MOOC VITRA SEMAINE 3 - HISTOIRE DE L’ART - PÂTE DE VERRE

COMPARAISON ENTRE LE TRAVAIL DE AMALRIC WALTER

ET HENRI CROS

Bien qu'il réside un léger décalage chronologique entre les réalisations d'Henri Cros et celles d'Amalric Walter, leurs approches sont sensiblement différentes. Henri Cros décède en 1907, alors que Walter débute ses pâtes de verre à cette date. Ce sont des besoins différents qui ont orienté leurs recherches et la mise au point de leurs compositions. Cros apprécie l'opacité et la cultive.

SCULPTURE LA GORGONE : HENRI CROS, FRANCE, 1904, PÂTE DE VERRE PATINÉE ET POLIE À L'AGATE, 28 X 47,5 X 18 CM, MUSÉES ROYAUX DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE, BRUXELLES. SRC : CORNING MUSEUM OF GLASS. SOURCE : CORNING MUSEUM OF GLASS

Il semble volontairement ne pas employer la translucidité que procure la pâte de verre, qui par contre est appréciée par Amalric Walter. Henri Cros est un artiste-sculpteur symboliste ; passionné d'archéologie, il s'inspire régulièrement de l'Antiquité. Il met au point une technique pour parvenir à s'exprimer pleinement.

APOTHÉOSE DE VICTOR HUGO : HENRI CROS, FRANCE, VERS 1890, BAS-RELIEF EN PÂTE DE VERRE, MAISON DE VICTOR HUGO, PARIS. SOURCE : WIKIPEDIA

Walter est davantage un technicien, il maitrise la technique et réalise ses pâtes de verre d'après les modèles d'Henri Bergé, respon-sable artistique chez Daum.

PETIT BOL OU CENDRIER AUX BAIES : ATELIER D’AMALRIC WALTER, VERS 1919-1925, PÂTE DE VERRE, H: 4.6 CM, DIAM: 14.6 CM SOURCE : CORNING MUSEUM OF GLASS

Il éditera des modèles et sculptures de plusieurs artistes de l'association des industriels d'art, Ecole de Nancy, dont Victor Prou-vé. Prouvé a procuré une statuette de "Fille-fleur" qui est traduite, entre 1892-1902, en pâte de verre par Daum, fondue en bronze par Grouet ou encore réalisée en biscuit de porcelaine par les frères Mougin. Lorsque Walter était sous contrat avec Daum, il n'était pas autorisé à signer ses réalisations. Elles sont signées uniquement "Daum". Lorsque Walter ouvrit son atelier et fut à son compte après la Première Guerre mondiale, il signa ses pâtes de verre et ajouta les noms des concepteurs des différents modèles, soit Cayette, Chéret, Descomps, etc.

SCULPTURE FEMME DRAPÉE AGENOUILLÉE : MODELÉE PAR JEAN-BERNARD DESCOMPS, ÉDITÉE PAR L’ATELIER D’AMALRIC WALTER, VERS 1925, PÂTE DE VERRE, H : 19.3 CM; L : 28.9 CM SOURCE : CORNING MUSEUM OF GLASS.

Alors que ces deux hommes sont proches chronologiquement, la démarche de Cros est celle d'un sculpteur qui expose, participe et souhaite se faire reconnaître dans les salons et les expositions, alors que Walter est davantage un technicien qui fait appel à des créateurs pour lui fournir les modèles, opte pour une filière plus commerciale et s'adresse à un plus large public.

Cros explore la pâte de verre à destination de réalisations sculp-turales monumentales, Walter demeure, lui, selon les collaborations, dans des petits ou moyens formats : on compte de nombreuses figurines ou statuettes et une vaste gamme d'objets usuels : vide-poches, bonbonnières, coupes, pendentifs, cendriers, etc.

STATUETTE FÉMININE « TANAGRA » : AMALRIC WALTER, ÉDITÉ PAR LA MANUFACTURE DAUM FRÈRES, , NANCY, FRANCE, 1905-1914, PÂTE DE VERRE, H: 25.8 CM, D: 11.5 CM SOURCE : CORNING MUSEUM OF GLASS.

La palette chromatique des deux hommes est elle aussi très dif-férente, les couleurs de Cros sont plutôt tendres, pastel, édulcorées, leur opacité est telle que l'on doute parfois qu'il s'agisse de verre.

VASE « PASTORALE » : HENRI CROS, FRANCE, VERS 1895-1900, PÂTE DE VERRE POLYCHROME, H. 22CM, MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS. SOURCE : WIKIPEDIA

Les coloris employés par Walter sont plus vifs, il joue de la translucidité de sa pâte de verre, savonneuse et légèrement bullée. Il opte souvent pour des modèles inspirés par la nature, proches de l'Ecole de Nancy et des thèmes féminins appréciés par les artistes de l'Art nouveau. Tout un bestiaire est incarné en pâte de verre : insectes, hannetons, caméléons, fennecs, serpents...

Bien que les réalisations de Walter pour Daum étaient essentiel-lement de petits objets, à la fin des années 1910, Walter effectua des essais de vitraux en pâte de verre ou en tout cas d'éléments de cloi-son en pâte de verre, disposés et maintenus dans des structures en

bois qui pouvaient notamment servir de coupe-feu. Cette ouverture de la pâte de verre à la décoration intérieure s'est concrétisée par des plaques en bas-relief qui ont été incrustées dans des lambris. On peut en voir à motif de chardon dans la salle Lyautey de la Chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle à Nancy.

Cette tentative d'inscrire la pâte de verre dans un rapport à l'ar-chitecture ou au monumental s'est achevée à l'arrivée de la Première Guerre mondiale. À l'ouverture de son atelier personnel, Walter n'a pas souhaité remettre d'actualité cette production onéreuse et compliquée techniquement parlant.