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vanthuy
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LE MCANISME DE LHRDIT MENDLIENNE
2015 centenaire des travaux de T.H. Morgan, Prix Nobel
Nouvelle traduction commentedes principaux chapitres
et exemples de leur utilisation dans lenseignement scientifique
Par
R. Raynal, FLS
Dr de lUniversit de ToulouseProfesseur de Sciences de la Vie,de la Terre & de lUnivers
Traducteur des uvres indites de C. DarwinMembre de linstitut Darwin international - membre de lAAAS.Auteur de manuels scolaires & universitaires libres & gratuits
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Travaillez de vous-mme avec dinlassables efforts si vous voulez comprendre quelles sont les rgles imposes par la nature elle-mme.
Comte Imre Festetics, pre du mot gntique,1819
Morgan et ses trois tudiants de Columbia, Sturtevant, Bridges et Hermann J. Muller, ont rsum les conclusions de leur travail fondateur en 1915 dans le mcanisme de lhrdit mendlienne , un livre qui sest rvl dune importance historique. Pour commencer, il a expos le principe physique de la nouvelle science de la gntique. En plus de cela, la discipline exprimentale dcrite dans ses pages a fourni la premire base exprimentale pour une biologie moderne, transformant une science descriptive qui reposait largement sur la morphologie. anatomie, la reine des sciences biologiques de lpoque de la Renaissance au dbut du XXe sicle, a t maintenant remplace par la gntique et la biologie elle-mme en est ressortie comme une science exprimentale quantitative, rigoureuse, exacte, qui pouvait dsormais exister sur un pied dgalit avec la physique et la chimie.
Eric R. Kandel. Columbia universityThomas Hunt Morgan at Columbia University.Genes, Chromosomes, and the Origins of Modern Biology
Licence : CC-BY-NC. Attribution. Pas d'utilisation commerciale
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Introduction
Le centenaire des travaux fondamentaux de T.H. Morgan est pass compltement inaperu en France, ce qui en dit long sur limportance relle, dans notre pays, de lhistoire des sciences dans lenseignement scientifique.
Pourtant, et conformment la dmarche qui a t la mienne dans mes trois manuels de SVT et dans mes lments dhistoire des sciences lusage des professeurs, je pense que lenseignement des sciences est la fois plus facile, plus vivant, plus exact et, pour tout dire, plus humain sil se rfre la ralit de laventure scientifique, et non une reconstruction didactique artificielle. Bien entendu, les lments historiques se doivent dtre adapts, sans tre trahis, au niveau des savoirs et des questionnements utiliss avec les lves. Cest pourquoi je propose ici quelques exemples dapproches, pour des niveaux varis, allant de la troisime la terminale, des travaux historiques de Morgan. Il ne sagit l que de possibilits, et non de formes obliges: cest chaque professeur, selon ses lves et ses dsirs, de considrer sil peut tirer parti des documents que je rends ici accessibles.
Le livre de Morgan et de ses proches collaborateurs est paru en 1915. Il a t traduit en Franais une seule fois, en 1923. En vain, puisque comme le signalait J. Rostand en 1961 dans le droit dtre naturaliste: ces rvlations taient refuses chez nous par la plupart des savants officiels, qui les ignoraient o les prsentaient de faon tendancieuse ou parfois ironique.
Cette traduction* est devenue peu prs introuvable, et elle comporte, de plus, par rapport ldition originale, de nombreux ajouts et remises jour qui ne permettent pas dapprcier le travail de lquipe de Morgan la lumire des connaissances disponibles 8 annes auparavant. Une traduction complte tant un travail trop long pour moi, je me suis limit aux lments et chapitres les plus importants pour lhistoire des ides et des concepts scientifiques.
Afin dclairer certaines rfrences, qui ne nous sont plus familires, et certains lments de langage du texte, jai cru utile de joindre ce dernier quelques notes ainsi que quelques lments biographiques sur la plupart des auteurs cits, souvent mal connus ou franchement oublis.
Je souhaite bonne lecture tous ceux qui, prsent, vont se confronter aux travaux dun pionnier aussi clbre que mconnu.
Pr. Dr. R. Raynal, FLS [email protected]
* Le Mcanisme de lhrdit mendlienne. T. H. Morgan, A. H. Sturtevant, H. J. Muller, G. B. Bridges. dition franaise, avec avant-propos par A. Brachet. Traduit de langlais par Maurice Herlant. 1923. Des extraits de cette traduction, sans les schmas qui laccompagnaient, peuvent se trouver dans les archives web du site de la cit des sciences et de lindustrie, o les robots de Google les ont dnichs, bien quils ne soient pas directement accessibles.
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SOURCE DES TEXTES UTILISES
Universit de Columbia, N.Y., USA
Luniversit de Columbia ne donne accs qua une version OCR, parfois bugge, du texte original. Comme jai d corriger cette version, jai cru utile, en fin douvrage, de joindre la version anglaise originale, enfin librement disponible, des textes ici tudis.
TABLE DES MATIRES
Situation des travaux de Morgan dans lhistoire de la gntique - 6 Extraits des travaux prliminaires de Flemming - 17 Extraits des travaux prliminaires de Sutton - 20
Le Mcanisme de lhrdit mendlienne. 22 Prface - 23 Chapitre ILa sgrgation mendlienne et les chromosomes (introduction) - 25 Chapitre V Les chromosomes en tant que support du matriel hrditaire - 30 ChapitreVI Correspondance entre la rpartition des chromosomes et celle des facteurs gntiques - 55
Les explorateurs des chromosomes : biographie succincte des scientifiques cits dans le texte - 65
Exemples dexercices et dactivits ralisables avec les lves partir de ces documents, de la sixime la terminale - 73
Annexes: textes anglais originaux des chapitres - 86
Bibliographie: - 104
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Chronologie : la gntique avant Morgan (daprs Sturtevant, a history of genetics, ed. Harper international,1965)
323 AEC
Aristote: Reproduction et hrdit, hybrides, mentionne la Drosophile. 1889
Altmann : acides nucliques De Vries : Pangnse intracellulaire
280 Thophraste: Sexualit des vgtaux 1894 Bateson : matriaux pour ltude des variations
1677 Leeuwenhoeck: Spermatozodes 1900 Correns, De Vries, Tschermak : redcouverte des lois de Mendel ; Landsteiner : groupes sanguins
1716 Mather: Effets de la pollinisation croise chez le mas 1901Mc Clung: Le chromosome X dtermine le sexe ; De Vries : thorie des mutations.
1759 Wolff : Epigense. 1902Bateson, Cunot : hrdit Mendlienne chez les animaux ; Boveri : individualit de chromosomes ; Correns : sgrgation.
1761-1766
Klreuter : dbut de ltude systmatique des plantes hybrides 1903
Levene : distinction chimique ADN / ARNSutton : chromosomes et Mendlisme
1819 Imre Festetics : terme gntique 1904 Cunot : Allles multiples
1823-1846
Amici : fcondation chez les plantes fleurs 1905
Bateson & Punnet : groupes de liaison ; Stevens, Stevens : dtermination chromosomique du sexe.
1853 Thuret : fcondation observe chez le fucus 1906Doncaster & Raynor : caractres lis au sexe ; Lock : relation possible entre groupe de liaison et change de matriaux entre chromosomes
1859 Darwin : lorigine des espces 1907 E & E Marchal, Lutz : polyplodie
1866 Mendel : article sur les pois - lois de lhrdit.1907-1908 Baur : gne ltal chez Antirrhinum
1868 Darwin : variation des animaux et des plantes 1908Garrod : alkaptonurie, gne et mtabolisme, Lutz : trisomie ; Hardy, Weinberg : mathmatiques du Mendlisme ; Nilsson, Ehle : polygnie
1871 Mieschner : dcouverte de la nucline 1909Correns : hrdit lie aux plastes ; Janssens : chiasmatype ; Johanssen : gne, gnotype, phnotype
1875 Hertwig : fcondation de lovule doursin 1910Von Dungern et Hirszfeld : hrdit des groupes sanguins ABO ; Morgan : groupe de liaison chez la drosophile, recombinaison entre gnes lis au sexe
1881 Focke : rfrence Mendel 1911 Morgan : groupe de liaison et proximit sur le chromosome
1882-1885
Boveri, Flemming, Fol, Strasburger, Van Beneden etc. : chromosomes pendant les divisions cellulaires
1912 Goldschmidt : intersexualit chez Lymantria ; Morgan : gne lthal rcessif.
1883 Roux : hypothse sur la fonction de la mitose 1913Emerson & East : gnes multiples chez le mas ; Sturtevant : premire carte gntique
1883-1889
Weismann : thorie du plasma germinatif 1914
Bridges : non disjonction des chromosomes ; Renner : expriences sur Oenothres
1888-1889
Maupas : conjugaison chez les protozoaires 1915
Morgan, Sturtevant, Muller, Bridges : The mechanism of Mendelian heredity
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Les travaux de Morgan dans lhistoire de la gntique
Le mot gntique a fait, sa premire apparition en 1819 par le biais
du comte Imre Festetics, qui avait empiriquement tabli quelques rgles de transmission des caractres dans des travaux portant sur lamlioration des
races de mouton pour la production de Laine la demande du biologiste et professeur Christian Carl Andr (1763-1831). Cela se passait en Moravie o,
en 1815, le comte avait mis au point un programme de recherche pour la Socit agricole soulignant la ncessit de la recherche fondamentale et
applique, utilisant des croisements, dans les sciences de lhrdit. Festetics et Andr taient lorigine de la mise en place dune section
dtude de llevage des moutons dlevage au sein de la socit agricole de Moravie, menant des travaux sur la slection artificielle et la transmission des
caractres lis la laine. Les recherches dAndr influencent positivement labb Cyril Napp, suprieur du monastre de Brno, qui mne des recherches
afin damliorer les arbres fruitiers par slection, au moyen de la pollinisation artificielle. Il a dirig et fond une association de pomologie qui dite une
revue publiant des travaux internationaux. Parmi ceux-ci, on peut y lire les articles de Thomas Andrew Knight ; prsident de la socit dhorticulture de
Londres, qui a tudi la transmission des caractres chez le pois, mettant en vidence, tout comme J. Goss, A. Sageret et A. Seton entre 1824 et 1826, la
dominance des caractres de la graine et la sgrgation des caractres parentaux dans la premire gnration obtenue.
Il convient de souligner que le monastre St Thomas de Brno ressemble beaucoup plus ce que nous appellerions un centre de
recherches qu un cloitre enfermant de pieux dvots : les membres du monastre sont tous enseignants dans des tablissements du secondaire ou
du suprieur, on y trouve non seulement une bibliothque fournie, mais aussi une serre exprimentale, et les moines-professeurs effectuent de nombreux
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voyages. Il faut dire qu lpoque Brno est la capitale universitaire de la Moravie, rgion dpendant du puissant empire Habsbourg.
Un professeur va recommander labb Napp un de ses tudiants, dou, mais trop pauvre pour poursuivre facilement ses tudes universitaires.
Cet tudiant dsargent, cest Mendel, qui se trouve trop heureux daccepter, comme il lcrit lui mme, une place dans la socit qui lui pargne les
rudesses de la lutte pour la vie. En 1843, Mendel est reu au noviciat du monastre et devient prtre en 1848 (on peut toutefois en dduire que,
comme pour de nombreux scientifiques ayant eu une activit religieuse, cette dernire relevait davantage dune obligation et dune opportunit sociale que
dune adhsion inconditionnelle aux dogmes de la foi). Mendel va, comme les autres moines, devenir professeur de sciences dans lenseignement
secondaire, mais en 1849 une rforme oblige ces derniers possder un grade universitaire. Mendel ira passer ses examens Vienne, et sera recal,
apparemment parce quil soppose la thorie alors majoritairement enseigne sur lhrdit, qui voit celle-ci comme un mlange des
caractres des parents. Napp lui obtient alors une place en tant qutudiant luniversit de Vienne. Cest pour Mendel une rvlation, car il va la fois y
suivre les enseignements courants lpoque (botanique, entomologie, palontologie), mais aussi ceux de Franz Unger, qui enseigne la thorie
cellulaire et prconise ltude exprimentale de la transmission des caractres des vgtaux sur plusieurs gnrations successives, ainsi que les
cours dun gant de la physique, Johann Christian Doppler. Cest a son retour de luniversit que Mendel concevra et ralisera ses expriences, publies en
1865. ce sujet, il faut bien raliser que, contrairement ce qui a t dit, les
rsultats ne Mendel nont pas t oublis, ou pas lus ils nont tout simplement pas t compris, donc ngligs. La mthode de Mendel, sa
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logique de physicien, son algbre des caractres constituant autant dobstacles pistmologiques insurmontables pour ses contemporains.
Mendel disposait de 40 exemplaires hors tirage (des reprints ) de son article, qui parut dans une revue qui tait disponible dans 120 librairies
spcialises, dont deux Londres. Il en envoya trois aux botanistes Kerner (qui ne le lit pas, larticle ayant t retrouv avec ses pages non dcoupes
dans sa bibliothque un lment souvent attribu, et sans doute tort, Darwin), Beijerinck et Von Ngeli. Ce dernier, spcialiste de lhybridation
Vienne, et qui navait tien dun imbcile ayant, ironie, observ le premier les chromosomes dans des cellules vgtales en 1842 (douard Van Beneden
les observera, indpendamment, chez un animal, lascaris), ne compris absolument rien aux rsultats de Mendel. Dans la littrature scientifique, il ny
eut, avant 1900, que 4 rfrences* aux travaux de Mendel.
De plus, Mendel lui-mme, cherchant valider ses dcouvertes sur dautres modles que le pois, fut incapable de les gnraliser sur un autre
modle, le millepertuis (et ce, cause de la parthnogense se produisant dans cette espce, ce quil navait pas pris en compte), ce qui laissa penser
que ses dcouvertes navaient pas une porte universelle. Ce sont les travaux des cytologistes qui allaient conduire, finalement, la reprise des
dcouvertes de Mendel.
* 1869 Hoffmann, dans un compte rendu dexpriences sur les pois, cite juste larticle de Mendel sans autres indications. 1881 Focke publie un article qui fait le point sur les travaux raliss (une review) sur lhybridation des vgtaux, et note que Mendel, chez le pois croit avoir trouv des relations numriques constantes entre les diffrents types . Romanes, dans la 5e dition de lEncyclopedia Britannica (1881-1895), suivra Focke pour signaler Mendel comme spcialiste de lhybridation vgtale. 1895 Bayley recopie les remarques de Focke sans lire lui mme larticle (une habitude qui est loin davoir disparu en sciences), mais sa rfrence sera celle qui permettra De Vries de redcouvrir Mendel.
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Lchelon cellulaire.Le noyau cellulaire avait t dcouvert par R. Brown en 1831. 11 ans
plus tard, Karl Wilhelm Von Ngeli dcouvre dans les cellules des structures fibreuses quil va nommer idioplasme, et dont il pense quelles constituent un
rseau interconnectant toutes les cellules de lorganisme. Il a ainsi vu le premier les chromosomes. En 1873, Schneider tudie la division cellulaire et
dcrit le premier un schma nuclaire particulier (kernfigur en V.O.) ainsi que la prsence dun fuseau achromatique pendant cette division. Les
progrs conjoints de la microscopie et des colorations (en particulier lusage du bleu daniline) permettront lanatomiste allemand Walther Flemming
(homonyme du dcouvreur de la pnicilline) dtudier en 1882 le comportement de ces filaments (le nom de chromosome ne leur sera donn
quen 1888 par lanatomiste allemand Wilhelm Von Waldeyer-Hartz) et de dcouvrir la mitose. Il dcrit cette dernire dans son livre la substance de la
cellule, son noyau et sa division (Zell-substanz, Kern und Zelltheilung en V.O.), dont certaines planches sont reproduites la fin de ce chapitre. Il montre comment
les chromosomes doubles la prophase se sparent lors de la division cellulaire, rsolvant ainsi le problme de la rpartition entre cellules filles. Il
montre en effet que, loin dapparaitre ex nihilo, tout noyau provient dun noyau prcdent, ce quil rsume, paraphrasant la clbre maxime de
Virchow, par lexpression omnis nucleo e nucleo.
En 1883, Van Beneden, travaillant sur lascaris, remarque que les
chromosomes, qui ne fusionnent pas aprs fcondation, ont bien une intgrit individuelle, et observe que les ovules et les spermatozodes ne
contiennent que deux chromosomes, alors que les autres cellules de lanimal en comptent quatre.
Wiessmann (1834-1934), y voit un support la division entre soma et germen, ce dernier tant invariable : lhrdit est transmise dune
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gnration lautre par une substance dont la composition chimique et surtout la composition molculaire sont bien dfinies. Il fait lhypothse que
la miose doit comporter une phase de rduction du nombre de chromosomes, et la redcouverte des lois de Mendel, en 1900 (par 3
botanistes travaillant indpendamment H. de Vries en Hollande, F. Von Tschernack en Autriche et Carl Correns en Allemagne) laisse penser que
les lments de Mendel (improprement, mais trs souvent nomms facteurs par la suite) doivent possder un support physique qui se
comporterait comme le font ces lments, et ce dune gnration la suivante. Cest Walter Stanborough Sutton qui, en 1903, va observer lors de
la spermatogense chez la sauterelle Brachystola magna la division rductionnelle prvue par Weismann, alors quelle est aussi observe chez
l oursin par T. Boveri en Allemagne, donnant ainsi naissance la thorie chromosomique de Sutton-Boveri.
Les travaux parallles de Sutton et Boveri
Alors quil est encore tudiant en master, Sutton (1877-1916) tudie la spermatogense chez brachystola magna, une grosse sauterelle commune
dans les champs du Kansas, ou se trouve Sutton. Ce travail le dirige vers E. B. Wilson, a luniversit Columbia, et cest la quil publie, en 1902, On the
morphology of the chromosome group in Brachystola magna. (Biol. Bull. 4: 24-39. voir plus loin) qui amne la conclusion suivante Je dois enfin
attirer lattention sur la probabilit que lassociation des chromosomes paternels et maternels en paires et leur sparation subsquente au cours de
la division rductionnelle puissent continuer la base physique de la loi mendlienne de lhrdit.
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http://www.biolbull.org/cgi/reprint/4/1/24
En 1903, les conclusions de son article The chromosomes in heredity. (Biol. Bull4:231-251) sont encore plus claires. Les voici
1. Le groupe des chromosomes des prcurseurs des cellules germinales se compose de deux sries de chromosomes quivalents, et il existe de forts
arguments en faveur de la conclusion selon laquelle une srie est paternelle et lautre maternelle.
2. Le processus de synapsis (pseudo-rduction) consiste dans lunion par paires des membres homologues ( savoir, ceux qui se correspondent en
taille) des deux sries.3. La premire mitose de maturation, ou post-synaptique, est quationelle et
na donc pas pour rsultat une diffrenciation chromosomique.4. La deuxime division post-synaptique est une division rductionnelle, qui
entrane la sparation des chromosomes qui se sont conjugus en synapses, et leur relgation dans des cellules germinales diffrentes.
5. Les chromosomes conservent une individualit morphologique au cours les diffrentes divisions cellulaires.
De son ct, en 1902, Theodor Boveri dmontre exprimentalement, chez loursin, limportance des chromosomes dans le dveloppement.
Comme lovule doursin peut tre fcond par plus dun spermatozode, les cellules uf se trouvent possder un nombre variable de chromosomes.
Parmi ces dernires, Boveri dmontre que le seules se dvelopper normalement sont celles possdant lensemble des 36 chromosomes de
lespce. Il en conclut quun assortiment spcifique de chromosomes est responsable du dveloppement normal, et cela peut signifier que les
chromosomes possdent individuellement des qualits diffrentes.Boveri montre que les concepts Mendeliens de sgrgation,
dassortiment des lments peuvent tre traduits lchelon intracellulaire par les chromosomes. Il crit en 1903 quil y a une probabilit
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extraordinairement leve pour que les caractres mis en jeu dans des expriences de Mendel soient rellement relis des chromosomes
spcifiques.
La conversion de Thomas MorganInitialement, Morgan fait partie des opposants la thorie
chromosomique. Ce sont ses observations qui vont le conduire la supporter, puis la dmontrer.
Lintrt principal de Morgan porte sur la thorie de lvolution, qui ncessite, pour tre comprise, que les mcanismes de lhrdit soient
compris. Son arrive la Columbia university partir de 1904 va le laisser libre dexprimenter.
Morgan rejette tout dabord la slection naturelle comme mcanisme principal de lvolution, et pense que les espces ne sont que des
conventions humaines, et quen ralit les organismes varient de faon continue, ce qui le conduit douter que de faibles variations puissent
conduire des changements majeurs il ne fait pas le lien entre slection naturelle, chelon cellulaire et macrovolution. Ses propres dcouvertes vont
le faire voluer sur ces diffrents points. Cest dailleurs parce quil est la recherche dun mcanisme volutif diffrent de celui propos par Darwin quil
adhre aux vues dun des re dcouvreur des lois de Mendel, Huge de Vries, qui propose que les mutations soient le moteur de lvolution. Dubitatif
quand aux lois de Mendel (utilises par les tenants de la slection naturelle), il va tenter de prouver, par des travaux exprimentaux sur lhrdit, la
thorie des mutations de De Vries.Comme souvent en Sciences, Morgan va dcouvrir ce quil ne cherchait
pas, et bien plus quil ne pensait dcouvrir. Il fallait a Morgan un modle animal peu encombrant pour ltude des mutations. Quelques annes
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auparavant, lentomologiste C.W. Woodworth avait utilis Drosophila pour ses recherches, et avait mis au point les techniques de croisement utilisant cet
insecte. Il suggra W.E. Castle *, qui tudiait alors Harvard la gntique sur des cochons dInde, que cet insecte pouvait tre avantageusement utilis
en gntique, et un membre de lquipe de Castle, F.E. Lutz, fit connaitre ce modle Morgan.
* tonnamment, ce sont les travaux de William E. Castle sur des rats bicolores qui vont contribuer prouver ce dont doutait Morgan, savoir que lvolution peut se produire par laction de la slection naturelle sur de petites variations.
Morgan va constituer une quipe de brillants tudiants, dont certains
taient en premier cycle (alors que dhabitude ce genre dquipe est rserv des tudiants de troisime cycle) et ils ont cr ensemble le laboratoire
drosophile dans la salle 613 du Schermerhorn Hall, bientt surnomm la pice des mouches. Ce laboratoire ntait quune pice comprenant huit
bureaux rpartis sur un peu moins de 35 m2 : souvent, la grandeur dun laboratoire se mesure davantage lesprit qui y rgne plutt qu ses
dimensions physiques ou son quipement ! Morgan y faisait rgner (noublions pas que nous tions en 1915 !) une bonne ambiance faite de
discussions libres, de convivialit et de recherche de la perfection. Sturtevant, dans ses mmoires biographiques sur T.H. Morgan, la ainsi dcrite le
groupe travaillait comme une unit. Chacun travaillait sur ses propres expriences, mais chacun savait exactement ce que faisaient les autres, et
chaque nouveau rsultat tait librement discut. Peu importait la priorit ou lorigine de nouvelles ides ou de nouvelles interprtations, ce qui importait
tait daller de lavant. Il y avait beaucoup de travail raliser ; il y avait de nombreuses nouvelles ides tester, et de nombreuses nouvelles techniques
exprimentales dvelopper. Il ne saurait y avoir que peu dpoques et de
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lieux, dans les laboratoires scientifiques, avec une telle atmosphre dexcitation et avec un tel ensemble denthousiasme soutenu. Cela tait d
en partie lattitude de Morgan, compos denthousiasme combin avec un fort sens critique, de la gnrosit, de louverture desprit et un remarquable
sens de lhumour.Vers 1908, Morgan et ses tudiants* commencent travailler sur la
Drosophile. Pour obtenir des mutants, ils les soumettent toute sorte de traitements mutagnes, physiques et chimiques, recherchant des mutations
hrditaires. Il leur faudra presque deux ans avant dobtenir, en 1909, une srie de mutants hrditaires. Certaines des mutations obtenues suivent les
lois de Mendel.Parmi diffrents mutants, Morgan remarque fortuitement un mle
mutant aux yeux blancs parmi les individus sauvages aux yeux rouges. La descendance dun croisement de ce mle aux yeux blancs avec une femelle
aux yeux rouges suggre que le caractre yeux blancs est rcessif par rapport au caractre yeux rouges. Morgan remarque galement que parmi
les descendants dun croisement de femelles mutantes aux yeux blancs avec des mles sauvages aux yeux rouges, seuls les mles prsentent des yeux
blancs. partir de ce rsultat, il montre (dans une srie de cinq articles quil publie en 1911 dans Science) que :- certains caractres hrditaires sont lis au sexe- le support du caractre couleur de lil, son gne, est probablement
port par le chromosome sexuel- et donc que les autres gnes sont probablement eux aussi ports par
dautres chromosomes
* En particulier Fernandus Payne, qui utilisait des rayons X, et cherchait initialement prouver le Lamarckisme en essayant dobtenir des drosophiles aveugles aprs les avoir fait se reproduire dans le noir
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Devenus plus efficaces dans la chasse aux mutants, Morgan et ses
tudiants tudient lhrdit de dizaines de mutations quils ont repres (et provoques). Ayant isol plusieurs souches mutantes, ils effectuent des
croisements leur permettant dtudier des transmissions hrditaires plus complexes, quils interprtent la lumire de lhypothse selon laquelle les
chromosomes sont les supports physiques des gnes. Ainsi, lobservation dun mutant aux ailes miniatures, qui tait aussi sur le chromosome sexuel,
mais qui parfois se retrouvait spare de la mutation white-eye, pourtant prsente sur le mme chromosome, conduit Morgan lide de liaison
gntique et mettre lhypothse dunmcanisme de transfert de gnes interchromosomique: le crossing-over.
Il se base sur la dcouverte ralise en 1909 par Frans Alfons
Janssens, professeur lUniversit belge de Louvain, qui a dcrit les changes entre chromosomes et la appel chiasmatypie. Morgan propose,
en bonne logique, que le taux de crossing-over entre les gnes lis sur un chromosome diffre, et que leur frquence peut indiquer la distance qui
spare les gnes sur le chromosome.
En utilisant ce principe, un tudiant de Morgan, Alfred Sturtevant, dveloppe la premire carte gntique (reproduite la premire page du livre
de 1915). Nous sommes en 1913. Deux ans plus tard, il y a donc un sicle, Morgan et ses tudiants Sturtevant, Bridges et Muller crivent ce que le
gnticien Curt Stern a appel le manuel fondamental de la nouvelle gntique , livre fondateur intitul Le mcanisme de lhrdit
mendlienne . Les ides soutenues et dmontres dans ce livre reprsentent, selon un biologiste aussi avis que Conrad Hal Waddington,
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spcialiste de leffet des mutations sur le dveloppement, un saut conceptuel comparable ceux effectus par Galile ou Newton . Vous allez
maintenant lire les principales parties de ce livre.
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Extraits des travaux prliminaires de Flemming
Tous les dessins ont t raliss sur la salamandre, sauf 32 (lys), 33, noyau de cellule de tissu conjonctif de chat. 31 : premires tapes de formation des figures nuclaires.
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Les diffrentes tapes de la mitose dans des cellules pithliales de Salamandre. Cette planche se rapproche des dessins dobservation que peuvent raliser nos lves. Elle est dailleurs utilise dans les exemples dactivits, en fin douvrage.
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PlancheIV - 61 68: mitose observe dans des cellules de lilium croceum.
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Extraits des travaux prliminaires de Sutton
1902 On the morphology of the chromosome group in Brachystola magna. (Biol. Bull. 4: 24-39.)
introduction de la publication
La parution rcente du remarquable article de Boveri sur lanalyse du noyau au moyen dobservations sur des ovules doublement fconds ma incit faire une communication prliminaire de certains rsultats obtenus dans une tude gnrale sur les cellules germinales de la grande sauterelle pataude, Brachystola magna.Comme le montre un seul coup dil sur les schmas donns dans mon article prcdent (Sutton, W. S. [1900], The Spermatogonial divisions in Brachystola magna, Kans. Univ. Quart., Vol. 9.) sur le mme animal, les cellules de Brachystola, comme celles de nombreux amphibiens, slaciens, insectes et certaines des plantes fleurs, prsentent un groupe de chromosomes dont les membres montrent des diffrences distinctes dans leur taille. En consquence, une caractristique de cette tude plus tardive a t un examen critique dun grand nombre de cellules en division (provenant principalement du testicule) afin de dterminer si, comme cela a souvent t pris pour acquis, ces diffrences sont simplement une question de chance ou si, conformment lhypothse rcemment exprime par Montgomery* concernant certaines paires dlments dans le noyau de lun des Hmiptres, les relations de taille caractristiques sont un attribut constant des chromosomes considrs individuellement. Avec laide de dessins photographiques du groupe de chromosomes dans les diffrentes gnrations de cellules, je vais donner ci-dessous un bref compte
rendu des lments qui mont conduit adopter la dernire conclusion.
* Montgomery, T. H., Jr. (1901), A Study of the Chromosomes of the Germ Cells of the Metazoa. Trans. Amer. Phil. Soc., Vol.XX.
Dans la suite de larticle, Sutton montre quil peut suivre les chromosomes lors des diffrentes divisions formant les spermatogonies. Il utilise pour les reprer la fois leurs tailles respectives et les rapports de taille entre les lments dune mme paire, ainsi quun groupe caractristique de 3 paires de petits chromosomes (i, j, k, voir fig.1 ci-contre extraite de la publication) . Il montre que, dune gnration lautre, il peut
20
http://www.biolbull.org/cgi/reprint/4/1/24
identifier des chromosomes possdant la mme srie de tailles et les mmes relations de taille, ce qui signifie quils se transmettent effectivement de gnration en gnration, et ne se reforment pas chaque fois.
Conclusion de larticle: Si, comme les faits chez Brachystola le suggrent si fortement, les
chromosomes sont des individualits persistantes, au sens o chacun porte une relation gntique avec un seule de la gnration prcdente, on doit admettre la probabilit que chacun prsente les mmes qualits que son lment parent. Une taille relative donne peut donc tre considre comme caractristique de la base physique dun certain ensemble dfini de qualits. Mais chaque lment de la srie des chromosomes du spermatozode a une contrepartie morphologique dans ceux de lovule mature et, de cela, il rsulte que les deux couvrent le mme champ du dveloppement.
Lorsque les deux sunissent, par consquent, en synapsis 1 lintgralit du support de chromatine dun certain ensemble de qualits hrites des deux parents est localis pour la premire et seule fois dans une seule masse continue de chromatine; et lors de la deuxime division du spermatocyte, les deux parties sont nouveau spares, chacune se dirigeant entirement chaque ple, contribuant pour les cellules-filles au groupe correspondant de qualits provenant du stock paternel ou maternel selon le cas. Il nexiste donc pas, chez Brachystola, de division qualitative des chromosomes, mais seulement une sparation des deux lments dune paire qui, lorsquils coexistent dans un seul noyau, peuvent tre considrs comme contrlant ensemble certaines parties limites du dveloppement de lindividu. la lumire de cette conception, nous pouvons entrevoir une explication de ce processus jusquici problmatique, la synapsis, car elle produit une disposition faisant que les deux chromosomes reprsentant les mmes caractres spcifiques ne doivent en aucun cas entrer dans le noyau dune seule spermatide ou ovule mature.
Je puis enfin attirer lattention sur la probabilit que lassociation des chromosomes paternels et maternels en paires et leur sparation subsquente au cours de la division rductionnelle comme indiqu ci-dessus peuvent constituer la base physique de la loi de lhrdit mendlienne. Jespre bientt revenir sur ce sujet une autre occasion.
Je prends plaisir exprimer ici ma gratitude au Prof. E. B. Wilson pour ses prcieux conseils et son excellente assistance dans le travail sur Brachystola et dans la prparation du prsent document.
21
THE MECHANISM
OF
MENDELIAN HEREDITY
BY
T. H. MORGAN
PROFESSOR OF EXPERIMENTAL ZOOLOGYCOLUMBIA UNIVERSITY
A. H. STURTEVANT
CUTTING FELLOW, COLUMBIA UNIVERSITY
H. J. MULLER
ASSISTANT IN ZOOLOGY, COLUMBIAUNIVER8ITY
C. B. BRIDGES
FELLOW IN ZOOLOGY, COLUMBIA UNIVERSITY
22
PREFACE
Depuis les temps les plus anciens, lhrdit a t considr comme lun des
problmes centraux de la philosophie biologique. Il est vrai que cet intrt tait
largement spculatif plutt quempirique, mais depuis la dcouverte, par Mendel, de la
loi fondamentale de lhrdit en 1865, ou plutt depuis sa redcouverte en 1900, une
situation curieuse a commenc se dvelopper. Ceux qui tudient lhrdit, se faisant
appeler les gnticiens, ont commenc sloigner des domaines traditionnels de la
zoologie et de la botanique, et ont concentr leur attention sur ltude des principes de
Mendel et de leurs dveloppements ultrieurs. Les rsultats de ces chercheurs paraissent
largement dans des revues spcialises. Leur terminologie est souvent considre par
dautres zoologistes comme quelque chose de barbare, extrieur la routine ordinaire de
leur profession. La tendance est de considrer la gntique comme un sujet pour
spcialistes au lieu dun thme trs important de la zoologie et de la botanique. Nul
doute que cela ne soit que transitoire; car les biologistes ne peuvent gure se permettre
de remettre un groupe spcial de chercheurs une partie de leur domaine qui est et sera
toujours dune importance vitale.
Il serait aussi malheureux pour tous les biologistes de rester ignorants des
avances modernes dans ltude de lhrdit quil le serait pour les gnticiens de rester
indiffrents la valeur de leur propre travail pour de nombreux domaines de la recherche
en biologie. Ce qui est fondamental en zoologie et en botanique nest pas si vaste, ou si
intrinsquement difficile, quun homme comptent ne puisse tre en mesure den faire le
tour. Dans les pages suivantes, nous avons tent de sparer les questions qui nous
semblent significatives de ce qui est plus spcialis, ou simplement technique.
23
Nous avons, bien sr, donn notre propre interprtation des faits, bien quelle ne
soit pas unanimement accepte, mais nous croyons que, pour ce qui est essentiel, nous
ne nous sommes pas loigns du point de vue qui est soutenu par beaucoup de nos
collgues lheure actuelle. Seule exception, peut-tre, notre insistance sur les
chromosomes comme base matrielle de lhrdit. Que nous ayons eu raison ce sujet,
lavenir probablement un trs proche avenir en dcidera. Mais on ne doit pas oublier
que mme si la thorie chromosomique venait tre nie, il ny a aucun rsultat trait
dans les pages suivantes qui ne puisse tre trait indpendamment des chromosomes ;
pour cela, nous navons fait aucune hypothse concernant lhrdit qui ne puisse
galement tre faite, de faon abstraite, sans les chromosomes en tant que porteurs des
facteurs hrditaires postuls. Pourquoi donc, nous demande-t-on souvent, les insrez-
vous dans les chromosomes ? Notre rponse est que puisque les chromosomes
fournissent exactement le genre de mcanisme que les lois de Mendel rclament ; et
tant donn quil existe un corpus dinformation toujours croissant qui indique clairement
les chromosomes comme porteurs des facteurs mendliens, ce serait une folie de fermer
les yeux sur une relation aussi patente.
En outre, en tant que biologistes, nous sommes intresss par lhrdit non
essentiellement comme une formulation mathmatique, mais plutt comme un problme
concernant la cellule, lovule et le spermatozode.
T.H.M.
24
Ch. I - La sgrgation mendlienne et les chromosomes
La loi de Mendel a t annonce en 1865. Son principe fondamental est trs
simple. Les units auxquelles ont contribu les deux parents se sparent dans les cellules
germinales de la progniture sans avoir eu aucune influence sur lautre. Par exemple,
dans un croisement entre des pois graines jaunes et des pois graines vertes, un parent
contribue dans la descendance pour une unit pour le jaune et lautre parent pour une
unit pour le vert. Ces units se sparent dans la maturation des cellules germinales de la
progniture de sorte que la moiti des cellules germinales sont porteuses du jaune et la
moiti sont porteuses du vert. Cette sparation se produit la fois dans les ovules et dans
les spermatozodes.
Mendel ne connaissait aucun mcanisme par lequel un tel processus pouvait avoir
lieu. En fait, en 1865, on en savait trs peu au sujet de la maturation des cellules
germinales. Mais en 1900, quand la dcouverte depuis longtemps oublie de Mendel a
t une nouvelle fois mise en lumire, un mcanisme, qui remplit exactement les
exigences mendliennes dappariement et de sparation, a t dcouvert.
Le gamte mle de chaque espce animale ou vgtale comporte un nombre
dfini de corps appels chromosomes. Lovule en porte le mme nombre. Par
consquent, lorsque les deux gamtes sunissent, lovule fcond contient le double du
nombre de chromosomes. Pour chaque chromosome apport par le sperme, il y a un
chromosome correspondant fourni par luf, savoir, il existe deux chromosomes de
chaque type, qui constituent ensemble une paire.
Lorsque la cellule-uf se divise (fig.1, a-d), chaque chromosome se divise en deux
chromosomes, et ces deux chromosomes fils se sparent, allant vers les ples opposs de
la cellule en division (fig. 1, c). Ainsi, chaque cellule fille (fig. 1, d) reoit lun des
chromosomes fils forms partir de chaque chromosome dorigine. Le mme processus
se produit dans toutes les divisions cellulaires, de sorte que toutes les cellules de lanimal
ou de la plante en viennent contenir un double jeu de chromosomes.
Les cellules germinales ont aussi tout dabord le double jeu de chromosomes, mais
quand elles sont prtes passer par les dernires tapes de leur transformation en
spermatozodes ou en ovules, les chromosomes se runissent deux deux (fig. 1, e).
Vient ensuite un autre type de division (fig.1, f) au cours de laquelle les chromosomes ne
sont pas diviss, mais les membres de chaque paire de chromosomes spars et chaque
membre va dans lune des cellules filles (fig. 1, g, h). Il en rsulte que chaque cellule
germinale mre reoit lun ou lautre membre de chaque paire de chromosomes, et leur
nombre est rduit de moiti. Ainsi, le comportement des chromosomes est parallle au
25
comportement des units mendliennes, car, dans les cellules germinales chaque unit
provenant du pre se spare de lunit correspondante provenant de la mre. On parlera
dsormais de ces units comme des facteurs ; les deux lments dune paire sont
appels alllomorphes lun de lautre. Leur sparation dans les cellules germinales est
appele sgrgation.
Fig. 1.- Sur la ligne suprieure, quatre tapes de la division de la cellule-uf (ou dune
cellule du corps) sont reprsentes. Chaque chromosome se divise lorsque la cellule se
divise. Sur la ligne infrieure, la division rductionnelle dune cellule germinale, aprs
que les chromosomes se soient unis par paires, est reprsente. Les membres de chacune
des quatre paires de chromosomes se sparent lun de lautre au cours de cette division.
26
La possibilit dexpliquer les phnomnes mendliens au moyen des mouvements
des chromosomes semble avoir frapp plus dune personne, mais Sutton a t le premier
prsenter lide sous la forme que nous reconnaissons aujourdhui. En outre, il a non
seulement attir lattention sur le fait, mentionn ci-dessus, que les chromosomes et les
facteurs hrditaires subissent tous deux la sgrgation, mais a montr que le
paralllisme entre leurs modes de distribution va encore plus loin que cela. Mendel a
dcouvert que, lorsque lon suit la transmission de plus dune paire de facteurs, les
diffrentes paires de facteurs subissent une sgrgation indpendamment les uns des
autres. Ainsi, dans un croisement dun pois ayant la fois des graines vertes et une
grande taille avec un pois ayant des graines jaunes et une petite taille, le fait quune
cellule germinale reoive un membre particulier dune paire (jaune, par exemple) ne
dtermine pas quel membre de lautre paire il reoit; il est aussi susceptible de recevoir
le grande taille que le petite taille. Sutton a fait remarquer que, de la mme faon,
la sgrgation des chromosomes dune paire est probablement indpendante de la
sgrgation des autres paires.
Il tait toutefois vident, ds le dbut, quil y avait une exigence essentielle au
niveau du chromosome, savoir que tous les facteurs ports par le mme chromosome
devraient avoir tendance rester ensemble.
Par consquent, puisque le nombre de caractres hrditaires peut tre important
en comparaison du nombre de paires de chromosomes, nous devrions nous attendre en
fait trouver non seulement le comportement indpendant de certaines paires, mais
aussi des cas o les caractres sont lis ensemble en groupes dans leur hrdit. Mme
dans les espces o un nombre limit dunits de Mendel sont connus, nous devrions
encore nous attendre trouver certains dentre eux regroups.
En 1906, Bateson et Punnett ont fait la dcouverte de la liaison des caractres,
quils ont appele couplage gamtique. Ils ont constat que quand un pois lisse avec des
facteurs de fleurs violettes et de longs grains de pollen a t crois avec un pois avec des
facteurs de fleurs rouges et de grains de pollen ronds, les deux facteurs qui proviennent
du mme parent ont tendance tre hrits ensemble. Ctait ici le premier cas qui a
donn le genre de rsultat qui tait attendu si les facteurs taient dans les chromosomes,
bien que cette relation nait pas t souligne lpoque. Toutefois, la mme anne,
Lock a attir lattention sur la possible relation entre lhypothse chromosomique et la
liaison des caractres.
Un petit nombre dautres cas de caractres lis par couples ont t publis, mais le
fait ne fut nulle part suffisamment approfondi ni tudi, pour montrer quelle tait la
frquence des couplages. Toutefois, depuis 1910, un grand nombre de caractres
nouveaux ont fait leur apparition par mutations chez la mouche du vinaigre Drosophila
ampelophila (synonyme de melanogaster - NDT) ; et cet animal se reproduit si 27
rapidement que lon a pu, en un temps relativement court, tudier la transmission
hrditaire de plus dune centaine de caractres diffrents. Il est devenu trs vite vident
que ces caractres sont hrits en groupes. Il y a un grand groupe de caractres qui sont
lis au sexe. Il existe deux autres groupes contenant un nombre de caractres lgrement
suprieur. Finalement, il est apparu un caractre qui na trouv place dans aucun des
groupeset, un an plus tard, un autre caractre, li ce dernier, mais indpendant de tous
les autres. Par consquent, il existe quatre groupes de caractres chez la drosophile. Une
liste partielle de ces groupes est donne dans le tableau suivant:
Groupe I Groupe II Groupe III Groupe IV
Abnormal (Anormal)
Bar (Barre)
Bifid (bifide)
Bow
Cherry (cerise)
Chrome
Cleft
Club
Depressed
Dotted
Eosin
Facet (facette)
Forked (fourchu)
Furrowed (sillonn)
Fused
Green
Jaunty I
Lemon (citron)
Lethal 1,1a, 2, 3, 3a, 4, 5
Lethal 6, 7, B, Sa, Sb, Sc Miniature
Notch (encoche)
Reduplicated
Ruby (rubis)
Rudimentary
Sable
Shifted
Short (court)
Skee
Spoon
Spot (tache)
Tan
Truncate intens
Vermilion
White
Yellow
Antlered
Apterous (Aptre)
Arc
Balloon
Black
Blistered
Comma
Confluent
Cream II
Curved (courb)
Dach
Dash
Extra vein
Fringed (frang)
Jaunty
Limited
Little crossover
Morula
Olive
Plexus
Purple
Speck
Strap
Streak
Tip
Trefoil (trfle)
Truncate (tronqu)
Vestigial
Band
Beaded (perl)
Cream III (crme III)
Deformed (dform)
Dwarf (nain)
Ebony (bne)
Giant (gant)
Kidney
Low crossover
Maroon
Peach (pche)
Pink (rose)
Rough
Safranin
Sepia
Sooty (suie)
Spineless
Spread
Truncate intens
Trident
White head
White ocelli
Bent
Eyeless
28
Les quatre paires de chromosomes de la femelle de Drosophila sont reprsents
fig. 2 ( gauche). Il y a trois paires de grands chromosomes et une paire de petits
chromosomes. Lune des quatre est la paire de chromosomes sexuels (chromosomes X).
Chez le mle (fig.2, droite), il y a galement trois paires de grands chromosomes et une
paire plus petite. Les deux chromosomes sexuels chez le mle sont ici reprsents comme
diffrents les uns des autres par leur forme.
Fig. 2.- Schma des quatre paires de chromosomes prsents chez la femelle et le mle de
Drosophila ampelophila. Le crochet sur le chromosome Y est une convention. Les
membres de chaque paire se trouvent gnralement lun prs de lautre, comme ici.
Dans les schmas, le chromosome Y est reprsent en forme de crochet, mais cela
ne correspond qu une convention. Il est vrai que dans un cas de non-disjonction o le
chromosome Y a t transfr la femelle, il possde cette forme en crochet, mais il na
pas encore t possible didentifier le chromosome Y en forme de crochet chez le mle.
Les travaux de Stevens avaient sembl montrer que le chromosome X tait uni un
autre chromosome, et quil ny avait pas de chromosome Y. Dans les premiers articles sur
la drosophile, cette relation entre chromosomes a t suppose correcte, et la femelle a
t reprsent comme XX et le mle comme XO.
Il existe donc chez la drosophile une galit entre le nombre de groupes de
caractres hrditaires et le nombre de chromosomes. En outre, les tailles
proportionnelles des groupes et des chromosomes correspondent.
La faon dont se transmettent hrditairement les facteurs ports par ces
chromosomes va maintenant tre examine plus en dtail.
29
Chap. V Les chromosomes comme support du matriel hrditaire
Les preuves en faveur de lide selon laquelle les chromosomes sont les porteurs
de facteurs hrditaires proviennent de plusieurs sources et ne cessent de se dvelopper
de faon croissante, tandis quun certain nombre de faits allgus, qui semblaient
opposs ces preuves, ont t rfuts, ou leur valeur a t srieusement remise en
question. Nous nous proposons maintenant dexaminer en dtail les observations et les
expriences qui portent sur la thorie chromosomique de lhrdit.
Les preuves de lembryologie Relatives linfluence des chromosomes sur le dveloppement
Il a t avanc que puisque le spermatozode transmet les caractres galit
avec lovule, et puisque la tte du spermatozode, constitue du noyau, entre dans
lovule, lhrdit est assure par le noyau. Mais il faut admettre quautour du noyau
spermatique entrant il peut y avoir une mince enveloppe de protoplasme qui, bien que
trs lgre, pourrait suffire transmettre certains facteurs cytoplasmiques. En outre,
tandis que le flagelle du spermatozode semble tre laiss, dans certains cas, lextrieur
de lovule, dans dautres cas, il semble y entrer et tre absorb. Derrire la tte du
spermatozode, et la base du flagelle, il y a une pice intermdiaire qui contient un
driv de lancien centriole, ou centre de division.
Puisque que le centrosome apport par le spermatozode a t trouv, dans
certains cas, donner naissance de nouveaux centrosomes qui occupent les ples du
premier fuseau de division de luf, ce qui peut apparatre une contribution paternelle
peut provenir de cette voie. Il est vrai que la continuit du centrosome du spermatozode
avec celui de luf en division a t conteste dans certains cas ; mais il est difficile de
prouver que le centrosome du spermatozode est perdu, mme sil peut disparatre en
raison de la perte de lefficacit des colorations.
Le noyau contient un suc qui est probablement dorigine cytoplasmique. Ceux qui
nacceptent pas les chromosomes comme porteurs de lhrdit peuvent encore faire
appel la prsence de ce suc comme maillon faible dans la preuve de leur rle. Il est vrai
que le suc nuclaire semble tre vinc du noyau de la tte du spermatozode, laissant
une masse compacte et apparemment solide de chromatine, mais son limination
complte ne peut tre prouve. Ainsi, alors que ceux qui favorisent la transmission
chromosomique trouvent dans les faits de la fcondation normale de fortes indications
favorables ce point de vue, il est cependant vrai aussi que ceux qui sont enclins
30
contester ce point de vue trouvent plusieurs failles dans largumentation de leurs
adversaires.
Limportance du noyau dans lhrdit a en outre t montre par les expriences
de Bierens de Haans, Herbst, et Boveri sur les ovules gants doursins fconds par le
sperme dune autre espce. Les larves hybrides produites lorsque les ovules normaux
dune espce sont fconds par le sperme des autres espces sont un caractre
intermdiaire entre les deux types parentaux des larves ; tandis que celles des ovules
gants de la mme espce fconds par le sperme de lautre, galement intermdiaires,
inclinent davantage du ct maternel. Le noyau de lovule gant a deux fois la taille de
celui de lovule normal et, selon Bierens de Haans, les chromosomes sont galement en
nombre double. Par consquent, la quantit de chromatine maternelle doit tre double
de celle introduite par le spermatozode, et pourrait produire une influence
correspondante sur le caractre hybride. Mais puisque dans ces ovules gants le
cytoplasme est galement en quantit double, il nest pas vident que les rsultats soient
dus aux chromosomes plutt quau cytoplasme.
Boveri a montr, au moyen de lingnieuse comparaison suivante, que les rsultats
doivent tre attribus aux chromosomes plutt quau cytoplasme. Des ovules normaux
ont t diviss en fragments, les morceaux nucls ont t fconds avec le sperme
dautres espces, et ces fragments, de la moiti du volume de lovule normal, ont t
isols. Comme on le sait, de tels fragments se dveloppent en larves compltes, dont les
noyaux auront la teneur habituelle en chromatine. Le cytoplasme de lovule est,
cependant, rduit de moiti. Nanmoins, les larves ne manifestent aucune inclinaison vers
le ct paternel, bien que ces larves, comme toutes les larves obtenues partir de
fragments, soient souvent plus simples que la normale.
Ainsi, puisquune diminution relative de la quantit de cytoplasme naffecte pas ici
le caractre des larves, il est rationnel de supposer quune augmentation, comme celle
prsente dans les ovules gants, nest pas non plus lorigine des effets observs chez
les larves.
Dans le mme temps, des ovules normaux ont t lobjet de fertilisations croises
et, au stade de deux cellules, les blastomres ont t spars. Les contributions des deux
parents taient relativement les mmes que dans luf normal. Ces larves taient
similaires celles des fragments dovules, et servent de tmoins ces larves, dans la
mesure o la question porte sur le fait de savoir jusquo la taille seule peut affecter le
rsultat. En outre, dans ces larves, le rapport des chromosomes au cytoplasme est le
mme que dans luf normal (quand bien mme le spermatozode soit ou ne soit pas
apport dans le cytoplasme). Par consquent, puisquil est dmontr que la quantit de
cytoplasme na aucune influence sur le caractre de ces larves, il ny a aucune raison de
supposer quelle a eu une influence dans le cas des ovules gants. 31
Les tudes de Boveri sur la fertilisation dispermique de lovule doursin portent
directement sur la question en cause. Il a constat que lorsque deux spermatozodes
entrent simultanment dans le mme ovule, chacun apporte un centrosome, de sorte
quun fuseau tri ou ttrapolaire est form lors de la premire division, comme le montre la
fig.37. Au lieu dun double jeu de chromosomes, comme dans la fcondation normale, il
y a trois ensembles. Lors de la premire division, les chromosomes sont irrgulirement
rpartis sur les fuseaux multipolaires. En consquence, certaines cellules peuvent obtenir
un exemplaire de chaque type de chromosome, tandis que dautres cellules peuvent
obtenir un jeu incomplet (fig. 38). Ces ufs dispermiques donnent presque toujours
naissance des embryons anormaux, comme plusieurs observateurs lont consign. Ce
rsultat peut tre attribu en toute confiance la rpartition irrgulire des chromosomes
qualitativement diffrents ; seuls les embryons dans lequel chaque cellule a un effectif
complet se dveloppant normalement.
Fig. 37. Fertilisation
dispermique dovules
doursin. Les quatre
c e n t r o s o m e s
p r o v o q u e n t u n e
rpartition ingale des
c i n q u a n t e - q u a t r e
chromosomes, ce qui
conduit, la premire
d i v i s i o n , q u a t re
cellules qui contiennent
des nombres diffrents
de chromosomes.
Les recherches de Boveri ont t plus pousses, et le rle des chromosomes
corrobor, car il sparait les premires cellules de clivage de ces ufs dispermique et
suivait leur devenir. Certaines dentre elles ont conduit de parfaites larves naines. Le
nombre dembryons normaux tait petit, mais cela tait attendu de par la distribution
alatoire des chromosomes, en raison de laquelle nous devions nous attendre trouver
dans quelques cas une cellule isole contenant un ensemble complet de chromosomes, 32
et partir dune telle cellule dun embryon normal se serait form. Lanomalie de
dveloppement du reste des cellules isoles ntait pas due un effet nocif caus par
lisolation elle mme, car il avait t montr par Driesch et dautres que lorsque les deux
premires cellules dun uf doursin qui a t normalement fcond sont spares,
chacune forme un embryon parfait. Ces cellules, bien que contenant seulement la moiti
du cytoplasme, contiennent un ensemble complet de chromosomes. Par consquent, la
diffrence entre ces cellules et les cellules isoles partir dufs dispermique semble tre
due principalement leurs diffrents contenus chromosomiques.
Fig. 38.- Diagramme montrant cinq combinaisons de chromosomes issus de la premire
division des ufs dispermiques, dans laquelle a: chaque cellule reoit une srie complte
de chromosomes; b trois cellules obtiennent un ensemble complet; c: deux cellules, ou
(d) une cellule; ou (e) aucune des quatre cellules nobtient un ensemble complet. (daprs
Boveri).
33
Une preuve supplmentaire en faveur de lhypothse chromosomique se trouve
dans certains cas dhybrides entre des espces doursins. Les cas les plus analyss sont
ceux sur lesquels Baltzer a travaill. Des croisements ont t raliss entre quatre espces
doursins ; lun deux servira dexemple (Fig.39). Les ovules de Sphaerechinus ont t
fconds par le sperme du Strongylocentrotus. La division des chromosomes sest
droule de faon normale, la larve pluteus qui sest dveloppe avait un caractre
intermdiaire ; ou du moins montrait la fois des particularits de type paternel et de
type maternel.
Fig.39. 1 et 1a, chromosomes dans le premier fuseau mitotique normal de clivage de
Sphaerechinus ; 2, plaque quatoriale au stade de deux cellules du mme ; 3 et 3a,
fuseaux au stade deux cellules de luf dhybride de Sphaerechinus par
Strongylocentrotus ; 4 et 4a, les mmes, plaques quatoriales ; 5 et 5a, hybride de
Strongylocentrotus par Sphaerechinus fuseau mitotique la tlophase; 6, tape suivante
de cette dernire ; 7, mme tape, stade deux cellules ; 8, idem, plus tard ; 9, idem,
stade quatre cellules ; 10, les mmes, plaque quatoriale au stade de deux cellules (22
chromosomes); 11, les mme, un stade plus tardif, 24 chromosomes. (daprs Baltzer).
Le croisement rciproque a t fait en fcondant des ovules de Strongylocentrotus
avec le sperme de Sphaerechinus. Lors de la premire division de luf, certains des
chromosomes se divisent normalement, alors que dautres chromosomes restent inactifs
et finalement se retrouvent disperss dans la rgion situe entre les autres qui se sont 34
dirigs vers les ples. Lorsque la division est termine, les chromosomes retardataires se
retrouvent exclus des noyaux filles. Ils apparaissent de forme irrgulire et montrent des
signes de dgnrescence. Lors de la division suivante de luf, ils peuvent encore tre
visibles, mais ils disparaissent plus tard, et semblent ne pas prendre part au
dveloppement. La diffrence entre ce croisement et les autres semble directement
cause par les diffrences observes dans le comportement des chromosomes.
Un comptage des chromosomes dans les embryons hybrides montre environ vingt
et un chromosomes. Le noyau maternel en contient dix-huit. Il apparat que seuls trois des
chromosomes paternels ont jou un rle effectif dans le dveloppement, quinze dentre
eux devant avoir dgnr de la manire dcrite ci-dessus. Les embryons hybrides qui se
sont dvelopps taient souvent anormaux ; les rares qui se sont dvelopps jusquau
stade pluteus taient apparemment de caractre entirement maternel. Puisque le
croisement rciproque prouve que les caractres maternels ne sont pas dominants,
linterprtation la plus raisonnable est que, bien que le spermatozode tranger avait initi
le dveloppement, il a produit peu ou aucun effet sur le caractre des larves, et cette
absence deffet semblerait trs probablement d llimination de la plupart des
chromosomes paternels. Il pourrait ventuellement tre maintenu que le mme type
deffet produit par lovule de Strongylocentrotus sur les chromosomes de Sphaerechinus
est galement produit sur le protoplasme introduit par le spermatozode. Mais il ny a l,
la diffrence de ce qui se passe pour les chromosomes, aucune preuve dun
comportement cytoplasmique anormal qui pourrait expliquer leffet anormal observ.
Tennent a galement dcouvert que lorsque les oursins toxopneustes (femelle)
sont croiss des Hippono (mles), aucune perte de chromatine ne se produit, et les
larves sont principalement de type paternel, mais dans le croisement rciproque
(Hippono femelle par toxopneustes mle) une partie de la chromatine est limine et les
larves sont davantage proches du type maternel.
Certaines expriences de Herbst ont aussi une incidence importante sur la
question. Des ovules de Sphaerechinus ont t mis dans leau de mer dans laquelle on
avait ajout un peu dacide valrianique. Cest une des mthodes reconnues dinitiation
de dveloppement parthnogntique. Aprs cinq minutes, les ovules ont t retirs et
mis dans de leau de mer pure laquelle on a ajout du sperme de Strongylocentrotus.
Le sperme a fcond quelques-uns des ufs. Les ufs avaient dj commenc subir
certains des changements qui conduisent au dveloppement. Le spermatozode en
retard na pas russi suivre le rythme de la division, ce qui fait que les chromosomes
paternels nont pas atteint les ples de luf avant que les chromosomes de luf naient
rform leurs noyaux (fig.40). En consquence, les chromosomes paternels forment leur 35
propre noyau, qui vient se trouver dans une seule des cellules formes par la division de
luf. En consquence, une cellule avait un noyau maternel et lautre avait un double
noyau, paternel et maternel. Pendant le dveloppement ultrieur, le noyau paternel fut
incorpor au noyau maternel de la cellule. Plus tard, des embryons dcouverts dans le
milieu de culture, qui taient maternels dun ct et de lautre ct de caractre hybride,
provenaient selon toute probabilit de ces ufs demi-fconds. On doit rappeler que
Baltzer a montr que lorsque le croisement est fait dans ce sens, les chromosomes
paternels et maternels se comportent normalement chaque division. La conclusion la
plus plausible qui en rsulte est que labsence de caractres paternels sur un ct est due
labsence des chromosomes paternels sur ce ct.
Fig. 40.- 1, les chromosomes de lovule se trouvent lquateur du fuseau, les
chromosomes du spermatozode dun ct ; 2, un stade ultrieur montrant tous les
chromosomes paternels couchs sur un ct en passant un ple ; 3 ( droite), stade
ultrieur ; les conditions sont les mmes ; il y a galement un spermatozode
surnumraire dans luf (reprsent gauche, dans une autre section) ; 4, mmes
conditions que la prcdente; 5, larve pluteus qui est purement maternelle dun ct, et
hybride de lautre (daprs Herbst).
36
Lindividualit des chromosomes
Le point de vue selon lequel les chromosomes sont persistants, en tant que
structures individuelles, dans la cellule, a rgulirement gagn du terrain au cours des
vingt dernires annes. Le processus de division karyokinetique, ou mitotique, au moyen
de laquelle, chaque division cellulaire, les deux moitis drivant dun fractionnement
longitudinal de chaque chromosome sont transportes des ples opposs, de sorte
quune continuit gntique est maintenue entre chromosomes homologues (et parties
de chromosomes) entre les cellules-mres et filles, a t trouv tre presque universel la
fois chez les plantes et les animaux.
Il est vrai que plusieurs cas ont t dcrits dans lesquels le noyau se scinde
simplement en deux parties, et il existe peu de doute que de tels cas se produisent
effectivement; mais personne na t en mesure de dmontrer de manire convaincante
que les cellules qui se sont divises une fois de cette manire ne retournent jamais au
processus rgulier de la division mitotique. Cas aprs cas, les exemples de division non
mitotique qui a ont t dcrites pour les cellules germinales ont t rfuts, ou montrs
reposer sur des observations dfectueuses, ou encore se rapportent des cellules
comme celles de la couronne de lovule, qui ne participent pas de la ligne germinale.
Il existe plusieurs observations qui conduisent penser, ce qui est gnralement
reconnu lheure actuelle, que les chromosomes conservent leur individualit dune
division cellulaire lautre. Ces dernires peuvent maintenant tre donnes.
Pendant la phase de repos, les chromosomes se dlayent de faon telle quils
paraissent former un rseau continu dans le noyau. Ils ne peuvent pas tre identifis
individuellement au cours de cette priode. Lorsque les chromosomes deviennent de
nouveau visibles, en prparation de la division suivante, il a t dcouvert par Boveri,
chez lAscaris, qui est particulirement bien adapt pour ltude de ce point, que dans les
cellules surs la configuration des groupes de chromosomes est la mme (Fig.41). La
similitude des cellules surs serait prvisible, les chromosomes ayant conserv lors de la
phase de repos la mme forme, taille et position relative quils avaient la fin de la
dernire division.
37
Fig. 41. Quatre paires de cellules surs dAscaris, dans lesquelles les chromosomes
sont rapparus. Notez la similitude de leur disposition dans les cellules de chaque paire.
(Daprs Boveri.)
Aucune autre hypothse ne nous permet de comprendre facilement les similitudes
entre les cellules surs ; puisque dans dautres cellules de ces mmes embryons, qui
nont pas de cellules surs, on trouve une grande varit darrangements, et quil
nexiste pas deux arrangements qui soient aussi semblables que le sont ceux que lon
trouve dans les cellules qui se sont spares lune de lautre la dernire division. Dans
quelques cas, certains observateurs croient quils ont mme t en mesure de distinguer
les chromosomes pendant la priode de repos des cellules, mais ces observations
doivent tre considres avec une certaine prudence. Dans de nombreux animaux et
dans certaines plantes, les chromosomes sont de tailles et formes trs diffrentes, et la
plupart, voire la totalit dentre eux, peuvent tre identifis chaque division. On
constate que les relations entre leurs tailles relatives se maintiennent tout au long de
lintgralit des divisions des cellules. Bien que cette observation semble premire vue
dmontrer que les chromosomes sont des structures qui se perptuent elles-mmes en
prservant leur identit, il pourrait toutefois tre maintenu (en fait, il a t maintenu) que
chaque espce possde son propre cytoplasme particulier, partir duquel les
chromosomes, tant dun nombre et dun genre particulier, se cristallisent, pour ainsi dire,
de nouveau avant chaque division cellulaire. Cette conception nest toutefois pas
compatible avec lobservation suivante. Chez Metapodius, Wilson a dcouvert que les
individus peuvent diffrer au niveau dun chromosome particulier quil a appel le
chromosome m. Alors que les individus normaux ont une paire de chromosomes m, un
individu possdait trois m; mais toutes les cellules dun individu donn en possdent le
38
mme nombre. Ces chromosomes fournissent un fort soutien la continuit des
chromosomes; car quel que soit leur nombre dans un individu lors de la fcondation, ce
nombre de chromosomes est conserv travers toutes les gnrations ultrieures de
cellules. La mme chose est vraie, bien entendu, pour les chromosomes sexuels.
Une preuve corroborative est apporte par certains hybrides, o lvidence est
encore plus significative, parce que dans ces cas les chromosomes apports par le mle
sont, pour ainsi dire, dans un milieu tranger. Par exemple, Moenkhaus a, le premier,
soulign que lorsque le poisson Fundulus, dont les chromosomes sont distincts dans
lensemble de lindividu, est crois avec un autre poisson, Menidia, les deux sortes de
chromosomes prsents dans luf fcond peuvent facilement tre distingues lors des
divisions ultrieures. Des observations similaires ont t faites pour de nombreux autres
croisements (fig.42) par Morris, G. et P. Hertwig, Federley, Doncaster, Rosenberg, etc. En
dpit du fait que les chromosomes paternels sont dans un milieu tranger, ils conservent
leur taille caractristique, leur forme et leur nombre.
Fig.42 .a, Tlophase, division dune
cellule embryonnaire de Fundulus ;
b, tlophase, division dune cellule
embryonnaire de luf de Fundulus
f c o n d p a r l e s p e r m e d e
Ctenolabrus (daprs Morris).
Les embryons provenant de ces
ufs sont anormaux, et meurent
souvent , non pa rce que les
chromosomes sont limins, mais
parce que leur combinaison ne
fonctionne pas avec succs. Dautre part, dans les embryons hybrides (tudis par Herbst,
Baltzer, et Tennent), dans lesquels les chromosomes paternels sont limins, ils semblent
ne jamais rapparatre par la suite, alors que ceux qui ne sont pas limins rapparaissent
toujours la division suivante de la cellule. Dautres cas du mme genre sont connus.En
gnral, on peut dire que mme un jeu anormal de chromosomes, une fois constitu
dans une cellule, tend persister travers toutes les gnrations cellulaires suivantes.
Cette preuve indique que les chromosomes ne sont pas de simples produits du reste de
la cellule, mais sont des structures qui se perptuent elles-mmes.
39
Les chromosomes au cours de la maturation des cellules germinales
Le point le plus important concernant la maturation de lovule et du spermatozode
nest pas contest : le nombre observ de chromosomes est rduit de moiti. Il est
gnralement accept que cette rduction du nombre est due lunion des
chromosomes similaires en paires, chaque chromosome driv du pre se conjuguant
avec le chromosome homologue driv de la mre. Dans les cas o diffrents
chromosomes peuvent tre distingus par leur forme ou leur taille relative, les relations
entre ces paires correspondent exactement ce quelles devraient tre si elles se
comportaient comme des chromosomes conjugus.
Lorsque nous en venons considrer la faon dont cette union des chromosomes
est provoque, il existe de nombreuses divergences dopinions, car les donnes et leurs
interprtations sont fragmentaires ou contradictoires sur presque tous les points. La raison
de cette incertitude est claire : les tapes par lesquelles la rduction du nombre des
chromosomes a lieu sont extraordinairement difficiles interprter, car ce moment, les
chromosomes sont sous la forme de ce qui semble tre un enchevtrement dense de
longs fils. Lorsque cette tape est termine, et que les chromosomes sont nouveau
distinguables, le jumelage a t achev. Pour obtenir toute information de qualit, nous
devons alors faire appel au meilleur matriel disponible. Le modle adopter peut tre
disput, mais il est gnralement admis que quelques-uns se sont montrs suprieurs aux
autres. Le droulement de la maturation qui est suivie ici comporte elle-mme deux
variantes: une pour le mle et lautre pour la femelle. Ce sont des exemples slectionns,
il est vrai, mais ce sont ceux qui donnent, de lavis des auteurs, deux observations suivies,
parmi les plus compltes, de ces tapes. La slection nest certes pas sans prjugs, car
ces variantes peuvent tre utilises avec profit pour illustrer comment des crossing-over
peuvent se produire entre les membres dune paire de chromosomes homologues.
La salamandre Batracoseps attenuatus fournit un des meilleurs modles pour
ltude de la maturation des cellules germinales du mle. Le compte rendu qui suit est
tir de ltude labore et dtaille, par Janssens, de la spermatogense de Batracoseps.
la fin de la priode de multiplication (divisions des spermatogonies) le noyau
apparat comme indiqu fig.43a. Il passe ensuite (b) dans un tat ressemblant un stade
de repos. Plus tard, les chromosomes commencent merger sous la forme de longs fils
minces, comme indiqu en c, d, e. Dans le dernier schma (stade leptotne), les
extrmits des fils minces sont diriges vers un ple o certaines des extrmits peuvent
tre vues comme tant disposes en paires. Comme ils se runissent par paires, ces fils
40
minces semblent souvent tre troitement tordus lun autour de lautre, en commenant
par lextrmit o ils se sont tout dabord rapprochs lun de lautre.
Fig. 43.- Spermatogense de Batracoseps attenuatus. a, fin de tlophase de la division
des spermatogonies ; b, priode de repos aprs la dernire division des
spermatogonies; c, apparence des spirmes [chromatine filiforme]; d et e, stade ultrieur
de la dernire division des spermatogonies (bouquet grle); f, g, h, entortillement des fils
du leptotne lun autour de lautre (stade zygotne); i, stade zygotne (cellule entire); j,
stade pachytne (bouquet pachytne) ; k, sparation longitudinale des fils (stade
strepsinema); l, raccourcissement et paississement des chromosomes (daprs Janssens).
41
Les dtails de lunion des filaments sont prsents en outre en f, g, h. Comme ils
sunissent, ils se contractent jusqu ce quils soient sous la forme dun filament plus pais,
comme on le voit en i, o le processus de fusion a progress aussi loin que le milieu du
noyau. Plus tard (j) les filaments se soudent sur toute leur longueur (stade pachytne).
Encore plus tard, les filaments pais commencent montrer une fente longitudinale
(stade diplotne), et des connexions croises, unissant les moitis des filaments,
apparaissent des diffrents endroits. Les filaments spaississent jusqu atteindre
finalement le stade reprsent en k, qui, par une nouvelle contraction, devient ltat
reprsent en l, une tape prparatoire la premire division de maturation. Les
filaments de chaque paire, dans toutes les tapes de la dernire partie du stade
diplotne, sont bien tordus autour de lautre ; ils sont alors si pais quils montrent trs
clairement leur structure torsade.
Lovule subit une srie de modifications pendant sa maturation parallle celles du
spermatozode, et qui conduit galement la rduction de moiti du nombre de
chromosomes. Les ovules dun requin (Pristiurus melanostomus) ont t dcrits par
Marchal comme passant par les stades suivants. la fin de la priode de multiplication,
les ovules passent dans une phase de repos (Fig. 44, a) dans laquelle la chromatine
apparat comme un dlicat rticulum. Une tape ultrieure est reprsente en b, c,
lorsque les minces filaments spars commencent faire leur apparition, et suivent des
directions parallles, d (stade leptotne). Ces minces filaments prennent ensuite (e) la
forme de boucles avec leurs extrmits libres pointant vers un ple (stade en bouquet,
aussi appel priode de synapsis).
Fig. 44 (premire partie). Stades de croissance, synapsis, et rduction dans lovule de
Pristiurus melanostomus (daprs Marchal.) 42
Fig.44 (deuxime partie). Stades de croissance, synapsis, et rduction dans lovule de
Pristiurus melanostomus (daprs Marchal.)
leurs extrmits libres, des filaments apparaissent bientt se runissant en paires
(d et e). Chaque paire, par la fusion apparente de ses filaments, conduit la formation
dun fil pais prenant la forme dune boucle (f). De plus, la condensation et la sparation
des filaments conduisent ltat reprsent en g. Les doubles filaments pais montrent
ensuite une scission dans le sens de la longueur, les moitis tant souvent entortilles
lune autour de lautre (stade diplotne h). Les paires de filaments commencent
maintenant nouveau devenir plus longues et occuper plus de place lintrieur du
noyau, comme on le voit en i. Les ovules, quant eux, sont devenus plus grands, et le
vitellus apparat. Comme le noyau devient encore plus grand, gardant le rythme de
croissance de la cellule, les chromosomes commencent perdre leur capacit de
coloration. Malgr la difficult voir les chromosomes pendant toute la priode de repos,
43
Marchal a russi les suivre, tape par tape. Ses dessins des chromosomes donnent
limpression de lexistence dun noyau central ou dun filament persistant, comme
reprsent sur la fig.44 en i, j, et k. Des boucles dlicates et des filaments sont attachs
ce noyau et peuvent tre suivis au voisinage de chaque ct du chromosome. Au cours
de ces tapes, des sphres dun matriel prenant trs bien les colorants, les nucloles,
apparaissent dans le noyau. Enfin, les fils de chromatine commencent se condenser de
nouveau et prennent une fois de plus les colorants ; les chromosomes se trouvent
disposs en paires souvent torsades lune autour de lautre comme prcdemment,
comme on le voit en l. Ils passent dans cet tat sur le premier fuseau polaire, qui se
dveloppe dans lovule lorsque la membrane nuclaire se dcompose.
Fig.44 (complte). Stades de croissance, synapsis, et rduction dans lovule de Pristiurus
melanostomus (daprs Marchal.)
44
Fig.45. Schma illustrant les deux divisions rductionnelles des cellules spermatogoniales
: a, premier spermatocyte avec deux ttrades ; b et c, division de ces derniers ; d et f,
division de deux cellules de c; e et g, achvement de la seconde division.
Au moment o les doubles chromosomes du spermatozode et de lovule sont sur
le point de passer sur le premier fuseau de maturation, chaque moiti des doubles
chromosomes se divise par la longueur, de sorte que quatre brins parallles sont prsents
(fig. 45 et 46) ; un tel groupe de brins est connu comme tant une ttrade. Il est
habituellement soutenu, bien quil y ait certaines contestations, que la premire division
longitudinale qui se produit dans le filament pais (stade pachytne) se situe entre les
deux chromosomes qui avait staient prcdemment runis, une telle sparation des
membres dune paire de chromosomes tant connue comme une fraction rductionnelle.
La seconde division en longueur est cense sparer les moitis dun mme chromosome.
Elle est appele division quationelle.
45
Ces deux divisions sont prliminaires aux deux divisions de maturation qui se
droulent habituellement en succession rapide, sans tape de repos intermdiaire. Il est
donc de coutume de considrer la deuxime division en longueur comme une scission
prcoce des chromosomes prparatoire la deuxime division. Si la rduction du nombre
des chromosomes la moiti du nombre initial tait le seul objet des divisions
rductionnelles, une division serait suffisante pour sparer les deux chromosomes dune
paire qui staient unis, et on ne voit pas du tout pourquoi il devrait y avoir une seconde
division.
Les deux divisions de maturation avec formation de ttrades sont gnralement
illustres par les changements qui ont lieu lors de la spermatogense et de lovogense
de lAscaris, le ver filiforme du cheval, comme les travaux de Van Beneden, Brauer, O.
Hertwig et dautres lont montr. Dans un cas, quatre chromosomes apparaissent, qui
sont rduits deux; il y a donc seulement deux ttrades prsentes (fig.45, a). Lors de la
premire division, deux moitis de chaque filament se dirigent vers un ple et deux vers
lautre, comme en b et c. Lors de la seconde division, la sparation des deux filaments
restants a lieu, d et f. la fin du processus, il y a deux chromosomes restants dans
chacune des quatre cellules, e et g. Chaque cellule devient un spermatozode. Ici, comme
dans la plupart des cas, il ny a rien indiquant si la premire division est rductionnelle et
la seconde quationelle, ou linverse. Il existe de nombreuses divergences dopinions sur
ce point pour diffrentes espces. Le rsultat final, cependant, est le mme, pour autant
que le problme gntique soit concern, lordre de la squence tant ordinairement de
peu dimportance.
F i g . 4 6 . - s c h m a
montrant lextrusion
des deux globules
p o l a i r e s . D e u x
t t r a d e s s o n t
reprsentes en a. Les
d e u x d i v i s i o n s
successives b-c, d-e,
montrent la sparation
des membres des
ttrades avec pour
rsultat quune de
c h a q u e s o r t e e s t
laisse dans lovule. 46
Dans lovule (fig.46), le processus est identique celui se droulant dans dans le
futur spermatozode, lexception que lune des deux cellules formes est beaucoup plus
petite que lautre. La petite cellule est le globule polaire. Lors de la premire division le
noyau envoie la moiti de sa chromatine dans le premier globule polaire (fig.46, c). Sans
tape de repos, un nouveau fuseau est form autour des chromosomes dans lovule et un
second globule polaire est rejet, comme dans e. Le premier globule polaire peut aussi
se diviser. Les trois globules polaires et lovule, en f, sont comparables aux quatre
spermatozodes. Lensemble des quatre spermatozodes est fonctionnel, mais un seul
produit des deux divisions de lovule est fonctionnel. moins que la ttrade soit
spcifiquement oriente sur le fuseau polaire de luf, la probabilit est la mme que
nimporte lequel des quatre filaments qui constituent la ttrade puisse tre celui qui reste
dans luf.
Crossing-Over
Si les descriptions prcdentes de la maturation de lovule et du spermatozode
ont t acceptes comme couvrant la totalit du comportement des chromosomes au
cours de cette priode, il ny aurait aucune
possibilit pour un change entre les membres
dune paire. Mais il y a plusieurs tapes de la
maturation des cellules germinales o un change
entre les chromosomes homologues pourrait
ventuellement avoir lieu. Par exemple, lorsque les
filaments minces se rassemblent (fig.43, e, f, g, h -
ci-contre) plusieurs observateurs les ont dcrits
comme se tordant lun autour de lautre (torsion synaptique), comme reprsent sur ces
dessins.
Si, lendroit o les filaments se
croisent, une partie dun filament devient
continu avec le reste de lautre filament
(fig. 24 ci-contre schma dun crossing-over. Au niveau o se croisent les filaments noir
et blancs en A, ils fusionnent et sunissent comme
montr en D. Les dtails du crossing-over sont
montrs en B et C) un change de
morceaux aura t accompli. Si, comme 47
reprsent sur la Fig. 24 b, les chromosomes sont reprsents comme une srie linaire
de perles (chromomres), alors, lorsque les chromosomes conjugus se tordent lun
autour de lautre, des pans entiers dune chane viendront rester tantt dun ct, tantt
de lautre ct, dans le double chromosome. Si, lorsque les deux sries de perles
viennent de se sparer lune de lautre, tous les segments qui se trouvent sur le mme
ct ont tendance aller un ple, et tous ceux sur le ct oppos lautre ple, chaque
srie doit, afin de se sparer, se briser entre les perles au point de croisement. En outre,
tant donn que la partie essentielle du processus est que les perles homologues vont
des ples opposs, il en rsulte que la rupture entre les perles de deux chanes doit
toujours se produire des niveaux identiques. Il ne faut pas supposer quun crossing-over
se produise chaque nud, mais seulement quil puisse parfois avoir lieu. En fait, nos
travaux sur la drosophile montrent pour le chromosome sexuel, chez la femelle, quun
crossing-over a lieu dans environ la moiti des cellules, et quun double crossing-over est
un vnement plutt rare.
Il y a une phase ultrieure au cours de laquelle il serait possible que se produisent
des crossing-over. Aprs que les filaments minces se soient conjugus pour former les
filaments pais, et que ceux-ci se soient raccourcis et spars longitudinalement, quatre
brins sont prsents (fig.47). Si deux des brins fusionnent lendroit de leur recouvrement
(les morceaux dun brin sunissant bout bout avec les morceaux de lautre), un crossing-
over se produit. Cest ce mcanisme, en particulier, que Janssens a nomm chiasmatype.
Les observations de Janssens sur Batracoseps supportent ce genre de crossing-over, elles
le conduisent conclure, partir de la manire selon laquelle les brins se trouvent joints
au moment o ils se sparent, que lunion croise des filaments doit avoir eu lieu
pralablement.
Si un Crossing Over est suppos se produire entre deux filaments simples (fig.24)
lensemble des quatre gamtes qui rsultent finalement dune telle cellule seront des
gamtes ayant subi ce crossing-over. Dautre part, si le crossing-over se produit au moyen
dun chiasmatype (fig.47), alors deux seulement des quatre cellules en rsultant seront
des gamtes crossing-over, les deux autres tant les gamtes nayant pas subi cet
vnement *.
* Si, aprs que les filaments pais se soient diviss, un crossing-over impliquant les deux
brins de chaque chromosome devait se produire, au lieu dun seul brin comme dans le
chiasmatype, stricto sensu, les quatre gamtes qui en rsulteraient seraient des
gamtes ayant tous subis un crossing-over. 48
Fig.47. Quatre tapes dans un crossing-over, selon le mode "typique" des chiasmas de
Janssens. La tige blanche et la tige noire sont chacune divises sur toute leur longueur;
le crossing-over se produit seulement entre deux des quatre brins.
Si lon considrait uniquement le rsultat final, il ny aurait aucun moyen de dire si lun ou
lautre des procds ci-dessus a eu lieu ; bien que la formation dun nombre donn de
gamtes ayant subi un crossing-over implique seulement la moiti des cellules
concernes dans le cas du type avec filament unique, contrairement au cas impliquant un
double filament.
lheure actuelle, il semble prfrable de ne pas orienter la thorie du crossing-
over vers lune plutt que lautre de ces modalits; car que le processus ait lieu au stade
des filaments du leptotne, comme suggr plus haut, ou, comme lestime Janssens, un
stade ultrieur (strepsinme), le rsultat gntique est le mme. Ce que nous voulons
souligner est que, au cours des phases par lesquelles passent les chromosomes pendant
les stades de maturation, il existe une opportunit pour un change de morceaux entre
eux. La recherche en gntique montre trs clairement que ces changes ont lieu, ce qui
est illustr aux mieux dans le cas des chromosomes sexuels, dont lhistoire peut tre
suivie avec une certaine fiabilit dune gnration lautre.
Ce sur quoi nous voulons surtout insister et souligner est que la mise en vidence
de la liaison des gnes chez la drosophile a montr hors de tout doute que le crossing-
over nest pas un processus qui implique seulement un facteur particulier par rapport
son alllomorphe. Notre travail a montr positivement quil existe une tendance pour de
grandes sections des chromosomes schanger chaque fois quun crossing-over se
produit.
49
Une autre ide qui est susceptible dtre propose cet gard a galement t
rfute par les lments de preuve mis en vidence chez la drosophile. On peut supposer
qu un stade de repos les chromosomes sont morcels, et que les fragments se
runissent nouveau avant la prochaine priode de division. Les groupes de liaison entre
gnes seraient alors lis la probabilit des fragments restants intacts, etc. Mais si les
chromosomes se fragmentaient compltement en leurs lments constitutifs chaque
priode de repos, il ny aurait alors aucune explication quant la raison pour laquelle les
facteurs dun groupe restent ensemble dans des sections, comme expliqu la