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> > > La Douleur des recommandations à la pratique n 10 Mai 2010 I L’anamnèse et I l’examen physique L’anamnèse classique est bien sûr com- plétée par l’histoire de la douleur et la description du problème douloureux inclura de manière habituelle : le site, l’étendue, l’irradiation, la durée, les descripteurs qualitatifs, les facteurs précipitants, les traitements présents et passés… L’évaluation des comorbi- dités est essentielle, en particulier la dégradation des fonctions cognitives, les troubles du sommeil, l’anxiété, les pathologies cardio ou cérébrovasculai- res. Les comorbidités nombreuses de la personne âgée et la polymédication qui les accompagnent différencient assez bien cette population d’une population plus jeune. Elles complexi- fient également le traitement de la douleur au vu des effets indésirables et des interactions médicamenteuses possibles. L’automédication, la prise de médicaments non remboursés, les compléments alimentaires, la phyto- Dossier p. 1 à 5 Évaluation de la douleur chez la personne âgée Cas clinique p. 6 à 8 Le risque de confusion entre la douleur et le handicap Arthrose p. 9-10 Brèves p. 11-12 Évaluation de la douleur chez la personne âgée G. Pickering / CHU Clermont-Ferrand, Centre de Pharmacologie Clinique, Inserm, CIC 501, UMR 766, Université de Clermont-Ferrand La douleur chronique du sujet âgé Une enquête menée auprès des membres de l’Association américaine de la douleur (APS) soulignait en 2001 que le traitement insuffisant de la douleur parmi les seniors et l’évaluation inadéquate de la douleur chez les personnes souffrant de troubles cognitifs représentaient des issues éthiques majeures dans la population âgée (1) . La systématisation de l’évaluation de la douleur est aujourd’hui bien acceptée et reconnue comme nécessaire avant la pres- cription de tout traitement pour prendre en charge la douleur et la souffrance qui en résulte. La publication en 2007 par une équipe internationale multidisciplinaire d’un consensus de 40 pages sur l’évaluation de la douleur chez la personne âgée concrétise les progrès accom- plis dans ce domaine et l’intérêt que cliniciens et chercheurs portent à cette problématique (2) . La population âgée est hétérogène par les comorbidités, la polymédication, l’étiologie et le type de la douleur, l’état cognitif et émotionnel, le vécu douloureux… Aussi est-il recom- mandé d’explorer systématiquement plusieurs domaines dont : l’anamnèse et l’examen physique, les approches d’auto-évaluation de la douleur, l’évaluation de la douleur chez des patients avec des troubles cognitifs ou de la communication verbale, les outils multi- dimensionnels, la particularité de la douleur neuropathique. >

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La Douleurdes recommandations à la pratique

n 10

Mai 2010

I L’anamnèse et I l’examen physiqueL’anamnèse classique est bien sûr com-plétée par l’histoire de la douleur et ladescription du problème douloureuxinclura de manière habituelle : le site,l’étendue, l’ irradiation, la durée, lesdescripteurs qualitatifs, les facteursprécipitants, les traitements présentset passés… L’évaluation des comorbi-dités est essentielle, en particulier ladégradation des fonctions cognitives,

les troubles du sommeil, l’anxiété, lespathologies cardio ou cérébrovasculai-res. Les comorbidités nombreuses de lapersonne âgée et la polymédicationqui les accompagnent dif férencientasse z b ien ce t t e populat ion d ’ unepopulation plus jeune. Elles complexi-f ient également le traitement de ladouleur au vu des effets indésirableset des interactions médicamenteusespossibles. L’automédication, la prisede médicaments non remboursés, lescompléments alimentaires, la phyto-

Dossier p. 1 à 5

Évaluation de ladouleur chez lapersonne âgée

Cas clinique p.6 à 8

Le risque de confusionentre la douleur et le handicap

Arthrose p. 9-10

Brèves p. 11-12

Évaluation de la douleurchez la personne âgée

G. Pickering / CHU Clermont-Ferrand, Centre de Pharmacologie Clinique,Inserm, CIC 501, UMR 766, Université de Clermont-Ferrand

La douleur chroniquedu sujet âgé

Une enquête menée auprès des membres de l’Association américaine de la douleur (APS)soulignait en 2001 que le traitement insuffisant de la douleur parmi les seniors et l’évaluationinadéquate de la douleur chez les personnes souffrant de troubles cognitifs représentaientdes issues éthiques majeures dans la population âgée(1). La systématisation de l’évaluationde la douleur est aujourd’hui bien acceptée et reconnue comme nécessaire avant la pres-cription de tout traitement pour prendre en charge la douleur et la souffrance qui en résulte.La publication en 2007 par une équipe internationale multidisciplinaire d’un consensus de40 pages sur l’évaluation de la douleur chez la personne âgée concrétise les progrès accom-plis dans ce domaine et l’intérêt que cliniciens et chercheurs portent à cette problématique(2).La population âgée est hétérogène par les comorbidités, la polymédication, l’étiologie etle type de la douleur, l’état cognitif et émotionnel, le vécu douloureux… Aussi est-il recom-mandé d’explorer systématiquement plusieurs domaines dont : l’anamnèse et l’examenphysique, les approches d’auto-évaluation de la douleur, l’évaluation de la douleur chezdes patients avec des troubles cognitifs ou de la communication verbale, les outils multi-dimensionnels, la particularité de la douleur neuropathique.

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dossier

2 La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010

thérapie… doivent aussi être notés.Un point particulier avec les patientsâgés est que l ’ entretien doit êtresemi-directif ou directif, car beau-coup ne se plaignent pas. En effet,les patients âgés sont souvent stoïqueset pensent devoir supporter la dou-leur. Beaucoup ont foi dans le mondemédical en général et dans leur soi-gnant, et assument que tout ce quidoit être fait pour eux sera fait, etsouvent ils rapportent moins leurdouleur après une première consul-tation. La religion ou d’autres croyan-ces peuvent aussi être un frein à la plainte s’ ils estiment la douleurcomme une punition à leurs péchés.Pour cer taines per sonnes âgées,admettre la douleur équivaut à recon-naître la présence d ’une maladiegrave ou mortelle, et le déni est sou-vent utilisé comme stratégie de coping.Elles peuvent être également effrayéesque la plainte douloureuse n’engen-dre des investigations, des examenset traitements désagréables. Enfin,de nombreuses personnes âgées neveulent pas prendre de médicamentset les mots tabous de « morphiniques »ou « d’antidépresseurs » sont asso-ciés à toxicomanie ou trouble psy-chiatrique. Les mots utilisés par lesoignant et la spécificité des termesutilisés sont très importants danscette démarche active de recueild ’ informations sur la douleur dupatient âgé. Beaucoup de personnesâgées n’utilisent pas le mot de dou-leur et le domaine lexical de la dou-leur et ses synonymes doivent êtreélargis par le soignant : mal, souffrir,inconfort… Parler au présent de l’in-dicat i f est également préférablechez les patients âgés qui ont des dif-ficultés à se souvenir et cela les aideà comprendre et à intégrer la ques-tion posée. « Patience et longueur detemps » est certainement l’adage àappliquer lors de la consultation decette population et il est égalementimportant de leur laisser du tempspour formuler leur réponse exacte-ment et comme ils le souhaitent.Les changements physiques au coursdu vieillissement, liés en particulier

à la vision, l ’ouïe, la parole ou lacognition peuvent être des freins àl’examen clinique, et même si la per-sonne âgée comprend, elle peut nepas être capable de s’exprimer pourmanifester qu’elle a mal ou quel typede douleur elle vit. Il est toutefoisimportant dans un premier temps derecueillir autant d’informations quepossible du sujet lui-même (en lemettant dans les conditions optima-les : lumière appropriée, environne-ment calme, lunettes, aides auditives)ou de son entourage, avant de passerà l’utilisation d’échelles d’auto ouhétéro-évaluation.L’examen physique doit tenir comp-te de ce qui est considéré comme« normal » chez le sujet âgé. Unediminution d’amplitude des articula-tions, une atrophie ou une faiblessemusculaire accompagnent le vieillis-sement ; une réduction de la vibra-tion chez un sujet de 90 ans au niveaude la cheville ne signe pas nécessai-rement une neuropathie sensitivepériphérique. La mobilité et l’équili-bre doivent aussi être testés dans lecontexte du futur traitement et durisque de chute.De nombreux travaux portant surles impacts bidirectionnels de ladouleur et de la cognition pointentvers une évaluation systématiquedu statut cognitif chez le sujet âgé.En effet, la douleur induit des trou-bles cognitifs qui sont réversibles àl’arrêt de la douleur aiguë mais lesconséquences sont moins connuesdans la douleur chronique. Uneétude récente a montré dans unepopulation de sujets âgés souffrantde douleur post-zostér ienne unealtération des fonctions cognitivesqui est amplif iée avec l ’ âge (3). Lestatut cognitif peut être évalué enquestionnant le patient, la familleou l’entourage sur le déclin cognitifobservé, l ’apraxie ou l’aphasie etleurs retentissements fonctionnels.Le Mini-Mental State Examination(MMSE) (4), test bref, validé et stan-dardisé est couramment utilisé maisles soignants en connaissent bienles limites. En effet, le niveau sco-

laire/intellectuel est un facteur cléde ce test, et un sujet avec un niveaufaible peut très bien se retrouveravec un score de « dément » et inver-sement, un sujet avec un niveauélevé, mais dément, peut obtenir unscore normal. Le test de l’horloge(5) etd’autres tests neuropsychologiquespeuvent ê t re ut i l i sés dans toutesuspicion de démence.

I Les approches I d’auto-évaluationI de la douleurLa plainte du patient demeure « l’éta-lon-or » de l’évaluation de la douleur,évaluation la plus exacte et la plusfiable. Les caractéristiques de la dou-leur et l’impact engendré sur la qua-lité de vie ou les activités de la viequotidienne peuvent être obtenuschez la majorité des patients âgésmême avec des troubles cognitifs.L’utilisation d ’un schéma ou d ’undessin peut aider pour la localisationde la zone douloureuse.Les échelles de douleur les plus appro-priées chez la personne âgée sont l’échelle numérique (1, 11) et l’échelleverbale (pas de douleur à douleurintolérable). Il est conseillé d’utiliserdes échelles avec de gros caractèrespour une facilité de lecture. L’échellevisuelle analogique (EVA) est beau-coup ut i l i sée mais n ’ est pas t rèsappropriée chez la personne âgée carelle demande l’utilisation de propor-tionnalité, ainsi que de la dextéritépour saisir l’échelle et ajuster le cur-seur. Les planches de visages (dumoins douloureux au plus doulou-reux) peuvent aussi être utilisées.Bien que la littérature montre queles patients avec un déclin cognitiffaible à modéré sont capables decompléter des échelles d’autoévalua-tion et de répondre à des questionssimples, ceci devient beaucoup plusdif ficile lorsque le déclin cognitifs’accentue et s’accompagne d’uneperte du langage ; le comportementdu patient est alors le seul indicateurréaliste de la présence de douleur.

Douleur chronique du sujet âgé

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La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010 3

I L’évaluation de I la douleur chez des I patients avec des I troubles cognitifs ouI de la communication I verbaleAu cours des dix dernières années, ungrand intérêt s’est porté sur le déve-loppement d’échelles d’hétéroéva-luat ion. Une revue récente de lalittérature (voir (3), avec toutes les réfé-rences correspondantes) a recenséplus de 20 échelles d’hétéroévalua-tion développées spécif iquementchez des personnes âgées démentes.Les plus connues sont en langueanglaise sans traduction française :Abbey Pain Scale, Checklist of Non-verbal Pain Indicators, Discomfort inDementia of the Alzheimer’s type,Non-Communicative Patient ’s PainAssessment Instrument, Pain AssessmentChecklist for Seniors with LimitedAbility to Communicate, Pain Assessmentin the Dementing, Pain Assessment InAdvanced Dementia (tableau 1). Ceséchelles sont peu traduites en lan-gues étrangères. Quatre échelles sontaujourd’hui disponibles en languefrançaise : Doloplus, ECPA (l’échellecomportementale pour personneâgée), PACSLAC (Pain AssesmentChecklist for Seniors with LimitedAbility to Communicate), et Algoplus.L’échelle du collectif Doloplus, réuniautour de Bernard Wary, a été pion-nière dans ce domaine et a été publiéeen 1999. Elle comporte dix itemscotés de 0 à 3 en fonction de l’inten-sité de la douleur et trois dimen-sions : retentissement somatique(plaintes, positions antalgiques, pro-tection de zones, mimique, sommeil),retentissement psychomoteur (toilet-te et/ou habillage, mouvements),retentissement psychosocial (commu-nication, vie sociale, troubles ducomportement). Elle possède de bon-nes qualités psychométriques et aservi de comparateur de référencedans plusieurs études. Elle est depuispeu de temps validée en plusieurslangues (6) et accessible sur le sitedoloplus.com. L’ échelle ECPA est

organisée en deux parties avec, d’unepart, une observation avant les soins :expressions du visage, positions spon-tanées, mouvements, relation à autruiet, d ’autre part, une observationpendant les soins : anticipation anxieu-se, réactions pendant la mobilisation,réactions pendant les soins portantsur la zone douloureuse, plaintespendant les soins. Elle comporte huititems cotés chacun de 0 à 4 selon l’in-tensité de la douleur. Ces deux échel-les ont été validées chez des sujetsayant des troubles de la communica-tion verbale en moyen et long séjour ;elles nécessitent un apprentissage etun temps de passation de 3 à 5 minu-tes. Elles sont aujourd’hui reconnuespar la Haute Autorité de Santé etrecommandées dans le programmede sensibilisation à la douleur enEHPAD mené sous l’égide du Ministèrede la Santé avec la collaboration dela Société Française de Gériatrie etGérontologie et de la Société Françaised’Évaluation et de Traitement de laDouleur. Cette action dirigée vers lerepérage, l’évaluation et le traite-ment de la douleur de la personneâgée est aujourd’hui complétée pardes actions sur les soins palliatifs, ladépression et la bientraitance et ellesforment le programme Mobiqual(mobiqual.com) diffusé à l’échellenationale.L’échelle canadienne PACSLAC a ététraduite en français. Elle comportesoixante items (réponse : présent /absent) regroupés en quatre dimen-sions : expressions faciales ; activitéset mouvements du corps ; comporte-ments/personnalité/humeur ; autres.Elle est encore peu utilisée en France.En complément de ces échel les qui évaluent la douleur chronique,l’échelle Algoplus (tableau 2), déve-loppée par le collectif Doloplus (7),évalue la douleur aiguë chez le sujetâgé peu ou non communicant. Cetteéchelle comporte cinq items baséssur une observation successive desexpressions du visage, du regard, desplaintes émises, des attitudes corpo-relles et du comportement général.La simple observation d’un compor-

tement doit impliquer sa cotation(présence /absence) ; chaque itemcoté « oui » est compté un point et lasomme des items permet d’obtenirun score total sur cinq (seuil de dou-leur à 2/5). Son grand atout est certai-nement son temps de passat ioninférieur à une minute.L’évaluation par ces échelles d’hétéro-évaluation est optimisée par l’aide del’entourage du patient, profession-nels ou famille, pour l’interprétationdes indices comportementaux de ladouleur qui peuvent varier d’un sujetà l’autre.

I Les outilsI multidimensionnelsLes outils multidimensionnels per-mettent d’obtenir, en plus d’informa-tions sur les caractéristiques de ladouleur (qualité, situation) des infor-mations sur les conséquences de ladouleur sur divers aspects de la qua-lité de vie. Depuis 30 ans, la méthoded’évaluation systématique de la qua-lité de la douleur d’un patient est leMacGill PainQuestionnaire (MPQ) tra-duit en Questionnaire De Saint-Antoine(QDSA) qui inclut des descripteurssensoriels, émotionnels et évalua-teurs de la douleur. La version abré-gée du QDSA est moins chronophage.Chez les patients qui peuvent lire lesadjectifs utilisés, les propriétés (dansla forme anglaise) du QDSA et de saforme abrégée ne sont pas âge-dépen-dants et ces deux questionnaires ontété validés complètement chez lapersonne âgée.L’exploration émotionnelle et psycho-logique du patient âgé douloureuxest fortement conseillée pour uneprise en charge optimale de la dou-leur. Par exemple, l’anxiété et/ou ladépression sont fréquentes chez lepatient douloureux et différencier lesdeux peut être quelquefois difficile.Pour l’anxiété, le questionnaire deSpielberger (8) permet de différencierl’état ponctuel du patient, du trait decaractère et a été utilisé chez despatients âgés ; de même l’échelle deBeck (9) a été validée chez des seniors.

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Douleur chronique du sujet âgé dossier

4 La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010

L’échelle HADS (Hospital Anxiety andDepression Scale) (10) a été aussi utili-sée spécifiquement dans la popula-tion âgée.Les questionnaires de qualité de viecontiennent souvent un item douleurcomme dans le SF36 (11) qui a de bon-nes propr iétés psychométr iques(notamment validité/pertinence etfiabilité/précision) et qui est devenuun instrument de référence. Ce ques-tionnaire et sa version abrégée leSF12, tout comme l’EuroQol sont uti-lisés aussi chez le sujet âgé. Il n’exis-te pas de questionnaire spécifique duretentissement de la douleur sur laqualité de vie chez la personne âgée.Les questionnaires portant sur les atti-tudes envers la douleur, en particulierconcernant les stratégies de « coping »et le contrôle sur la douleur sont éga-lement utilisés chez les personnesâgées. En effet, la douleur retentitparticulièrement sur la mobilité, l’au-tonomie et la confiance en soi aucours des activités quotidiennes decette population vulnérable. La fonc-tion physique doit aussi être évaluée.De manière générale, i l existe denombreuses échelles et questionnai-res en langue anglaise et tous ne sontpas traduits et validés en langue fran-çaise. I l est généralement admisqu’une bonne traduction d’une échel-

le, quelle qu’elle soit, faite selon lesrègles méthodologiques aura lesmêmes caractéristiques psychomé-triques que l’échelle validée dans salangue d’origine, mais cette procédu-re n’a pas toujours été systématique-ment suivie pour des échelles plusanciennes.

I La particularité de la I douleur neuropathiqueLes outils disponibles aujourd’huipour le diagnostic et l’évaluation dela douleur neuropathique n’ont pasencore été val idés sur de grandséchantillons de personnes âgées,mais les questionnaires développéspar Bouhassira et al, le DN4 (12) et leNPSI (13) sont couramment util iséspour des patients âgés qui peuventcommuniquer. L’utilité de la formeabrégée du QDSA pour distinguerdouleur neuropathique et douleurnon-neuropathique a été remise enquestion.La difficulté majeure pour les soi-gnants se pose chez les patients avectroubles cognitifs et/ou de la commu-nication chez qui l’on utilise, faute demieux, de manière souvent inappro-priée, les échelles d’hétéroévaluationprécédemment c i tées. Quand onconnaît la détresse qu’engendre une

douleur neuropathique, comme ladouleur post-zostérienne par exem-ple, il est important que le soignantpuisse retrouver dans le dossier dupatient la trace du développementd’un zona et de ses conséquences afind’être alerté sur l’existence d ’unedouleur potentie l le qui pourraitexpliquer le retrait ou l’agitation dusujet ne pouvant pas communiquer.

I ConclusionLes recommandations actuelles pourl’évaluation de la douleur chez lapersonne âgée soulignent la nécessi-té, non seulement de l’estimationquantifiée de la douleur mais de toutson retentissement qualitatif, émo-tionnel, physique, psychologique,psychosocial. Le temps et la patienceen sont les corollaires inscrits en fili-grane, et la faisabilité d’une évalua-tion si exhaustive de ces domainescomplexes est cer tainement peuenvisageable. Toutefois, la prise encompte, à un moment ou à un autre,de tous ces paramètres est essentielledans le contexte particulier de la per-sonne âgée dont la résignation, lestoïcisme, l’altération du langage etle déclin possible de la cognition sontdes freins à une évaluation facile,rapide, et fiable de la douleur.

> Références

1. Ferrell BR, Novy D, Sullivan MD, et al. Ethical dilemmasin pain management. J Pain. 2001;2:171–180.

2. Hadjistavropoulos T, Herr K, Turk DC, Fine PG, Dworkin RH, Helme R, et al. An interdisciplinary expertconsensus statement on assessment of pain in older persons. Clin J Pain 2007;23(Suppl. 1):S1–43.

3. Pickering G, Salimani R, Sembel N, Dubary C. Impact of neuropathic pain on cognitive functions.SFETD 2009. Douleurs 2009

4. Folstein MF, Folstein SE, McHugh PR. ‘‘Mini-mentalstate’’. A practical method for grading the cognitivestate of patients for the clinician. J Psychiatr Res.1975;12:189–198.

5. Poudens L et Coll. L'évaluation gériatriquestandardisée. Concours Médical n°30/31 - 24/10/04.

6. Pickering G et al. Reliability study in five languages ofthe translation of the pain behavioural scale Doloplus.Eur J Pain 2009.

7. Rat P et al. Validation of an acute pain-behavior scalefor older persons with inability to communicate verbally:Algoplus® . Soumis, Eur J Pain.

8. Spielberger CD. Manual for the State-Trait Anxiety Inventory(STAI). PaloAlto, CA: Consulting Psychologists Press; 1983.

9. Beck JG, Novy DM, Diefenbach GJ, et al. Differentiatinganxiety and depression in older adults with generalizedanxiety disorder. Psychol Assess. 2003;15:184–192.

10. Zigmond A, Snaith RP. The Hospital Depression andAnxiety Scale. Acta Psychiatr Scand. 1983;67:361–370.

11. Ware, J. E., & Sherbourne, C. D. (1992). The MOS 36-Item Short-Form Health Survey (SF-36) : I. Conceptualframework and item selection. Medical Care, 30, 473-483.

12. Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, et al. Comparison ofpain syndromes associated with nervous or somaticlesions and development of a new neuropathic paindiagnostic questionnaire (DN4). Pain. 2005;114:29–36.

13. Bouhassira D, Attal N, Fermanian J, et al. Developmentand validation of the Neuropathic Pain SymptomInventory. Pain. 2004;108:248–257.

14. Rat P, Bonin-Guillaume S. Douleur du sujet âgé etdifficulté d’évaluation. Douleurs. 2008 : 9, hors-série 1, 2-8

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La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010 5

Tableau I : évaluation de quelques échelles dans la littérature(reproduit avec l’autorisation de P. Rat (14))

Tableau 2 : échelle Algoplus(reproduit avec l’autorisation de P. Rat (7))

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Casclinique

dossier Douleur chronique du sujet âgé

6 La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010

La prise en charge de la douleur des personnes âgées repose principalement sur leur médecin traitant.Dans un département rural, la proportion de sujets âgés est importante, et c’est naturellement que cespersonnes constituent une part non négligeable de l’activité clinique quotidienne. La douleur chro-nique non cancéreuse de la personne âgée pose souvent des problèmes complexes, difficiles à résou-dre, qui peuvent conduire à une polymédication inadaptée, voire iatrogène.

Douleur et handicapChez le sujet âgé, il apparaît nécessaire de mener uneréflexion(1) sur la part respective de la douleur, telleque la définit l’IASP, en tant qu’« expérience senso-rielle et émotionnelle désagréable associée à undommage tissulaire présent ou potentiel ou décrite entermes d’un tel dommage », et le handicap défini parl’O.M.S. comme une « perte ou limitation des possibi-lités de participer à la vie normale de la collectivitésur une base égalitaire avec les autres en raison d'ob-stacles physiques et sociaux ». Dans son article 2, la loidu 11 février 2005 (2) propose une autre définition duhandicap : « constitue un handicap, au sens de laprésente loi, toute limitation d’activité ou restrictionde participation à la vie en société subie dans son envi-ronnement par une personne en raison d’une altéra-tion substantielle, durable ou définitive d’une ouplusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales,cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’untrouble de santé invalidant ». La prévalence de ladouleur augmente avec l’âge en raison de la polypa-thologie. Les douleurs chroniques non cancéreusessont en rapport avec une pathologie rhumatismaledégénérative dans 70 à 80 % des cas. Les autrescauses sont représentées par les douleurs musculo-ligamentaires et neuropathiques (3). Le lien avec lehandicap réel ou ressenti est constant, celui-cipouvant être moteur mais également cognitif etcomportemental en raison d ’une dépressionfréquemment associée (4).

Entendre la plainteMadame L., 82 ans, est adressée à la consultationdouleur par son médecin généraliste pour « des

douleurs rachidiennes et des membres inférieursrebelles, insensibles à toute forme de prise en chargemédicamenteuse y compris paliers III (patch defentanyl mal supporté). Les infiltrations pratiquées auniveau lombaire par le rhumatologue et la kinésithé-rapie sont inefficaces. Merci de ce que vous pourrezfaire pour elle ». Madame L. se présente à la consul-tation accompagnée de sa fille, qui s’occupe d’elledepuis le décès de son époux. Sa présentation estcoquette, avenante et son expression aisée.Madame L. décrit des douleurs vécues comme insup-portables, mais qui ne perturbent pas son sommeil.La douleur est de type mécanique, lombaire basse àirradiation postérieure dans les fesses et les membresinférieurs, augmentée à la marche. Elle conserve uneautonomie pour les actes de la vie quotidienne telsque se laver, s’habiller, faire un peu de cuisine et detricot et avoue moins ressentir ses douleurs quandelle est occupée. Elle se fait aider par une auxiliairede vie trois fois par semaine. Elle ressent une fatiguedès le matin, diminuant dans la journée, et se plaintde ne plus pouvoir sortir comme avant car elle ne sesent pas sûre d’elle, à cause de son dos. Elle évoqueses douleurs avec fatalisme car on lui a dit qu’« avecl’arthrose que vous avez dans le dos, les disques usés etles becs de perroquet, vous pouvez vous estimerheureuse de ne pas être en fauteuil roulant ». Elle faitpart de sa crainte de devenir handicapée et d’êtreobligée de vivre en institution. Le souvenir de sonmari, dont elle s’est occupée pendant plusieursannées car il avait la maladie d’Alzheimer et qui a dûfinir ses jours en maison de retraite, est toujoursprésent à son esprit. Elle décrit une accentuation desdouleurs depuis.Elle présente un volumineux dossier radiologiquecomprenant radiographies, scanners, scintigraphie

> Douleur chronique du sujet âgé : attention à la confusion entre la douleur et le handicapDr Christian Dufrène/Consultation pluridisciplinaire de la douleur Centre Hospitalier de Châteauroux

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La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010

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osseuse, ostéodensitométrie ainsi que des courriersde spécialistes - rhumatologues, neurochirurgiens -et des comptes rendus biologiques. Tous cesexamens ne montrent qu’une atteinte dégénérativerachidienne discale et articulaire postérieure sansconflit disco-radiculaire. À l’examen clinique, lamarche et le demi-tour sont hésitants, avec unetendance à la rétropulsion et un demi-tour précau-tionneux. Il existe une appréhension lors de lamobilisation du rachis se traduisant par un raidisse-ment. Malgré tout, le rachis est souple en anté-f lex ion ; les rotat ions du t ronc et la latéro-inclinaison gauche ne sont pas douloureuses.L’extension et la latéro-inclinaison droite réveillentune douleur en barre lombaire basse irradiant dansla fesse droite. Le muscle pyramidal droit estdouloureux à la palpation et à la mobilisation. Il n’ya aucun signe de radiculalgie ni de souffranceneurologique. L’examen clinique se termine par uneévaluation de la dépression et par une mesure descapaci tés instrumentales. Ces examens sontnormaux. En interrogeant Madame L. quant à sesattentes, elle dit clairement qu’elle ne veut pasdevenir handicapée. La plainte douloureuse nevient donc pas au premier plan.

Attention à l’interprétationdes examens complémentairesLes discours médicaux catastrophistes tenus auxpatients sont une des causes de la chronicisation dela plainte, par crainte du handicap. Or, il est prouvéqu’il n’existe aucune corrélation entre l’imagerie etla douleur dans la pathologie arthrosique. La radio-graphie n’est pas nécessaire au diagnostic d’ar-throse, qui reste clinique. Au niveau rachidien, lesdeux signes majeurs de l’arthrose, ostéocondensa-tion et pincement, sont présents chez plus de lamoitié des sujets de plus de 40 ans, sans qu’il y aitune corrélation entre une image et une douleurrachidienne. Inversement, une lombalgie peut sepasser de tout signe radiologique, surtout si lacomposante musculaire prédomine (5,6).

Plaidoyer pour une évaluation globaleLa polypathologie de la personne âgée, l’intrica-tion des facteurs psychologiques et sociaux dans les syndromes douloureux chroniques nécessitentune évaluation globale et pluridisciplinaire (7-9).L’évaluation gérontologique standardisée (EGS) doitêtre pratiquée devant tout syndrome douloureuxchronique de la personne âgée (10). Elle permetd’évaluer le statut fonctionnel de la personne,

d’optimiser la prise en charge thérapeutique, deprévenir et devancer les complications et les hospi-talisations. Elle utilise des outils d ’évaluationvalidés qui permettent de dépister :• les troubles cognitifs (I.A.D.L., test de l’Horloge,épreuve des 5 mots de Dubois),

• la dépression (Mini-Geriatic Depression Scale),• l’équilibre et le risque de chutes (Épreuve deTinetti, Get up and go Test, équilibre unipodal),

• la dénutrition (Mini Nutritionnal Assessment),• le risque d’escarres (Échelle de Norton).Celle-ci peut être faite dans le cadre d’une consulta-tion gériatrique. Le dépistage des douleurs neuropa-thiques doit être systématique, car elles constituentla deuxième cause de douleurs chroniques noncancéreuses du sujet âgé et sont responsables d’unretentissement fonctionnel important. L’évaluationpsycho-motrice, ergothérapique et fonctionnellepermet d’apprécier la part du handicap dans laplainte douloureuse et de proposer une rééducationfonctionnelle, un appareillage éventuel, un aména-gement du lieu de vie. Dans le cas de notre patiente,cette évaluation a permis de mettre en évidence unekinésiophobie par manque d’utilisation des fonc-tions locomotrices, Madame L. ne sortant presqueplus de chez elle depuis la mort de son mari. Or, lanon utilisation d’une fonction physiologique a desconséquences plus néfastes que le vieillissementmême de cette fonction (11). L’évaluation psycholo-gique permet d’établir les liens entre douleur-handicap-anx iété ou dépression. L ’ approchepsychocorporelle peut s’orienter vers une thérapiede soutien, une approche cognitivo-comportemen-tale, analytique ou des techniques de relaxation. Lesmodèles cognitifs et comportementaux utilisés enpratique clinique s’inscrivent ainsi en continuitéavec le modèle pluridimensionnel de la douleur (12).Selon ces mêmes modèles, la douleur chronique estappréhendée comme un comportement acquis etauto-entretenu, c'est-à-dire conditionné. C’est à ceconditionnement et cette désadaptation que répondl’approche cognitivo-comportementale, largementdocumentée dans la littérature internationale.Le patient peut être orienté vers un psychiatre en casde psychopathologie avérée. Madame L. ne présen-tait pas de syndrome dépressif caractérisé, ni dedeuil pathologique, mais une anticipation anxieusepar rapport à la douleur, « la peur d’avoir mal »entretenant son immobilité et, par conséquent, ledéconditionnement musculaire et proprioceptif.Enfin, l’évaluation sociale et environnementale estindispensable pour dépister les facteurs de confine-ment. L’environnement de Madame L. était adapté,tant au niveau des ressources que du soutien familial

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et affectif.

La morphine n’est pas un traitement du handicapFace à une plainte répétée, la tentation d’uneescalade thérapeutique existe. Or, la douleurchronique a pour particularité une moindresensibilité aux antalgiques, quel que soit le palierutilisé (9). L’intrication de plusieurs facteurs, dontle handicap, explique que le soulagement ne peutêtre obtenu par les seuls antalgiques, qui ontsouvent été utilisés sans succès, comme cheznotre patiente. D’autre part, le déconditionne-ment musculaire est responsable de tendinomyal-gies également peu sensibles aux antalgiques.L’approche est plutôt non médicamenteuse, etdoit privilégier des traitements locaux : infiltra-tion d’une tendinomyalgie ou d’une douleurmyofasciale localisée, applications de chaleur…La réhabilitation motrice est le traitement dechoix, après un bilan-diagnostic kinésithéra-pique, qui permet un plan de soins étayé par uneévaluation rigoureuse (13). Il convient de s’assurerde la collaboration du kinésithérapeute, l’idéalétant de travailler en réseau. Une consultationdans un centre de réadaptation fonctionnellepeut s’avérer nécessaire : elle permet une évalua-tion pluridisciplinaire, kinésithérapique, psycho-motrice et ergothérapique. En effet, les patientsâgés douloureux chroniques souffrent en grandemajorité d ’une sédentarisation progressive,responsable d’une diminution importante deleurs capacités physiques. Cette sédentarisationpeut s’expliquer par des facteurs comportemen-taux (év i tement ) e t cognit i f s (ant ic ipat ionanxieuse de la douleur, crainte du handicap, del’hospitalisation, croyances erronées ou inadap-tées souvent entretenues par les discours médi-caux), aboutissant à la kinésiophobie observéechez Madame L.

ConclusionLa pla inte douloureuse du suje t âgé peuts’avérer complexe à analyser : en effet le simplefait de « ne plus pouvoir faire comme avant »peut devenir insupportable et prédominer surl’intensité douloureuse en elle-même. La priseen compte du vécu de handicap dans l’expres-sion de la douleur chronique est primordiale.Elle favorise l ’ al l iance thérapeutique dans

laquelle la personne âgée a un rôle actif et estl’artisan de son soulagement. En effet, « ce n’estpas le médecin qui guérit, c’est le patient ». Laréponse à la plainte douloureuse chronique dusujet âgé ne doit donc jamais se limiter à laprescription d ’antalgiques mais prendre encompte le pat ient dans sa g lobal i té . Ce lasuppose d’identifier la demande réelle de laper sonne e t de l ’ accompagner ve r s unemeilleure adaptation au quotidien.

dossier Douleur chronique du sujet âgé

8 La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010

> Références

>>>

1. Henry F, Clère F, Boujassy E, Perriot M, D'Abadie AC.Douleur ou handicap: qui pèse le plus dans la balance de la souffrance? Poster, 7e congrès de la SFETD, Paris 2007. Douleurs 2007;8(HS1):1S98.

2. Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droitset des chances, la participation et la citoyenneté despersonnes handicapées.

3. Perrot S. Particularités de la prise en charge des douleurschroniques non cancéreuses du sujet âgé. Psychologie & neuropsychiatrie du vieillissement 2006;4:163-70.

4. Belmin J, Chassagne PH, Gonthier R, Jeandel C,Pfitzenmeyer P. Gérontologie pour le Praticien. Masson,Paris 2003.

5. Monti DA, Kunkel EJS. Practical Geriatrics: Managementof Chronic Pain Among Elderly Patients. Psychiatr Serv1998;49:1537-9.

6. Woo J, Ho SC, Lau J et al. Musculoskeletal complaints andassociated consequences in elderly Chinese aged 70 yearsand over. Journal of Rheumatology 1994;21:1927-31.

7. American geriatrics society panel on chronic pain in olderpersons : the management of chronic pain in olderpersons. Journal of the American Geriatrics Society1998;46:635-51.

8. Ferrel BR, Ferrel BA. Pain in the Elderly. .IASP Press,Seattle 1996.

9. Vibes J. Guide de la douleur : le syndrome douloureuxchronique. Editions Estem, Paris 2001.

10. Reuben DB. Frank JC. Hirsch SH. McGuigan KA. Maly RC. A randomized clinical trial of outpatient comprehensivegeriatric assessment coupled with an intervention toincrease adherence to recommendations. J Am GeriatrSoc 1999;47:269-76.

11. Bortz WM. Disuse and aging. JAMA 1982;248:1203-8.12. Boureau F. Modèles cognitifs et comportementaux de la

douleur chronique. Douleur et Analgésie 1999;4:265-72.13. Viel E. Le diagnostic kinésithérapique: le bilan-diagnostic

en pratique libérale et hospitalière. Masson, Paris 1997.

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La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010 9

L es contraintes mécaniques exces - sives jouerait un rôle néfaste sur

le cartilage : augmentation de lasynthèse des cytokines pro-inflamma-toires et des métalloproteases, vial’activation des récepteurs intégrine-a5-b1 qui rappellent les voies designalisation empruntées par lescytokines déjà connues dans la poly-arthrite rhumatoïde (Il-1, TNF et Il-6).L’obésité, sans exercer de contraintesmécaniques, favoriserait l’arthrosedigitale (x 2,6) : cela passe par uneaction systémique générée par les adi-pocytokines (la leptine, l’adiponectineet surtout la visfatine).En plus de l’obésité, le diabète et l’ar-térosclérose sont des facteurs decomorbidités de l’arthrose par excèsde glycolysation rigidifiant la matricecartilagineuse chez le diabétique etl’athérosclérose des artérioles de l’ossous chondral chez l’hypertendu.

Traiter un arthrosique, c’est donc tenircompte des données précédentes, enplus de contrôler les poussées ditescongestives (réveils nocturnes, aggra-vation soudaine de la symptomatolo-gie, rechute rapide à l’arrêt des AINS).Apprécier, c’est-à-dire évaluer l’arthrose,repose classiquement sur l’EVA, les indi-ces de WOMAC et de Lequesne (ques-tionnaires qui évaluent la fonction lehandicap et la douleur : très utiles ettrès utilisés) mais aussi sur les ques-tionnaires de qualité de vie (SF36 parexemple) et du retentissement psycho-logique sur l’individu ; en pratique à son cabinet il est simple d’utiliser par exemple l’indice algo-fonctionnelde Lequesne car simple et reproductible

et ne demandant que trois minutes.Des progrès dans l’imagerie nous don-nent effectivement une vision plus élar-gie de la maladie, en particulier l’IRMdu cartilage (puissance de 1,5 tesla,acquisition en 3D, mesure du volumeet de l’épaisseur du cartilage…).On admet que l’œdème osseux (ou sup-posé tel) est prédictif de la perte car-tilagineuse à deux ans, ce qui doit fairerenforcer les mesures thérapeutiques.L’arthrose sera de moins en moins leparent pauvre, négligé, de la rhumato-logie. La voir comme une maladie sys-témique, prendre conscience des facteursde risques sur lesquels il y a peut-être des

actions à mener (obésité, diabète, HTAmal maîtrisée) donne un regain d’intérêt. Il y a fort à parier que dans le futur, laprescription d’un AINS, de corticosté-roïdes locaux, d’acide hyaluronique etde structuro-modulateurs ne résumerapas la prise en charge de l’arthrose.L’avenir est-il fondé sur de nouvellesbiothérapies, parmi lesquelles les anti-NGF, puisque des pistes nouvelles sontdès lors ouvertes et en cours d’éva-luation ?

Professeur Richard Trèves / CHU Dupuytren, Limoges

Ce que l’on sait actuellement sur l’arthrose

Il existe une forte prévalence de l’arthrose des membres inférieurs chez les obèses.Le risque de gonarthrose est multiplié par 3.

>>>

Voir Indice algo-fonctionnel

de Lequesne Hanche-genou

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Ce que l’on sait actuellement sur l’arthrose

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10 La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010

>>> Hanche-genouIndice algo-fonctionnel de Lequesne

UTILISATION DE L’INDICE1 Pour le suivi et l’appréciation du résultat thérapeutique.

2 Pour l’indication opératoire: possible à partirde 8 à 10 points, elle mérite l’avis d’un spécialiste:ostéotomie (genou) ou prothèse totale (hanche,genou)? Intervention à différer ou à confirmer? Cette indication doit être modulée en fonction de l’avis du patient sur son handicap, de son métier, de ses loisirs, de son âge.

Indice multidimensionnel d’hétéro-évaluation de déficience (douleur) et incapacité (marche, AVJ).

PÉRIMÈTRE DE MARCHE MAXIMALE(EN ACCEPTANT D’AVOIR MAL)

Aucune limitation 0

Limitée, mais > 1 km 1

Environ 1 km (environ 15 min. à allure normale) 2

500 à 900 m (environ 7 à 15 min. à allure normale) 3

300 à 500 m 4

100 à 300 m 5

< 100 m 6

1 canne ou canne-béquille nécessaire +1

2 cannes ou cannes-béquilles nécessaires +2

Sous total

Score total Gêne fonctionnelle

≥ 14 insupportable ou presque

11 à 13 très important

8 à 10 important

5 à 7 moyenne

1 à 4 modeste

DOULEUR OU GÊNENocturne

Aucune 0

Seulement aux mouvements ou dans certaines postures 1

Même sans bouger 2

Dérouillage matinal

≤ 1 minute 0

≤ 1/4 heure 1

> 1/4 heure 2

Rester debout ou piétiner

Aucune 0

Environ 1/2 heure 1

À la marche

Aucune 0

Après quelque distance 1

Dès le début et de façon croissante 2

Problème de siège

Hanche

Aucune 0

Durant la station assise prolongée (2 heures) 1

Problème de siège

Genou

Aucune 0

Pour se relever d’un siège sans l’aide des bras 1

DIFFICULTÉS POUR…Aucune = 0

Possible avec une petite difficulté = 0,5

Difficulté moyenne = 1

Grande difficulté = 1,5

Impossible = 2

Hanche

Mettre ses chaussettes par devant , 0 à 2

Ramasser un objet à terre , 0 à 2

Monter ou descendre un étage , 0 à 2

Sortir d’une voiture, d’un fauteuil , 0 à 2

Sous total

Genou

Monter un étage , 0 à 2

Descendre un étage , 0 à 2

S’accroupir , 0 à 2

Marcher en terrain irrégulier , 0 à 2

Sous total

SCORE TOTAL (0 À 24)

Référence: Lequesne M. et al., 1990.

Ce que l’on sait actuellement sur l’arthrose

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è-Brêè§èeves

Douleur de la personne âgée : quelles perspectives?

La douleur de la personne âgée faitl’objet de nombreuses études,

recommandations de bonnes pratiques,ou encore de groupes de travail spéci-fiques. L’association internationalepour l’étude de la douleur avait ainsichoisi l’année 2006 pour devenirl’année internationale contre ladouleur de la personne âgée (PA). C’estdire si le sujet est important en termesde santé publique. En effet plus de40 % des PA vivant au domicile et entre27 % et 83 % des PA vivant en institu-tion présentent des douleurs retentis-sant sur leur vie quotidienne. Pourcette raison, la revue scientifique TheJournal of Pain (Elsevier) a choisi deconsacrer une revue de la littérature(1)

à ce sujet. Riche de 130 référencesbibliographiques, ce travail pointe troisproblématiques principales:• L’évaluation de la douleur doit êtreadaptée à la PA. Il est ainsi recom-mandé de ne pas utiliser la réglette

EVA, trop souvent mal comprise, chezla PA. Si celle-ci est communicante,l’échelle numérique ou l’échelleverbale simple sont recommandées.Chez la PA non communicante, uneéchelle d’hétéro-évaluation doit êtreutilisée. L’auteur de cet article estimeque le nombre de ces échelles devienttellement important qu’il serait tempsd’en choisir une définitivement pour lavalider sur le plan international…• La personne âgée a plus de risque dedévelopper des douleurs neuropa-thiques, notamment après un zona,que la population générale. Cettevulnérabilité semble s’expliquer parune sensibilisation accrue du systèmenerveux après lésion. Il s’agit doncd’une piste de recherche intéres-sante… A contrario, la vulnérabilité à ladouleur aiguë, notamment d’origineviscérale, est plus faible chez lapersonne âgée. Pourquoi un telconstat? La question reste posée.

• Le retentissement fonctionnel etémotionnel de la douleur sembleégalement différent. Chez le sujet jeune, les affects dépressifs sont direc-tement liés à l’intensité de la douleuret au catastrophisme. En ce quiconcerne la PA, la peur de la chute et ladiminution des capacités fonction-nelles constituent les principauxfacteurs de fragilisation.Mieux évaluer la douleur, mieux appré-hender la vulnérabilité du sujet âgé auxdouleurs aiguës et chroniques, mieuxprendre en compte le vécu de handicap:tels sont les trois axes principaux quidevraient permettre aux cliniciens d’op-timiser la prise en charge de la douleurde leurs patients âgés.

Résumé par le Dr Florentin Clère

(1) Référence : Gagliese L. Pain and aging : the emergence of a new subfield of pain research. J Pain 2009;10:343-53.

La Douleur, des recommandations à la pratique - n°10 - Mai 2010 11

La revue Pain (Elsevier) publie régulièrement de courtesmises au point sur des thématiques spécifiques, rédigées

par un panel d’experts internationaux. L’une de ces topicalreview (1) a été consacrée au lien entre la douleur et la démence,deux entités dont la fréquence augmente avec l’âge. Voici lesprincipaux points mis en évidence:• La douleur est tout aussi fréquente et intense chez le patientdément, mais son expression peut être modifiée par les trou-bles cognitifs. Pour cette raison, toute modification comporte-mentale doit faire l’objet d’une attention particulière car ellepeut être le témoin de l’apparition de la douleur, qui doit alorsêtre gérée de manière proactive.

• L’évaluation de la douleur doit être adaptée à l’état cognitif. Nepas utiliser d’échelle d’hétéro-évaluation chez le patientdément non communicant fait courir le risque de ne pasdépister, donc de ne pas traiter, la douleur.

• Les opioïdes forts, les antidépresseurs et les antiépileptiquesutilisés dans le cadre des douleurs neuropathiques peuventmajorer les troubles cognitifs du patient dément. Le rapportbénéfice/risque de ce type de molécules doit donc systémati-quement faire l’objet d’une étude attentive.

• La démence, en cas d’altération des fonctions exécutivespréfrontales, est à l’origine d’une perte de l’effet placebo quiaccompagne la prise des traitements antalgiques, ce qui peutavoir des conséquences sur leur efficacité.

Résumé par le Dr Florentin Clère

(1) Référence : Scherder E., Herr K., Pickering G., Gibson S.,Benedetti F., Lautenbacher S. Pain in dementia. Pain 2009;145:276-8

Douleur et démence

Face à une population vieillissante, la prise en charge de la douleur de la personne âgée est plus quejamais d’actualité et fait l’objet du prochain ouvrage édité par l’Institut UPSA de la Douleur.

À paraître: Douleur et Personne Âgée

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è-Brêè§èeves

279120903

Directeur de la Publication : Dr Éric Boccard

Rédacteur en Chef : Francine Hirzowski, Florentin Clère

Coordonnateur/Rédacteur adjoint :Françoise Beroud

Comité de Rédaction : Nadine Attal, Françoise Beroud, Jean-Marie Besson, Éric Boccard, Bernard Calvino, Alain Eschalier,

Dominique Fletcher, Ivan Krakowski,Bernard Laurent, Nadine Memran,

Éric Serra, Richard Trèves, Jacques Wrobel.

Conception-réalisation : A CONSEIL Paris - Tél. : 0142402300

N° ISSN: 1962-4263 Dépôt légal : 2e trimestre 2010

Institut UPSA de la Douleur : Association loi 1901 à but non lucratif,

3 rue Joseph Monier - BP325 92506 Rueil-Malmaison Cedex

Tél. : 0158838994 - Fax : 0158838901Email : [email protected]

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Date de naissance (jj|mm|aa) : | | | | | | | Sexe: F M

Profession: | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |

Spécialité : | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |

Secteur d’activité : Ville Hôpital Type d’adresse: Cabinet/Pharmacie Hôpital Privée

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>Congrès

• Urgences - Le 2 juin 2010 à Paris Palais des Congrès de la Porte MaillotPlus d'informations : www.urgences-lecongres.org/fr

• MAPAR - 4 et 5 juin 2010 à Paris Centre des Congrès de la VillettePlus d'informations :www.mapar.org/congres_seminaire

• 8e Congrès de l'Association Nationale pour la promotion desSoins Somatiques en Santé MentaleDu 9 au 11 juin 2010 à Paris Cité Internationale Universitaire Plus d'informations :www.anp3sm.com/prochain_congres.html

• SFAP - Du 17 au 19 juin 2010 à Marseille Palais des Congrès - Plus d'informations :http://congres.sfap.org/content/congres-2010

• 1st International Pain Education SymposiumDu 26 au 27 août à Toronto

• 13e Congrès de l'IASP Du 29 août au 4 septembre à MontréalPlus d'informations : www.iasp-pain.org//AM/Template.cfm?Section=Home

• SFAR Du 22 au 25 septembre 2010 à ParisPalais des Congrès de la Porte MaillotPlus d'informations:www.sfar2010.com/infogene.html

• Journée Mondiale de la DouleurLe 18 octobre 2010

• CNRD - 5e Journée Douleurs Provoquées par les SoinsLe 15 octobre 2010, PACI Issy-les-Moulineaux (92)

• SFETD - Du 17 au 20 novembre 2010 Parc Chanot, MarseillePlus d'informations : www.sfetd-douleur.org

• Conférence internationale François Boureau - Imagerie médicale de la douleur : actualités

Le 18 novembre 2010 à 14hIntervenant : Pierre Rainville

• 17e Journée "La douleur de l'enfant.Quelles réponses?"Le 3 décembre 2010 à ParisPlus d'informations : www.pediadol.org/article.php3?id_article=993