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Le bulletin trimestriel du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion - RUNMUZIK #46 gratuit EMA : tous à l’école ! Rencontres musicales Océan Indien Un instant déterminant Danses et costumes Une tradition en danger ? A l’aide La Région en soutien à la culture Export Studios Sorties CD Photo Gwaël Desbont

Muzikalité 46

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Le bulletin trimestriel du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion - RUNMUZIK

#46gratuit

EMA : tous à l’école !

Rencontres musicales Océan IndienUn instant déterminant

Danses et costumesUne tradition en danger ?

A l’aideLa Région en soutien à la culture

ExportStudiosSorties CD

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2mzk #46

sommaire

Crédit photo de couverture : Loulou Pitou (acc.) Georges Ramnarain (percu.) et le Groupe Folklorique de La Réunion - 1962. Photo de Jean Colbe éditée en carte postale.

Muzikalité, le bulletin d’information du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion - Runmuzik - #46

Éditeur : PRMA - 6 bis rue Pasteur - BP 101897481 Saint-Denis CEDEXTél : 02 62 90 94 60 / Fax : 02 62 90 94 61E-mail : [email protected] internet : www.runmuzik.frDirecteur de la publication : Jérome GalabertRédaction et PAO : & PRMADistribution gratuite - Tirage : 5000 ex.Imprimeur : ColorprintISSN : 1622-2598 - Dépôt Légal N° 08 00 52

Le PRMA est une association à but non lucratif, soutenue par la Région Réunion, la DAC-OI avec le partenariat de l’Union Européenne, de la SACEM et de la DDJS (Direction de la Jeunesse, des sports et de la Cohésion Sociale)

L’ACtu du PRMA .............................3Dispositif d’accompagnement des groupes à l’export, Catalogue Takamba, Muzikonseil

FORMAtION.........................................4EMA Saint-Leu

PAtRIMOINe ........................................5Bilan des Rencontres Musicologie Mission collectage à Diego Suarez

dANS LA ZONe ..................................7

ChRONIqueS Cd .............................8

dOSSIeR ...............................................12Danses et costumes traditionnelsInterview de Bernadette Ladauge

SeCteuR ..............................................16L’aide de la Région Réunion aux entreprises culturellesStudio Kréativ’ArAtypik Music

BIBLIOthÈque ..................................18

eXPORt .................................................19

PORtRAIt .............................................20Mama Dolores

Après quinze années d’activités dans un secteur en mutation permanente, le PRMA aborde 2013 avec des nouveaux dispositifs qui lui permettent de s’engager plus concrètement aux côtés d’artistes en voie de professionnalisation.

• Ces dernières années ont été marquées par une reconnaissance accrue d’un certain nombre d’artistes réunionnais sur des scènes nationales et internationales, parallèlement à une émergence locale soutenue de talents présentant un fort potentiel dans des courants musicaux les plus variés. Nos financeurs ( Région Réunion et DAC-OI) et partenaires professionnels tels que la SACEM ont ainsi vu la nécessité de nous doter de moyens pour accentuer cette dynamique, tout en travaillant plus étroitement avec une filière qui s’est aussi beaucoup structurée ces dernières années, malgré un contexte économique tendu.• C’est ainsi qu’en 2012, pour la première fois, le PRMA a été doté d’un fonds ( Région avec appui SACEM) permettant d’aider, dans des conditions relativement réactives, des tournées d’artistes sur la base de critères validés par une commission professionnelle (cf. formulaire sur notre site runmuzik.fr). Plus d’une quinzaine de groupes ont déjà pu en bénéficier cette année pour des tournées dans le monde entier qui font l’objet de bilans et d’analyses détaillés. Ce fonds sera reconduit en 2013 avec un suivi encore plus poussé.• Le dispositif Tournée Générale, en lien avec les cafés-concerts, qui permet à des groupes locaux de tourner dans ces lieux dans des

conditions administratives et techniques plus professionnelles, va au moins être multiplié par deux en 2013 avec des mesures d’accompagnement et de communication plus poussées pour plus d’artistes et plus de lieux.• Le service d’accompagnement de projets musicaux va être renforcé au sein de l’association, tant pour le développement local que les ouvertures à l’export, en lien notamment avec les conventionnements que la Région Réunion va permettre sur la base d’appels à projets déjà lancés (cf. www.regionreunion.com).• Au delà de ces dispositifs spécifiques visant à tirer les musiques réunionnaises toujours plus vers le haut, notre activité conseil, information, documentation sur toutes les questions liées au domaine musical va se poursuivre pour le plus grand nombre, avec un souci de décentralisation de cette mission autour de l’île, en partenariat avec les autres acteurs des musiques actuelles.• Enfin l’effort ne faiblira pas du côté du patrimoine et de l’indispensable travail de mémoire poursuivi inlassablement. Un grand chantier de numérisation est entrepris pour une restitution plus large de ce patrimoine au grand public. Nous en reparlerons.• A la veille de cette année porteuse d’espoirs avec le développement de nos missions au service des musiques locales, nous vous souhaitons de très bonnes fêtes et vous présentons nos meilleurs voeux pour une belle année 2013 toute en musiques, évidemment !

Alain Courbis

2013 : le PRMA remet ses tournées

Les disques Takamba sont en vente> à La Réunion et en Métropole

(distribution DISCORAMA - PSB)> au Bénélux (distribution XANGO)

> au Japon (EL sur RECORDS)> et partout dans le monde

sur notre boutique runmuzik.fr, sur discorama.fr et sur les plateformes de téléchargement

LA REUNION

LA REUNION

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Pôle Régional des Musiques Actuelles - La Réunion - www.runmuzik.fr

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Maxime Laope,chapeau l’artiste !

Maxime Laope,chapeau l’artiste !

1 Mi aim mon patois 3’03

2 Le cœur créole 2’51

3 Séga samba 1’53

4 Pistaches 2’49

5 Longany 2’05

6 Z’affaire mariaz 3’10

7 Diabolo 1’50

8 Pic à Plate 2’11

9 Chemin d’fer 3’13

10 Bazard Saint-D’nis 2’54

11 Tombé levé 3’20

12 Baba kari pois 2’30

13 L’a dit l’a fait 3’07

14 Commérages créoles 2’51

15 La guerre l’a pété 2’57

16 Oublie à li 2’55

17 Cognac Bourbon 3’11

18 L’hiver l’arrivé 2’34

19 Séga maloya 3’08

20 Antonia 2’23

21 Fait péter la colle 2’32

22 Jour d’l’an 2’46

cd21 Chanson jardinier 2’55

2 Emi 2’47

3 La Réunion 3’11

4 L’argent d’l’eau 3’04

5 Coq un poule 2’25

6 Gardien mouton 2’00

7 Enerve pas moin 1’51

8 P’tit peu dentelle 1’47

9 Célina jolie cafrine 2’37

10 Maloya la mode 2’45

11 Sous pieds d’camélias 2’58

12 Célia 3’28

13 S’ra bien fait 3’31

14 Jouez pas avec li 2’19

15 Jour d’l’an 2’30

16 Maloya tantine 2’56

17 Bouillon brèdes 2’20

18 Verger Saint-André 3’30

19 Laisse pas li tomber 2’24

20 Guette a li 3’15

21 Fais rouler mon gâtée 2’39

22 La rosée tombée 4’11

Réédition d’enregistrements originaux de 1949 à 1989

Maxime Laope,chapeau l’artiste !

Page 3: Muzikalité 46

3 mzk #46

Les tournées export facilitées depuis 2012

En 2012, le Pôle Régional des Musiques Actuelles et ses partenaires, la Région et la SACEM, ont renforcé le dispositif d’accompagnement à l’export. Des projets d’artistes structurés ayant des ouvertures à l’export peuvent désormais bénéficier de ce dispositif amélioré. Il s’agit de permettre à ces artistes d’être plus réactifs sur des propositions professionnelles, de bénéficier d’une exposition encore plus grande, et d’ouvrir de nouveaux débouchés.En s’engageant davantage sur l’export avec un fonds spécifique, le PRMA et ses partenaires souhaitent affirmer un rôle d’accompagnement de ces artistes notamment en ce qui concerne la problématique récurrente des transports aériens. Ce dispositif concerne les projets des groupes vers des pays étrangers ainsi que vers la métropole pour de véritables tournées. Les postulants au dispositif doivent remplir un formulaire, et répondre à des critères assez stricts. Parmi ces derniers : une qualité artistique déjà reconnue par des professionnels à l’extérieur de l’île, une réelle structuration du groupe ou de l’artiste, sa disponibilité, son engagement sur du long terme, le professionnalisme de l’encadrement du groupe (artistique, logistique, administratif, communication, gestion…).Les dossiers sont soumis à l’examen d’une comission professionnelle.

Le Formulaire export est à télécharger sur le site du PRMA www.runmuzik.fr

Catalogue Takamba

Ce catalogue bilingue (français / anglais) est un écrin idéal pour présenter le travail réalisé par le label Takamba. Y sont répertoriés les digipacks, albums et cd/dvd du patrimoine

musical de l’océan Indien proposés à la vente. La présentation de chaque disque permet d’en savoir plus sur l’artiste, son œuvre, mais aussi sur le travail effectué pour en arriver à l’édition même de ce support.Une compilation de 22 titres accompagne ce catalogue et permet, grâce à quelques extraits, d’apprécier (et choisir) encore plus facilement le ou les coffrets susceptibles de vous intéresser.

Interdit à la vente ce catalogue est disponible aux professionnels sur simple demande au PRMA.

l’actu du PRMA

MuzikannuaireL’annuaire des groupes et professionnels de

la musique sur la Zone Ocean Indienwww.runmuzik.fr ; rubrique > observationINSCRIPTION GRATUITE / MISE À JOUR

INFORMATION AU 02 62 90 94 60

Muzikonseil : L’assistance juridique du PRMA

En 2012, le PRMA a mis en place dans ses locaux une permanence mensuelle d’assistance juridique. Ce service gratuit et destiné à tous les acteurs de la vie musicale (musiciens, techniciens, auteurs, interprètes…) répond à une demande d’informations croissante. Le dispositif sera donc reconduit en 2013, avec une permanence assurée le premier vendredi de chaque mois par Emmanuelle Vienne, juriste spécialisée en droit de la

propriété littéraire et artistique. Cette assistance juridique offre une mine d’informations ciblées sur l’actualité réglementaire, les démarches administratives et les différents types de contrats, notamment.

uniquement sur rendez-vous par téléphone au 0262 90 94 60 ou par mail à [email protected]

Le portail documentaire de la Cité de la Musique comprend près de 1500 concerts enregistrés à la Cité de la musique et à la salle Pleyel, de tous styles (classique, jazz, musiques du monde…), une photothèque (15000 clichés) et une phonothèque (100 enregistrements) du Musée de la musique, 50 guides d’écoute (analyses musicales multimédias), des documentaires vidéo, des dossiers pédagogiques sur les différents répertoires, la base de données sur le jazz contemporain, des fiches métiers… Une encyclopédie en ligne pour les amateurs, les professeurs et les professionnels de la musique !La diffusion des oeuvres enregistrées respecte le droit d’auteur ; la SACEM et la SPEDIDAM percevant des droits pour les auteurs et les artistes-interprètes. La Cité de la Musique

propose par ailleurs deux autres accès à des vidéos de spectacle vivant via les sites www.citedelamusique.fr (rubrique Vidéos à la demande) et www.spectaclesdumonde.fr, plateforme qui regroupe des concerts de partenaires tels que le Théâtre de la Ville de Paris ou encore la Maison des Cultures du Monde.

Cette base est accessible au grand public dans une version limitée sur www.mediatheque.cite-musique.fr : des extraits remplacent les documents intégraux.La totalité de la base est toutefois disponible en extranet au PRMA-Runmuzik.

Plus d’infos : www.mediatheque.cite-musique.fr

L’album Takamba de Maxime Laope, «Chapeau l’Artiste», mérite bien son nom. Le magazine Mondomix le distingue d’un «M’aime» et en fait une chronique élogieuse. Et comme c’est bien dit, autant la reproduire : « Au fil d’une carrière qui court sur plus de 50 ans, le Réunionnais Maxime Laope a gravé pas moins de 80 enregistrements. Ce chanteur de séga immortalisa dans les années 50 les premiers maloyas, avant même la popularisation du genre sur l’île.

Fier de sa langue («Mi aim mon patois»), il abordait dans ces chansons tout autant des histoires de la vie quotidienne («Z’Affaire Mariaz», «Bouillon Brèdes») que les grandes questions du moment («L’Argent d’l’eau»), où il est question du rattachement de son île aux territoires français d’outre mer. Ce livre/double CD aux 44 titres jamais publiés sous ce format est le fruit d’une collaboration entre ses ayants droit, musiciens eux aussi, et le label Takamba, en charge de la préservation du patrimoine musical réunionnais.»

Maxime Laope Mondomix M’aime pour l’album « Chapeau L’Artiste »

Extranet : Le PRMA vous donne accès à une mine de musiques

Le PRMA, en partenariat avec le Séchoir, propose le 17 et le 18 janvier deux ateliers simultanés sur trois demi-journées aux artistes et acteurs de la filière musicale.• Le premier est un atelier d’écriture de chansons avec l’auteur-compositeur-interprète Merlot ( ex-groupe Baobab) invité par le Séchoir pour des spectacles Jeune Public• L’autre atelier sur la communication et la promotion de projet artistique est animé par Virginie Riche de Gommette Communication et Production

www.gommette-production.comhoraires et lieu: le 17 de 9h30 à 12h30 et de 14h à 17h et le 18 de 9h30 à 12h30 au PRMA à St denisInscriptions: 30 euros par atelier contact: [email protected]

Deux ateliers en janvier : Ecriture et communication

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EMA St LeuAh ! la bonne école

Cette structure innovante est le fruit du travail des trois musiciens de Labsync, groupe né de leur rencontre à Mayotte et encore en activité aujourd’hui. Complices sur scène, les 3 comparses partagent les mêmes envies, les mêmes idéaux, la même ambition de monter un projet commun pour développer l’accès à la musique. Plusieurs années seront nécessaires pour aboutir à l’ouverture de l’EMA le 20 août dernier.

Passionnés de musiques électro-acoustiques et électroniques, Willy Ramboatinarisoa, Thomas Begrand et Jérôme Menninger ont logiquement élaboré des modules Electro pour leurs élèves. Avec la prédominance de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), tendance lourde de la Musique Actuelle, nos trois précurseurs sont aussi novateurs.

L’approche pédagogique de l’EMA repose sur le triptyque Apprentissage, Création et Diffusion : les cours théoriques sont agrémentés de sessions de créations puis de diffusions en public. L’aspect très actuel de cette école est que l’apprentissage « théorique » est, dans les

faits, basé avant tout sur la « pratique ». Le solfège n’est pas présenté comme un passage obligé mais plutôt comme un outil pour progresser, se perfectionner. L’objectif : rester sur un principe de musique plaisir.

Autre fait remarquable : à l’image des créateurs de l’EMA (qui donnent aussi des cours), les musiciens qui interviennent toute l’année en tant qu’enseignants, sont en activité ou ont un rapport direct et constant avec la scène locale. On peut notamment citer Sandrine Ebrard au chant, Thüryn Mitchell et Marjorie Vagner au piano, David Doré à la guitare, Cyril Faivre et Emmanuel Félicité à la batterie, Jamy Pedro à la basse, Stéphane Grondin, Pierre Pothin et Philippe de Lacroix Herpin (Pinpin) aux saxophones, ou encore Patrick Quinot aux percussions.

Informations et inscriptions :eMA Réunionecole des Musiques Actuelles3, impasse des plongeursZ.A. Pointe des Châteaux - Saint-Leu02 62 27 77 32 www.ema-reunion.fr

depuis le mois d’août 2012, l’ecole des Musiques Actuelles de Saint-Leu (eMA Réunion) propose de nombreuses formations musicales pour tous les publics, de l’éveil musical aux cursus réservés aux professionnels. L’eMA est ainsi la seule école dans l’île à préparer des stagiaires au titre de Musicien Interprète des Musiques Actuelles (MIMA).

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À LA CARte : Pratique des musiques actuelles en cours individuels, quel que soit l’âge et le niveau : chant, piano, guitare, basse, batterie, trompette, saxophone, percussion, solfège / harmonie.

eMA’RMAILLe : éveil musical à partir de 5 ans avec des outils adaptés à leurs attentes, leur morphologie et leurs capacités psychomotrices.

eMA’teLIeR : Autour d’un répertoire de reprises et de créations, le musicien est guidé dans la gestion des différents éléments qu’implique la pratique en groupe : rôle de chacun, rapport rythmique / soliste, choix des arrangements et des formes, son du groupe.

eLeCtRO & eMA’O : La MAO (Musique assistée par ordinateur) et l’Electro tiennent une place centrale. L’évolution des nouvelles technologies place l’outil informatique au cœur des musiques actuelles, tout en favorisant la découverte de nouvelles musiques et expressions artistiques.

eMA CuRSuS 1 & 2 : Pour acquérir une autonomie musicale et instrumentale, l’élève apprend à maîtriser l’outil (instrument de musique, voix, logiciel...) et le langage musical (écriture et lecture de la musique, analyse) permettant l’élaboration et la réalisation d’une oeuvre musicale. Il est aussi apte à interpréter la partition musicale ou vocale, en fonction du style de l’œuvre.

PRePA. FNeIJMA : 1ère formation professionnelle «Musique» à La Réunion pour intégrer le cycle diplômant (MIMA) en métropole dans les écoles partenaires (EDIM, EF2M). Travail sur le savoir-faire (technique), la dimension économique (pouvoir en vivre), mais également le savoir-être (la dimension émotionnelle) qui s’enrichit de la diversité du parcours individuel de l’artiste.

eMA ORCheStRA : Le lieu de création par excellence de l’école : l’orchestre regroupe tous les modules proposés autour d’une œuvre originale, composée ou arrangée pour EMA Orchestra.

eMA ChORALe : Répertoire chanté (polyphonique) varié autour des musiques actuelles.

eMA FANFARe : Travail de la texture « soufflants + percussions » sur des reprises, compositions et arrangements.

eMA PeRCuSSION : Orchestre dédié à la pratique des musiques traditionnelles percussives (maloya, batucada, Afrique).

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5 mzk #46

Inventaire des urgences de collectageRencontres autour des musiques traditionnelles du sud-ouest de l’Océan Indien

en juin 2012, juste avant la fête de la musique, le label takamba du Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion, a organisé au MOCA à Saint-denis une rencontre de chercheurs dense et chaleureuse avec le soutien de l’union européenne ( FedeR), la Région Réunion et la dAC-OI. toute une communauté de collecteurs a échangé son savoir et des projets de coopération entre les îles sont nés

patrimoine

Outre la bonne douzaine d’intervenants réunionnais, étaient présents pendant trois jours pas moins de vingt collecteurs et musiciens venus de France, d’Allemagne, de Madagascar, des archipels des Seychelles et des Comores, de Mayotte, des Mascareignes (La Réunion, Maurice, Rodrigues)[1]. Cette seconde rencontre jamais consacrée aux musiques des îles du sud-ouest de l‘Océan Indien[2] avait pour but de « dresser un état des lieux de la situation des musiques traditionnelles de la zone concernée ; constituer un espace de réflexion et d’échanges sur les débouchés ainsi que sur l’orientation culturelle et politique de l’action patrimoniale à l’échelle des territoires ; et enfin permettre une articulation des projets de mise en valeur patrimoniale en favorisant la convergence des initiatives. »

Très vite une ambiance originale s’est installée, car les interventions étaient ponctuées de quarts d’heure où des musiciens et chanteurs de tradition orale faisaient découvrir un aspect de l’art évoqué dans la conférence précédente[3]. On a pu mesurer alors à quel point la musique traditionnelle est « actuelle » dans cet ensemble d’îles, à l’écoute des joueurs de dzendzé (cithare en forme de boîte portant quatre cordes sur chacune de ses deux faces), de valiha la cithare tubulaire emblématique de Madagascar, et autres violon ou accordéons diatoniques (joués dans des styles qui méritent le détour), sans oublier les percussions, aux rythmes complexes et subtils.

L’aire culturelle des îles du sud-ouest de l’Océan indien est constituée de deux ensembles. Le premier regroupe celles peuplées depuis toujours : Madagascar, « île continent » , les Comores, et Zanzibar ainsi que la côte de Tanzanie ; le second comprend les îles désertes avant l’arrivée des européens :

l’archipel des Mascareignes et les Seychelles. Les aléas historiques et la géographie y ont métissé les apports des populations d’Afrique de l’Est, de la péninsule arabique, du sous-continent Indien, de l’Asie du Sud-Est, et, côté européen, des français, qui peuplent les îles depuis le XVIIe siècle, puis des Anglais (à Maurice et aux Seychelles). Chaque île a ainsi vu se construire une identité musicale propre, toujours en évolution.

Collaborations inter-îles

Dès 1997, le PRMA a lancé une série de disques documentaires en créant le label Takamba, dont la Collection du patrimoine musical de l’Océan Indien est forte aujourd’hui de 18 volumes. Ceux-ci présentent des collectes récentes ou reprennent des 78 tours ou disques vinyls grâce, notamment, au concours d’Arno Bazin, réunionnais collectionneur de tous les disques des îles du sud-ouest de l’Océan Indien (environ 3423 recensés à la date de ce colloque !) qui milite pour une sonothèque « régionale »

Il n’existe pas encore de base permettant de consulter des archives sonores. Aussi les chercheurs-fondateurs de structures vouées aux musiques traditionnelles (Jean-Claude Mahoune, Seychelles National Archive ; Saïd Abdallah Chihabiddine, Studio 1, Comores ; Cécile Bruckert-Pélourdeau, Musique à Mayotte ; Alain Courbis, PRMA, La Réunion…) ont été très intéressés par la présentation du portail FAMDT ( fédération des associations de musiques et danses traditionnelles) regroupant cinq bases de données (faite par Pierre-Olivier Laulanné, ex. directeur de la FAMDT), et par celle de la base RADdO qui accueille notamment, depuis 2006, les collectes des chercheurs de l’association réunionnaise Vavangue.

Ces trois journées de rencontres ont fait naître parmi les chercheurs l’envie de bâtir des projets communs: le PRMA a donc atteint son objectif . Parmi ces nouvelles idées, celle proposée par l’OPCI (Office du patrimoine culturel immatériel ) de réaliser un état des lieux du répertoire chanté traditionnel d’origine francophone pratiqué dans les îles qui ont été « colonisées » par la France, afin de mener ensuite des enquêtes urgentes sur ce domaine délaissé, quand c’est encore possible. Des projets de collectage sur Madagascar, Les Seychelles, les Comores devraient aussi être lancés dans les mois et années à venir parallèlement à la recherche permanente de fonds liés à l’histoire musicale de cette région du monde pour une numérisation et restitution publique.

Le compte-rendu détaillé de ces journées exceptionnelles sera publié tout prochainement sur notre site www.runmuzik.fr

[1] Citons, entre autre, les ethnomusicologues Victor Randrianary, de Madagascar ; Guillaume Samson, de La Réunion ; les chercheurs-documentaristes Werner Graebner, pour la Tanzanie, Patrice Cronier, pour Mayotte ; les collecteurs-musiciens ou danseurs Marclaine Antoine (Maurice), Jean-Pierre La Selve, Christine Salem, Stéphane Grondin, Bernadette Ladauge (La Réunion), les représentants du conservatoire à rayonnement régional de La Réunion, de l’Ecole de musique Zomaré et des Enfants du Rova (Madagascar) de Zanbrokal’bass (La Réunion), etc...[2] Un premier colloque sur le sujet a été organisé en 2001 par l’Université de La Réunion.[3] Ratovonirina Ranaivovololona (Madagascar) ; Gédéo Augustin, Tino Gontran (Rodrigues) ; Patrick Prospère (Seychelles) ; Alpha Dini (Mayotte), Boinariziki et Soubi (Anjouan, Comores), Marclaine Antoine et Menwar ( Maurice) etc

Texte largement inspiré du compte-rendu de Michel Colleu pour Trad’Magazine ( septembre 2012)

Alpha Dini de Mayotte

Ton Pat (Seychelles) et Marclaine Antoine (M(Maurice)

Tino Gontran et Gedeo Augustin (Rodrigues)

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Collectage Patrimoine musical et chorégraphiqueDiego Suarez 2012

Diego est la capitale de la province qui porte le même nom. Il s’agit aussi de la métropole et du grand emblème des Sakalava Antakaraña. Lorsque l’on arpente la ville, on y découvre une multi culturalité extraordinaire : plusieurs vestiges de l’époque coloniale, l’influence de la culture arabo-musulmane, la proximité avec l’Afrique de l’Est et les apports comoriens, l’adoption des héritages européens… Ces caractéristiques ne sont pas sans liens avec les pratiques, les cultures et les actualités musicales.En effet, l’ancrage à des valeurs vues comme traditionnelles demeure et évolue en harmonie avec l’assimilation permanente des éléments venant d’ailleurs. Dans ce sens, cette expédition a réussi à réunir des éléments faisant partie des repères connus comme le antsa et le goma. Ces deux genres incorporent l’art du jijy et du tefaka, qui figurent parmi les traits distinctifs de la culture Sakalava Antakaraña. Le jijy est une improvisation basée sur des chroniques et adages populaires. Il s’agit d’une sorte de rap et de slam avant l’heure. Le tefaka quant à lui est constitué de battements de mains, une véritable machine à fabriquer de la polyrythmie, moteur des fêtes et effervescences populaires. Cette opération résulte également d’une polychromie car on y trouve des chants à

caractère intimiste. C’est le cas par exemple des pièces exécutées par la cithare tubulaire valiha et son timbre cristallin ou du solo de flûte de couleur orientale. La même cithare valiha interprète et arrange parfois des musiques de variétés diffusées par les radios du continent africain. Dortial, un jeune accordéoniste affectionne ce mélange entre modernité et tradition. Avec son instrument de prédilection d’origine européenne, il s’émerveille à exécuter dans une modernité palpable le antosy et le fameux salegy du nord. Puis, à certain moment, le matériel collecté nous livre un chant de tressage de natte. La belle mélodie se mêle avec le rythme des pailles. De quoi faire voyager dans un autre temps !Un coffret réunissant un ouvrage discographique et un DVD est en préparation. Le disque sera construit selon l’esthétique de la polychromie qui vient d’être décrite. Le DVD présentera entre autres des détails organologiques et des techniques chorégraphiques.

Victor Randrianary

NB : Ce projet de mémoire a été soutenu par le Fonds de Coopération Régionale

de la Préfecture de La Réunion

Le collectage de terrain concernant le patrimoine musical et chorégraphique fait partie de la mission patrimoine du Pôle Régional des Musiques Actuelles. Au mois de juillet 2012, la région de diego-Suarez (Antsiranana), située à l’extrême nord de Madagascar a bénéficié de ce type de collectage.

Le CRAAMLe site internet du Centre de Ressources des Arts Actuels de Madagascar (CRAAM) est en ligne depuis le 12 octobre à l’adresse www.craam.mg

Cette plateforme interactive va rapidement contribuer au développement du secteur artistique de la Grande Ile en permettant une meilleure circulation des informations sur les événements culturels et artistiques, tout en offrant aux artistes du pays une meilleure visibilité nationale et internationale.

Le CRAAM s’appuie sur un vaste annuaire en ligne, facile d’accès et régulièrement mis à jour, qui recense une grande partie des artistes professionnels ou amateurs malgaches, toutes disciplines confondues, un annuaire qui tend vers l’exhaustivité. Le Centre de Ressources en ligne s’est fixé l’objectif de favoriser le développement professionnel des artistes et des métiers de l’Art à Madagascar, en soutenant les productions et les créations locales, en facilitant les échanges et les rencontres entre professionnels, et en offrant à la bouillonnante scène artistique malgache de nouvelles possibilités d’accéder au marché international.Enfin, le CRAAM proposera à l’avenir un fonds documentaire à destination des étudiants et des enseignants, principalement constitué de travaux de recherches, articles, textes scientifiques et analyses dans les domaines culturel et artistique de la Grande Ile. Pour sa mise en place le CRAAM a notamment bénéficié d’actions de coopération régionale avec le soutien PRMA Réunion pour des actions de formation et conseil.Il est épaulé par le Ministère malgache de la Culture et la Coopération française via le projet ArtMada 2

www.craam.mgContact : Raininoro [email protected] / 00 261 33 03 003 50

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Festivals Océan IndienUne actualité musicale foisonnante dans nos îles voisines ces derniers mois

MADAJAZZCAR - Madagascar

Du 1er au 13 octobre, le Festival Madajazzcar a fait résonner ses notes bleues dans les villes de la Grande Ile, à Tananarive bien sûr, mais également à Nosy-Be, Diégo-Suarez, Majunga, Fianarantsoa et Fort-Dauphin. La manifestation a réuni des pointures de la scène internationale telles que le Francis Drake Trio ou le Didier Labbé Quartet. Et des instrumentistes du monde entier étaient venus célébrer le jazz sous toutes ses formes : Renaud Gensane, Baptiste Herbin, Grégory Privat, Jean-Paul Delore, David Linx, Diederick Wissels, les Réunionnais Olivier Ker Ourio et Jean-Claude Maître, sans oublier les nombreux musiciens malgaches. Cette 23ème édition de Madajazzcar a brillé de mille feux, grâce à ses nombreux concerts et jam sessions, mais aussi grâce aux activités organisées en parallèle -ateliers, master class, formations, projections de films et tremplins- autant d’initiatives qui font de ce rendez-vous jazzistique un festival incontournable dans l’Océan indien.

ERNEST WIEHE JAZZ FESTIVAL - MauricePendant trois jours au mois d’octobre, la première édition du Ernest Wiehe Jazz Festival a réuni à Maurice des amateurs de jazz ainsi que des musiciens de classe internationale. Benoît Sauvé, Olivier Ker Ourio, Linley Marthe ou François Jeanneau sont ainsi quelques-uns des artistes qui ont répondu à l’invitation de Cyril Michel, le directeur de ce tout nouveau festival. Une manifestation qui rend hommage à Ernest Wiehe, saxophoniste, pianiste, compositeur et chef d’orchestre génial disparu en 2010 à l’âge de 66 ans, un des grands artisans et promoteurs du jazz à Maurice. Ce 1er festival mauricien consacré au jazz est appelé à devenir un grand rendez-vous annuel de la saison culturelle de l’Ile Soeur.

Informations : www.ewjfestival.com

FESTIVAL KREOL - SeychellesLe traditionnel Festival Kreol de Mahé, aux Seychelles, s’est tenu pendant la dernière semaine du mois d’octobre. Une manifestation pluridisciplinaire qui célèbre l’identité seychelloise ainsi que la créolité. De nombreux artistes (peintres, musiciens, chanteurs et danseurs) mais aussi des linguistes et des

auteurs venus de nombreuses îles et pays créolophones avaient fait le déplacement pour cette semaine de festivités. Cette année, des délégations de l’île Maurice, de Rodrigues, de La Réunion, du Mexique et de Louisiane étaient présentes pour mettre en valeur leur culture. Cette 27ème édition du Festival Kréol a séduit un public familial toujours plus nombreux, grâce aux concerts, spectacles, expositions, animations culinaires, conférences et débats organisés pour l’occasion.La Réunion était représentée par le groupe de maloya Kozman Ti Dalon.

KOLEKTIF MIZIK MORISAssociation qui regroupe depuis 2011 des artistes, des managers et des promoteurs culturels des musiques actuelles, le Kolektif Mizik Moris (KMM) vise à favoriser la visibilité des musiques mauriciennes sur le plan international ainsi que le développement de la scène émergente.Le Kolektif propose d’abord un cycle de formations professionnelles sur les différents métiers de la musique : management, coaching scénique, sonorisation, droits d’auteurs et économie de la musique. Ces formations sont réalisées par des professionnels venus de Métropole et de La Réunion, en collaboration avec Scène Australe.Autre activité du KMM : la cartographie et la mise en réseau (ou mapping) de l’ensemble des lieux de diffusions de musique sur l’île Soeur. Ce maillage artistique baptisé «Boîtes à Musiques» a été directement inspiré du dispositif «Tournée Générale» (le 1er réseau des cafés concerts de La Réunion). Au-delà des lieux de diffusion, c’est l’ensemble des acteurs de la scène mauricienne qui intégrera à terme ce réseau.Organiser le secteur musical mauricien, informer de façon plus efficace le public local et de l’extérieur, faciliter les échanges entre professionnels, amateurs, artistes et programmateurs à travers la création d’un site internet prévu en 2013… tels sont les principaux objectifs que se sont fixés les membres du Kolektif Mizik Moris. Nous leur souhaitons Bon Vent !

Contact : Bernard [email protected] / (+ ou 00) 230 796 95 89

ENN - MauriceCafé culturel très actif basé à Camp Le Vieux (Rose-Hill), le Sapin a accueilli en ses murs la 3ème édition du Festival ENN, du 7 au 22 décembre. L’occasion pour l’équipe de Yann Durhone de mettre en valeur la nouvelle scène musicale et artistique de l’Ile Maurice, et au-delà de la zone Océan Indien. Une douzaine de groupes se sont produits ainsi sur la scène du Sapin, notamment Richard Beaugendre, Etae, Eric Triton, Philippe Thomas Syndicate et Denis Fricot. Comme chaque année, un

groupe réunionnais était invité à participer à cette grande fête artistique. C’est le groupe Grèn Sémé , récent lauréat du Prix Alain Peters, et découverte du Printemps de Bourges 2012 qui était à l’affiche de cette édition .

A noter : Le PRMA est partenaire du Festival ENN à travers une action de formation de formation dispensée à l’Institut Français de Maurice à Rose-Hill, partenaire important de ce festival.

Contact : Yann DurhoneLe Sapin, Café CultureA ve Ratsitatane, Camp Le Vieux, Rose‐HillT(+230) 7490188 ou (+230) [email protected]

dans la zone

Le Séga, des origines… à nos jours. De Jean Clément CangyEditions Makanbo (île Maurice).

Dans un bel ouvrage paru récemment, Jean-Clément Cangy retrace l’histoire du séga. De sa naissance à la période de l’esclavage jusqu’à son statut actuel, entre folklore et musique contemporaine. Le livre comporte également de belles images signées Kadrewel Pillay Vythilingum.Tout en retraçant l’histoire de cette expression culturelle unique, l’auteur rend un bel hommage à ceux qui ont lutté pour que le séga soit aujourd’hui accepté. L’évocation des grands ségatiers, quasi exhaustive, va de Ti Frer, le père du Séga mauricien jusqu’aux artistes d’aujourd’hui (Kaya, Cassiya, Nancy Dérougère, etc..). En alternance avec le texte de nombreuses chansons (retranscrites en creole et en français), Jean-Clément Cangy nous parle des Jean-Claude Gaspard, Michel Legris ou Roger et Marie-Josée Clency qui feront que le Séga mauricien (aux formes variées : séga lakour, séga salon, séga typique, etc..) connaîtra le succès que l’on sait à Maurice, à La Réunion et ailleurs.Au final, ce livre dénonce l’injuste mépris qui existe envers les ségatiers. Mais surtout représente un plaidoyer sincère sur la pertinence d’inscrire le séga au patrimoine mondial de l’humanité.

À lire

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8mzk #46

MOUNAWARSawa

Production : Maecha Metisdistribution numérique : Zimbalam

Mounawar a enfin enregistré ses meilleurs morceaux pour en faire un excellent premier album, intitulé “Sawa”. Le chanteur anjouanais a confié la réalisation de l’opus à Claude

Dibongue, l’un des collaborateurs de Tony Allen. L’enregistrement a eu lieu au Pressoir, près de Tours, un vieux studio aménagé sur un site troglodytique. Alliance de funk, de pop et d’afrobeat, les titres de”Sawa” s’appuient sur un triptyque guitare-basse-batterie au service d’un groove imparable. En français, en swahili et en anjouanais, Mounawar utilise la poésie pour aborder des sujets universels tels que l’exil, les trau-matismes de la guerre, la destruction de la planète, le pouvoir, l’extrémisme… Une belle réalisation !

Infos et contacts : [email protected] scène hors Réunion: Safoul Productions 01 48 59 36 [email protected]

ZARLORBlouz an Maloya, Maloya an Blouzé

Production : Zarlordistribution : Zarlor

Le groupe Zarlor («Trésor» en créole réunionnais) consacre un album épicé à l’un des trésors de l’île : son maloya. “Blouz an Maloya, Maloya an Blouzé” fait évidem-

ment un parallèle entre les musiques des esclaves du continent américain et ceux de l’Océan indien. Pour la formation de St Louis, blues et maloya sont les deux expressions d’une même musique : le «kri la soufrans». Fabrice Coupama et les siens font preuve ici d’une grande maturité artistique. L’album démontre un indéniable savoir-faire vocal et instrumental, avec la mise en valeur des percussions traditionnelles et un soin tout particulier apporté aux arrangements et aux harmonies vocales.

Infos et contacts : 0692 05 00 59 //[email protected]

NATACHAFanm

Production : Association Vivre en Muzikdistribution : discorama

Forte d’une longue expérience en tant que musicienne et choriste, Natacha Tortillard a récemment sauté le pas pour se lancer dans une carrière en solo. Son premier

album de 6 titres, très personnel et dédié aux femmes, est sobrement intitulé «Fanm». Elle y chante l’amour, la paix, et l’espoir de voir un jour disparaître les violences faites à la gent féminine partout dans le monde. Natacha Tortillard a elle-même composé les mélodies de l’opus mêlant séga, maloya, jazz ou encore bossa. Côté textes, à l’exception de «Mon Frèr» qui est l’oeuvre de Laurent Ognard, Natacha est à la plume et à l’inspiration. Côté réalisation enfin, la chanteuse a pu s’appuyer sur le talent de Thierry Gauliris (Baster). L’ensemble est frais et rythmé. A écouter !

Infos et contacts : [email protected]

KLEZMER NOVAL’Entre-Deux

Production : L’Orient express Moving Shnorersdistribution : L’Autre distribution

Grand spécialiste français de la musique Klezmer, Pierre Weikstein a longtemps vécu à La Réunion où il a notamment créé les groupes Piwek et Won-derbrass. Pas étonnant

donc de lire sur la pochette du nouvel album de Klezmer Nova le nom du charmant village du sud réunionnais. “L’Entre-Deux” est un album qui reflète la double influence de Pierre Weikstein quand il était dans l’île : rythmes du séga et du maloya d’un côté, structures jazz et klezmer de l’autre. Un savant mélange, inédit à ce jour, où prime avant tout l’exigence du métissage et de la rencontre entre deux traditions anciennes et complexes. Un défi artistique de taille, relevé avec élégance par le saxophoniste virtuose, et une belle preuve d’amour dédiée à La Réunion.

Infos et contacts : [email protected]

ETAEParfin ou loder

Production : etaé (Ile Maurice)distribution : Autodistribution

Le premier album du groupe mauricien Etaé est une pure merveille acoustique, bercée par un jazz de l’Océan indien raffiné et rythmé. “Parfin ou loder “ sonne comme

une invitation aux voyages vers l’Ile Soeur mais surtout vers les côtes africaines, à l’image des titres «Inhambane» et «Amani ya Kenya». Profondément métissé, cet album épuré porte en lui le souffle chaud des nuits mauriciennes. Il a en effet été enregistré par les sept membres du groupe à la belle étoile, du côté de Pointe aux Sables. A noter également : le soin apporté au packaging de l’album, un coffret où le livret central se déplie comme une carte maritime, orné d’une magnifique fresque de Evan Sohun. Une perle sonore lovée dans un bel écrin graphique !

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BANN GAYAR-

Production : hémisphère Suddistribution : hémisphère Sud

Bann Gayar, c’est un collectif d’artistes locaux réunis par la société Hémisphère Sud pour créer un spectacle musical inédit, basé sur le patrimoine réunionnais.

Un double album a vu le jour, réunissant sur 19 morceaux quelques grands noms de la scène péi : Bernard Joron, Thierry Gauliris, Davy Sicard, Tikok Vellaye, Ti Fock, Meddy Gerville, Dominique Barret… et tant d’autres. La Dream Team 974 est en outre gentiment mise en boîte par les artificiers de l’humour Jardinot et Sinaman qui interviennent pendant les interludes, ce qui ajoute encore un peu de piment à l’enregistrement. Un bel album, et une bonne action : l’ensemble des bénéfices de l’opération est reversé à la Fondation Antenne Réunion Groupe.

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chroniques

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9 mzk #46

LES JEUNES MARIÉSDarling

Production et distribution: Les Jeunes Mariés en Musique

Le troisième album des Jeunes Mariés (Delphine Canard et Stéphane Chomette pour l’Etat Civil) s’inscrit résolu-ment dans une veine british pop. La plupart des titres de “Darling”

sont chantés en anglais, et l’ensemble sonne beaucoup plus rock que les précédentes productions du duo, qui étaient plus proches de l’univers chanson réaliste. L’enregistre-ment a eu lieu à Ilet à Cordes et les deux tourtereaux ont su s’entourer en studio de quelques pointures locales : Eric Lucilly à la batterie, Vincent Philéas aux percussions, Jean Lauria à la basse ainsi que les guita-ristes Marc Bannerot et Stéphane Herbaux. Partis s’installer depuis quelques mois en métropole, Les Jeunes Mariés reviennent en février 2013 pour une tournée à La Réunion.

Infos et contacts : [email protected]

CHANE KANECilaos Crossroads White Tree

Production : Chane Kanedistribution : autodistribution

Guitariste et amateur d’arts graphiques, Bruno Chane Kane est également un conteur inspiré, comme en témoigne la trame narrative de ce “Cilaos Crossroads White

Tree”. L’histoire du Blues et de ses racines, transposée à la zone Océan Indien. Ici l’arbre où les musiciens font un pacte avec le Diable plonge ses racines dans la rivière Bras Rouge à Cilaos, non plus dans le fleuve Mississipi. Principalement instrumental et acoustique, cet opus utilise les parties cordes et leurs larges possibilités sonores pour évoquer, et retracer cette épopée musicale. Pour l’occa-sion, Chane Kane a convié Mounawar pour des interventions chantées, ainsi que son ami de longue date Subhash Dhunoohchand pour les parties tablas.

Infos et contacts : [email protected]

PHIL’ PINK Nout’ Gaspésienne

Production : Autoproductiondistribution : Autodistribution

Auteur et compositeur du Nord de l’île, Phil’ Pink a réuni sur ce premier disque 10 morceaux qui se classent dans les genres séga et maloya, avec quelques détours par la soul, la country et

même les musiques afro-caribéennes. Le titre éponyme de l’album, «Nout’ Gaspésienne», est un clin d’oeil aux amis canadiens de Mister Pink (la Gaspésie étant une péninsule du sud-est du Québec), tandis que «Démaillé» rend hommage à tous ceux qui l’ont aidé à se réaliser en tant que chanteur et musicien. Phil’ Pink a mis beaucoup de coeur dans cet enregistrement et cela s’entend. Il chante La Réunion et ses trésors : ses musiques et ses «Cafrines Maloya» notamment.

Infos et contacts : [email protected]

ROBINPolychrome

Production : R.R. Production, avec le sou-tien du Conseil Régionaldistribution : autodistribution

Voix chaude, nostalgie tranquille du vieux sage, acoustique charnue et corporelle : Robin livre un 4e album à la hauteur d’un par-cours désormais bien connu qui l’a vu passer

récemment sur la petite scène du Téat Plein Air. Nourri de maloya, de rythmes africains, l’album déploie lentement ses influences folk joliment travaillées. Les textes, souvent en créole, sont à la fois sensibles et voya-geurs, volontiers rêveurs. Ils interrogent les notions d’identité et d’appartenance, tendent vers une philosophie positive et la volonté d’ouverture qui caractérise la world music contemporaine. Paisible, beau et serein, cet album dégage une énergie toute en rondeur, à l’image d’un artiste d’une grande simplicité.

Contact : www.muzikrobin.net / Manager : Alexandre Patrick - 09 53 59 69 [email protected]

MATTHIEU BRILLANTMade in Maloya

Production : autoproductiondistribution : autodistribution

Sur les traces de Meddy Gerville, le jeune Matthieu Brillant vient de franchir un nouveau cap en publiant son premier album, Made in maloya. A seulement 24 ans, le jeune pianiste y fait

montre d’une belle maturité, notamment sur les plages musicales, où son talent d’improvisateur et celui de ses camarades s’exprime à plein (Emmanuel Félicité à la batterie, Jérôme Calciné aux congas, Sté-phane Guézille à la guitare, Denis Turpin au saxophone et la fameuse Natacha Tortillard aux choeurs). Avec une poignée d’invités de marque, comme Gwendoline Absalon ou Bernard Permal, ce disque est l’un des plus prometteurs à paraître dans la veine jazz-maloya : 9 titres de groove tropical à la production nickel.

Contact : Matthieu [email protected]

TABOOAllumer la lumière

Production : taboo, avec le soutien du Conseil Régional et de la Mairie du tampondistribution : taboo

Un fond de rock, une pincée de blues, un zeste de country et de bonnes parties gui-tares pour lier le tout… telle est la recette du nouvel album du groupe Taboo, Allumer

la Lumière. Très inspirés par l’histoire de la musique américaine, Thierry About et Joseph Bigot signent les titres d’une épopée rock, un voyage qui nous mène des hauteurs du Tam-pon à la plaine du Mississipi. Dans la veine d’artistes francophones ayant subi les mêmes influences, d’Eddy Mitchell à Paul Personne, ils creusent avec leurs musiciens (Gérard Chotard à la guitare, Bertrand Coulon-Paramé à la basse, et Pascal Mialanes à la batterie) les sillons d’une musique comme sortie d’un Memphis métis et imaginaire où l’on parlerait à la fois français, anglais et créole.

Contacts : Thierry About - 0262 27 09 [email protected]

ChroniquesVous désirez nous faire parvenir votre album ?PRMA - 6 bis rue Pasteur - BP 101897481 Saint-Denis CEDEXTél : 02 62 90 94 60

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10mzk #46

BOURBON PATRIMOINEPierre Roselli

Production : Association Les Chokasdistribution : Oasis distribution

L’association les Cho-kas poursuit son travail de remises à l’honneur du patrimoine musical populaire réunionnais. Après un album dédié au maloya, un autre aux cuivres puis à

Roland Raelison, c’est au tour des plus grands succès de Pierre Roselli d’être réinterprétés par les artistes d’aujourd’hui. Christian Baptisto, Jean-Paul Volnay, Micheline Picot, Max Lauret, Jean-Marc Pounoussamy chantent des tubes choisis sans distinction de genre : de la pure variété de «Marylou» au maloya de «Gustave mon voisin». A noter, la présence d’Herbert Léo-nard sur 4 titres, et celle de Danyèl Waro, chargé de ressusciter le légendaire «Donne à moin’ la main» - dans une version surpre-nante, parfaitement fidèle à l’originale. Le livret du disque contient de nombreuses photos, une biographie très complète de Pierrot et une interview du chanteur parue en 1980 dans Star Top.

Infos et contacts : Association Les [email protected]

LOÏCSoley

Production : People and Music harmonydistribution : discorama

Déjà remarqué pour les belles orchestrations de son 1er opus, “ Le Sang Bourbon “, Loïc Païnaye revient avec un 2ème album intitulé “Soley”. Quinze titres de bonne facture, à

classer au rayon reggae made in La Réunion, chantés en créole, en français et en anglais. La voix aérienne de Loïc y chante l’île de son coeur, évoquant son histoire ainsi que sa réalité contemporaine. Le reggae de “Soley” est influencé par le maloya («Omaz») et le ragga («Love»), dévoilant de bonnes vibra-tions relayées par un saxophone bondissant et des guitares qui savent se faire très percu-tantes. Alternant les parties acoustiques et électriques, “Soley” est une belle découverte de la nouvelle scène péi.

Infos et contacts : [email protected]

TEDDY IAFARE-GANGAMAIsi Anndan

Production & distribution : Zamalak

Auteur de théâtre et de livres pour enfants, fonnkézèr, Teddy Iafare-Gangama met le verbe en musique depuis 2007. En duo dans le groupe

Funkezer d’abord, puis en solo, accompagné par des formations diverses, il donne sur scène des performances situées quelque part entre le concert et la décla-mation. L’homme est donc d’abord écrivain et poète, et si ce premier disque est une œuvre musicale à part entière, “Isi Anndan “ se distingue surtout par ses textes, mar-qués par un jeu très riche de répétitions et de modulation autour des sonorités de la langue créole. Tantôt doucement nostal-gique, tantôt féroce dans le sarcasme, Teddy Iafare-Gangama signe un premier enregistrement émaillé de belles collabora-tions, avec le guitariste Jozéfinn notamment, mais aussi Tiloun, Danyèl Waro ou Gaël Velleyen sur un final collectif d’anthologie (Koudkongn mon kèr).

Infos et contacts : [email protected] // 0693 93 04 05

LES FRERES MAILLYMi Pense A Ou

Production : Oasis Productiondistribution : Oasis distribution

S’il en était besoin, ce nouvel album des frères Mailly montre, comme le dit le dos de la pochette, que le «Séga lé toujour là». Quatre chansons origi-

nales : un hommage ému aux parents, une romance 100% doudou dédiée à l’Amour, une autre, festive, au mariage, et le portrait d’un homme bon malmené par la vie. Auteur et compositeur, Denis Ferblan-tier fournit à Denis Mailly et ses musiciens les plans d’un séga sentimental tradition-nel carré, qu’ils suivent à la lettre. Le 5e morceau est une reprise de «Marie-Hélène», en hommage au guitariste Johnny Rabois, disparu accidentellement l’année dernière, qui l’avait écrite pour son groupe, Kormoran dont les frères Mailly sont aussi les piliers.

Infos et contacts : Jean-Denis Mailly - 06 92 76 06 80

GOLGOT VRKonténèr

Production : autoproduction, avec le sou-tien du Kabardock. distribution : Golgot VR

Entre punk garage, new wave et nerdcore (fu-sion de rock et de sons de jeux vidéo, à base de consoles 8-Bits et de vieux Pacman), Gol-got VR bricole un son d’une actualité et d’une

énergie rafraîchissantes. Tout seul, équipé d’une guitare, d’un sampler rudimentaire et d’une voix volontiers aigrelette, Hervé (VR en verlan) fabrique du rock authentique et origi-nal, avec un lyrisme éperdu, de la fantaisie, une bonne maîtrise de l’anglais courant et des inspirations végétales. Cet EP, enregis-tré avec le soutien du Kabardock, évoque à la fois les Pixies, le premiers albums de The Cure, l’aube du millénaire et son électro rock (The Rapture). Installé à La Réunion depuis 2005 mais plutôt rare sur scène, Hervé Gaul-tier est avec Thermoboy l’un des éclaireurs les plus intéressants du rock local.

Infos et contacts : [email protected]

PASCAL SAMYAyolam

Production : Auto Productiondistribution : debs Musique (physique), Zimbalam (numérique)

L’anagramme qui sert de titre au 4e album de Pascal Samy, précé-demment produit par Piros et désormais cavalier solitaire, évoque de suite l’envie de l’auteur de jouer

avec les codes, si possible avec malice - envie qui trouve un gai prolongement sonore dans l’aigrelette sonorité du kazoo, présente sur plusieurs morceaux. Passant du seggae satirique à la complainte variété piano-voix en passant par le maloya moqueur, et même la salsa touristique, Pascal Samy joue du pittoresque avec un art consommé de l’ironie, qu’il prend manifestement beaucoup de plaisir à manier. Et il en donne, du plaisir, d’un genre à l’autre, dans un album qu’il maîtrise de bout en bout : arrangements, mixage, paroles, composition, guitares, claviers, et même les choeurs !

Infos et contacts : www.pascalsamy.com //Zembrocal Prod : [email protected] 06 14 44 70 45

chroniques

Page 11: Muzikalité 46

11 mzk #46

OUSANOUSAVACes artistes qui nous lient, de Brassens à Nougaro

Production : Ousanousava distribution : Baster prod’

On se doutait que Ber-nard Joron et ses com-parses allaient donner une suite discogra-phique à leur hommage aux grandes idoles de la chanson française, applaudi partout sur

les scenes de l’île depuis un an. C’est chose faite, avec 17 reprises de Distel, Ferré, Brel, Vian, Brassens, Salvador, Reggiani, Ferrat et surtout Nougaro (5 chansons rien que pour lui), à qui Bernard Joron emprunte sa ronde élocution avec un mimétisme confondant. L’exercice de music hall vire même parfois à l’imitation virtuose, comme sur «Arms-trong», où l’on peine à distinguer la voix de son frère, François Joron, de celle du défunt Toulousain. Entre jazz tropical et séga brillant, le groupe parvient pourtant à trouver une interprétation personnelle et pertinente de classiques réputés difficiles, comme «Les Vieux» de Brel, ou la «Berceuse…» de Jean Ferrat, qui leur vaut d’ailleurs les chaleureux compliments de son parolier, Guy Thomas. Joyeux hommage et belle réussite.

Infos et contacts : E. Assani : 06 92 02 42 30 [email protected] // P. Wong-Fong : 06 92 65 50 37 - [email protected]

GAELLE LAURETThe Journey

Production : Gospel Sound Musicdistribution : discorama

On se souvient d’un premier album, “Révé-lation” il y a 15 ans, où une gamine pas encore majeure naviguait déjà avec aisance dans un univers variétés jazzy balisé par Meddy Ger-

ville, accompagnateur et arrangeur. Depuis, Gaëlle Lauret a fait du chemin : passée par le conservatoire de Bruxelles, puis par la Californie où la légende du gospel Andraé Crouch la prend sous son aile, elle revient avec un album intégralement en anglais dans la veine exaltée du negro-spiritual, tout juste nourri de funk et de jazz sauce Withney Houston. Lyrisme, prouesses vocales (la technique est impeccable), choeurs partout présents et formation réglée au millimètre : bien qu’enregistré en Belgique, l’album porte la marque des solides factures soul américaines.

Infos et contacts : www.gaellelauret.com // Gospel Sound Music Management : +32 (0)495 799 909 // [email protected]

LASKAR POSSE V.Ridik

Production & distribution : Laskar Posse

Voilà 13 ans que le groupe Laskar travaille une fusion reggae / hip-hop inspirée par des groupes de rap US comme The Roots ou Cypress Hill, et par les légendes jamaïcaines

que sont Steel Pulse ou les Wailers. V.Ridik, leur premier album, est paru à l’origine en 2009. Bâti sur une base rythmique instru-mentale hyper efficace (basse, guitares, batterie, percussions), leur son emprunte tant au dancehall qu’au funk pour propulser un rap conscient et protéiforme. Hardcore, slam, ragga, chant : le Posse est à l’aise dans toutes les formes d’expression vocale du hip-hop, avec un crew nombreux et viril de MCs en treillis militaires, et une voix féminine aussi à l’aise sur des refrains soul que sur de longues plages slam entêtantes. Depuis la parution de V.Ridik, le groupe a fait du chemin, avec de belles premières parties au Kabardock, et sur un plateau «Fréquences Péï» au Palaxa.

Infos et contacts : Borelly Karim : 06 92 90 53 93 - [email protected]

ALAIN RUGELOu la vu komen li lé, allé koze ek li

Production : Coprod. hil Music Familydistribution : Autodistribution

Deux ans après “Remise en cause”, Alain Rugel enregistre à nouveau, avec la même intensité poétique et une intransigeance intacte, forgée par un parcours tracé dans la

marge, entre grosses galères et petits écarts de conduite. Bien que souvent difficile à décrypter, son écriture rugueuse et cérébrale est imprégnée de révolte et résolument mé-tisse, marquée par une quête d’identité fé-roce. Même recherche dans la composition, avec un maloya parfois slammé, toujours à la frontière du “fonnkèr, et dominé” par des sonorités aigües (le mgambus du Comorien Oumouri Moilime, le bobre très en avant). Avec le soutien de Jean Amémoutou Laope au roulèr, et celui de Hilaire Chaffre, papa de la HIL Family qui produit et arrange l’album, Alain Rugel poursuit avec ce second album un parcours d’une entière intégrité.

Infos et contacts : Johnny C. 06 92 23 76 40 - [email protected]

URBAIN PHILEASFiamboniany

Production : Associacion Lo Flambo / Oasis. distribution : Oasis

Dans les rites mal-gaches, le fiamboniany est une corne de zébu, remplie d’ingrédients très divers et ornée de perles, sur laquelle l’ombiasy souffle pour lui donner du pouvoir.

Lui-même ombiasy (guérisseur, devin, sor-cier) depuis 15 ans, Urbain Philéas a choisi cet objet pour baptiser un 4e album où se croisent des influences indo-océaniques diverses, des souvenirs d’enfance, des images de la Grande Île, de sa mère, ou de Saint-Benoit. L’idée, derrière ce baptême, c’est que le souffle de l’ombiasy donne leur unité aux ingrédients qui sont dans la corne : le souffle de Philéas, fils du légen-daire Granmoun Lélé et gardien des racines spirituelles du maloya, donne leur unité à ces 9 impressionnants morceaux. L’écri-ture est nickel, la voix sûre, forte et ample, les percussions inflexibles, et les mélodies entêtantes, notamment sur les deux titres chantés avec Théo Rakotovao, la star du beko sudiste , connu sous le nom de Mikea. Un album gaillard, d’une grande richesse, habité : l’un des meilleurs de l’année, sans le moindre doute.

Infos et contacts : Association Lo Flambo : 02 62 17 44 47 // Management, N. Quipandédié : 06 92 88 81 23 - [email protected] ou Yann Valle : 06 92 72 03 65 - [email protected]

JACKEElle me parle de voyages

Production & distribution : Jacké Prod. (autoproduction)

Avec ses sonorités acoustiques, son blues malgache chanté en français et ses rythmes tropicaux, le travail de Jacké évoque l’âge d’or des aristo-crates de la chanson

française, les oeuvres les plus voyageuses de Voulzy, de Goldman ou de Le Forestier, celles des années 90, quand la world music commence à vraiment percer en France. Enregistré et mixé à Tananarive, cet album sent aussi l’Andalousie, sans doute parce que le chanteur est aussi guitariste au fin doigté. Rime solide, efficacité mélodique, sentimentalisme très acoustique : de la variété ouverte au monde donc, et de la bonne.

Infos et contacts : [email protected]

Page 12: Muzikalité 46

12mzk #46

Dossier

Danse et costumes traditionnels Un patrimoine en danger ?

Les musiques traditionnelles réunionnaises se portent plutôt bien, grâce à l’enthousiasme des artistes et du public, mais aussi à la reconnaissance de l’uNeSCO et au travail de recherche, de sauvegarde et de valorisation du patrimoine. A tel point que l’on commence à percevoir, sur la scène réunionnaise, un déséquilibre entre l’attention portée au maloya en tant qu’expression musicale, et les autres pans du patrimoine culturel de l’île, au premier rang desquels les danses et les costumes traditionnels.

Les danses et les costumes traditionnels réunionnais sont-ils en train de se perdre ? Quelles initiatives pour les revaloriser ? Peuvent-ils être un atout dans la professionnalisation des musiciens réunionnais. Eléments de réponse.

Lithographie de Louis Antoine Roussin, extraite de l’Album de La Réunion.

«danses des cafres»

Propos recueillis par F. Gaertner

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13 mzk #46

« Une partie des danses traditionnelles est déjà perdue. »Bernadette Ladauge

elle fut l’une des premières à organiser le collectage d’instruments de musique, de documents écrits, de photographies et de partitions pour préserver le patrimoine culturel réunionnais. depuis près de 50 ans, Bernadette Ladauge se bat pour préserver et faire vivre le folklore réunionnais, avec le Groupe Folklorique de La Réunion d’abord, en organisant la transmission du savoir ensuite, et enfin par un infatigable travail de recherche et de promotion. elle est aussi, selon l’ethnomusicologue Jean-Pierre La Selve, la seule spécialiste des costumes traditionnels de La Réunion. Il était donc naturel de consulter cette dame franco de port et de solliciter ses lumières.

On a le sentiment que les danses et les costumes traditionnels sont sous-représentés sur la scène locale. Pourquoi, à votre avis ?

Déjà, il faut savoir qu’une partie des danses traditionnelles est déjà perdue : beaucoup d’entre elles ont disparu après la guerre. Elles sont passées de mode, et sont tombées dans l’oubli. Le plus terrible aujourd’hui, c’est que j’ai des demandes du troisième âge pour leur réapprendre le quadrille, par exemple. Alors que normalement c’est eux qui devraient me l’apprendre ! Mais les gens qui ont connu cette époque étaient trop jeunes alors pour pratiquer, et ceux qui étaient en âge de pratiquer ont bien souvent disparu. Et le travail de collecte et de transmission de cette mémoire n’a pas été fait, parce que ces choses-là sont considérées comme inintéressantes. Alors qu’il y a encore plein de gens qui y tiennent, bien qu’ils soient souvent un peu âgés déjà. Mais c’est à cette vieille génération qu’appartient le rôle de transmettre son savoir.

d’où viennent les danses traditionnelles réunionnaises ?

En tout, à La Réunion, que ce soit pour la musique, la danse, les costumes, la cuisine, les contes, etc., on a trois sources. Une source française, une source afro-malgache, et une source indienne. Dans tout

ce qui est le folklore, c’est-à-dire le savoir et la tradition populaires, il y a toujours ces trois sources. Mais en ce qui concerne les danses en particulier, c’est d’abord l’Afrique et Madagascar, et ensuite la France. Au départ, le séga, c’est une danse qui est née ici à La Réunion, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui le maloya. Au 18e siècle, Tchéga ! était un cri d’encouragement dans une forme primitive du séga, qu’on a appelée séga des Noirs, et qui ressemble beaucoup à ce qu’on appelle aujourd’hui le maloya, ou maloya tradition.

C’était la musique des exploitations sucrières, du temps de l’esclavage. Elle était basée sur des percussions et des cris, beaucoup d’influences malgaches et quelques mélodies

d’origine française bien que les paroles, mal comprises, aient souvent été déformées.

A quel moment arrivent les influences européennes, et le séga moderne tel qu’on le connaît aujourd’hui ?

Ce qu’on va appeler le séga créole apparaît dans la première moitié du 19e siècle. Il s’agit d’une variante du séga des Noirs, mais orchestrée, avec des violons, un piano, puis plus tard des accordéons, des cuivres, etc. Il va se développer beaucoup dans les villes et va entraîner dans son sillage un changement dans les danses locales. Au départ, ce séga urbain est une danse libre de séduction. On la danse en couple, mais

« trois sources : française, afro-malgache

et indienne »

Fondateur du groupe folklorique les Compères Créoles et de l’association du même nom, Jean-Max Cazanove lutte depuis une vingtaine d’années pour la préservation des danses et des costumes traditionnels à La Réunion, notamment à travers des ateliers autour des danses et des musiques traditionnelles à La Possession et au Port. «Les jeunes ne s’intéressent plus à ces danses, il n’y a pratiquement plus de groupes folkloriques, les soutiens publics sont durs à trouver, et si on n’assure pas la transmission, ce patrimoine finira par se perdre…», prévient-il.

Ce volet pédagogique est complété par des recherches de longue haleine menées aux Archives Départementales pour identifier à travers des lithographies les éléments du costume traditionnel réunionnais, et par un travail de collectage de terrain sur la danse, pour recueillir les mouvements des différentes danses pratiquées au cours de l’histoire de l’île, sans discrimination de genre ou d’origines : «Les querelles de chapelle entre le maloya, le séga ou autres, ce qui doit être mis en avant ou non, la politique, tout ça ne me regarde pas. Mon travail, c’est d’archiver et de préserver tout ce qui a été fait, et de préserver les formes traditionnelles authentiques», précise-t-il.

Malgré les difficultés rencontrées pour obtenir des soutiens financiers, après deux décennies de travail, jean-Max Cazanove prévoit de publier un ouvrage sur le codage du séga. Illustré par un aquarelliste, cet ouvrage a pour but de recenser et d’expliquer l’ensemble des mouvements des danses traditionnelles. Il achève par ailleurs le tournage de deux films qui seront édités sur DVD, le premier pour présenter les ateliers et le travail mené avec les jeunes, et un autre sur l’histoire de l’île, de son économie et de ses musiques. Tous ses projets devraient aboutir en 2013.

Les Compères Créoleswww.comperes-creoles.jimdo.com0692 096343

Jean-Max CazanoveLe compère créole

Les querelles de chapelle (...) ça ne me regarde pas

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les partenaires ne se touchent pas. Jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les moeurs étaient autrement surveillées, et toucher sa partenaire était dans certaines régions une cause d’excommunication, comme la volte en Provence. Et puis les guerres napoléoniennes ont ramené en France toutes les cultures d’Europe, dont la valse, et d’autres mouvements où on tenait sa partenaire. Et à partir du moment où l’homme a commencé à tenir la femme par la taille, il ne l’a plus lâchée. Et on s’est mis à tout danser de la même façon : la mazurka, la polka, le scottish, et le foutu séga créole ! Ca a donné deux formes de séga créole : une libre où on ne se touche pas, et un séga de salon, disons.

Vous disiez que certains mouvements de quadrille se sont perdus. quelle était cette danse ?

Le quadrille créole est issu des chorégraphies qui se dansaient au 19e siècle en France et en Europe, mais adaptées au rythme du séga et à ses attitudes. Chorégraphie blanche sur musique noire, si on veut. Le séga créole est une danse libre, mais le quadrille est une danse de société, très codifiée. 4 couples dessinent des figures dans un carré. Il y a 5 figures et chaque figure comprend 3 mouvements. Les musiques ont parfois été inspirées par le séga, mais très souvent ce sont des musiques f r a n ç a i s e s créolisées au niveau du rythme et qu’on va retrouver ensuite dans le séga créole et dans le maloya, parce que les esclaves et les ouvriers agricoles par la suite vont reprendre ces airs pour en faire des ségas. Quand on écoute Firmin Viry, dans son maloya, il y a au moins 10 musiques de quadrille. Parce que depuis 150 ans, tout s’est brassé : danses, musiques, costumes, etc.

Au 19e siècle, justement, que devient le séga des Noirs, qui donnera le maloya ?

Le séga des Noirs, lui, va rester implanté dans les exploitations sucrières et s’enrichir d’apports indiens, et survivre jusqu’à aujourd’hui sous les trois formes qu’on connaît : le maloya kabar, qui est un discours ou une complainte, le maloya festif, et le maloya cultuel. Il survit mais il est comme on sait de plus en plus confiné parce qu’avec l’urbanisation, le séga créole s’est beaucoup développé, sans parler de sa mauvaise réputation ou des interdictions, pour des raisons religieuses d’abord et puis politiques.

Au point de presque disparaître ?

Si le Parti Communiste ne s’était pas servi du maloya comme étendard dans les années 60 et 70, si l’intelligensia n’avait pas décidé que cette musique devait devenir la culture typique et authentique de La Réunion, il n’est pas exclu que cette musique aurait complètement disparu. Or aujourd’hui, ironie du sort, c’est l’inverse qui se produit, c’est le séga traditionnel qui est en voie d’extinction. Il a été balayé, avec tout ce qui provenait de la culture française. Ca a été ringardisé, et puis c’est devenu le symbole de la bourgeoisie blanche, des anciens esclavagistes et colonialistes : on n’en voulait plus. En face, personne n’a vraiment senti le danger.

Parler de danger n’est-il pas exagéré ?

Non, parce qu’en vouant le séga aux oubliettes, on a laissé en friche le terrain des musiques populaires traditionnelles. C’est la brèche dans laquelle s’est engouffré le séga mauricien, qui est une musique contemporaine, qui est née dans les années 60, soit près de 130 ans après le séga créole réunionnais. Comme le zouk des antilles, le séga mauricien a profité de l’explosion de l’industrie touristique, dont il est devenu

l’un des éléments p r o m o t i o n n e l s , l’un des premiers éléments de l’imagerie carte postale qui a mangé toute la partie populaire des cultures tropicales. En devenant la musique de la fête et des jeunes, les musiques

venues de l’extérieur, le séga mauricien, le zouk, le reggae et ses dérivés, ont mangé les danses traditionnelles réunionnaises. Le séga et le maloya ne se dansent plus.

Pourtant, les gens dansent bien sur ces musiques ? Vous voulez dire que les chorégraphies originelles se sont perdues ?

Oui. A La Réunion, maintenant, on danse tout avec la patte en l’air, comme les Mauriciens. Mais le vrai maloya par exemple, se danse avec les deux pattes à terre, les pieds bien à plat, les jambes écartées et le corps en extension, le derrière qui roule. Parce qu’il y a un côté lourd, terrien, profond, qui vient de l’aspect cultuel et rituel de cette musique. Les Africains, ils ne dansent pas avec une patte en l’air ! On a sucré toute une partie chorégraphique importante, où la femme se mettait à genoux par terre, le corps en arrière, et où son partenaire se penchait sur elle. Le séga a encore moins bien survécu, puisqu’il se danse en couple, ce qui va à

rebours de la mode des danses individuelles qui dure depuis les années 70.

qu’en est-il des costumes traditionnels ?

C’est pareil : l’imagerie véhiculée par les costumes et les danses du séga contemporain relève d’un exotisme fabriqué et frelaté. On copie le carnaval de Rio, ou je ne sais quoi. On peut d’ailleurs dater précisément l’émergence de ces tenues à fleurs, légères : ce sont les tenues de plage du Club Méditerranée dans les années 70. Les tissus venaient des imprimés floraux tahitiens, et la coupe est inspirée des jupes coroles hippies et des tenues de plage qui ont été amenées à Maurice par le tourisme. C’est ce qui a été choisi par les Mauriciens pour promouvoir une destination touristique, c’est devenu un symbole presque par hasard. C’est une image entièrement fausse.

quel est le véritable costume traditionnel des musiciens et des danseurs créoles, alors ?

Il n’y a pas de costume spécifique pour la danse et pour la musique. Les costumes dépendent de l’endroit où on vit, de ses moyens financiers, et de l’occasion. La personne qui travaille en ville n’est pas vêtue comme un coupeur de canne. En revanche, quand ils vont à un mariage, ces personnes seront vêtues de la même façon. Forcément, les danses de salon, qui par définition se dansent avec des souliers et sur un sol plat, se dansaient plus en ville et dans la bourgeoisie. Les costumes sont donc plus fins. Et encore, quand on regarde bien, au quotidien, hors occasions spéciales, la patronne et la bonne ne sont pas habillées différemment. Ce qui va changer, c’était que l’une allait être en cotonnade simple, et que l’autre allait avoir de la soie, ou du velours, etc.

Peut-on parler de costume traditionnel tout court alors ?

Oui. Un costume traditionnel, c’est la ligne générale du vêtement qu’on va retrouver de génération en génération. Ce qui fait qu’un vêtement est traditionnel, c’est son adaptation au climat. Le costume traditionnel de La Réunion, c’est la mode française créolisée. On s’habille à la française, mais on s’adapte au climat. Parce qu’entre les paysannes de France et les robes d’ici, il n’y a pas grande différence en dehors du nombre de couches et de la légèreté des tissus. Ici, on a des cotonnades venues d’Inde. Comme on est au soleil, les couleurs vont être vives et gaies, et les tissus viennent d’Inde. L’un des éléments les plus distinctifs, pour les femmes, c’est un petit chemisier à basque qui recouvre la robe. Ca date du début du peuplement. Les hommes avaient un juste au corps, avec

...maintenant, on danse tout avec la patte en l’air,

comme les Mauriciens. Mais le vrai maloya par exemple, se danse...

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une basque. La chaleur et la nature de leurs travaux physiques vont les pousser à les abandonner, et ce sont les femmes qui les récupèrent. Pour revenir aux musiciens, ils étaient habillés avec le costume traditionnel, que ce soit des costumes de fête ou des costumes de tous les jours. Pour la coupe de la canne ou la pêche des bichiques ou le maloya, on est pieds nus, on a des jupes indiennes fleuries, on a le petit corsage blanc à basque, la capeline sur la tête, le «chapeau à noir»…

«Chapeau à Noir» ?

Oui, parce que depuis le début du peuplement, les esclaves n’avaient pas le droit de porter un chapeau en feutre. Ils tressaient des chapeaux de paille, qu’on appelait des chapeaux à Noirs et qu’on a appelé capeline par la suite. D’ailleurs tout le monde en portait, même les personne libres, parce qu’il faisait trop chaud pour supporter le feutre. Ce genre de costume d’époque, il y en a des centaines et des centaines dans les lithographies de Roussin, dans tous les documents depuis les premiers temps. Les jupes des femmes sont longues, avec ou sans jupon, tablier ou culotte, mais on a une constante, c’est le corsage à basque. Il y a bien souvent un fichu et, surtout, ce qu’on appelle le paliacate, qui est un mouchoir de tête à carreaux qui tient son nom de l’étoffe importé de la ville de Pallacat en Inde, au nord de Madras. C’est de ce tissu qu’on faisait les mouchoirs de tête et les chemises des hommes, qui étaient donc à carreaux.

Le «costume traditionnel» regroupe donc un vestiaire assez vaste...

Bien sûr ! Ça n’est pas un uniforme, et ça n’est pas figé. Non seulement le choix de ce qu’on veut porter est vaste, mais encore peut-on en donner une interprétation personnelle, comme nous le faisions dans le Groupe Folklorique de La Réunion. Donc il est inutile d’aller copier ailleurs le mélange exotique frelaté pseudo-world en vogue à l’heure actuelle. Le folklore implique une mise en scène d’éléments régionaux typiques et pittoresques. Mais quand vous faites une mise en scène frelatée en inventant des éléments pittoresques pour correspondre au fantasme des tropiques ou à une image de marque, les gens s’imaginent que ça n’est pas sérieux, ils se disent que c’est les Folies Bergères à la Bokassa, et puis c’est tout. Or ça regroupe l’ensemble des traditions régionales, c’est une part importante de notre culture.

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...le costume traditionnelde La Réunion, c’est la mode

française créolisée...

«Avant l’arrivée des enregistrements, les musiques traditionnelles se sont développées par la danse, dans les bals, explique-t-il. Cette dimension s’est perdue, et la musique traditionnelle a été formatée sous forme de chansons, qu’on écoute sans bouger.» Selon lui, pour conquérir un public nouveau, la musique réunionnaise doit retrouver ce lien avec la danse pour avoir une chance de développer son propre marché.

Dans son approche, qui est donc une approche de métier, son analyse l’a mené à comparer le marché des musiques traditionnelles réunionnaises à d’autres, afro-caraïbéennes, comme la salsa. «Aujourd’hui, il existe un public pour la salsa en grande partie parce que la pratique de cette danse en tant que loisir a préparé le terrain. Or aujourd’hui, à l’export, les artistes réunionnais se retrouvent devant des publics qui ne connaissent pas leur musique, qui ne savent pas comment la danser, qui ne les comprennent pas. De fait, sans subventions, beaucoup d’artistes réunionnais ne pourraient pas tourner en Métropole comme ils le font.»

Sur la base de ces conclusions, il a construit une démarche qui englobe recherche, collectage, pédagogie et projet artistique, dont le groupe Sully et les Chamanes est la partie immergée, et le poisson pilote : «Je

n’ai pas pu réunir les financements pour commencer mon travail au début, c’est-à-dire par la recherche et le collectage, et par l’élaboration d’outils pédagogiques à diffuser dans les écoles, par exemple. Le groupe me permet de fédérer un public autour du projet, en intégrant une dimension pédagogique aux spectacles des Chamanes.»

L’approche folklorique de Sully Chamand est inspirée par les grands ensembles des années 50 et 60, comme le Club Rythmique. Tout comme Bernadette Ladauge, il ne prône cependant pas une vision figée et réactionnaire de la danse et des costumes, mais l’utilisation d’éléments traditionnels dans un spectacle actualisé, dans la perspective d’une modernisation authentique des formes traditionnelles. C’est, à son avis, l’un des éléments décisifs pour rallier un public plus large, qui pourra servir de base au développement d’un marché, seul moyen selon lui de professionnaliser durablement les musiciens réunionnais.

La danse est-elle l’avenir de la musique réunionnaise ?C’est l’avis de Sully Chamand, créateur du groupe Sully et les Chamanes, qui s’est lancé dans une démarche globale de sensibilisation du public, dans l’objectif de créer, à terme, un marché pour les musiciens réunionnais.

pas une vision figée et réactionnaire de la danse

et des costumes

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Le soutien de la Région Réunion au secteur artistique et culturel s’adressait jusqu’ici principalement aux structures et institutions publiques et associatives. Ce secteur s’est considérablement développé ces dernières années. La Région Réunion a adapté ses aides régionales à l’évolution du secteur artistique et créé un nouveau dispositif pour les entreprises culturelles, répondant ainsi aux attentes du milieu professionnel.

Ce dispositif doit permettre d’accompagner ces entreprises dans leur développement et d’améliorer leur environnement. Il contribue également à la professionnalisation du secteur artistique et culturel, ces entreprises ayant un rôle essentiel dans l’accompagnement professionnel des artistes.

Il s’adresse aux filières du spectacle vivant et de la musique, du livre et des arts visuels (hors cinéma et audiovisuel qui bénéficient par ailleurs d’un régime d’aides spécifiques).

Une première série d’aides relatives à la consolidation et au développement des

entreprises culturelles est opérationnelle depuis le début de l’année :

• les aides à la création d’emplois : aide égale à 40% de la rémunération brute versée durant 2 ans plafonnée à 25 000 euros par emploi créé / aide égale à 50% de la rémunération brute versée durant 2 ans pour des recrutements de cadres plafonnée à 40 000 euros • les aides aux conseils : aide variant de 50% à 80% du coût en fonction de la durée de l’intervention,

• les aides aux investissements des entreprises culturelles et des « cafés-culture » : aide égale à 70 % des investissements plafonnée à 105 000 euros.

Ce dispositif vient d’être complété par des aides aux projets au bénéfice des filières livre et musique.

Ces aides visent à soutenir les projets artistiques des entreprises, et en particulier l’accompagnement des artistes

professionnels, la recherche de la qualité et de l’innovation, l’ouverture sur les marchés nationaux et internationaux :

• pour la filière musique et spectacle vivant : aide à l’accompagnement de développement de carrière d’artistes professionnels : aide égale à 50% du montant du projet plafonnée à 50 000 euros,

• pour la filière livre :aide à la préparation et à la publication de projets éditoriaux d’envergure et aide à la publication d’ouvrages et de revues : aide égale à 50% du montant du projet avec des plafonds variant de 5 000 à 20 000 euros en fonction de la nature du projet.

Pour toute information complémentaire :direction des affaires culturelles et sportives Pôle Grands Projets tél : 0262 92 47 47 Site région : www.regionreunion.com

un nouveau dispositif original et innovant a été mis en place en 2012 par la Région Réunion. tourné vers les entreprises culturelles, il participe à la dynamique de développement économique et de l’emploi de La Réunion.

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à l’aide Le dispositif d’aides aux entreprises culturelles s’enrichit de nouvelles mesures

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Kréativ’Ar

A la fois mélomane et très exigeant, Jérôme Ringana est le patron d’un petit studio d’enregistrement qui accueille la fine fleur de la scène locale. Ancien DJ aux côtés de Noox et Dan, il a très tôt fait le choix de se consacrer au talent des autres, notamment en tant qu’ingénieur du son pendant les concerts. Passé par l’ILOI du Port puis par l’école audiovisuelle SAE Institute de Paris, c’est avec un diplôme d’Ingénieur en poche qu’il est rentré à La Réunion en 2006 pour reprendre l’activité de sa société créée en 2001 à S a i n t e - S u z a n n e , Kréativ’Ar (Kréativ Audio ressources). Ce studio qui servait au début du millénaire à enregistrer des spots publicitaires pour la TV et la Radio, va peu à peu devenir la véritable cuisine où préparer de nouveaux albums péi. Car Jérôme Ringana aime comparer son métier à celui du cuisinier : il dispose d’une large palette d’ustensiles et d’ingrédients pour réussir le cari parfait. “Cilaos” d’Iza, “Fanm” de Natacha Tortillard (présenté dans les pages Chroniques du présent numéro) ou encore “Mon Péi”de Davy Sicard, autant de projets artistiques qui ont pu voir le jour grâce à Kréativ’Ar. Une PME avec une activité en progression constante, mais qui ne génère pas suffisamment de revenus dans sa partie Studio. L’activité essentielle de Jérôme Ringana est donc la

sonorisation de concerts : il est l’Ingénieur du son de Davy Sicard pour Hémisphère Sud, et travaille aussi pour de nombreux musiciens locaux tout au long de l’année.

Enregistrement, mixage et pré-mastering sont les étapes que le studio Kréativ’Ar propose aux artistes. Le tout dans des conditions techniques optimales, mais sans fioritures, comme le rappelle la devise de l’entrepreneur : «Ici pas de Bling-Bling, mais le son est Dingue Dingue !».Quant à l’avenir de sa profession face aux

profondes évolutions de l’industrie du disque, le patron de Kréativ’Ar n’est pas inquiet : «Bien sûr on voit de plus en plus de home studios chez les musiciens, mais

le studio d’enregistrement reste un maillon essentiel dans la production musicale. La dématérialisation de la musique change les modes de diffusion, pas les conditions d’enregistrement. Notre savoir-faire et nos équipements ne pourront pas être remplacés du jour au lendemain par un ordinateur et une souris !».

Studio Kréativ’Ar3 ruelle de la Carrière

97441 Sainte-SuzanneIle de La Réunion

0692 88 79 [email protected]

depuis une dizaine d’années, Jérôme Ringana s’investit dans la musique péi grâce à son studio d’enregistrement Kréativ’Ar à Sainte-Suzanne. Comme beaucoup de professionnels du secteur, le jeune entrepreneur doit diversifier ses activités pour pouvoir vivre de sa passion.

depuis mars 2012, le boulevard Bonnier à St Leu accueille un véritable magasin d’instruments de musique.

Le projet a pu voir le jour grâce à deux amis musiciens, eux-mêmes confrontés à l’offre très réduite en matière d’enseignes spécialisées à La Réunion (on ne compte en effet qu’une dizaine de magasins d’instruments pour plus de 800 000 habitants).Fabrice Maillot (guitariste du groupe Kazz à Swing) et Fabien Angely (guitariste du groupe X-Pulse) ont donc décidé de créer Atypik Music, avec l’envie d’en faire un véritable lieu d’échanges et de conseils à destination des musiciens de l’île.

Evidemment on peut se procurer tout ce qu’il faut pour équiper son groupe chez Atypik Music : guitares, basses, amplis, pianos et accessoires en tous genres sont en vente ou en dépôt-vente, neufs ou d’occasion. Il est aussi possible de faire réparer ou régler son instrument, et de passer des commandes auprès des luthiers Philippe Clain et Alexandre Villain, ce dernier étant un spécialiste du quatuor, c’est à dire de l’ensemble violon, violoncelle, alto et contrebasse.

Atypik Music est également une école de musique équipée de 3 salles, où l’on peut toute l’année prendre des cours de guitare et de chant avec Yoan Leichnig, de piano avec Fabio Marouvin et de basse avec Jérémie Lapra.Avec son patio lumineux, ses murs qui accueillent des expositions et son équipe dynamique et professionnelle, ce magasin pas tout à fait comme les autres est en passe de devenir le refuge dans l’Ouest de tous les mélomanes.

Atypik Music53 boulevard Bonnier – Saint-Leu02 62 49 95 52 / [email protected] : atypikmusik

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« ici pas de Bling-Bling, mais le son est

dingue-dingue »

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Olivier Araste - Maloya pli oEditions de la DREOI, diffusé par Océan Éditions.Livre (88p) + DVD (4 extraits) : 18€

Inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO, le maloya reste vigoureusement, et fièrement, porté au quotidien par des artistes talentueux d’hier comme d’aujourd’hui. Parmi eux, Olivier Araste du groupe Lindigo. Dans le livre «Maloya pli o», fruit d’entretiens avec l’ethnomusicologue Guillaume Samson, Olivier Araste nous raconte le parcours qui, en une décennie, l’a conduit des kabars de l’Est de La Réunion aux scènes nationales et internationales. Accompagné d’un dvd contenant quelques extraits (trop peu cependant) du travail de Lindigo, ce livre écrit à la première personne détaille, dans un style simple et direct, les souvenirs, les choix, les aspirations qui ont amené Olivier Araste à être aujourd’hui, avec son groupe, l’un des chantres du maloya contemporain. Olivier nous raconte, en toute modestie, son histoire, sa famille, ses origines, ses rencontres et ses coups de cœur. Et de ce récit, présenté chronologiquement et thématiquement, se dessine peu à peu un projet artistique fort, marqué par l’hommage aux ancêtres, le métissage aux cultures malgaches ou à d’autres continents et une revendication identitaire.

Guillaume Samson, que l’on sent proche – amicalement- de son « étude », réussi, à travers ce récit personnel à apporter une réelle réflexion sur la création culturelle réunionnaise. Araste n’est pas encore un Granmoun Lélé, un Rwa Kaf, un Waro du Maloya (auxquels, inévitablement, il se réfère), mais son chemin semble tout tracé. Il le dit lui même : Fo nou tiembo nout kiltir !

Le Bal des AnimauxTextes d’Alain Rosenfeld et illustrations de Moniri M’BaéEdité par Zébulo Editions. Livre jeunesse + cd : 25€

A destination des jeunes enfants, « le Bal des Animaux » est un beau livre/cd de onze chansons racontant – en français- chacune un animal de La Réunion. Les illustrations du livre, peintures représentatives et détaillées, servent de support pour aiguiller l’imagination des plus petits. Si ces chansons à lire offrent

de petites histoires simples et compréhensibles, l’écoute du cd permet aussi de découvrir non seulement différents instruments mais aussi différents styles de musiques (bossa, tango, rock, etc..). De plus, 4 morceaux instrumentaux donnent l’occasion à tout un chacun (parents ou enfants) de s’essayer au chant.

Not chanté. Répertoire de musiques réunionnaises.De Thierry Boyer et Lydie GeraudEdité par AmadeusBeau livre pédagogique + cd : 18€

« Not Chanté » est le fruit de rencontres chorales menées sur l’ensemble du territoire, dans les plus grandes salles de l’île et accompagnées par des artistes majeurs de la scène musicale réunionnaise.

« Not Chanté » présente 10 standards de la musique réunionnaise, avec pour chacun d’eux la partition, les paroles et une présentation de l’interprète original. Choisis pour représenter la richesse et les différentes facettes du maloya, on retrouve avec plaisir les célèbres « Bato fou » (Ziskakan), « Grand mère »(Ousanousava), « Pêcheur quat’sous » (Fred Espel), etc.. trésors contemporains de ce patrimoine culturel. Conçu comme un outil pédagogique, par et pour les enfants, ce livre-répertoire (qui méritera d’être complété par de nouvelles éditions et d’autres artistes) est accompagné d’un cd où chaque morceau est en version chantée (par les différentes chorales scolaires) et instrumentale (avec une ligne mélodique afin d’en faciliter l’apprentissage).

livres

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Les inouïs

Ils étaient huit groupes et artistes prometteurs de la scène locale, pré-sélectionnés pour les Inouïs du Printemps de Bourges (les «Inouïs» ayant remplacé les «Découvertes») : Kolektif Sud (rap), Tiloun (maloya), Warfield (métal), Ziia (soul folk), Didyé Kergrin (jazz folk), Le Pain des Fous (hip-hop rock), Lezarsonic (rock) et Tribaloya (reggae rock). Après les deux premiers concerts au Kerveguen et au Palaxa, la grande sélection du 12 octobre au Kabardock a permis de désigner l’artiste qualifié pour ces fameux Inouïs. C’est TILOUN qui représentera La Réunion au prochain Printemps de Bourges, en avril 2013, parmi une trentaine d’Inouïs venus de toutes les régions. Auparavant, le maloyèr de la Source et ses musiciens auront bénéficié d’une formation au Studio des Variétés à Paris.

Babel Med 2013

Dans le cadre de Marseille-Provence 2013, Capitale Européenne de la Culture, Babel Med Music s’ouvre aux groupes mêlant musiques du monde, musiques actuelles et urbaines. Comme chaque année, le PRMA ira planter sa tente sur les rives de la Méditerranée, sur le Dock des Suds, pour promouvoir les artistes réunionnais dans l’un des lieux de rencontre les plus importants pour les professionnels des musiques du monde. 2500 personnes, 36 concerts : le forum permettra peut-être à des artistes locaux de décrocher des tournées partout dans le monde. Plus d’informations surwww.dock-des-suds.org/babel-med-music/

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Petites histoires des musiquesréunionnaisesDe Sandrine Barège & Fabienne Jonca. 4 Epices Editions, avec le soutien du PRMA Réunion et du Ministère de la Culture. Livre (72p) + CD 11 titres

Ce joli livre, habilement mis en page, se présente sous la forme d’une galerie de portraits : 32 personnes qui ont marqué l’histoire ancienne et moderne des musiques réunionnaises, parmi lesquelles Benoite Boulard, Célimène, Danyèl Waro, Maxime Laope, etc. Regroupées en chapitres, ces personnalités s’organisent en 6 grandes familles : les femmes, le maloya, le séga, les ensembles musicaux, la fusion et les inclassables, parmi lesquels on retrouve le chanteur de rue Henri Madoré, le protéiforme Arnaud Dormeuil, et André Maurice, qui n’est pas musicien mais collectionneur passionné, et qui est l’un promoteurs les plus acharnés des musiques réunionnaises depuis les années 60.

En contrepoint de chaque portrait, une fiche thématique aborde certains points historiques ou culturels essentiels dans le développement du séga et du maloya, de la poésie réunionnaise à la tradition des bals. Pratiques, simples et joliment illustrées, ces Petites histoires proposent un panorama assez complet et agréable des musiques de La Réunion. Elles sont en plus accompagnées d’un CD compilé par le PRMA à partir des collections mises en avant par le label Takamba. 11 pistes, de Georges Fourcade à Gramoun Bébé ou Alain Peters, qui offrent le prolongement sonore idéal à ce passionnant ouvrage.

Salem en AustralieTout juste honorée du titre de «Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres», Christine Salem a sorti son nouvel album, l’excellent «Salem Tradition», qui compte plusieurs chansons en duo avec l’envoûtante Rosemary Standley, du groupe Moriarty, avec lequel le clan Salem a réalisé plusieurs résidences pour entamer un travail en douceur en vue d’un projet commun enthousiasmant, qui a par ailleurs donné son premier concert le 11 décembre dernier. En attendant, Christine

Salem entame une tournée d’une vingtaine de dates en France, en Australie et jusqu’à New York. Elle sera notamment présente sur deux des plus grands événements australiens, le 16 novembre au AWME (Australian World Music Expo) de Melbourne, ainsi que 4 dates (du 8 au 13 mars 2013) au fameux WOMADelaide. Christine Salem s’affirme peu à peu comme l’une des plus grandes ambassadrices de l’île. Elle vient d’inaugurer son propre site internet :www.christinesalem.com

Lindigo : à la case Brésil

On se souvient qu’Olivier Araste et sa troupe avaient été marqués par leur séjour au Brésil en 2009, au point de s’en inspirer dans leur musique, et de vouloir y retourner en 2011. Eh bien, ils ne s’en sont visiblement pas lassés, puisqu’ils y seront de nouveau au mois de décembre pour une brève tournée (du 3 au 12/12). Celle ci vient en prolongement du succès d’un showcase au Womex à Thessalonique (Grèce) fin octobre et qui promet encore d’autres ouvertures pour 2013.

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Page 20: Muzikalité 46

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Accompagnée de René, son concubin et partenaire de chacun de ses projets, elle vient de sortir un deux-titres. «Fidèle Amour» et «La Paix» sont des balades qui traitent de sujets qui lui tiennent à cœur : la fin des conflits dans le monde, la sérénité, la paix et l’amour. D’où lui viennent cette force et cette capacité à aimer son prochain alors même que la vie ne l’a jamais épargnée ? Muzikalité a voulu mettre le projecteur sur cette femme d’exception. Mama Dolorès est née en 1949 à Saint-Pierre. Sa mère décède pendant l’accouchement. Puis c’est au tour de son père de mourir, quelques années plus tard. Mama, sa sœur et leurs deux frères sont alors sous la garde de leur oncle, qui se révèle être un horrible tyran. Relégués au rang d’esclaves, sans jamais pouvoir manger à leur faim et régulièrement battus, les enfants n’ont plus le droit d’aller à l’école et ni de s’exprimer à leur guise. Sa sœur mourra même sous les coups de son oncle. Les deux frères, plus âgés que Mama, réussissent à s’enfuir, la laissant seule avec son tortionnaire. A 19 ans, il la fait épouser de force un vieillard, qui a payé pour cette union. C’est alors que tout bascule pour Mama Dolorès : le soir des noces, elle s’enfuit dans les champs de canne, un couteau à la main, en robe de mariée et pieds nus… « Avoir extrêmement peur, ça donne des ailes », confesse-t-elle. Sept jours et 90 kilomètres plus tard, elle arrive à Saint-Denis, et va trouver refuge chez son amie Dolly. Elle travaille et réunit un tout petit pécule qui lui permet de partir en métropole : « j’étais débraillée, sans bagage et en savates, alors qu’en métropole il neigeait ! Une dame m’a donné un manteau de fourrure et m’a indiqué l’ANPE : il fallait que je trouve du

travail », raconte Mama Dolorès. Après un bref passage chez un producteur de cinéma en tant qu’aide ménagère, elle trouve un emploi de « dame de compagnie » chez une comtesse, à Agen. « Cette dame m’a appris à parler français, à coudre, à faire du crochet. Elle m’a nourrie et logée. Avec elle, j’étais bien », explique Mama. Elle y reste jusqu’à ses 24 ans. Puis, après de nombreuses années passées en métropole, et des enfants, dont un malheureusement décédé à la naissance, Mama Dolorès rentre finalement à La Réunion. On pourrait penser qu’après de tels

évènements, Mama Dolorès serait découragée, et surtout en colère. Mais c’est tout le contraire : « j’ai ressenti beaucoup de haine, mais elle s’est transformée en foi. Désormais, je n’en veux plus à personne. Tout ce que je veux, c’est raconter mon histoire pour me libérer de tout ça et aider les personnes qui souffrent à en faire autant ». Raconter son histoire, elle l’a fait sur les conseils de René, son concubin de plusieurs années son cadet, qui a su lui redonner confiance. Mama Dolorès envisage alors d’écrire son autobiographie, mais petit hic : elle est illettrée. Pour atteindre son but, elle n’hésite donc pas à reprendre le

chemin de l’école et en 2006, elle apprend à lire et à écrire. Son livre «La mariée a deux époux», paraît en 2011. Parallèlement, elle monte une association, Variétés créoles, qui lui permet d’une part d’aider les enfants démunis de Madagascar en organisant des collectes de vêtements, et d’autre part de financer ses projets personnels de musique ou d’écriture : « je dessine et couds des robes de mariées ainsi que des smokings, je fabrique des fleurs en crochet, je sculpte des noix de coco, je cuisine pour les gens… Si je veux réaliser un de mes projets, je me débrouille

toute seule pour y arriver, je ne demande rien à personne». Dans toutes ces activités, René est systématiquement auprès d’elle. C’est ainsi qu’ensemble, ils ont pu commencer la musique, en 2003. Le couple a également un autre projet de taille en cours : une adaptation au cinéma de la vie de Mama Dolorès, réalisée par Juanito Crescence. Le tournage

est prévu pour 2013.

Mama Dolorès s’exprime ainsi à travers ses nombreuses activités artistiques, elle à qui l’on interdisait de parler lorsqu’elle était enfant : « petite, j’intériorisais tout. Quand je parlais, c’était à un bout de bois ». Elle est aujourd’hui une femme accomplie, qui voudrait que les artistes réunionnais soient plus solidaires, et fassent davantage avancer la musique péi, ensemble. Un exemple de bonté et de sagesse, nous gagnerions tous à écouter !

Contact : 06-92-70-06-97

Rencontrer Mama dolorès, Julianne Marie d’Amour de son vrai nom, c’est prendre une vraie leçon de vie et d’espoir. une claque aussi. Car derrière le sourire doux et le regard bienveillant de cette belle femme de 63 ans se cachent des souvenirs plus douloureux les uns que les autres. Mais le passé est le passé. Aujourd’hui, Mama dolorès vit à deux cent à l’heure : musique, cinéma, mode, couture… Rien ne l’arrête.

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LBun autre projet de taille en cours : une adaptation au cinéma de la vie

de Mama dolorès, réalisée par Juanito Crescence

A l’occasion de la sortie du nouveau deux-titres de Mama Dolorès, Muzikalité a souhaité dresser le portrait de cette femme au destin incroyable.