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Cette grande manifestation télévisée, dont ce sera la 22 ème édition les 5 et 6 décembre prochains, est devenue en France une véritable institution, mais peu de gens, surtout les plus jeunes de moins de 25 ans, n’en connaissent l’origine. Alors un peu d’histoire. Il y a 21 ans, les 4 et 5 décembre 1987, les téléspectateurs français, massivement mobilisés devant leur écran de télévision, découvraient les myopathies, maladies génétiques pernicieuses entraînant irrémédiablement la dégénérescence des muscles. Ils ont vu avec émotion des enfants sanglés sur leurs drôles de machines roulantes qui leur servaient de bras et de jambes, ils ont pleuré devant ces injustices de la nature, le message était clair, si on ne trouvait pas très vite la parade, ces enfants étaient tous condamnés. C’est JERRY LEWIS, le célèbre comique américain qui est à l’origine du Téléthon après avoir perdu un enfant atteint de myopathie et en constatant que la Recherche Médicale était impuissante et surtout inerte, c’est lui qui a inventé la formule télévisée et son titre en contractant les termes TELEVISION et MARATHON, Jerry Lewis fit son premier Téléthon en 1966 sur une petite chaîne de télévision new-yorkaise en donnant gratuitement 22 heures de sa vie, ce qui n’est pas rien quand on sait que la moindre grimace de ce grand comique lui rapporte des millions de dollars ! La formule fit tache sur tout le continent américain, CANADA, MEXIQUE, VENEZUELA, BRESIL, PEROU. En 1985 Dorothée, l’animatrice vedette d’A2 très émue après avoir assisté à un Téléthon aux USA, le proposa à sa Direction, mais se fit proprement éconduire par Jacqueline JOUBERT.

Mon Téléthon

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Historique du premier Téléthon français

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Cette grande manifestation télévisée, dont ce sera la 22ème édition

les 5 et 6 décembre prochains, est devenue en France une véritable institution, mais peu de gens, surtout les plus jeunes de moins de 25 ans, n’en connaissent l’origine.

Alors un peu d’histoire. Il y a 21 ans, les 4 et 5 décembre 1987, les téléspectateurs français, massivement mobilisés devant leur écran de télévision, découvraient les myopathies, maladies génétiques pernicieuses entraînant irrémédiablement la dégénérescence des muscles.

Ils ont vu avec émotion des enfants sanglés sur leurs drôles de machines roulantes qui leur servaient de bras et de jambes, ils ont pleuré devant ces injustices de la nature, le message était clair, si on ne trouvait pas très vite la parade, ces enfants étaient tous condamnés.

C’est JERRY LEWIS, le célèbre comique américain qui est à l’origine du Téléthon après avoir perdu un enfant atteint de myopathie et en constatant que la Recherche Médicale était impuissante et surtout inerte, c’est lui qui a inventé la formule télévisée et son titre en contractant les termes TELEVISION et MARATHON,

Jerry Lewis fit son premier Téléthon en 1966 sur une petite chaîne de télévision new-yorkaise en donnant gratuitement 22 heures de sa vie, ce qui n’est pas rien quand on sait que la moindre grimace de ce grand comique lui rapporte des millions de dollars !

La formule fit tache sur tout le continent américain, CANADA,

MEXIQUE, VENEZUELA, BRESIL, PEROU. En 1985 Dorothée, l’animatrice vedette d’A2 très émue après

avoir assisté à un Téléthon aux USA, le proposa à sa Direction, mais se fit proprement éconduire par Jacqueline JOUBERT.

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En 1986 Pierre BIRAMBAUD le Directeur de l’AFM (l’Association Française contre les Myopathies), au retour d’une enquête aux USA, relança l’idée auprès de Bernard BARATAUD qui en était le Président depuis 1981 et dont le fils venait de s’éteindre après 10 ans de lutte désespérée contre la maladie.

Monsieur BARATAUD commença à assiéger les directions des chaînes de télévision françaises pour leur proposer de se lancer dans l’aventure d’une émission non stop d’au moins 24 heures, aidé en cela par une rencontre fortuite avec Jean-Pierre SPIERO, le réalisateur entre autres exploits des fameuses émissions scientifiques « Mi fugue mi raison » et qui était bien un des rares à l’époque capable de concevoir une opération d’une telle envergure jamais tentée jusqu’alors.

C’est A2 (l’ancien France2) qui en la personne de Louis BERIOT,

alors Directeur qui prit courageusement en mars 1987 la décision de lancer une étude sur le projet.

Pour cela il créa un nouveau service, le Département des Opérations Exceptionnelles avec à sa tête un journaliste sérieux et compétent, Pierre-Henri ARNSTAM, qui immédiatement mandata la SFP, Société Française de Productions Audiovisuelles, qui était la seule à l’époque à avoir suffisamment de moyens techniques pour supporter la lourdeur d’une telle opération sans trop pénaliser ses clients attitrés, en l’occurrence la plupart des productions diffusées par les trois grandes chaînes nationales.

Il faut savoir que personne, à part les parents directement concernés, ne savait à l’époque ce qu’était une maladie génétique et encore moins une myopathie, à commencer par moi.

L’étude de faisabilité me fut confiée en juin et j’ai rencontré très

vite Bernard BARATAUD, nous prîmes alors la dimension exceptionnelle de cette opération et surtout sa dimension émotionnelle.

Avec Jean-Pierre SPIERO nous définîmes longuement les moyens, c’était une première, il nous fallait tout inventer et je rendis un verdict sans appel, la plus grosse partie des moyens techniques et humains dont disposait la SFP devait être mobilisée, à savoir :

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—2 plateaux de télévision à la Maison de Radio France, le 101 et le 102, en plus du studio 103 équipé en centre de promesses parisien géré par les bénévoles du Lions’Club, tripler la capacité du centre « nodal » (une espèce de gare de triage électronique par laquelle passeraient tous les signaux image et son) 3 gros cars régie sur Paris, 3 petites unités mobiles, 27 centres télévisés de promesses réparties dans toute la France, 90 caméras en tout et pas loin de 400 techniciens mobilisés.

A2 avait réalisé une K7 très parlante qui montrait un enfant

courant dans le sable et s’y enfonçant petit à petit jusqu’à l’immobilité totale.

J’ai alors organisé plusieurs visionnages de ce petit film avec les personnels en leur tenant le langage suivant.

—Il y a dans le monde plein d’enfants, beaucoup trop, qui vont mourir parce que la médecine et les gouvernants ne s’intéressent pas vraiment à ces saloperies de maladies, et c’est à nous de faire quelque chose.

Et le seul moyen de sensibiliser l’opinion publique, c’est la télévision, et ça à la SFP, nous savons faire.

Alors je vais vous demander de travailler comme des bœufs, je ne sais pas si on aura le temps de manger ni même de dormir pendant ces 28 heures de direct non stop, mais il faudra le faire, coûte que coûte, car ce que je vous propose, c’est enfin une vraie mission de Service Public ! —

Les personnels SFP dans leur grande majorité étaient encore très

imprégnés de l’esprit du service public exceptionnel qu’avait été l’ORTF et se sont jetés avec enthousiasme dans la préparation de cette opération qui s’est avérée plus tard comme ayant été la plus importante jamais organisée dans le monde à cette date et le plus long direct non stop de l’histoire de la télévision car nous avons tenu non pas les 28 heures prévues mais 32 heures, du vendredi 4 décembre 20 h jusqu’au dimanche matin 4 heures.

La semaine fut fébrile, la plupart des techniciens ont fait entre 50 et 70 heures de travail, beaucoup ont dormi sur place sur des lits de camp installés un peu partout dans la Maison de la Radio, se sont restauré comme ils ont pu aux 2 buffets installés en permanence dans les foyers, mes deux homologues A2 et moi avons travaillé plus de 110 heures cette semaine là dont 72 sans dormir le tout dans une ambiance extraordinaire.

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Bernard BARATAUD et moi avions nettement sous-évalué le succès de l’opération et la générosité des français, car le compteur géant qui affichait les promesses de dons s’est bloqué à 99.999.999 et j’ai demandé à mon accessoiriste de coller en toute hâte un « 1 » supplémentaire sur le côté avec du scotch jaune !

Quand le compteur afficha le tout dernier décompte des promesses, plus de 181 millions de francs soit plus de 29 millions d’euros, nous dansions tous de joie en régie malgré la fatigue.

Jerry Lewis, le premier parrain du Téléthon français, qui était

arrivé en France en pensant trouver des sauvages peu expérimentés a tenu à nous complimenter avec enthousiasme à la fin de l’émission:

« Ce que vous venez de faire, vous les français, nous les américains n’en sommes pas encore capables, autant sur le plan de l’exploit technique que sur le plan de la générosité »

Les 500 personnels d’A2 et de la SFP qui ont participé à ce

premier Téléthon n’oublieront jamais cette aventure et chacun a conscience que sans leur acharnement à la réussir il n’y aurait peut-être pas eu 21 autres éditions et surtout qu’ils ont contribué ainsi par leur travail à un formidable élan qui a fait avancer la Recherche mondiale à pas de géant avec l’espoir fébrile en 2008 d’être dans la dernière ligne droite avant le grand virage des traitements.

Francis LATTUGA Directeur de production à la SFP en 1987 En charge du premier Téléthon français Et aussi des deux suivants.