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Mourret. Histoire générale de l'Église. 1921. Volume 7

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    HISTOIRE GNRALE DE L'GLISE

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    L'GLISE ET LA RVOLUTIOx\

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    HISTOIRE GNRALE DE L'GLISEPAR

    FERNAND MOURRETPROFESSEUR d'hISTOIRE AU SMINAIRE DE SAlKT-SCLPICK

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    1920Repruducticm et traduction interdites.

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    OCT 1 19415037

    Nihil obstai.Paritiii, die 19 octobrii 191V.

    A. Berhuk

    IMPRIMATUR PkrMir, die 23 octobris 1917.

    f Leo-Ad., Gard. Ametts,Arch. Paris.

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    2 l^TRODUCTIOlVConceptions H est certain que telles et telles dclarations des premiers chefs dede^ffiiupe ^^ Rvolution sur la libert individuelle, sur l'galit devant la loi,Biichez et de g^, jg fraternit des hommes, sur la justice dans l'application desJosephde iMaisire. peines, ne sont qn'un cho des vrits promulgues par l'Evangile,

    que le contre-pied de la morale qui prvalut aux temps du mondepaen *. Mais si l'on considre, dans l'uvre rvolutionnaire, laguerre faite l'Eglise et l'application des thories du Contrat social^on peut souscrire, dans une certaine mesure, la svre conclusionde Joseph de Maistre.

    Triple but de Au fond, la Rvolution est une uvre trs complexe, et Ton doit,j'eilort rvolu- , . ^ -i' j* .. . ,.tionnaire : pour la juger avec equite, y distmguer trois mouvements : un mou-

    vement de rforme politique, un mouvement de rnovation sociale etun mouvement de perscution anticatholique.

    10 La rforme Le mouvement de rforme politique, conu dans les limites des' vux exprims par les cahiers des tats gnraux, peut tre approuv

    dans ses grandes lignes. Le clerg des deux ordres l'a dfendu avecardeur, le roi Louis XVI l'a second sans arrire-pense 2, et l'undes reprsentants les plus autoriss de la monarchie traditionnelle,le comte de Ghambord, a pu convier le peuple de France reprendreavec lui u le mouvement national de la fin du xviii* sicle ^. n

    ao I arno- Le mouvement de rnovation sociale est malheureusement inspirvation sociale; .^^^ j^g principes errons de Jean-Jacques Rousseau. Il n'est plus

    gure besoin aujourd'hui d'en montrer la fausset. L'exprience a faitbonne justice de ces utopies. Les ides de perfection originelle, d'ga-lit absolue et de contrat social ont d cder devant les ides plussaines de corruption native, de hirarchie ncessaire et de tradition.

    5" La perscu- Quant au mouvement de perscution anticatholique qui, decathohqu. ^7^9^ ^799' ^^ Mirabeau Robespierre et de Robespierre Bar-

    ras, ne fait que s'avancer vers une impit plus radicale et plus seo- taire, on ne saurait le condamner avec trop de svrit.

    1. Sur ce point, voir abb GoDi^no, les Principes de 89 et la doctrine catholique,dition corrige de i863.

    2. Cf. Godefroid Kurth, VEglise aux tournants de l'histoire, leon Vie, i vol in-13, Bruxelles, igoo, p i34-

    3. Nous reprendrons, en lui restituant son caractre vritable, le mouvementnational de la fin du dernier sicle. Comte de Chambord, Proclamation du 5 juillet1871.

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    INTRODUCTIONC'est le raconter que sera principalemeiit consacr ce vo-

    lume.Ce qui aggrave le caractre de ce dernier mouvement, c'est que,

    non content de se dvelopper paralllement aux deux autres, il lesenvahit progressivement et les pntre de son esprit. Peu peu, il endevient l'me inspiratrice. Les formules de la Dclaration desdroits de l'homme susceptibles d'tre entendues et acceptes dans unsens chrtien sont interprtes et appliques dans le sens des philo-sophes incrdules du xviii^ sicle. Ds lors, les rformes politiqueselles-mmes chouent lamentablement : la raction contre l'absolu-tisme des rois de l'ancien rgime n'aboutit qu'au despotisme de laConvention et la corruption du Directoire ; l'aristocratie de lavieille noblesse ne fait que cder la place l'oligarchie des ido-logues, et le clerg de cour, jadis trop dpendant du roi, ne dispa-rat que pour laisser libre carrire un clerg constitutionnel, servi-lement soumis au gouvernement nouveau. Bref et c'est l peut-tre le fond de l'erreur rvolutionnaire la vieille religion d'Etatse survit en quelque sorte sous la forme d'un culte officiel, nonmoins strictement impos tous : c'est le culte de la Rvolution,dont les u immortels principes sont regards comme sacrs, dontles lois sont intangibles, dont les hros sont jugs dignes de l'apo-those, dont les violateurs sont coupables de lse-majest et de lse-justice. Car c'est peu de dire que la Rvolution a cr une nouvellereligion d'Etat ; elle devient elle-mme l'objet d'une nouvelle reli-gion, destine supplanter l'ancienne ; et l'Etat est conu, enquelque sorte, comme une contre-Eglise ^

    Humainement, dans de telles conjonctures, le christianisme pa-rat devoir succomber, et le triomphe de la Rvolution semble dfi-nitif. C'est cependant le contraire qui arrive. Un crivain, q\n asouvent les allures d'un prophte, et qui en a parfois les intuitions,crit, en 1796, ces paroles : a Soyez bien attentifs, vous tous quel'histoire n'a point assez instruits. Vous disiez que le sceptre soute-nait la tiare ; eh bien, il n'y a plus de sceptre, il est bris. Vous ne

    Le caractreanticatholiquede la li(volu-tion pntrepeu peu

    touteson uvre.

    La religionde la

    Rvolution.

    Echecde l'uvre

    rvo-lutionnaire.

    Prdictionsde Josephde Maistre.

    I. On a pu constater des rsultats analogues dam le mouvemont do la Rformeprotestante. Cf. Hist. gn. de l'Eglise, t. V, p. a.dax

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    INTRODUCTION

    La Franceprend la tted'un mou-vement

    de rnovationcatholique.

    saviez pas jusqu' quel point l'influence d'un sacerdoce riche etpuissant pouvait soutenir les dogmes qu'il prchait. Il n'y a plusde prtres ; ou, du moins, ceux qui ont chapp la guillotine et la dportation, reoivent aujourd'hui l'aumne qu'ils donnaient.Vous craigniez la force de la coutume, l'ascendant de l'autorit. Iln'y a plus de coutumes, il n'y a plus de matres ; l'esprit de chaquehomme est lui. Vous n'avez plus rien craindre de l'enchante-ment des yeux : un appareil pompeux n'en impose plus auxhommes ; les temples sont ferms... Le philosophisme n'a doncplus de plaintes faire ; toutes les chances sont en sa faveur...Mais si le christianisme sort de cette preuve terrible plus pur et plusvigoureux ; si Hercule chrtien, fort de sa seule force, soulve lefils de la terre et l'touff dans ses bras, patuit DeuSy c'est queDieu est l M Le clerg de France ne doit donc pas s'endormir ;il a mille raisons de croire qu'il est appel une grande mission ;et les mmes conjectures qui lui laissent apercevoir pour quoi il asouffert, lui permettent aussi de se croire destin une uvreessentielle ^.

    Quinze ans plus tard, la prdiction se ralise pleinement. A l'auroredu sicle nouveau, le clerg de France, pur par la pauvret, grandipar h perscution, fait retentir partout ses temples du joyeux all-luia de Pques ; le concordat franais devient le modle sur lequelles principales nations rglent les conditions de leur vie religieuse ;le Gnie du christianisme, traduit en toutes les langues, porte par-tout l'cho d'une renaissance catholique ; et c'est encore la Francequi va donner l'apostolat lointain les plus intrpides de ses ou-vriers et les plus abondantes de ses ressources, par la restaurationdes Missions trangres et par la cration de l'uvre de la Propaga-tion de la foi.

    1. Joseph DE M.usTRB, Considrations sur la France, ch. v, in Jine,2. Id , ibid , ch. ii.

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    NOTICE RTBTJOGR AFRIQUESUR LES PRINCIPAUX DOCUMENTS ET OUVRAGES CONSULTS,

    I. Une bibliographie complte de l'histoire religieuse de 1775 1823 exigerait plusieurs volumes. Un essai, limit aux sources del'histoire de la Rvolution, a t publi par Maurice Tourneux, sousce titre : les Sources bibliographiques de l'histoire de la Rvolutionfranaise, Paris, Picard, 1898. Le mme auteur a publi, en quatrevolumes in-4*, en 1890-189/^. une Bibliographie de l'histoire deParis pendant la Rvolution franaise. M. P. Lagombe, bornant sontude l'histoire religieuse, avait dj donn, en i884, en un volumein 8", VEssai d'une bibliographie des ouvrages relatifs l'histoirereligieuse de Paris pendant la Rvolution. M. Pierre Caron a publiun Manuel pratique pour l'tude de la Rvolution franaise^ un vol.in-8", Paris, Picard, 1913.

    II. Pour le prsent ouvrage, on a surtout consult lesbullairesde Pie YI et de Pie VII, dits par Barberi, Hullarii niaqni conti-nuation in folio, Rome, i835-i857 ; la collection du Moniteur et duBulletin des lois, et, parmi les publications priodiques, le Journalecclsiastique, de l'abb Barruel ; les Annales catholiques, de l'abbde Boulogne ; les Nouvelles ecclsiastiques, qui donnent l'interprta-tion jansniste ; les Annales de la religion, organe de l'Eglise constitu-tionnelle ; les Rvolutions de Paris, crites dans un sens rvolution-naire ; les Actes des Aptres, rdigs sous une inspiration royaliste,et, pour la priode qui commence en 181 4 VA mi de la religion,dirig par l'rudit Michel Picot.

    Les publications deTnEiNER, Documents indits relatifs aux affairesde France de 1790 iSOO ; do Giobbio, la Chiesa et lo Statu inFrancia durante la Rivoluzione^ et deRosKOVANT, Monumenta catholica

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEpro independentapotestatis ecclesiastic, deux volumes in-8, QunqueEcclesiis (Pecs), 18/^7, sont de prcieux recueils de documents offi-ciels; ils sqnt utilement complts par les A/^mo/re5 de Picot, deJAUF-FRET, de Pagga, de Consalvi, de Salamon, de Basto>, de Talley-RAND, de Maury, de Grgoire, de Chateaubriaihd et de Metternich*.

    III. Sur le dclin de l'ancien rgime, les principaux ouvrages sontceux de Togqueville, l'Ancien rgime et la Rvolution, 4* dition, Paris,1860 ; de RocQUAiN, VEsprit rvolutionnaire avant la Rvolution; deRoLSTAN, les Philosophes et la socit franaise au XVIIt sicle^1" dit., Paris, 1911 ; de Deschamps, les Socits secrtes et la socit;de Barruel, Mmoires pour se4Dir l'histoire du jacobinisme ; deTaine, VAncien rgime, ainsi que les premiers volumes de G. Goyau,sur l'Allemagne religieuse, ei le tome P"" d'Albert Sorel, sur l'Europeet (a Rvolution franaise.

    IV. Sur la Rvolution proprement dite, le grand ouvrage deTaine, sur les Origines de la France contemporaine, complt parl'important ouvrage d'Mbert Sorel, sur l'Europe et la Rvolution,Paris, 1887 et suiv., reste, malgr des lacunes releves et l, legrand travail de fonds. La brillante tude de M. Madelin sur la Rvo-lution, un volume in-8, Paris, 1911, fait une heureuse synthse deces deux ouvrages, en utilisant les dcouvertes les plus rcentes. Pource qui concerne plus spcialement l'histoire religieuse, on consulterale chanoine Gendry, Pie VI, sa vie et son pontificat, deux volumesin-8", Paris, 1907, crits d'aprs les documents d'archives conservsau Vatican ; l'abb Sigard, l'Ancien clerg de France, nouvelle di-tion refondue, en trois volumes, Paris, Gabalda, 191 2, et Pierrede la Gorge, dont VHistoire religieuse de la Rvolution est en coursde publication. Les quatre volumes de M. l'abb Pisani, l'Eglise deParis et la Rvolution, donnent plus que- ne promet le titre, ren-seignent sur l'histoire gnrale de la Rvolution et la poursuiventjusqu'au concordat de 1801 inclusivement. Le livre de M. Grente,sur le Culte catholique Paris, de la Terreur au Concordat, Paris,1908, et le Rpertoire biographique de l'piscopat constitutionnel, deM. Pisani, Paris, 1907, ont renouvel Thistoire sur plusieurs points

    I. Les rfrences prcises aux ditions de ces divers mmoires sont donnes danle cours du prsent volume.

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 7par la publication de nombreuses pices d'archives ou documentsparticuliers indits. Les Eludes sur l'histoire reliyiease de la Rvo-lution, par M. Gazieu, mritent aussi cet loge.

    Parmi les monographies, celles de M. Frdric Masso?} sur le Car-dinal de Bernis, Paris, i88/|, et sur les Diplomates de la Rvolution,Paris, 1882, doivent tre cites cause de leur porte sur l'histoiregnrale.

    Le lecteur s'apercevra que l'on a lu et, plus d'une fois, utilis lespublications d'crivains indiffrents ou mme hostiles aux croyancescathoUqucs, tels que M. Malhiez et M. Debidour. L'importantetude de M. Mathiez sur la Thophilanthropie et les cultes dcadaires,un vohime in-8'% Paris, iQo/j, son ouvrage sut Rome et le clergfranais sous la Constituante, Paris, 191 1, et les Procs-verbaux duDirectoire, que pul)Iie M^ DEBiDOua, sont des livres qu'on ne peutse passer de consulter.

    V, Sur le rgime de la Terreur, l'ouvrage le plus importantest sans contredit l'Histoire de la Terreur, par Mortimer-Ternaux,huit volumes in-8, Paris, i863-i88i. On lira aussi avec intrt etavec fruit : Guillon, les Martyrs de la foi ; quatre volumes in-8,Paris, 1820-1824 ; Garon, les Confesseurs de la foi; Gracier deCassagnac, Histoire des massacres de septembre, Paris, 1860 ;Alexandre Sorel, le Couvent des Carmes, un volume in-12, 2* dition,Paris, i8C/i ; Dom Leglergq, les Martyrs de la Rvolution, un vo-lume in 8, Paris, 191 1 ; Barruel, Histoire du clerg pendant laRvolution, deux volumes in-ia, Londres, 1794 ; Meilloc, lesSerments pendant la Rvolution, un volume in-12, Paris, 1904;*Manseau, les Prtres et Religieuses dports dans la Clmrente-Infrieure, deux volunaes in-8", i886 ; Ludovic Sgiout, Histoirede la Constitution civile du clerg, quatre volumes in-S", Paris,1872-1881 ; A. -G. Sabati, p. s. s., tes Martyrs du clerg, un volin-8'\ Paris, 19 13.

    VI. Sur les guerres de Vende et de Bretagne, TouATage dfi-nitif parait tre l'Histoire de la guerre de Vende, par l'abb Dexiau,six volumes in 8", Paris, 1901-1912. DucHE^nx-DEscEPEAux, dansses Souvenirs de la chouannerie, Laval, 1862, se borne l'histoirede la Bretagne. Eugne Veuillot embrasse la fois la BVotagne etla Vende dans son livre les Guerres de la Vende et de h Bretagne^un volume in-12, 3' dition, Paris, 1868. Le R, P, Drochon a

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    8 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEdonn, en cinq volumes illustrs, une rdition de Crtitveau-Jolt,Histoire de la Vende militaire. Une nouvelle dition des Mmoirede M""'' de Laroche]acquelein a t publie en 1889.

    Divers ouvrages de Leisotre, surtout les Massacres de septembre,Paris, 1907, et les Noyades de Nantes, Paris, 1912, apportent denouvelles prcisions aux drames de la Terreur et en donnent desrcits pleins d'intrt.

    VIL Le volume de M. Victor Pierre, la Terreur sous le Direc-toire, un volume in-8", Paris, 1887, a renouvel l'histoire religieusede cette priode, en ce qui concerne la perscution du clerg catho-lique ; M. Mathiez, dans les Origines des cultes rvolutionnaires, etdans la Thophilanthropie et les cultes dcadaires, a rvl des aspectsinconnus dans l'histoire des cultes inaugurs pendant ce temps ; etM. Albert Dufourcq a jet un jour nouveau sur le Rgime jacobinen Italie, dans un volume publi en 1900 sous ce titre. Sous uneforme de vulgarisation plus adapte au grand public, M. l'abb Si-card avait dj montr, en 1896, les Rvolutionnaires du DirectoireA la recherche d'une religion civile,

    VITL L'histoire religieuse du Consulat et de l'Empire a traconte par la plume loquente de M. le comte d'Haussonville,dans l'glise romaine et le premier Empire, cinq volumes in-S",2" dition, Paris, 1869 ; elle a t reprise avec |>lus de prcision parM. Welschinger, en 1906, dans le Pape et l'Empereur . Des tudesplus spciales ont t donnes, en 1887, par M. Chotard, sur le PapePie VII Savone ; en i88(j, par M. Welschinger, sur le Divorce deNapolon; en 189^, par le P. Drochon, sur la Petite-glise; en1895, par M. DE Grandmaison, sur les Cardinaux noirs ; de 1906 191 1, par M. DE Lanzac de Labore, dans sept volumes consacrs Paris sous Napolon, dont l'un est tout entier consacr la Reli-gion.

    Le Concordat de 1801 a fait l'objet de nombreux travaux. De1886 1897, M. Boult de la Meurthe, a publi cinq volumesin-8" de Documents sur la ngociation du Concordat. Le P. Theiner,ddins sou Histoire des deux Concordats, deux volumes, Paris, 1869,et le cardinal Mathieu, dans son livre le Concordat de ISOi . Paris,igo'i, ont fait de cette ngociation des rcits prcis et attachants.

    \JHistoire du Pape Pie VII, par Artaud de Mo.xtor, a la valeur

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    NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE 9d'un tmoignage direct pour bien des vnements, cause de la partqu'y a prise l'auteur lui-mme, trois volumes, in-12, 3" dition,1839.

    IX. Sur l'histoire des protestants, des juifs et des francs-maons,on a eu recours, en dehors des pices officielles, l'ouvrage deG. DE Flice, Histoire des Protestants de France, un volume in-S",8" dition, Toulouse, 1895 ; ceux de M. l'abb Joseph Lmann,VEntre des Isralites dans la socit franaise, un volume in-S",5" dition, 1886; la Prpondrance juive, deux volumes in-8'', 1891,et Napolon P" et les Isralites ; l'tude de Thodore Reinach, His-toire des Isralites depuis la dispersion, un volume in- 12, Paris,188/1, et VHistoire des trois grandes Loges, par Rebold, un volumein-8", Paris, i864.

    La Correspondance de Napolon I", publie de i858 1869, ^82 volumes, a permis de contrler sur des pices authentiques beau-coup d'asserlions mises par les historiens.

    Parmi les biographies utiles consulter, il convient de mention-ner les Souvenirs sur les quatre derniers Papes, par le cardinalWiseman, trad. Gmare, un volume in-8", Bruxelles, 1808 ; lesbiographies de Monsieur Emery, par Gosselin, deux volumes in^"*,Paris, 1861, et par Mrc, deux volumes in-12, Paris, i885 ; deMaury, par Ricard, Lille, 1891 ; de Fesch, par Lyonnet, deuxvolumes, Paris, 18/11 ; de Gohel, par Gautherot, Paris, 1911 ; deTalleyrand, par Bernard de Lacombe, Paris, i9io; des Carmlitesde Compigne, par Victor Pierre, Paris, 1906 ; des Religieusesguillotines Orange, par l'abb Redon, Avignon, 1904 ; de Savine,par BoissiN, Toulouse, 1889.

    Sur les personnages ecclsiastiques, morts de i8i4 1859, ontrouve, dans les i83 volumes de VAmi de la Religion, des noticestrc'S (jrcieuses.

    X. Les tudes de G. Goyau, sur VAllemagne religieuse; deP. Thlrkau-Dangin, sur la Renaissance catholique en Angleterre ; deVictor GiRAUD, sur Chateaubriand ; de l'abb Boutard et de l'abbDudon, s\ir Laniennais'^V Histoire de Cent Ans (1700-1850) de CsarCantu, le liM*e de Mgr Baunaud, sur Un sicle de l'Eglise de France ;la publication collective faite chez Oudin, par M\L de Vogii, Briine-tire, Lamy, etc., sous ce titre .'Un sicle, mouvement du monde de

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    10 NOTICE BIBLIOGRAPHIQUEiSOO 1900; enfin les uvres de Chateaubriand, de Joseph deMaistre et de Louis de Bonald, ont fourni les principaux lmentsde l'esquisse cpii a t tente sur la restauration religieuse au com-mencement du XIX sicle en Europe. Les ouvrages de M. Launay,sur la Socit des Missions tranrjres ; du P. Piolet, sur les Missionscatholiques franaises au XIX'^ sicle, et de M. Louvet, sur les Mis-sions catholiques au XIX* sicle, ont t la base de l'tude sur lesMissions trangres.

    On trouvera, au bas des pages, la citation d'un grand nombred'autres ouvrages, moins importants ou plus spciaux.

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    HISTOIRE GNRALE DE L'GLISE

    PREMIRE PARTIELe Dclin de rAncien Rgime.

    La Rvolution protestante s'tait accomplie grce aux malentenduscrs par le besoin rel d'une rforme religieuse ; la Rvolutionfranaise se ralisa grce aux quivoques produites par la ncessitd'une rforme politique et sociale. Mais, ni les hommes d'Etat,gagns aux ides nouvelles, ou illusionns sur leurs dangers, ni leshommes d'Eglise, trop longtemps absorbs par des luttes intestines,trop souvent influencs par les doctrines qu'ils avaient combattre,ne sucent prendre en temps opportun la tte du mouvement rforma-teur. Ce mouvement se fil dans un esprit antichrtien et rvolution-naire, sous la direction d'une philosophie rationaliste. Une histoirede la Rvolution ne sera donc comi)!te que par l'tude prliminairede la crise politique et de la crise intellectuelle qui Tont prpare.

    CHAPITRE PREMIERLA CRISE POLITIQUE ET SOCIALE.

    Trois faits de politique europenne, un grand vnement de poli- Principauxlique mondiale et deux modifications profondes dans l'organisation caractresintrieure des socits, particulirement de la socit franaise,caractrisent cette crise.

    de celte crise.

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    13 HISTOIRE GNUALt DE L jluUSB

    Par la guerrede la

    Successiond'Autriche et

    le partagede la Pologne,

    les Etatseuropensabdiquent

    les maximesdu vieux droitpublic.

    Par l'expulsiondes jsuites,les princesmarquent leurintention

    de s'ingrerdanslx'sairaircsecclsiastiquesPar l'enthou-siasme aveclequel elleaccueille

    l'mancipationde l'Amriquedu Nord,l'opinion pu-

    bliquemanifeste

    sa svmpatliiepour les idesdmocra-tiques.

    Par son espritd'impatienceet de sourde

    La guerre de la Succession d'Autriche, le partage de la Pologne etl'expulsion des jsuites sont des faits dont la responsabilit retombesur les grandes cours de l'Europe. Or ces trois faits manifestaientune abdication du vieux droit public traditionnel, le peu de respectque l'on avait pour les engagements donns, le ca^ que l'on faisaitdes souverainets tablies, en particulier de la souverainet spiri-tuelle du Pape. La guerre de la Succession d'Autriche avait montr,suivant l'expression d'Albert Sorel, que la force des Etats pouvaitprimer les droits des souverains, et le partage de la Pologne, que(( la force des souverains pouvait primer les droits des Etats * .Par l'expulsion des jsuites, uvre concerte et mrie dans lescours bourboniennes, la socit civile avait marqu son parti pris des'ingrer dans l'organisation de TEglise et d'en rgler l'activit de sapropre initiative.

    D'autre part, Tenthousiasme suscit parla guerre d'mancipationde l'Amrique du Nord excitait les esprits. La Dclaration d'indpen-dance signe en 1776 par les Etats amricains s'appuyait sur l'galitcivile et politique des citoyens, les droits inalinables de l'homme etla souverainet du peuple. Nous regardons comme incontestables,disait le prambule, les vrits suivantes : que tous les hommes ontt crs gaux, qu'ils ont t dous par le Crateur de certainsdroits inalinables, que toutes les fois qu'une forme de gouverne-ment quelconque devient destructive des fruits pour lesquels elle at tablie, le peuple a le droit de la changer et de l'abolir. Le1 1 juin j 780, l'Assemble du clerg, sollicite d'accorder un subsideau gouvernement l'occasion de la guerre d'Amrique, vota gn-reusement un don gratuit de trente millions, sans discuter aucune-ment sur le caractre particulier de la guerre entreprise ^.

    Ces vnements de politique extrieure concidaient avec une crisedes institutions intrieures dans les nations europennes, et en parti-

    I. Albert SoREi., l'Europe et la Rvolution franaise, t. I, p, 89. On dit, Sire,crivait Voltaire Frdric II, que c'est vous qui avez imagin le partage de laPologne, cl je le crois parce qu'il y a l du gnie. Lettre du 19 novembre1772.

    a. Picot, Mmoires. 3 dition, i855, t. V, p. i3i-i34.

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    LE DECLIN DE L ANCIEN REGIME lOculier dans la France. Un esprit d'impatience l'gard des droitsfodaux, une sourde rvolte l'gard de l'absolutisme royal, taientles principaux indices de cette crise.

    Dans presque aucune partie de l'Allemagne, la fin duxviii" sicle, dit Alexis de Tocqueville, le servage n'tait encore com-pltement aboli, et, dans la plupart, le peuple demeurait positive-ment attach la glbe, comme au moyen ge. Presque tous lessoldats qui composaient les armes de Frdric II et de Marie-Thrse avaient t de vritables serfs * . L'Angleterre tait admi-nistre aussi bien que gouverne par les principaux propritaires dusol.

    Or, tant que les peuples avaient vu la noblesse assurer l'ordrepublic, rendre la justice, faire excuter les lois, venir au secours desfaibles, ils avaient support sans trop d'impatience, peu prs commele public d'aujourd'hui supporte son gouvernement, les droits sou-vent onreux, les privilges parfois gnants de l'aristocratie territo-riale. Mais mesure que celle-ci avait cess de rendre les servicesqui correspondaient ses droits, son autorit devenait plus lourde.

    Son poids se faisait particulirement sentir en France. Le ser-vage, il est vrai, y avait peu prs disparu ; il ne subsistait gureque dans une ou deux provinces de l'Est. Presque partout le paysann'avait pas seulement cess d'tre serf, il tait devenu propritairefoncier. Mais cette situation lui rendait prcisment plus insuppor-table la permanence des droits fodaux qui pesaient sur lui, et quitaient perus par des intendants sans piti, au profit d'une noblessevivant largement la cour. Dans un chapitre clbre des Origines dela France contemporaine, Taine a parl de ces chevaux de race,qui avaient double et triple ration pour tre oisifs et ne rien fairequ' demi, tandis que les chevaux de trait faisaient le plein serviceavec une demi-ration qui leur manquait souvent*. En un langage

    1. A.. DE Tocqueville, VAncien rgime et la Rvolution, 4 dilion, 1860, p. 53-54.2. Taine, l'Ancien rgime, t. I, 1. I, ch. iv, dil. in-i3, p. 100. Vers le milieudu xvnie sicle, dit Taine, si, dans le budget matriel et moral, on avait fait deuxtotaux, l'un pour le passif, l'autre pour l'actif, on aurait pu calculer que plus unhomme fournissait dans l'apport, moins il touchait dans le dividende. Les privationsdu grand nombre dfrayaient la surabondance du petit nombre, et cela daas tous

    les compartiments, grce aux prfrences etectivet qui avantageaient les nobles decour aux dj)ens des nobles de province, la noblesse aux dpens des roturiers, lesvilles aux dpens des campagnes, et, en gnral, les forts aux dpens des faibles.Cette disproportion scandaleuse, la fin, avait choqu tout le monde ; car presquetout le monde en soutrrait. Tmixe, le Rgime moderne, II, 8o-8a.

    rvolte l'gard desdroits fodaux,

    le peupleindique sondsir d'une

    rforme socialeprofonde.Les droit-fodaux

    en Allemaget en

    Angleterre.

    En France.

    Disproportionrvoltante

    entre les pri-vilges deshautes classes

    et les servicesqu'ellesrendent.

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    i4 HISTOIRE GNRALE DE l'GUSE

    Abus del'absolutisme

    roval.

    Siippressiondes assemblesprovincialeset des talsgnraux.

    moins mtaphorique, Alexis do Tocqucville a dpeint le paysanfranais d^ la fin du xviij" sicle, petit propritaire foncier, passion-nment pris de cette terre qu'il a achete de ses pargnes, et ren-contrant partout le privilge de son puissant voisin qui le gne etqui l'entrave. Pour acqurir son bien, il lui a fallu payer un droit,non pas au gouvernement, mais un grand propritaire voisin, aussitranger que lui l'administration publique. Ce mme voisin, tanttl'arrache la culture de son champ pour lui demander un serviceSiins salaire, tantt l'attend au passage d'une rivire pour luidemander un droit de page. Il le xCtrouve au march, o il luivend le droit de vendre ses propres denres ; et quand, rentr aulogis, il veut employer son usage le reste de son bl, il ne peut lefaire qu'aprs l'avoir envoy moudre dans le moulin et cuire dans lefour de cet homme *. )) La fodalit avait t une de nos plus grandeset de nos plus bienfaisantes institutions nationales ^. En cessant deremplir le rle social pour lequel elle avait t tablie, elle taitdevenue le plus grave des dangers.

    Tl en tait de mme de l'absolutisme royal. Rendu invitable parla ncessit de comprimer les factions des grands seigneurs et d'as-surer l'unit nationale, tout aussi populaire son origine quel'avaient t les institutions fodales, le pouvoir absolu des rois taitdevenu une seconde cause de malaise politique et social. Ces institu-tions municipales, qui, du xiii* au xvi*" sicle, avaient fait, de tantd^ villes d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre, de petites rpubliquesriches et claii-es, des cits puissantes et libres, n'existaient plusqu'en apparence. L'activit, l'nergie, le patriotisme communal, lesvertus mles et fcondes qu'elles avaient inspires, taient peu prsdisparus. Ces assembles provinciales, ces tats gnraux, o lalibre initiative et le franc parler des gens de France s'taient jadis silargement dploys, taient abolis ou ne survivaient que de nom. Sansdoute, il serait injuste de confondre l'absolutisme d'un Philippe Vd*Espagne, d'une Marie-Thrse d'Autriche, ou mme d'unLouis XIV et d'un Louis XV avec celui d'un potentat oriental oud'un empereur de la dcadence romaine, u II y a trois sortes de lois,disait le jurisconsulte Loyseau, qui bornent la puissance du souve-rain, savoir : les lois de Dieu, les rgles de justice naturelle, et fina-

    I. A. DE ToCQUEVILLE, loc. Cit., p. 86-87.a. Voir Histoire gnrale de VEglise, t. 111, p. 869.

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    LE Dir:CLI?J DE L'ATfClEN B^GIME l5(ement les lois fondamentales de l'Etat, parce que le prince doit userde la souverainet selon sa propre nature et aux conditions qu'elle esttablie ^. C'est autre chose, observe Bossuet, que le gouverne-ment soit absolu, autre cliQse qu'il soit arbitraire. H y a des lois dansles empires contre lesquelles tout ce qui se fait est nul de droit, et ily a toujours ouverture revenir contre-. Et, en un sens, suivant lapropre remarque de Michelet, la royaut de Louis XIV, par sesgloires incontestables, montra le plus parfait accord du peuple enun homme qui se soit trouv jamais ^ . Mais le prestige mme deces gloires crait un pril. Qui considrera, dit La Bruyre, quele visage du prince fait toute la flicit du courtisan, comprendra unpeu comment voir Dieu peut faire tout le bonheur des saints. Cesdieux terrestres n'taient en ralit, suivant les mots fameux deBossuet, que des dieux de chair et de sang, de boue et de pous-sire. Trop souvent, au lieu de gouverner pour la nation seule, ilsgouvernrent pour eux-mmes, a Aprs avoir renvers tous les ancienscontreforts politiques de l'Etat pour assurer eux seuls tout le poidsdu gouvernement, dit un historien rcent, reprenant une mtaphored'Albert Sorel, ils rendirent la royaut semblable une catlidralegothique o l'on aurait pouss jusqu'au paradoxe la hauteur duvaisseau et l'ouverture des ogives. Il fallait qu'ils gouvernassent avecle maximum de prvoyance, d'ordre et de mesure, sous peine de voirl'difice chanceler sur sa base... Caria nation avait abdiqu ses droits,non ses jugements... Les successeurs de Louis XIV furent-ils la Lessuccessenrshauteur de leurs devoirs ? Nous croyons que l'historien ne peut en ^ao-CTavcntconscience rpondre oui. Le pouvoir central devint trop souvent la ces abus,proie des intrigues de courtisans et de favorites ; il perdit de sa sta-bilit et de son prestige. Le gouvernement resta absolu, mais sonaction tomba dans l'incohrence. La France ne sentit plus sa tteun monarque qui la guidt srement dans le chemin glorieux de sesdestines, et bientt, au sein de la nation dj trop centralise, unesorte de corruption se manifesta comme dans un fruit trop mr.L'me commune dfaillant dans la personne du roi, chacun regrettal'indpendance jadis sacrifie, le peuple s'habitua mpriser seschefs, et l'anarchie tendit clater dans la centralisation K

    I. LoTSEAU, M(hnoires, t. IV, p, i4i.a. Bossuet, Politique tire de VEcriture sainte, 1. VHI, art. I, i' proposition.3. Michelet, Prcis d'Histoire moderne, 5e dition, Paris, i835, p. aS.A. G, G.\LTHBROT, Confrence sur les origines de la Rvolution, dition dactylogra-phie, ae confrence, p. ia-i3.

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    i6 HISTOIRE GNRALE DE L*GLISEDe toutes ces disproportions, de toutes ces inadaptations, de tous

    ces prils, la nation entire souffrait, (( non seulement le paysan, l'ar-tisan, le roturier, mais encore le gentilhomme, le grand seigneur, leprlat et le roi lui-mme ^ . Nous verrons plus loin quelles furentles dolances des cahiers de 1789 ; mais, ds l'anne 1775, dans uneremontrance date du 6 mai, la cour des aides disait : On a tra-vaill touffer en France tout esprit municipal, teindre, si on lepouvait, jusqu'aux sentiments de citoyens ; on a, pour ainsi dire,interdit la nation entire ^. Et, le 28 fvrier 1787, dans un discoursprononc par l'ordre du roi et en sa prsence, M. de Galonns'criait : Les abus qu'il s'agit d'anantir, ce sont les plus consid-rables, ce sont les plus protgs ^.

    II

    L'Eglisesouffre tout

    particu-lirement deces dsordrespolitiqueset sociaux.

    Solides vertusdu clergde l'ancienrgime.

    L'Eglise souffrait d'autant plus de cette crise politique et sociale,que, par suite de son union troite avec l'Etat, elle s'y trouvait elle-mme intimement engage. Par son haut clerg, elle tait mle ces privilgis, dont les droits devenaient de jour en jour plusodieux ; elle avait entre dans ces cours, o se centralisaient lesaffaires du pays ; d'autre part, en la personne des plus humbles deses clercs, les petits curs de campagne portion congrue, elle en-tendait les dolances du peuple, dont ces derniers partageaient lescharges et les misres *. Une foi profonde, une ferme discipline, ol'on retrouvait encore la forte empreinte donne au clerg de l'an-cien rgime par les Brulle, les Vincent de Paul, les Olier, lesHofbauer, les Alphonse de Liguori, avaient permis ce grand corpsde l'Etat d'chapper, dans sa majeure partie, cette corruption desgens du monde, ces utopies de la classe lettre, cette irritationdes gens du peuple, qui constituaient les maux essentiels de cette finde sicle. Deux grandes choses le relevaient moralement et sociale-ment : un esprit de charit, qui se manifestait toutes les occasions

    1. Taine, le Rgime moderne, t. II, p. 8o-8a.2. Gustave Gautherot, loc. cit., p. 17.3. Cit par Taine, op. cit., t. II, p. 8i.li. Sur la situation misrable des curs portion congrue, voir Taine, VAncien

    rgime, 24* dition, in-12, t I, p. ii4-i20.

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    LE DCLIN DE L*A!SC1EN RGIME '7avec une gnrosit chevaleresque S et un esprit de ferveur restvivace chez lsmes d'lite , que les scandales du temps ne faisaientque stimuler '^.

    Mais le clerg du xvui* sicle ne sut pas viter un triple cueil.Dans la pratique de la charit, il se mit trop la remorque desphilosophes du sicle ; il employa trop leur langage, leurs prtendusprincipes. Il ne se rclama pas assez franchement de la forte iholo-logie d'un saint Thomas d'Aquin, o il et pu trouver tant de maximesfcondes, tant de rgles sres ; il n'invoqua pas assez hautementles traditions de l'Eglise, o il et rencontr de si beaux modles ;et il laissa ainsi la philosophie sentimentale du xviii" sicle bnficierdu prestige de son dvouement ^.

    D'autre part, le clerg laissa trop s'accuser entre les deux ordresqui le composaient le foss que l'tat social et politique avaitcreus *. La premire classe, tire de la noblesse et de la bonnebourgeoisie, avait parfois plus de prtention aux honneurs que devrai ministre auprs des mes ; l'autre, recrute dans les derniersrangs de la socit civile, n'avait souvent que des devoirs remplir,sans profit ni honneur pour l'encourager. Plus d'un pauvre prtre,on revenant de l'vch, o il avait contempl les splendeurs d'uneinstallation princire, gardait amrement le souvenir des richessesqu'il avait eues sous les yeux. Si alors, dans son humble presbytre,il jetait les yeux sur quelque numro des Noiicelles ecclsiastiques, ole parti jansniste s'appliquait railler le luxe et les prjugs nobi-liaires introduits dans l'Eglise, si ses regards tombaient sur quel-qu'une de ces brochures rvolutionnaires que les encyclopdistes pro-pageaient jusqu'au fond des provinces les plus recules ^, le pauvre

    Ses troisprincipalesfautes.

    ! Dans lapratique

    de la charit,il s'inspiretrop des

    philosophes.

    a" Il laissetrop s'accuserla diffrencequi spare

    le haut clergdu bas clerg.

    I. SiCAHL), yAncien clerrf de France^ t. IT, p. 109-1 lO.3. Voir Ilist. gM. de l'Eglise, t. VI, p. ^gi.3 Voir Sic^RD, op. cit., \. II, p. 43 ets., loi et s. ; Kcrth. VEglise aux tournantsde. l histoire, Bruxelles, 1900, p. i^S-i'ig./ Faut-il rendre responsable de ces dsordres, non seulement la mauvaise volontdes hommes et Tmilueuce des institutions politiques, mais le ri^nme bnficiaire Im-nuMne. qui, substitu la communaut primitive des biens d'Eglise , partageaces biens en l>nfices et en prbendes, en fit des c biens du clerg , et aboutit, sinon

    une scularisation, du moins une lacisation des biens et des titres ecclsiastiques?)om (jraU soutenu dans un Rapport prrsetitr au congres des jurisconsultes catho-It'iuesle 27 octobre 1906, et insr dans la Revue catholique des Institutions et du Droit;>. hn 178a, M. du Lan, archevque d'Arles, signalait la diffusion scandaleusedes uvres de Voltaire et de Rousseau, se plaignait que des crits licencieux cir-culassent dans les campagnes, fussent jets la nuit {>ar des mains inconnues jusquelans les enclos des monastres. Voir P. de la Goroe, Hist. relia, de la Rvolutionfranaise, t. I, p 07.

    Hist. gon. do l'Eglise. VU

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    i8 HISTOIRE GENERALE DE L EGLIIScur plbien sentait fermenter dans son me un vague sentimentd'inquitude et d'envie, non moins funeste l'ordre social et lapaix de l'Eglise que Taveugle tranquillit du grand dignitaire eccl-siastique se reposant dans le luxe de son palais somptueux K

    Enfin, une partie du haut clerg se laissa entraner des alliances trcs"aTlianc(.s ^^'^V ^l^oitcs avec les Etats.Les trois [)rincipaux centres de ces alliances furent Vienne, Flo-

    rence et Paris.

    3t> II se laisseentraner

    trop troitesavec les Etats.

    Le clerget l'Etaten Allemagne.

    Josphismecl

    fbronianisme.

    Les Ponc-talionsd'Enisj^aOt 1786).

    A Vienne, vers la fin du xviii" sicle, deux thories, souvent confon-dues par les historiens, parce que finalement elles se confondaient dansune action commune, obtenaient grande cr.rice auprs du roi et duhaut clerg : c'taient le josphisme et le fbronianisme.

    La thorie josphiste, difie de longue date par les juristes et sefondant sur des textes de droit romain, prtendait que l'tablisse-ment religieux tait chose d'Etat. Marie-Thrse, et surtout Joseph II,avaient fait pntrer ce systme dans les lois. Il renouvelait, en lesaggravant, les erreurs du gallicanisme csarien des rois de France.

    La thorie fbronienne, s'appuyant sur des arguments d'ordrecanonique, et sur des textes conciliaires du xv^ sicle, en particuliersur des dclarations des conciles de Constance et de Ble, prfraitopposer au pape les droits de l'piscopat que ceux du souverain.Elle ressuscitait, en les exagrant, les prtentions du gallicanismepiscopalien des vques franais. Les principaux vques de l'Alle-magne, choisis parmi les partisans les plus dvous de l'empereur,en propageaient l'esprit.Mais les ncessits de la lutte n'avaient pas tard runir prali-quemeit les partisans des deu.. lories. En 1781, le fbronianisme,en la personne de son chef, Nicolas Hontheim, se mit au service dujosphisme ^. En 1786, les trois lecteurs ecclsiastiques de l'em-pire, Charles-Joseph, baron de Herthal, archevque de Mayen ce,Clment Wenceslas de Trves, et l'archiduc Maximilien-Franoisde Cologne, unis l'archevque de Salzbourg, scellrent l'alliancedans les vingt-trois fameuses dclarations, connues dans 1 histoiresous le nom de Ponctations d'Ems.

    1. Plusieurs prtres allrent jusqu' se faire agrger des loges maonniques.Voir P. DE La. Gorge, op. cit., p. 66.

    2. G. G0YA.U, l'AUeniagne religieuse, c le Catholicisme , t. I, p 39-/42.

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    LE DECLIN J)L L ANCIL.N REGIME ^9 LesEgliseset le clerg d'Allemagne, crit le cardinal Pacca dans

    ses Mmoires, taient, la fin du xyiii* sicle, au comble des gran-deurs humaines. Les plus belles et les plus fertiles contres de l'Al-lemagne appartenaient au clerg, qui y possdait un droit de souve-rainet temporelle. Dans le collge lectoral, sur huit membreslecteurs, trois taient ecclsiastiques ; c'taient les archevques deMayence, de Trves et de Cologne ^ . Si l'on veut bien songerque l'opulence de ces prlats tait mcontente des tributs prlevspar le Saint-Sige ^ ; que leur coquetterie l'gard des lumires se faisait volontiers frondeuse l'endroit de cette puissance romaine,exalte par le fanatisme du moyen ge, et que leur esprit d'abso-lutisme, enfin, trouvait un plaisir d'orgueil dresser leurs crossesdevant la tiare, on ne saurait tre surpris de leur complaisance l'gard du nouveau mouvement. Intrt pcuniaire, prurit de flallerl'opinion, susceptibilits hirarchiques, tout conspirait les raidircontre Rome ^. u Un grand nombre d'vques, dit Hergenroether,rvaient d tablir une Eglise nationale germanique*.

    Le congrs d'Ems se tint au mois d'aot 1786. Il dniait aupape le droit d'envoyer des nonces investis d'une juridiction. On nereconnaissait au Souverain Pontife qu'un droit de primaut et d'ins-pection gnrale ; mais en revanche on attribuait tous les vqiiesle droit le plus absolu de lier et de dlier , sans aucun recoursde la juridiction piscopale la juridiction du Saint-Sige ; et toutebulle, tout bref pontifical devait tre reu et accept par les vques,sous peine de nullit. Les dclarations d'Ems marquent la dernireinsurrection du nationalisme ecclsiastique contre le catholicismeromain. Elles furent vivement appuyes et encourages par l'empe-reur Joseph II. Mais plusieurs membres de l'piscopat, notammentceux de Frisingue et de Spire, froisss du bon march qu'on avaitfait Ems du droit des simples vques, firent entendre d'ner-giques protestations. Le nonce de Munich, Zoglio, et le nonce deCologne, Pacca, les appuyrent au nom de Rome. Le peuple sejoi^nit eux au nom de ses traditions. Hommes d'Etat josphistes et

    Circonstancequi favorisent

    l'espritd'opposition Rome.

    Rsumdes doctrinesproclanrices

    Ems.

    Protestationd'une partiede l'piscopatt des noncesapostoliques.

    1. ^Kcc\, uvres, trad. Queyras, t. II, p. 444.2. Les exigences de la fiscalit romaine l'endroit des princes lecteurs, parais-sent considrables si on cite les chilTres ; mais on a calcul que la somme quedevait payer, une fois pour toutes, l'archevque de Mayence, ne dpassait pas lavingl-huilime partie de son revenu annuel. Gotau, op. cit., p. 9.3. GoY.vu, op. cit. y p. 8-9.4. Hergenroether- KiRSGHj/^Jrc/ienjesc/uV/t/e, t. VII, l. II, p. II, ch. iv.

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    20 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISE

    Condamnationde CCS

    doctrinespar le pape.

    (i4 novembre1789 )

    prlats fbroniens eurent ainsi contre eux les anctres de ce })euplecatholique, qui, plus d'une fois, au cours du xix*^ sicle, devait con-traindre le haut clerg d'Allemagne tenir compte des indicationsde Rome * . Par une lettre date du i4 novembre 1789, chef-d'uvre de fermet calme et mesure, le pape Pie VI condamna ladoctrine des quatre vques. La controverse devait s'teindre dans lebruit de la Rvolution franaise.

    Le clerget l'Etal enToscane.

    Scipon Bicci,vquede Pistoie.

    Synodede Pistoie.

    f 18 septembre* 1786].

    Mais un autre foyer de rvolte contre Rome s'tait allum en Italie,o le frre de l'empereur Joseph II, le grand-duc Lopold de Tos-cane, soutenait des principes analogues. Joseph 11 s'inspirait sur-tout des philosophes ; Lopold I*^ coutait plus volontiers les jans-nistes ; mais sur la question des rapports de l'Eglise et de l'Etat,les deux doctrines tombaient facilement d'accord. L'homme dontLopold aimait prendre conseil pour le rglement des affairesecclsiastiques, tait Scipion Ricci., vque ambitieux et remuant,que l'empereur avait fait placer, en 1780, sur le sige de Pistoie.C'tait un parent du clbre Laurent Ricci, gnral des Jsuites,mort cinq ans plus tt, prisonnier au chteau Saint-Ange, la suitedes scnes que nous avons racontes ^. Esprit entreprenant et tracas-sier, Scipion Ricci avait embrass de bonne heure les principes dujansnisme. Fidle imitateur des appelants de France, il avaitpris et proposait aux autres pour modles : Soanen, qu'il appelait(( le grand vque , Quesnel le martyr de la vrit , Msenguy etGourlin les lumires de l'Eglise . Son but tait, disait-il, de com-battre contre la u Babylone spirituelle , pour la communion dossaints et l'indpendance des princes. ^ Il groupa autour de luiquelques prtres dj connus par leurs opinions librales : Tambu-rini, Zola, Natali, Bottieri, Palmieri ; puis, de concert avec le grand-duc Lopold, il convoqua Pistoie- un synode destin porterremde aux abus rpandus dans l'Eglise.

    Le synodede Pistoie s'ouvrit le 18 septembre 1786. Deux cent trente-quatre prtres y furent prsents. On commena par y proclamer, surla foi, sur la grce et sur la prdestination, les principes du jans-nisme le plus radical. On y proscrivit le culte du Sacr-Cur, en-

    I. GoYAU, op. cit., p. 75.a. yo'\r Hist. g{i. de l'Eglise, l. VI, p. 44o-44'.3. Picot, Mmoires, t. V, p. 117.

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    LE DCLIN DE l'aNCIEN RGIMEvers lequel Ricci nourrissait une antipathie toute spciale. On traitaensuite de l'autorit de l'Eglise. On proclama le pape chef minist-riel de l'Eglise, ce qui, entendu en ce sens que le pape reoit sospouvoirs de l'Eglise mme, serait une hrsie. On y adopta lesquatre articles de 1682. On y proclama qu'il n'y a de vrai dans ladoctrine du salut que ce qui est ancien, tout ce qui a t produitavec le temps tant ncessairement faux . On prsenta, en cons-quence, les dcisions doctrinales rendues dans l'Eglise pendant lesderniers sicles, comme dpourvues d'autorit. On invita enfin Lo-pold rformer l'Eglise en vertu de son autorit propre, abolir cer-taines ftes, rglementer les paroisses, et on mit le vu que tousles ordres religieux fussent rduits un seul, en se rglant d'aprsles constitutions de Port-Royal.

    Le projet de Ricci tait de faire confirmer les dcrets de Pistoiepar un concile national. A l'effet de le prparer, Lopold convoqua Florence, en avril 1787, les dix-sept vques de Toscane. Mais troisseulement se rendirent l'appel. L'assemble ne put se tenir. La di-vision se mit parmi le clerg ; l'opinion populaire se tourna contreRicci dont on saccagea le palais ; et lorsque, la mort de Joseph II,en 1790, Lopold quitta la Toscane pour moter sur le trne im-prial, l'vque de Pistoie fut contraint d'abandonner son sige et dese rfugier Florence. Quatre ans plus tard, le pape Pie VI, aprsun mr examen, condamna par sa bulle Aiictorem Jdei, du 28 aot179^1, quatre-vingt-cinq propositions extraites du synode de Pistoie *.La bulle pontificale fut gnralement accueillie avec respect. L'vquede Noli, Benot Solari, fut le seul prUat qui refusa publiquement (2830611794).de la publier.

    Pie VI,par sa bulleAuctorem fidiycondamnele synode de

    Pistoie

    La France ne devait donner le spectacle de manifestations pareillesqu'aprs la chute de la monarchie, par la Constitution civile duclertj. Mais, depuis le commencement du xvin* sicle, l'esprit quiprsidait aux relations de l'Etat avec le haut clerg ressemblait bien celui qui animait les cours de Vienne et de Florence.

    (( Tout prs de la cathdrale, dit M. Pierre de la Gorce, un di-fice s'lve, avec un aspect de palais. C'est l'vch. L'vque estchoisi par le roi. Ainsi l'a rgl le concordat de i5i6. Aucune pr-sentation, soit des vques de la province, soit des autorits locales,

    Le clerget l'Etat enFrance.

    Part du roidans le choixdes vques

    I. Denzinger-Bannwart no iSoi-igg.

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    22 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISE

    Le haut clerg'se recrutepresque

    ciclusivemenldans lanoblesse.

    Richessesdu haut clerg.

    Le clerg decour.

    no guide ou n'embarrasse la dcision du prince. Sous le nom de mi-nistre de la feuille, le souverain a une sorte de ministre des cultesqui lui propose les candidats nommer. Cette grande charge a eupour titulaire jusqu'en 1777 Jarente, vque d'Orlans, prlat in-digne. Rarement le Saint-Sige refuse l'institution. A la fin du rgnede Louis XIV, Massillon crivait encore : L'Eglise n'a pas besoinde grands noms, mais de grandes vertus. Avec le xviii" sicle, lapratique s'tait tablie de ne nommer aucun prlat qui ne ft gen-tilhomme. Dans la liste des vques donne par l'Almanach royalde 1788, on trouve reprsentes toutes les grandes maisons de lamonarchie. Il y a Metz un Montmorency, Strasbourg un Rohan,un Crussol d'Uzs La Rochelle, un Durfort Besanon, un Sabran Laon, un La Tour du Pin Auch. Il y a mme, partir de 1789,deux Talleyrand, comme si un seul n'et pas suffi*. Les quinzecents bnfices ecclsiastiques nomination royale deviennent, ditTaine, a une monnaie l'usage des grands. Selon la coutume dedonner qui plus a, les plus riches prlats ont, par-dessus leursrevenus piscopaux, les plus riches abbayes. D'aprs l'Almanach,M. de Rohan, vque de Strasbourg, se fait ainsi, en supplment,60.000 livres de rentes; M. de La Rochefoucault, archevque deRouen, i3o.ooo - .

    Ces immenses revenus servent aux uns pour soutenir la dignitde leur rang , comme ils disent, aux autres pour rcompenser l'as-siduit de leurs familiers. D'autres enfin, plus scandaleux, les d-pensent la cour ^. Un type de ces prlats de cour est ce duc deRohan, vque de Strasbourg, dont la coupable tourderie, dans((l'affaire du collier, dchanera la colre du peuple contre lareine ; un autre, est ce La Font de Savine, que la faveur de safamille auprs de Louis XVI a fait nommer, en 1778, vque deViviers, et qui, parla hardiesse de ses doctrines comme par la bizar-rerie de sa vie, mritera d'tre appel par ses partisans (( le Jean-Jacques Rousseau du clerg *.

    Aussi ne voit-on pas les reprsentants autoriss du clerg de France1. P. DE La Gorce, Histoire religieuse del Rvolution franaise, t. I, p 4i.2. T.vi.NE. V Ancien rgime, t. I, p. 101-102.3. La cour ! s'crie, non sans quelque exagration, d'Argenson, dans ce mot est

    toul le mal. La cour est devenue le Snat du royaume ; le moindre valet de Ver-sailles est snateur ; les femmes de chambre ont part au gouvernement... La coure?t hi tombeau de la nation Cit par Taine, op. cit., I, ii3.

    4 i\.bb SiCARD, VAn:ien clerg de France, t. H, p. 5i.

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    LE DCLIN DE l'aNCIEN RGLME 23s'opposer une rforme de l'organisation ecclsiastique. Nul n'osedemander le maintien du statu qao. Le 29 mai 1790, M. de Bois-gelin, archevque d'Aix, parlant au nom des ecclsiastiques del'Assemble, s'crie : a Sans doute, il faut rformer des abus, etprovoquer un nouvel ordre de choses. ^ Dans quel esprit allait se faire cette rforme ncessaire ? L'arche-vquo d'Aix demandait qu'elle se ft par l'Eglise, ou du moins avecle consentement de l'Eglise ; mais les Gallicans et les Jansnistesvoulaient qu'elle s'accomplt par l'Etat seul, et les pr' tendus philo-sophes rvaient de la raliser dans l'esprit de leurs doctrines. Cesdernires tendances devaient prvaloir ; ca la crise politique, quimenaait de ruine l'ancien rgime, s'tait complique d'une criseiniolloctuelle autrement redoutable, et qui ne tendait rien de moinsqu' renverser les bases mmes de l'ordre social.

    I. Moniteur du 3o mai 1790, p. 610, col. 3. L'abb Barruel, dans son Journalecclsiastique, ne parlait pas autrement. Nous remarquerons, dirait-il, que lorsqueles nations croient apercevoir quelques avantages dans ur. no :ve! ordre dechoses, il est de la sagesse de l'Eglise de seconder ce vu, (Qu'elle s'y est toujoursprte. Journal ecclsiastique , juin 1790, p. 216.

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    CHAPITRE II

    LA GRISE INTELLECTUELLE,

    La philosophie La Rvolution, dit Joseph de Maistre, a t prpare par sesxviii sicle, victimes. )) Cette assertion, prise dans un sens absolu, est exagre.La Rvolution, nous voulons dire le caractre rvolutionnaire et

    antireligieux donn au mouvement lgitime de rforme qui se pro-duisit la fin du xvm^ sicle, est due la philosophie incrdule*.Le triomphe de Robespierre a t prpar par Voltaire et par Jean-Jacques Rousseau.

    Cette philo- On aurait tort, d'ailleurs, dplacer dans la France seule les ori-n'appartient ^^^^ ^ l'esprit rvolutionnaire. Si la Rvolution franaise gagna sipas exclusive- promptement l'Europe, c'est qu'elle y trouva partout un terrain bin la France prpar. L'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, la Hollande taient

    prtes recevoir le venin rvolutionnaire. On sait les empruntsfaits par Voltaire aux philosophes anglais. M. Brunetire, dans sesLeons sur les origines de l'esprit encyclopdiste ^, a amplementmontr que le principe fondamental de Rousseau, savoir que la

    1. M. RocQUAiN, dans son livre l'Esprit rvolutionnaire avant la Rvolution, et,plus rcemment, M. Faguet dans ses Questions politiques, ont soutenu qu'il fallait dpossder les philosophes de leur part prtendue d'influence et d'action dansl'uvre rvolutionnaire . M. Faguet, s'appuyant sur le savant ouvrage de M. EdmeChampion, la France d'aprs les cahiers de 1789, s'crie : Les principes de 89 ?Il n'y en a pas dans ces cahiers). La Rvolution franaise e^t une rvolution pure-ment conomique et administrative. L'opinion de M. Rocquain a t vivementcombattue par M. Bkunktire dans un article de la Revue des Deux Mondes dui5 oclobrc 1878 ; et les nouveaux arguments prsents par M. Fc^guet ont t vic-torieusement rfuts par M. Roustan, dans son livre les Philosophes et la socitfranaise au XVIfJ^ sicle. (( Les cahiers sont les cahiers, dit M. Roustan, et laRvolution est la Rvolution... Vous cherchez les principes de 1789? Allez jusqu'aumois d'octobre 1789, o est promulgue la Dclaration des droits de l'homme et ducitoyen... Vous y trouverez le rsum juridique des thories dfendues par les phi-losophes du xviiie sicle. Roustan, op. cit., p. i4.

    2. Voir Revue hebdomadaire^ t. XI (1907), p. 426, 437 et passim.

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    36 HISTOIRE GENERALE DE L EGLISE

    Hobbes(158.S-1G79)

    el Locke(i 633-1 704)critiquent,

    d'un point de

    qui souffrent. Sa rpubliqno ne reconnaissait pas de castes ; chaquecitoyen tait appel s'} adonner des travaux matriels, ennoblispar des,rcrations intellectuelles. Le principe du pouvoir tait placdans le consentement du peuple, et le rgime de l'Etat tait celuid'une rpublique laborieuse et dmocratique.

    Ce que Morus avait conu avec son esprit catholique, sincrementsoumis l'Eglise, Hobbes et Locke le reprirent d'un tout autre pointde vue. Imprgns des ides utilitaires, si peu leves, si peu philoso-phi.pirs, de Bacon *, ils tablirent le plan de leur socit sur les ides

    vue purement de conservation et d'intrt. Hobbes fait la thorie de l'absolutisme,l'idVde sou- ^fiais en l'appuyant sur de tels arguments, qu'il excite le discuter etverainet. le combattre ; car pour lui la morale n'est pas une fin, c'est unmoyen, le moyen d'avoir lorJre et la paix ^.

    Hobbes avait crit contre la Rvolution d'Angleterre; Locke prit laplume pour la dfendre. Hobbes avait le premier imagin dechercher l'origine de la socit civile dans un certain tat antrieur la socit; Locke partit de la mme hypothse. Mais l o le pre-mier avait cru pouvoir tablir les fondements du despotisme, lesecond prtendit voir la justification d'un droit permanent l'in-surrection. (( Car, dit-il, qui est-ce qui pourra mieux juger si l'ons'acquitte bien d'une commission que celui qui l'a donne ? C'est la partie offense djuger pour elle-mme ^ . Locke professait d'ail-leurs que (( tout le pouvoir du gouvernement civil n'a rapport qu'auxintrts civils, se borne aux choses de ce monde, et n'a rien faireavec le monde venir *.

    L.> mouvement En Allemagne, la philosophie sociale n'offrit rien d'original. Mais;tlosophique ].^ mtaphysique, de Wolf Kant, et la critique reli^^rieuse, deet social rj^' ^ ^o^eu Allemagne. Semler Gthe, s'orientrent vers un naturalisme rvolutionnaire.Christian Wolf, qui prit tche de rsumer et de pousser jusqu'

    1. (( Ce que j'attaque, c'est l'ide de la science anglaise, si peu leve, si peuphilosophique. On n'envisage la science que par ses rsultats pratiques et ses elTctscivilisateurs. C'est poser la thse d'une faon dangereuse C'est comme si, pour ta-blir la morale, on se bornait prsenter les avantages qu'elle procuro la socit, E. R^:na:

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    LE DhlGUN DE L ANCIEN REGIME 27ses dernires consquences la philosophie de Leibniz, enseigna queDieu ne peut tre la fin de l'homme et que la socit ne doit s'orga-niser qu'en vued'un but terrestre. La vogue de ses crits fut extrme;l'tude de ses doctrines fut impose aux candidats qui se prsentaientpour les grades thologiques. L'invasion du wolfianisme dans lathologie allemande fut dsastreuse, a Plusieurs, dit Hergenrther,sous prtexte de pense scientifique, attnurent le dogme ;d'autres le sacrifirent compltement, n'acceptant d'autres loisque celles de la raison, d'autres rgles que celles du librearbitre ^. ))

    Plus tard, Kant devait s'inspirer de Rousseau dans sa morale indi-viduelle et sociale. La conscience de Rousseau devait devenirr impratif catgorique de sa raison pratique ; et les principesgnraux du Contrat social, savoir celui de la volont gnrale considre comme source unique des lois, et celui de la distinction,dans chaque individu, du citoyen lgislateur et du sujet^ devaientdicter toute la politique kantienne.

    C'est en s'appuyant sur la sainte Ecriture, donne par le protes-tantisme comme source unique de la rvlation, que la pense reli-gieuse allemande se dveloppa dans le sens d'un naturalisme auto-nome. En 1771, Semler proposait un nouveau critre pour fixer lecanon des Livres saints : n'accepter comme inspirs de Dieu que leslivres produisant une amlioration morale. En 1777, les Fragmentsde Volfenbattel, dits par Lessing, mais composs par Samuel Rei-marus, professeur de Hambourg, nirent absolument les miracles,en particulier celui de la rsurrection de Jsus-'^'.hrist, et aiirm-rent l'impossibilit d'une rvlation divine. Peu de temps aprs,dans anc uvre personnelle, le drame de Nathan le Sage, Lessingp ofessa nettement l'indiiTrentisme religieux.

    Sur les ruines accumules par le naturalisme radical, se dveloppads lors en Allemagne un panthisme exalt, auquel on donna lenom d'illuminisme. Herder, Goethe et Schiller peuvent en tre re-gards, des degrs divers, comme les reprsentants les plus illustres.Jeau-Gottfried Herder, pote philosophe l'imagination puissante,prna, dans sa Philosophie de l'histoire et de l'humanit, une religionvague, grandiose, aux dogmes fuyants, peu prs identifie avec le

    Christian Wolf(1679-1754;conoitune organi-sation sociale

    en vued'un butuniquementterrestre.

    E. Kant(i 724-1804)emprunteles principesde sa philoSophie sociale

    au Contratsocial de J.-J.Rousseau.

    La critiquebiblique.

    L'illuminisme.

    Herder(17a i8o3)

    I. IIkugemioether-Kirsch, Kirchengeschichle, 4 dition, 1. II, 2e partie,ch. \in.

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    28 HISTOIRE G?RALE DE l'GLISEGihe culte de l'humanitc'' ; Gthe, ne discernant rien au-dessus de l'antique'^ '' liellnisme et de la beaut terrestre, divinisa la perfection plastiqueSiljillcr et la satisfaction sensuelle ', et Schiller, qui devait, la fin de ses

    ^ '^ '' jours, se rapprocher des ides chrtiennes et devenir presque catho-lique, pleura la mort des dieux de la Grce et de Rome.

    Le mouvement L'Italie avait eu, elle aussi, son utopie sociale dans la Cit du Soleilet social en ^^^ moine Gampanella ^. L'Utopie de Morusest une rpublique popu-

    Italie. laire ; la Cit du Soleil de Campanella est une rpublique thocra-tique. Au sommet de l'Etat est le Mtaphysicien, sorte de '< bon

    Campanella tyran )) charg de faire prvaloir l'empire de la Raison ; au-dessous,trois magistrats, la Puissance, l'Amour et la Sagesse, appliquant lesprescriptions de la Raison. Le premier est charg de la dfense na-tionale ; le second veille sur le dveloppement de la population ; letroisime prside au progrs des Sciences et des Arts. Dans la Citdu Soleil la communaut s'tend plus loin que dans VUtopie. Elleembrasse non seulement la proprit, mais encore la famille.

    Plus restreint dans son plan de rforme, mais plus prcis dansBcccaria ses exigences, le marquis Csar Beccaria, de Milan, se borna ras-

    \^1 ^-iy9 ; sembler, cent ans plus tard, dans son Trait des dlits et des peines,dans ses leons sur CAgriculture et les Manufactures, toutes lesrclamations dissmines pendant un sicle dans un nombre infinid'opuscules et de gros volumes. Ddaignant les phrases oiseuses etles digressions, il posa plusieurs des principes qui devaient constituerplus tard, avec Adam Smith, l'conomie politique librale. Pour lui,la meilleure organisation sociale tait celle qui produit la plus grandesomme de travail utile, et par travail utile il entendit celui qui donnela plus grande quantit de produits ngociables. Il analysa les vri-tables fonctions des capitaux productifs et les vicissitudes de la popu-lation. Il recommanda la division du travail et proposa une mesuredcimale tire du systme du monde. Mais, avec la plupart des co-nomistes de son temps, il dclara les manufactures striles. Hommepaisible, timide mme, Beccaria se mla peu aux agitations du

    I Sur la position de Goethe vis- vis du catholicisme, voir Gotau, VAllemagnereliqicuse. le Catholicisme , t, I, p. 167-171. Les crmonies catholiques avaientquelque chose d'imposant pour lui, parce que. disait-il, il n'y voyait que l'inten-tion primitive et pntrait ainsi jusqu'au noyau du fruit sans s'occuper de son enve-loppe ni mme de l'arbre qui l'a nourri. Goethe, Posie et vrit, dans les Mmoirestraduction Carlowitz, I, p. 378-879.

    a. Campanella, ivitas Solis, in-12, Utrecht, i643.

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    LE DCLIN DE l'aNGIEN RGIME 29moQde ; mais ses ides exercrent une grande influence sur lesesprits.

    Presque en mme temps que les Leons sur l'afjricallure, parais- FiUngerisait en Italie, sous le titre de Science de la lgislation, un grand ^^^^'' ^^ouvrage qui, dans un style vhment, imag, thtral mme, embras-sait non seulement l'conomie politique, mais le droit public etpriv, la famille, l'ducation et la religion. Il tait l'uvre d'unjeune homme de trente ans, Gatan Filangeri, de Naples, qui devaitmourir six ans plus tard, avant d'avoir vu ses utopies s'vanouirdevant les leons de l'exprience. Le but de Filangeri tait derenouveler l'humanit de fond en comble. Concitoyen de Vico, ilcomptait, pour la ralisation de ses projets, sur la toute-puissancedes lois et de l'autorit. L'autorit, disait-il, fait natre les gnieset cre les philosophes. Un prince, rien qu'en pressant le ressort del'honneur, peut former des lgions de Scipions et de Rgulus ^. Aussi Goncentrait-il toutes les fonctions sociales entre les mains duprince, dont il faisait pntrer l'autorit partout, u Ces hardiesses,chez lui et chez d'autres, dit Csar Cantu, venaient de ce que les Ita-liens de ce temps taient trop trangers aux affaires. Ils n'appr-ciaient pas les obstacles apports par les faits aux maximes abs-traites 2. Un poste faisait pntrer les ides rvolutionnaires dans le grand A^lfieripublic. Alfieri, d'Asti, tait un aristocrate pris de la Ubert abs- ^^"^'^9'^ 'traite telle qu'on la prchait alors. Il se vantait de faire fi de Rous-seau et des philosophes, mais il les imitait et les copiait. Chez lui,tout sentiment se convertissait en passion, toute passion en rage :rage d'tude, rage d'amour, rage de libert. Dans ses comdies po-litiques, Y Un, lesP^u, les Trop, YAntidote, son comique consistait montrer les hros sous leur ct prosaque et grotesque. Dans la Tyranr-nie, il exagra les doctrines de Rousseau, fit la gueriv. aux arts et l'industrie, proclama que les chrtiens taient plus esclaves que lesOrientaux, conseilla tout le monde de s'entendre pour ne pas obiraux despotes. 11 faisait dire, dans une de ses pices, un bouffon dePhilippe II ; Que ferait Ta Majest, si quand tu dis oui, tout lemonde disait non ? Il devait voir la Rvolution et n'en pas com-

    1. Science de la Ugislation, }l, 16.2. Cdsar C.visTU, Histoire de Cent Ans (i75o-i85o), traduction Amde Re:^b,

    l. Il, p. 16.

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    oo HISTOIRE GENERALE DE L EGLISEprendre la porte. 11 mourut en i8o3, aprs avoir ddi la postVri t plusieurs de ses tragdies *.

    Le mouvementpliilosophiquo

    et socialen IlollanJe.

    Grotius(i583-i6/,5)entreprend

    d'tablir unescience socialeen se fondant

    sur lesprincipes dudroit romain.

    Spinosa(1632-1677)donne pour

    Comme la claire Italie, 1 1 bnimeuse Hollande avait ses autori-taires et ses rpublicains, ses [artisans du bon tyran et ses fau-teurs d'anarchie; et la diffrence qui sparait les uns des autres taitmoins grande qu'il ne parat au premier abord. Les premiers invo-quaient l'autorit du juriste Grotius ; les seconds se rclamaient duphilosophe Spinosa ; tous aspiraient une r^(''n''ralion complte dela socit.

    Grotius est surtout connu comme le rnovateur du droit des gens ;et, quoique sa renomme soit surfaite en ce poinf, car il a t pr-cd par le dominicain Vitt ria 2, c'est l son vrai titre de gloire.Mais Grotius s' tait a; ssi proccup de la en vation des institu-tions politiques e sociales, ei ses ides, systmatiquement groupes etexpliques par son disciple PulTendurf, devaient inspirer la politiquede Joseph II. Ses conclusions se rapprochaient beaucoup de cellesde Hobbes ; mais son procd fut tout diffrent. Ce que le penseuranglais examinait en philosophe, le penseur hollandais l'tudiait enjuriste, u Grotius, dit Paul Janet, traite les questions du droit naturelpar les maximes du droit civil ^. Et le droit civil qu'il invoque,c'est celui de l'ancienne Rome. C'est avec un texte du jurisconsultePaul qu'il tranche la question de l'origine de la proprit '^ ; et leproblme de la souverainet se rsout, suivant lui, par un argu-ment d'analogie avec la tutelle romaine, a Rien n'empche, dit-il,qu'il n'y ait des gouvernements civils qui soient tablis pour l'avan-tage du souverain ; et, lors mme que l'tablissement du gouverne-ment aurait lieu dans l'intrt des sujets, cela n'entranerait pas lasupriorit du peuple sur le souverain, car on ne voit pas que lepupille soit au-dessus du tuteur ^.

    Spinosa est un philosophe, et sa mtaphysique prsente, du moins premire vue, un certain principe de grandeur et de dignit, qui

    1. M Arthur Graf, dans son ouvrage trs document, VAnglomania in IlaliafI vol., Turin, 191 1, dmontre quAlfieri et les crivains italiens du xyiii* sicle, engnral, durent beaucoup l'intluence anglaise.

    2. Voir son trait De jure helli. Ce trait a t traduit pour la premire fois enfranais par M. Vanderpol, dans son rcent ouvrage la Guerre devant le chrisUa-nisme, i vol. in-12, Paris, 191 2.

    3. PaulJ.v^ET, Histoire de la science politique, 1^ dition, t. II, p. S^Q.l\. Grotius, De jure pacis et belli, 1. II, ch. m, S 3.5. Id., ibid., 1, I, ch'. m, % \7).

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    LE DCLIN DE l'a^jCIEN KGLME 3lRionque entirement la mtaphysique de [lobbes. Pour lui,l'homme n'est pas seulement une partie de la nature, il est une par-tie de la Divinit. Mais, de mme qu'on a pu soutenir, avec autant devraisemblance, que le philosophe d'Amsterdam est ivre de Dieu ,et qu il est foncirement athe, ses doctrines politiques et socialesrenferment une quivoque fondamentale. Ce qui distingue ma poli-tique de celle de Hobbes, crivait-il un de ses amis, c'est que jeconserve le droit naturel, mme dans l'tat civil, et que je n'accordede droit au souverain sur les sujets que selon la mesure de sa puis-sance ^. Mais si le droit naturel est conserv, comment la forceest-elle la mesure du droit ; et si la force est la mesure du droit,comment le droit naturel subsistera-t-il ? Quoi qu'il en soit, ladoctrine de Spinosa diffre essentiellement de celle de Hobbes dansson esprit. Hobbes ne demande l'Etat que l'ordre et la paix,Spinosa lui demande avant tout la libert. Si l'on appelle, dit-il,du nom de paix l'esclavage, la barbarie et la solitude, il n'y a riende plus misrable que la paix. La paix ne consiste pas seulementdans l'absence de la guerre, mais dans l'union des esprits et dansla concorde ^. Sur la question des avantages de la monarchie, ilest en opposition directe avec le philosophe anglais, u On croit,dit-il, qu'en donnant le pouvoir un seul homme, le pouvoirsera plus fort. C'est une erreur, car un seul homme n'a pas !aforce de supporter un si grand poids : il aura donc des conseillersqui gouverneront pour lui ; et ce gouvernement, qui passe pourmonarchique, sera dans la pratique une vritable aristocratie, maisune aristocratie latente, et par l mme la plus mauvaise de toutes.Ajoutez que le roi, enfant, malade ou vieillard, n'est roi que denom, et que souvent, entran par ses passions il laisse le pouvoirentre les mains d'une courtisane ou d'un favori ^.

    but l'Eutrtablissen ntet la gart. lie

    de laiiberto.

    Ainsi, d'un bout l'autre de l'Europe, une fermentation gnraleagitait les esprits. Les plans de rforme les plus vastes, les plushardis, les plus gnreux, les plus haineux, les plus subversifs et lesplus rvolutionnaires, surgissaient de toutes parts, soulevant un en-thousiasme d'autant plus vif qu'ils taient souvent imprcis comme

    Caractredominant detoutes CCSthories.

    1.' Spikos.v, Epist. XXV.2. Id., Tractt polit . S 4.3. Ici., ibid.. oh. vi, J 5, 8.

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    32 HISTOIKE GNRALE DE l'GUSEun rve, ralliant un nombre d'csprils d'autant plus grand qu'ilstaient, la plupart du temps, quivoques : abstraits et flottants, sousune apparence scientifique et prcise, paens et mystiques, glori-fiant tour tour le despotisme et l'anarchie, ramenant tout kl'homme et la nature, et faisant de l'homme et de la nature unesorte de divinit. Mais cette effervescence universelle avait un loyer,la France, vers laquelle, depuis le grand sicle, tous les penseursde l'Europe fixaient obstinment leurs regards.

    II

    En quel sens On discutera sans fin sur la part d'influence exerce et sur la partles philosophes ^'influence subie par la France dans la propae^ation des ides rvo-Iranais ^ r r odu xvme sicle lutionnaires. Ce qui est certain, c'est que l mme o finfiltra-sont es pres ^^-^j^ trangre est manifeste, la formule franaise a fini par prvaloir,

    ijvolution. grce au tour plus clair, ou plus ingnieux, ou plus loquent qu'ellea su prendre : Voltaire, Rousseau et les encyclopdistes sont, aumoins ce titre, les vrais pres de la Rvolution.

    ..es origines Ils Ont eu des anctres. Nous avons eu dj l'occasion d'en tudier, .,^ *,. l'histoire ^. La renaissance des lettres anticrues avait dtermin chezphilosophie _ ^

    rationaliste en plus d'un esprit la renaissance de l'esprit paen. Le rationalisme pan-brance. thiste OU athe, qui s'tait prsent au moyen ge sous la forme de

    l'averrosme et de l'illuminisme, s'tait peu peu reconstitu sousl'aspect d'une incrdulit radicale. Il s'tait sourdement propag parle demi-rationalisme d'un Fauste Socin, qui s'attaquait la divinitde Jsus-Christ et la nature mme de Dieu, par le scepticisme lit-traire d'un Rabelais, par le dilettantisme ondoyant et divers d'un Montaigne, par l'indiffrentisme politique d'un Michel deL'Hos-pital, par l'picurisme thorique d'un Ga.ssendi, par ce culte exa-gr de la science et des lois de la nature que professa l'cole de Des-cartes et dont Fontenelle se fit le brillant interprte, par factiondltre de ce groupe de plus en plus nombreux d'esprits tmraireset lgers, qui les salons du xvii^" et du xviii*^ sicle pardonnaient tout,et qui, sous le nom de Libertins, de Beaux Esprits ci d'Espritsforts, effrayrent, non seulement l'orthodoxie inquite d'un Pre

    I. Hist. gn. de l'Eglise, t. V, p. 8^-85 ; t. Yl, p. 470-:^73.

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    LE DCLIN DE l'aNGIEN RGIME 33Garasse et d'un Pre Mersenne, mais aussi le bon sens d'un Nicolecl d'un Leibniz. Le naturalisme avait ainsi franchi les tapes qui l'a-vaient conduit de Ptrarque Voltaire, de l'Humanisme au Phi-losophisme, du Collge des secrtaires apostoliques au salon deNinon de Lenclos, du mouvement de la Renaissance celui de\*Encyclopdie.

    Nous avons dj parl de cette colossale entreprise, qui rallia deshommes de doctrines trs diffrentes, des athes et des distes, desrvolutionnaires et des conservateurs, des conomistes individua-listes comme urgot et des conomistes communistes comme Mably,mais qui trouva son unit dans une inspiration unique, la foi lasouverainet de la raison.

    C'est dans les salons du grand monde que tous ces hommes s'- Influenttaient rencontrs. Les salons du xvii^ sicle avaient donn des psycho-logues ; ceux du xv!!!*" sicle donnrent des philosophes, ou du moinsdos hommes prtendus tels. Qu'on parcoure la liste des souscripteursde VEncyclopdie : on y trouve les plus grands noms de France \

    Les gens de lettres se runirent surtout, pendant le cours duxvui'^ sicle, dans les salons de deux femmes clbres par la libert deleurs murs comme par celle de leur esprit, la trop fameuse Ninondo Lenclos, l'extravagante M'"" de Tencin. On rencontre chezNinon de Lenclos, dit Saint-Simon, tout ce qu'il y a d'lev dansla cour, tellement il est la mode d'y aller. Saint-Evremond, Guy-Patin, Molire, La Fare, Chaulieu, frquentaient assidment chezelle. L'abb de Chteauneuf y prsenta son petit filleul, FranoisArouet. Ninon fut frappe de l'esprit de ce jeune homme et lui lguadeux mille francs pour former sa bibliothque.

    i. ^ous croyons cependant qu'il serait exagr de faire retomber la principaleresponsabilit du philosophisme incrdule sur la corruption de la haute socit. D'oi sorl-il ? se demande leR P. Longhave, S. J. Beaucoup moins d'une insur-rection de l'esprit que de la corruption des murs. Louis \1\ l'avait autorisepiir son lamentable exemple. Converti lui-mme, il la comprimait en vain. A samortelle clate, et l'impit suit... Le philosophisme nat de cette fange. >< G. Lox-CHWE, S. J , XIX' sicle y i vol. in-i3, Paris, 1900, p. 30. Il serait plus inexactencore d'attribuer, avec Taine, tout le mouvement philosophique et rvolutionnairedu xvni* sicle la :' raison raisonnante , l'esprit classique )) De la grandecole qui a mrit chez nous ce dernier nom, le xvirie garda la forme ext-rieure, en la rtrcissant ; quant l'esprit classique, fait d'harmonie, d'quilibre,et d'un empire large et souple de la raison sur l'imagination et sur les sens, cen'tsl pas au sicle de Voltaire et de Rousseau qu'il faut le demander. Cf. Taine,VAncien rgime, 1. IV, ch i. Aussi, M. Brunetire n hsite-t-il pas refuser auxvii sicle le nom de classique. M. Faguet va plus loin, et soutient qu'il n'a tni franais ni chrtien. Faguet, XVIIh sicle, Diderot.

    Hisl. :n. de l'Edise. VII S

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    34 HISTOIRE GNRALE DE L GLISEVoluire Tels furent les dbuts de Franois Aronet de Voltaire. Ils ressem-

    (1 94-177 ). jjj^i-g^i^ ^ ceux de la plupart de ses contemporains. Etre lanc parun salon, dit un historien de cette poque, tait le moyen le plussr d'arriver. Le salon tait aux rputations naissantes et mmenes ce que la presse est de nos jours... Plus tard M* de Lambertdevait faire arriver Montesquieu ; iM'"*de Tencin, Marivaux; M""** duDelland, d'Alembert; M"* de Lespinasse, La Harpe *.

    Nous n'avons pas raconter en dtail, dans une histoire gn-rale de l'Eglise, la vie de Voltaire. Mais le rle que cet homme ajou dans la lutte contre le catholicisme veut qu'on s'arrte un mo-

    3on influence, ment sa personne et son uvre. Voltaire, dit Ferdinand Brune-tire, a fait infiniment de mal ; peu de caractres ont t plus mpri-sables que le sien, et son uvre mme est trangement mlecommepure valeur littraire ; mais u il a possd un pouvoir indniablede sduction, il a t reprsentatif de toute une famille d esprits, etil a exerc sur son sicle une action -k laquelle il n'en est point decomparable^.

    La premire priode de sa vie, jusqu'en 1746, est consacre Sa tactique, s'emparer de l'opinion. Tout jeune encore, il russit tendre lenombre de ses relations au del de tout ce qui s'est vu avant lui.

    Amis de collge, gens du monde, gens de lettres, gens de finances,comdiens et comdiennes, il compte des amis partout. Il s'exercealors dans tous les genres, pote pique dans sa Henriade, potetragique dans son dipe ou dans sa Zare, pote didactique dansles Epires ou les Discours sur thomme, historien dans sonCharles XII, savant dans les Mmoires qu'il compose pour l'Acad-mie des sciences, philosophe dans ses Lettres anglaises et dans sonEssai sur la philosophie de Newton... Il ne laisse hors de ses prisesaucune partie de l'opinion ^ . Son ambition est d'tre le matre etle guide des esprits de son temps.

    Sa doctrine. Quant ses ides, trois ouvrages essentiels les rsument : les Eptres Uranie, publies de 1722 1731 ;\esLettres philosophiques ^ don-nes en 1733 et 1734, et les Discours sur l'homme, parus de 1734 1738. Le premier ouvrage opposait le disme ou religion naturelle

    1. M. RouTAN, les Philosophes et la socit franaise au XVIII^ sicle, 2* dition,p. 2o3-2o5.

    2. F. Brunbtire, les Origines de l'esprit encyclopdique, V leon, Revue hebdoma-daire, t. XI (1907), p 293.

    3. Id.y J6id., p. 29^-295.

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    LE DECLIN DE L ANCIEN KEGIMB 35la religion rvle ; le second exaltait l'ide de science ; le troisimevulgarisait un certain nombre d'ides courantes dans la philosophieanglaise, entre autres l'ide d'aprs laquelle la vertu se mesureraitpar le degr d'utilit sociale et le progrs de l'humanit par le dve-loppement des arts de la vie. En somme, le philosophe de Ferneyne se rvlait nulle part comme un penseur original, mais, en unstyle limpide, incisif, essentiellement vulgarisateur, et sans gal celitre, il prsentait sous la forme la plus maniable, la plus lgre, laplus portative, les ides parses dans le monde des libertins, desesprits forts, des novateurs de toute sorte ; il exposait, prcisait,expliquait les grandes dcouvertes, les grandes hypothses de l'es-prit humain ; il faisait dfiler devant les yeux blouis de son lecteur,mais, hlas I dforms, caricaturs, ridiculiss, les grands hommesde l'histoire sacre et profane, les antiques religions, les vieilleslgendes. Et les Franais de son temps, les gens du monde se dispu-taient ces livres, ces brochures, ces traits, ces romans, ces histoires,ces pamphlets, ces dictionnaires, o tout le savoir humain, tous lessouvenirs du pass, toutes les querelles du jour, toutes les rveriessur l'avenir taient rassembls en mots piquants, en images pitto-resques, en mtaphores tincelantes, en proverbes familiers, en anec-dotes graveleuses. J'ai plus fait en mon temps, dit (juelque partVoltaire, que Luther et Calvin. Il eut au moins ce trait de ressem- ^" uvre,blance avec les deux rformateurs protestants, que, voulant rfor-mer une socit malade, il commena par participer toutes sestares et finalement aggrava tous ses maux.

    Voltaire ne fut qu'un dmolisseur ; Jean-Jacques Rousseau voulut Jean-JacquesA rn 1 f 1 . 11 Rousseautre un reconstructeur, lame a depemt avec sa vigueur habituelle (1713-17-8).les facults matresses de cet homme du peuple mal adapt aumonde lgant, hors de chez lui dans un salon, mal n, mal lev,sali par sa vilaine et prcoce exprience, malade d'me et de corps,portant la souillure de son temprament jusque dans sa morale laplus austre et dans ses idylles les plus pures, tranger, protestant, la fois philanthrope et misanthrope, habitant d'un monde idal, qu'ilavait bti l'inverse du monde rel * . Cet homme devait pourtant ^" influence.exercer sur ses contemporains et surtout sur les gnrations venirune influence plus grande que Voltaire. Celui-ci n'tait vraimentpuibsant que par la satire ; Rousseau fut surtout captivant par le

    I. Taine, VAncien rgime, 24 dition, t. II, p. 104-107.

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    36 HISTOIRE GNRALE DE l'GLISE

    Ses doctrinesles trois fauxdogmes )) :

    ! La per-fection

    originelle.

    2 L'galitprovidentielle.

    rve. Il ne fut pas seulement le comdien qui amuse, il fut le magi-cien qui charme, le passionn qui entrane. Il parla de la conscience,du devoir, de la Providence, des Evangiles m dont l'inventeur seraitplus tonnant que le hros , de Jsus-Christ dont la mort fut d'unDieu, comme celle de Socratefut d'un sage , avec une chaleurcom-municative, dans un style plein, mle, saillant, imptueux, vibrant,ample et sonore.

    Frdric Le Play a dnonc les faux dogmes dont le philo-sophe de Genve a fait don la Rvolution* ; ils sont au nombrede trois : ce sont les dogmes de la perfection originelle, de l'galitprovidentielle et du droit de rvolte. Ils se trouvent exposs danstrois principaux ouvrages : le Discours sur l'ingalit, le Contratsocial et l'Emile.

    Bless, indign des misres du monde prsent, Rousseau imagineun tat parfait, qu'il suppose avoir t et devoir tre l'tat naturel etprimitif de l'humanit. Il construit de toutes pices son hommeidal, tel qu'il a d sortir des mains du Crateur. Cet homme est fortet agile, capable de triompher de tpus les obstacles de la nature ; lespassions n'ont pas altr sa constitution harmonieuse ; une rarefinesse de sens, un sentiment de conservation, un instinct de bont etune sobrit naturelle lui ont assur la tranquillit et le bonheur. Jele vois, crit-il, se rassasiant sous un chne, se dsaltrant au pre-mier ruisseau, trouvant son lit auprs du mme arbre qui lui afourni son repas ; et voil ses besoins satisfaits 2. La socit duXVIII sicle, si artificielle, si polie, si complexe, mais qui souffre decette complexit, contemple avec surprise cet homme idal, et, parcontraste, s'prend de lui. C'est par ce contraste, dit Taine, queRousseau s'est trouv si fort. Il faisait voir l'aurore des gens quine s'taient jamais levs qu' midi. Dans une socit o la vie con-sistait parader avec grce d'aprs un modle convenu, il prchait leretour la nature, l'indpendance, -la vie active, ardente, heureuse etlibre, en plein soleil et au grand air 3.

    Il tait facile Rousseau de prouver que dans cet tat primitif deperfection originelle rgnait l'galit providentielle. Moins la nature

    1. F. Le Play, Programme des Unions de la paix sociale. Tours, 1877, p. 55-59.Cf. \d. Paix sociale, p. ib-22 et passim.

    2. Rousseau, Discours sur l'ingalit, i" partie, d. Didot, in-4o, Paris, i864,t. I, p. 536.

    ^3. Taiwb, l'Ancien rgime, II, iio-iii.

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    LE DCLIN DE l'ANCIEN RGIME 87humaine est dveloppe, moins elle compte de diffrences entre leshommes. L'tat le plus naturel et le plus gal, n'est-ce pas celui dugerme ? L'ingalit est donc l'uvre de la civilisation, du passage del'tat de nature l'tat social. Le travail cra la proprit, la propritl'ingalit, et l'ingalit donna lieu l'organisation sociale, qui fixapar des lois la domination des forts et la servitude des faibles. Tellefut, dit Rousseau, et telle dut tre l'origine de la socit et des lois,qui donnrent de nouvelles entraves aux faibles et de nouvelles forcesaux riches, dtruisirent sans retour la libert naturelle, fixrent laloi de la proprit et de l'ingalit, et, pour le profit de quelques-uns, assujettirent dsormais tout le genre humain au travail, laservitude et la misre *. Dans ces paroles terribles se trouve dj le sentiment qui devait 3 Le droitdicter Rousseau le troisime de ses faux dogmes , le dogme du ^ j^ rvolte,droit perptuel la rvolte. Le peuple a d'abord le droit et le devoirde se rvolter contre l'tat social dont on a montr l'injuste origine ;car, dit-il, renoncer la libert, c'est renoncer sa qualit d'homme ;une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme ^ .Mais lors mme que le peuple, dans des conditions que le philosophedtermine avec soin, a stipul un contrat social, ce contrat ne l'obligepoint. Le peuple est souverain, et un souverain ne peut s'engagerqu'envers lui-mme. Il est contre la nature du corps politique quele souverain s'impose une loi qu'il ne puisse enfreindre : par o l'onvoit qu'il n'y a ni ne peut y avoir nulle espce de loi fondamentaleobligatoire pour le corps du peuple, pas mme le contrat social 3.

    De telles thories flattaient trop les passions d'une socit amollieet corrompue, pour ne pas y trouver un grand crdit. Ce contraste,qui tonne, chez la plupart des hommes de la Rvolution, entre leursrves idylliques et leurs actes sanguinaires, s'explique parla doctrinede Rousseau. Ce ne sont pas seulement les utopies de la Constituantece sont les massacres de la Terreur qui se rattachent au Discours surC ingalit et au Contrat social. L'idologue et le Jacobin doivent sereconnatre en Jean-Jacques Rousseau^. Dans son uvre, commedans celle de la Rvolution, l'idylle a engendr la tragdie.

    1. Rousseau, Discours sur l'ingalit, a* partie, d. Didot, t. I, p. 558,2. Id., Contrat social, 1. I, ch. iv. Ibid , t. I, p. 643.3. Id., ibid., 1. I, ch. vn.4. Sur J -J. Rousseau, voir J. Lemaitre, Jean- Jacques Rousseau, et Fac.ubt,

    Vie de Rousseau. 191 1. Sur les philosophes du xviiie sicle en gnral, voir, en

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    38 HISTOIRE GENERALE DE L EGLISE

    III

    Ravagesdes thoriesnouvellesparmi les

    catholiques.

    Dcadencedes tudesthologiques

    en Allemagne.

    Les doctrines rvolutionnaires se propagrent d'autant plus facile-ment qu'elles trouvrent des auxiliaires puissants parmi les gallicanset les jansnistes, un secours incomparable dans la franc-maonnerie,des complices dans l