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Introduction L’homme est un drame de symboles. G. Bachelard Dieu est symbole, le serpent parlant est symbole, Adam est symbole, le Paradis est symbole, l’arbre de la connaissance est sym- bole, le fruit défendu est symbole. Tout est symbole. Paul Diel Le symbole relève de la cryptographie ésotérique ou psychologique. Recourant le plus souvent à des éléments simples, naturels (couleurs, ani- maux, formes), mais aussi fabriqués (outils, structures géométriques ou artistiques, personnages légendaires), il permet de signifier de manière subtile et cachée un message initiatique ou inconscient. Selon une loi qui prévaut en matière symbolique, les propriétés de l’objet inspirent en partie ou en totalité la signification qui lui est attribuée. La dimension inconsciente Pénétrer la signification d’un symbole ou d’un mythe met en évidence ses propres projections et croyances inconscientes. L’utilité, outre d’extraire une connaissance enfouie, est de donner du sens, de trouver des modèles identificatoires et des solutions. Les grands symboles universels renvoient toujours aux histoires individuelles. Nous sommes tous, à certains moments de notre vie, Œdipe, le Petit Chaperon rouge ou encore Tantale. Les expériences qu’ils font et les épreuves auxquelles ils sont soumis sont aussi les nôtres. Les mythes, les légendes et les contes de fées regorgent pour cette raison de symboles. L’enfant, friand des histoires traditionnelles, utilise d’ailleurs activement les outils symboliques pour exprimer ou partager sa vie intérieure. Ces outils symboliques sont notamment le jeu créatif et le dessin. Ainsi ce qu’il ne peut signifier avec des mots – du fait de la fai- blesse de son vocabulaire ou de la puissance des émotions éprouvées –, il le dit au travers de ses dessins ou de ses jeux. 11

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Introduction

L’homme est un drame de symboles.

G. Bachelard

Dieu est symbole, le serpent parlant estsymbole, Adam est symbole, le Paradis estsymbole, l’arbre de la connaissance est sym-bole, le fruit défendu est symbole. Tout estsymbole.

Paul Diel

Le symbole relève de la cryptographie ésotérique ou psychologique.Recourant le plus souvent à des éléments simples, naturels (couleurs, ani-maux, formes), mais aussi fabriqués (outils, structures géométriques ouartistiques, personnages légendaires), il permet de signifier de manièresubtile et cachée un message initiatique ou inconscient. Selon une loi quiprévaut en matière symbolique, les propriétés de l’objet inspirent en partieou en totalité la signification qui lui est attribuée.

La dimension inconsciente

Pénétrer la signification d’un symbole ou d’un mythe met en évidenceses propres projections et croyances inconscientes. L’utilité, outre d’extraireune connaissance enfouie, est de donner du sens, de trouver des modèlesidentificatoires et des solutions. Les grands symboles universels renvoienttoujours aux histoires individuelles. Nous sommes tous, à certainsmoments de notre vie, Œdipe, le Petit Chaperon rouge ou encore Tantale.Les expériences qu’ils font et les épreuves auxquelles ils sont soumis sontaussi les nôtres.

Les mythes, les légendes et les contes de fées regorgent pour cetteraison de symboles. L’enfant, friand des histoires traditionnelles, utilised’ailleurs activement les outils symboliques pour exprimer ou partager savie intérieure. Ces outils symboliques sont notamment le jeu créatif et ledessin. Ainsi ce qu’il ne peut signifier avec des mots – du fait de la fai-blesse de son vocabulaire ou de la puissance des émotions éprouvées –, ille dit au travers de ses dessins ou de ses jeux.

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Le symbole est tout aussi présent dans la psychologie de l’adulte. Clefde voûte des psychothérapies, d’inspiration psychanalytique ou non, l’association libre repose sur l’affirmation de chaînes de représentationssymboliques, telles qu’une idée est rattachée réellement ou psychiquementà une seconde idée, elle-même rattachée à une troisième idée, etc. Lareprésentation symbolique initiale enfante ainsi une succession de repré-sentations. En se livrant au travail de l’association libre (appelée aussi asso-ciation d’idées), le sujet remonte la chaîne associative en amont pourparvenir à la représentation originelle, et donc au désir réprimé ou au trau-matisme initial.

À l’inverse des contenus conscients, les contenus inconscients ne sontpas représentés par des mots. Ils sont véhiculés à travers des images. Dansle rêve, par exemple, la libération des contenus inconscients peut se fairesans souffrance, parce que les pensées, désirs ou sentiments refoulés sontcryptés sous une forme symbolique. Lorsque, au matin, le rêveur se sou-vient de ses rêves – ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le cas –, il ne lescomprend pas, les trouve confus ou absurdes. Parfois, il perçoit qu’un rêvecontient une signification importante, mais sans interprétation, cette signifi-cation n’est pas accessible au conscient.

Les symboles permettent par conséquent à des contenus inconscientsde se libérer, sans pour autant qu’ils deviennent conscients, justement

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Deux petites expériences, sur le même thème symbolique, sont révélatrices de la connaissance etde l’utilisation inconscientes des symboles.

Q L’une des techniques de l’association libre consiste à demander à une personne d’associerspontanément et rapidement une idée à une autre. La technique est destinée à révéler les liensinconscients, c’est-à-dire les chaînes de représentation. Appliquée au rouge, l’association la plus fré-quente, pour ne pas dire la plus systématique, est le sang. Or le sang est une signification symboliqueessentielle du rouge. D’autres choses sont rouges : la tomate, le coquelicot, la fraise, la cerise, etc.,mais elles ont une correspondance symbolique avec le rouge beaucoup moins forte que le sang. Lemot induit (sang) à partir du mot inducteur (rouge) révèle l’universalité de la connaissance et donc safonction unificatrice, mais aussi la résonance inconsciente que les symboles ne manquent jamais deproduire. En faisant le même travail avec un mot ordinaire, dépourvu de valeur symbolique, le résultatsera totalement différent et les mots induits seront d’une grande diversité. Par exemple, le mot« crayon » pourra induire des associations variées : « stylo », « écriture », « école », « papier », etc.

W Une technique amusante consiste à soumettre une personne à une série de questions simplesmais répétitives. On peut lui demander « combien font 3 × 6 ? », puis lui répéter « 3 × 6 ? », en interca-lant des « 6 × 3 ? », à une cadence soutenue, durant une bonne minute. La personne interrogéerépond très vite et automatiquement : « 18. » Toujours au même rythme, on conclut l’expérience enlui demandant de citer une couleur. Sa réponse sera en général : « Rouge. » Ce deuxième « test » faitla démonstration à l’envers de la portée inconsciente des symboles. Agacée par ce questionnairerépétitif et rapide, la personne interrogée évoque la couleur qui traduit le mieux son irritation, le rouge.Elle n’est évidemment pas consciente du rapport psychique. Elle ne choisit pas la réponse. C’est soninconscient qui s’exprime, en donnant l’élément symbolique qui reflète le mieux l’émotion ressentie.Le rouge est ici significatif de colère, synonyme de l’expression verbale « assez » ou « stop ! ». Et dequelle couleur sont le panneau « stop » et le feu qui nous ordonnent de nous arrêter ?

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parce qu’ils sont exprimés sous une forme cryptée dont le sens exigeune interprétation. La psychologie reconnaît ainsi le fait que nous utili-sons souvent, de manière parfaitement inconsciente, des symboles.Même si nous l’ignorons, nous portons tous en nous cette connaissancearchaïque, qui relie l’individuel au collectif. Par contrecoup, la connais-sance des symboles ouvre la voie vers la connaissance de son incons-cient et de ses activités.

À quoi servent les symboles ?

La vie quotidienne nous invite en permanence à interpréter symboles,allégories ou métaphores. La substitution d’une image à une idée, le rêve,le cinéma, les messages publicitaires sont autant d’exemples de ce jeu per-pétuel de cryptage/décryptage. La dimension symbolique est omniprésenteet fait partie intégrante de notre vie, souvent sans même que nous nous enapercevions.

À l’origine, le symbole était intimement lié aux croyances et aux sys-tèmes de représentation religieux. Si son caractère sacré et ésotérique tendà disparaître, l’objet symbolique, éternel et omniprésent, demeure, utilisé àdes fins profanes. La mère interprète les manifestations sonores ou ges-tuelles de son bébé – ses mimiques, ses cris, son regard, etc. – et leurdonne une signification. Elle se livre à une traduction, exprimant en mots(par exemple : « il a faim ») certains signaux (des pleurs). La publicité, avecl’image suggestive, joue sur cette capacité d’interprétation. On pourraitétendre à l’infini les références car, consciemment ou inconsciemment, l’individu opère sans cesse cette activité de décodage.

Naturellement, en présence d’un symbole, se manifestent en premierlieu les perceptions subjectives, puis les références culturelles ; en dernierlieu seulement, apparaît la réalité objective de l’objet. Pour illustrer le pro-cessus ordinaire de l’analyse, prenons la couleur noire :

1) la perception subjective et individuelle : « Je n’aime pas le noir car ilme fait peur. » Ce ressenti peut être lié à une expérience, un traumatisme,un événement particulier ;

2) les références culturelles : « Le noir est triste, c’est la couleur funérairedans mon pays » ;

3) la réalité objective : « Le noir, c’est la nuit, l’obscurité. »Les points 1 et 2 font référence à la subjectivité individuelle : ce qui est

valable pour une personne ou une société ne l’est pas pour toutes les per-sonnes ou pour toutes les sociétés. Quelqu’un peut aimer le noir, parcequ’il trouve cette couleur seyante (point 1) ; de même, certaines civilisa-tions n’associent pas le noir à la mort car la couleur funéraire y est leblanc, comme en Chine (point 2). Ces deux attitudes nous placent dans ledomaine de la perception projective. Seule la troisième lecture du noir serévèle objective, donc universelle : le noir, c’est l’obscurité pour tous et àtoutes les époques. C’est à partir de cette vérité universelle que l’on accèdeà la valeur symbolique du noir.

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Cette décomposition en trois temps – livrer sa perception individuelle,étudier le symbole en fonction de sa culture, parvenir, enfin, à la véritablesignification objective, essentielle et universelle du symbole – explique enquoi l’interprétation procède de la connaissance de soi. En effet, la décou-verte de sens induit le repérage antérieur des projections personnelles,puis la prise de conscience de leur subjectivité et donc, à travers larecherche de neutralité, la disparition de l’attachement à des points de vueindividuels et culturels, pour s’ouvrir à une conscience universelle. La lec-ture des symboles, à travers la recherche de sens, invite constamment à cetravail sur soi.

Le cryptage symbolique de la connaissance

Pour percer le mystère du symbole, il importe aussi de comprendrepourquoi les œuvres spirituelles, ésotériques et religieuses sont cryptées,c’est-à-dire codées. Pourquoi leurs contenus n’apparaissent-ils pas à la pre-mière lecture ? Pourquoi les traditions se fondent-elles toutes sur l’hermé-tisme, c’est-à-dire sur l’opacité de l’enseignement ?

La symbolique tient une place essentielle dans l’hermétisme et les sym-boles y sont l’essence même de l’enseignement. Plus l’esprit s’éveille et plus lesymbole, dont la signification est infinie, l’enrichit car ce qui est visible estle reflet de ce qui est invisible, dit le Zohar. Une même notion peut êtreexprimée sur des plans différents par des symboles différents ; par exemple,le phallus et l’eau sont des symboles de fertilité. (76, 245)

Ce cryptage symbolique peut s’exprimer dans l’art (monuments, statues,effigies), les cérémonies ou les pratiques (chants, costumes, gestuelle spé-cifique) ou encore les mots, les représentations ou les objets rituels utilisés.Les textes religieux respectent tous, sans exception, une forme symbo-lique. De la Bible au Coran, en passant par le Mahâbhârata, le Livre desmorts tibétain ou le Tao-tö king, pour ne citer qu’eux, la lecture exige untravail d’interprétation. Il ne saurait être question de lire ces textes commedes romans, au risque de passer à côté de l’essentiel, voire de se four-voyer. Les mythes, les légendes, les contes traditionnels sont égalementrévélateurs de cette dimension symbolique sous-jacente.

Plusieurs passages du Nouveau Testament nous donnent une illustrationextraordinairement claire des raisons et de la nécessité du cryptage. LeChrist s’exprimait par paraboles. Sa parole, par conséquent, était imagée etne livrait pas directement le message spirituel. Quelles raisons évoque-t-ilpour expliquer ce choix, non pas personnel, mais bien universel ?

C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils nevoient point, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent. (Mat-thieu 13, 13)

Jésus dit à la foule toutes ces choses en paraboles, et il ne leur parlaitpoint sans paraboles, afin que s’accomplît ce qui avait été annoncé par leprophète : « J’ouvrirai ma bouche, en paraboles, je publierai des chosescachées depuis la création du monde. » (Matthieu 13, 34)

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C’est par beaucoup de paraboles de ce genre qu’il leur annonçait laparole, selon qu’ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur parlait point sansparabole ; mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. (Marc 4, 33)

Un premier point d’explication sur la fonction du symbole nous est icifourni : la parabole sert à protéger le message. Seuls ceux qui possèdentles qualités nécessaires pour l’accueillir, c’est-à-dire l’ouverture du cœur etde l’esprit, le reçoivent. Cette définition situe la distinction entre les aspectsésotérique et exotérique. Tout ce qui est donné de manière brute et directeet qui, par conséquent, n’exige aucun travail, aucune méditation, aucunetransformation, est qualifié d’exotérique. Tout ce qui n’est accessible qu’àla suite d’un effort, de la réussite d’une épreuve, d’un engagement total,d’un long cheminement, est qualifié d’ésotérique.

La dimension exotérique correspond à la dimension profane. Elle sefonde sur l’absence de message. La dimension ésotérique correspond à ladimension sacrée. Elle nécessite une initiation. Elle comporte un sens pro-fond. Seul celui qui cherche, qui œuvre à sa transformation intérieure, quiétudie en s’efforçant de comprendre, trouve la clef, accède à l’essentiel.

Outre son rôle unificateur et médiateur, la forme symbolique a aussiune fonction essentielle de protection. Elle protège le message en ne ledélivrant qu’aux destinataires préparés, initiés et dignes de le recevoir. Elleprotège également le message en lui permettant de traverser les époquessans subir de modifications. Enfin, elle permet de soustraire l’enseignementà une éventuelle censure des pouvoirs religieux ou politiques en place :l’obscurité et l’opacité apparentes, tout en garantissant la neutralité et l’im-muabilité du message, donnent l’illusion de l’innocence.

La parabole du semeur est, à ce sujet, très éclairante.Écoutez. Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la

semence tomba le long du chemin : les oiseaux vinrent, et la mangèrent.Une autre partie tomba dans un endroit pierreux, où elle n’avait pas beau-coup de terre : elle leva aussitôt, parce qu’elle ne trouva pas un sol profond ;mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines. Uneautre partie tomba parmi les épines : les épines montèrent, et l’étouffèrent, etelle ne donna point de fruit. Une autre partie tomba dans la bonne terre :elle donna du fruit qui montait et croissait, et elle rapporta trente, soixanteet cent pour un. Puis, il dit : « Que celui qui a des oreilles pour entendreentende. » (Marc 4, 3-9)

L’histoire pourrait, dans une lecture profane et exotérique, être enten-due comme un conte pour enfants, le rapport circonstancié des déboiresd’un semeur ou encore un cours d’agriculture. C’est-à-dire qu’a priori elleparaît sans signification cachée. Elle est, à ce titre, à l’identique de nom-breux mythes, contes, légendes et objets symboliques. La dimension sacréesous-jacente n’apparaît pas d’emblée. Le message profond ne se laisse pasaisément deviner.

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende spécifie la dispositionintérieure nécessaire, l’écoute véritable, la recherche volontaire de sens. De

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tous ceux qui écoutent la parabole, seuls certains pénétreront sa significa-tion profonde, non parce qu’ils sont chanceux ou privilégiés, mais parcequ’ils œuvreront à sa compréhension.

Plus tard, Jésus révèle l’explication à ses disciples, non sans les avoiravertis qu’à l’avenir, ils devraient trouver et comprendre par eux-mêmes.

Le semeur sème la parole. Les uns sont le long du chemin, où la parole estsemée ; quand ils l’ont entendue, aussitôt Satan vient et enlève la parole quia été semée en eux. Les autres, pareillement, reçoivent la semence dans lesendroits pierreux ; quand ils entendent la parole, ils la reçoivent d’abordavec joie ; mais ils n’ont pas de racine en eux-mêmes, ils manquent de per-sistance, et, dès que survient une tribulation ou une persécution à cause dela parole, ils y trouvent une occasion de chute. D’autres reçoivent lasemence parmi les épines ; ce sont ceux qui entendent la parole, mais en quiles soucis du siècle, la séduction des richesses et l’invasion des autres convoi-tises étouffent la parole et la rendent infructueuse. D’autres reçoivent lasemence dans la bonne terre ; ce sont ceux qui entendent la parole, la reçoi-vent, et portent du fruit, trente, soixante et cent pour un. (Marc 4, 14-20)

L’explication, une fois donnée, cède la place à un sentiment d’évi-dence. Elle pourrait s’exprimer en d’autres termes (« Satan » devenantl’équivalent de « pensées négatives »), son sens profond demeurerait iden-tique. Grâce à elle, ce qui était chaotique devient structuré et cohérent, cequi semblait dépourvu de sens se trouve être porteur d’un message pro-fond et essentiel.

La valeur des explications

La parabole du semeur, en outre, exprime précisément le rôle du lan-gage symbolique. Pour extraire la signification des symboles, il est néces-saire de réfléchir, d’opérer une interprétation, de méditer. Un second pointd’explication de la fonction du symbole émerge ici. Tout symbole semédite avant de devenir lumineux. Les ouvrages qui les traitent ne consti-tuent qu’une aide et ne peuvent se substituer au travail personnel. La com-préhension du symbole ne peut qu’être intérieure, révélant ainsi l’individuà lui-même. Il ne s’agit pas d’une acquisition purement mentale, maisd’une connaissance totale, à la fois intellectuelle, affective et spirituelle.

Si l’on se contente de juxtaposer une représentation (le cheval) et sasignification (l’inconscient), on ne fait que donner l’illusion d’une explica-tion. Car seul celui qui connaît les croyances et traditions se rapportant aucheval peut opérer le rapprochement entre la représentation et la signifi-cation. Si, en revanche, la personne reste dans l’ignorance des consti-tuants symboliques, elle n’a aucun moyen de découvrir les raisons quipermettent de passer, logiquement et rationnellement, de la représenta-tion à la signification.

Appliquer un sens à un symbole, sans en avoir compris l’exacte raison,revient à réciter un poème dans une langue étrangère sans en connaître lasignification. Quel est l’intérêt de réciter des mots que l’on est incapable de

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traduire, c’est-à-dire de comprendre ? Il peut s’agir d’un exercice de style,mais en aucun cas il ne prouvera que l’on comprend la langue que l’onrécite si habilement. Croire le contraire serait une illusion.

En symbolique, connaître, c’est comprendre ; ce n’est ni savoir, ni répéterou appliquer. Le symbole se comprend, il ne s’apprend pas. Un autre paral-lèle, emprunté à la tradition taoïste, dit qu’il est impossible d’expliquer àautrui ce qu’est une pomme, la sensation que l’on éprouve en la croquant,sa saveur, son odeur, son toucher, s’il n’en a jamais vu. On ne peut rempla-cer, par la parole, l’expérience ou la connaissance directe. C’est cependantce difficile défi que se propose de relever un ouvrage sur les symboles. Iltente de rendre accessible une connaissance, sans se cacher qu’elle ne peutêtre en fin de compte qu’intérieure et doit procéder de la personne elle-même. Il constitue une aide, souvent appréciable, voire indispensable, maisqui exige d’être relayée par une recherche individuelle.

Définition du symbole

Le mot « symbole » vient du grec sumbolon. Ce terme désignait à l’ori-gine un objet, précisément une tessère, fragment de céramique, d’os oude métal, que l’on divisait en deux parties ou plus lors de l’établissementde contrats matériels, affectifs ou spirituels. Les personnes engagées – ledébiteur et son créancier, le maître et son disciple, les membres présentslors d’une même assemblée, etc. – en conservaient chacune une partie etse trouvaient ainsi liées. En rapprochant plus tard les parties dusumbolon, elles reconnaissaient les liens matériels, affectifs ou spirituelsles attachant.

Le symbole a par conséquent pour fonction première de lier. Dans sonutilisation courante, il lie ou relie le signifiant et le signifié. De cette intrica-tion provient d’ailleurs toute la difficulté pour l’expliquer, le rationaliser etfinalement le définir.

Dans l’absolu et hâtivement, on pourrait prétendre que tout est symbole.A fortiori, si l’on considère que tout objet, sujet ou événement a un sens,c’est-à-dire qu’il génère une pensée, une émotion ou un concept. L’objet, lesujet, l’événement sont, dans ce cas, et ce qui représente et ce qui estreprésenté. En d’autres termes, ils contiennent à la fois la représentation etla signification. Par exemple, le chocolat n’est qu’un objet, précisément unaliment. Dès lors qu’on lui attribue un sens, il peut être considéré commeun symbole. Si la consommation de chocolat rassure, réconforte, tran-quillise, il devient le « symbole » de l’apaisement de l’angoisse. Une signifi-cation psychologique ou affective est accordée à l’objet investi de lafonction de soulager un stress. L’objet est donc porteur de sens, mais d’unsens personnel.

Toutefois, si l’on cherche à déterminer plus étroitement la nature dusymbole, seuls certains éléments vont être définis comme étant des sym-boles, alors que d’autres, tout en ayant du sens, ne seront que desemblèmes, des signes ou des attributs.

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Dans cette seconde optique, plusieurs paramètres doivent être réunispour qu’un objet, sujet ou événement soit classé dans la catégorie dessymboles : la récurrence, c’est-à-dire le fait qu’à des époques et dans descivilisations différentes, il conserve sa signification ; l’existence d’unedimension ésotérique, philosophique, religieuse ou sacrée, qui le situe au-delà de la seule interprétation psychologique ou affective ; enfin, l’univer-salité qui contribue à dissocier le signe du symbole.

Le symbole repose sur une signification collective et non sur une signifi-cation individuelle. En cela, il se différencie de l’emblème, du signe, del’attribut ou de l’allégorie. Le drapeau français représente la France unique-ment pour les personnes concernées ou qui l’ont appris. Si l’on montre cemême drapeau à un aborigène d’Australie, il perd sa signification car il n’aqu’une valeur emblématique. Le symbole, lui, a une portée universelle etne souffre d’aucune limitation culturelle, sociale ou raciale. Le soleil, entant que symbole, est rattaché aux mêmes significations de chaleur et delumière car pour tous, quels que soient l’époque et le milieu, cet astreréchauffe et éclaire. À ce titre, il est un symbole. Il est aussi, en tant quereprésentation symbolique, l’expression de la divinité, voire la divinité elle-même, du fait qu’il dispense et assure la vie sur terre et préside ainsi auxdestinées humaines.

Les sujets traités dans ce dictionnaire répondront aux trois exigencescitées précédemment. Néanmoins, certains éléments, dont le symbolismen’est ni contestable, ni contesté, échappent à la règle. Il s’agit d’une partdes objets spécifiques à une culture ou à une discipline (comme lecinabre, le calame, le druide ou les arcanes du Tarot de Marseille, parexemple) ; d’autre part, des divinités, des héros et des lieux mythologiquesou légendaires.

Ces deux exceptions méritent toutefois leur place dans un ouvrage surle symbolisme, dans la mesure où elles imprègnent fortement la culture,l’art et l’inconscient collectif. De surcroît, bien qu’appartenant à des civili-sations précises, ils s’inspirent directement et abondamment d’élémentssymboliques universels.

Les symboles seront, par conséquent, tous traités dans leur aspect sacréet rituel, mais aussi dans leur dimension contemporaine et quotidienne.Car s’il est, en effet, essentiel de connaître leur origine, il est tout aussiintéressant de les considérer dans leurs applications courantes, person-nelles et collectives.

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AABEILLE

Du latin apisLe travail, la sublimation de la matière, l’élévation

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Comme une abeille, sans nuire à la fleur, à sa couleur ou à sonparfum, s’envole emportant seule-ment le miel, ainsi le sage doit-il par-courir le village. (Dhammapada, 49)

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L’abeille a une valeur hautementsymbolique qu’elle doit principale-ment à ses qualités industrieuses.Travailleuse, ouvrière, laborieuse,productive, elle est comparable à lafourmi, mais à une fourmi « trans-cendée », dans la mesure où l’abeilleest ailée et se rattache par consé-quent au plan cosmique. Ellesublime d’ailleurs doublement lamatière : par ses ailes et par la trans-formation du pollen en miel. Denombreux textes religieux et denombreuses cultures font référenceà l’abeille et l’honorent en l’insti-tuant comme une représentanted’élection des principes ou des personnages sacrés. Outre sonappartenance au plan céleste, sasymbolique procède également des

notions de collaboration, d’en-traide, de destin commun. Vivanten collectivité, elle témoigne del’organisation en société et de l’allé-geance à un chef, ce qui transparaîtdans le fait qu’elle a été choisiecomme emblème par de nombreuxrois, chefs ou prêtres.

Allez à vos champs et à vos jar-dins et vous apprendrez que c’est leplaisir de l’abeille de butiner le mielde la fleur.

Mais c’est aussi le plaisir de lafleur de céder son miel à l’abeille.

Car pour l’abeille une fleur estune source de vie,

Et pour la fleur une abeille estune messagère d’amour.

Et pour les deux, abeille et fleur,donner et recevoir le plaisir sont unbesoin et une extase.

Peuple d’Orphalese, soyez dansvos plaisirs comme les fleurs et lesabeilles. (Khalil Gibran)

D’autre part, sa capacité à trans-former la matière s’apparente au

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lent travail initiatique et à l’accom-plissement de l’œuvre, tels qu’onles trouve dans les procédés spiri-tuels, magiques ou alchimiques. Lefruit de son travail est d’ailleurs for-tement valorisé, d’un point de vueésotérique, avec le miel servant à lapréparation de l’hydromel ou del’ambroisie, boisson sacrée chez lesCeltes, les Germains et les Grecs,ou encore avec la cire entrant dansla composition des cierges, objetsrituels et sacrés.

Associée au Christ, l’abeilledevient l’emblème de sa résurrectionpar sa disparition durant les moishivernaux et son retour au prin-temps. Elle illustre alors le renou-veau de la nature, sa perpétuellerenaissance. En Égypte, l’abeille,comparée à l’âme, était censéeramener le défunt à la vie lorsqu’ellepénétrait dans sa bouche. Les Égyp-tiens traduisaient son appartenancedivine en la considérant née deslarmes de Rê.

Dans la tradition gréco-romaine,les prêtresses d’Éleusis étaient nom-mées « les abeilles ». L’abeille étaitégalement considérée, au même titreque la chèvre Amalthée, comme lanourrice de Zeus. La statue deDiane d’Éphèse montre la déesseentourée de divers animaux, dontles abeilles, exprimant ainsi l’extra-ordinaire richesse de la nature.L’abeille est, en outre, un symboled’éloquence ; selon la légende, elle

se serait posée sur les lèvres dePlaton à sa naissance.

Bénéficiant d’une valeur trèspositive dans la tradition musul-mane, l’abeille synthétise les vertusspirituelles : En terre islamique,l’abeille retient l’attention par ungrand nombre de qualités maî-tresses : elle est esprit par l’organisa-tion méticuleuse de son activité ; elleest résurrection par le retour inces-sant aux formes antérieures ; elle estgénéreuse par les dons qu’elle fait àl’homme ; elle est feu par la puis-sance de son action au sein du bes-tiaire familier. (38, 16-17)

Dans un registre plus poétique,l’abeille, en butinant, incarne le senti-ment amoureux, notamment celui del’adolescent. Elle illustre la légèreté,l’exploration sentimentale, la décou-verte de l’amour. Selon les croyancespopulaires, les abeilles sont censéesconnaître l’avenir et constituent desprésages heureux. Par conséquent,tuer une abeille porte malheur.P. Waring cite également une super-stition écossaise selon laquelle uneabeille qui vole autour du berceaud’un enfant endormi indique qu’ilou elle aura une vie heureuse. (212,18) Frazer précise aussi son rôle dansles pratiques de la magie sympa-thique. La cire qu’elle produit est uti-lisée comme un agent de liaison,servant notamment à la confectionde poupées ou figurines destinées àsubir les charmes.

L’aspect négatif de l’abeille estsuggéré par son dard. Néanmoins,sa piqûre n’est pas offensive, maisdéfensive, et ôte à l’insecte toutevelléité de détruire ou de nuire.Elle devient dès lors l’expression desa force et de sa bravoure.

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AB

EILL

E

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ABÎMEDu grec abussos, « sans fond »

Le chaos, la profondeur, la perdition

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AB

ÎME

Dans les mythes cosmogoniques,l’abîme symbolise le chaos originelprécédant l’organisation de l’universautant que le gouffre infernal oùfinissent les âmes coupables. Danstoutes les traditions se trouveévoqué le vide primordial, sorte desubstance intangible dont l’absencede fond est en rapport avec l’étymo-logie grecque du terme « abîme ».Correspondant au Tohu et Bohudont parle la Genèse, l’abîme sus-cite la crainte par sa désorganisationet par sa relation avec le néant etles ténèbres. Le caractère terrifiantest en partie dû au fait que l’onpeut s’y perdre, s’y trouver aspiré,comme au fait qu’il représente l’in-créé autant que l’absence.

Selon ces mêmes traditions, lesâmes impures sont d’ailleurs fré-quemment précipitées dans l’abîmeet l’obscurité, s’opposant ainsi au destin des âmes pures qui, aucontraire, s’élèvent et évoluent versla lumière. Dans les textes grecs del’Écriture ou dans les traductionsgrecques, latines et françaises, lemot abussos, abyssus, « abîme »,désigne généralement sans distinc-tion le gouffre du Chéol, séjour desmorts, ou celui du lieu habité par lesesprits infernaux, aussi bien que les« réservoirs » d’eau des profondeursde la terre ou des mers. (89, 11-12)

L’abîme est peuplé par lesdémons, les créatures terrifiantes etautres êtres hybrides monstrueux. LaBible hébraïque indique d’ailleurs

que le serpent fabuleux Léviathan,ennemi de l’humanité, vit dansl’abîme. Selon les Égyptiens, à l’ori-gine, Rê, le Soleil, se tenait dansl’abîme, c’est-à-dire dans l’Océanprimordial. Il demeurait dans unefleur de lotus, les yeux fermés afinde ne pas perdre son éclat. Ayantun jour décidé de s’extraire del’abîme, il parvient par sa seulevolonté à atteindre le ciel et à inon-der le monde de sa lumière.

Dans la représentation originelledu monde des Scandinaves, l’abîme,appelé Midgard, abritait en son seinun monstrueux serpent. En dehorsde cet abîme, rien n’existait, jusqu’àce que l’univers soit créé par lesdieux. Dans la tradition inuit, ilexiste deux abîmes : le premier, quise situe au-delà du royaume desmorts, comporte une roue de glacequi tourne sans fin ; le second estgardé par un gigantesque chien.

En psychologie, les analystess’accordent à décrire l ’abîmecomme étroitement lié à l’incons-cient. Il exprime l’univers psy-chique, étranger et inconnu,constituant une zone inexplorée etsouvent perçue comme dange-reuse. Jung, pour sa part, rattachel’abîme à la matrice, dans sa signifi-cation de gouffre et de lieu prési-dant à la naissance et donc à lacréation de l’individu. Il en fait parconséquent l’archétype de la mère.

Dans le langage courant, leverbe dérivé « abîmer » est une

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transposition transparente desnotions d’usure, de détérioration etde perdition. Ainsi, on abîme unobjet, mais on peut aussi s’abîmer

dans ses pensées. Dans la mêmelogique, l’abîme traduit la frontièreet la différence, tel l’abîme pouvantexister entre deux personnes.

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AB

LUTI

ON

S

ABLUTIONSDu latin ablutio, « laver, purifier »

La purification, la dévotion

Les ablutions constituent un acterituel particulièrement valorisé dansl’Islam et en Inde. Cette purificationpar l’eau, outre son caractère hygié-nique, est supposée laver la per-sonne de ses fautes et favoriser sacommunication avec le divin.

Immersion totale ou aspersionsur différentes parties du corps, lesablutions constituent une obliga-tion religieuse, notamment dans lestraditions musulmane, juive et hin-doue.

La synagogue comporte unbassin, le miqveh , destiné auxablutions. Dans la religion musul-mane, les ablutions font passer duprofane au sacré et précèdentsystématiquement chacune descinq prières quotidiennes. Le Coranen fait une condition stricte, pal-liant même l’absence d’eau parl’utilisation de sable. Les pieds, lesmains, les bras jusqu’aux coudes etle visage doivent être lavés, et lescheveux lustrés.

Ô vous qui croyez !Lorsque vous vous disposez à la

prière :lavez vos visages et vos mains jus-

qu’aux coudes ;passez les mains sur vos têtes

et sur vos pieds, jusqu’aux che-villes.

Si vous êtes en état d’impuretélégale, purifiez-vous.

Si vous êtes malades, ou envoyage ;

si l’un de vous vient du lieucaché ;

si vous avez eu commerce avecdes femmes

et que vous ne trouviez pasd’eau,

recourez à du bon sableque vous passerez sur vos visages

et sur vos mains. (Coran V, 6)

Il existe deux groupes d’ablu-tions :

• les mineures (al-woudou al-asghâr), précédant la prière et leculte quotidien ;

• les majeures (al-woudou al-akbar), instituées lors de situationsexceptionnelles : rupture du jeûne,impureté, etc.

En Inde, les ablutions dans leGange font partie des rituels lesplus suivis par les hindous. Poursouligner la valeur positive et purificatrice de cet acte sacré, lalégende rapporte que la déesse Par-vatî créa son fils Ganesha avec lessaletés résultant de ses ablutions.

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ABRACADABRA Du grec abraxos, « la toute-puissance divine »,

et de l’hébreu dabar, « le mot »La protection, la guérison

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AB

RAH

AM

Cette formule magique datant duIIe siècle était censée posséder unpouvoir extraordinaire de transfor-mation et de protection. Une tradi-tion la fait remonter au dieu syrienAbraca.

Son étymologie associe deuxtermes (dabar et abraxos) en vuede réaliser un mot sacré : le mot dela toute-puissance. Pour accroître saforce magique, la formule était, auMoyen Âge, rituellement gravée àl’intérieur d’un triangle inversé figu-rant sur des talismans. Dans une deses utilisations magiques, la formule

est supposée diminuer la fièvre aufur et à mesure que le maladeenlève une lettre :

A B R A C A D A B R AA B R A C A D A B RA B R A C A D A BA B R A C A D AA B R A C A DA B R A C AA B R A CA B R AA B RA BA

ABRAHAM Personnage biblique

! Abram, entendant l’appel de Yahvé, émigre avec son peuple à Canaan.À son arrivée, Dieu lui apparaît et lui promet une descendance prospère. L’al-liance est scellée par l’institution de la circoncision et le changement de nom :Abram devient Abraham, qui signifie « père d’une multitude de nations ».

Sarah, son épouse, est stérile et, pourtant, suite à la promesse de Yahvé,elle met au monde un fils, Isaac, alors qu’Abraham est âgé de cent ans. Legrand âge prêté au patriarche souligne, de toute évidence, le caractère sur-naturel de l’événement. (89, 17) Abraham avait eu auparavant Ismaël, deson union avec la servante de Sarah.

L’épisode le plus connu de l’histoire d’Abraham est le sacrifice de son filsIsaac. Yahvé, cherchant à éprouver sa foi, lui intime de sacrifier Isaac. Alorsqu’Abraham s’apprête à immoler son fils, un ange intervient pour sauverl’enfant. Par la suite, convaincu de la vérité du Dieu unique, Abrahamdétruit toutes les idoles façonnées par son père et institue le monothéisme.

Abraham symbolise le père detous les monothéistes et l’exem-plarité de la foi. Cité plus de deux

cent cinquante fois dans la Bible,Abraham incarne par excellence leguide spirituel. Outre son histoire,

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son nom participe activement à sasignif icat ion archétypale depatriarche. Il symbolise d’autrepart l’élu, celui que Dieu a choisi,mais également celui que Dieumet à l ’épreuve. L ’épisode dusacrifice d’Isaac fait la démonstra-tion de la nature et de la valeur dela foi. La foi doit être incondition-nelle et l’allégeance à Dieu totale.À l’image du père acceptant desacrifier son fils, elles ne supportentl’une comme l’autre aucune restric-tion. En outre, l’ange de Yahvé, quisauve Isaac, symbolise l’interdit quifrappe les sacri f ices humains,encore pratiqués à l’époque.

Abraham est reconnu dans lestrois religions monothéistes. Dansla tradition juive, il est le patriarche,le père des Hébreux. Le peupled’Israël descend en droite lignée de lui et son sang coule dans les veines de chaque Israélite. Leschrétiens, s’ils le reconnaissentcomme fondateur du mono-théisme, évoquent une descen-dance et une transmission d’ordreimmatériel et spirituel. Le Coran luiréserve une place de choix en lereconnaissant également comme lepère du monothéisme et comme le

fondateur de la Kaaba et du culte.I l est dans le Coran considérécomme « soumis », c’est-à-direcomme musulman. Il apparaît sousle nom d’Ibrahim, Sidna Ibrahimou Ibrahim al-Khalil :

Abraham n’était ni juif ni chré-tien

mais il était un vrai croyantsoumis à Dieu ;

il n’était pas au nombre des poly-théistes. (Coran III, 67)

En psychologie, Abraham repré-sente le père, le maître, le modèleidentificatoire autant que l’autoritémorale et indiscutable. Il traduitégalement la faculté d’obéissance,de renoncement, de même que lacapacité de s’instituer en chef, enguide ou leader, ce qui supposel’acceptation des contraintes etréduit le paradoxe suggéré par lefait qu’Abraham constitue le chefabsolu de son peuple en mêmetemps que le sujet dévoué de Dieu.Il réunit dans une même probléma-tique les notions d’allégeance et de commandement, d’humilité etd’autorité, associations symboliquesgarantes du véritable pouvoir,c’est-à-dire du pouvoir sur soi-même.

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AB

SEN

CE

ABSENCE Du latin absentia

La vacuité

L’absence possède un sens sym-bolique. Elle évoque l’élémentmanquant (les parents dans lescontes de fées, un membre ou unefaculté dans les infirmités) quisouligne l’importance et décuplela puissance ou le pouvoir del’élément présent. Preuve que l’ab-

sence est investie d’une chargephysique, affective, psychologiqueou spirituelle, et qu’elle ne passepas inaperçue, on dit d’un être oud’une chose manquant qu’il ouelle « brille par son absence ».L’absence est finalement le videqui doit être rempli, à l’issue de la

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quête initiatique (mythes, légendeset contes) ou par le dépassementde soi (infirmités, castration).

! CASTRATION, INFIRMITÉ, ORPHELIN

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ABSINTHE Du grec apsinthion, sens figuré d’« amertume »

La possession, l’amertume

L’absinthe est à la fois le nomd’une liqueur et celui de la plantequi sert à sa fabrication. Dans lestextes sacrés, elle symbolise le breu-vage maudit et le principe destruc-teur par excellence. Liqueur despoètes et des artistes, elle exalte leurœuvre, mais cause aussi leur perte.

Confirmant ce sens, l’absinthesouffre dans la Bible d’une très

mauvaise appréciation et est syno-nyme de malheur, de poison, voirede mort. Son nom hébreu ladésigne d’ailleurs comme « la mau-dite ». Moïse en interdit la culture etla consommation. Dans l’Apoca-lypse, l’absinthe est le nom donnéà l’astre terrifiant et dévastateur qui,à l’appel de la troisième trompette,tombe du ciel.

ACACIA Du grec akakia

L’immortalité, la puissance, l’initiation

La dureté et la résistance du boisd’acacia lui confèrent des qualitésde force, de vigueur et de péren-nité, traduisant principalement lavictoire de la vie sur la mort. La tra-dition maçonnique atteste de lavaleur particulièrement positive del’acacia. Selon la légende, troisouvriers demandèrent à Hiram,constructeur du temple de Jéru-salem, de leur livrer ses secrets.Essuyant un refus catégorique, ilsdécidèrent de l’assassiner et le frap-pèrent successivement d’un coupde règle, d’un coup d’équerre etd’un coup de marteau. Ils enter-rèrent ensuite son cadavre et plan-tèrent à l’endroit même un acacia.L’arbre est devenu depuis le sym-bole de la sagesse et de la résurrec-tion, manifesté par la transmission

d’une branche d’acacia à chaquenouveau maître.

Cette histoire explique l’impor-tance symbolique de l’acacia dansle rituel maçonnique, intervenantdans l’initiation, mais participant

également du passage d’un mondeà l’autre. Quelques branches d’aca-cia sont, en effet, déposées dansles tombes des francs-maçons, demême qu’elles ornent leurs avisnécrologiques.

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