol. 1, 2004, pp. 70-73.
« La Directrice générale Irina Bokova condamne la destruction du mausolée de l’Imam
Dur », 28 octobre 2014.
« La Directrice générale dénonce un nettoyage culturel lors de sa visite en Irak », 5
novembre 2014.
« La Directrice générale de l’UNESCO salue l’adoption par le Conseil de sécurité des
Nations Unies d’une résolution visant à renforcer la protection du patrimoine culturel en
Syrie et en Irak », 12 février 2015.
« La Directrice générale demande une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU après la
destruction du patrimoine de Mossoul », 26 février 2015.
« L’UNESCO appelle à la mobilisation pour arrêter le "nettoyage culturel" en Irak », 27
février 2015.
« La Directrice générale salue le communiqué du Conseil de sécurité sur l’attaque du
musée de Mossoul », 28 février 2015.
« L’UNESCO mobilise la communauté internationale pour mettre fin au nettoyage
culturel en Irak », 11 mars 2015.
« "Nous sommes tous unis" pour protéger le patrimoine culturel de l’Irak, déclarent
ensemble le président français et la Directrice générale de l’UNESCO », 18 mars 2015.
« "La culture est en première ligne des conflits – elle devrait être en première ligne de
l’édification de la paix", a déclaré la Directrice générale devant le Conseil de sécurité de
l’ONU », 24 avril 2015. « L’UNESCO souligne l’importance de la collaboration internationale pour mettre fin au
trafic illicite des biens culturels », 21 mai 2015.
« L’UNESCO et l’Irak lancent un projet visant à conserver le site du patrimoine mondial
de Samarra », 29 juillet 2015.
148
2°) Recommandations et rapports de conférence
Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de
fouilles archéologiques, adoptée par la Conférence générale à sa neuvième session, New
Dehli, 5 décembre 1956.
Recommandation concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher
l'exportation, l'importation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, adoptée
par la Conférence générale à sa treizième session, Paris, 19 novembre 1964.
Regional Training on Syrian Cultural Heritage: Addressing the Issue of Illicit Trafficking.
Final Report and Recommendations, Amman, 10-13 février 2013, 28 p.
Actes de l’O.N.U.3*
1°) Résolutions du Conseil de sécurité
Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, adopté le 25 mai 1993, par
la résolution 827 (1993) du Conseil de sécurité, à sa 3217e séance.
Statut du Tribunal pénal international pour la Rwanda, adopté le 8 novembre 1994, par la
résolution 955 (1994) du Conseil de sécurité, à sa 3453e séance.
Résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 4761e séance, le 22 mai 2003.
Résolution 2100 (2013) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 6952e séance, le 25 avril
2013.
Résolution 2164 (2014) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7210e séance, le 25 juin 2014.
Résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7379e séance, le 12 février
2015.
Résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7565e séance, le 20 novembre
2015.
Résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité, adoptée à sa 7587e séance, le 17 décembre
2015.
2°) Résolution de l’Assemblée générale
Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, adoptée à sa 29e session, le 14
décembre 1974.
Résolution 69/196 « Principes directeurs internationaux sur les mesures de prévention du
crime et de justice pénale relatives au trafic de biens culturels et aux autres infractions
connexes » de l’Assemblée générale, adoptée à sa 69e session, le 18 décembre 2014.
149
Résolution 69/281 « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Irak » de l’Assemblée
générale, adoptée à sa 69e session, le 28 mai 2015.
Résolution 70/76, « Retour ou restitution des biens culturels à leur pays d’origine » de
l’Assemblée générale, adoptée à sa 70e session, le 9 décembre 2015.
3°) Rapport de l’UNITAR-UNOSAT
Satellite-Based Damage Assessment of Cultural Heritage Sites. 2015 Summary Report of
Iraq, Nepal, Syria & Yemen, June 2016.
Acte de la C.P.I.
Éléments des crimes, tirés des Documents officiels de l’Assemblée des Etats Parties au
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, première session, New York, 3-10
septembre 2002, deuxième partie B (publication des Nations Unies), révisés lors de la
Conférence de révision de 2010 et repris dans les Documents officiels de la Conférence
de révision au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Kampala, 31 mai-11 juin
2010, publiés par la CPI en 2011. Disponibles sur le site de la CPI www.icc-cpi.int.
Actes de l’I.C.O.M. 4*
Code de déontologie de l’ICOM pour les musées, adopté par la 20e Assemblée générale,
à Barcelone, le 6 juillet 2001, et révisé par la 21e Assemblée générale, à Séoul, le 8 octobre
2004.
Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril, 2013.
Liste Rouge d’urgence des biens culturels irakiens en péril (mise à jour 2015), 2015.
Actes de l’O.M.D.5*
Résolution du Conseil de coopération douanière concernant le rôle de la douane dans la
prévention du trafic illicite de biens culturels, Bruxelles, juillet 2016.
Memorandum of Understanding between the World Customs Organization and the
Smithsonian Institution, signé le 15 juillet 2016.
Rapports du GAFI
Financing of the Terrorist Organisation Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL), février
2015.
150
1* Tous les arrêts et jugements du TPIY cités sont disponibles sur le site Internet du Tribunal www.icty.org
et toutes les décisions de la CPI citées sont disponibles sur le site Internet de la Cour www.icc-cpi.int. 2* Tous les actes de l’UNESCO cités sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.unesco.org. 3*
Tous les actes de l’ONU cités sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.un.org. 4*
Tous les actes de l’ICOM sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.icom.museum. 5*
Tous les actes de l’OMD sont disponibles sur le site Internet de l’organisation www.wcoomd.org.
II. Sources secondaires
Ouvrages
Dictionnaire juridique
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2001, 1198 p.
Monographies
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CARDUCCI (G.), La restitution internationale des biens cultures et des objets d’art volés
ou illicitement exportés, Paris, LGDJ, 1997, 493 p.
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FODÉRÉ, Paris, Guillaumin et Cie, tome III, 1867, 578 p.
LEMKIN (R.), Axis Rule in Occupied Europe, Washington, Carnegie Endowment for
International Peace, 1944, 674 p.
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2011, 434 p.
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sais-je ?, 126 p.
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la Convention de La Haye du 14 mai 1954, Paris, Editions UNESCO, coll. Patrimoine
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Haye
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156
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
..
PARTIE I : LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR SAUVER UN
PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE EN DANGER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Chapitre 1er : Le droit international face à la question d’une intervention armée
internationale destinée à mettre fin à la destruction et au pillage du patrimoine
archéologique en Irak et en Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. SECTION I : LES DIFFICULTÉS JURIDIQUES SUSCEPTIBLES DE COMPROMETTRE UN
SAUVETAGE ARMÉ DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE EN IRAK ET EN SYRIE . . . . .
.
§1. L’obligation de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak
et de la Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§2. La difficile application du système de sécurité collective des Nations Unies
dans le cas syrien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
A- Des destructions et pillages difficilement qualifiables de « menace contre
la paix » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
B- L’improbabilité d’une autorisation du Conseil de sécurité de recourir à
la force armée pour sauver un patrimoine archéologique . . . . . . . . . . . .
. SECTION II : UN SAUVETAGE ARMÉ DISCUTABLE EN DÉPIT DU CONTOURNEMENT
DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES EXISTANTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§1. Les possibilités ouvertes par les aménagements juridiques à l’origine des
opérations militaires menées en Syrie par la coalition internationale . . . . . . . . .
.
§2. Un sauvetage armé demeuré incontestablement secondaire en Irak et en
Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
A- Un « sauvetage » indirect du patrimoine archéologique irakien . . . . . . .
.
B- Un sauvetage politisé du patrimoine archéologique syrien . . . . . . . . . . .
.
Chapitre 2 : Le droit international face à l’urgence de la lutte contre le trafic
illicite de biens issu du pillage du patrimoine archéologique en Irak et en Syrie .
. SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE LUTTE URGENTE CONTRE LA
DISPERSION DE BIENS ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS DUE AU TRAFIC
ILLICITE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§1. Des bases conventionnelles incontournables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
A- Le rôle décisif de la Convention de l’UNESCO de 1970 . . . . . . . . . . . . .
.
1
12
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21
21
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32
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157
(a) Des mesures de protection adéquates pour faire face aux
principaux actes illicites identifiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
(b) Le cas particulier des biens culturels provenant de territoires
occupés ou mis en danger par des pillages . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
B- Le rôle non négligeable de la Convention de l’UNESCO de 1972 . . . . . .
.
§2. L’apport conséquent du Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII
de la Charte des Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. SECTION II : LES TRADUCTIONS TECHNIQUES DES RÈGLES DE DROIT
INTERNATIONAL PERMETTANT D’ENDIGUER LE TRAFIC ILLICITE DE BIENS
ARCHÉOLOGIQUES IRAKIENS ET SYRIENS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. §1. Des outils indispensables d’identification des biens archéologiques touchés
par le trafic illicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
A- L’identification des catégories de biens archéologiques exposés au trafic
illicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
B- L’identification des biens archéologiques recherchés dans le cadre d’un
trafic illicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§2. Des techniques de coopération variées en vue de l’identification et de
l’interception des biens archéologiques faisant l’objet d’un trafic illicite . . . . . .
.
A- Le renforcement de la coopération des services de douanes . . . . . . . . . .
.
B- La nécessité d’une coopération accrue des principaux acteurs du marché
de l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
(a) La responsabilisation croissante des professionnels du marché de
l’art et de leurs acheteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
..
(b) L’appel à une plus grande vigilance de la part des plateformes de
vente sur Internet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
PARTIE II : LES MOYENS JURIDIQUES DISPONIBLES POUR
SAUVEGARDER UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE FRAGILISÉ . . . . .
.
Chapitre 1er : Les moyens juridiques d’une répression efficace des atteintes
portées au patrimoine archéologique en Irak et en Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. SECTION I : LA POSSIBILITÉ D’UNE RÉPRESSION INTERNATIONALE DES
DESTRUCTIONS DU PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§1. Une répression internationale susceptible d’être fondée sur des
qualifications pénales variées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. .
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65
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74
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84
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158
A- La qualification avérée mais contraignante de crime de guerre . . . . . . .
.
(a) Une qualification systématiquement subordonnée à la réunion de
conditions strictes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
(b) Des conditions réunies pour la première fois en matière de
destructions intentionnelles de biens culturels dans la récente affaire
Ahmad Al Faqi Al Mahdi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
B- Interrogations sur la possibilité de retenir d’autres qualifications
pénales internationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
(a) La qualification évoquée mais débattue de crime contre l’humanité .
.
(b) La qualification contestée mais envisageable de génocide culturel . .
.
§2. Des qualifications pénales justifiées par la possibilité de peines adéquates .
. SECTION II : LA RÉPRESSION EN DROIT INTERNATIONAL DU PILLAGE ET DU TRAFIC
ILLICITE TOUCHANT LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§1. La possibilité d’une répression internationale du pillage des biens
archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§2. Le renforcement de l’encadrement international d’une répression nationale
du trafic illicite des biens archéologiques pillés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Chapitre 2 : Les bases juridiques de l’avenir du patrimoine archéologique en
Irak et en Syrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. SECTION I : LES BASES JURIDIQUES D’UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES MENACES
PESANT SUR LE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§1. L’intérêt d’envisager des missions internationales d’urgence en vue d’une
meilleure prévention des destructions et pillages du patrimoine archéologique .
.
§2. La nécessité d’une mise en œuvre renforcée des instruments internationaux
de lutte contre le trafic illicite de biens archéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. SECTION II : LES BASES JURIDIQUES DE LA RECONSTITUTION D’UN PATRIMOINE
ARCHÉOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§1. Le rôle majeur de la Convention d’UNIDROIT de 1995 en matière de retour
des biens archéologiques pillés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
§2. Le droit international face aux enjeux de la reconstruction d’un patrimoine
archéologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
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93
96
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125
129
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ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Annexe I – Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques
détruits ou endommagés en Irak . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Annexe II – Affiche d’INTERPOL sur les biens archéologiques volés au Musée
de Mossoul en 2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Annexe III – Photographies et images satellitaires des vestiges archéologiques
détruits ou endommagés à Palmyre (Syrie) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Annexe IV – Liste Rouge d’urgence des biens culturels syriens en péril (extraits) .
..
Annexe V – Informations requises aux termes de la norme Object ID . . . . . . . . . .
.
Annexe VI – Exemple de fiche descriptive d’un bien archéologique syrien volé en
2015 enregistré dans la base de données d’INTERPOL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
Annexe VII – Modèle de certificat d’exportation de biens culturels UNESCO-
OMD : cinquième exemplaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
..
133
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