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Montages juridiques et habileté fiscale

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Page 1: Montages juridiques et habileté fiscale

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« Vouloir payer le plus d’impôts possible, pour certains, c’est peut-être de la sainteté ou de l’héroïsme ; on serait plutôt tenté d’y voir un dérangement de l’esprit (ça se soigne). »

Maurice Cozian

À l’heure du « mini-abus de droit fiscal », de la déclaration de certains montages fiscaux transfrontaliers, de la « Carte des pratiques et montages abusifs » publiée par l’Administration fiscale, de la multiplication des clauses dites « anti-abus », générales ou spécifiques, de la sanction des professionnels qui conseillent certains montages fiscaux ou des recommandations BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), il est apparu essentiel de concevoir et de publier un recueil à jour des montages juridico-fiscaux les plus courants. Ces montages sont ceux utilisés en France actuellement, ou bien au cours de ces quarante dernières années.

Chaque montage contient une description chronologique retraçant la « voie non optimisante » et la « voie optimisante » d’un point de vue uniquement fiscal. La compréhension est facilitée par un schéma explicatif, pour chaque montage, reprenant les étapes du raisonnement. Enfin, l’ouvrage explicite les « indices » ayant permis aux autorités de trancher dans le sens de la légalité ou de l’illégalité de ces montages. Il permet ainsi aux acteurs du droit fiscal de comprendre la ligne jaune entre l’optimisation fiscale et l’abus de droit fiscal ou la fraude fiscale.

L’ouvrage contient 139 montages qui s’appuient sur :– plus de 750 avis du Comité de l’abus de droit fiscal ;– plus de 900 jurisprudences sur l’abus de droit ou la fraude fiscale ;– plus de 100 positions de l’Administration fiscale ;– les montages significatifs de la « Carte des pratiques et montages abusifs » ;– plusieurs positions des rapports annuels de TRACFIN ;– plusieurs positions des recommandations BEPS ;– l’ensemble des textes juridiques et réglementaires en vigueur.

Antoine Malgoyre est Avocat au barreau de Saint-Denis de la Réunion, diplômé du Magistère-DJCE de Montpellier, membre de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF).

Prix 47 €ISBN 978-2-297-09060-5www.gualino.fr

Page 2: Montages juridiques et habileté fiscale

est Avocat au barreau de Saint-Denis de la Réunion, diplômé du Magistère-DJCE de Montpellier, membre de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF).

Antoine Malgoyre

© 2020, Gualino, Lextenso1, Parvis de La Défense92044 Paris La Défense CedexISBN 978 - 2 - 297 - 09060-5

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Les informations contenues dans le présent ouvrage sont générales et ne constituent en aucun cas des prestations de services ou de conseil à l’égard des lecteurs. Ces informations ne peuvent être utilisées comme un substitut à une consultation rendue par une personne professionnelle-ment compétente. La responsabilité de l’auteur ne pourra en aucun cas être engagée du fait ou à la suite d’une décision prise sur la base des informations contenues dans le présent ouvrage. En tout état de cause, le présent ouvrage constitue uniquement un recueil d’informations exis-tantes et n’a pas pour objet ou pour effet d’inciter le lecteur à se soustraire à ses obligations juridiques ou fiscales.

Page 3: Montages juridiques et habileté fiscale

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Avant-propos

Selon la formule désormais célèbre du commissaire du gouvernement Bernard Ducamin qui nous a précédé à la présidence de la Section des Finances du Conseil d’État, nul contri-buable n’est censé payer plus d’impôts qu’il n’en doit. Car, avions-nous nous-même ajouté,

le contribuable n’est pas le mécène du Trésor public.

Comme le droit est diversifié pour s’adapter à toutes les situations, il en résulte qu’il existe fréquemment plusieurs chemins juridiques possibles pour parvenir à la traduction en droit du résultat que l’on recherche. Ces divers chemins juridiques ne sont souvent pas fiscalement équi-valents. Mais la jurisprudence qui a fait sienne la formule du Président Ducamin, estime que la fiscalité alors applicable résulte exclusivement du chemin juridique emprunté. Si le contribuable emprunte un chemin juridique moins onéreux fiscalement qu’un autre chemin qu’il aurait pu également emprunter, l’administration fiscale ne saurait le lui reprocher et chercher à l’imposer comme s’il avait emprunté le chemin juridique le plus onéreux.

L’administration a été longtemps réticente à se plier à la règle jurisprudentielle. Mais le Conseil d’État, dès les années 1980, s’est montré ferme sur le respect de cette règle. Il a ainsi reconnu le libre choix entre l’abandon de créance de la mère à sa filiale et l’augmentation de capital de celle-ci (CE, 17 déc. 1984, n° 52341, SA Jokelson et Handtsaem), la liberté de choisir le sens de la fusion (CE, 21 mars 1986, n° 53002, SA Auriège). Tout à fait intéressante est, à cet égard, la solution plus récente (CE, 28 févr. 2007, n° 284565 et n° 284566) d’où il résulte que le principe du libre choix est applicable non seulement dans l’hypothèse où le choix est expressément ouvert par le droit civil ou celui des sociétés, mais également dans celle où le choix résulte du schéma juridique construit par le contribuable.

Néanmoins cette liberté de choix reconnue par la jurisprudence ne va pas jusqu’à admettre que n’importe quel cheminement, fût-il artificiel, est possible. Dans la recherche de la voie fiscale la moins onéreuse, il existe une limite à ne pas franchir, celle de l’abus de droit. La démonstra-tion par l’administration de l’existence d’un abus de droit est devenue plus complexe à établir depuis la célèbre décision du Conseil d’État du 27 septembre 2006, n° 260050, Sté Janfin, qui a ajouté au critère traditionnel de la poursuite par le contribuable d’un but exclusivement fiscal, qui remontait à 1957, celui, tiré de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, du non-respect par ce contribuable de l’esprit dans lequel le législateur a conçu la règle fiscale applicable (voir par exemple, CE, 7 sept. 2009, n° 305586, SA Axa). Il en résulte que le critère de l’opération dénuée de substance ou artificielle a pris une importance encore plus déterminante qu’auparavant (CE, 18 mai 2005, n° 267087, SA Sagal) dans le raisonnement du juge.

Par ailleurs, l’action de l’administration a été entravée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur les quatre libertés de circulation qui a fait obstacle à l’application de clauses anti-abus de la législation française (dont la plus célèbre a été celle relative à l’exit tax). Néanmoins, il semble que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne se soit assouplie pour mieux tenir compte du principe de territorialité de l’impôt.

Page 4: Montages juridiques et habileté fiscale

En outre, dans les directives européennes les plus récentes, les stipulations anti-abus donnent une définition plus large du champ de l’abus de droit en qualifiant le but fiscal poursuivi par le contribuable non plus d’exclusif, mais de principal ou de l’un des principaux buts.

On comprend dans ces conditions que l’abus de droit reste au cœur des contentieux qui opposent les contribuables à l’administration. Il arrive parfois que l’abus de droit soit le recours ultime de l’administration quand elle n’est pas en mesure d’identifier avec une sûreté suffisante le fondement juridique du redressement qu’elle notifie. Mais le plus souvent, l’administration cherche à démontrer que la voie moins onéreuse fiscalement choisie par le contribuable n’est qu’un montage artificiel, dépourvu de substance, afin de substituer à cette voie apparente le chemin juridique qui lui paraît correspondre à la réalité et qui est, bien entendu, fiscalement plus onéreux. La démonstration n’est pas toujours aisée, car désormais le contribuable prudent cherche à donner de la substance au chemin juridique qu’il a choisi. Il arrive néanmoins que des personnes physiques trop insouciantes ou des directeurs financiers trop préoccupés du taux effectif d’imposition de leur société prennent des risques inconsidérés et franchissent la ligne jaune à distance de laquelle ils auraient dû se tenir.

Comment faire pour identifier la ligne jaune  ? C’est là que le livre d’Antoine Malgoyre prend tout son sens. Avec une grande clarté et simplicité d’exposition (le lecteur appréciera l’illustration graphique accompagnant chaque fiche), l’auteur recense plusieurs schémas juridiques susceptibles de créer un montage constitutif d’un abus de droit. Il emprunte son analyse à la jurisprudence, à la doctrine administrative (notamment aux schémas publiés par l’administration comme présumés constitutifs d’un abus de droit), aux redressements en cours, aux pratiques de certains praticiens ou aux mises en garde publiées par d’excellents auteurs dans la presse juridique. Si un tel recensement ne peut pas être nécessairement exhaustif, il n’en est pas moins particulièrement complet. En outre, le lecteur déduira sans peine de la description de certains schémas dangereux, que d’autres schémas présentant des analogies sont à éviter.

Bref, ce livre qui en est à sa troisième édition constitue un véritable guide de l’abus de droit et des erreurs à éviter. Il intéressera au premier chef les praticiens et les fiscalistes d’entreprise. Mais il devrait intéresser également les enseignants et leurs étudiants qui ont souvent une vision trop théorique de l’abus de droit.

Olivier Fouquet

Président (h) de la Section des Finances du Conseil d’État

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Préface

Les montages à finalité fiscale sont parmi les œuvres les plus exigeantes du droit vivant. On les évoque souvent, les étudie parfois, mais les analyse rarement. Dans ce contexte, il faut louer le travail de M. Antoine Malgoyre.

Dans un ouvrage clair et concis, il parvient à synthétiser une multitude de schémas qui ont été mis en œuvre depuis des années par des praticiens soucieux d’« optimiser » la fiscalité de leurs clients.

Évoquant la fiscalité directe (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés) puis la fiscalité indirecte (droits d’enregistrement, impôt de solidarité sur la fortune), M. Malgoyre s’astreint à une ana-lyse méthodique : il évoque d’abord l’objectif recherché par la pratique, pour présenter ensuite le mécanisme mis en œuvre et conclure enfin par l’appréciation doctrinale et jurisprudentielle du montage, notamment au regard de l’abus de droit.

Pour éclairer le lecteur, M. Malgoyre accompagne chaque montage d’un schéma précis et di-dactique.

Cet ouvrage sera particulièrement apprécié des praticiens : il leur fournit un état des lieux des pratiques fiscales imaginées dans les diverses branches de l’impôt en soulignant les limites et les dangers éventuels des montages possibles.

Cet ouvrage sera éminemment utile aux enseignants : il s’agit d’un outil unique pour expliquer de façon pratique l’application de règles fiscales théoriques parfois difficiles à appréhender par les étudiants.

Cet ouvrage sera véritablement enrichissant pour les étudiants : ils y découvriront la créativité de la pratique fiscale et prendront peut-être goût au maniement de la boîte à outils fiscale.

Pour toutes ces raisons objectives, nous ne pouvons qu’encourager la lecture de ce travail mé-ticuleux.

De façon plus subjective, nous sommes particulièrement fières qu’Antoine, étudiant brillant de notre faculté de droit de Montpellier, récemment diplômé du DJCE, ait eu le talent et l’énergie de mener à terme ce lourd projet en un temps si court. Nous nous souvenons encore du jeune homme attentif lors de nos cours de fiscalité qui nous avait demandé conseil avant son stage au tribunal administratif de Montpellier. Que de chemin parcouru depuis ! Qu’il nous soit permis de féliciter chaleureusement Antoine pour le travail accompli et de conclure avec Jean de La Fontaine : « À l’œuvre, on connaît l’artisan » (in Les frelons et les mouches à miel).

Lise Chatain

HEC

Maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier

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RemerciementsL’auteur adresse ses plus sincères remerciements à :

– Mme  Lise Chatain-Autajon, maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier, diplômée de HEC, Majeure Stratégie juridique et fiscale internationale ;

– Me Michèle Guillerm, avocate au barreau de Montpellier, diplômée du DJCE de Montpellier, certificat de spécialisation en droit fiscal ;

– M. Alain Malgoyre, responsable formation au CNFPT ;

– Mme Audrey Hoarau, assistante des ressources humaines ;

– M.  Olivier Fouquet, consultant, Président (h) de la section des Finances au Conseil d’État, diplômé de l’ENA.

À la promotion Linklaters du Magistère-DJCE de Montpellier

Au groupe 4 de l’École de formation des avocats Centre-Sud

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Avant-propos ............................................................................................3 Préface ......................................................................................................5Introduction ............................................................................................13

Partie 1. L’impôt sur le revenu ...........................................................................19

I. Bénéfices industriels et commerciaux ....................................................................201. Intégration « sauvage » par société semi-transparente ..................................202. Intégration « sauvage » par location-gérance ................................................223. Location-gérance dissimulant une cession de fonds de commerce ................24

4. Fonds « turbo » ..................................................................................................26

5. Acquisition – cession de titres et transfert d’avoir fiscal .................................28

6. Cession « massive » de titres sociaux ................................................................30

7. Augmentation de capital avec prime d’émission et couverture de pertes ....32

8. « Coup d’accordéon » à l’envers et abandon de créance ...............................34

9. Distribution de dividendes et émission d’un emprunt obligataire ................36

10. Distribution de dividendes et émission d’obligations remboursables en actions ..........................................................................................................38

11. Créance de crédit-vendeur et augmentation de capital ...............................40

12. Émission d’obligations convertibles inverses artificielle ...............................42

13. Réduction de capital et prêt participatif .......................................................44

14. Crédit-bail dissimulant une vente à tempérament .......................................46

15. Apport de fonds de commerce – cession des titres .......................................48

16. Apport de fonds de commerce – réduction de capital .................................50

17. Apport de fonds de commerce – donation des titres ...................................52

18. Cession à soi-même par société interposée ...................................................54

19. Réduction du chiffre d’affaires .......................................................................56

II. Traitements et salaires ...........................................................................................5820. « Rent a star company » ..................................................................................58

III. Revenus mobiliers ..................................................................................................6021. Cession de titres – réduction de capital .........................................................60

22. Apport de titres – réduction de capital ..........................................................62

23. Désinvestissement : cession de titres – liquidation ........................................64

7

Sommaire

Page 8: Montages juridiques et habileté fiscale

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24. Cession de titres en période intercalaire de fusion .......................................66

25. Distribution de dividendes et société écran étrangère .................................68

26. « Tirelire défiscalisante » ................................................................................70

27. Holding de rachat – OBO ................................................................................72

28. CumCum ...........................................................................................................74

29. Fonds commun de placement de moins-value ..............................................76

30. Donation – cession de titres ............................................................................78

31. Donation – vente d’immeuble ........................................................................80

32. Donation – cession et réserve d’usufruit ........................................................82

33. Donation – cession de titres et quasi-usufruit ...............................................84

34. Donation – cession de titres et remploi des liquidités dans une SCI ............86

35. Donation – cession de titres et remploi des liquidités dans un contrat de capitalisation ou d’assurance-vie ................................................................88

36. Donation – réduction de capital .....................................................................90

37. Apport – cession et report d’imposition (CGI, art. 92 B, II et art. 160, I ter, 4) ................................................................92

38. Apport – cession et sursis d’imposition (CGI, art. 150-0 B) ............................94

39. Apport – donation – cession et sursis d’imposition (CGI, art. 150-0 B) : cession des titres reçus en rémunération de l’apport .....................................96

40. Apport – donation – cession et sursis d’imposition (CGI, art. 150-0 B) : cession des titres apportés ...............................................................................98

41. Apport – réduction et sursis d’imposition (CGI, art. 150-0 B) : réduction de capital de la société bénéficiaire de l’apport .........................100

42. Apport – réduction et sursis d’imposition (CGI, art. 150-0 B) : réduction de capital de la société dont les titres sont apportés ..................102

43. Apport – cession et report d’imposition (CGI, art. 150-0 B ter) ..................104

44. Apport – donation – cession et report d’imposition (CGI, art. 150-0 B ter) : cession des titres reçus en rémunération de l’apport ...................................106

45. Apport – donation – cession et report d’imposition (CGI, art. 150-0 B ter) : cession des titres apportés .............................................................................108

46. Soulte en matière d’apport de titres ............................................................110

47. Cession de titres et participation dans la société cessionnaire ...................112

48. Cession de titres et société écran étrangère ................................................114

49. Société en participation et exonération des bénéfices en faveur des entreprises nouvelles ...............................................................................116

50. PEA et exonération de dividendes ...............................................................118

51. PEA et sous-évaluation des titres .................................................................120

52. PEA et holding interposée ............................................................................122

53. PEA et cession « à soi-même » ......................................................................124

54. PEA et cession « à soi-même » par société interposée ................................126

55. PEA et cessions croisées .................................................................................128

Page 9: Montages juridiques et habileté fiscale

IV. Revenus fonciers ..................................................................................................13056. Détention d’un immeuble par une SCI et déficits fonciers .........................130

57. Détention d’un immeuble en direct et déficits fonciers .............................132

58. Démembrement de propriété de l’immobilier d’entreprise et « cession temporaire d’usufruit » ..................................................................................134

59. Démembrement de propriété des titres de la SCI détenant l’immobilier d’entreprise et « cession temporaire d’usufruit » .........................................136

60. Démembrement de propriété de l’immobilier d’entreprise détenu par une SCI et « cession temporaire d’usufruit » ..........................................138

61. Acquisition en démembrement de l’immobilier d’entreprise par deux personnes distinctes ........................................................................140

62. Démembrement de propriété de l’immobilier d’entreprise et « rétention d’usufruit temporaire » ..........................................................142

63. Boucle de société civile immobilière à l’impôt sur le revenu ......................144

Partie 2. L’impôt sur les bénéfices des sociétés ....................................147

64. Holding « de 1929 » ......................................................................................148

65. Cash pooling et intérêts notionnels .............................................................150

66. Boucle de financement fictive et intérêts notionnels .................................152

67. Montage « coquillard » .................................................................................154

68. Holding étrangère et rulings ........................................................................156

69. Captive de réassurance .................................................................................158

70. Holding de rachat – LBO ...............................................................................160

71. Holding de rachat – LMBO – LMBI – BIMBO ................................................162

72. Holding de rachat – LBU ...............................................................................164

73. Management package et LBO ......................................................................166

74. « Cascade de holdings » ................................................................................168

75. LBO secondaire ..............................................................................................170

76. Fusion « à l’envers » ......................................................................................172

77. « Fusion rapide » ...........................................................................................174

78. Option à l’impôt sur les sociétés avant fusion (et opérations assimilées) ..176

79. Fusion et réévaluation libre du bilan ...........................................................178

80. Fusion et créance de carry back ....................................................................180

81. Déduction du vrai mali de fusion en présence d’une fusion simplifiée .....182

82. Spin-off et apport – attribution ...................................................................184

83. Cession – absorption et intégration fiscale ..................................................186

84. « Coup d’accordéon » à l’envers et réserve spéciale des plus-values à long terme ....................................................................................................188

85. Société interposée et option à l’IS ................................................................190

86. Obligations échangeables en actions grevées de plus-values latentes ......192

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Page 10: Montages juridiques et habileté fiscale

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87. Augmentation de capital d’une société en faveur d’un nouvel actionnaire suivie du rachat par la société des titres de l’actionnaire préexistant ........194

88. Transformation d’un produit exceptionnel en produit financier et sous-capitalisation ......................................................................................196

89. Back to back ...................................................................................................198

90. TUP internationale ........................................................................................200

91. Transfert de siège social au Luxembourg et plus-value immobilière .........202

92. Cession de titres de participation et société écran étrangère ....................204

93. Dissimulation d’un financement en capital sous l’apparence d’un prêt – transferts hybrides – REPO ..........................................................206

94. Prêt participatif et montage hybride ...........................................................208

95. Cross-border sale and lease-back .................................................................210

96. Treaty shopping – Le cas de la cession d’usufruit d’actions par une société mère américaine d’une filiale française à une banque britannique ...........212

97. Treaty shopping – Le cas du contrat de prêt entre une société française et une société allemande ayant elle-même emprunté les fonds à une société des Antilles néerlandaises ..............................................................................214

98. Treaty shopping – Le cas de la non-application de retenue à la source sur dividendes .................................................................................................216

99. Apport de titres à une société écran et distribution de dividendes ...........218

100. Treaty shopping – Le cas de la limitation de retenue à la source sur dividendes .................................................................................................220

101. Treaty shopping – Le cas de la non-application de retenue à la source sur distribution d’avantage occulte ...............................................................222

102. Treaty shopping – Le Dutch Sandwich .......................................................224

103. Treaty shopping – Le cas des intérêts déductibles .....................................226

Partie 3. La taxe sur la valeur ajoutée ........................................................229

104. Location de locaux meublés réalisée par conventions séparées ..............230

105. Scission d’activités et vente à consommer sur place .................................232

106. Montage « carrousel » ................................................................................234

107. Fraude à la TVA sur les véhicules d’occasion .............................................236

108. Société en participation et groupe TVA.....................................................238

Partie 4. Les droits d’enregistrement ..........................................................241

109. Donations déguisées en vente ....................................................................242

110. Donation déguisée par utilisation abusive d’une clause d’accroissement (tontine) ..........................................................................................................244

111. Transformation de société – cession des titres ..........................................246

112. Apport – cession de fonds de commerce ...................................................248

113. Apport partiel d’actifs – cession de branches d’activités ..........................250

Page 11: Montages juridiques et habileté fiscale

114. Apport partiel d’actifs – vente d'immeuble ...............................................252

115. Donation de la nue-propriété ....................................................................254

116. Apport de la nue-propriété d’un immeuble à une SCI – donation des titres de la SCI ...........................................................................................................256

117. Apport de la nue-propriété de la résidence principale à une SCI – donation des titres de la SCI ..........................................................................258

118. Apport d’un immeuble à une SCI – donation de la nue-propriété des titres de la SCI ...........................................................................................260

119. Apport de la nue-propriété d’un immeuble à une SCI – donation avec réserve d’usufruit des titres de la SCI – « double démembrement » ...........262

120. Donation de la nue-propriété d’un immeuble – apport de l’immeuble à la SCI .............................................................................................................264

121. Acquisition conjointe de l’immeuble par les parents et leurs héritiers ...266

122. OBO immobilier ...........................................................................................268

123. Family buy out (FBO) ou « LBO familial » ..................................................270

124. « Coup d’accordéon » à l’envers et donation indirecte ............................272

125. Augmentation de capital et donation indirecte .......................................274

126. Mise en réserve des bénéfices par l’usufruitier et donation indirecte .....276

127. Double apport suivi d’une donation ..........................................................278

128. Donations « en cascade » ou successives ...................................................280

129. Groupement foncier agricole et bail à long terme ...................................282

130. Revente à soi-même d’immeuble acquis sous le régime des marchands de biens ...........................................................................................................284

131. Pacte Dutreil et augmentation de capital .................................................286

132. Assurance-vie et souscription/versement « sur le lit de mort » ................288

133. Assurance-vie et donation déguisée ..........................................................290

134. Assurance-vie et avoirs étrangers non déclarés .........................................292

Partie 5. L’impôt de solidarité sur la fortune .........................................295

135. Transmission temporaire d’usufruit ..........................................................296

136. Minoration de l’assiette de l’ISF .................................................................298

137. Délocalisation et ISF ....................................................................................300

138. Donation déguisée en prêt .........................................................................302

139. Cash Box .......................................................................................................304

Bibliographie ........................................................................................306

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Introduction

« Vouloir payer le plus d’impôts possible, pour certains, c’est peut-être de la sainteté ou de l’héroïsme ; on serait plutôt tenté d’y voir un dérangement de l’esprit (ça se soigne). »

(Cozian M., « Éloge de l’habileté fiscale », RFP janv. 2006, n° 1, alerte 1)

Dès 1789, Pierre Paul Nicolas Henrion de Pansey, juriste et politicien français, s’interrogeait sur la notion d’« optimisation fiscale » ; « Est-il permis de frauder les droits seigneuriaux ? » Puis il ajoutait : « Il est libre aux propriétaires de fiefs de choisir entre toutes les manières licites de contracter, celle qui est le moins productive de droits féodaux » (Henrion de Pansey P. P. N., Dissertations féodales, t. 1 : Droits seigneuriaux, 1789, p. 631). En 1839, MM. Championnière et Rigaux relevaient la frontière entre la fraude et l’« optimisation fiscale » ; « Mais on doit se gar-der de confondre la simulation dont l’objet est de payer un droit moindre que celui du contrat caché, avec la préférence que des parties, qui peuvent arriver au but qu’elles se proposent par deux conventions différentes, donnent à celle qui rend exigible le plus faible droit. La première constitue la fraude envers le Trésor, la seconde n’est qu’une opération légitime et que le fisc ne peut critiquer » (Championnière P. et Rigaux M., Traité des droits d’enregistrement, de timbre et d’hypothèques, 1851, Hingray).

Quelques décennies plus tard, en 1986 précisément, le Président Fouquet corroborait ces prin-cipes en ces termes ; « Le choix de la solution fiscalement la plus favorable ne constitue pas, par lui-même, un abus de droit » (Fouquet O., concl. rapporteur public sous CE, 21 mars 1986, n° 53002, SA Auriège). Il développa ensuite, dans une étude publiée en 2005, la notion d’« opti-misation fiscale » ; « Dans le cas de l’optimisation fiscale, le montage consiste en une succession d’actes qui produisent pleinement leurs multiples effets tant économiques que juridiques, de sorte que la voie fiscalement la moins onéreuse ne peut être regardée comme juridiquement et économiquement équivalente à la voie fiscalement la plus onéreuse » (Fouquet O., « Abus de droit : une éclaircie ? », Rev. adm. 2005, p. 382 – Mortier R., « La donation avant cession in extenso », Dr. fisc. 25 sept. 2014, n° 39, 540).

Plus qu’une notion, l’optimisation fiscale est une obligation professionnelle. Elle est une obliga-tion pour les conseillers du contribuable qui doivent l’aider à développer la stratégie patrimo-niale la moins onéreuse sous peine de se voir sanctionné par le juge (par exemple, Cass. 1re civ., 18 déc. 2001, n° 98-20.246). En effet, «  il appartient à tout professionnel appelé à intervenir dans la gestion d’un patrimoine d’apprécier, sous sa responsabilité, les mesures à prendre, no-tamment en matière de fiscalité, pour préserver de la manière la plus efficace les intérêts dont il a la charge » (de Saint Affrique B., conseiller honoraire à la Cour de cassation, « La responsa-bilité professionnelle du gestionnaire de patrimoine au regard de l’abus de droit », Defrénois 30 juin 1998, n° 12, p. 769).

Dès lors, faire peser le poids de l’optimisation fiscale sur les conseillers du contribuable apparaît délicat. En effet, il est techniquement difficile de concilier les intérêts du contribuable (utiliser « la voie fiscale la moins onéreuse » ; par exemple, rép. min. n° 43522 à Mme Louwagie : JOAN

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Q 10 nov. 2015 non reprise au Bofip) et ceux de l’État (augmenter les recettes fiscales). Ces inté-rêts sont contradictoires puisque « chacune des parties cherche finalement à savoir jusqu’où elle peut aller trop loin » (de Saint Affrique B., ibid.).

Pourtant l’actualité ne semble pas militer dans ce sens : «  Il y a peut-être encore pire que de ne pas vouloir payer son impôt, que l’on soit un particulier ou une entreprise : c’est le fait de conseiller l’un ou l’autre pour qu’il ne paie pas l’impôt  » (déclaration de la députée Karine Berger lors du vote de la loi de finances pour 2014). Or, l’idée même de « responsabiliser » les conseillers du contribuable en matière d’optimisation fiscale a été jugé contraire aux normes constitutionnelles  : « Considérant qu’eu égard aux restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté d’entreprendre et, en particulier, aux conditions d’exercice de l’activité de conseil juridique et fiscal, et compte tenu de la gravité des sanctions encourues en cas de méconnaissance de ces dispositions, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir une définition aussi générale et imprécise de la notion de schéma d’optimisation fiscale » (Cons. const., 29 déc. 2013, n° 2013-685 DC, Loi de finances pour 2014). En somme, « tout contribuable peut légitimement être amené à chercher à minorer sa charge fiscale et tout avocat fiscaliste cherche à minorer la charge fiscale de ses clients, sans que pour autant cette démarche soit constitutive d’une fraude » (Cons. const., 29 déc. 2013, n° 2013-684 DC et n° 2013- 685 DC, comm. p. 29).

D’ailleurs, penser que le conseiller du contribuable est obnubilé par la recherche d’« optimi-sation fiscale » revient à nier l’essence même de sa fonction. À titre d’exemple, la profession d’avocat fiscaliste « n’est pas une profession qui a pour objectif l’optimisation fiscale voir plus, c’est une profession qui a pour objectif d’expliquer un droit fiscal d’une complexité et d’une instabilité tout à fait excessive » (Carrez G., Commission des finances, Assemblée nationale, Au-dition de S. Austry, 18 mai 2016).

Pourtant, l’Administration fiscale a ces deux dernières années gagnées plusieurs batailles im-portantes.

D’abord, celle de la déclaration de certains schémas d’optimisation fiscale. Par ordonnance, le Gouvernement a entendu transposer la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 re-lative à l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, dite directive « DAC 6 » (ordonnance n° 2019-1068, 21 oct. 2019). Elle prévoit une obligation, pour les intermédiaires ou les contribuables, de déclarer aux autorités fiscales certains montages fiscaux transfrontaliers.

Ensuite, celle de la sanction des personnes qui concourent à la fourniture intentionnelle d’une prestation ayant directement permis à un contribuable de commettre un abus de droit, de réaliser des manœuvres frauduleuses, de dissimuler son activité ou d’omettre de déclarer des sommes afférentes à un trust, des comptes ou des contrats d’assurances-vie détenus à l’étranger, ayant conduit à l’application par l’Administration fiscale d’une majoration de 80 %. L’amende est égale à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable. Son montant ne peut être inférieur à 10 000 euros (CGI, art. 1740 A bis).

Enfin et surtout, la création d’un « mini-abus de droit fiscal » qui vise à sanctionner les « actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normale-ment supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » (LPF, art. L. 64 A).

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Or, rappelons simplement, en reprenant les termes du Professeur Maurice Cozian, que « chacun reconnaît la nécessité d’une bonne gestion financière, d’une bonne gestion commerciale, d’une bonne gestion sociale ; elles conditionnent le développement, voire la survie des entreprises. On doute en revanche qu’il puisse y avoir une bonne gestion fiscale ; certains la récusent au nom du fatalisme fiscal ; d’autres la réprouvent, la confondant avec la tricherie fiscale ; les plus avisés la pratiquent, qui ne sont ni des fatalistes, ni des tricheurs, mais de bons gestionnaires » (Cozian M., « Éloge de l’habileté fiscale », RFP janv. 2006, n° 1, alerte 1).

La « bonne gestion fiscale », ou « habileté fiscale » (Laprade M., concl. rapporteur public sous CE, 8 juill. 1977, n° 4158) – également appelée « optimisation fiscale », « planification fiscale » ou « ingénierie fiscale » –, doit donc être distinguée de ce qu’elle n’est pas avant de déterminer ce qu’elle est.

D’une part, l’habileté fiscale n’est pas la fraude fiscale (tax evasion). Le délit de fraude fiscale est défini à l’article 1741 du CGI, qui punit : « Quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts. » Ainsi, la fraude fiscale « implique nécessairement une violation de la réglementation en vigueur » (Rapport d’information, Assemblée nationale, « Optimisation fiscale des entre-prises dans un contexte international », 10 juill. 2013, p. 21). Ce qui n’est pas le cas de l’« habi-leté fiscale », pour laquelle le contribuable respecte scrupuleusement les dispositions de la loi.

D’autre part, l’habileté fiscale n’est pas l’abus de droit fiscal. Celui-ci, considéré comme le « châ-timent des surdoués de la fiscalité » (Cozian M., Les grands principes de la fiscalité des entre-prises, Litec), est visé à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui dispose que ; « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’en-contre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. » L’habileté fiscale se distingue ainsi de « l’excès d’habileté » (Cozian M., « Éloge de l’ha-bileté fiscale », RFP janv. 2006, n° 1, alerte 1), c’est-à-dire l’abus de droit fiscal, en ce qu’elle n’est ni fictive (elle n’entre donc pas dans la branche de l’« abus de droit par fictivité »), ni motivée par des considérations exclusivement fiscales à l’encontre des objectives poursuivis (elle n’entre donc pas dans la branche de l’« abus de droit par fraude à la loi »).

Aujourd’hui, l’habileté fiscale ne se confond pas non plus avec le « mini-abus de droit fiscal », prévu à l’article L. 64 A du livre des procédures fiscales, en ce qu’elle n’est pas motivée par des considérations principalement fiscales à l’encontre des objectives poursuivis (applicable pour les actes passés à compter du 1er janvier 2020, la frontière entre l’habileté fiscale et le « mini-abus de droit » prendra plusieurs années à se dessiner, si tant est que cela soit possible).

En outre, l’habileté fiscale se distingue de l’erreur fiscale. Celle-ci procède « de la méconnais-sance involontaire d’une prescription fiscale obligatoire » (Dedeurwaerder G., « La distinction des erreurs et des décisions de gestion – Essai de présentation renouvelée d’une théorie gé-nérale », Dr. fisc. 2014, n° 28, p. 427, § 2). Acte involontaire, l’erreur peut être rectifiée tant par le contribuable que par l’Administration fiscale. Ainsi, « dans cette dernière hypothèse, le contribuable étant présumé de bonne foi, il n’encourt aucune pénalité fiscale » (Eyssartier P., « La gestion de patrimoine privé à l’épreuve de l’abus de droit fiscal », thèse, 2014, Bordeaux IV). L’« habileté fiscale » ne résulte quant à elle d’aucune méconnaissance, volontaire ou invo-lontaire, des dispositions légales.

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Schématiquement, on peut situer l’« habileté fiscale », la fraude fiscale et l’abus de droit fiscal de la manière suivante (Bazart C., « La fraude fiscale : modélisation du face-à-face État-contri-buables », thèse, 2000, Montpellier I) :

L’« habileté fiscale » peut se définir comme « l’utilisation par le contribuable de moyens légaux lui permettant d’alléger ses obligations fiscales » (Rapport d’information, Assemblée nationale, « Optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international », 10 juill. 2013, p. 21). Ainsi, le contribuable est autorisé, « parmi plusieurs voies juridiques possibles, à privilégier celle qui est la moins imposée » fiscalement (Deboissy F., « L’opposabilité à l’administration fiscale des montages contractuels », RDC 2007, n° 3, p. 1006).

C’est d’ailleurs la position constante de la Cour de cassation (Cass. civ., 24 avr. 1854 : D. 1854, I, 157) et du Conseil d’Etat (CE, 16 juin 1976, n° 95513) depuis de nombreuses années. Par consé-quent, « le contribuable, qui n’est jamais tenu de tirer des affaires qu’il traite, le maximum de profit que les circonstances lui auraient permis de réaliser » (CE, 7 juill. 1958, n° 35977, SARL Les Entreprises de travaux publiques André Borie), ne peut se voir reprocher d’être habile. Affirmer le contraire, c’est entrer en contradiction avec le principe de liberté de gestion maintes fois rap-pelé par le Conseil d’Etat et la Cour de justice de l’Union européenne. L’Administration fiscale elle-même avait confirmé un temps que « dans certains cas, les contribuables ont la possibilité de choisir entre plusieurs solutions pour réaliser une opération déterminée. Le fait qu’ils optent pour la solution la plus avantageuse au plan fiscal ne permet pas de conclure à l’abus de droit s’il apparaît que les actes juridiques sur lesquels repose cette solution sont conformes à la réa-lité » (Doc. adm. 13 L-1531, 1er juill. 2002, n° 20). Ainsi, « l’habileté des contribuables n’est pas nécessairement un vice de nature à justifier un redressement » (Laprade M., concl. rapporteur public sous CE, 8 juill. 1977, n° 4158).

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Enfin, l’habileté fiscale se distingue de l’évasion fiscale (tax avoidance), mais se confond parfois aussi avec elle. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), institution associée à la Cour des comptes, l’évasion fiscale peut être définie comme ; « L’ensemble des comportements du contribuable qui visent à réduire le montant des prélèvements dont il doit normalement s’acquitter. S’il a recours à des moyens légaux, l’évasion entre alors dans la catégorie de l’opti-misation. À l’inverse, si elle s’appuie sur des techniques illégales ou dissimule la portée véritable de ses acteurs, l’évasion s’apparente à la fraude. »

Schématiquement, l’« habileté fiscale » peut se situer avec l’évasion fiscale et la fraude fiscale de la manière suivante (Rapport, Sénat, « L’évasion fiscale des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales », juill. 2012) :

Finalement, l’habileté fiscale fait généralement intervenir un «  montage  » juridique (par exemple, CE, 18 mai 2005, n° 267087, SA Sagal). Un tel montage correspond à « la combinaison finalisée d’actes ordonnés et interdépendants » (Dom J.-P., Les montages en droit des sociétés, 1998, Joly). Il y a en conséquence un montage juridique « chaque fois que plusieurs actes juri-diques concourent à la réalisation d’une même opération économique et poursuivent le même but » (Malaurie P., Aynès L. et Stoffel-Munck P., Droit des obligations, 2e éd., 2007, LGDJ, Droit civil, n° 839). Comme le soulève le Professeur Daniel Gutmann, « ce qui est “monté” n’est pas naturel, c’est une construction qui contient un certain degré d’artifice ou, à tout le moins, de recul et d’élaboration » (Gutmann D., « L’abus de droit : perspective générale et encadrement procédural », Dr. & patr. juill.-août 2011, n° 205, p. 54). Ainsi, l’option de «  la voie fiscale la moins onéreuse » (v. notamment rép. min. n° 43522 à Mme Louwagie : JOAN Q 10 nov. 2015 non reprise au Bofip) doit reposer sur des actes juridiques qui produisent leurs « effets multiples » (par exemple, Cass. com., 10 déc. 1996, n° 94-20.070, Sté RMC France) « tant économiques que juridiques » (Fouquet O., « Abus de droit : une éclaircie ? », Rev. adm. 2005, p. 38).

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GRILLE DE LECTURE DE L'OUVRAGE

Le lecteur sera particulièrement vigilant lors de l’utilisation des termes suivants :

–  lorsque le montage est répréhensible (fondement du droit commun ; LPF, art. L. 55 et s.) : indice de répréhension/indice de non-répréhension ;

–  lorsque le montage est abusif (fondement de l’abus de droit fiscal ou de la théorie générale de la fraude à la loi ; LPF, art. L. 64 et art. L. 64 A) : indice d’abus/indice de non-abus ;

–  lorsque le montage est frauduleux (fondement de la fraude fiscale ; CGI, art. 1741) : indice frauduleux/indice non frauduleux.

En d’autres termes, «  il n’y a abus de droit qu’en présence d’une série d’actes cohérents et convergents, passés en vue de créer une situation juridique ou économique artificielle à seule fin d’entrer dans les prévisions d’une disposition fiscale favorable » (Collin P., concl. rapporteur public sous CE, 18 mai 2005, n° 267087, SA Sagal).

Pour conclure, « l’implication des États dans l’optimisation fiscale des entreprises est majeure : si les entreprises parviennent à réduire significativement leur charge d’impôt, c’est parce que cer-tains États ont mis en place des mesures fiscales particulièrement attractives, et que le recours à ces mesures est rendu possible par les conventions fiscales » (Rapport d’information, Assemblée nationale, « Optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international », 10 juill. 2013, p. 19).

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L'IMPÔT SUR LE REVENU

PARTIE 1

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I. Bénéfices industriels et commerciaux

1. Intégration « sauvage » par société semi-transparente

Objectif affiché Créer un transfert de déficits vers une société bénéficiaire.

Pour rappel, les sociétés fiscalement « semi-transparentes » ou « translucides » (CGI, art. 8 et s.) « dégagent leur propre résultat fiscal mais elles n’ont pas la qualité de contribuable » (Cozian M., Deboissy F. et Chadefaux M., Précis de fiscalité des entreprises, 40e éd., 2016/2017, LexisNexis, n° 835, p. 317). En effet, les bénéfices sociaux sont déterminés au niveau de la société, mais sont imposés au nom personnel de chaque associé à l’impôt sur le revenu (ou à l’impôt sur les socié-tés) pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, sous réserve d’amé-nagements conventionnels, en intégrant les rémunérations et avantages particuliers accordés à chaque associé par la société. Cette imposition est effectuée à la clôture de chaque exercice (par exemple, CE, 26 janv. 1977, n° 96145 et n° 96146), et cela sans qu’importe l’appréhension effective des liquidités par les associés. Toutes choses étant égales par ailleurs, les déficits sont aussi répartis entre les associés. Ils s’imputent ensuite sur le revenu global – ou, le cas échéant, sur le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 218 bis) – de chaque associé (CGI, art. 156, I).

Ce régime de « semi-transparence » prive la société et ses associés, personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206 et s.), du régime mère-fille (CGI, art. 145 et art. 216, I) et du régime de l’intégration fiscale (CGI, art. 223 A et s.). Par conséquent, il peut être intéressant de mettre en place une intégration « sauvage » (également appelée « consolidation sauvage »), par opposition à l’intégration « légiférée » ou « légale » (CGI, art. 223 A et s.). Cette technique permet ainsi de consolider le résultat fiscal de plusieurs sociétés, alors même que les conditions de l’intégration « légiférée » ne sont pas remplies (par exemple, la condition de détention de 95 %). Les déficits d’une société filiale pourront « remonter » au niveau de sa société mère, à proportion du capital détenu (quid d’une répartition inégalitaire des déficits ?), afin de dimi-nuer son imposition (v. également l’Intégration « sauvage » par location-gérance et dans une moindre mesure, la Fusion « à l’envers », qui permettent également une telle consolidation).

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1. Par la voie optimisante, une société mère, soumise à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206 et s.), constitue une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes (CGI, art. 8 et s.) – par exemple, une société en nom collectif ou une société en participation – en faisant très peu ou pas d’apports (indice d’abus). Cette dernière doit avoir une activité réelle (indice de non-abus) et ne doit pas être fictive (indice de non-abus). La société mère peut également constituer une société translucide avec l’une de ses sociétés filiales ou sous-filiales, également soumises à l’impôt sur les sociétés, par apport de leur activité respective (il n’y a pas de contrainte tenant au pourcentage de détention). La société translucide permet alors de mettre en commun les pertes ou les bénéfices desdites sociétés. Une personne physique et la société dont elle est associée peuvent pareillement constituer une société translucide à laquelle il est apporté le contrat de location-gérance dont est titulaire la société et portant sur une activité déficitaire.

2. Les déficits générés par la société translucide s’imputent sur le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés de la société mère à hauteur de la quote-part des déficits qui lui revient (CGI, art. 218 bis et art. 238 bis K, I, al. 1er) même si les dates d’exercice ne coïncident pas (cela per-met de les imputer dès la première année, contrairement à l’intégration légiférée). Il y a ainsi consolidation des résultats fiscaux des sociétés. Par ailleurs, l’« amendement Charasse », qui limite la déductibilité des intérêts d’emprunts dans certaines hypothèses, n’est pas applicable (CGI, art. 223 B, al. 7). Les opérations entre la société mère et la société translucide (cessions d’immobilisation, subventions, abandons de créances) ne seront pas neutralisées, pas plus qu’en matière d’intégration légiférée, mais la fusion entre elles ne pourra pas être placée sous le régime de faveur des fusions (CGI, art. 210 A). Ainsi, il peut être opportun de transformer une société soumise à l’impôt sur les sociétés, qui ne peut pas bénéficier du régime de l’intégration légiférée, en une société translucide pour permettre la remontée de déficits chez sa société mère, à compter de la transformation (il convient d’être vigilant quant aux conséquences fis-cales de cette transformation – CGI, art. 221, 2, al. 2 ; art. 221 bis et art. 111 bis).

Si l’associé de la société translucide est une personne physique, il pourra imputer sur son revenu global le déficit créé par celle-ci en raison de sa translucidité, à condition qu’il s’agisse d’un défi-cit provenant d’une activité professionnelle (CGI, art. 156, I) – chose qui aurait été impossible si la société translucide n’avait pas existé.

Position de la jurisprudence : le montage est abusif concernant la création d’une société en participation en vue de lui transférer les résultats des associés (CE, 10 mai 1993, n° 95128, SARL Elite Model Management) ou de lui transférer les activités des associés (CAA Paris, 4 oct. 2001, n° 97PA0289 réforme TA Versailles, 26 mars 1996, n° 8701951 et confirmé par CE, 8 août 2002, n° 240856, Sté Esab France). Le montage n’est pas abusif concernant la création d’une société en nom collectif en vue d’acquérir un bien (CAA Nantes, 12 mai 1993, n° 91NT00684, SNC DZ Aviation), la création d’une société en participation en vue d’imputer le déficit d’une société opaque sur le revenu global de son associé personne physique (CE, 31 juill. 2009, n° 290971, dans aff. n° 1992-19 du CADF, casse CAA Paris, 30 déc. 2005, n° 01PA03603 confirmant TA Paris, 28 juin 2001, n° 9505906), la transformation d’une société anonyme en société en nom collectif afin de permettre une remontée de bé-néfices (CE, 15 févr. 2016, n° 374071, SNC Distribution Leader Price, non soumis au CADF, casse CAA Versailles, 22 oct. 2013, n° 11VE03449 confirmant TA Cergy-Pontoise, 8 juill. 2011, n° 0700747) et l’exploitation d’un voilier à travers une société en participation permettant de déduire l’intégralité des charges de ce voilier en vue de faire remonter le déficit chez l’associé (CE, 21 juin 1996, n° 139377 casse CAA Nancy, 30 avr. 1992, n° 90NC00221). Le montage est répréhensible concernant la création d’une société en participation entre une société mère et sa filiale ou sa sous-filiale (TA Lille, 27 nov. 1997, n° 9000527 confirmé par CAA Douai, 27 févr. 2001, 98DA00362 confirmé par CE, 29 janv. 2003, n° 233373, SNC Cidal – CE, 23 nov. 2001, n° 205132, SA Coge-dac, non soumis au CADF, casse CAA Nancy, 17 déc. 1998, n° 95NC00259 réformant partiellement TA Lille, 10 nov. 1994, n° 9000669). Le montage est frauduleux concernant une société structurellement déficitaire dès son origine (Cass. crim., 28 juin 2006, n° 05-86.759).

Position du Comité de l’abus de droit fiscal : avis favorables à l’Administration (aff. n° 1992-19 et 1994-15).

Pour aller plus loin

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2. Intégration « sauvage » par location-gérance

Objectif affiché Créer un transfert de déficits vers une société bénéficiaire.

SOCIETE MERE

SOCIETE 2BENEFICIAIRE

SOCIETE 1 DEFICITAIRE

1

Location-gérance

Intégration « sauvage » par location-gérance

2

Redevances

Ce montage est à rapprocher de l’Intégration « sauvage » par société semi-transparente et, dans une moindre mesure, de la Fusion « à l’envers ».

Pour rappel, la location-gérance ou gérance libre (C. com., art. L. 144-1 et s.) est la convention par laquelle le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce en concède totalement ou partiellement la location à un locataire-gérant (ou gérant) qui l’exploite à ses risques et périls (C. com., art.  L.  144-1). En contrepartie, le locataire-gérant verse une redevance (Cass. com., 11 mai 1971, n° 70-10.012). Le locataire-gérant a la qualité de commerçant. Il est soumis à toutes les obligations qui en découlent (C. com., art. L. 144-2). En outre, la personne qui concède une location-gérance ne doit plus avoir exploité pendant deux années au moins ledit fonds (loi n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises, art. 2).

Par ailleurs, l’intégration « sauvage » (également appelée « consolidation sauvage »), par oppo-sition à l’intégration « légiférée » ou « légale » (CGI, art. 223 A et s.), est une technique qui per-met de consolider le résultat fiscal de plusieurs sociétés alors même que les conditions de l’in-tégration « légiférée » ne sont pas remplies (par exemple, la condition de détention de 95 %). Dans le montage de l’Intégration « sauvage » par société semi-transparente, il a été expliqué comment les déficits d’une filiale pouvaient « remonter » chez sa société mère, en raison du capital détenu, afin de diminuer l’imposition de cette dernière. Dans le présent montage, le flux de déficits ne suit pas la participation détenue par l’associé de la société déficitaire mais est résorbé par un contrat de location-gérance signé avec une société bénéficiaire, associée ou non, appartenant au même groupe ou non (l’inverse est également vrai, en ce sens qu’une société bénéficiaire peut donner en location-gérance son fonds de commerce à une société déficitaire afin de créer, par exemple, un debt push down, notamment dans les opérations de Holding de rachat – LBO).

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Par la voie non optimisante, une société 1 déficitaire, soumise à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206 et s.), cède son fonds de commerce à une société 2 bénéficiaire, également soumise à l’impôt sur les sociétés. Cette cession entraîne un résultat ordinaire à l’impôt sur les sociétés chez la société 1 au taux de 28 % – 31 % PLF 2020 – (CGI, art. 219, I, al. 2) ou au taux de 15 % (CGI, art.  219, I, b), possiblement exonérée (CGI, art.  238 quindecies). L’imposition peut être nulle si le résultat imposable issu de la cession du fonds de commerce est compensé par des déficits antérieurs, toutes conditions étant par ailleurs remplies (CGI, art. 209, I, al. 3). La société 1 perçoit des liquidités en paiement du prix de cession. La cession entraîne également des droits d’enregistrement (CGI, art. 719) :– de 0 % de 0 à 23 000 euros (ce qui équivaut à un abattement de 23 000 euros) ;– de 3 % de 23 000 à 200 000 euros ;– de 5 % au-delà de 200 000 euros.

La fiscalité de cette voie peut être relativement importante si l’article 238 quindecies du CGI ne s’applique pas ou si la société 1 à un faible stock de déficits reportables qui ne permet pas de le compenser avec le résultat provenant de la cession du fonds de commerce. Cette cession peut ne pas être envisageable pour des raisons extra-fiscales si la société 1 ne souhaite pas céder son fonds de commerce.

1. Par la voie optimisante, la société 2 bénéficiaire, soumise à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206 et s.), prend en location-gérance le fonds de commerce dont est propriétaire la société 1 déficitaire, également soumise à l’impôt sur les sociétés. La location-gérance ne doit pas dissi-muler la cession du fonds de commerce (indice d’abus) – à ce titre, v. Location-gérance dissimu-lant une cession de fonds de commerce.

Cette convention de location-gérance n’entraîne aucun coût fiscal supplémentaire. En effet, elle n’est pas de nature à caractériser un changement d’activité (CGI, art. 221, 5) et ne constitue pas une cession ou une cessation d’entreprise (CGI, art. 201, 1, al. 1er) mais un simple changement apporté au mode d’exploitation du fonds de commerce (par exemple, CE, 8 nov. 1954, n° 14946 – BOI-BIC-CESS-10-20-10-20130710, n° 30). Par conséquent, la mise en location-gérance n’en-traîne pas l’imposition des plus-values affectant les éléments d’actif de la société 1. La société 1 conserve son stock de déficits antérieurs.

2. La société 2 verse des redevances normales, en termes de quantum, à la société 1 (en cas d’anormalité des redevances, il y a un risque d’acte anormal de gestion – par exemple, CE, 14 nov. 2003, n° 228245). Ces redevances, produits imposables pour la société 1 qui les perçoit (CGI, art. 35, I, 5°), permettent de résorber progressivement son stock de déficits constatés au cours des années antérieures – notamment par la technique du report en avant des déficits (CGI, art. 209, I, al. 3). En d’autres termes, la location-gérance permet de faire « remonter » le déficit de la société 1 chez la société 2. En effet, cette dernière pourra déduire les charges de redevances versées à la société 1 (CGI, art. 39, 1) qui viendront diminuer ses produits imposables résultant de ses autres activités. Néanmoins, aucune redevance ne peut être déduite en charge si le fonds de commerce pris en location-gérance par la société 2 ne réalise pas de recette (CE, 21 déc. 1983, n° 38908). Le fonds de commerce serait alors considéré comme fictif.

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3. Location-gérance dissimulant une cession de fonds de commerce

Objectif affiché Échapper à l’imposition de la plus-value professionnelle (CGI, art. 39 duodecies et s.).

SOCIETE 2SOCIETE 1

1

Location-gérance

2

Redevances

Location-gérance dissimulant une cession de fonds de commerce

Pour rappel, la location-gérance ou gérance libre (C. com., art. L. 144-1 et s.) est la convention par laquelle le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce en concède totalement ou partiellement la location à un locataire-gérant (ou gérant) qui l’exploite à ses risques et périls (C. com., art. L. 144-1). Nous avons vu que la location-gérance pouvait servir de support à une intégration « sauvage » (à ce titre, v. Intégration « sauvage » par location-gérance). Elle peut également servir à dissimuler une cession de fonds de commerce.

Par la voie non optimisante, une société 1, soumise à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206 et s.), cède son fonds de commerce à une société 2, également soumise à l’impôt sur les sociétés. Cette cession entraîne un résultat ordinaire à l’impôt sur les sociétés chez la société 1 au taux de 28 % – 31 % PLF 2020 – (CGI, art. 219, I, al. 2) ou au taux de 15 % (CGI, art. 219, I, b), possiblement exonérée (CGI, art. 238 quindecies). La société 1 perçoit des liquidités en paiement du prix de cession. La cession entraîne également des droits d’enregistrement (CGI, art. 719) :

– de 0 % de 0 à 23 000 euros (ce qui équivaut à un abattement de 23 000 euros) ;– de 3 % de 23 000 à 200 000 euros ;– de 5 % au-delà de 200 000 euros.

La fiscalité de cette voie peut être relativement importante tant en matière d’impôts directs, si l’article 238 quindecies du CGI ne s’applique pas (par exemple, en raison des seuils d’applica-tion), qu’en matière de droits d’enregistrement. Raison pour laquelle le présent montage est utilisable tant au niveau des impôts directs que des droits d’enregistrement.

1. Par la voie optimisante, la société 2, soumise à l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 206 et s.), prend en location-gérance le fonds de commerce dont le propriétaire est la société 1, égale-ment soumise à l’impôt sur les sociétés. La société 1 perd la possibilité de reprendre ultérieure-ment l’exploitation de ce fonds (indice d’abus). Très peu de temps après la mise en location-gé-rance du fonds (indice d’abus), la société 1 vend la totalité des matériels, outillages, mobiliers, agencements et installations à la société 2 (indice d’abus). Cette dernière prend en charge des

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engagements contractés par la société 1 (indice d’abus) qui ne conserve d’ailleurs pas de clien-tèle (indice d’abus). En d’autres termes, les éléments essentiels et les plus importants du fonds de commerce (enseigne, marchandises, etc.) sont transférés du patrimoine de la société 1 chez celui de la société 2, à qui il est donné les moyens d’acquérir une clientèle personnelle (indice d’abus). Il est également relevé que les sociétés 1 et 2 sont contrôlées par la même personne (indice d’abus) et ont un dirigeant en commun (indice d’abus).

Cette convention de location-gérance n’entraîne aucun coût fiscal supplémentaire. En effet, elle n’est pas de nature à caractériser un changement d’activité (CGI, art. 221, 5) et ne constitue pas une cession ou une cessation d’entreprise (CGI, art. 201, 1, al. 1er) mais un simple changement apporté au mode d’exploitation du fonds de commerce (par exemple, CE, 8 nov. 1954, n° 14946 – BOI-BIC-CESS-10-20-10-20130710, n° 30). Par conséquent, la mise en location-gérance n’entraîne pas l’imposition des plus-values affectant les éléments d’actif de la société 1. Il n’est pas procédé à l’imposition immédiate des bénéfices réalisés jusqu’au jour de la mise en location-gérance.

2. La société 2 verse des redevances normales (indice de non-abus), en termes de quantum, à la société 1 (en cas d’anormalité des redevances, il y a un risque d’acte anormal de gestion – par exemple, CE, 14 nov. 2003, n° 228245). Ces redevances sont imposables chez la société 1 qui les perçoit (CGI, art. 35, I, 5°). La société 2 déduit quant à elle de son résultat imposable les charges de redevances versées à la société 1 (CGI, art. 39, 1). Néanmoins, aucune redevance ne peut être déduite en charge si le fonds de commerce pris en location-gérance par la société 2 ne réalise pas de recette (CE, 21 déc. 1983, n° 38908). Le fonds de commerce serait alors considéré comme fictif.

Position de l’administration fiscale  : le montage est répréhensible (BOI-ENR-DMTOM-10-10-10-20120912, n° 150).

Position de la jurisprudence : le montage est abusif (concernant les droits d’enregistrement : Cass. com., 2 juill. 1979, n° 77-16.035, SA Socophot-Color-Lemonnier, non soumis au CADF – Cass. com., 3 nov. 1983, n° 81-16.238, SARL Société d’exploitation Garage Poletti et Fils – Cass. com., 18 janv. 1984, n° 82-13.331, SARL Société d’ex-ploitation des établissements Alexandre Fourrier ; concernant les impôts directs : CE, 18 juin 1986, n° 45715, SARL Garage Poletti, non soumis au CADF – CAA Bordeaux, 3 avr. 1990, n° 89BX01293, SARL Société des avitail-leurs réunis bordelais (SARB), non soumis au CADF – CAA Lyon, 24 juin 1998, n° 95LY01888 et n° 95LY01889). Le montage n’est pas abusif (concernant les droits d’enregistrement : Cass. com.,1991, n° 89-17.139, SARL Poldis, non soumis au CADF – Cass. com., 18 oct. 1994, n° 92-19.807, SARL Auto marché de l’Étoile – Cass. com., 13 janv. 2009, n° 07-14.835, SAS Rentokil Initial, non soumis au CADF ; concernant les impôts directs : TA Cergy-Pontoise, 24 avr. 2007, n° 0303194 et n° 0303195 confirmé par CAA Versailles, 15 juill. 2009, n° 07VE02436, SA Rentokil Initial, non soumis au CADF). Le montage est répréhensible (concernant les droits d’enregistrement : Cass. com., 25 janv. 1977, n° 75-14.142, SA Entreprise Bellini Frères – Cass. com., 7 nov. 1989, n° 88-16.595, SARL Société des avitailleurs réunis bordelais (SARB) – Cass. com., 23 mai 2006, n° 04-14.715 ; concernant les impôts directs : CE, 15 oct. 1986, n° 44186, SARL Société d’exploitation des établissements Alexandre Fourrier – TA Versailles, 15 fév. 1994, n° 863993 confirmé par CAA Paris, 22 juin 1995, n° 94PA00604, SARL Corbeil-Viandes). Le montage n’est pas répréhensible (concernant les droits d’enregistrement : Cass. com., 8 fév. 1982, n° 80-14.389, SA Seragri).

Position du Comité de l’abus de droit fiscal : avis favorable à l’Administration (aff. n° 1996-17).

Pour aller plus loin