1
Plus dun million de musulmans voltaïques se regroupent pour défendre leurs intérêts Une vue des musulmans au cours de leur assemblée générale. A Ouagadougou, vient de. se tenir pour la première fois depuis 1964, le troisième con- grès de la Communauté mu- sulmane de Haute-Volta (C.M.H.V.) qui a groupé pen- dant quatre jours, 119 délé- gations venues de toutes les régions du pays en présence des grands dignitaires de lIslam. Rappelons que la Communauté musulmane est une association dont lambi- tion est de grouper tous les musulmans de Haute-Volta. Les statuts stipulent que tout musulman des deux sexes, sans distinction aucune, âgé de plus de 16 ans peut être membre de la Communauté. DIX ANS DEXISTENCE La Communauté musulma- ne de Haute-Volta est née en 1962. Après 10 années dexis- tence et huit années dinacti- vité, puisque le dernier con- grès date de 1964, quelle est généralement la situation ac- tuelle de cette association et particulièrement celle de la religion musulmane, quelle est létat actuel de ses rela- tions avec les autres confes- sions religieuses, avec les pouvoirs publics ? Lassocia- tion telle quelle était conçue, répond-elle aux impératifs du monde moderne ? Quelle est la position du monde musul- man voltaïque face au pro- grès scientifique et technolo- gique, face à lathéisme, face à un monde atomique aux mutations déroutantes ? Comment la Communauté musulmane peut-elle agir pour être un interlocuteur qui mérite les égards non seulement des pouvoirs pu- blics, mais également de l'o- pinion publique voltaïque ? Ce sont autant de ques- tions auxquelles les congres- sistes avaient à répondre. Cétait le but même du con- grès. Pour ce faire, le premier souci des congressistes fut de doter l'association de nou- veaux statuts et dun règle- ment intérieur dont les nou- velles dispositions ont cet avantage qu'elle lui offrent une structuration plus décen- tralisée et plus fonctionnelle. En effet, l'association telle quelle existait renfermait de nombreuses imperfections et lacunes. Cest ainsi que les- sentiel des prérogatives était concentré entre les mainsdes représentants de Ouagadou- gou. Ce qui a provoqué une certaine mésentente entre Ouagadougou et les autres cercles, mésentente accen - tuée par la présence de nom- breuses sectes parmi les mu- sulmans. Les nouveaux sta- tuts prévoient, maintenant des comités régionaux et lo- caux dans chaque chef-lieu de cercle et dans chaque can- ton. Enfin, les statuts confè- rent à ces comités, le pouvoir de régler certains litiges sans avoir recours au somment. Les responsables de la C.M.H.V. estiment que ces nouveaux statuts permettront de résou- dre les problèmes qui freinent le développement, la sauve- garde, et la pénétration de lIslam en Haute-Volta. Ces problèmes sont à la fois dordre politique, des problèmes nés des intrigues sérieuses entre personnes. Cest ainsi que lorsquil fal- lait désigner le remplaçant du grand Imam de Ouagadou- gou, mort depuis 1966, des conflit avaient éclaté. De même, depuis 1964, la Com- munauté musulmane, était di- rigée par un intérimaire. Pour les profanes cependant, les musulmans nont aucune raison apparente de se plain- dre. PLUS DUN MILLION DE FIDÈLES En effet, selon les statisti- ques officielles, la Haute-Vol- 1 538 175 de fidèles, soit une proportion de 27,5 % de la population, 7,5 fois le nom- bre des catholiques, 275 fois celui des protestants et 42,% du nombre des animistes. De plus, depuis trois années, le nombre des animistes qui se convertissent à la religion musulmane ne cesse de sac- croître. Cest ainsi qu'en 1971, on a enregistré2116 nouveaux convertis contre 2,041 en 1970 et 1972 en 1969. Les chiffres sont élo- quents quant à la représenta- tivité des musulmans en Hau- la C.M.H.V. Au niveau de l'enseignement en Arabe, il faut rappeler que la Haute- Volta compte 15 boursiers en Algérie, 7 en Arabie Saou- dite, 10 en Egypte et 10 au Maroc. DE NOMBREUSES DESERTIONS Cependant, les préoccupa- tions des responsables de la Communauté musulmane sont dun autre ordre. En effet, dans le rapport moral et dactivités, ces derniers, reconnaissent que sil y a de nombreuses adhésions, on - lève également que « les - sertions sont nombreuses, surtout parmi les intellec- tuels au niveau de l'enseigne- ment secondaire et supé- rieur». Un tel état de fait en- traîne les responsables à constater que «le nombre des musulmans est infime et dérisoire au niveau de la di- rection du pays (Gouverne- ment, Assemblée nationale, services publiés...) Il importe que chacun réfléchisse sur les conséquences dune telle participation aussi insigni- fiante pour en tirer la leçon ». Une autre préoccupation des musulmans a été le pro- blème de leur union. Là-des- sus, le rapport fait remarquer que malgré les exhortations en faveur de cette union, des «divisions se produisent fré- quemment dans les familles, divisions provoquées par les opinions politiques. Nest-il pas aberrant que les liens de sang et aussi de religion sef- facent devant les options po- litiques... » Il y a ensuite lop- position entre les sectes qui ne semblent pas avoir com- pris quel idéal poursuit la C.M.H.V. qui est de faire lu- dénominateur incontestable ; le coran et le prophète Maho- med. Qui d'autres que les musulmans de toutes sectes, réunis autour d'un même étendard défendront le pres- tige de notre religion... ? UN SEUL LIEN : LE CORAN Cest au contraire, ce dé- saurait y avoir de relais entre l'homme et Dieu. Enfin, la secte des « L- La » ; Le conflit qui loppose aux autres sectes concerne essentiellement la grande prière du Vendredi. Tandis que pour les autres, le Ven- dredi est le jour saint on célèbre la grande prière, la secte des Laï-La considère ce jour comme un jour ordinaire. Lexplication en est la sui- vante : la prière du Vendredi est une institution de la Mec- que. Les Laï-La estiment donc que son application en Haute-Volta implique celle de toutes les habitudes des lieux-saints, par exemple cel- le qui consiste à couper un bras à un voleur. Enfin, un bon Laï-La ne devra pas as- sister aux obsèques dun beau père, lorsque ce dernier nest pas musulman. Comme on le voit, tous ces conflits sont à la fois reli- gieux et juridiques. Un fidèle quant à lui, sait que tous ces conflits traduisent l'appé- tit des dirigeants de faire de la religion leur gagne-pain. Le président de la Commu- nauté musulmane, dans son discours d'ouverture a fait remarquer que cette si- tuation était le fait de «croyants fanatiques, intolé- rants et insociables auxquels il faut faire échec. Aussi, la Communauté musulmane - prouve la mentalité et la con- duite extrémiste de certains croyants, dont les rapports sont hautains et méprisants envers leurs propres coreli- gionnaires et envers les non musulmans... » Pour la Com- munauté musulmane, la sau- vegarde de lIslam réside dans la nature des relations avec les autres confessions religieuses. S'agissant de ce- la, la communauté musul- mane estime que « outre la croyance commune à Dieu que nous avons avec les chré- tiens, nos compatriotes des autres confessions sont aussi des frères et soeurs dune pa- trie commune liés par le sang, la terre et condamnés à la conquête dun même des- tin ; cest donc dans lentente nationale que nous défen- drons les intérêts de notre pays, que nous pourrons lut- ter contre la haine généra- trice de violence, contre le péché ». La Communauté musulma- ne dautre part a souligné la nécessité de développer da- vantage ces relations autre- ment quà l'occasion de cer- tains évènements importants de la vie religieuse des deux communautés tels que fêtes de Noël ou de Ramadan. Au niveau des protestants, si les relations sont moins specta- culaires, il y a lieu égale- ment, estime la Communau- les rapports animistes-musul- mans, les congressistes ont estimé quils doivent être plus permanents et plus étroits. «Ils (les animistes) nous fournissent la masse de nos nouveaux fidèles et méri- tent notre entière sollicitude. Ils ne demandent quà com- prendre et à être convaincus. Il faut aller à eux sans - pris, ni hauteur, mais avec la force de la vérité et la per- suasion, l'ardeur de la foi et lenthousiasme du salut fu- tur. » DEUX INNOVATIONS Jusqu'à présent, la femme a toujours été soumise dans la religion musulmane, à de nombreux interdits qui font delle, lesclave de son coré- ligionnaire du sexe masculin. Les congressistes pour prou- ver volonté de la Communau- musulmane de sadapter au monde moderne, viennent de prendre une décision impor- tante en faveur des musul- manes. Il s'agit de la création dun comité des femmes mu- sulmanes voltaïques. Justi- fiant une telle décision, la Communauté musulmane es- time que «nos femmes doi- vent se connaître et se re- grouper, quelles que soient leurs origines et leurs condi- tions sociales pour chercher les voies et moyens nécessai- res à leur formation ou per- fectionnement religieux ; elles doivent réfléchir aux problèmes du monde moder- ne et à ceux notamment qui les confrontent avec leurs sœurs non musulmanes afin dy trouver des solutions dé- galité et de progrès ; elles doivent veiller à léducation de leurs enfants et échanger à cette fin, leurs expérien- ces. » Jusquici, les musulmans, ne se sont pas beaucoup pré- ocupés de la jeunesse. Les nouveaux statuts prévoient linstitution d'un comité de la jeunesse musulmane voltaï- que. Pourquoi, un tel comité ? Selon les responsables de la C.M.H.V. « il est indéniable que lavenir de la religion - pendra de la conscience et de la conduite religieuse de no- tre jeunesse. Celle-ci doit donc être tenue, encadrée, instruite et éduquée, afin, quelle soit libérée de tous complexes face à la popula- tion non musulmane. Nous avons signalé les disertions qui affectent notre religion ; cela concerne essentiellement notre jeunesse qui ignore tout de lIslam. Situation gra- ve dont sont principalement responsables les parents de la Communauté musulmane de Haute-Volta tout entière ; si- tuation encore plus grave car elle prive lIslam voltaïque des cadres administratifs et gouvernementaux du pays. Il suffit pour sen alarmer, dé- couter à la radio, les résul- tats des concours et exa- mens : à peine 10 % de jeu- nes musulmans; il faut re- marquer que maints musul- mans de brousse répugnent à envoyer leurs enfants à léco- le par méfiance à légard de lécole européenne. Or, par les temps que nous vivons, concluent les congressistes cette formation est nécessai- re, sinon impérieuse et cha- que famille doit évoluer et y pourvoir dans lintérêt même de lIslam qui doit être pré- sent aux divers rendez-vous de l'histoire universelle au moment se prennent les grandes décisions nationales et internationales..Enfin, concernant les relations avec les pouvoirs publics, les mu- sulmans se déclarent décidés à instaurer respect et - vouement aux autorités du pays. En conclusion, on peut dire que le congrès de la Commu- nauté musulmane a été loc- casion pour les fidèles de lIslam daffirmer leur volonté douverture et dentente avec les autres éléments de la na- tion; volonté également de participer à toutes les activi- tés de la vie nationale, volon- enfin de sadapter à un monde une pleine transfor- mation. Cela implique de sa part, labandon de certains dogmes dont lexercice est de plus en plus recusé, surtout par la jeunesse qui, enfin de compte représente lavenir. Cette volonté, les nou- veaux statuts et règlements intérieur adoptés au cours du congrès ainsi que le discours du nouveau président le lais- sent présager. En effet, inter- venant en fin de congrès, El Hadji Amado, nouveau prési- dent de la C.M.H.V. disait notamment : « Les musul- mans ne sont seuls, ni en Haute-Volta, ni au monde. Nous sommes condamnés à vivre avec des frères et sœurs qui ne partagent pas nos convictions. Nous na- vons pas le droit de nous ren- fermer sur nous-mêmes, com- me en hibernation éternelle, contents de nos acquis. Nous devons quelque chose aux autres. Faisons en sorte que les autres aussi redevables de quelque chose dutile. Secourons donc la- pathie que lon nous reproche et engageons le dialogue avec autrui, notre frère, en Haute-Volta comme à létran- ger. Ainsi, du total de nos potentialités, résulteront les sciences, les techniques, les arts, lamour et la paix qui rendront meilleures les con- ditions dexistence de lhuma- nité que nous sommes, sans distinction de races, de cou- leur de religion et didéolo- gies ». Rappelons que le nouveau bureau de la C.M.H.V. com- prend désormais 42 membres dont le président est El Hadji Amado Ouédraogo, secrétaire général El Hadji Oumar So- goty, et trésorier général, El Hadj Soumaïla (dit Wang- yandé) ; président d'honneur, le Morho-Naba. De droite à gauche, les ministres Zoromé et Soet M. François Dakouré, lors de lassemblée générale de la C.M.H.V.

no - islam.domains.uflib.ufl.edu

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: no - islam.domains.uflib.ufl.edu

Plus d’un million de musulmans voltaïques se regroupent pour défendre leurs intérêts

Une vue des musulmans au cours de leur assemblée générale.

A Ouagadougou, vient de. se tenir pour la première fois depuis 1964, le troisième con­grès de la Communauté mu­sulmane de Haute-Volta (C.M.H.V.) qui a groupé pen­dant quatre jours, 119 délé­gations venues de toutes les régions du pays en présence des grands dignitaires de l’Islam. Rappelons que la Communauté musulmane est une association dont l’ambi­tion est de grouper tous les musulmans de Haute-Volta. Les statuts stipulent que tout musulman des deux sexes, sans distinction aucune, âgé de plus de 16 ans peut être membre de la Communauté.

DIX ANS D’EXISTENCELa Communauté musulma­

ne de Haute-Volta est née en 1962. Après 10 années d’exis­tence et huit années d’inacti­vité, puisque le dernier con­grès date de 1964, quelle est généralement la situation ac­tuelle de cette association et particulièrement celle de la religion musulmane, quelle est l’état actuel de ses rela­tions avec les autres confes­sions religieuses, avec les pouvoirs publics ? L’associa­tion telle qu’elle était conçue, répond-elle aux impératifs du monde moderne ? Quelle est la position du monde musul­man voltaïque face au pro­grès scientifique et technolo­gique, face à l’athéisme, face à un monde atomique aux mutations déroutantes ?

Comment la Communauté musulmane peut-elle agir pour être un interlocuteur qui mérite les égards non seulement des pouvoirs pu­blics, mais également de l'o­pinion publique voltaïque ?

Ce sont autant de ques­tions auxquelles les congres­sistes avaient à répondre. C’était le but même du con­grès. Pour ce faire, le premier souci des congressistes fut de doter l'association de nou­veaux statuts et d’un règle­ment intérieur dont les nou­velles dispositions ont cet avantage qu'elle lui offrent une structuration plus décen­tralisée et plus fonctionnelle.

En effet, l'association telle qu’elle existait renfermait de nombreuses imperfections et lacunes. C’est ainsi que l’es­sentiel des prérogatives était concentré entre les mains des représentants de Ouagadou­gou. Ce qui a provoqué une certaine mésentente entre Ouagadougou et les autres cercles, mésentente accen­tuée par la présence de nom­breuses sectes parmi les mu­sulmans. Les nouveaux sta­tuts prévoient, maintenant des comités régionaux et lo­caux dans chaque chef-lieu de cercle et dans chaque can­ton. Enfin, les statuts confè­rent à ces comités, le pouvoir de régler certains litiges sans avoir recours au somment. Les responsables de la C.M.H.V. estiment que ces nouveaux statuts permettront de résou­

dre les problèmes qui freinent le développement, la sauve­garde, et la pénétration de l’Islam en Haute-Volta.

Ces problèmes sont à la fois d’ordre politique, des problèmes nés des intrigues sérieuses entre personnes. C’est ainsi que lorsqu’il fal­

lait désigner le remplaçant du grand Imam de Ouagadou­gou, mort depuis 1966, des conflit avaient éclaté. De même, depuis 1964, la Com­munauté musulmane, était di­rigée par un intérimaire. Pour les profanes cependant, les musulmans n’ont aucune raison apparente de se plain­dre.

PLUS D’UN MILLION DE FIDÈLES

En effet, selon les statisti­ques officielles, la Haute-Vol-

1 538 175 de fidèles, soit une proportion de 27,5 % de la population, 7,5 fois le nom­bre des catholiques, 275 fois celui des protestants et 42,%

du nombre des animistes. De plus, depuis trois années, le nombre des animistes qui se convertissent à la religion musulmane ne cesse de s’ac­croître. C’est ainsi qu'en 1971, on a enregistré 2116 nouveaux convertis contre 2,041 en 1970 et 1972 en1969. Les chiffres sont élo­quents quant à la représenta­tivité des musulmans en Hau­

la C.M.H.V. Au niveau de l'enseignement en Arabe, il faut rappeler que la Haute- Volta compte 15 boursiers en Algérie, 7 en Arabie Saou­dite, 10 en Egypte et 10 au Maroc.

DE NOMBREUSES DESERTIONS

Cependant, les préoccupa­tions des responsables de la Communauté musulmane sont d’un autre ordre. En effet, dans le rapport moral et d’activités, ces derniers, reconnaissent que s’il y a de nombreuses adhésions, on ré­lève également que « les dé­sertions sont nombreuses, surtout parmi les intellec­tuels au niveau de l'enseigne­ment secondaire et supé­rieur ». Un tel état de fait en­traîne les responsables à constater que « le nombre des musulmans est infime et dérisoire au niveau de la di­rection du pays (Gouverne­ment, Assemblée nationale, services publiés...) Il importe que chacun réfléchisse sur les conséquences d’une telle participation aussi insigni­fiante pour en tirer la leçon ».

Une autre préoccupation des musulmans a été le pro­blème de leur union. Là-des­sus, le rapport fait remarquer que malgré les exhortations en faveur de cette union, des « divisions se produisent fré­quemment dans les familles, divisions provoquées par les opinions politiques. N’est-il pas aberrant que les liens de sang et aussi de religion s’ef­facent devant les options po­litiques... » Il y a ensuite l’op­position entre les sectes qui

ne semblent pas avoir com­pris quel idéal poursuit la

C.M.H.V. qui est de faire l’u-

dénominateur incontestable ; le coran et le prophète Maho­med. Qui d'autres que les musulmans de toutes sectes, réunis autour d'un même étendard défendront le pres­tige de notre religion... ?UN SEUL LIEN : LE CORAN

C’est au contraire, ce dé-

saurait y avoir de relais entre l'homme et Dieu.

Enfin, la secte des « Laï- La » ; Le conflit qui l’oppose aux autres sectes concerne essentiellement la grande prière du Vendredi. Tandis que pour les autres, le Ven­dredi est le jour saint où on célèbre la grande prière, la secte des Laï-La considère ce jour comme un jour ordinaire. L’explication en est la sui­vante : la prière du Vendredi est une institution de la Mec­que. Les Laï-La estiment donc que son application en Haute-Volta implique celle de toutes les habitudes des lieux-saints, par exemple cel­le qui consiste à couper un bras à un voleur. Enfin, un bon Laï-La ne devra pas as­sister aux obsèques d’un beau père, lorsque ce dernier n’est pas musulman.

Comme on le voit, tous ces conflits sont à la fois reli­gieux et juridiques. Un fidèle quant à lui, sait que tous ces conflits traduisent l'appé­tit des dirigeants de faire de la religion leur gagne-pain. Le président de la Commu­

nauté musulmane, dans son discours d'ouverture a fait remarquer que cette si­tuation était le fait de « croyants fanatiques, intolé­rants et insociables auxquels il faut faire échec. Aussi, la Communauté musulmane ré­prouve la mentalité et la con­duite extrémiste de certains croyants, dont les rapports sont hautains et méprisants envers leurs propres coreli­gionnaires et envers les non musulmans... » Pour la Com­munauté musulmane, la sau­vegarde de l’Islam réside dans la nature des relations

avec les autres confessions religieuses. S'agissant de ce­la, la communauté musul­mane estime que « outre la croyance commune à Dieu que nous avons avec les chré­tiens, nos compatriotes des autres confessions sont aussi des frères et soeurs d’une pa­trie commune liés par le sang, la terre et condamnés à la conquête d’un même des­tin ; c’est donc dans l’entente nationale que nous défen­drons les intérêts de notre pays, que nous pourrons lut­ter contre la haine généra­trice de violence, contre le péché ».La Communauté musulma­ne d’autre part a souligné la nécessité de développer da­vantage ces relations autre­ment qu’à l'occasion de cer­tains évènements importants de la vie religieuse des deux communautés tels que fêtes de Noël ou de Ramadan. Au niveau des protestants, si les relations sont moins specta­culaires, il y a lieu égale­

ment, estime la Communau­

les rapports animistes-musul­mans, les congressistes ont

estimé qu’ils doivent être plus permanents et plus

étroits. « Ils (les animistes) nous fournissent la masse de nos nouveaux fidèles et méri­tent notre entière sollicitude. Ils ne demandent qu’à com­prendre et à être convaincus.

Il faut aller à eux sans mé­pris, ni hauteur, mais avec la force de la vérité et la per­

suasion, l'ardeur de la foi et l’enthousiasme du salut fu­tur. »

DEUX INNOVATIONS

Jusqu'à présent, la femme a toujours été soumise dans la religion musulmane, à de nombreux interdits qui font d’elle, l’esclave de son coré­ligionnaire du sexe masculin. Les congressistes pour prou­ver volonté de la Communau­té musulmane de s’adapter au monde moderne, viennent de prendre une décision impor­tante en faveur des musul­manes. Il s'agit de la création d’un comité des femmes mu­sulmanes voltaïques. Justi­fiant une telle décision, la Communauté musulmane es­time que « nos femmes doi­vent se connaître et se re­grouper, quelles que soient leurs origines et leurs condi­tions sociales pour chercher les voies et moyens nécessai­res à leur formation ou per­fectionnement religieux ; elles doivent réfléchir aux problèmes du monde moder­ne et à ceux notamment qui les confrontent avec leurs sœurs non musulmanes afin d’y trouver des solutions d’é­galité et de progrès ; elles doivent veiller à l’éducation de leurs enfants et échanger à cette fin, leurs expérien­ces. »

Jusqu’ici, les musulmans, ne se sont pas beaucoup pré­ocupés de la jeunesse. Les nouveaux statuts prévoient l’institution d'un comité de la jeunesse musulmane voltaï­que. Pourquoi, un tel comité ? Selon les responsables de la C.M.H.V. « il est indéniable que l’avenir de la religion dé­pendra de la conscience et de

la conduite religieuse de no­tre jeunesse. Celle-ci doit donc être tenue, encadrée, instruite et éduquée, afin, qu’elle soit libérée de tous complexes face à la popula­tion non musulmane. Nous avons signalé les disertions qui affectent notre religion ; cela concerne essentiellement notre jeunesse qui ignore tout de l’Islam. Situation gra­ve dont sont principalement responsables les parents de la Communauté musulmane de Haute-Volta tout entière ; si­tuation encore plus grave car elle prive l’Islam voltaïque des cadres administratifs et gouvernementaux du pays. Il suffit pour s’en alarmer, d’é­couter à la radio, les résul­tats des concours et exa­mens : à peine 10 % de jeu­nes musulmans; il faut re­marquer que maints musul­mans de brousse répugnent à envoyer leurs enfants à l’éco­le par méfiance à l’égard de l’école européenne. Or, par les temps que nous vivons, concluent les congressistes cette formation est nécessai­re, sinon impérieuse et cha­que famille doit évoluer et y pourvoir dans l’intérêt même de l’Islam qui doit être pré­sent aux divers rendez-vous de l'histoire universelle au moment où se prennent les grandes décisions nationales et internationales...» Enfin, concernant les relations avec les pouvoirs publics, les mu­sulmans se déclarent décidés à instaurer respect et dé­vouement aux autorités du pays.

En conclusion, on peut dire que le congrès de la Commu­nauté musulmane a été l’oc­casion pour les fidèles de l’Islam d’affirmer leur volonté d’ouverture et d’entente avec les autres éléments de la na­tion ; volonté également de participer à toutes les activi­tés de la vie nationale, volon­té enfin de s’adapter à un monde une pleine transfor­mation. Cela implique de sa part, l’abandon de certains dogmes dont l’exercice est de plus en plus recusé, surtout par la jeunesse qui, enfin de compte représente l’avenir.

Cette volonté, les nou­veaux statuts et règlements intérieur adoptés au cours du congrès ainsi que le discours du nouveau président le lais­sent présager. En effet, inter­venant en fin de congrès, El Hadji Amado, nouveau prési­dent de la C.M.H.V. disait notamment : « Les musul­mans ne sont seuls, ni en Haute-Volta, ni au monde. Nous sommes condamnés à vivre avec des frères et sœurs qui ne partagent pas nos convictions. Nous n’a­vons pas le droit de nous ren­fermer sur nous-mêmes, com­me en hibernation éternelle, contents de nos acquis. Nous devons quelque chose aux autres. Faisons en sorte que les autres aussi redevables de quelque chose d’utile. Secourons donc l’a­pathie que l’on nous reproche et engageons le dialogue avec autrui, notre frère, en Haute-Volta comme à l’étran­ger. Ainsi, du total de nos potentialités, résulteront les sciences, les techniques, les arts, l’amour et la paix qui rendront meilleures les con­ditions d’existence de l’huma­nité que nous sommes, sans distinction de races, de cou­leur de religion et d’idéolo­gies ».

Rappelons que le nouveau bureau de la C.M.H.V. com­prend désormais 42 membres dont le président est El Hadji Amado Ouédraogo, secrétaire général El Hadji Oumar So­goty, et trésorier général, El Hadj Soumaïla (dit Wang- yandé) ; président d'honneur, le Morho-Naba.

De droite à gauche, les ministres Zoromé et Somé et M. François Dakouré, lors de l’assemblée générale de la C.M.H.V.