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Monnaie endogène : une synthèse hétérodoxe

Léo Malherbe

GREThA, CNRS, UMR 5113, Université de Bordeaux [email protected]

Cahiers du GREThA n° 2017-08

Mars

Cahiers du GREThA 2017 – 08

GRETHA UMR CNRS 5113 Univers i té de Bordeaux

Avenue Léon Dugui t - 33608 PESS AC - FR ANCE Te l : +33 (0 )5 .56 .84.25 .75 - Fax : +33 (0 )5 .56 .84.86 .47 - www.gretha.f r

Monnaie endogène : une synthèse hétérodoxe

Résumé

Il s’agira ici dans un premier temps de présenter la genèse contemporaine du concept de monnaie endogène. Au travers de cette revue de la littérature, nous verrons que la théorie de la monnaie endogène a émergé au sein du courant post-keynésien, à partir d’un double mouvement à la fois d’acceptation et de critique de Keynes. L’endogénéité de la monnaie a été par la suite au coeur de grandes controverses internes au courant de pensée post-keynésien. Nous reviendrons sur les deux controverses essentielles, d’abord avec l’opposition entre les horizontalistes et les structuralistes puis avec celle entre les tenants d’une vision évolutionnaire et les tenants d’une vision révolutionnaire de l’endogénéité de la monnaie.

Nous verrons que malgré l’existence de nombreux débats internes, la théorisation post-keynésienne de la monnaie endogène comporte certaines limites conceptuelles et méthodologiques. C’est pourquoi nous chercherons à opérer un effort de clarification conceptuelle, en mobilisant les apports des théoriciens institutionnalistes français ainsi que les concepts et la méthode des théoriciens de la régulation.

Ainsi, nous proposerons dans la dernière section de ce papier ce que nous avons appelé une théorie sous-déterminée de la monnaie endogène visant à réaliser une synthèse hétérodoxe sur le sujet.

Mots-clés : Monnaie endogène, Création monétaire, Crédit bancaire, Théorie post-keynésienne, Institutionnalisme, Théorie de la régulation

Endogenous money : an heterodox synthesis

Abstract

Firstable we shall present the contemporary genesis of endogenous money concept. In doing so we will show that endogenous money theory arised within the post-keynesian school of thought by simultaneously accepting some key points and spotlighting some weaknesses of the Keynesian theory. Thereafter, endogenous money had been a very controversial issue among post-keynesian litterature. We shall look back at the two major controversies that took place : at first between horizontalists and structuralists, then between the evolutionary and the revolutionary view on endogenous money.

We will see that despite the existence of numerous internal debates, post-keynesian’s endogenous money theory entails some conceptual and methodological limits. That’s why we shall intend to clarify this concept by including some heterodox theoretical inputs such as those made by French institutionalists and the regulation school for instance.

In that way, we will propose in the last part of this paper what we called an under-determined endogenous money theory, aimed at achieving an heterodox synthesis on this topic.

Keywords: Endogenous money, Monetary creation, Bank loans, Post-Keynesian theory, Instituionalism, Regulation school

JEL: E12, E42, E58, B25, B41, B5

Reference to this paper: MALHERBE Léo (2017) Monnaie endogène: une synthèse hétérodoxe, Cahiers du GREThA, n°2017-08. http://ideas.repec.org/p/grt/wpegrt/2017-08.html.

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Introduction :

“ It is not only neoclassical theory that has internal problems. It is now widely argued, even by sympathizers, that there are fundamental problems with post-

Keynesian theory as well [...]. Keynes himself failed to develop adequate theoretical foundations for his system [...].

It is to build a theoretical foundation for post-Keynesian theory out of some ideas which are associated with the institutionalist tradition “

(Hodgson, 1989, p. 94)

Nous trouvons chez Hodgson (1989, 2002) les prémices d’une discussion sur les fondements méthodologiques de la pensée post-keynésienne ainsi qu’une volonté affichée d’opérer un rapprochement avec la tradition de recherche institutionnaliste. Aujourd’hui, cette dynamique d’ouverture épistémologique prend un second souffle, notamment chez les post-keynésiens francophones à la recherche de synergies avec les théoriciens de la régulation. Pour illustrer ce mouvement nous pouvons nous référer à un certain nombre de publications relativement récentes, comme celles contenues dans le numéro 10 de la Revue de la régulation dirigé par Mickaël Clévenot (2011) intitulé « Post-keynésianisme et théorie de la régulation : des perspectives communes ». Des auteurs aussi prestigieux que Lavoie pour les post-keynésiens ou Boyer pour les théoriciens de la régulation cherchent à mettre en avant les apports respectifs pour chacun des deux courants d’un tel couplage, allant même jusqu’à se demander si cette conjugaison théorique ne pourrait pas constituer une “ alternative à la crise de l’économie standard ? “ (Boyer, 2011). Cependant, théories post-keynésienne et régulationniste ne sont pas construites sur les mêmes fondements théoriques et méthodologiques. Pour Boyer (2011), “ Quitte à simplifier, donc à caricaturer, les post-keynésiens avancent par la théorie, les régulationnistes par l’analyse historique et comparative. C’est pour l’instant l’explication de la relative autonomie de leurs trajectoires de recherche respectives “. Nous retrouvons ici d’une certaine manière la distinction faite par Hodgson (2002) au sein du courant post-keynésien. Nous verrons par la suite qu’en effet, si une fraction non négligeable des post-keynésiens incarnent cette volonté d’aboutir à une nouvelle ‘théorie générale’1 “ prétendant à l’universalité, persuasive sur le plan normatif, il existe néanmoins au sein de ce courant de pensée des auteurs partageant avec les théoriciens de la régulation leur intérêt pour l’approche historique, dans un esprit davantage analytique que normatif.

Souhaitant développer de nouvelles connections entre les théories post-keynésienne et régulationniste, nous nous intéresserons ici à la théorie de la monnaie endogène. Celle-ci, bien que ses contours soient peu ou mal définis, nous semble être le coeur de la théorie post-keynésienne en tant qu’élément fondateur, structurant et unificateur au sein de ce courant de pensée. Nous verrons qu’en matière de monnaie endogène la tension méthodologique brièvement évoquée ici, entre une théorie générale à portée normative et une théorie sous-déterminée complétée par l’investigation historique, est particulièrement forte. Il s’agira ici, après avoir présenté les controverses post-keynésiennes majeures quant à la monnaie endogène, de tenter d’y apporter un éclairage, à la lumière des apports institutionnalistes et régulationnistes. Notre volonté est donc, à l’intérieur d’une pensée hétérodoxe cohérente, de proposer une lecture plus large du concept de monnaie endogène que celle qui en est généralement

1 Construction théorique “ dont la cohérence et la puissance sont supposées éclairer de façon pertinente lesproblèmes macroéconomiques contemporains “ (Boyer, 2011).

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faite au sein des débats post-keynésiens2. Ceci sera rendu possible par la mise sur pied d’une théorie sous-déterminée de la monnaie endogène.

1) La monnaie endogène chez les post-keynésiens

De Keynes aux post-keynésiens : entre acceptation et critique

Keynes publie en 1936 son œuvre maîtresse intitulée Théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. Cet ouvrage est un moment clé de l’histoire de la pensée économique du 20ème siècle. En effet, Keynes est un économiste de formation classique marshallienne qui, au fur et à mesure d’un cheminement intellectuel entamé en 19243, pose les bases d’une théorie économique alternative. En se détachant du courant classique, Keynes cherche à proposer une analyse au plus près du réel intégrant les variables monétaires, sortant ainsi de la dichotomie habituelle entre sphères réelle et monétaire. Ce cadre novateur est appelé économie monétaire de production. Les post-keynésiens souscriront largement à ce cadre d’analyse, plus à même de rendre compte du capitalisme financier moderne que le cadre de l’économie d’échange réelle (assimilable à une économie de troc) utilisé par les économistes classiques. S’il y a une adhésion forte au cadre d’analyse de Keynes, on constate en revanche un rejet marqué de certaines des hypothèses utilisées par Keynes en 1936. L’une des principales pierres d’achoppement tient au fait que Keynes considère que l’offre de monnaie est stable à court terme et déterminée par la Banque Centrale de manière exogène4. Cette hypothèse est incompatible avec le cadre de l’économie monétaire de production et dans une certaine mesure, contraire aux faits d’observation5. Tout du moins l’absence de théorie explicite de l’offre de monnaie appelle à compléter le dispositif analytique keynésien. Ce sera l’effort poursuivi par les post-keynésiens qui, à partir d’un double mouvement à la fois d’acceptation et de critique de Keynes ainsi que d’une discussion animée autour du finance motive évoqué par Keynes dans ses articles postérieurs à la Théorie Générale6, vont produire un corpus théorique hétérodoxe cohérent intégrant à sa juste place l’analyse du processus de création monétaire. Le motif de finance, s’il reste « le concept le plus âprement discuté au sein de l’école post-keynésienne » (Monvoisin, 2003, p. 158) en raison des multiples interprétations qui en ont été formulées7, est bien la clé théorique permettant de penser l’offre de monnaie tout en restant fidèle

2 Nous nous inscrivons ainsi dans une démarche proche de celle décrite par Guttmann : “ Les régulationnistesont bâti leur approche de la monnaie sur le concept postkeynésien d’une économie monétaire de production. Mais par contraste avec les postkeynésiens [Lavoie, 1984], ils font appel à une notion plus large de l’endogénéité de la monnaie et se centrent davantage sur ses caractéristiques institutionnelles “ (2002, p. 87). 3 Étant sommé par Lloyd George de justifier scientifiquement le programme de grands travaux, dont il était dureste intimement convaincu du bien fondé, il aboutit à une contradiction (sur le taux d’intérêt) qui lui fait prendre conscience qu’il doit sortir du dogme classique, notamment de la théorie des fonds prêtables (Poulon, 2016, pp. 36-37). 4 « Keynes lui-même n’a jamais réellement mis en doute l’hypothèse que l’offre de monnaie, quelle que soit sadéfinition, est fixée de manière exogène par les autorités monétaires » (Kaldor 1985, p. 118). 5 « Keynes ne déroge jamais, que ce soit en 1930, 1936 ou 1937, au principe selon lequel la Banque Centralecontrôle la masse monétaire et ce, en dépit des arguments qui sous-tendent sa théorie de la demande de monnaie. Le Treatise et le motif de finance supposent en effet que la demande de crédit, nécessaire à la production, assujettit l’offre de crédit » (Monvoisin, 2003, p. 219). 6 (Keynes, 1937a, 1937b, 1938, 1939).7 « Si dans un premier temps, Keynes suppose que seul l’investissement motive une demande supplémentaire demonnaie de la part des entrepreneurs, le financement de la production va peu à peu justifier le motif de finance. De plus, Keynes reste ambigu sur le niveau d’investissement ou de production susceptible de susciter un

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au cadre de l’économie monétaire de production. Dans la lignée des auteurs circuitistes, les post-keynésiens ont été amenés à considérer que la monnaie entre dans le circuit économique par le financement des entrepreneurs, lequel est réalisé par les banques commerciales et non par la Banque Centrale. L’offre de monnaie est dès lors endogène, c'est-à-dire selon la formule de Moore (1988) « demand determined and credit driven ». Ainsi, le motif de finance met l’accent sur la création monétaire et articule celle-ci avec la mise en œuvre de la production via la demande effective, dans une perspective macroéconomique. C’est pourquoi nous pouvons considérer avec Monvoisin que « le motif de finance fournit aux théoriciens de la monnaie endogène la justification même de cette endogénéité » (2003, p. 222). Asensio et al (2011) ajoutent : « Avec la monnaie endogène, les post-keynésiens insistent sur le lien fondamental entre la création monétaire nécessaire au financement économique et l’évaluation des risques par les banques commerciales. Évaluer, puis porter à long terme tout ou partie de ces risques économiques est la condition nécessaire à la qualité de la création monétaire et à la stabilité d’une économie monétaire de production ».

Il est donc d’usage de parler de monnaie endogène, au sens post-keynésien du terme, dès lors que la monnaie est créée par le crédit bancaire en vu de satisfaire la demande de financement des emprunteurs solvables. La présentation qui va suivre des deux controverses majeures ayant traversé le courant post-keynésien au sujet de la monnaie endogène montrera néanmoins que les contours de ce concept sont flous, favorisant une multiplication d’interprétations parfois divergentes.

L’état de l’art : les controverses post-keynésiennes sur la monnaie endogène

Dans l’optique de la monnaie endogène le moteur de la création monétaire est donc le crédit bancaire. L’activité de crédit des banques dans le cadre d’un système hiérarchisé fait entrer en scène la Banque Centrale, et selon le rôle qui lui est attribuée, la pièce que l’on nous donne à voir n’est pas la même. Les banques commerciales ont besoin de monnaie « centrale » pour pouvoir satisfaire aux exigences légales en matière de réserves obligatoires8, aux demandes de retraits de leurs clients (billets), ainsi que pour permettre de solder les opérations interbancaires. La Banque Centrale, partie intégrante du système bancaire hiérarchisé tel que nous le connaissons aujourd’hui, occupe donc une place de choix. Elle est la seule institution à même de fournir cette liquidité d’ordre supérieur et absolument nécessaire aux banques commerciales qu’est la monnaie centrale. Cependant il convient dès maintenant de signaler que ce besoin de monnaie centrale est une conséquence de l’activité de crédit des banques (Banque d’Angleterre 2014, Q1) : « Banks first decide how much to lend depending on the profitable lending opportunities available to them […]. It is these lending decisions that determine how many bank deposits are created by the banking system. The amount of bank deposits in turn influences how much central money banks

financement. Le motif de finance est successivement destiné : à l’ensemble de l’investissement, à une augmentation de l’investissement, à une augmentation de la production et à l’ensemble de la production » (Monvoisin, 2003, p. 201). 8 « La BCE applique un taux de réserve positif (actuellement 1%) aux « dépôts à vue », « dépôts à terme d’unedurée inférieure ou égale à deux ans », « dépôts remboursables avec un préavis inférieur ou égal à deux ans », et aux « titres de créances d’une durée initiale inférieure ou égale à deux ans ». Un taux zéro de réserves est appliqué aux « pensions », aux « dépôts assortis d’une échéance convenue supérieure à deux ans » et aux « titres de créances assortis d’une échéance convenue supérieure à deux ans » » Source Banque de France. Les réserves obligatoires totales des banques de la zone euro s’élèvent à environ 113 milliards d’euros (début 2016). Source Banque Centrale Européenne.

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want to hold in reserve (to meet withdrawals by the public, make payments to other banks, or meet regulatory liquidity requirements) »

L’action de la Banque Centrale est double : ex ante elle fixe de manière exogène les taux d’intérêts directeurs et elle répond ex post aux demandes de refinancement des banques commerciales aux taux préalablement fixés. Dans cette optique, la Banque Centrale semble pouvoir jouer sur le « prix » de l’activité de crédit des banques mais difficilement sur les quantités de monnaie créées. D’où le rejet de la théorie du multiplicateur monétaire, auquel les post-keynésiens substituent traditionnellement la théorie dite du diviseur de crédit (Le Bourva, 1962). « L’expression du diviseur de crédit, équivalente arithmétiquement à celle du multiplicateur, a cependant une signification économique quelque peu différente. Dans l’optique du multiplicateur, les banques calculent le montant de crédit à partir du montant de refinancement qu’elles savent pouvoir obtenir de la banque centrale. Dans l’optique du diviseur, au contraire, elles calculent le montant de refinancement à solliciter auprès de la banque centrale à partir du montant de crédits qu’elles ont décidé, au préalable, de distribuer à l’économie » (Poulon, 2015, p. 181)9. Se pose alors en filigrane la question de la marge de manœuvre discrétionnaire de la Banque Centrale, nous entrons par ce biais au cœur de la controverse entre les post-keynésiens d’obédiences structuraliste et horizontaliste. Ces deux tendances s’appuient sur une conceptualisation dans laquelle la monnaie est endogène dès lors que l’offre de monnaie bancaire n’est pas contrainte par l’action de la Banque Centrale. En ce sens, nous insisterons par la suite sur le fait que ces deux courants lient et limitent leur définition de l’endogénéité de la monnaie au contexte institutionnel dans lequel la monnaie est créée.

● Horizontalistes et structuralistes

Pour les auteurs structuralistes (Chick, Davidson, Minsky…), la Banque Centrale en ce qu’elle peut refuser de refinancer les banques (et donc restreindre les conditions d’octroi de crédit) dispose d’un pouvoir d’action sur la masse monétaire. En reconnaissant à la Banque Centrale la capacité d’avoir un effet sur l’activité de crédit des banques par une action sur la liquidité bancaire (et non sur le taux d’intérêt), les structuralistes sont amenés à considérer la monnaie comme ambivalente, c'est-à-dire à la fois endogène et exogène. D’après Davidson (1988) par exemple, la création monétaire par le crédit bancaire est endogène tandis que la création de monnaie centrale est exogène. Ce caractère exogène de la monnaie centrale renvoie dans l’argumentaire structuraliste au pouvoir discrétionnaire de la Banque Centrale10 : selon le répertoire d’action utilisé par la Banque Centrale, les structuralistes déterminent dans quelle mesure on peut ou non considérer la monnaie comme endogène. D’ailleurs les horizontalistes se placent précisément dans la même démarche bien qu’ils n’aboutissent pas aux mêmes conclusions. Les horizontalistes (Kaldor, Moore, Lavoie…) insistent quant à eux sur le rôle de prêteur en dernier ressort et le caractère accommodant des Banques Centrales en matière de refinancement des banques commerciales. En opposition totale avec la théorie orthodoxe selon laquelle la Banque Centrale peut contrôler les agrégats monétaires, les horizontalistes considèrent que celle-ci ne fait que suivre et s’adapter passivement à l’évolution de l’offre de crédit des banques commerciales11

9 Nous pourrions aussi citer Plihon (2013, p. 24) : “ L’approche dite du ‘diviseur’ considère que la monnaie estendogène, c’est-à-dire que son évolution est déterminée par les besoins des agents non bancaires. La causalité est alors inverse [i.e de la monnaie bancaire vers la monnaie centrale]. La banque centrale intervient in fine pour satisfaire les besoins de financement du système bancaire “. 10 “ The degree to which the supply of money is positively sloped depends on the discretionary policies of theFederal Reserve’ “ (Rousseas 1989, p. 478). 11 Dans l’Eurosystème « Les données de bilan se rapportant à la fin du mois civil donné servent à déterminerl’assiette des réserves correspondant à la période de constitution débutant au cours du deuxième mois civil

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afin de garantir la liquidité du système12. C’est pourquoi, dans la perspective horizontaliste la création de monnaie centrale est elle aussi endogène. « Une fois que l’on conçoit que la quantité de monnaie de crédit est déterminée par la demande et assujettie au crédit (demand determined and credit driven), il apparaît que la Banque Centrale n’a pas le pouvoir de contraindre la croissance de la base monétaire » (Moore, 1988, pp. 108-109).

Dans la controverse entre horizontalistes et structuralistes, qui n’est d’ailleurs d’après Wray (2007, p.14) qu’un « malheureux malentendu », la condition d’existence d’une monnaie endogène est un arrangement institutionnel précis. Dès lors, on ne pourrait comprendre l’endogénéité de la monnaie qu’en se référant à ce contexte institutionnel en particulier. Il s’agit donc d’une analyse historiquement et géographiquement située dont la limite principale tient au fait que ces deux courants ne font pas une place suffisante à l’étude de la dynamique historique à l’origine des institutions monétaires, tout en limitant la compréhension de l’endogénéité à l’existence de ces mêmes institutions. « Le fonctionnement [des institutions bancaires] devient la condition même de l’endogénéité de la monnaie. En effet, cette dernière dépend de la théorie de la Banque Centrale et du système bancaire adoptée. Ainsi, quelle que soit l’approche – horizontaliste ou structuraliste -, […] les post-keynésiens lient la définition de la monnaie endogène à son caractère institutionnel » (Monvoisin, 2003, p. 114).

● Approches évolutionnaire et révolutionnaire de la monnaie endogène

Une controverse plus récente et encore relativement peu discutée va nous permettre d’intégrer d’une part une réflexion historique, et d’autre part une réflexion sur les fonctions fondamentales et la « nature » de la monnaie. Il s’agit de la controverse entre les tenants de l’endogénéité dite ‘évolutionnaire’ et les tenants de l’endogénéité dite ‘révolutionnaire’. La thèse centrale de Chick (1986), qui défend une vision évolutionnaire, est que l’endogénéité de la monnaie serait apparue au fur et à mesure du développement des institutions bancaires. Elle définit cinq stades d’évolution du système bancaire vers le système hiérarchisé que nous connaissons aujourd’hui. Ce n’est qu’au terme de cette évolution historique que la monnaie serait devenue endogène, une fois les contraintes sur les réserves préalables levées et l’acceptation par les Banques Centrales de leur rôle accommodant. C’est pourquoi Minsky (1991, p. 208) affirme : « Selon les périodes historiques et certaines conditions économiques, l’offre de monnaie est essentiellement endogène, et selon d’autres périodes et d’autres conditions, l’offre de monnaie est principalement exogène ». Nous pouvons dresser ici un double constat sur l’approche évolutionnaire. D’une part elle identifie et limite l’endogénéité de la monnaie aux pratiques bancaires modernes13, tout comme dans le débat entre horizontalistes et structuralistes ; cependant, elle pose les jalons d’une approche historique qui était peu discutée dans le cadre de la controverse précédente. Il conviendrait malgré tout, d’après Rochon et Rossi (2013, p. 215), de relativiser cet apport en matière de méthode historique. En effet, selon eux Chick propose une séquence analytique censée être fondée sur l’évolution historique des institutions bancaires, sans pour autant mettre en avant une investigation historique préalable : “ Chick (1986 [1992], p. 193) explains that the evolutionary scheme she used in her 1986 article was ‘invented during a graduate student’s supervision’. This might suggest that her stages hypothesis was

suivant le mois civil concerné » L331/54-5 publié au Journal officiel de l’UE du 14/12/2011. 12 Cet argument est renforcé de par l’existence de banques systémiques, dites « Too big to fail ». La formeoligopolistique du système bancaire, en augmentant le risque de contagion et de crise systémique, met de facto la Banque Centrale dans une position où elle ne peut pas agir de façon discrétionnaire sur le refinancement des banques commerciales. 13 “ Many post-Keynesians identify the endogenous nature of money with central banking, as depicted forinstance by Chick (1986) “ (Rochon, Rossi 2013, p. 216).

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put to the fore ex nihilo, without any preliminary historical investigation “. En nous en tenant à l’opinion de Rochon et Rossi sur la question, nous pourrions être amenés à considérer que Chick postulait d’entrée des stades d’évolution du système bancaire qui, du point de vue de la logique, étaient tout à fait cohérents, bien qu’ils ne reposaient pas sur l’étude d’un exemple historique précis. Il nous semble néanmoins qu’affirmer que Chick (1986) ne procède à “ aucune investigation historique préalable “ comme le font Rochon et Rossi ne rend pas justice à l’intention de l’auteure. En effet, Chick souligne dès les premières pages de son article de 1986 qu’elle se réfère explicitement à l’histoire du système bancaire anglais, sans pour autant avoir la prétention de se risquer à dater ses différents stades d’évolution, ce qui explique la relative imprécision historique de son analyse : “ The first part of the paper traces the evolution of the English banking system in stylised form. [...] The qualitative nature of the evaluation and the time lapse make it unwise to attempt to date the stages of banking development “ (pp. 112-113). Elle justifie le fait de centrer son analyse sur le cas anglais par une connaissance insuffisante des autres systèmes, et par une conviction selon laquelle l’histoire du système bancaire suit grossièrement un schéma universel, nonobstant d’importantes variations (1986, p. 125). Nous évoquerons plus en détail l’intérêt et les limites de l’approche de Chick dans la troisième section, lorsque nous situerons cette réflexion dans un cadre conceptuel plus large.

La thèse révolutionnaire s’est quant à elle développée plus tardivement, autour de l’article publié en 2013 par Rochon et Rossi. Il s’agit pour ces auteurs de proposer une approche plus radicale de l’endogénéité en tentant d’appréhender la monnaie dans sa « nature » profonde. Selon eux, c’est donc une erreur d’identifier l’endogénéité de la monnaie au fonctionnement du système bancaire hiérarchisé. Ils vont jusqu’à affirmer, et c’est le point central de leur exposé, que la monnaie est partout et toujours un phénomène endogène14. Dans l’optique révolutionnaire, « money has always been responding to the needs of markets for a means of final payment, and has therefore always been endogenous. If so, the endogeneity of money is not a recent phenomenon » (Rochon, Rossi, 2013, p. 216). En ce sens, l’endogénéité révolutionnaire rompt avec l’idée selon laquelle le spectre de la monnaie endogène se limite et se définit par les institutions bancaires modernes. Au contraire, les tenants de l’endogénéité révolutionnaire considèrent que la monnaie est par nature un phénomène endogène car il s’agirait d’une relation sociale de dette15. Pour asseoir cette proposition conceptuelle, Rochon et Rossi font cependant l’économie d’une analyse historique solide. Partant du postulat que la monnaie est partout et toujours endogène, les auteurs se contentent de s’appuyer sur quelques éléments historiques épars (autant du point de vue spatial que temporel) allant dans le sens de leur thèse. Ni l’approche évolutionnaire, ni l’approche révolutionnaire ne nous semblent recourir à une méthodologie adéquate. Néanmoins, on peut saluer la volonté des tenants de l’approche évolutionnaire de lier la réflexion sur la monnaie endogène à une analyse historique, ainsi que l’intérêt porté par les tenants de l’endogénéité révolutionnaire à une réflexion plus profonde, et à certains égards atemporelle ou transhistorique, portée sur la « nature » et les fonctions fondamentales de la monnaie.

Il ressort de ce passage en revue des grandes controverses post-keynésiennes sur la monnaie

14 « The money creation process is always and everywhere endogenous » (Rochon, Rossi, 2013, p .224).Ou encore : « Money has always been endogenous, irrespective of the historical period or of specific institutional arrangements » (Rochon, Rossi, 2013, p. 212). 15 Les auteurs qualifient de principe ontologique le fait que la monnaie soit par nature une relation socialerésultant de ce qu’Innes (1913) appelait ‘the law of debt’ (Rochon, Rossi, 2013, p. 224), ou encore pour Lavoie (1996, p. 533) : “ accommodation or the lack of it, liability management or the lack of it, and financial innovations or the lack of it are second-order phenomena compared to the crucial story that goes from debt creation to the supply of means of payment “.

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endogène que les contours de ce concept demeurent flous malgré les nombreuses discussions dont il a fait l’objet. De l’absence de définition consensuelle il découle qu’un effort de clarification conceptuelle semble s’imposer au théoricien de la monnaie endogène. Pour mener à bien cet effort de clarification, nous allons présenter quelques apports conceptuels tirés de deux courants de pensée hétérodoxes (les institutionnalistes et l’école de la régulation) qu’il nous semble judicieux de mobiliser afin de proposer dans une troisième section une synthèse hétérodoxe cohérente sur la monnaie endogène. Nous verrons alors que ce cadre d’analyse général pourra s’incarner dans de nombreuses réalisations différentes, c'est-à-dire qu’il permettra d’appréhender la monnaie endogène aussi bien dans sa généralité ontologique que dans la variété de ses formes effectives.

2) Les apports des institutionnalistes et des théoriciens de la régulation

Notre approche de la monnaie endogène s’appuiera sur deux échelles d’analyses complémentaires : En nous fondant sur les apports tirés de l’analyse institutionnaliste, nous observerons qu’à un degré d’abstraction relativement élevé, il est possible de considérer que l’institution monétaire est irrésistiblement amenée à émerger au sein de sociétés humaines. De cette échelle d’analyse générale découle une seconde, plus particulière, visant à analyser pour chaque contexte étudié les mécanismes précis de “ l’offre de monnaie “, c’est-à-dire de la mise en circulation effective des moyens de paiement. Nous nous appuierons alors sur l’appareillage conceptuel de la théorie de la régulation pour étudier ce second échelon d’analyse de la monnaie endogène en tentant d’appréhender la diversité des formes effectives des règles de monnayage dans le temps et dans l’espace.

L’institution monétaire de la société comme échelon général d’analyse de la monnaie endogène

Les apports institutionnalistes mobilisables pour traiter du fait monétaire sont extrêmement nombreux. Les éléments présentés ici ne prétendent en aucun cas offrir un recensement exhaustif des ressources conceptuelles que les post-keynésiens pourraient tirer du courant institutionnaliste. D’ailleurs nous constatons que des publications post-keynésiennes, aussi bien anciennes16 qu’à venir17, s’inscrivent également dans cette même démarche, en se référant à un corpus différent. “ Some connections have already been made by institutional economists [...] . However, it should be admitted that at the outset there is no single, unified body of institutionalist theory “ (Hodgson, 1989, p. 105) Pour ce qui est des publications à venir, nous pouvons citer par exemple Niggle (2017)18 qui reprend une réflexion sur la monnaie endogène et tente d’y adjoindre une réflexion institutionnaliste tirée des écrits d’auteurs américains de la première vague comme Veblen et Commons. En ce qui nous concerne, nous nous réfèrerons ici aux travaux des institutionnalistes français, plus particulièrement à différentes publications collectives de Courbis, Froment et Servet datant du début des années

16 On peut voir par exemple en Shaun Hargreaves Heap un des précurseurs du lien entre institutionnalisme etpost-keynésianisme : “ Recognition of historical time matters, not only because it forces an acknowledgement of uncertainty, but also because history’s legacy to the present is a set of institutions which structure our perceptions and hence influence our behaviour with respect to that uncertain future “ (1986-7, p. 276). 17 Nous signalons la publication à venir de Recent advances in endogenous money courant 2017 chez EdwardElgar et remercions aussi bien les éditeurs que les auteurs pour nous avoir permis de travailler sur une version provisoire de l’ouvrage. 18 « An evolutionary-institutionalist re-appraisal of the endogenous money supply theory », in Recent advancesin endogenous money, ed Rochon et Rossi, Cheltenham, Edward Elgar, 2017.

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199019.

Un premier élément central que ces auteurs évoquent est l’idée selon laquelle les pratiques monétaires sont inhérentes à toute société humaine ; ils nomment ce phénomène “ l’institution monétaire de la société “ 20. Remontant le fil historique jusqu’à des sociétés anciennes, parfois qualifiées de “primitives”, Courbis et al (1990, p. 15) remarquent : « Dans ces sociétés anciennes, les fonctions monétaires essentielles, de compte et de paiement, ne se réalisent pas à travers des actes alors dépouillés de tout caractère non économique ; l’économique est comme englué dans des relations de parenté, des alliances politiques, des croyances et des cultes, etc, autant d’institutions et d’usages qui ont aussi une dimension économique parce qu’ils assurent la reproduction de forces nouvelles de travail, qu’ils organisent la production et qu’ils justifient la répartition des produits. Les monnaies primitives, ou comme nous préférons le dire pour ces sociétés anciennes, les paléomonnaies sont des instruments actifs de cette vie sociale [...]. Elles anticipent la nature économique et politique des instruments monétaires modernes :

- économique, car ces biens codifient et rythment des activités et des richesses à la manière d’unités de compte et dans leur standardisation préfigurent celle des actuels moyens de paiement ;

- politique, parce que les paléomonnaies expriment, actualisent, reproduisent le pouvoir relatif et la hiérarchie des individus et des groupes ».

Ce détour par les sociétés anciennes nous permet de voir que le phénomène monétaire possède une dimension anthropologique mais aussi que l’essence de l’institution monétaire ne se limite pas à une fonction économique. Cela semble confirmer l’idée que la monnaie est irrésistiblement amenée à émerger au sein des sociétés humaines, tout en allant d’une certaine manière dans le sens de l’approche révolutionnaire de la monnaie endogène. Dès lors que l’on fait abstraction de ses formes effectives (concrètes), on constate que le fait monétaire est une condition nécessaire (mais non suffisante) à la vie en société. C’est pourquoi, lorsqu’on se questionne sur l’endogénéité de la monnaie, nous ne pouvons nous référer comme dans le cadre de la controverse horizontalistes/structuralistes à une configuration institutionnelle en particulier et espérer y trouver l’essence même du concept. Pour autant, nous montrerons dans la prochaine section que cette controverse n’est pas dénuée d’intérêt pour analyser le fonctionnement pratique de la monnaie endogène ; il convient simplement de replacer ce débat à sa juste place dans la compréhension des fondements du concept de monnaie endogène. Pour reprendre les mots de Courbis et al (1990, p. 7) : « S’en tenir aux seules pratiques monétaires contemporaines dans les sociétés caractérisées par le salariat, la propriété privée des moyens de production et d’échange et le crédit bancaire donne une image tronquée et arbitraire ».

Il s’avèrera donc nécessaire d’intégrer une dimension historique étant donné que « le phénomène monétaire contemporain ne peut être pleinement saisi que dans son développement », mais aussi prendre un certain recul géographique car « d’une définition restrictive, nous serions tentés de dire ethnocentrique, de la monnaie, découle une vision fallacieuse, non seulement de la genèse et de l’essor des pratiques monétaires, mais aussi du devenir potentiel de nos propres pratiques, puisque les germes d’une évolution future risquent fort d’être étrangers à cette vision » (Courbis et al, 1991,

19 Courbis Bernard, Froment Eric, Servet Jean-Michel. « A propos du concept de monnaie » in Cahiersd’économie politique, n°18, 1990, pp. 5-29. Courbis Bernard, Froment Eric, Servet Jean-Michel. « Enrichir l’économie politique de la monnaie par l’histoire » in Revue économique. Volume 42, n°2, 1991, pp. 315-338. 20 “ Par cette expression, nous signifions que les pratiques monétaires sont inhérentes à toute société humaine “(Courbis et al, 1991, p. 317).

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p. 316).En évoquant ainsi l’importance de saisir ce qui a trait à la monnaie dans une perspective institutionnelle dynamique21, ces auteurs se rapprochent de la méthodologie des théoriciens de la Régulation22. D’ailleurs l’Ecole Française de la Régulation (EFR) prend en partie ses origines dans le courant institutionnaliste comme le souligne Baslé (2002)23, et continue aujourd’hui d’entretenir avec celui-ci des liens privilégiés comme en attestent par exemple les travaux de Boyer et Neffa sur le cas argentin (2004)24.

La dynamique institutionnelle et l’appareillage conceptuel de l’EFR comme échelon particulier d’analyse de la monnaie endogène

Le recours à l’approche régulationniste a vocation à spécifier les formes concrètes prises par l’institution monétaire, dans une optique fondée sur la dynamique sociale-historique. L’EFR définit un mode de production de la manière suivante : “ Toute forme spécifique des rapports de production et d’échange, c’est à dire des relations sociales régissant la production et la reproduction des conditions matérielles requises pour la vie des hommes en société “ (Boyer, 1986, p. 43) Il s’agit donc d’un concept très large construit en partant du principe selon lequel toute société humaine doit, pour perdurer dans le temps, mettre en place des relations sociales lui permettant de se reproduire matériellement. Le mode de production capitaliste se caractérise par le processus d’accumulation qui traduit une forme spécifique des rapports de production et d’échange. Le mode de production capitaliste est une déclinaison du concept général de mode de production et peut lui même se décliner en différents régimes d’accumulation. Ces derniers regroupent “ l’ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, c’est à dire permettant de résorber ou d’étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui même “ (Boyer, 1986, p. 46). L’idée forte que porte en lui ce concept de régime d’accumulation est qu’il permet d’entrevoir, au sein d’une généralité que sont les économies capitalistes, une grande diversité dans le fonctionnement concret de celles-ci. Chaque régime d’accumulation est défini et se caractérise par ses formes institutionnelles, c’est à dire par la codification de rapports sociaux fondamentaux (Boyer, 1986, p. 48). Dans le cadre du mode de production capitaliste, Boyer (2015, p. 46) distingue 5 formes institutionnelles fondamentales permettant de caractériser un régime d’accumulation.

- La forme du rapport monétaire - La forme du rapport salarial - La forme de la concurrence - La forme de l’Etat - La forme d’adhésion au régime international

21 « [La dynamique monétaire] repose sur le jeu contradictoire de deux éléments : la politique d’une part,l’économique d’autre part ; jeu qui se concentre dans nos sociétés sur la dialectique entre Etat et marché. L’analyse du rôle respectif du pouvoir politique et du marché dans la dynamique monétaire nous conduit à rechercher, au-delà des instruments monétaires aux formes souvent trompeuses, ce qui fonde socialement la monnaie » (1990, p. 7). 22 On retrouve cette proximité intellectuelle à maintes reprises. Par exemple : « L’étude comparée des diversespratiques monétaires [...] est un laboratoire qui, à défaut d’expérimentations sociales, permet de penser les évolutions alternatives dans le temps et l’espace » (Courbis et al, 1991, p. 316). 23 Maurice Baslé, « Antécédents institutionnalistes méconnus ou connus de la théorie de la régulation », inThéorie de la régulation. L’état des savoirs, dir Robert Boyer et Yves Saillard, La Découverte, 2002, pp. 31-39. 24 Robert Boyer, Julio Cesar Neffa, La economía argentina y su crisis (1976-2001): visiones institucionalistas yregulacionistas, Editorial Mino y Davila, Madrid, Buenos Aires, 2004.

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Il faut voir ces formes institutionnelles fondamentales comme la cristallisation d’un compromis institutionnalisé permettant de réguler, de manière temporaire, des rapports sociaux intrinsèquement conflictuels25. “ A l’origine du compromis, nous trouvons une situation de tension et de conflit entre groupes socio-économiques. [...] Dans la mesure où aucune des forces en présence ne parvient à dominer les forces adverses à un degré qui permettrait d’imposer totalement ses intérêts propres, le compromis finit par en découler. [...] Les compromis institutionnalisés s’imposent comme des cadres par rapport auxquels la population et les groupes concernés adaptent leurs comportements. Il est alors peu surprenant que le véritable verrouillage des positions et des intérêts acquis illustré par les compromis institutionnalisés soit appelé à devenir l’objet de tensions croissantes avec le passage du temps “ (Delorme, André, 1983, pp. 672-674).

Les compromis institutionnalisés, généralement nationaux26, permettent l’existence d’un mode de régulation. Celui-ci vise notamment à “ reproduire les rapports sociaux fondamentaux du mode de production à travers la conjonction de formes institutionnelles historiquement déterminées [ainsi qu’à] soutenir et ‘piloter’ le régime d’accumulation en vigueur “ (Boyer, 2002, p. 565). Néanmoins, le compromis porte en lui les germes de sa déstabilisation future et la théorie de la régulation offre une riche conceptualisation de la crise27 permettant ainsi de “ rendre compte simultanément des facteurs assurant l’existence d’un mode de régulation et d’un régime d’accumulation, et de ceux qui contribuent à leur déstabilisation “ (Boyer, 2015, p. 80). Le fait que la cohérence des formes institutionnelles soit générale et durable permet d’observer des régularités qui caractérisent les différents régimes d’accumulation, puis d’analyser les crises comme des moments où cette cohérence globale est remise en cause. Pour Aglietta (1976) : “ L’étude de la régulation du capitalisme [...] c’est l’étude de la transformation des rapports sociaux créant des formes nouvelles, à la fois économiques et non économiques, formes organisées en structures et reproduisant une structure déterminante, le mode de production “28.

L’observation du fait monétaire au travers du prisme de la théorie de la régulation amène donc à considérer différents “ régimes monétaires “. Un régime monétaire correspond à “ l’ensemble des règles qui président à la gestion du système de paiements et de crédits “ (Boyer, 2004, p. 14). Un régime monétaire renvoie donc à une forme particulière du rapport monétaire et doit bel et bien être analysé comme le produit de rapports sociaux conflictuels visant à s’incarner dans des institutions historiquement et géographiquement situées, au travers d’un processus politique29. En ce sens, même au sein du mode de production capitaliste, on trouve une multiplicité de régimes monétaires à la fois dans le temps et dans l’espace, dont chacun répond d’une dynamique sociale propre. Comme le souligne Boyer (2015, p. 47) : “ La théorie de la régulation développe des concepts intermédiaires entre une théorie valable en tout temps et tout lieu et la simple observation des données macroéconomiques. Elle est donc volontairement sous-déterminée : il appartient à l’analyse empirique de spécifier la nature des

25 Les rapports sociaux sont des rapports conflictuels que « les institutions ne peuvent jamais qu’accommodertemporairement » (Lordon, 2012). 26 “ Le caractère national des trajectoires tient au fait que les conflits et les compromis sont très largementpropres à un espace géographique donné “ (p. 570). 27 L’EFR propose une typologie des crises, “ classées par ordre croissant de gravité “ : crise exogène, criseendogène ou cyclique, crise du mode de régulation, crise du régime d’accumulation, crise du mode de production. (Boyer 2015, p. 82). Lordon (2012) offre par ailleurs une prolongation spinoziste intéressante de la conceptualisation régulationniste des crises. 28 Cité dans Ragot (2003, p. 108).29 “ Ainsi, le choix d’un régime monétaire (et de change en économie ouverte) fait-il appel, nécessairement, à lasphère politique “ (Boyer, 2004, p. 27). Ou encore “ tout processus de transformation des formes institutionnelles demeure fondamentalement du ressort des pratiques politiques “ (Lordon, 2012, p. 8).

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formes institutionnelles pour une économie et une période donnée “. C’est précisément dans cette démarche conceptuelle que nous proposons d’étudier la monnaie endogène. Il s’agira donc dans la prochaine section de proposer une théorie sous-déterminée de la monnaie endogène.

3) Une théorie sous-déterminée de la monnaie endogène

Le courant post-keynésien sous tension méthodologique

La difficile intégration à l’analyse post-keynésienne d’une dimension historique a déjà été soulevée par Hodgson (2002) notamment. Il oppose deux tendances méthodologiquement antagonistes au sein du courant post-keynésien : une première (prenant d’une certaine manière Keynes au mot) visant à élaborer une théorie “ générale “ ; une seconde visant à mettre en avant les spécificités historiques et donc à adapter l’outil théorique aux situations étudiées :

“ Differences between different systems could be so important that the theories and the concepts used to analyse them must also be substantially different. A fundamentally different reality may require a different theory. [...] In contrast, a general theory presumes that ‘one theory fits all’. It’s claimed that one theory can deal adequately with diverse phenomena within a wide - if not universal - historical and geographical range of socioeconomic systems “ (Hodgson, 2002, p. 51).

On peut considérer que les tenants de l’endogénéité révolutionnaire, en ce qu’ils cherchent à mettre au point une théorie valable en tout temps et en tout lieu, relèvent de la tendance que nous qualifierons ici de “ généraliste “. A l’inverse, les tenants de l’endogénéité évolutionnaire se rapprochent de la tendance des “ spécificités historiques ”30. En réalité, il nous semble que ces deux approches de l’endogénéité sont d’une certaine manière complémentaires31, dès lors qu’on adopte une théorie sous-déterminée de la monnaie endogène. Ceci est rendu possible par la mise en relation du corpus théorique post-keynésien avec les apports des institutionnalistes et des régulationnistes. Il convient néanmoins de veiller à ce que cette synthèse hétérodoxe sur la monnaie endogène soit cohérente ; c’est à dire qu’il ne s’agit pas, à la manière d’alchimistes, de se lancer dans d’hasardeux mélanges conceptuels allant dans le sens de notre thèse. Bien au contraire, c’est de la réflexion conceptuelle menée au carrefour du post-keynésianisme et de la théorie de la régulation qu’a émergé notre théorie sous-déterminée de la monnaie endogène. Cette sous-détermination de la monnaie endogène renvoie donc à une vision intermédiaire du concept : il s’agit de se positionner au croisement d’une approche “ généraliste “ atemporelle et d’une approche type “ spécificités historiques “, sans rejeter ni l’une ni l’autre, mais en les replaçant soigneusement dans un cadre plus général et cohérent. Nous considérons avec Courbis et al (1990, p. 5) que « l’étude du phénomène monétaire doit relever simultanément :

- d’une part de l’analyse théorique produisant une définition transhistorique du concept de

30 Pour Chick (1986, p. 112) par exemple : “ The theory of saving and the rate of interest can - or at any rateshould - never be independent of the state of development of financial institutions. [...] The reversal of causality in the saving-investment nexus proposed by Keynes (1936) should not be seen as correct theory in triumph over error but as a change in what constituted correct theory due to the development of the banking system “. 31 Nous poursuivons ici une entreprise initiée par Monvoisin (2003, 2006) visant à mettre en évidence lescomplémentarités des différentes analyses de la monnaie endogène entre circuitistes et post-keynésiens. Celle-ci se proposait d’étudier en détail la controverse entre horizontalistes et structuralistes, tandis qu’ici l’étude porte davantage sur la controverse entre visions évolutionnaire et révolutionnaire de la monnaie endogène.

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Monnaie, - et d’autre part d’une approche historique confrontant l’abstraction ainsi construite et l’ ”

expérience “ des multiples pratiques monétaires observables dans le temps et dans l’espace ».

Deux niveaux d’analyse complémentaires

Dans cette optique, nous proposons un raisonnement basé sur deux échelons d’analyse complémentaires. Il s’agit de considérer dans un premier temps, à la manière des théoriciens de l’endogénéité révolutionnaire, que la monnaie est partout et toujours un phénomène endogène. Ce caractère ontologiquement endogène de la monnaie s’applique selon nous au fait monétaire en général, dans le sens évoqué par Servet et al (2016) de “ l’universalité du fait monétaire “. Le fait monétaire est donc irrésistiblement amené à émerger sous la forme d’un compromis institutionnalisé. Nous nous situons ici à l’échelon général d’analyse de la monnaie endogène, considérant du fait de l’universalité du fait monétaire que l’institution monétaire elle-même est endogène (au sens général de générée par la structure sociale32). En ce sens, bien qu’il existe “ une diversité considérable d’instruments, d’usages et de représentations monétaires [...] l’universalité de la monnaie est d’ordre anthropologique et non pas historique, et la monnaie occidentale moderne, en tant que monnaie historique parmi d’autres, ne saurait donc prétendre à l’universalité et être porteuse de la vérité ultime de toute monnaie “ (Servet et al, 2016, pp. 185-187). En effet, le rapport monétaire bien que considéré comme universel, dans sa généralité conceptuelle, demeure le produit d’une dynamique sociale-historique et une de ses formes particulières ne saurait donc être naturalisée. Dans cette optique institutionnaliste, on considère la monnaie non seulement comme un élément économique (reproduction matérielle de la société) mais aussi comme un élément politique et social. La monnaie, en tant que compromis institutionnalisé, sert aussi à rendre compte, à justifier, et à pérenniser une certaine hiérarchie de la société, un certain état des rapports sociaux. En remplissant ces fonctions, tant symbolique que pratique, la monnaie répond donc à une demande sociale. L’endogénéité, à ce stade d’analyse, doit alors être perçue comme le fait que l’émergence du fait monétaire répond à une demande d’ordre sociétal, demande dont la nature diffère bien évidemment selon l’époque et le lieu.

C’est pourquoi il s’agit dans un second temps, à la manière des théoriciens de la régulation et dans une certaine mesure de Chick33, de proposer un moyen de spécifier pour chaque société et pour chaque période la forme du rapport monétaire. “ La monnaie, en tant que concept universel abstrait, est ce qui est commun aux monnaies concrètes qui peuvent, dès lors que ce concept général est posé, être considérées comme des formes spécifiques à chaque contexte sociétal de la monnaie ‘en général’ “ (Servet et al, 2016, p. 194). L’explicitation précise de la genèse et du fonctionnement d’un régime monétaire en particulier

32 Servet et al (2016) parlent de la monnaie comme d’un “ invariant anthropologique “ (p. 195) ou encore d’un “opérateur de totalisation sociale “ (p. 191). 33 On peut souscrire à la vision évolutionnaire de Chick dès lors qu’on rejette toute prétention à l’universalité,c’est-à-dire à la généralisation, du cas spécifiquement anglais. Il conviendrait également de chercher à dater les différentes phases et à expliciter les phénomènes socio-historiques marquant le passage d’une phase à une autre. Enfin, il est important de prendre ses distances vis-à-vis d’une lecture téléologique de l’histoire du fait monétaire et du développement du système bancaire, mais également vis-à-vis de l’idée selon laquelle nous aurions atteint un apogée dans le développement de la monnaie. Pour reprendre les mots de Servet et al (2016, p. 209), le risque dans cette vision évolutionnaire linéaire serait de considérer que “ la monnaie moderne à prétention universelle et portée par les forces dominantes du capitalisme serait le point d’aboutissement ultime de l’histoire de l’humanité, la fin de l’histoire en quelque sorte “. Pour Melitz (1970, p. 1032). “ L’histoire nous conduit à penser que non seulement le système monétaire actuel peut être amélioré, mais aussi que dans un futur plus ou moins éloigné, notre système sera remisé au musée au sein de la collection interminables des expériences monétaires de l’humanité “ (cité et traduit dans Servet et al, 2016, p. 187)

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permet alors de mettre en lumière le second échelon d’analyse de la monnaie endogène, en ce qu’elle se donne à voir de façon différenciée pour chaque contexte étudié, au travers de formes différenciées de mise en circulation des moyens de paiement notamment. En termes régulationnistes, nous pourrions dire que les formes spécifiques, concrètes ou encore effectives de la monnaie endogène sont propres à un mode de régulation en particulier. Mode de régulation dont nous avons souligné la fragilité de par l’inévitable remise en question des compromis institutionnalisés34. La monnaie répond donc en premier lieu à une demande sociale, dont nous proposons de spécifier dans un second temps la nature en fonction de la configuration institutionnelle observée. Si nous partons du mode de production, nous pouvons dire qu’en effet, dans le cadre du mode de production capitaliste, la monnaie répond à une demande sociale de nature essentiellement économique, tournée vers la quête du profit et l’accumulation du capital. Néanmoins, il convient d’apporter deux nuances à ce propos. D’une part, selon le régime d’accumulation étudié et son mode de régulation, on peut observer des variations de nature qualitative dans cette quête de profit et donc dans les formes spécifiques de monnaie endogène (règles et pratiques de monnayage ayant cours). D’autre part, dans le cadre de l’étude de modes de production anciens ou relevant d’un futur hypothétique, non capitalistes, la demande sociale à laquelle devra répondre de manière endogène la monnaie sera d’une autre nature et se traduira par des formes spécifiques d’endogénéité, par définition temporaires car relevant d’un compromis social. La théorie de la monnaie endogène doit être à même de s’adapter à tout type de mode de production et doit permettre, au sein du mode de production capitaliste, d’appréhender les spécificités de chaque mode de régulation. C’est pourquoi nous proposons cette double lecture avec, dans un premier temps, une définition généraliste ou généralisante de la monnaie endogène en tant que l’institution monétaire répond à une demande sociale et enfin une définition concrète de la mise en circulation endogène des moyens de paiement qu’il convient de spécifier pour chaque configuration observée.

L’endogénéité de l’offre de monnaie : un concept relatif

● Un concept, des contextes Une conception sous-déterminée de la monnaie endogène appelle nécessairement une certaine dose de relativisme institutionnel. Nous rejetons la définition de la monnaie endogène comme offre de monnaie bancaire déterminée par la demande de crédit solvable et non contrainte par l’action de la Banque Centrale. Cette définition, commune aussi bien aux horizontalistes qu’aux structuralistes, est sur-déterminée et ethnocentrée : la monnaie endogène est réduite à sa forme institutionnelle contemporaine, spécifique aux économies occidentales développées. Nous ne saurions non plus nous contenter de la lecture révolutionnaire de l’endogénéité considérant la monnaie comme un phénomène partout et toujours endogène, sans questionner les mécanismes concrets de son fonctionnement. Nous considérons le fait monétaire comme une institution endogène à la vie en société35. Le rejet de

34 Les régulationnistes parlent à ce propos d’endométabolisme (Lordon, 1993), c’est-à-dire d’une transformation des formes institutionnelles qui caractérisent le régime d’accumulation sous l’impact de sa dynamique propre, pouvant amener à une situation de crise. En ce sens le concept de crise endométabolique traduit l’idée selon laquelle chaque système a les crises de ses structures. 35 Pour Courbis et al, “ Les usages monétaires ne sont pas l’apanage exclusif de sociétés ‘civilisés’ ayant connu un développement des échanges incompatible avec la poursuite de la pratique du troc. Ces usages constituent une caractéristique universelle des sociétés humaines et sont nés de la rupture progressive d’avec l’animalité, autrement dit de l’émergence de l’humanité “ (1991, p. 317), ou encore “ L’émergence de l’humanité se réalise,

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la définition restrictive ci-dessus nous amène à étudier, pour chaque contexte institutionnel, le type de demande sociale à laquelle l’institution monétaire répond (fonction du mode de production), les formes institutionnelles concrètes et spécifiques par lesquelles elle y répond (caractérisant le régime d’accumulation), et enfin à questionner la viabilité d’une telle configuration (mode de régulation). Ainsi, le théoricien de la monnaie endogène pourra mettre en avant, pour le contexte étudié, aussi bien la dynamique à l’origine du régime monétaire en question que le fonctionnement de celui-ci, pour enfin pouvoir questionner son efficacité. Notion elle encore toute relative, puisqu’il n’existe pas de critère universel d’efficacité des institutions : chaque configuration institutionnelle répond de sa propre logique d’efficacité, logique historiquement et géographiquement située, déterminée par la nature de la demande sociale à laquelle doit répondre l’institution monétaire. Le caractère ambivalent du fait monétaire évoqué par Courbis et al (1990, 1991), à la fois économique et politique, se retrouve également dans les formes spécifiques d’endogénéité de la monnaie. Nous voulons dire par là que si l’offre de monnaie répond de manière endogène, au sein du mode de production capitaliste, à une demande de nature essentiellement économique, cette endogénéité économique de l’offre de monnaie est une endogénéité contrainte par des facteurs socio-politiques. Prenons un exemple avec la contrainte de légalité. Du point de vue de la définition de la monnaie endogène comme une création monétaire bancaire visant à satisfaire une demande de crédit solvable, on pourrait considérer qu’une demande de financement visant au lancement d’un laboratoire de fabrication de drogue pourrait être satisfaite de manière endogène par le système bancaire, au vu de la profitabilité du secteur. Mais la fabrication et la vente de drogue étant prohibée, l’endogénéité économique se voit légalement contrainte. Aucune configuration institutionnelle ne donne donc à voir une monnaie endogène “pure”. Il est d’autre part impossible de chercher à classer les différentes configurations institutionnelles selon leur “degré” d’endogénéité de la monnaie, puisque chaque forme concrète de monnaie endogène répond, comme nous l’avons vu, de sa logique socio-historique propre. Le débat sur l’endogénéité de l’offre de monnaie a souvent été rapproché de (parfois réduit à) la question du niveau des réserves obligatoires. Mais il ne s’agit pas là d’un indicateur permettant de classer chaque régime monétaire selon son “degré” d’endogénéité. Si par exemple au Canada le taux de réserves obligatoires est de 0%, il faut voir là le fruit d’un compromis institutionnalisé, s’inscrivant dans une dynamique socio-historique. Mais le Canada ne constitue pas de ce fait le “modèle” universel du régime monétaire à monnaie endogène, comme si les autres pays allaient suivre un processus de “rattrapage”, institutionnel cette fois, comparable à celui théorisé par Rostow (1960). La monnaie est à notre avis tout autant endogène en Equateur. Pourtant ce pays a connu en 2000 une dollarisation officielle et intégrale, qui a permis une stabilisation monétaire artificielle à une époque où les cours du dollar étaient suffisamment élevés pour compenser par les recettes d’exportations les tendances déflationnistes de ce nouveau régime monétaire (Ponsot, 2005). Le compromis institutionnalisé que constitue la dollarisation de l’Equateur ne fait pas sens du point de vue de la politique économique et de la théorie monétaire, mais il répond à un impératif socio-politique : sortir urgemment de la crise bancaire et financière de la fin des années 1990 : “ Les principales justifications du passage à la dollarisation demeurent néanmoins propres à l’Equateur. L’adoption d’un régime de dollarisation a été la réponse donnée par les autorités équatoriennes à une crise économique et politique sans précédent “ (Ponsot, 2005, p. 4). S’il est vrai que ce choix entraîne une certaine dépendance au sentier, une inertie institutionnelle, il n’en est pas moins vrai qu’un nouveau compromis institutionnalisé pourra permettre la réémergence d’une monnaie nationale (notamment dans une situation où les cours du pétrole serait trop bas pour permettre à ce régime monétaire de perdurer36, notons à ce propos l’intérêt récent porté par la Banque Centrale de l'Équateur quant à l’émission d’une monnaie digitale), ou à défaut d’un

à travers les échanges et les instruments monétaires [...], en produisant, en reproduisant, en développant matériellement et intellectuellement les instruments de ces distinctions sociales et en les normalisant “ (1991, p. 319). 36 De manière générale, “ un système bancaire d’une économie officiellement dollarisée n’est pas viable sans relations privilégiées avec le système bancaire du pays émetteur “ (Ponsot, 2005, p. 20).

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changement si radical, que des formes monétaires complémentaires, parfois temporaires, apparaîtront en parallèle du dollar pour pallier la contraction de la masse monétaire résultant de la baisse des recettes d’exportation. La monnaie est donc partout et toujours une institution endogène, mais les modalités de sa mise en oeuvre au travers des pratiques de monnayage demeurent le fait de rapports sociaux conflictuels amenant à l’émergence de compromis institutionnalisés situés dans le temps et dans l’espace.

● Un contexte, des monnaies Pour saisir dans toute sa complexité cette approche sous-déterminée de la monnaie endogène, il convient également, pour chaque contexte, de mettre en évidence l’existence non pas d’un monopole monétaire mais d’une sorte d’oligopole, de par la superposition de divers outils remplissant à plus ou moins long terme des fonctions monétaires. “ Dans toute société le phénomène monétaire est une réalité fragmentée du fait de l’existence d’une grande diversité de moyens de paiement aux propriétés monétaires - en particulier leur disponibilité - plus ou moins étendues, du fait d’un ensemble de contraintes techniques et légales et d’habitudes propres à chaque communauté de paiement [...]. Dans la réalité des paiements, il existe une très grande diversité d’objets dont certains connaissent un usage spécifiquement monétaire et jouissent d’un pouvoir libératoire légal, d’autres principalement monétaire, d’autres enfin n’ont pas d’usage spécifiquement monétaire mais le reçoivent temporairement “ (Courbis et al, 1990, pp. 14-17). Ainsi, même au sein de la configuration institutionnelle idéal-typique dans laquelle d’aucuns considèrent qu’il est envisageable de trouver l’essence du concept de monnaie endogène, c’est à dire dans une situation où l’offre de monnaie bancaire répond sans être contrainte par la Banque Centrale aux demandes de crédit solvables, la monnaie bancaire en question ne permet pas de recouvrir tout le spectre de la monnaie endogène. Prenons par exemple un cas de fragmentation territoriale au travers de l’émergence de monnaies locales complémentaires (MLC). Celles-ci sont nanties sur la valeur de la monnaie officielle (i.e. de l’unité de compte), dans le sens où pour émettre 1 unité de MLC, il est nécessaire d’avoir en réserve 1 unité de monnaie officielle, disons l’euro37. “ Tous ces dispositifs innovants ont un point commun : celui d’être relié, d’une manière ou d’une autre, à la monnaie légale, c’est-à-dire celle communément admise par la population et ayant un cours légal garanti par la puissance publique. Car, pour la plupart de leurs promoteurs, il ne s’agit pas de remplacer le système monétaire existant mais plutôt de remédier aux faiblesses inhérentes à un système centralisé basé sur une seule monnaie principalement issue du crédit bancaire. Bref, de « complémenter » le système comme on dit aussi cela d’une alimentation présentant des insuffisances pour maintenir la personne en bonne santé. A l’échelle historique, y compris de l’histoire d’un pays de tradition très centralisatrice comme la France, on constate assez vite que la pluralité monétaire était souvent la règle et que le système uniforme reposant sur une seule monnaie constituait plutôt l’exception “ (Magnen, Fourel, 2015, p. 8). Il est intéressant de constater qu’au travers des MLC, certains groupes socio-économiques cherchent d’une manière ou d’une autre à retirer de la circulation des unités de monnaie officielle, pour pouvoir y substituer une autre forme spécifique de monnaie permettant de satisfaire à une demande

37 “ Pour répondre strictement aux réglementations en vigueur, les euros récoltés sont conservés sur un compte en banque et constituent le fonds de réserve. Ce fonds de réserve est placé auprès d’une institution financière solidaire ou éthique. Il permet de garantir qu’à tout moment l’ensemble des eusko [exemple de MLC] en circulation sont reconvertibles en euros [...] cette même capacité de financement est par là même enlevée à des banques conventionnelles réalisant des investissements socialement et/ou écologiquement non-responsables“ (Magnen, Fourel, 2015, p. 44).

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sociale locale. Encore une fois, cette demande sociale, bien que locale, est ambivalente. La mise en place de MLC répond généralement d’un double objectif : économique de par la redynamisation des territoires concernés (via un effet multiplicateur géographiquement limité) ; et politique car les MLC ne circulent qu’au sein de communautés monétaires se rejoignant autour de critères fondateurs, notamment sociaux et environnementaux. “ Dans une perspective qui voit dans toute monnaie un opérateur de totalisation sociale, le fractionnement monétaire apparaît alors non pas comme la négation d’une telle totalisation, ainsi qu’une interprétation trop rapide pourrait conduire à le conclure, mais comme l’expression de la concurrence symbolique entre diverses formes de sociation, de construction du tout [...]. Une monnaie universelle, au sens historique et non anthropologique du terme, est donc impossible38, ou plutôt incompatible avec l’aspiration à la démocratie. [...] Les hiérarchies sociales et les ordres moraux qui fixent les usages et les interdits de la monnaie sont autant d’éléments produisant diversification et fragmentation “ (Servet et al, 2016, pp. 225-226). C’est précisément parce que l’institution monétaire est endogène (échelon général) et que ce type de monnayage fondé quasi exclusivement sur le crédit bancaire ne permet pas de satisfaire de manière endogène à la nature de la demande sociale de mise en circulation de moyens de paiements (échelon particulier) que d’autres formes concrètes de monnaie émergent en parallèle de la monnaie bancaire. Ce mouvement participe ainsi de la redéfinition progressive du régime monétaire en vigueur, voire de l’entrée dans une dynamique de “ contestation monétaire “ (Ould Ahmed, Ponsot, 2015) pouvant déboucher sur une “ sédition monétaire “ (Orléan, Lordon, 2008)39.

Conclusion : La théorie post-keynésienne de la monnaie endogène s’est construite au fil des controverses internes, débats auxquels nous avons consacré la section 1. La première controverse étudiée ici, celle entre les horizontalistes et les structuralistes porte le débat sur terrain du rôle et de l’action de la Banque Centrale. Cette controverse fut l’occasion de débats hautement instructifs quant à la compréhension des modalités de l’offre de monnaie dans les économies monétaires développées. Elle ne nous semble pas pour autant offrir une définition suffisante du concept de monnaie endogène en ce que cette controverse lie et limite la compréhension de l’endogénéité de la monnaie au fonctionnement des institutions bancaires, dans une vision ethnocentrée et dans une certaine mesure a-historique. La seconde controverse étudiée, entre les tenants de l’endogénéité évolutionnaire et les tenants de l’endogénéité révolutionnaire, a été l’occasion de mettre en relief historique la conception post-keynésienne de la monnaie endogène, sans pour autant apporter selon nous une grille d’analyse générale et cohérente. C’est pourquoi nous avons cherché à compléter cette réflexion post-keynésienne en mobilisant les 38 “ Dès que l’on se soustrait au pouvoir de fascination exercé par l’idée d’une monnaie universelle portée par le développement inexorable d’un capitalisme mondial cosmopolite et apatride, i.e. sans attache territoriale, dès qu’on accorde quelque crédit aux matériaux historiques et anthropologiques, tout indique que la norme humaine n’est pas l’universalité d’une monnaie mais la pluralité des monnaies “ (Servet et al, 2016, p. 213). 39 “ Plus précisément, la crise débute lorsqu’un groupe d’individus déviants, insatisfaits par la monnaie existante, se tournent simultanément vers de nouvelles définitions de la richesse, ce qu’on peut appeler des « monnaies privées », plus conformes à leurs intérêts. On est alors face à ce qu’il faut appeler une « sédition monétaire ». Notons que cette sédition peut prendre des formes multiples. La plus simple consiste à recourir à une monnaie étrangère, par exemple le dollar, à la fois comme moyen d’évaluation des marchandises et comme moyen de thésaurisation, voire comme moyen d’échange “ (p. 23).

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apports conceptuels institutionnalistes et régulationnistes, en vu de proposer une synthèse hétérodoxe cohérente de la monnaie endogène. Il ressort des travaux des institutionnalistes français que dans une optique d’analyse générale, l’institution monétaire est elle-même endogène à la vie en société. De cette universalité du fait monétaire découle un second échelon d’analyse, plus particulier, visant à étudier pour chaque configuration institutionnelle (lesquelles sont historiquement et géographiquement situées), les modalités précises de l’offre de monnaie, c’est-à-dire de la mise en circulation effective de moyens de paiement. Nous proposons d’expliciter précisément les règles de monnayage (ce que nous avons aussi appelé les formes spécifiques, concrètes ou encore effectives de monnaie endogène) à la manière des théoriciens de la régulation, en mobilisant le concept de rapport monétaire, se déclinant en une diversité de régimes monétaires selon l’époque et le lieu. Nous aboutissons ainsi à l’idée selon laquelle chaque configuration institutionnelle est propre à un contexte spécifique, et que les formes concrètes de monnaie endogène répondent chacune de leur logique propre, résultant des rapports sociaux conflictuels en vigueur au sein du contexte étudié. Dans cette optique relativiste il n’y aurait donc pas un sentier d’évolution unique et linéaire qui amèneraient les formes concrètes d’endogénéité de la monnaie (règles de monnayage) à converger vers le modèle occidental actuel, mais bien une infinité de sentier d’évolution non linéaires, ne répondant pas tous de la logique théorique post-keynésienne qui sert de référence en matière d’endogénéité de la monnaie. En cela notre démarche se rapproche de celle de Claude Lévi-Strauss (1987, pp. 41-42) qui écrivait à propos de la perspective ethnocentrée qu’elle nous amène à considérer “ comme cumulative toute culture qui se développerait dans un sens analogue au nôtre, c’est-à-dire dont le développement serait doté pour nous de signification. Tandis que les autres cultures nous apparaîtraient comme stationnaires, non pas nécessairement parce qu’elles le sont, mais parce que leur ligne de développement ne signifie rien pour nous, n’est pas mesurable dans les termes du système de référence que nous utilisons “.

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