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Moraliser l’économie ou économiser l’é · PDF filele comportement modèle d’un agent économique au sein du milieu des affaires, ... l’organisation des entreprises et définissent

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Prologue d’une morale économique

Moraliser l’économie ou économiser l’éthique ?

Mot de passe : 2aRb7

Auteur : Soulaimane AMRI, étudiant en mastère spécialisé

« Ingénieur d’Affaires Européen »

Relecteur : Cendrine LE LOCAT, responsable développement durable et solidaire et Chef de projet « humanités et sciences

sociales »

Télécom Bretagne CS 17607

35576 Cesson Sévigné Cedex France

Conférence des Grandes Ecoles

Districts français Rotary International

Concours national 2013 – 2014

Promotion de l’éthique

professionnelle

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Prologue d’une morale économique

Moraliser l’économie ou économiser l’éthique ?

Mot de passe : 2aRb7

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Angle d’approche

Après la panoplie de guerres qu’a connu le monde, ce dernier s’est livré à une autre forme de

conflit. Il s’agit de la bataille économique qui envahit le milieu des affaires. En tant que futur acteur de ce

champ économique, je me demandais souvent quelle forme pourrait prendre la paix pour apaiser cette

tension ? En effet, cette question traduisait à la fois mon espoir de vivre dans un monde calme et

également ma peur de l’aliénation qu’impose le monde des affaires que je m’apprête à intégrer. Cette

réflexion m’a mené par la suite à remettre en question l’authenticité de ces valeurs humaines qui, pour

maximiser le profit, autorisent toutes les pratiques, qu’elles soient morales ou immorales.

Convaincu qu’il s’agit d’une crise de valeurs, un seul constat perçait mon esprit : la paix

économique ne peut se consolider qu’en créant un système éthique consistant. C’est dans ce contexte

que j’ai choisi d’analyser les deux bouts du fil conducteur de l’essai, l’individu et l’économie, en

considérant que le mariage entre les normes personnelles individualisées et celles de l’économie

globalisée peut résoudre la problématique de l’éthique des affaires.

Résumé

Après la crise financière et économique, le questionnement du système capitaliste a révélé une

carence au niveau de l’éthique. Il a à cet effet ouvert le débat de la relation entre cette discipline et

l’économie en essayant d’exposer les origines morales de la crise. En effet, les dérives économiques

relevées principalement dans le marché financier ont étayé la réflexion éthico-économique en vue de

modeler un système qui s’autorégulait.

Le présent essai contribue à son tour à ce débat en permettant de déceler les comportements

non éthiques de quelques institutions financières qui ont mené à la crise. Il permet également de définir

le comportement modèle d’un agent économique au sein du milieu des affaires, qui n’est en fait que

l’interaction entre les différents milieux professionnels dans le monde. En cela, cet essai met le point sur

la vocation humaine de la science économique et identifie les mesures nécessaires pour aboutir à un

modèle économique cohérent.

En considérant que le milieu professionnel se situe à mi-chemin entre les mobiles de l’individu et

ceux de l’économie, la démarche est d’exposer les moyens de régulation du comportement professionnel

et du système économique global. À travers cette démarche, les résultats se projettent par défaut sur

l’organisation des entreprises et définissent un droit chemin vers une éthique harmonieuse. Ainsi, cet

essai servira de tremplin à la réflexion de Goethe : « Nul ne s’est jamais perdu sur le droit chemin ».

Bibliographie

[AP] Aristote. La politique, Edition Flammarion, janvier 1999.

[CA] COMTE-SPONVILLE André. Dictionnaire philosophique, Paris, PUF, 2001.

[WM] WEBER Max. L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Presses Pocket, 1991.

[PT] PIKETTY Thomas. Le capital au XXIe siècle, Editions du Seuil, septembre 2013.

[WEF] World Economic Forum Annual Meeting 2014. Débat : Ethical Capitalism - Worth a Try ?, 23

janvier 2014.

[SA] SALMON Anne. Moraliser le capitalisme ? CNRS Editions.

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[DGM] DESLANDES Ghislain. Le management éthique. Collection Management Sup, 2012.

[DJ] DURAND Jean-Marie. Goldman Sachs: dans les rouages du capitalisme sauvage [en ligne].

Disponible sur : www.lesinrocks.com/2012/09/02/actualite/goldman-sachs-vieille-dame-indigne-

11292106.

[GB] GREY Barry. Paulson et Goldman Sachs : le sale petit secret du sauvetage de Wall Street [en

ligne]. Disponible sur : www.wsws.org/francais/News/2009/aou2009/gold-a17.shtml.

[SG] SIMMEL Georg. La philosophie de l’argent. Collection Quadrige Grands Textes. PUF, 2007.

[FR] FRITEL Jérôme et ROCHE Marc. Documentaire d‘investigation : « Goldman Sachs, la banque

qui dirige le monde ». Coproduction : ARTE France, CAPA TV.

[GD] GREINER Dominique. Regards chrétiens sur la finance [en ligne]. Disponible sur : doctrine-

sociale.blogs.la-croix.com/regards-chretiens-sur-la-finance-3/2013/09/24.

[DC] DIDIER Christelle. Penser l’éthique des ingénieurs, PUF, 2008.

[JP] JURGENSEN Philippe. Crise financière ou crise morale ? [en ligne]. Disponible sur:

www.constructif.fr/bibliotheque/2010-6/crise-financiere-ou-crise-morale.html?item_id=3039.

[MV] MARTIN Virginie. La finance islamique : un nouveau pas vers une finance éthique. Disponible

sur : www.thinktankdifferent.com/upload/article-ga-rer-et-comprendre.pdf.

[ND] NOUVELLET Dominique. Crise financière : défaut de contrôle ou dépérissement de l’éthique ?

[en ligne]. Disponible sur : www.consulendo.com/Crise-financiere-defaut-de.html.

[RE] ALLEN Sharon. The New ROE : Return On Ethics [en ligne]. Disponible sur:

www.forbes.com/2009/07/21/business-culture-corporate-citizenship-leadership-ethics.html.

[WJ] WAGGONER Jessica. Ethics and Leadership : How Ethics Produce Effective Leaders,

Claremont McKenna College.

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Introduction

Reprise dans toute sa vigueur par le contexte économique actuel, la citation de Lénine sur « les

capitalistes [qui] vendront jusqu’à la corde pour les pendre » montre à quel point on a déplacé les limites

de la légalité dans la sphère capitaliste. En fait, cette idée a été validée par toutes les déformations

économiques menant à la crise, d’où le recours à la réflexion éthique pour retracer les défaillances d’un

tel système.

Comme le souligne Willmott, « l’attention et l’intérêt portés par nos contemporains à l’éthique des

affaires signalent à la fois l’importance de l’éthique autant que les doutes que l’on peut avoir sur son

pouvoir dans le milieu des affaires » [DGM]. Cette idée a été reprise lors du Forum Économique Mondial

2014 dans lequel Stanley Bergman, président du conseil d’administration de Henry Schein Inc, a insisté

sur la nécessité d’acheminer le capitalisme vers l’éthique pour crédibiliser l’économie [WEF].

Dans cette optique, nous soulignons dans un premier temps, à travers cet essai, la priorité du

questionnement éthique dans l’économie. Dans un second temps, nous essayons de proposer des

modèles cohérents grâce auxquels on peut évaluer moralement la portée de l’agir individuel et également

l’adéquation du système économique avec la vocation sociale dont il tire ses fondements.

I- L’éthique dans l’économie : de la philosophie à la réalité

La possibilité de qualifier moralement l’agir économique est l’une des questions dont la réponse

se complexifie au fur et à mesure que la mondialisation prend son ampleur. Elle permet également de

distinguer, mais d’une manière non définitive, la morale de l’éthique. En quoi peut-on donc les différencier

par rapport la moralisation de l’économie ? Et quelles sont les dérives qui ont mené au questionnement

éthique actuel ?

1- L’économie entre la morale et l’éthique

La morale se définit comme étant la distinction entre le Bien et le Mal, alors que l’éthique joue le

rôle de la critique de cette distinction en se positionnant par rapport à la finalité. Cette distinction

correspond parfaitement à celle proposée par André Comte-Sponville : « La morale c'est le discours

normatif qui porte sur le Bien et le Mal considérés comme valeurs absolues (ou transcendantes), alors

que l'éthique, c'est le discours normatif qui porte sur le bon ou le mauvais considérés comme valeurs

immanentes » [CA]. En fait, distinguer l’éthique de la morale revient à adopter la pensée de Christelle

Didier selon laquelle le discours moral est fondé sur « l’apparition de devoirs [qui découlent de la

distinction Bien/Mal] et la formulation de règles précises en vue d’accomplir ces devoirs », alors que le

discours éthique constitue « une réflexion sur le ou les morales… une recherche des fondements de

l’obligation et des finalités de l’action » [DC].

En ordonnançant cette définition dans le milieu économique, il convient de dire que la morale

porte dans son sens une évaluation des comportements en dehors des circonstances économiques et

que l’éthique fait l’objet d’une évolution continuelle façonnée par le contexte économique. Ainsi, moraliser

l’économie suppose la spécification d’une norme morale, transcendante, qui régule le comportement des

agents économiques. Ensuite, comme cette logique dans son sens absolu peut constituer un carcan

pour l’agir économique, il convient de se projeter du côté de la finalité et de définir, à partir de la norme

morale, une visée éthique avec un ensemble de valeurs à respecter. Enfin, cette dernière doit aussi faire

l’objet d’une réévaluation par rapport à la morale afin d’éviter toute tentative d’infléchir la bonne marche

du système économique.

En résumé, introduire l’éthique dans l’économie se voit être un processus cyclique qui a comme

origine « les convictions durables (discours moraux) » [DC] pour définir l’agir économique éthique et

comme aboutissement la morale dans son rôle de contrôle de l’éthique économique.

2- Les dérives économiques : un appel urgent à la réaction

À l’heure du bouleversement actuel, multiples analyses ont montré que l’idée de la maximisation

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du profit est défaillante. Ce principe s’avère être le moteur d’une finance mondiale qui fait de la crise des

uns, une opportunité de profit pour les autres. Ainsi, la question de l’origine de la crise est mise au-devant

de la scène afin de tracer les dérives qu’a subies l’économie. S’agit-il d’une crise de l’éthique ou d’un

manque de contrôle ?

Selon Dominique Nouvellet, deux phénomènes expliquent et valident les déviations qui ont amené le

capitalisme à la situation de rupture actuelle : la croyance dans « l’autorégulation de l’économie de

marché » et « la boulimie pour le profit rapide » [ND]. En effet, en interrogeant les causes réelles de la

crise, il paraît que la crise des subprimes ne représente qu’un élément déclencheur. Elle est certes due

à l’éclatement de la bulle immobilière et l’octroi de prêts à des clients qu’on savait insolvables.

Cependant, d’autres instances ont profité de cette situation pour spéculer sur la récession à venir.

À ce titre, nous citons l’exemple de Goldman Sachs. Cette banque d’investissement n’ayant « ni

enseigne, ni visages » [FR] inspire la confusion et le manque de transparence. Ses comportements non

éthiques en outre de la vente de créances toxiques à des clients insolvables, ont dépassé la limite des

dérives des autres. Des spéculations sur la baisse des créances, sur les cours des compagnies d’aviation

suite aux attentats du 11 septembre et une participation aux trafics des comptes de la Grèce [DJ], tout

ceci représente pour Goldman Sachs le modèle économique le plus optimal.

Considérée comme acteur principal de la crise, cette banque semble ne jamais se soucier du

regard de la loi. Comment s’inquiéter quand on a un ancien patron (Henry Paulson) qui, à la tête du

trésor américain, a refusé de sauver Lehman Brothers laissant ainsi le monde sombrer dans la crise et

qui le lendemain a sauvé la banque qu’il présidait ? [GB] Pourquoi se soucier lorsqu’on est infiltré dans

tous les systèmes de décision dans le monde ? (Mario Draghi - Président le BCE, Mario Monti - Président

du conseil italien, Paul Deighton - Secrétaire d’État au Trésor britannique… sont tous des anciens de

Goldman Sachs).

« Où va le monde ? » Personne ne le sait. On sait par contre que la force du lobbying l’emporte

sur le droit dans le capitalisme et que l’on peut « déplacer la ligne rouge de la légalité » [FR].

Si j’ai choisi l’exemple de Goldman Sachs, ce n’est pas pour critiquer son modèle, mais plutôt

pour montrer qu’au-delà des pratiques individuelles non éthiques, un autre souci s’impose : celui du

contrôle. C’est à partir de là que l’éthique prend son ampleur comme besoin urgent pour imposer des

valeurs stabilisatrices qui réguleront l’agir économique et sanctionneront les infractions.

II- De l’analyse à l’action : l’éthique au cœur du modèle économique

Selon Christian Walter, les analyses de la crise financière mettent plus l’accent sur les

comportements individuels des acteurs économiques. Elles négligent combien « les outils de gestion

(issus de la théorie financière) et les principes d’organisation du secteur économique… impactent les

comportements et les décisions » [GD]. Dans ce sens, il convient, dans un premier temps, d’interroger

l'économie « comme le lieu légitime à partir duquel pourrait être reformulée et discutée la question de la

morale » [SA]. Dans un second temps, il serait judicieux de présenter le modèle comportemental éthique

évitant l’aliénation au profit et finalement de chercher dans la morale un moyen d’évaluation éthique.

1- L’éthique comme combinaison sociale et comportementale de l’économie

En vue de définir une éthique économique, il est nécessaire d’interroger la vocation humaine de

l’économie. Selon Thomas Piketty « l’économie est une science sociale » [PT]. Toutefois, en se

déconnectant de tout questionnement éthique, cette science devient une idéologie dont le but est

d’amasser la monnaie par des pratiques qu’Aristote considère comme déshonorantes dans ce qu’il

appelle la « chrématistique » [AP]. Ainsi, malgré « la dimension charnelle et vivante du patrimoine et du

capital » [PT], la recherche du profit ne doit pas faire l’objet d’un plaisir personnel. Elle doit par contre

répondre à un enjeu social régulant le processus de production et de répartition des richesses.

Pour parvenir à interconnecter cette visée noble de l’économie et la rationalité humaine

malléable, il est nécessaire de normaliser l’agir individuel puisque selon Ignazio Visco, gouverneur de

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la banque d’Italie, « ce n’est pas uniquement les règles du jeu qui priment dans la question éthique, mais

aussi la manière dont les gens exécutent » [WEF].

Dans ce contexte, la notion du leadership éthique s’impose comme « une initiative en vue de ré-encastrer

l’économie dans un système de valeurs pour une économie plus humaine » [SA]. Elle étudie le modèle

comportemental idéal d’un professionnel et sa transposition au niveau de l’économie globale. En effet,

le leader éthique, recherché et repéré principalement en temps de crise, doit être véridique et faire preuve

de courage moral, ce qui donnera plus de crédibilité à ses actions et restaurera en contrepartie la

confiance dans le milieu des affaires. Le leadership éthique propose également un mécanisme

d’évaluation des systèmes économiques suivant quatre axes : la source d’information dont le système

tire ses fondements, le bien suprême que ses acteurs cherchent à atteindre, le motif qui régit leur agir,

et le mécanisme de sanction adopté.

Inspiré par ce raisonnement, j’ai projeté ce mécanisme sur le système capitaliste, ce qui a montré

que « le capitalisme ne peut que s’interroger sur son appauvrissement moral et redécouvrir la discipline

à laquelle il est pourtant historiquement lié, l’éthique » [DGM]. En effet, en termes de source

d’information, ce système, sous prétexte de son pouvoir à s’autoréguler, est fourvoyé par les différentes

sources inconnues dont il tire son élan et comme dit Winston Churchill : « Si vous avez dix mille

réglementations, vous détruisez tout respect de la loi ». Par contre, le bien suprême, le profit, constitue

un point de mire entre toutes ces édictions. Aussi, au niveau du motif, le système affiche sa carence

éthique vu qu’il mobilise les gens vers des objectifs pécuniaires sans modération. Enfin, le système de

sanction actuel se montre déficient devant la puissance du lobbying.

2- De la nécessité d’un modèle économique cohérent

La démonstration de l’échec du capitalisme face aux fondements éthiques nous mène à la

nécessité de le redéfinir par rapport à une discipline qui a été à l’origine de son esprit et que Max Weber

appelle « l’éthique protestante » [WM]. Face à ce dilemme, il serait donc légitime de se poser la question

sur les causes de la crise morale dans le milieu économique.

En réponse à cette question, Philippe Jurgensen suppose que « la crise systémique qui a frappé

le monde peut être attribuée … au rejet croissant de toute une série de valeurs éthiques, notamment de

transparence et de modération » [JP]. Sachant que dans une économie du marché, le principe de

transparence doit primer dans les décisions économiques, il convient de « resserrer la supervision

financière » en couvrant tous les champs non couverts, notamment les hedge funds, les agences de

notation… De ce fait, cette restructuration suppose la mise en place d’un système de surveillance

financière unique sur lequel doit s’entendre toute la communauté internationale ainsi que la clarification

des normes comptables. En cela, les informations qui remontent au niveau des conseils d’administration

des entreprises ne seront pas déformées ou mensongères. Dans le cas contraire, il faudrait s’attendre

avec le souci actuel sur l’éthique, que cette dernière soit « réduite à un simple moyen de production qu’il

s’agit de préserver » [SA] sous une forme radicalement instrumentalisée.

Le but étant également que « l’économie de marché [soit] par elle-même porteuse de repères et

de normes édictées pour coordonner l’action collective » [SA], il serait pertinent que cette collectivité

ressente les effets d’une éventuelle réintégration de la modération dans l’économie. En effet, la course

dévastatrice à la maximisation du gain affecte un caractère irrationnel à l’agir économique que Joseph

Stilglitz stigmatise à travers l’expression du « triomphe de la cupidité ». Ce dernier crée à son tour un

sentiment d’injustice approuvé par la défaillance au niveau de la répartition de richesses et aussi par le

manque de modération au niveau des rémunérations des dirigeants, des financiers, des traders… D’où

la nécessité d’une résurrection de la responsabilité de l’entreprise, non pas dans sa forme publicitaire

qui tend à faire de l’éthique plus un slogan qu’une discipline de régulation, mais plutôt dans sa forme

originale, celle d’un engagement qui prend en compte l’impact social de son activité économique.

Finalement, en transposant le raisonnement du leadership éthique sur le milieu des affaires, on

pourrait s’apercevoir qu’il n’y a pas de position durable d’une communauté sans valeur et sans vision

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partagée.

III- L’éthique économique : de l’investissement à la transcendance

Au regard du comportement vénal qui a mené à la crise, il est peut-être pertinent de proposer un

moyen attractif qui exigera une évolutivité des systèmes par rapport à l’éthique et non pas le contraire.

Cette attractivité ne pouvant en effet être effective pour un système parcimonieux que par la

démonstration d’une aubaine de profit : le Retour sur l’éthique (ROE). Toutefois, courant le risque

d’instrumentalisation de l’éthique, ce moyen devrait être renforcé par un système moral perspicace. À ce

titre, il devrait annoncer une transcendance culturellement fondée qui régule et sanctionne fermement

l’agir économique dépouillé de sens éthique.

1- L’investissement dans l’éthique : un gage d’attractivité

Comme l’a montré Weber, « un système éthique n’est pas un simple inventaire de valeurs et de

préceptes, c’est aussi une mobilisation psychique qui dessine une forme particulière d’adhésion » [WM].

Étant donné que cet état psychique s’est mêlé avec l’esprit vénal qu’a imposé le système économique

actuel, le ROE vient définir une nouvelle forme de profit physique incorporé dans le profit moral

qu’implique l’éthique des affaires.

À ce propos, dans son témoignage, Sharon Allen, PDG de Deloitte LLP, insiste sur l’importance

de ce ROE : « Au cours de mes 36 années chez Deloitte, j'ai vu s’accumuler beaucoup de bonnes choses

pour ceux qui agissent toujours avec honneur et intégrité. C'est pourquoi je crois que les organisations

d'entreprises devraient adopter une nouvelle façon de tenir compte de leurs actions dans le lieu du travail

: ROE » [RE]. En effet, la prise de décision éthique conduit à une performance et à un avantage

concurrentiel notables. Ce constat est consolidé par l’institut Etisphere qui indique que les actions des

entreprises éthiques dans le monde avait augmenté à un rythme deux fois plus supérieur que celui de

Standard & Poor’s 500 au cours des cinq dernières années [RE]. Par ailleurs, le retour sur éthique permet

également de régénérer la confiance, ingrédient vital pour la pérennité des relations économiques.

Cependant, son importance dans le contexte actuel ne peut pas être surestimée de par les défaillances

de conformité relevées au niveau de la réglementation.

L’éthique, prix de l’intégrité, est essentiellement une valeur inestimable dont la carence engendre,

comme en témoigne la crise actuelle, des coûts énormes en temps et en argent. Ce montant est en effet

piloté par deux facteurs que Jessica Waggoner [WJ] résume en l’instauration d’une série de régulations

antinomiques, et l’investissement dans des marchés inconnus sans tenir compte de leurs normes

culturelles.

Une sensibilisation des agents par rapport à ces défaillances coûteuses peut contribuer à raviver

la conscience, mais ne pourrait pas pourtant se traduire en totalité sur le terrain. D’où l’exigence d’une

instance régulatrice qui soit en mesure de vérifier la transparence du système, inciter les acteurs

économiques à participer dans des processus éthiques, évaluer continuellement le système économique

et finalement répondre rapidement et fermement aux actions immorales pour éviter des coûts

supplémentaires.

2- Éthique transcendante : garantie d’une fiabilité économique

« La bataille pour la légitimité, selon Ewald, peut prendre deux formes différentes : soit le

capitalisme arrive à convaincre qu'il est bien au service de valeurs et de finalités données dans une

morale éternelle, une éthique transcendante ; soit il produit lui-même les valeurs et les finalités en les

imposant à la société » [SA]. Nonobstant, la deuxième forme semble stérile puisqu’il fait déjà l’objet

d’une masse de régulations vaines selon lesquelles la fin est semblable au moyen : l’argent. Par ailleurs,

ce moyen a pu se placer dans une position transcendante démesurée qui l’a rendu assimilable à Dieu :

« l’argent est ici-bas le Dieu terrestre » [SG].

Cette logique permet en effet de confronter la transcendance de l’argent à celle d’une « éthique

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protestante » à partir de laquelle l’esprit du capitalisme a été tiré, et qui n’est autre que « l’éthique

religieuse » [WM]. Il est donc clair que les religions ne sont pas incompatibles avec l’économie, même

si les capitalistes n’affirment pas cette opinion. Pour eux, la religion est une contrainte qu'il s'agit de

dépasser et donc l’émancipation de l’économie à l’égard des éthiques transcendantes constitue un

mobile fondé. Toutefois, la figure de la finance islamique montre la perspicacité du raisonnement

transcendant de Weber.

Raisonnant sur cette finance religieuse puisqu’elle constitue jusqu’à présent le premier modèle

qui s’est frayé un chemin dans plusieurs pays dont l’Angleterre, le Luxembourg et les États-Unis, je me

suis demandé en quoi cet enchevêtrement entre principes religieux et économie pourrait être éthique ?

Pour répondre à cette question, j’ai questionné le système économique islamique suivant les quatre axes

du leadership éthique. Ce faisant, on s’aperçoit que le bien suprême de ce système est l’instauration

d’équité, de justice et de transparence en se basant sur le texte religieux comme étant une source

d’information crédible. Au niveau du motif, ce système se fonde sur « la volonté de voir le résultat des

opérations financières et commerciales optimisées pour le bien de l’ensemble des parties prenantes »

[MV] et au niveau de la sanction, celle-ci est régie par les sanctions décrétées dans la religion.

Certes, la divergence entre les différentes religions peut entraver la création d’un modèle unique.

Toutefois, d’un point de vue généraliste, il semble que l’éthique religieuse est un moyen efficace pour

réguler la finance capitaliste et mettre en place une interaction appréciable entre l’économie et le social.

D’où le questionnement : Ne serait-il pas pertinent de voir naître d’autres systèmes économiques fondés

sur les autres religions (judaïsme, christianisme…) ?

Conclusion

À l’issue de l’ouverture des entreprises sur le marché économique mondial, la pensée éthique

devient un facteur incontournable dans la gérance des affaires. Elle cache à ce titre, un souci profond

du monde professionnel quant aux retombées de la course vers le profit et le manque de contrôle.

Dans cette optique, penser éthiquement dans le milieu économique, consiste à prendre du recul

face à l’éthique des individus et des édictions régulatrices du système économique. En raisonnant ainsi,

il est nécessaire de questionner l’économie comme science sociale afin d’identifier les comportements

non éthiques et définir les défaillances actuelles en matière d’agir économique et financier.

Finalement, comme le milieu professionnel est situé entre les règles de l’économie globalisée et

les principes individualisés de ses acteurs, l’interrogation éthique tend à définir un modèle

comportemental idéal des agents économiques. Ce modèle doit transposer la visée sociale de la

recherche du profit et l’importance du retour sur éthique (ROE). Par ailleurs, pour évaluer l’action éthique

dans le milieu des affaires, recourir à une éthique transcendante peut être un moyen efficace pour

affermir le pouvoir réglementaire de l’économie.

Texte de l’essai : 17195 signes sans espaces / 19953 signes avec espaces