129
F é d é r a t i o n N a t i o n a le d es O r t h o p h o n i s t e s 36 e Année Juin 1998 N° 194 Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY Rééducation Orthophonique Rencontres Données actuelles Examens et interventions Perspectives Les pathologies vocales chez l’enfant

No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

F é d é r a t i on N a t i o n a le d es O r t h o p h o n i s t e s

36e AnnéeJuin 1998N° 194

Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY

RééducationOrthophonique

R e n c o n t re sDonnées actuelles

Examens et interv e n t i o n sP e r s p e c t i v e s

Les pathologiesvocales chez l’enfant

Page 2: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

Revue éditée par la FédérationNationale des Orthophonistes2 , rue des Deux-Gares, 75010 PARIS

Rédaction - Administration :2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS.— Té l . : 01 40 34 62 6 5 —

Membres fondateurs du comité de lecture :

Pr ALLIERES • A. APPAIX • S. BOREL-MAISONNY

G. DECROIX • R. DIATKINE • H. D U C H Ê N E

M. DUGAS • J. FAVEZ-BOUTONNIER • J. GERAUD

R. GRIMAUD • L. HUSSON • Cl. KOHLER • Cl. LAUNAY

F . LHERMITTE • L. MICHAUX • P. PETIT

G . PORTMANN • M. PORTMANN • B. V A L L A N C I E N .

Impression : TORI141-143, rue de Charenton, 75012 Paris

Téléphone : 01 43 46 92 92

Comité scientifiqueAline d’ALBOYDr Guy CORNUTDominique CRUNELLELya GACHESPr Marie-Christine MOUREN-SIMEONIBernard ROUBEAULiliane SPRENGER-CHAROLLESMonique TOUZIN

Rédacteur en chefJacques ROUSTIT

Secrétariat de rédactionMarie-Dominique LASSERRE

AbonnementsEmilia BENHAMZA

Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V.Paris

Directeur de la publication : le Président de la F.N.O. :

Jacques ROUSTIT

Abonnement normal : 515 F

Abonnement réduit : 370 Fréservé aux adhérents de la F.N.O., del ’A.R.P.L.O.E.V. ou d’une associationeuropéenne membre du C.P.L.O.L.

Abonnement étudiant : 205 Fréservé aux étudiants en orthophonie

Abonnement étranger : 595 F

Commission paritaire : 61699

Page 3: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

1

LES PATHOLOGIESVOCALES CHEZ L’ENFANT

Sommaire Juin 1998 N° 194

Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris

Ce numéro a été dirigé par Carine Klein-Dallant, orthophoniste

L’enfant, sa demande et sa motivation - Carine Klein-Dallant 3

1. Les dysphonies de l’enfant : aspects cliniques et thérapeutiques 9Dr Guy Cornut, médecin phoniatre, Annie Trolliet-Cornut, orthophoniste, Lyon

2. L’évolution de l’appareil phonatoire et la voix de l’enfant 19Dr Virginie Woizard, médecin phoniatre, J. Percodani,E. Serrano, J.J. Pessey, O.R.L., Toulouse

3. Particularités du travail vocal en rééducation 31Dr Benoît Amy de La Bretèque, médecin phoniatre, Marseille

4. Qualité de voix chez l’enfant et facteurs sociaux / environnementaux 39P.H. Dejonckere, ORL phoniatre, Utrecht

5. Pour une logique dans la démarche rééducative de la dysphonie de l’enfant 45Dr Marie-Claude Pfauwadel, médecin phoniatre, Paris

6. Le chant chez l’enfant et ses difficultés 51Dr Jocelyne Sarfati, médecin phoniatre, Grenoble

7. Dysphonie de l’enfant : relations entre professeur de formation musicaleet phoniatre 57Dr Monique Lecoq, médecin phoniatre, Bordeaux

Page 4: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

1. Expérience clinique de la rééducation vocale de l’enfant 61Florence Marquis, orthophoniste, Paris

2. Le profil vocal et son adaptation chez l’enfant 65Françoise Dejong-Estienne, logopède, Bruxelles

3. L’enfant et sa voix. Comment les réconcilier. Le but, les étapes et les moyensqui font la trame d’une rééducation 77Françoise Dejong-Estienne, logopède, Bruxelles

4. Relaxer l’enfant ou détendre sa voix ? 85Carine Klein-Dallant, orthophoniste, Ville d’Avray

5. Voix et oralité chez l’enfant dysphonique 93Catherine Thibault, orthophoniste, Paris

6. Rééducation vocale de l’enfant : écoute ce qui est 99Patricia Lupu, orthophoniste, Meudon

7. Bertrand, l’histoire d’une mue faussée.Utilisation de la méthode des mouvements minimaux associée à cette rééducation 109Michèle Habif, orthophoniste, Paris

8. Apports de la sophrologie en rééducation vocale de la dysphoniede l’enfant hypertonique 115Emmanuelle de Montauzan, orthophoniste, Paris

2

1. Que deviennent les dysphonies de l’enfant à l’âge adulte ? 119Dr Heuillet-Martin, médecin phoniatre, MarseilleCarole Seyot, orthophoniste, Le Port - La Réunion

2. Questionnaire 125Carine Klein-Dallant, orthophoniste, Ville-d’Avray

3. Questions et réponses 133Jean Abitbol, médecin phoniatre - Paris

136

Page 5: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

3

L’enfant, sa demande et sa motivationCarine Klein-Dallant

RésuméLe bilan, moment clé de la rééducation, permet d’évaluer la provenance réelle de lademande de rééducation, la motivation de l’enfant lui-même et la conscience que celui-ci ade son trouble. On y observera également l’éventuel décalage d’expression du trouble entrel’enfant et ses parents. Avant de croire en l’échec de la future rééducation, on s’efforcera derendre celle-ci encore plus créative afin de susciter et d’accroître cette motivation.Mots clés : demande - voix - prise en charge.

The child, his request and motivation

AbstractThe evaluation is an essential phase of voice rehabilitation and gives an oppportunity toassess the real source of request for treatment, as well as the child’s motivation and his(her) awareness of the disorder. One can also observe the possible discrepancies betweenthe child’s and the parents’descriptions of the disorder. Before deciding that treatment isdoomed to failure, it is important that the therapist be as creative as possible so as to deve-lop and improve motivation.

Key Words : motivation - voice - treatment.

Page 6: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

4

L ucas a sept ans, il est envoyé par son O.R.L., l’examen a montré unlarynx un peu inflammatoire, sans lésion des cordes vocales, un serragelaryngé en phonation. Sa maman trouve qu’il a une voix rauque, facile-

ment fatigable. Lucas rentre souvent quasi aphone du centre aéré le mercredi, ilcrie beaucoup sur son frère et sa sœur, ce qui entraîne systématiquement uneimportante altération de son timbre. Lorsqu’on le questionne, Lucas reconnaîtvolontiers que sa voix le « lâche » lorsqu’il crie mais que ce n’est pas grave, quesa mère lui interdit de crier mais qu’il n’aime pas l’idée de ne plus pouvoir crier.Il fait du théâtre le mercredi et sent que ses capacités vocales pourraient êtreélargies. Cependant, il dit apprécier le timbre de sa voix.

Lucas est un enfant très tonique, très « nerveux » d’après sa maman et« impossible à calmer », à canaliser.

Le bilan vocal montre effectivement une voix rauque, peu timbrée, dontl’intensité est limitée. Un souffle thoracique supérieur, avec de fréquentesreprises inspiratoires est présent dans toutes les situations de phonation. En voixprojetée viennent s’ajouter un important serrage laryngé, une modification de lastatique vertébrale avec flexion dorsale, protraction du menton et fermeture dela ceinture scapulaire.

Ju l i e n , 11 ans, chante depuis un an dans la maîtrise des Hauts-de-Seine. Son professeur de chant, considérant que sa voix n’était pas assez tim-brée dans les aigus et que celle-ci s’altérait pendant les répétitions, lui aconseillé d’aller voir un phoniatre. L’ examen met en évidence un épaississe-ment nodulaire bilatéral de la partie moyenne du bord libre des cordesvocales, un défaut d’accolement avec fuite antérieure et postérieure en phona-tion et une instabilité laryngée en voix chantée, l’ondulation muqueuse estample et symétrique.

Lors du bilan, son papa qui l’accompagne laisse Julien s’exprimer trèslibrement ; il ne pense pas être gêné en voix parlée, mais au bout d’une demi-heure de chant ressent une fatigue vocale, la gorge irritée, et la montée dans les

Carine KLEIN-DALLANTOrthophoniste. Attachée au service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale de l’Hôpital Saint-Michel (Paris)11 avenue de la Fontaine Desvallières. 92410 Ville d’Avray

Page 7: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

5

aigus devient de plus en plus difficile. Cela l’ennuie énormément, car le chantest pour lui une passion, il souhaite en faire sa profession.

Le geste vocal semble relativement adapté en voix parlée, bien que letimbre ne soit pas parfaitement clair. La voix d’appel est limitée en intensité,avec un phénomène d’inhibition.

En voix chantée, on note que l’aisance initiale diminue eff e c t ivement aufur et à mesure de la montée dans les aigus, le visage se crispe, la voix seserre, le son devient moins timbré, voilé, plus instable et on note une modifi c a-tion de la statique, cervicale notamment, accompagnée d’un geste articulatoiret e n d u .

Noémie, 13 ans, est envoyée par une phoniatre, qu’elle a consultée aprèsl’aggravation de sa voix. Celle-ci semble être survenue en quelques semaines etgêne énormément Noémie. Elle a le sentiment que ce n’est pas « sa » voix,toutes ses amies ont une voix encore assez aiguë et elle essuie quelquesremarques plus ou moins moqueuses au collège, qui font qu’elle n’ose plusouvrir la bouche en public. Sa maman explique que cela s’ajoute aux diversesm o d i fications physiques de la période pubertaire et que Noémie vit cettepériode de façon très complexée.

L’examen laryngoscopique a mis en évidence une muqueuse cordale légè-rement inflammatoire et un serrage laryngé en phonation, sans lésion descordes. L’accolement est correct. Un bilan endocrinologique est demandé.

Lors du bilan vocal, on note principalement une inhibition importante quiparasite quelque peu toutes les productions, en altérant son timbre, limitant sescapacités, serrant son larynx, provoquant des attaques glottiques dures, sur unevoix parfois spasmée et difficilement contrôlée. Les inspirations sont brèves,superficielles et thoraciques.

Lorsque je lui demande de préciser sa demande par rapport à sa voix, cequ’elle attend de la rééducation, elle répond qu’elle souhaiterait « simplement »changer de voix, retrouver une voix qui lui corresponde.

Jérémy, 8 ans, présente une raucité assez importante, il a déjà fait sixmois d’orthophonie en province, sans amélioration notable de sa voix. Un pre-mier examen ORL avait mis en évidence des nodules bilatéraux, et un importantserrage laryngé. Un deuxième examen ORL confirme la présence des nodulesqui ne semblent pas avoir régressé, la question est posée de l’éventuelle pré-sence d’un kyste intra-cordal ; le serrage laryngé persiste avec rapprochementdes bandes ventriculaires, le hemmage est relativement fréquent. Une interven-tion est programmée pour pratiquer l’exérèse des nodules et s’il y a lieu dukyste. Une nouvelle rééducation, cette fois-ci pré et post-opératoire est deman-dée par l’O.R.L.

Page 8: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

6

Jérémy se sert beaucoup de sa voix, mais ne semble pas être affecté parson altération, la première rééducation ne l’a « pas passionné », il s’est lasséassez rapidement et ne mettait pas en application ce qui lui était proposé durantles séances. Il ne se sent pas réellement limité, même si l’examen montre qu’ill’est à tous points de vue. Il est d’accord pour se faire opérer et semble avoircompris que l’intervention ne résoudrait pas complètement le problème. Il envi-sage avec peu d’enthousiasme la reprise de la rééducation, trouvant que cequ’on lui demandait de faire était « trop bébé ».

Les parents appréhendent l’intervention de façon assez angoissée,angoisse apparemment non communiquée à Jérémy.

Coline, 4 ans, dernière d’un fratrie de cinq enfants est envoyée par samaîtresse qui note une altération de sa voix quotidienne, au fur et à mesure quela journée s’écoule. En classe, Coline s’exprime fréquemment de façon intem-pestive, coupant souvent la parole aux autres et utilisant une voix d’une intensitéinadaptée ( trop forte) à la distance qui la sépare de ses interlocuteurs. Quand lesenfants chantent en classe, elle force sur sa voix pour chanter plus fort que lesautres, en récréation, elle crie assez violemment et se « casse » la voix.

Pendant que la maman relate tout cela, Coline écoute très calmement sansmot dire. Elle répond à mes questions d’une voix toute douce, voilée. Je ques-tionne sa maman sur son comportement vocal à la maison : elle y parle peu,mais prend la parole également de façon bruyante.

L’évaluation de ses capacités et limites vocales m’importent assez peu àce moment précis. Il me paraît par contre d’un enjeu important de clarifier laplace que la parole - donc la voix - de cette petite fille a au sein de la dynamiquefamiliale.

Je donne la parole à Coline, en lui expliquant que c’est à elle de dire cequi l’ennuie et ce qui lui plaît dans sa voix et sa parole. Sa maman pourra inter-venir à la fin, si Coline est d’accord, pour donner son avis, mais c’est avant toutelle que j’écoute.

En quelques minutes, elle parvient à exprimer une terrible frustration dene pouvoir s’exprimer comme elle l’entend. Ses frères et sœurs plus âgés, sonttoujours les premiers à parler quand les parents rentrent le soir ; lorsqu’elle tentede parler, il lui semble que personne ne l’écoute, que tout le monde lui coupe laparole ; « de toute façon, ils parlent plus fort que moi », dit-elle d’un ton dépité.Sa maman écoute attristée le récit d’une situation dont elle ignorait jusque-làl’importance.

La fin de ce bilan et quelques séances de guidance parentale (en conviantdeux fois les frères et sœurs), permettent aux parents de comprendre pourquoi laseule façon pour Coline de se faire écouter est de parler très fort, en forçant mal-

Page 9: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

7

heureusement sur sa voix (le contexte conflictuel prêtant peu à la détente laryn-gée). Quant à son comportement à l’école, elle tente d’avoir la place de celle quiest entendue, qui coupe la parole, qui crie plus fort que les autres sachant qu’ellepeut y parvenir avec des enfants de son âge.

Les objets de rééducation vocale chez l’enfant sont variés, nous venonsde le voir. Moins que chez l’adulte, bien sûr, car ils échappent - heureusement -à un certain nombre de pathologies. Mais pour un même trouble (dysphoniedysfonctionnelle, par exemple) on se trouve en présence de tableaux très variés,qui apparaissent dès le bilan. Le moment du bilan est très important, peut-êtremême plus que chez l’adulte, pour ce qui va s’y dire de la bouche de l’enfantd’abord, de celle des parents ensuite, et des interactions qui pourront y êtreobservées.

Dans de nombreux cas, le parent sera « pris » en rééducation tout commeson enfant, quelle que soit la façon dont on choisit de l’y inclure (participation àla séance ou à une partie de celle-ci, suivi à la maison...) et c’est bien deux par-ties et un tout qu’il faut prendre en compte durant le bilan.

La motivation de l’un n’est pas forcément celle de l’autre ; celle de l’en-fant est pourtant l’élément clé du succès à venir de la rééducation. Sans elle oncourt à l’échec. Il est ô combien fréquent que la demande de bilan, de rééduca-tion ne vienne pas de l’enfant, et que l’enfant n’ait même pas conscience de sontrouble, ou s’il en a conscience, que celui-ci l’indiffère plus ou moins. Ce n’estpas pour cela qu’il ne faut pas tenter une approche rééducative. Le peu de moti-vation devrait nous encourager à être créatifs et à rendre la rééducation la plusintéressante pour l’enfant. Contrairement à certaines idées reçues, les jeux nesont pas toujours le meilleur moyen de motiver l’enfant, certains apprécient uneapproche plus « adulte » tant dans les exercices que dans les explications. Unefois de plus le maître-mot sera : adapter.

Nous avons tous des échecs de rééducation et en aurons encore ; plutôtque d’abandonner ce type de prise en charge, comme je l’entends parfois, cher-chons les raisons de ces échecs, au sein desquels notre part de responsabilité estbien souvent faible, partageons ces expériences avec d’autres et enrichissons lesrééducations suivantes.

Page 10: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

9

Les dysphonies de l’enfant :aspects cliniques et thérapeutiques*

Guy Cornut, Annie Trolliet-Cornut

RésuméLes enfants dysphoniques représentent un pourcentage important des patients qui viennentconsulter le phoniatre et qui suivent une rééducation orthophonique. Les données cliniquesde base, connues depuis fort longtemps, ont été modifiées depuis une vingtaine d'annéespar deux progrès technologiques : la vidéo-laryngostroboscopie et la laryngoscopie ensuspension.

Mots clés : enfant - dysphonie - microchirurgie - rééducation vocale.

Clinical and treatment aspects of dysphonia in children

AbstractChildren with dysphonia represent an important percentage of those child patients who arereferred to phoniatric specialists and who undergo speech and language therapy. Basic cli-nical data have been available for a long time but have changed over the last two decadesbecause of technological progress in two domains: video-laryngostroboscopy and directlaryngoscopy.Key Words: child - dysphonia - microsurgery - voice rehabilitation.

* Première parution dans « Le journal de pédiatrie et de puériculture » n° 5.1995.Rédaction : 23, rue de Linois 75015 Paris

Page 11: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

10

L a vidéo-stroboscopie est un examen précis qui permet, en particulier, defaire des comparaisons rigoureuses entre divers examens laryngés d'oùune évaluation plus précise de l'efficacité des thérapeutiques.

L'examen au microscope du larynx de l'enfant, sous laryngoscopie en sus-pension, a permis de préciser les aspects morphologiques et histologiques deslésions des cordes vocales de l'enfant dysphonique.

Nous essaierons de donner une synthèse de notre expérience clinique quiest basée sur l'examen de 150 enfants dysphoniques par an. Les précisionsnumériques que nous présentons sont tirées d'un mémoire d'orthophonie réaliséen 1993 par Boichon et de Valence-Bichard.

◆ L'examen laryngé avec l'endoscope rigide

Pour examiner les enfants, nous n'utilisons jamais le nasofi b r o s c o p e .Notre préférence va à l'emploi de l'endoscope rigide qu'il est possible d'utiliserchez l'enfant à partir de 5 ans, en moyenne.

Il est capital de bien préparer l'enfant à cet examen en lui donnant toutesles explications nécessaires pour vaincre son appréhension. Il faut, en particu-lier, bien montrer à l'enfant comment il doit respirer entre chaque son, et quelletonalité vocale il aura à utiliser. Lorsque « ces travaux préliminaires » sont réali-sés, l'examen lui-même est extrêmement court. C'est l'opérateur qui tient lalangue de l'enfant sans la tirer exagérément. L'endoscope est tiédi pour qu'il yait moins de réflexe nauséeux. Il faut poser l'endoscope sur la base de langue etéviter de toucher le voile et la luette.

Chez le petit enfant, les images laryngées sont très brèves et il est impos-sible de faire une stroboscopie. Chez l'enfant plus grand, à partir de 7-8 ans, etsurtout lors des examens successifs, il est possible de réaliser des stroboscopiestout à fait valables. Dans la figure 1, nous donnons un aperçu des difficultés

Guy CORNUT, médecin phoniatreAnnie TROLLIET-CORNUT,orthophoniste90, rue Boileau69006 Lyon

Page 12: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

11

d'examen laryngé sur 313 enfants. Il est rare que l'examen laryngé soit réelle-ment impossible.

Lorsque l'examen a été réalisé, il faut analyser les images obtenues et lesmontrer à l'enfant. Il est très important de disposer d'un magnétoscope qui pos-sède un excellent arrêt sur image, ce qui permet d'obtenir des informations trèsutiles, surtout dans les examens difficiles.

Fig. 1 Conditions d'examenlors de la première consultation.

Fig. 2 Répartitiondes enfants par sexe.

◆ Diagnostic lors de la première consultationNous donnons dans les figures 2 et 3 la répartition des enfants par âge et

sexe (62% de garçons, 38% de filles).

Chez certains enfants, le diagnostic reste imprécis, soit parce que l'exa-men laryngé est impossible, soit parce que les images obtenues sont de qualitétrop médiocre.

Dans les trois quarts des cas, le diagnostic est sinon précis, tout au moinsprobable. Nous donnons dans le tableau I la répartition des diagnostics probables.

À la suite de cette première consultation, l'orientation thérapeutique sefait habituellement vers la rééducation associée ou non à un traitement médical.

Tableau I. Diagnostics probables lors de la première consultation.

Aspects observés Effectifs Pourcentages

Lésions nodulaires 317 68,48Kystes muqueux 11 2,23Polypes 2 0,40Kystes épidermiques 133 27,03Micropalmures 2 0,40Cordes vocales normales 7 1,42

Page 13: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

12

◆ La rééducation orthophoniqueDans le cas des lésions acquises (souvent révers i b l e s ) comme les nodules :

- la rééducation est la seule thérapeutique étiologique puisqu'elle tend àmodifier le comportement vocal (le plus souvent le surmenage vocal) qui a été àl'origine de la lésion.

Lorsque le diagnostic est imprécis (si l'on suspecte par exemple unelésion de type kyste congénital) :

- la rééducation a alors une valeur de test. En effet, la modification fonc-tionnelle, recherchée par la rééducation, entraîne : soit une modification anato-mique suffisante ; soit une transformation de la dynamique vocale qui va amé-liorer très sensiblement les conditions de l'examen laryngé et contribuer parlà-même à la précision du diagnostic et à la décision thérapeutique.

Schématiquement, la rééducation vocale chez l'enfant se met en placevers l'âge de 5-6 ans avec quelques préalables :

- qu'elle soit ressentie comme prioritaire par rapport à d'autres problèmesorthophoniques existants ;

- qu'il y ait acceptation de l'enfant. Nous savons, cependant, qu'accepta-tion n'est pas synonyme, d'emblée, de motivation personnelle, celle-ci étant leplus souvent à construire petit à petit au fil de la relation que l'enfant aura avecl'orthophoniste. La plupart du temps, la demande au niveau vocal vient del'adulte, parents, enseignant scolaire ou musical ;

- que la demande familiale soit sérieuse.

Fig. 3 Répartition par âge et par sexe des enfants vus lors de la première consultation.

Page 14: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

13

En ce qui concerne l'âge de la prise en charge, elle peut se faire avant5 ans si la dysphonie est très importante et commencer sous la forme d'une gui-dance parentale.

Le rythme de la rééducation est habituellement d'une à deux fois parsemaine. La durée n'est, en général, pas inférieure à 6-8 mois. Il est, en effet,illusoire d'espérer obtenir une réelle évolution en un temps court : d'une part, carnous savons que la transformation fonctionnelle, acoustique, dépend pour unelarge part de l'évolution du comportement vocal de l'enfant, lui-même sous-tendu par une prise de conscience de sa dynamique relationnelle; d'autre part,car il faut du temps pour démêler les intrications psychologiques sous-jacentes;et enfin, car il faut du temps pour mettre en oeuvre la régression de la lésionanatomique.

Lorsque la rééducation arrive à son terme, à la fin des séances prescrites,l'orthophoniste renvoie l'enfant au médecin pour un nouveau bilan. Toutefois, siles résultats ne sont pas satisfaisants, il est parfois souhaitable que l'orthopho-niste demande plus tôt un nouveau bilan.

◆ 2e consultation, 6 mois à 1 an plus tardIl est toujours demandé aux parents de ramener leur enfant, de 6 mois à

un an après la première consultation. Toutefois, dans notre statistique, 52 % desenfants ne reviennent pas en consultation (bon résultat ? négligence ou désinté-rêt des parents et de l'enfant ?). Quarante-huit pour cent des enfants ont été sui-vis régulièrement. Il est ainsi possible de voir comment les lésions évoluent aucours de la rééducation.

Il est rare que cette évolution soit rapide et cela pour deux raisons :

- le comportement vocal de l'enfant est difficile à modifier ;- les lésions ne sont que lentement réversibles.

L'importance de l'amélioration acoustique, consécutive à la rééducation,dépend donc beaucoup de l'évolution morphologique. Parfois, la lésion disparaîtcomplètement, parfois elle diminue, parfois elle reste inchangée. Parallèlement,on observe habituellement une amélioration des symptômes acoustiques : moinsd'effort vocal, amélioration du timbre qui est moins forcé et moins voilé, éléva-tion de la fréquence moyenne, diminution des épisodes dysphoniques aigus,amélioration de la qualité de la voix chantée.

Dans l'ensemble, la rééducation orthophonique donne des résultats tout àfait valables, à condition qu'elle soit poursuivie assez longtemps. Même si lavoix ne devient pas tout à fait parfaite, dans la majorité des cas les parents etl ' e n fant sont satisfaits de l'amélioration vocale. Toutefois, si le résultat est

Page 15: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

14

insuffisant, nous disposons maintenant de la possibilité de recourir à la micro-chirurgie laryngée.

◆ La microchirurgie laryngéeAvec Marc Bouchayer, depuis une quinzaine d'années, nous opérons des

enfants dysphoniques en microchirurgie laryngée, toujours avec beaucoup deprudence, actuellement environ une quinzaine par an, ce qui représente environ10% des enfants vus en consultation.

◆ Pourquoi opérer- Nous opérons, en premier lieu, les lésions qui ne semblent pas réver-

sibles, en particulier les kystes (fig. 4, 5).

- Nous opérons aussi, parfois, des lésions nodulaires si l'améliorationvocale et morphologique obtenue par la rééducation est insuffisante et si l'enfantressent une gêne vocale importante, en particulier lorsqu'il s'agit d'enfants musi-ciens (fig. 6).

Dans le tableau II, nous faisons figurer les pathologies que nous avonsopérées chez les enfants de 1970 à 1993.

- Les interventions ne sont jamais réalisées avant l'âge de 9 ans et nousn'opérons que des enfants dont la famille est parfaitement coopérante. Il fa u tque l'enfant, lui-même, soit motivé et accepte les contraintes liées à l'inter-ve n t i o n .

Lorsque la décision de l'intervention est prise, elle a déjà été pressentiepar l'orthophoniste qui a commencé à préparer l'enfant à cette éventualité. À

F i g. 4 Kyste muqueux par rétention de lacorde vocale droite chez un garçon de 11 ans.

Fig. 5 Kyste ouvert sur la corde vocalegauche chez un garçon de 11 ans.

Page 16: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

15

partir du moment où la date de l'intervention est fixée, il est crucial de le prépa-rer psychologiquement ainsi que sa famille, d'expliquer comment cela va se pas-ser, de donner des conseils pratiques pour le temps de repos vocal, d'aider àl'aménagement de ce temps pendant lequel les sollicitations vocales devront êtreréduites.

Cette intervention n'est pas douloureuse pour l'enfant. Elle demande unehospitalisation de 2 jours ; la principale contrainte est représentée par le reposvocal postopératoire qui dure habituellement 6 jours. Ce repos vocal peutparaître long mais l'expérience montre que les enfants vivent fort bien cetteparenthèse.

Tableau II. Enfants opérés (1970-1993).

Fig. 6 Epaississement nodulaire bilatéralchez un garçon de 12 ans.

Pathologies Garçons Filles Total

Nodules 56 22 78Epaississement muqueux fusiforme 13 4 17Pseudo-kyste 14 8 22Polype 2 1 3Kyste muqueux 2 6 8Kyste épidermique 50 35 85Sulcus-vergeture 3 4 7

Total 140 80 220

pathologie nodulaire 117 cas = 53,2% pathologie congénitale 92 cas = 41,8%

Page 17: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

16

La reprise de la rééducation, un peu plus intensive au rythme de deuxséances par semaine, a lieu dès la fin du repos vocal.

La durée de cette rééducation va de 3 à 4 mois dans le cas de nodule, à 5à 6 mois dans le cas de kyste. Un dernier bilan est demandé en fin de traitement.

Les résultats sont excellents et très rapides dans le cas des nodules et despolypes mais, malheureusement, on observe quelques récidives chez certainsenfants qui ont du mal à supprimer le surmenage vocal.

Dans le cas de kystes, les résultats sont habituellement moins rapides,surtout pour les kystes épidermiques. Lorsque la lésion est bilatérale, nous opé-rons les kystes en deux temps, à 6 mois d'intervalle.

Les résultats lointains sont excellents et les récidives sont très rares.

◆ Devenir lointain des dysphonies de l'enfantQue deviennent les dysphonies de l'enfant après la période pubertaire ?

Chez le garçon, il est classique de dire que les lésions nodulaires s'estom-pent au moment de la croissance laryngée, dans la période de la mue. Nousavons pu observer ce phénomène chez quelques enfants. Cette donnée est unargument pour n'opérer les lésions nodulaires que chez des garçons qui sontréellement gênés par le problème vocal.

Chez la fille, l'évolution est beaucoup moins nette au moment de lapériode pubertaire et nous avons pu vérifier que des lésions nodulaires de l'en-fance ne disparaissent pas complètement à cette période.

Enfin, les enfants opérés de kystes ont habituellement une excellente voixà l'âge adulte, ce qui est pour nous un argument pour conseiller l'interventionavant la période pubertaire.

◆ ConclusionLa collaboration entre le médecin phoniatre et l'orthophoniste est absolu-

ment fondamentale dans les dysphonies de l'enfant.

Il est indispensable que l'orthophoniste soit informé avec précision del'aspect laryngé des enfants qu'il a à prendre en rééducation : diagnostic pro-bable, importance de l'épaississement nodulaire, etc. Il est important, également,qu'il soit tenu informé de l'évolution de la lésion laryngée dans le cours de larééducation, ce qui lui permet de mieux adapter sa thérapeutique vocale.

Il est nécessaire, également, que le médecin soit informé par l'orthopho-niste de la manière dont l'enfant coopère pour sa rééducation. Il est, en effet,

Page 18: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

17

totalement inutile de proposer une intervention de microchirurgie laryngée pourun enfant qui n'a pas réussi à modifier son comportement vocal ou tout au moinsà diminuer le surmenage vocal.

L'orthophoniste, qui connaît bien l'enfant, peut fournir au médecin desinformations très précieuses.

Enfin, dans les cas de microchirurgie laryngée, l'orthophoniste peut jouerun rôle très important dans la préparation de l'enfant à l'intervention et dans lesuivi postopératoire.

Nous voudrions enfin souligner le fait qu'un nombre relativement impor-tant de dysphonies de l'enfant correspond à des kystes des cordes vo c a l e s .Lorsque le résultat de la rééducation reste médiocre malgré une bonne coopéra-tion de l'enfant, il faut toujours se poser le problème d'une lésion intracordaleque seule la microchirurgie pourra supprimer.

REFERENCES

1. BOICHON A, DE VALENCE-BICHARD C. (1993) Les dysphonies de l'enfant. Notions cliniques etthérapeutiques. Mémoire d'orthophonie. Institut Techniques de Réadaptation. Lyon.

2. BOUCHAYER M, CORNUT G. (1992) Microsurgical treatment of benign vocal fold lésions : indica-tions, technique, results. Folio Phoniatr.44 : 155-84.

3. CORNUT G, BOUCHAYER M, WITZIG E. (1984) Indications phoniatriques et résultats fonctionnelsde la microchirurgie endolaryngée chez l'enfant et l'adolescent. Bull Audiophono.5 : 473-96

4. DEJONCKERE P et al. (1984) La dysphonie de l'enfant. Louvain-La Neuve (Belg) : Cabay.

Page 19: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

19

L’évolution de l’appareil phonatoireet la voix de l’enfant

Virginie Woisard, J. Percodani, E. Serrano, J.J. Pessay

RésuméA partir d’une revue de la littérature, l’évolution des structures participant à la productionvocale et ses conséquences sur les caractéristiques de la voix de l’enfant sont décrites.L’évolution chronologique de la voix s’intègre dans un contexte global de développement oùle système nerveux central est au premier plan.Mots clés : larynx - voix - enfant.

Changes in the voice structures and the voice of the child

AbstractThis article is based on a review of the literature and describes the structural changes invol-ved in the production of the voice and their impact on the characteristics of the child’s voice.The anatomical and histological development of the voice structures, particularly the larynx,is closely associated with possibilities of voice control. Chronological changes in the child’svoice are embedded in a broader developmental context on which the central nervoussystem plays a central role.

Key Words: larynx - voice - child.

Page 20: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

20

L a voix de l’enfant évolue dans un contexte global de développement. Lesystème nerveux central est au premier plan avec le développement psy-c h o m o t e u r, l’apprentissage du langage, l’évolution psychologique et

l’éducation (3, 4, 5) ; mais cette évolution sera possible uniquement si lesorganes effecteurs (appareil respiratoire, larynx, pharynx, cavité buccale...) ontles qualités physiques et dynamiques permettant sa production.

Dans une première partie, l’évolution des différentes structures participant àla production vocale sera présentée avec ses conséquences acoustiques. Puis dansune deuxième partie, l’aspect chronologique de ces événements sera résumé.

◆ Evolution avec l’âge des principaux composantsde l’instrument vocal

L’appareil respiratoire

Sur le plan morphologique, la cage thoracique acquiert vers l’âge de septans les contours de celle de l’adulte. Auparavant, les côtes ont une forme circu-laire avec une orientation horizontale et leur ossification n’est pas achevée. A huitans, le nombre maximum d’alvéoles et de bronchioles est atteint. Le déve l o p p e-ment ultérieur de l’appareil respiratoire est dû à l’augmentation de taille de ceséléments et se fait parallèlement à l’évolution des besoins respiratoires. Il s’achèvevers 18-20 ans chez le garçon, un peu plus tôt chez la fille (16-18 ans) (3).

La respiration exclusivement diaphragmatique jusqu’à 6 mois, devientmixte alors que la rigidité de la cage thoracique augmente.

Sur le plan fonctionnel, ces modifications entraînent une diminution de lafréquence respiratoire (87/minute à la naissance, 47 à 1 an, 16-20 à l’âge adulte),une augmentation de la capacité vitale et des différents volumes pulmonaires.

L’intégration du contrôle volontaire de la respiration est en place précoce-ment (environ 6 mois) comme l’initiation corticale des coordinations neuromus-

V. WOISARD, J. PERCODANI,E. SERRANO, J.J. PESSEY, O.R.L.Unité de la voix et de la déglutitionService d’Oto-Rhino-Laryngologieet de Chirurgie CervicofacialeCHU Rangueil 31054 Toulouse cedex

Page 21: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

21

culaires nécessaires à l’émergence de la parole. Elles s’affinent parallèlement àl’évolution du langage.

Le degré de développement de l’appareil respiratoire (taille des poumonset capacité vitale) peut varier en fonction du degré et du type d’éducation phy-sique de l’enfant. Celle-ci orientera également le type respiratoire « priviligié »de l’adulte (respiration diaphragmatique, thoracique supérieure ou mixte).

Pour la voix chantée, l’appareil respiratoire paraît compétent à partir dumoment où il acquiert son architecture définitive vers huit ans.

Le larynx

L’évolution topographique

L’évolution topographique est dominée par la descente du larynx dans lecou. Le bord inférieur du cartilage cricoïde se projette entre la 3ème et la 4èmevertèbre à la naissance. Il sera entre la 6ème et la 7ème vertèbre à l’âge adulte(2). Ce phénomène entraîne un éloignement entre le voile du palais et l’épi-glotte, ce qui ouvre la cavité oro-pharyngée et autorise la respiration buccale. Ilest associé à la postériorisation de la langue. Parallèlement, l’axe antéro-posté-rieur du larynx se rapproche de l’horizontale.

Ces modifications se traduisent sur le plan morphologique par :- une augmentation de longueur du conduit vocal,- le développement de la cavité pharyngée,- le modelage des cavités de résonance.Elles ont des conséquences directes sur le timbre de la voix (12) avec un

enrichissement en harmoniques graves, une augmentation du nombre des for-mants et une diminution de leur fréquence. La figure n°1 représente les triangles

Fig. 1 : Conséquences des modifications topographiques : les triangles vocaliques,d’après Peterson et Barney

Page 22: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

22

vocaliques de l’homme, de la femme et de l’enfant réalisés d’après les donnéesde Peterson et Barney rapportées par Kent (12). On observe une fréquence plusélevée des formants chez l’enfant avec respect du rapport F1/F2 pour les troispopulations.

La postériorisation de la langue va autoriser la précision des points d’arti-culation des voyelles. Associée à l’augmentation de distance entre le voile etl’épiglotte, elle permettra la réalisation des consonnes vélaires. La relative auto-nomisation du larynx liée à son déplacement facilitera les variations de fré-quence et aura un rôle dans la stabilité fréquentielle (16).

L’évolution morphologique

L’évolution morphologique intéresse l’augmentation de taille du larynx etles modifications de sa forme (figure n°2).

Fig. 2 : Evolution morphologique du larynx

L’augmentation de taille intéresse tous les axes. En hauteur, elle est liée àla croissance des structures cartilagineuses et à l’écartement entre l’os hyoïde etle cartilage thyroïde. La croissance antéropostérieure est la plus importante,notamment chez le garçon. D’après Hirano (7), la longueur de la portion mem-braneuse de la corde vocale s’accroît de 0,4 mm/an chez la fille et de 0,7 mm/anchez le garçon jusqu’à environ 20 ans.

Les modifications de la forme sont en rapport avec :- l’augmentation plus importante de la portion membraneuse de la corde

vocale par rapport à la portion cartilagineuse,- un amincissement des cordes vocales lié à l’augmentation relativement

plus importante de la longueur des cordes vocales par rapport à leur largeur,- la fermeture de l’angle thyroïdien chez le garçon.

Page 23: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

23

Les conséquences sur les caractéristiques physiques du larynx (12) sontavec l’âge :

- l’augmentation de volume de la cavité sus-glottique- l’augmentation de la masse des cordes vocales- l’augmentation de l’aire glottique et- l’augmentation de l’amplitude des vibrations des cordes vocales.

Sur le plan aérodynamique, elles se traduisent par une diminution de larésistance glottique, une augmentation du flux d’air glottique et une diminutionde la durée de la phase d’ouverture glottique en phonation.

La principale conséquence acoustique, liée à l’augmentation de la lon-gueur des cordes vocales, est la diminution du fondamental laryngien( fi g u r e n°3) (18, 19). Exponentielle jusqu’à l’âge de 3 ans (11), elle sera pluslente et linéaire chez la fille (300 à 220 Hz environ) et subira une nouve l l ediminution rapide chez le garçon à la puberté (220 à 110 Hz). Pa r a l l è l e m e n t ,l’étendue vocale s’élargit avec une différence entre le garçon et la fille d’en-viron un demi-ton individualisable à partir de 7 ans, comme pour le fonda-m e n t a l .

Au niveau du timbre, le fait que le temps d’ouverture soit plus long chezl’enfant est à l’origine d’une augmentation de l’amplitude des harmoniquessitués autour du 1000 Hz. L’augmentation de taille de la cavité sus-glottiquemodifiera la résonance.

Fig. 3 : Fréquence fondamentale moyenne en voix parlée en fonction de la longueurde la portion membraneuse des cordes vocales, d’après IR Titze

Page 24: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

24

Enfin, plusieurs études américaines (14, 17) montrent que la voix de l’en-fant est émise en moyenne 6 dB au dessus de celle de l’adulte quel que soit leniveau d’intensité demandé au sujet. Parmi les hypothèses expliquant ce phéno-mène, la difficulté à faire vibrer un système qui a une résistance élevée avec unflux d’air plus faible que le système mature est à noter.

L’évolution histologique

Sur le plan histologique (7), la maturation des cartilages augmente leurrigidité. Les muscles s’enrichissent en fibres musculaires de type I autorisantdes contractions lentes, prolongées, indispensables à la production vo c a l e .L’évolution est dominée par la différenciation de la lamina propria.

La lamina propria est constituée chez l’adulte de 3 couches (figure 3a) :- la couche superficielle représentée par la muqueuse de la corde vocale

(épithélium et espace de Reinke),- la couche moyenne formant la partie élastique du ligament vocal,- la couche profonde constituant la partie riche en collagène du ligament.

A la naissance, la lamina propria est totalement indifférenciée (figure 3b).Seuls deux amas de fibroblastes, les flava, sont individualisables. Une ébauchedu ligament vocal apparaît entre 1 et 4 ans (différenciation de la couche superfi-cielle par rapport aux couches intermédiaire et profonde). Les deux couches duligament se différencient entre 6 et 15 ans. La différenciation définitive et lamaturation complète de la structure de la corde vocale s’achève à la fin de l’ado-lescence. Ainsi, les propriétés mécaniques ondulatoires du larynx autorisant lesperformances de la voix chantée sont en place tardivement. Sur le plan patholo-gique, les malformations de la structure de la corde vocale peuvent apparaîtrejusqu’à la fin de l’adolescence.

Plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse que cette absence de maturationdu vibrateur était à l’origine des différences de paramètres aérodynamiquesentre l’enfant et l’adulte (14, 17, 18). Pour l’enfant le flux d’air glottique et ledébit d’air buccal sont plus faibles, le temps d’ouverture et la résistance glot-tique sont plus longs. La pression sous-glottique diminue avec l’âge (10). Cesdonnées soulèvent des questions sur les modalités de fonctionnement des cordesvocales, notamment sur les mécanismes de contraction et de vibration.

Sur le plan acoustique, l’évolution histologique du système peut ex p l i-quer :

- l’augmentation progressive de l’efficacité vocale (d’après Tang (17),l’efficacité vocale étant égale à la puissance acoustique / puissance aérodyna-mique),

- une étendue vocale limitée (13),

Page 25: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

25

- une instabilité de la fréquence fondamentale avec un indice de Jitter plusélevé que celui de l’adulte sur certaines voyelles (16), et une stabilisation decelle-ci au moment du développement du ligament vocal (18),

- la fréquence élevée des anomalies du timbre vocal chez l’enfant (13),- et peut être incriminée dans la différence d’intensité entre enfants et

adulte (17).

Les cavités de résonance (figure n°5)

La croissance des cavités de résonance est liée :- à la configuration de la base du crâne (en place à cinq ans),- au rapport entre la croissance du massif facial et le crâne,- à la descente du larynx dans le cou.Le contour du conduit vocal est en place vers neuf ans. Sa croissance

continue en largeur et en longueur jusqu’à l’âge adulte. Il atteindra sa taille défi-n i t ive vers 20-21 ans fixant la majeure partie des caractéristiques du timbre de lavo i x .

Le développement de l’appareil dentaire se termine au début de l’âgeadulte. Il peut provoquer des modifications de l’alignement de la mandibule. Laposition de la langue et l’ouverture buccale peuvent être influencées.

Fig. 4 : Evolution histologique de la corde vocale, d’après M. HiranoLégendes :TC : Cartilage thyroïde LPd : Couche profonde de la lamina propriaAC : Cartilage aryténoïde Voc : Muscle vocalLPs : Couche superficielle de la lamina propria AMF : Macula flava antérieureLPi : Couche intermédiaire PMF : Macula flava postérieure

de la lamina propria E : Epithélium

Figure n° 3a : Adulte Figure n° 3b : A la naissance

Page 26: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

26

Autres éléments de l’instrument vocal

Le système nerveux est à la base des boucles sensitivo-motrices et sen-sori-motrices ainsi que des coordinations neuromusculaires complexes néces-saires à l’émission de la voix. Il poursuit sa maturation jusqu’à l’âge adulte. Lesystème endocrine a une influence majeure lors de la puberté.

L’oreille a sa structure définitive dès 6 mois et offre dès lors les compé-tences suffisantes à l’apprentissage mélodique.

Le développement staturo-pondéral met en place les éléments posturaux.Il s’achève à la fin de l’adolescence.

L’éducation et l’évolution psychologique de l’enfant, en modifiant larecherche du niveau de performance vocal, influencent le degré de compétencede l’adulte.

Fig. 5 : Taille du larynx avant et après la puberté d’après JC Kahane

◆ Evolution chronologique de la voix

Première année de vie

Au cours de la première année de vie, l’enfant utilise toutes les possibili-tés du système phonatoire tel qu’il se présente : haut situé, de petite taille (untiers du larynx de l’adulte, cordes vocales d’environ 4,5 mm de long à la nais-sance), avec un vibrateur immature (absence de ligament vocal, pauvre en fibresmusculaires de type I à la naissance).

Sur le plan acoustique, les premiers cris correspondent à des émissionsinstables, aiguës (440 à 500 Hz), brèves, d’intensité élevée (80-90 dB), pauvres

Page 27: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

27

en harmoniques massés dans les aigus et une zone formantique autour de 2000-3000 Hz (4).

Parallèlement à l’évolution générale (diminution du tonus, apparitiond’une activité contrôlée, augmentation des possibilités de coordination), lelarynx se modifie. L’épiglotte s’éloigne du voile du palais, autorisant la respira-tion buccale. La portion membraneuse de la corde vocale augmente relativementplus que la portion cartilagineuse et le muscle de la corde vocale s’enrichit enfibres de type I.

Ces modifications permettent : - une augmentation de l’étendue vocale qui passe de 5 demi tons à 2 mois

à 1 octave à 6 mois, - une modification du timbre avec un enrichissement en composantes

graves dès 3 mois,- une modification des figures vocaliques (glissando aigu vers 2 mois,

opposition de tonalité vers 6 mois). Sur le plan de la communication cette phase correspond à la période pré-

linguistique avec une structuration fonctionnelle des cris (en même temps quel’apparition du sourire intentionnel) vers 3 mois. Auparavant, le nouveau-néavait un répertoire de cris mais la différence entre ces cris peut être liée auxmanifestations variant en fonction des situations de douleur, de faim, de satis-faction... Les lallations apparaissent ensuite.

Après 6 mois, le développement de l’oreille et l’acquisition des possibili-tés de coordination pneumophonique associés à la compréhension des intona-tions engagent l’enfant dans la phase de transition vers la période linguistique.Cela se traduit par un appauvrissement des émissions vers les sons de la languematernelle avec sur le plan acoustique la diminution de la variabilité intra-indi-viduelle de la fréquence fondamentale avec l’âge (11).

De 1 à 5 ans

La période de 1 à 5 ans est dominée par l’acquisition du langage. L’enfanta exploré ses possibilités vocales et cherche maintenant à les utiliser pour com-muniquer.

L’évolution du larynx avec la poursuite de sa « migration » associée à lapostériorisation de la langue, l’augmentation de taille du larynx (corde vocale de6 mm environ à 1 an) et l’ébauche de ligament vocal, vont permettre une dimi-nution de la fréquence fondamentale (d’environ 400 Hz à 1 an, elle descend àenviron 300 à 4-5 ans) et une augmentation de l’étendue vocale à 2 octaves (dès2 ans).

Page 28: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

28

L’augmentation des possibilités de coordination et de synchronisationpermet à l’enfant d’accroître son autonomie (acquisition de la marche...) et des’enrichir d’expériences nouvelles. Le langage se met en place et impose à lavoix une uniformisation de l’intensité, de la fréquence. Des figures vocaliquesvont permettre le remplacement de mots en attendant que les phrases soientcomplètement structurées (intonations palliatives).

De 5 ans à la puberté

Dans la période suivante, le langage est acquis. L’enfant développe sespossibilités vocales sur le modèle de l’adulte.

Ceci est rendu possible grâce au développement du larynx et à l’acquisi-tion d’une architecture de type adulte de la cage thoracique et des cavités derésonance. Le larynx se situe à 5 ans autour des 4ème - 5ème ve r t è b r e scervicales. Les cordes vocales passent de 8 mm à environ 12 mm à 11 ans. Leligament vocal se différencie en deux couches.

Sur le plan acoustique, on observe :- une augmentation de l’étendue vocale qui peut atteindre 3 octaves dès

6 ans,- une différence entre garçon et fille, du timbre vers 6 ans, de la fréquence

vers 7 ans (de 295 pour les filles / 268 Hz pour les garçons vers 7 ans, elle passeà environ 248 Hz pour les filles / 188 Hz pour les garçons vers 11 ans) (11).

La voix chantée s’épanouit pendant cette période. Des structures mélo-diques, prémices de la voix chantée apparaissent avant, au moment des jeuxvocaux et peuvent s’organiser dès 2 ans (4). La voix chantée s’étend sur deuxoctaves vers l’âge de 8 ans avec des performances compatibles avec certainsrépertoires lyriques (1, 6).

A noter que pendant cette période, l’intensité vocale est plus élevée quecelle de l’adulte et les anomalies du timbre sont fréquentes, pouvant atteindre20% dans certaines études (13).

La puberté

La puberté avec son contexte hormonal et psychologique va être un« bouleversement » pour l’enfant, le faisant passer à l’état adulte au moins sur leplan sexuel.

Elle se traduit sur le plan laryngé par une augmentation rapide de la tailledu larynx (figure n°5), une modification de sa forme et une accélération de ladifférenciation histologique des cordes vocales (différenciation de la coucheélastique et de la couche de fibres collagènes (7). Ces modifications sont à l’ori-gine de la mue.

Page 29: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

29

Elle est plus spectaculaire chez le garçon avec une augmentation de 64%de la taille du larynx (les cordes vocales passent de 17 à 28 mm) (9) et la ferme-ture de l’angle antérieur (de 110° à 90°). Ces changements anatomiques provo-quent une diminution de la fréquence fondamentale de la voix d’une octave (188à 110 Hz) et induisent un changement de mécanisme laryngé préférentiel(mécanisme II à mécanisme I) (6). L’étendue vocale n’est pas diminuée en voixparlée pendant cette période (elle reste autour de 3 octaves dans l’étude longitu-dinale de Hollien) mais est perturbée par une instabilité qui limite l’utilisationde la voix chantée. Elle débute vers 13 ans.

Elle est plus précoce chez la fille (début vers 11 ans) avec une croissancemoins importante, d’environ 34% (les cordes vocales passent de 17 à 23 mm)(9). Ceci explique que l’abaissement de la fréquence fondamentale soit limité àune tierce (248 à 220 Hz) et que l’étendue vocale reste à peu près identique(diminution de l’ordre d’un ton). Le timbre se voile transitoirement puis s’enri-chit en harmoniques graves. Bien qu’un changement de mécanisme ne soit pasdécrit, des modifications du fonctionnement laryngé par rapport aux méca-nismes laryngés de la femme adulte ne sont pas exclues.

En fait, la mue est beaucoup plus longue chez le garçon qu’on ne le croit.La seule étude longitudinale connue (8) rapporte bien un début vers 13 ans maisavec des extrêmes éloignés (entre 10,5 et 16,5 ans). Sa durée moyenne est de 18mois (8 à 26 mois).

Phase post-pubertaire

Enfin, à la phase post-pubertaire, les modifications se poursuivent pouratteindre :

- une position laryngée définitive vers 20 ans (le bord inférieur du carti-lage cricoïde se projette entre la 6ème et la 7ème vertèbre) (2),

- une morphologie définitive vers 18 ans,- une différenciation histologique complète vers 16-18 ans (7)

et fixer les caractéristiques acoustiques de la voix de l’adulte.

◆ Conclusions

Le développement anatomique et histologique du larynx est étroitementlié aux possibilités de maîtrise de la voix. Le fonctionnement du larynx de l’en-fant en phonation n’est pas élucidé notamment dans le domaine des modalitésde l’ondulation muqueuse. L’évolution de la structure histologique de la cordevocale rend difficile l’interprétation des aspects morphologiques rencontrés aucours de la raucité de la voix de l’enfant.

Page 30: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

30

REFERENCES1. AMY DE LA BRETEQUE B. (1991) - Le chant : Contraintes et liberté. JM Fuzeau eds, Courlay.2. ARONSON A.E. (1983) - Les troubles cliniques de la voix. Masson, Paris.3. BENNINGER M.S, JACOBSON B.H, JOHNSON A.F. (1994) - Vocal Arts Medicine : The care and

prevention of professional voice disorders Thieme Medical Publishers, New York.4. CORNUT G, DUCHENE A, ROCH JB, BEZIAT T, ORECCHIONI M, TROLLIET A. (1979) - La

voix de l’enfant. Rapport présenté au XXXVème congrès de la Société de Phoniatrie. BullAudiophonologie ; 3 : 7-56.

5. DALLEAS B. (1987) - Evolution de la voix de la naissance à la puberté. Revue Laryng; 108 : 271-273.6. HEUILLET-MARTIN G, GARSON-BAVARD H, LEGRE A. (1995) - Une voix pour tous. Solal eds.7. HIRANO M, KURITA S, NAKASHIMA T. GROWTH, (1983) - Development and aging of human

vocal folds. in : Bless DM, Abbs JH, eds Vocal fold physiology. San diego : College Hill Press :22-43.

8. HOLLIEN H, GREEN R, MASSEY K. (1994) - Longitudinal research on adolescent voice change inmales. J Acoust Soc Am ; 96 : 2646-2654.

9. KAHANE J. (1978) - A morphological study of the human prepubrtal and pubertal larynx. Am J Anat ;151 : 11-20.

10. KEILMANN A, BADER CA. (1995) - Development of aerodynamic aspects in children’s voice. Int JPediatr Otorhinolaryngol ; 31 : 183-190.

11. KENT RD. (1976) - Anatomical and neuromuscular maturation of speech mechanism : evidencefrom acoustic studies. J Speech Hear Res ; 19 : 421-447.

12. KENT RD, READ C. (1992) - The acoustic analysis of speech. Singular Publishing Group, SanDiego.

13. McALLISTER A, SEDERHOLM E, SUNDBERG J, GRAMMING P. (1994) - Relations betweenrange profiles and physiological and perceptual voice characteristics in ten-year-old children.J voice ; 8 : 230-239.

14. SAPIENZA CM, STATHOPOULOS ET. (1994) - Comparaison of maximum flow declinaison rate ;children versus adults. J voice ; 8 : 240-247.

15. SPIEGEL JR, SATALOFF RT, EMERICH KA. J (1997) - Voice ; 11 : 138-143.16. SUSSMAN JE, SAPIENZA C. (1994) - Articulatory, developmental, and gender effects on measures

of fundamental frequency and jitter. J voice ; 8 : 145-156.17. TANG J, STATHOPOULOS ET. (1995) - Vocal efficiency as a function of vocal intensity : a study of

children, women and men. J Acoust Soc Am ; 97 : 1885-1892.18. TITZE IR. (1989) - Physiologic and acoustic differences between male and female voices. J Acoust

Soc Am ; 85 : 1699-1707.19. TITZE IR, TALKIN DT. (1979) - A theorical study of the effects of various laryngeal configurations

on the acoustics of phonation. J Acoust Soc Am ; 66 : 60-74.

Page 31: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

31

Particularités du travail vocalen rééducation

Benoît Amy de la Bretèque

R é s u m éLe travail effectué avec des enfants en rééducation vocale a la même base que celui faitavec des adultes, mais diffère sur la manière de l’aborder. Il ne faut pas négliger l’informa-tion sur la voix et le trouble présenté, en des termes simples, mais permettant de responsa-biliser l’enfant. Les séances doivent être menées d’une manière inventive et ludique : répéti-tions et improvisations seront conçues à la manière de jeux vocaux. La rééducation a uneplace privilégiée, même dans les cas où l’acte chirurgical est indiqué.

Mots clés : dysphonie infantile - rééducation vocale.

Specific dimensions of voice therapy in children

AbstractVoice therapy is based on the same principles, whether it deals with children or adults; but thet r e atment approach is different. It is important to provide the child with information on voicemechanisms and voice disorders; expressed in simple terms, it helps the child become moreresponsible with respect to his treatment. Therapy sessions should be both inventive and play-oriented: rehearsals and improvisations may be presented in the form of vocal games. Vo i c et h e r apy is an essential component of treatment, even when surgery is indicat e d .

Key Wo r d s : childhood dysphonia - voice therap y.

Page 32: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

32

Benoît AMY DE LA BRETÈQUE,Phoniatre.Attaché à l’UF de laryngologie, Fédération d’ORL, Hôpital de la Timone, 13385 Marseille cedex 5.

S i la prise en charge de la rééducation vocale d’un enfant présentequelques particularités par rapport à celle d’un adulte, c’est pour troisraisons :- la demande est différente ;- la démarche pédagogique doit être adaptée à cet âge ;- les lésions laryngées dont peuvent être porteurs les enfants ne sont pas

exactement superposables à celles de l’adulte.

◆ Apprécier la demande,ou quelles dysphonies prendre en charge?

L’âge de l’enfant est un premier critère. Après avoir essayé longtemps defaire travailler des enfants dès cinq ans, il me semble désormais que ce n’est pasvraiment utile, et qu’il vaut mieux attendre l’âge de sept ans. Cela ne veut pasdire que les plus jeunes ne doivent pas être pris en charge, mais plutôt sousforme de « guidance » que par un travail technique proprement dit.

Lors du bilan vocal clinique et instrumental, il faut prendre le temps d’ex-pliquer à l’enfant lui-même, ainsi qu’à ses parents, le trouble dont il souffre, endes termes simples, mais aussi exacts que possible. C’est le moment de lui direce qu’est la voix :

- quels organes concourent à la produire : l’enfant jeune n’a qu’uneconscience très floue qu’il existe un rapport entre la voix comme phénomènesonore et comme partie de son corps (ainsi J., 6 ans, explique à ma demandequ’elle a « la gorge enroulée »). Montrer les cordes vocales sur l’écran (ou uncliché) permet d’enseigner comment le son vocal est produit, et ce que cettemécanique intime a de merveilleux et de fragile.

- quels usages on peut en attendre (parole, appel, cri, chant) : c’est unedécouverte d’apprendre que les différents usages de la voix sont tous produits

Page 33: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

33

par le jeu des mêmes cordes vocales, et ont donc une incidence l’un sur l’autre.L’irritante question des cris peut ainsi être mise à sa véritable place - on peutexpliquer qu’il est normal de se servir de sa voix pour crier, mais que cela doitse faire quand la situation l’exige. L’activité vocale pourra être comparée à l’ac-tivité physique en général : pour aller simplement d’un endroit à un autre, n’est-il pas normal de marcher plutôt que de sauter? Pour s’adresser simplement àquelqu’un, ne suffit-il pas de parler plutôt que de crier?

- quelles sont les lésions dont il est porteur : par exemple, on peut expli-quer que les nodules sont deux petites bosses produites par des mouvementstrop violents pour amener les cordes au contact l’une de l’autre lorsqu’on faitusage de sa voix. La répétition de ce geste rend la guérison desdites « bosses »impossible, comme si l’on se cognait tous les jours la tête au même endroit.

Il est utile d’aider les parents à prendre conscience de leur rôle d’éduca-teurs de la voix de leur enfant : gérer le niveau vocal familial, distribuer laparole entre tous, se rapprocher plutôt que de crier, etc. Il faut les rassurer aussisur l’importance de la dysphonie en terme de santé générale : sauf cas heureuse-ment rare (papillomatose), il faut dire que la dysphonie infantile est bénigne. Ondispose d’un long temps pour agir : l’attente ne grève pas le pronostic.

D’éventuels autres problèmes de santé peuvent imposer de différer laprise en charge de la dysphonie. Il faut éviter de surcharger l’enfant et établir unordre de priorité dans les interventions. Cependant, pour les petits dysphoniquesqui sont déjà en rééducation orthophonique pour un trouble du langage oral ouécrit, on peut y associer quelques minutes de travail vocal. Ce sera une bonnefaçon de varier les séquences de travail, mais aussi de prendre en compte la glo-balité du trouble : dans ce cas, la dysphonie n’est pas étrangère au problème delangage.

Le désir de l’enfant doit être apprécié. Il est fréquent qu’il n’ex p r i m espontanément aucune plainte sur sa voix, mais on peut, par un échange pluspersonnalisé et précis, faire ressortir l’expression d’une gêne vocale réelle danscertaines situations. Ainsi, à la question « Es-tu gêné par ta vo i x ? », l’enfa n trépond généralement non ; mais si on lui demande : « Comment ça se passepour toi quand tu dois lire à voix haute en classe? », ou bien « Est-ce-que tua r r ives à chanter avec les autres sans problèmes? », la réponse sera plusé l o q u e n t e .

Il nous incombe ensuite de motiver l’enfant pour la rééducation. Lors dubilan clinique, on doit établir un bon contact, lui expliquer son trouble et luifaire sentir les limites de sa voix qu’on peut espérer dépasser par le trava i lvo c a l .

Page 34: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

34

Il est souvent nécessaire d’enclencher le travail pour obtenir cette motiva-tion. Nous y reviendrons plus loin. Si on ne peut l’obtenir, même au bout d’uncertain temps, il n’est pas question de rééduquer l’enfant malgré lui. Il vautmieux suspendre la rééducation pendant un certain temps, en disant bien pour-quoi, et revoir l’enfant plus tard pour en discuter à nouveau.

Un jeune footballeur dysphonique de 10 ans a été testé sur un exercice d’appel(l’intensité peut en être objectivée sur un simple vumètre de magnétophone). Il obtint undéplacement du curseur assez modeste malgré l’ardeur qu’il y mit. Je lui montrai que jepouvais obtenir mieux, avec moins d’efforts, et devant sa surprise, lui proposai de luiapprendre comment faire de même.

Un jeune garçon de 9 ans ne parvenait pas à « accrocher » à la rééducation, mal-gré les efforts que je déployais pendant huit séances. Je décidai de lui en parler franche-ment : il me dit qu’il se « foutait » de sa voix. Je lui expliquai que je trouvais cela un peudommage, mais que je respectais son opinion, et lui proposai d’y réfléchir une semaineencore. Nous en reparlerions la fois suivante et suspendrions notre travail le cas échéant.Bien sûr, je mis les parents au courant. Au rendez-vous suivant, il ouvrit la porte de monbureau triomphalement et s’exclama : « je m’en fous plus de ma voix ! ». Dès ce moment,son adhésion me fut acquise, et nous fîmes un bon travail.

D’autres critères me semblent moins importants, comme la taille desnodules, ou l’importance de la dysphonie : c’est la gêne ressentie qui doit êtreprise en considération.

◆ Adapter la démarche pédagogique, ou comment rendrela rééducation attrayante, quoique rigoureuse.

Le souci de rendre le travail attrayant et accessible anime tous les péda-gogues de l’enfant. Cependant, il ne doit pas faire perdre la cohérence du proto-cole suivi : c’est là tout l’art du rééducateur. On ne doit certes pas sacrifier lecaractère ludique à la logique de la conduite rééducative. Le matériel technique,gestuel, phonétique ou mélodique, ne diffère pas dans son principe de ce qu’onferait pour les adultes. Les explications sur le pourquoi des exercices sontimportantes, mais il faut avoir le souci de ne pas les présenter de façon trop abs-traite.

Deux réflexions peuvent nous aider à concevoir notre tâche dans cetesprit :

- l’étude du développement du premier âge, et en particulier de la phasedite de prélangage. On peut y voir aussi une phase de prémusique, dans lamesure où les productions vocales du bébé de 7 à 12 mois se rattachent autant à

Page 35: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

35

des formes prélinguistiques qu’à des formes purement ludiques. Autrement dit,pour le jeune enfant, la voix n’est ni parole, ni chant, mais les deux à la fois.Dans une rééducation vocale, on pourra efficacement bâtir nos exercices vocauxen s’inspirant de ces formes archaïques (sans les plagier, bien sûr, ce serait ridi-cule). Dans un premier temps au moins, cela me paraît plus efficace que d’es-sayer de rectifier le geste vocal dans la parole, ou de travailler sur le chant. Eneffet, l’une ou l’autre de ces attitudes risquerait de buter sur des résistances :perturbation de la communication pour l’une, crainte de produire des sons ines-thétiques pour l’autre. On apprendra plutôt à l’enfant à se réapproprier sa voixdans sa dimension globale.

- la connaissance plus précise de la source du plaisir musical, grâce auxétudes des neurologues sur l’amusie, et grâce à la compréhension de la manièredont l’enfant aborde le jeu. L’influence des travaux de Piaget est ici détermi-nante. Ainsi, on peut comprendre le plaisir musical à trois niveaux : un niveausensori-moteur, où l’on découvre que le geste laisse une empreinte dans laforme sonore, un niveau symbolique dans lequel la musique semble reproduiredes « schèmes cinétiques de comportements » par les rythmes, la mélodie, lesnuances, et un niveau combinatoire, qui met à l’oeuvre une règle du jeu. Il estpossible de faire la séance de rééducation comme un véritable moment musical,basé sur des jeux vocaux de répétition et d’improvisation, dont le substrat seratoujours le matériel phonétique et mélodique choisi par le rééducateur en fonc-tion de ce qu’il souhaite travailler.

Donnons donc quelques exemples de développement de ces idées.

1 / En ce qui concerne la perception du geste vocal, il est utile de le soute-nir par un support visuel, directement lié à l’acte vocal. On peut ainsi mettre enjeu des mouvements corporels dont les plus simples sont les mouvements desmains (chiromimie). Mais on peut aller plus loin et mettre en jeu toute unedynamique corporelle à quatre pattes, laisser choir la tête sur une montée devoix dans l’aigu ;

- debout, soulever les bras lentement pendant l’émission vocale et lesrelâcher tout soudain dans la reprise d’air ;

- à l’aide d’une guimbarde, découvrir que les modifications de la formebuccale modifient aussi le son...

Il sera utile d’objectiver le débit d’air buccal pendant l’expiration, parexemple en soufflant à l’aide d’une paille(1) sur un petit moulin à vent, ou dansune bouteille d’eau.

(1) Sur l’usage de la paille, voir « L’équilibre et le rayonnement de la voix », op. cité.

Page 36: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

36

2/ Sur les modèles mélodiques symboliques, c’est le moment de se rappe-ler que le jeune enfant est très sensible à la prosodie de la parole. On peut ima-giner les exercices comme autant de variations sur des thèmes tels que l’expres-sion de la surprise, ou le ton d’une conversation qui s’envenime, etc.

3/ Les règles de jeu n’ont pas forcément besoin d’être explicitées, car ilest amusant de les découvrir.

L’enfant dont je m’occupais était du genre taciturne et renfermé, et je ne parve-nais pas à le dérider. Un jour, faisant avec lui un exercice progressant à chaque répétitiondans l’aigu, il partit inopinément d’un brusque fou-rire. Le calme revenu, je lui deman-dai la raison de son hilarité. « C’est parce que tu fais de plus en plus aigu, de plus en plusaigu! », me répondit-il en se tordant de rire de plus belle.

Il est particulièrement intéressant de faire varier sans prévenir un élémentde la règle dès qu’elle a été comprise par l’enfant. Par exemple, sur une série desons staccatos, on introduit soudain une autre voyelle, à une place déterminéerythmiquement dans la série; quand l’enfant a saisi, cette place devient aléatoire,ou bien il y a en outre une variation de la hauteur, ou encore, le jeu consiste àréaliser la série de plus en plus vite. J’ai le souvenir d’un jeune garçon de 12ans, particulièrement inventif, avec lequel nous n’avions presque pas besoind’échanger durant une demi-heure. Quand il fut guéri, il dit qu’il souhaitaitrevenir l’année d’après tant il prenait de plaisir à ces jeux vocaux.

C’est grâce à l’instauration d’un climat ludique qu’on peut dépasser la diffi-culté de l’entraînement demandé entre les séances. Pour les plus âgés, on peut agircomme pour l’adulte, en demandant un temps d’entraînement pluri-hebdomadaire,sinon quotidien. Les parents peuvent y être associés, et un support enregistré sera leb i e nvenu. Quant aux plus jeunes, il ne peut être question de les astreindre de cettefaçon. C’est l’envie de retrouver de temps à autre les sons qui les ont intrigués ouamusés qui servira de moteur à leur progression. Combien de fois ai-je entendu lesparents me faire des réflexions du type : « C’est curieux, ma fille faisait des drôlesde sons avec sa voix dans sa chambre; ne serait-ce pas vos exercices? »

◆ C o n s i d é rer les lésions cordales éventuelles, ou tro u ver la placede la rééducation entre l’abstention et la chirurg i e .

On a vu plus haut qu’il peut être licite de ne pas intervenir, et que le dia-gnostic d’une dysphonie ne doit pas être obligatoirement suivi d’une prise encharge. Il arrive d’ailleurs qu’à la suite du bilan, une amélioration de la voix soitobtenue sans autre intervention. Est-ce le fait des explications fournies à cetteoccasion? Sans doute en partie.

Page 37: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

37

Le frère et la soeur, 10 et 12 ans, vinrent me consulter en même temps pour unedysphonie. Leur famille, très sympathique, a l’habitude d’un niveau vocal élevé, voireexcessif. Ils étaient tous deux porteurs de nodules en miroir. Après discussion, seul lefrère commença une rééducation. Or, sa soeur guérit elle aussi de sa dysphonie presquedans les mêmes délais.

Dans un cas, la papillomatose laryngée infantile, l’intervention s’impose.Ce diagnostic est rare, mais il peut être méconnu. C’est pourquoi il convientd’examiner à nouveau l’enfant dysphonique si sa voix s’aggrave inexplicable-ment en cours de rééducation, ou à plus forte raison, si un weezing apparaît. J’aile souvenir d’un enfant de 6 ans pour lequel j’ai démarré une rééducation etdécouvert à la quatrième séance qu’il avait des vésicules diffuses de toute laglotte, alors qu’au premier examen, on ne pouvait noter qu’une inflammationprononcée des deux cordes. L’orthophoniste doit y penser et renvoyer le petitpatient chez le phoniatre ou l’O.R.L. au moindre doute.

Dans les autres cas, l’intervention ne revêt pas de caractère obliga t o i r e ,mais est indiquée si les lésions sont de nature irréversible. Ici, la rééducation et lac h i r u rgie ne sont pas en compétition, mais deux moyens thérapeutiques complé-mentaires. Il est logique de commencer par la première. Si les lésions sont réve r-sibles, ce dont on n’est pas toujours sûr au départ, on aura le plaisir de les vo i rr é g r e s s e r. Si elles ne le sont pas, la rééducation aura permis de l’apprendre quandon l’ignorait, et de préparer l’enfant à l’acte chirurgical sur le plan vocal et psy-chologique. Les résultats en seront meilleurs. Le rôle du rééducateur est impor-tant à ce niveau : information, conseil, tant vis-à-vis de l’enfant que de sa fa m i l l e .

◆ ConclusionLa rééducation de la voix chez l’enfant nécessite non seulement d’avoir une

bonne connaissance fondamentale et technique sur les dysphonies, mais aussi unecertaine aisance et de l’imagination pour créer des séances rééducatives attractive sautant qu’instructives. Au prix de ce petit effort, le rééducateur aura de grandess a t i s factions, la plasticité de la voix étant particulièrement bonne à cet âge.

REFERENCES

1. AMY DE LA BRETEQUE B. (1997). L’équilibre et le rayonnement de la voix. Marseille : Solal,128 pp.

2. CELESTE B., DELALANDE F., DUMAURIER E. (1982). L’enfant du sonore au musical. Paris.Buchet-Chastel, 180 pp.

3. LECHEVALIER B., EUSTACHE F., ROSSA Y. (1985). Les troubles de la perception de la musiqued’origine neurologique. Paris : Masson, 208 pp.

Page 38: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

39

Qualité de voix chez l’enfantet facteurs sociaux / environnementaux

P.H. Dejonckere

R é s u m é

L’étiologie des dysphonies dysfonctionnelles de l’enfant est fréquemment rapportée à desquestions d’hygiène vocale (excès et/ou abus vocaux). De tels comportements phonatoirespeuvent eux-mêmes être conditionnés primairement par certains profils psychologiques outempéraments, mais aussi secondairement par des facteurs propres au milieu social, fami-lial dans lequel l’enfant se développe. La présente étude concerne la relation entre, d’unepart, la qualité de la voix infantile telle qu’elle peut s’évaluer à l’oreille et se mesurer acous-tiquement, et un certain nombre de paramètres socio-familiaux et éducatifs. L’échantillonétudié n’a pas été recruté dans une consultation médicale, mais tout simplement dansquelques écoles urbaines, sans spécificité particulière.

M o t s - clés : qualité de la voix - jury d’écoute - facteurs environnementaux et socio-familiaux.

Voice quality in children and social-environmental factors

AbstractOne often relates the etiology of dysfunctional dysphonia in children to issues of vocal hygiene(vocal excess and/or vocal abuse). Such vocal behaviors may be initially facilitated by certainpsychological or temperamental profiles, but they may also be secondarily conditioned bysocial and family factors to which the developing child is exposed. The present research stu-died the relationships between the quality of the child's voice, as assessed by listening to itand through acoustic measures, and several social-family and educational parameters. Thesample was selected in several standard urban schools with no specific profile, rather than ina medical setting.

Key Wo r d s : voice quality - listening evaluators - environmental and social-family factors.

Page 39: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

40

Bien qu’il n’y ait pas unanimité sur le fait que les excès et/ou abus vocauxpuissent eux-mêmes être conditionnés primairement par certains profilspsychologiques ou tempéraments, mais aussi secondairement par des

facteurs propres au milieu social, familial dans lequel l’enfant se développe, ilreste peu de doute quant à l’influence d’éléments d’ordre psychologique(Wilson, 1987). La signification de facteurs sociaux et d’environnement estmoins bien cernée (MacArthur et Healey, 1995).

L’hypothèse testée est que certains des paramètres socio-familiaux et édu-catifs considérés déterminent peut-être un phénomène de malmenage vo c a lhabituel, dont l’altération qualitative de la voix seraient une manifestation.

◆ Matériel et méthodesLes voix enregistrées (/a:/ et quelques phrases standard) de 200 enfants

(100 garçons et 100 filles) de 6 à 11 ans ont été évaluées par un jury d’écoute de10 orthophonistes sur le plan de la qualité et cotées à l’aide d’une échellevisuelle analogique de 100 mm. Chaque /a:/, émis à intensité et hauteur tonalespontanée (confortable), a de plus fait l’objet d’une analyse acoustique (analysecepstrale) qui reflète le rapport signal harmonique / bruit (Dejonckere &Wieneke, 1994). Un certain nombre de renseignements a par ailleurs été collectésur chaque enfant, principalement grâce à un questionnaire, généralement com-plété par une brève entrevue avec un des parents, ou par une conversation télé-phonique. L’anonymat a été strictement respecté, chaque enfant étant désignépar un code.

Les renseignements récoltés concernaient :(1) le sexe(2) l’âge(3) la profession parentale(4) les habitudes tabagiques parentales

P.H. DEJONCKEREMédecin phoniatreInstitut de PhoniatrieFaculté de MédecineUniversité d’Utrecht, AZU F.02.504, B.P. 85 500, N1-3508 GA Utrecht, Pays-Bas

Page 40: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

41

(5) l’éventuelle séparation des parents(6) le nombre de frères et soeurs(7) la participation aux activités d’un mouvement de jeunesse(8) l’éducation musicale (chorale, chant, instrument)(9) les performances scolaires(10) le fait que l’enfant ait bénéficié ou bénéficie d’une rééducation

orthophonique.

◆ RésultatsLa figure 1 montre la relation entre l’évaluation perceptive et la mesure

acoustique. La corrélation est satisfaisante, et hautement significative, en raisondu nombre de sujets.

Fig. 1 : Corrélation entre l’évaluation perceptive moyennée d’un jury d’écouteet le rapport signal / bruit, calculé par technique cepstrale. L’évaluation perceptive

est rapportée en mm (0-100) (échelle visuelle analogique, où 0 représente l’état normal[absence d’altération], et 100 un degré d’altération extrême).

Page 41: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

42

Dans les figures 2 et 3 sont comparés les scores perceptifs moyens pourchacun des deux groupes constitués, par paramètre, sur base des données del’enquête. Il s’agit des valeurs moyennes calculées sur les 10 appréciations dujury d’écoute.

Fig. 2 : Score perceptif moyen de chacun des 2 groupes, pour les paramètres 1 à 5.Définition des groupes dans le texte.

Fig. 3 : Score perceptif moyen de chacun des 2 groupes, pour les paramètres 6 à 10.Définition des groupes dans le texte.

Page 42: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

43

Les 2 groupes pour chaque paramètre ont été définis comme suit :

(1) groupe 1 : garçonsgroupe 2 : filles

(2) groupe 1 : 6 à 8 ansgroupe 2 : 8 à 11 ans

(3) groupe 1 : profession manuellegroupe 2 : profession intellectuelle (au moins un des 2 parents)

(4) groupe 1 : parent fumeurgroupe 2 : parents non fumeurs

(5) groupe 1 : parents séparésgroupe 2 : parents non séparés

(6) groupe 1 : 3 enfants et plusgroupe 2 : 1 ou 2 enfants

(7) groupe 1 : membre d’un mouvement de jeunessegroupe 2 : non membre d’un mouvement de jeunesse

(8) groupe 1 : éducation vocale ou musicale extrascolairegroupe 2 : absence d’éducation vocale ou musicale extrascolaire

(9) groupe 1 : appartenance à la première moitié de la classegroupe 2 : appartenance à la seconde moitié de la classe

(10) groupe 1 : antécédents orthophoniquesgroupe 2 : absence d’antécédents orthophoniques.

Vu la distribution généralement non gaussienne, les 2 groupes ont chaquefois été comparés à l’aide d’un test de Mann-Whitney-White. D’aucune des 10paires ne se dégage une différence significative, que l’on considère le jugementà l’oreille ou l’analyse acoustique.

◆ DiscussionPour ce qui concerne l’évaluation perceptive, il s’agit en fait du paramètre

« G » de l’échelle GIBRAS, dont la fiabilité a été reconnue comme excellente(Dejonckere & al., 1996). Le type d’analyse acoustique utilisé peut égalementêtre considéré comme une mesure « intégrative » de diverses altérations suscep-tibles de perturber une qualité de voix (souffle, grésillement, bitonalité , etc. )(Dejonckere & Wieneke,1994).

Par contre, la fiabilité, la validité et l’absence de possible biais pour cer-taines données relatives aux facteurs sociaux et de milieu apparaissent comme

Page 43: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

44

beaucoup plus discutables, mais il est clair que c’est toujours l’élément éthiqueet de respect de la vie privée qui a présidé à la collecte des données. Seuls lesrenseignements livrés en toute simplicité et spontanéité ont été encodés et aussi-tôt anonymisés. Pour les paramètres (1), (2), (6), (7) et (9), le taux de réponseest 100% ou pratiquement 100%. Il descend à 62 - 91 % pour les autres.

L’étude a porté sur des enfants a priori considérés comme normaux, c’est-à-dire ne consultant pas pour des plaintes ou des symptômes vocaux. Seuls deuxenfants se sont avérés avoir, dans le passé, bénéficié d’une rééducation ortho-phonique axée sur la voix. De l’examen des évaluations perceptives du juryd’écoute ressort toutefois que, si la cotation moyenne se situe entre 0 et 1 dansl’échelle GIBRAS (équivalent de 0 - 33 mm), un certain nombre d’enfants pré-sentent spontanément une voix nettement altérée, sans qu’elle semble donnerlieu à plainte ou souci.

◆ ConclusionDans un groupe non sélectionné d’enfants de 6 à 11 ans fréquentant des

écoles urbaines normales, il ne s’est pas dégagé de relation significative entre laqualité de la voix (évaluée à l’oreille par un jury d’écoute ou analysée acousti-quement) et un certain nombre de paramètres à signification sociale, environne-mentale ou pédagogique.

Bien que la fiabilité et la validité des données pour ce qui concerne cesderniers soit partiellement discutable, se dégage l’impression qu’ils ne consti-tuent pas des éléments déterminants.

On pourrait en déduire que les facteurs relatifs au profil psychologique del’enfant et à son tempérament sont peut-être plus prépondérants pour déclencheret entretenir le malmenage vocal, principale cause des dysphonies infantiles.

REFERENCES

DEJONCKERE P.H. (1994) : Aspects biomécaniques de la pathogénie des nodules vocaux. Rev. laryngol.Otol. Rhinol., 115, 267-276.

DEJONCKERE P. H., WIENEKE G. H. (1994) : Phonosurgery for roughness & breathiness. A cepstrumstudy. Voice, 3, 74-85.

DEJONCKERE P.H., REMACLE M., FRESNEL-ELBAZ E., WOISARD V., CREVIER-BUCHMAN L.,MILLET B. (1996). Differentiated perceptual évaluation of pathological voice quality : reliabilityand corrélations with acoustic measurements. Rev. Laryng. Otol. Rhinol., 117, 219-224.

MACARTHUR C.J., HEALY G.B. (1995) : Acquired voice disorders in the pediatric population. in RubinJ.S. & al. (Eds) Diagnosis and treatment of voice disorders, lgaku Shoin, New York / Tokyo,189-202.

WILSON D. K. (1987) : Voice problems of children. 3rd Ed. The Williams & Wilkins Company,Baltimore.

Page 44: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

45

Pour une logique dans la démarcherééducative de la dysphonie de l’enfant

Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel

R é s u m éL’auteur propose une démarche conceptuelle a priori en rééducation vocale. Le cas de ladysphonie de l’enfant lui paraît particulièrement intéressant car il s’agit de réfléchir sur lesbuts et les moyens que l’on désire se donner pour influer sur une voix en devenir.Mots clés : voix - enfant - dysphonie - rééducation - remédiation - logique - algorythme detraitement.

AbstractThe author pleads here fer a rationale of vocal réhabilitation. Such a rationale is even moreinteresting when it deals with child’s voice remediation, as this voice is on the making andlikely to evolve.Key words : voice - voice treatment - rationale - child - child’s voice.

Page 45: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

46

Q uel que soit le diagnostic posé, qu’il y ait ou non intervention chirurgi-cale prévue ou juste envisagée, dès qu’une rééducation de la voix estpréconisée dans le traitement d’une dysphonie de l’enfant, une certainelogique doit être adoptée, qu’elle soit consciente ou non.

Si les exercices et les prises de conscience sont ordonnancés selon unedynamique logique, ils ne pourront en être que plus efficaces car chacun arriveraà point nommé, dès que les structures nécessaires à son apprentissage et à sonancrage seront sûres et établies. L’efficacité du traitement en sera ainsi accrue,et la maintenance des résultats également.

Une logique de rééducation implique une réflexion sur la conduite à tenirselon les buts que l’on désire atteindre et les moyens que l’on se donnera pour yparvenir. Elle implique également une conceptualisation plus poussée, la créa-tion éventuelle de modèles voire de programmes. Une logique sous-tend unestratégie de rééducation et ne peut cautionner un joyeux méli-mélo d’exercicesentrepris sous l’effet de l’inspiration du moment.

◆ Les buts de la rééducationSe donner des buts, des objectifs selon des critères réalistes est l’élément

le plus moteur de la logique d’une rééducation. Le but est là comme un guide,comme un phare, et il sert à maintenir le cap, à ne pas s’égarer ni perdre untemps précieux et coûteux.

Dans la prise en charge rééducative d’une dysphonie de l’enfant, onpourra se donner comme but cette suite logique (l’ordonnancement étant aussiune démarche logique) :

- prendre conscience de la voix, de sa voix ; prendre conscience qu’elleest produite par le corps, qu’on en est le maître, qu’elle peut certes échapperparfois au sujet locuteur, mais que c’est bien lui qui la produit, qu’elle est traced’un geste du corps ;

Marie-Claude MONFRAIS-PFAUWADEL O.R.L.- PhoniatreLaboratoire de La Voix, Hôpital Laënnec 75 - Paris

Page 46: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

47

- prendre conscience des différents mécanismes de production de la voix,et que le corps est l’instrument musical de cette voix, en particulier prendreconscience de la respiration, de la statique vertébrale, du rôle des résonateurs,du vibrateur ;

- prendre conscience des différents modes de phonation, tels que la voixconversationnelle, la voix chuchotée, la voix d’appel, la voix chantée, la voixprojetée ; prendre conscience que la voix est souple, fluide, adaptable, et que lesujet vocalisant en est le maître ; que les différents modes de vo c a l i s a t i o nengendrent chacun des sensations particulières ;

- prendre conscience de ce que l’autre entend, de ce que l’on donne àl’autre à entendre et en particulier de ce que l’autre entend de soi, via le magné-tophone, voire la vidéo ; prendre conscience qu’on n’entend pas toute sa voix,mais une partie de sa voix , qu’il est important de se fier à ses propres sensationscar c’est sur elles que se bâtit la perception du monde sensible, qui est sa réalité,la réalité de chacun ; que ces sensations peuvent être supplémentées par lemagnéto, l’oreille du rééducateur, du professeur de musique...

- prendre conscience de l’espace vocal, que la voix sert à marquer sonterritoire, à prendre possession de l’espace, à élargir l’enveloppe corporelle, àpasser du « Moi-Peau » au « Moi-Sonore » infiniment plus vaste ;

- prendre conscience de ce que la voix exprime et révèle de soi et de soncorps ; apprendre à ce que la voix traduise mais ne trahisse pas ;

- apprendre à agir sur l’autre avec sa voix : la projection et la notion dejuste distance, l’accompagnement mental dynamique de la voix jusqu’à sa cible,la notion d’efficacité de la voix ;

- trouver le plaisir de la voix et de la vocalisation et le sens du jeu avec lavoix, par les laryngalisations, les divers bruits buccaux : apprendre à ronronner,roucouler, gazouiller, siffloter, rapper ;

- trouver le plaisir du chant, le sens de l’harmonie par les sensations res-senties et non pas par l’intellectualisation du « langage » musical et de la nota-tion ; sentir ce lien physique que crée la propagation des vibrations entre leschanteurs ;

- trouver le plaisir du texte et du rôle : être soi, être l’autre, le loup oul’agneau, le récitant, chacun des animaux de Brême, etc., et en fin de comptesoi-même : travail tout autant sur l’expression des émotions que sur le matériausonore qui va être donné à entendre à l’autre ; sentir que l’on est l’acteur de sonpropre vécu et le meilleur interprète de soi-même ; qu’il n’y ait pas de malen-tendu ;

Page 47: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

48

- prendre conscience des sources de fatigue et de forçage de cette voix,qu’elle est donnée à tout jamais, qu’il n’y a pas d’échange standard possible.

◆ Les moyens de la rééducation

• La relaxation

La relaxation est entendue ici comme le moyen de se réapproprier le vécusensoriel du corps, de se réconcilier avec lui et d’en faire le lieu des détentes etdu bien-être, de l’être bien à soi-même.

Elle pourra être passive, active, voire dynamique chez l’enfant hyperactifque l’on ne peut faire tenir assez tranquille pour le relaxer allongé, comme chezl’enfant hypotonique qui aura besoin de se redynamiser sans tomber dans leforçage.

La relaxation devra être utilisée comme moyen de réappropriation ducorps entier, la voix étant alors l’expression et l’extension du corps entier. Onest bien dans sa voix quand on est bien dans son Moi, y compris un bien-êtrephysique.

◆ Les prises de conscience et exercices concernant :

- le corps respirant : prendre conscience du soufflet de forge, du rôle desdernières paires de côtes, de l’axe du porte-voix et du rôle de tuteur de lacolonne vertébrale, explorer les réserves respiratoires, apprendre à allonger sonsouffle, à l’étirer, à dissocier les temps respiratoires, à manier à volonté ce maté-riau que l’on fera sentir comme palpable et vivant, le souffle ;

- le corps parlant : la matière de la voix devient la substance de la paroleet la voix sous-tend et étoffe en même temps la parole en lui donnant par savivacité (la vive voix), toute l’épaisseur et le charnu du vécu émotionnel ;

- le corps écoutant et la grande oreille : amener l’enfant de l’ouïe àl’écoute, voire à l’entendement, en l’aidant à percevoir sa propre voix dansl’instant (main en conque ou coque de plastique), ou en différé par le magnéto-phone ; en favoriser l’exploration et la manipulation ludique ;

- le corps chantant de l’enfant, le corps enchanté de l’enfant : passer dela voix à la jubilation musicale ;

- les rôles sociaux de la voix : je suis moi, je suis l’autre, les jeux derôles, et le pathos, par l’utilisation de contes, de saynètes, de pièces pourmarionnettes, de jeux « comme à la radio » ou « comme à la télé » ;

Page 48: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

49

- la grande voix à venir : prendre conscience que la voix chez l’enfantest l’émanation d’un corps en devenir, en mutation et qu’elle va subir des chan-gements, voire muer ;

- le roi du silence : apprendre à se taire n’est ni trivial, ni paradoxal. Cen’est pas seulement ménager sa voix, c’est surtout prendre conscience que lesilence est là avant la voix, qu’il est également intérieur et que lui seul permetd’accueillir la parole d’autrui.

◆ L’ordonnancement des familles d’exercices

Pour une plus grande efficacité de la prise en charge réhabilitative, il serabon d’établir une chronologie propre à chaque cas. La trilogie « Respirer, Parler,Chanter » respecte le déroulement chronologique le plus souhaitable.

Néanmoins certains exercices peuvent être enseignés de façon concomi-tante. Avant de donner des exercices à faire chez soi entre deux séances, il fau-dra s’assurer que ceux-ci sont déjà correctement exécutés en séance et qu’unepersonne-soutien peut éventuellement aider, sans que cela devienne des devoirsà la maison ou qu’un caractère coercitif s’installe, et encore moins que les exer-cices de rééducation ne deviennent un enjeu disciplinaire entre l’enfant et sesparents.

◆ Les traitements complexes

Certaines rééducations de dysphonies de l’enfant comprendront d’autresvolets rééducatifs complémentaires, comme une rééducation de la déglutitioninfantile par exemple. Un point de déglutition trop avancé peut en effet partici-per à la fatigue vocale par l’implication trop fréquente des muscles sus et sous-hyoïdiens.

◆ Acquisition, transfert et maintenance

Une rééducation ne peut être efficace que si elle est suivie d’un transfert àla vie quotidienne des acquis de la séance. C’est lorsqu’il ne crie plus dans lacour de récréation, qu’il module sa voix à sa guise en lisant en classe, qu’il nes’égosille plus dans l’escalier de la maison, qu’il solfie aussi juste que dans satête, que la voix ne se fatigue plus, quelle est à son optimum.

Les conseils d’hygiène vocale, la surveillance complice et attentive de lafamille permettront à l’enfant de ne pas rechuter et de maintenir les acquis de sarééducation.

Page 49: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

50

◆ Les critères de fin de rééducationLe but ultime d’une rééducation de la voix chez l’enfant n’est pas seule-

ment de retrouver une voix claire, nette, fiable et modulable, mais d’inculquerau jeune patient le respect de son corps comme instrument musical, la notion dusoin de soi et la responsabilisation quant au devenir de sa voix, d’autant plusque cette voix est appelée à mûrir et à changer. Il doit acquérir une voix fiable etsouple qui soit fidèlement l’expression d’un Moi en devenir.

◆ ConclusionL’enjeu d’une rééducation de la voix dans le cas des dysphonies de l’en-

fant est multiple. Il faut que le patient acquière de nouveaux moyens, moinsnocifs, d’utiliser et d’optimiser sa voix, mais que ces outils et ces moyens évo-luent avec lui et restent fiables au long de l’enfance et durant la puberté.

Une logique de rééducation est un instrument conceptuel qui permet unemodélisation et une mise à distance formelle. Elle est le garant d’une meilleureadaptabilité et d’une plus grande efficacité. Dans le cas de la dysphonie de l’en-fant elle permet de réfléchir à cette prospective de la voix.

REFERENCES

PFAUWADEL M.C. (1981) : Respirer, parler, chanter. Ed Le Hameau.

Page 50: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

51

Le chant chez l’enfant et ses difficultés

Jocelyne Sarfati

R é s u m éLa voix et le chant chez l’enfant évoluent tout au long de sa croissance et de sa maturation.On peut essayer de comprendre en fonction de cette évolution pourquoi et comment cer-tains enfants présentent des difficultés à chanter.Mots clés : Voix de l’enfant - le chant chez l’enfant.

Singing and singing problems in children

AbstractVoice and singing in children change throughout the period of growth and maturation. Withinthis developmental perspective, we attempt to understand why and how some children havedifficulty in singing.Key Words: child's voice - singing in children.

Page 51: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

52

◆ Enfance du larynx

Au moment de la naissance, le larynx du nouveau-né est situé très haut dansle cou, plus qu’à tout autre moment de la vie : entre la première et la troisième ve r-tèbre cervicale. Cette position est à l’origine du timbre souvent nasonné de la vo i xdu nourrisson et l’oblige à une respiration nasale pendant très longtemps. Pendantla croissance, le larynx grandit et descend progressivement dans le cou. Vers l’âgede 13 ans, il est disposé entre la 3è m e et 6è m e vertèbre cervicale. Cette descente dansle cou est en rapport direct avec la baisse de hauteur tonale tout au long de la viesauf dans le quatrième âge chez l’homme. On peut noter au passage l’évolution dela taille des cordes vocales qui mesurent 6 à 8 mm à la naissance, 12 à 15 mm à lapuberté et 17 à 23 mm chez l’homme contre 13 à 17 mm chez la femme adulte.

◆ Enfance de la voix

Le cri du nouveau-né qui sort de l’utérus est la première manifestation dela voix humaine. Il semble établi par plusieurs études convergentes que les crisdu nourrisson renferment déjà un code musical dans lequel on peut distinguertrois modes principaux :

- Les cris de faim : montants et descendants avec des explosions glot-tiques fréquentes.

- Les cris de joie : ils sont marqués par de rares explosions. Ces cris nesont jamais sourds, jamais stridents.

- Les cris de chagrin : longue durée vocalique d’intonation et d’intensitédécroissante. Plus tard vers 10-12 mois l’enfant peut modifier sa fréquence fon-damentale selon qu’il joue avec son père ou avec sa mère. Avant l’apparition designes linguistiques distinctifs, l’intonation est chargée d’un sens symbolique. Ilne faut pas perdre de vue que le chant comme le langage s’acquièrent d’abordpar le bain vocal et musical dans lequel l’enfant est plongé.

Jocelyne SARFATIMédecin phoniatre10, rue de Belgrade38000 Grenoble

Page 52: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

53

◆ Quelques repères

Le tableau ci-dessous repris des travaux de Shuter-Dison (1981), indiqueassez globalement le développement musical de l’enfant

Age Comportement observable

0 - 1 an Réagit aux sons

1 - 2 ans Fait spontanément de la musique

2 - 3 ans Commence à reproduire des bribes de chansons

3 - 4 ans Saisit le plan général d’une mélodie

4 - 5 ans Peut discriminer grossièrement les hauteurs et reproduireles rythmes simples

5 - 6 ans Peut comparer les variations d’intensité, les rythmes et lesréalisations tonales dans les cas les plus simples

6 - 7 ans La justesse du chant se perfectionne

7 - 8 ans Recherche de la consonance, évite la dissonance

8 - 9 ans Améliore les réalisations rythmiques

9 - 10 ans Acquiert le sens de la cadence

◆ Les étapes de l’acquisition du chant C’est donc autour de l’âge de 5 ans que se déroule le processus d’acquisi-

tion du chant. C’est tout d’abord la topologie générale de la chanson qui est sai-sie : les mots avec leur ordre. Le rythme superficiel ou syllabique s’installe. Lecontour mélodique est globalement mis en place. La stabilité tonale peut émer-ger lorsque les étapes précédentes sont bien établies.

◆ Les maladies infantiles de la voix de l’enfant : dysphonies etdysodies.

Les étapes de développement harmonieux décrites ci-dessus peuvent subirdes perturbations. Celles-ci sont en relation avec d’éventuels troubles du déve l o p-pement psychomoteur, sensoriel, affectif, intellectuel et artistique. Ces diffi c u l t é spourront avoir une action directe sur la voix et la voix chantée en particulier, parl’intermédiaire de tensions musculaires et de malmenage vocal contribuant àléser l’organe de telle façon qu’il ne puisse plus jouir de toute l’étendue de sespossibilités musicales (les nodules par exemple amputent la partie la plus aiguëde la tessiture et rendent souvent difficile l’émission de la voix chantée).

Page 53: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

54

La constitution organique de l’appareil phonatoire (certaines altérationsdites congénitales des cordes vocales comme les kystes épidermiques), peutégalement nuire au développement du chant chez l’enfant. En effet ces lésionsp e u vent par leur présence sur les cordes vocales amputer les possibilitésvocales. L’enfant qui sera alors confronté à une difficulté contre laquelle il nepeut rien, développera parfois un comportement d’inhibition totale vis à vis duchant empêchant le développement de sa voix chantée.

◆ Le chant en difficulté

Pour certains enfants la voix chantée pose problème, mais la voix parléene souffre pas et le larynx est normal. On a vu plus haut que les qualités d’into-nation et de reproduction rythmique varient avec l’âge. Lorsque la possibilité dereproduire des suites sonores chantées dans une culture donnée est perturbée, lacause peut se situer à différents niveaux.

Problème perceptif périphérique

Les différences de hauteur ne sont pas perçues par l’enfant. C’est tout lesystème d’analyse fréquentiel qui peut être mis en cause depuis l’organe de cortijusqu’aux centres corticaux en passant par les voies afférentes. Il est bien diffi-cile alors que l’enfant puisse restituer une mélodie qu’il « n’entend pas ».

Problème de mémoire et d’imaginaire musical

Le chant intérieur, la répétition silencieuse du message est fugace ou car-rément impossible. C’est comme si le son glissait sur ces enfants, ne les mar-quait pas, ne les imprégnait pas. Dans ces cas, on peut tenter d’entraîner cettemémoire par un projet éducatif ou rééducatif dans certains cas.

Autre problème : certains enfants « entendent juste, peuvent mémori-ser des fragments sonores, les restituer sous forme de notation musicale,mais ne peuvent les chanter juste ».

De nombreux travaux manquent encore pour expliquer ce phénomène.

Le problème d’inhibition et refus d’apprentissage

Celui-ci apparaît souvent chez l’adolescent avant et en période de mue. Ilexiste parfois chez le jeune enfant timide. L’enfant n’ose pas commettre leserreurs nécessaires à son progrès. Il ne chante plus du tout. On lui a parfoisdemandé de se taire car il gêne les autres.

Page 54: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

55

Les maladresses motrices

Toutes les coordinations musculaires mises en jeu pour assurer la phona-tion chantée sont parfois limitées par une immaturité motrice en particulier dansla zone bucco-faciale.

◆ Conclusion Les dysodies de l’enfant en relation avec des pathologies acquises ou

« congénitales » des cordes vocales sont de mieux en mieux prises en chargedans les rééducations orthophoniques. En revanche, il reste de nombreux pro-grès à effectuer pour comprendre et aider les enfants qui présentent un retard del’acquisition de la justesse chantée sans altérations laryngées détectables.

REFERENCES1. HUSSON-R. (1960) La voix chantée. Paris : Ed Gaultier-Villars.2. Le HUCHE-F. ET ALLALI-A. (1984) La Voix : anatomie et physiologie des organes de la voix et de

la parole. Paris : Masson (coll. Phoniatrie) t.I, 272 p3. Le HUCHE-F. ET ALLALI-A. (1984) La voix : thérapeutique des troubles vocaux. Paris : Masson

(coll. Phoniatrie) t.3, 214 p4. NARCY-P. et coll. (1979) Le larynx de l’enfant. Société française d’ORL et de la pathologie cervico-

faciale. Paris : Librairie Arnette, 319 p5. PETIT-A. (1994) « Comment la musique vient aux enfants ». Enfant d’abord, 180, pp.16-186. RIOU-BOURRET-V. ET LOUIS-M.H. (1970) Contribution à l’étude de la voix chantée de l’enfant

normal de 5 à 9 ans. Mémoire d’orthophonie, Lyon, 98 p7. SARFATI-J. (1994) « Le chant chez l’enfant ; une voix bien placée », in : Enfance, musique et méde-

cine (actes du colloque international de Grenoble).8. SARFATI-J. , AUDAY T. (1996) Evolution des dysphonies bénignes chez l’enfant. Laryngol-otol-rhi-

nol. :117, 4 ; 327-329 9. SARFATI-J. (1998) Soigner la voix. Ed Solal, 135 p

10. TEPLOV-P.M. (1966) Psychologie des aptitudes musicales. Paris : PUF, 418 p11. VERHULST-J. (1987) « Evolution du larynx de la naissance à la puberté ». Revue de laryngologie,

108 (4), pp. 269-270

Page 55: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

57

Dysphonie de l’enfant : relations entreprofesseur de formation musicale et phoniatre

Monique Lecoq

R é s u m éCette étude porte sur une année, elle concerne les réflexions évoquées par la dysphoniechez l’enfant de 7 à 11 ans dans 2 groupes de recrutement :Le premier groupe est celui de classes de solfège du conservatoire de musique de Bordeaux(20 enfants).Le second groupe est celui d’un professeur de chant d’une école privée (43 enfants).Mots clés : voix chantée - information - professeur de chant.

Dysphonia in children: relationships between the music teacherand the phoniatric specialist

AbstractThis study was carried out over a year on 7 to 11 year-old children with dysphonia whobelonged to two different groups:The first group comprised children from a music school in Bordeaux, who attended a musicreading class (20 children),The second group included the pupils of a voice teacher in a private school (43 children).Key Words : singing voice - information - voice teacher.

Page 56: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

58

D ans cette étude, portant sur 2 groupes de recrutement (premier groupeconstitué d’enfants de classes de solfège du conservatoire de musiquede Bordeaux -20 enfants ; second groupe dirigé par un professeur de

chant d’une école privée - 43 enfants), aucune différence significative n’estapparue en ce qui concerne le sexe, les antécédents, la place dans la fratrie.

61 sur 63 des enfants adressés relevaient d’une éventuelle prise en charge.

Les différences suivantes ont été relevées dans notre analyse :

1ère différence : la demande de consultation

La demande de consultation est pratiquement toujours suivie lorsqu’elleprovient du professeur de solfège car le trouble représente un handicap pour lapoursuite des études musicales désirée par les parents.

Par contre cette même demande, conseillée par le professeur de chant del’école, est difficilement acceptée par les parents ; la consultation n’est faitequ’une fois sur 3 et le plus souvent après plusieurs demandes.

2ème différence : l’intensité du trouble

Chez les enfants du conservatoire, l’intensité du trouble vocal est moinsimportante ; le trouble peut souvent n’affecter que la voix chantée, alors quedans la consultation du scolaire, le trouble vocal est majeur et affecte voix par-lée et voix chantée.

3ème différence : la motivation des parents

Le solfège étant indispensable dans ces études, l’inquiétude et l’anxiétéconcernant l’avenir musical entraînent une acceptation du diagnostic et de laconduite à tenir chez les enfants du conservatoire.

Il en est tout autrement chez les enfants du scolaire. Les parents considè-rent ce trouble comme mineur puisqu’il n’affecte pas les performances sco-

Monique LECOQMédecin phoniatreHôpital PellegrinService de phoniatrie Pr BébearPlace Amélie Raba Léon33000 BordeauxTél. 05.56.79.57.41

Page 57: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

59

laires. Dans cette même école, ce même trouble n’est d’ailleurs pas reconnu parles enseignants en dehors du professeur de chant.

4ème différence : la personnalité des enfants

Dans le milieu musical, les enfants rencontrés sont le plus souvent desperfectionnistes, contrôlés, soucieux de bien faire et de réussir, vivant mall’échec, ce qui entraîne une adhésion à la prise en charge.

Dans le milieu scolaire la plupart des enfants sont arythmiques, mal dansleur corps, instables. La prise en charge est plus difficilement suivie.

5ème différence : les facteurs de malmenage

Chez les enfants du conservatoire on retrouve plus souvent un appuilaryngé excessif, des tensions corporelles du cou et des épaules, des essais decompensation perturbant la verticalité, qu’une mauvaise gestion du souffle. Laprise en charge est basée sur une détente corporelle, une prise en charge globaledu corps dans l’ajustement des fréquences.

Dans le second groupe, les facteurs de malmenage rencontrés sont liésaux habitudes vocales « ils ne savent pas parler sans crier et sans s’agiter ». Lesouffle est mal géré, le rythme est perturbé et la tension corporelle est impor-tante. Ce sont ces divers paramètres qui sont pris en charge. Ils peuvent nécessi-ter des prises en charge associées de type psychomoteur ou psychologique.

6ème différence : relations entre professeurs de formation musicale etphoniatre, orthophoniste

La demande exprimée par ces deux professeurs, professeur de solfège auconservatoire et professeur de chant à l’école est très différente .

Le professeur de solfège m’a demandé une information médicale et sou-haite ma présence dans son cours pour apprendre à repérer les mauvais compor-tements vocaux et faciliter leur dépistage précoce.

Le professeur de chant à l’école m’a demandé de participer à la réunionparents-professeurs et d’y faire une information sur le trouble vocal, ses consé-quences, sa prévention et son traitement.

Ces deux démarches doivent se mettre en place dans l’année à venir.

Cette étude a été réalisée auprès de deux professeurs très concernés par letrouble vocal et très à l’écoute des difficultés des enfants. Elle ne reflète certai-nement pas l’ensemble des attitudes et des préoccupations du corps professoral.

Il me semble qu’il est possible et nécessaire de généraliser ces échangeset qu’il y a, là, la possibilité d’un véritable dépistage dans une optique de pré-vention de la dysphonie de l’enfant

Page 58: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

61

Expérience clinique de la rééducation vocalede l’enfant

Florence Marquis

R é s u m éLa rééducation vocale de l’enfant est souvent une entreprise difficile posant toutes sortes dequestions au thérapeute. L’auteur recadre ici les conditions et les modalités de cette priseen charge, en les replaçant dans la perspective des buts à atteindre en fonction de la moti-vation de l’enfant et de la conscience qu’il a de son trouble.Mots clés : rééducation vocale de l’enfant - motivation - adaptation.

Clinical practice of vocal rehabilitation in children

AbstractVocal rehabilitation with children is a difficult endeavor which raises many questions for thetherapist. In this article, the author reframes treatment conditions and modalities within agoal-oriented perspective which takes into account the child's motivation and his (her) awa-reness of the disorder.Key Words: vocal rehabilitation in children - motivation - adaptation.

Page 59: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

62

Bien souvent, lorsqu’un enfant est envoyé au cabinet d’orthophonie pourune rééducation vocale, le thérapeute peut se sentir plus facilement inter-pellé pour plusieurs raisons :

- premièrement, au cours de nos études, les stages de rééducation vocaleauxquels nous pouvons assister montrent essentiellement la pratique orthopho-nique auprès de la population adulte,

- deuxièmement, la littérature sur ce sujet n’est pas très fournie,

- troisièmement, l’orthophoniste sait qu’il ne peut aborder la prise encharge de la même manière qu’avec un adulte et il a peut-être du mal à cerner lechemin à suivre, surtout parce que l’enfant ne peut pas s’astreindre autant auxtechniques proposées. Cependant l’expérience professionnelle peut compensergrandement cette difficulté.

Il m’apparaît souhaitable d’entreprendre la prise en charge vocale à partirde l’âge de 7 / 8 ans car l’enfant étant plus mature, son schéma corporel mieuxdéveloppé, il comprend et perçoit mieux les phénomènes abordés. La conditionsine qua non réside dans la motivation ; il peut l’être s’il est très gêné par unevoix devenant rapidement aphone ou douloureuse après une conversation agitéeou un jeu rapide : ne plus pouvoir s’exprimer le handicape. L’enfant peut secontenter de sa voix rauque, « s’habituant » à cette façon de parler, il neremarque plus qu’elle est « différente » et perturbante. Alors, dans ce cas, samotivation repose sur celle de ses parents, et pour celui qui a conscience de sesdifficultés, les encouragements parentaux viennent annihiler certains sentimentsde lassitude survenant au cours de la rééducation. Il est donc intéressant de pou-voir faire participer l’adulte aux séances de l’enfant, même si ce n’est pas régu-lièrement. L’enfant est mieux encadré, il investit mieux sa prise en charge qu’ilpeut à son tour reproduire sur l’entourage familial : il obtient un statutprivilégié.

Florence MARQUISOrthophoniste257, avenue Daumesnil75012 ParisTél. 01.43.46.17.71

Page 60: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

63

Adapter les exercices à l’enfant nécessite de l’imagination pour les pré-senter sous un aspect ludique qui puisse susciter de l’intérêt et du plaisir. L’en-fant, comme tout être humain, réagit fortement à ce qui lui plaît. La prise encharge devient un jeu : la relaxation est transformée en « poupée de chiffon » et« Pinocchio » (pantin de bois) pour saisir les contrastes, le mouvement dusouffle abdominal devient le mouvement de la mer calme en été, les mots émisen projection vocale sont tour à tour des bulles envoyées aux quatre coins dubureau, des boules à accrocher au sapin (au moment de Noël), les modulationsvocales deviennent des guirlandes pour décorer la bibliothèque, etc. Finalement,la grande différence entre adulte et enfant apparaît dans la façon dont noustransmettons l’information. Le recours aux métaphores et aux images mentalesest bien sûr un moyen privilégié. Aussi la perception des contrastes aide consi-dérablement l’enfant qui les manipule. Sentir qu’il peut être replié comme un« h é r i s s o n » ou droit comme un « fier cheva l i e r » lui permet de voir lesdifférences.

Pour les exercices vocaux, émettre la même phrase en jouant au « fan-tôme Ecossais » (voix rauque ou rocailleuse) ou au roi devant sa cour (voix plusposée) ou au petit lutin (voix douce) en le faisant verbaliser sur les divers com-portements vocaux, lui fait prendre conscience du serrage ou de la détente deson émission vocale.

L’enfant ayant besoin d’une prise en charge est généralement très toniqueet très dynamique; ses gestes, quels qu’ils soient, sont trop rapides et trop for-cés. Travailler sur l’ensemble du corps est donc nécessaire avant d’aborder leréel problème vocal et la relaxation est un point important. Cependant, même sinous aidons à améliorer l’attitude globale, il demeure parfois chez certains un« fond » de tonicité importante contre lequel il est difficile de lutter. Dans cescas, la voix est nettement améliorée, plus « confortable », moins fatigante maisavec une amorce vocale toujours trop brutale, ce peut être une cause d’échecrelatif.

Pour qu’il y ait succès de la rééducation, il semble que la bonne compré-hension du but à atteindre et la motivation soient deux facteurs primordiaux.L’entretien du bilan détermine considérablement le pronostic. Il faut bien éva-luer les besoins vocaux de l’enfant et la manière dont il investit sa voix, et bienlui expliquer avec des métaphores ce qui peut arriver s’il reste dans le même étatsans rééducation.

Page 61: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

65

Le profil vocal et son adaptation chez l’enfant

Françoise Dejong-Estienne

R é s u m éCet article présente le profil vocal en le décrivant dans son état initial et en relatant lesdivers remaniements et ajustements qui ont abouti aux profils vocaux actuels destinés àl’analyse de la voix des hommes de 20 à 50 ans, des femmes de 20 à 50 ans, des hommesde 60 à 80 ans et des femmes de la même tranche d’âge.L’auteur s’attarde plus longuement à décrire et relater les étapes qui ont abouti à l’établisse-ment d’un profil vocal unique pour les enfants de 5 à 12 ans.Mots clés : Description - protocoles - adaptation - étapes - consignes métaphoriques.

Definition of a vocal profile and its adaptation in children

AbstractThis article presents a description of the initial vocal profile and of the various modificationsand adaptations which resulted in those vocal profiles currently used to analyze the voice of20 to 50 year-old men and of 20 to 50 year-old women, as well as that of 60 to 80 year-oldmen and 60 to 80 year-old women.

The author describes in greater detail the different steps leading to the definition of a singlevocal profile for 5 to 12 year-old children.Key Words : description - protocols - adaptation - steps - metaphoric instructions.

Page 62: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

66

◆ Présentation du profil

1 - Description

Le profil vocal a été élaboré en 1985 par Philippe Dejonckere et Fran-çoise Estienne.

Il est issu de la nécessité de posséder un outil fiable d’analyse de la voix.Il a été établi en se basant sur les critères d’une bonne voix et en se réfé-

rant aux chiffres recueillis dans la littérature.Son but est de repérer les performances de la voix en fonction des para-

mètres suivants :- les intensités minimum, moyenne, maximum et le cri,- le temps maximum de phonation (TMP) ou la tenue des voy e l l e s

contrastées a, ou et des consonnes s, z qui ne diffèrent que par le voisement,- l’étendue ou capacité de la voix à parcourir une portion de la gamme

vers l’aigu et le grave en comptant le nombre de notes réalisées,- la recherche du fondamental ou ton de base de la voix et l’écart par rap-

port au fondamental,- la capacité vitale qui va être corrélée avec le temps maximum de phona-

tion du a pour calculer le quotient phonatoire,- l’écart entre les intensités maximum et minimum,- le rapport entre la tenue du s et celle du z.

2 - Les instruments

L’exécution du profil exige :- un spiromètre pour mesurer la capacité vitale, - un sonomètre ou décibelmètre pour capter les intensités,- un chronomètre pour établir le TMP,- un clavier pour repérer l’étendue, le fondamental et l’écart par rapport

au fondamental.

Françoise DEJONG-ESTIENNEAvenue Paul Hymans 128/12B 1200 BruxellesTél. et fax 00 32 2 770 03 27

Page 63: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

67

1 - Capacité vitale E D C B A(3 essais) 0 1 2 3 4

nez ouvert litresnez fermé

2 - Intensité 85 80 75 70 60moyenne db

comptage de 35 40 45 50 601 à 50, à 30 cm db

3 - Tenue (3 essais) 0 10 20 30 40/a/ sec/u/ sec/s/ sec/z/ sec4 - Intensité mini. 80 70 60 50 40comptage de 1 à 50 dbà 30 cm5 - Voix projetée 60 70 80 90 100comptage de 1 à 50 db6 - Intensité maxi. 70 80 90 100 120cri à 30 cm db7 - Etendue en 0 5 10 15 20continu sur /u/

8 - Déviation par rapportau fondamental(comptage) (vers l’aigu) + 4 + 3 + 2 + 1 0

(vers le grave) – 4 – 3 – 2 – 1 0

9 - Nasalité : différence 2 1,5 1 0,5 0 litresentre la capacité vitale,nez ouvert, nez fermé10 - Ecart entre intensité 20 30 45 60 70 dbmax./min.11 - Rapport S/Z 5 4 3 2 112 - Quotient phonatoire 500 400 300 200 100(/a/ nez ouvert) ml/sec(/a/ nez fermé) ml/sec

Calcul

3 - Présentation du protocole initialLe profil vocal objectif ou profil de rendement

Page 64: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

68

4 - Les ajustements

Le profil initial mis à l’épreuve de notre pratique a été remanié et com-plété à travers diverses études qui ont répondu successivement aux questionssuivantes :

- le modèle fourni par l’examinateur améliore-t-il les résultats ?- les 3 essais pour chaque épreuve sont-ils nécessaires ?- les normes sont-elles fiables et différentes selon le sexe et l’âge ?- le profil vocal est-il réalisable par les enfants ?- à l’opposé, quelles sont les normes de la voix chez la personne âgée ?- peut-on par le profil objectiver le phénomène du vieillissement de la

voix (presbyphonie) et faire la différence entre un vieillissement normal de lavoix et une dégradation pathologique ?

- au terme de ces études (voir bibliographie) on a pu conclure que les 3essais n’étaient pas nécessaires pour toutes les épreuves, 1 essai suffit pour lesitems qui se ressemblent, comme par exemple les tenues.

La démonstration est nuisible dans la recherche du fondamental et del’écart par rapport au fondamental car le modèle peut influencer la hauteur de lavoix par imitation.

Les normes sont différentes pour les hommes et les femmes de 20 à50 ans mais elles ne diffèrent pas selon l’âge.

Les normes diffèrent pour la population de 60 à 80 ans comparées à cellesde la population de 20 à 50 ans. Elles varient également selon le sexe.

Le profil est réalisable par les enfants de 5 à 12 ans moyennant certainsremaniements décrits ci-dessous.

5 - Les profils actuels

Nous sommes dès lors en possession de :- un profil vocal pour les hommes de 20 à 50 ans- un profil vocal pour les femmes de 20 à 50 ans- un profil vocal pour les hommes de 60 à 80 ans- un profil vocal pour les femmes de 60 à 80 ans- un profil vocal unique pour les enfants de 5 à 12 ans.Tous ces profils reposent sur des normes calculées statistiquement ce qui

les rend fiables.Nous avons également établi des consignes passées au crible de la statis-

tique concernant le nombre d’essais nécessaire pour chaque épreuve et l’effet dela démonstration par l’ex a m i n a t e u r. Le profil s’est également enrichi d’uneépreuve de comptage qui fait partie de la recherche du TMP, ceci pour mieuxrendre compte de la tenue de la voix dans une situation qui se rapproche de la

Page 65: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

69

conversation en partant du principe qu’en comptant on passe d’un point d’arti-culation à l’autre ce qui est différent de seulement tenir une voyelle ou uneconsonne.

Voici un exemple d’un profil actualisé.

6 - Présentation d’un nouveau profil

Le profil vocal objectif (20 à 50 ans) chez l’hommeNom :Prénom :Date de naissance :Date du profil :

-3 -2 -1 N +1 +2 +3 résultat

1,6 2,3 3 3,7 4,4 5,1 5,8 L

1,6 2,3 3 3,7 4,4 5,1 5,8 L

48,7 51,9 55,1 58,3 61,5 64,7 67,9 dB

52,5 48,7 45 41,3 37,6 33,9 30,1 dB

72,8 81,4 90 98,6 107,2 115,8 124,3 dB

86,3 93,8 101,4 108,9 116,4 124 131,5 dB

0,5 7,7 14,8 22 29,1 36,2 43,4 sec

0 7,3 16,7 26,2 35,6 45 54,5 sec

0 5,4 20,4 35,3 50,2 65,2 80,1 sec

0 6,2 18,1 30 42 53,9 65,8 sec

2,1 10 17,9 25,7 33,6 41,4 49,3 nombresde chiffres

5 9 13 18 22 26 31 touches

sol 1 la 1 si 1 do 2 ré 2 mi 2 fa 2 note

sol 1 la 1 si 1 do 2 ré 2 mi 2 fa 2 nbr.nts

1.Capacité vitale

N.O.- dém. 1 ess.

N.F. - dém. 1 ess.

2. Int.(Cpt. 1 à 30,à 30 cm)

- moy. (1 ess.- dém.)

- min. (3 ess. - dém.)

- voix proj. (1 ess. - dém.)

- max. (3 ess. - dém)

3.T.M.P.

/a/, 2 ess. +dém.

/u/, 1 ess.

/s/, 3 ess.+dém.

/z/, 1 ess.

comptage, 2 essais1 chiffre./sec.

4. Etendue sur le /u/,

dém., 2 ess.

5.Rech. fond.

Toux sur /hé/, 2 ess.

6.Dév. /au fond.

Comptage 1 ess.

Page 66: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

70

0,3 0,2 0,1 0 0,1 0,2 0,3 L

42,5 50,9 59,3 67,7 76 84,4 92,8 dB

2,22 1,87 1,52 1,17 0,82 0,47 0,12

366,2 306 245,9 185,8 125,6 65,5 5,3 ml/sec

357,9 299,3 240,7 182,1 123,6 65 6,4 ml/sec

324,1 268 211,9 155,8 99,6 43,5 0 ml/sec

Calculs

7. Nas. = dif. C.V.

N.O. - N.F.

8. Ecart. entre int.

max. et mini.

9. Rapport /s/z/

10. Quot. phon.

/a/ nez ouvert

/a/ nez fermé

/u/ nez ouvert

intensité moyenne, 40-49 ans : 60,44 dB

Placement du son : Type d’imperfection : monotonie bitonalitéQualité : grésillement souffleStabilité : chevrotement irrégularité

cassure raucitédécrochages

7 - Remarques

Les résultats moyens ou normes moyennes se situent au centre. Ils varientde gauche à droite selon qu’ils s’écartent de la norme moyenne du plus mauvaisau meilleur.

Pour l’épreuve de comptage on demande à la personne de compter le plusde chiffres possible à partir de 1 sur une expiration au rythme donné par l’expé-rimentateur soit 1 chiffre par seconde.

◆ L’adaptation du profil vocal aux enfants

I - Les étapes

Une première étude (1991) a été réalisée sur des enfants de 5 - 6 ans.Elle avait pour objet d’examiner si le profil était réalisable avec des

enfants. Si oui, quelles étaient les performances pour les différentes épreuves.

Page 67: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

71

Les résultats étaient-il différents selon les âges et le sexe ? Les consignes méta-phoriques (voir plus loin) favorisent-elles les résultats en comparaison avec lesconsignes standard ?

Les résultats ont donné les conclusions suivantes :A - les enfants de 5 - 6 ans sont capables d’effectuer le profil vocal

moyennant l’aménagement de certaines épreuves qui portent sur les tenues du set du z ou temps maximum de phonation (TMP) et sur l’étendue. Ces épreuvesdoivent être aménagées de la façon suivante : le s et le z sont remplacés par le fet le v en cas d’édentation ou de sigmatisme. La recherche de l’étendue note parnote, trop difficile pour certains enfants qui ne sont pas capables de reproduirela justesse du modèle, est remplacée par une fusée montante et descendante surun ou selon le modèle donné par le testeur.

Les normes ne diffèrent pas selon le sexe et l’âge ce qui a permis l’élabo-ration d’un profil unique pour les enfants de 5 - 6 ans, filles et garçons.

Les consignes métaphoriques n’améliorent pas les résultats, ce qui prouveque les enfants ont bien réalisé les épreuves, mais elle motivent la participationde l’enfant.

Nous avons supprimé l’épreuve de comptage dans le TMP pour des rai-sons évidentes.

Une 2ème étude (1994) s’est penchée sur des enfants de 8 à 12 ans à partirdes questions suivantes :

- les résultats sont-ils différents selon le sexe et l’âge en divisant la popu-lation par tranches de 2 ans ?

- les normes diffèrent-elles des résultats obtenus dans le groupe desenfants de 5 à 6 ans ?

Nous n’avons pas obtenu de différence significative selon l’âge et le sexepour les enfants de 8 à 12 ans.

Les normes des enfants de 8 à 12 ans sont semblables significativement àcelles obtenues pour le groupe des enfants de 5 à 6 ans sauf pour 3 paramètres :

- la capacité vitale- la tenue du a- et le quotient phonatoire.Nous avons gardé les remaniements des épreuves aménagés pour les 5-6

ans à savoir - remplacer les consonnes s - z par f - v- supprimer l’épreuve de comptage pour le TMP- si l’étendue note par note est irréalisable recourir à une fusée montante

et descendante comme nous venons de le décrire.

Page 68: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

72

Nous avons donc constitué un profil unique pour les enfants de 5-12 ans,filles et garçons en notant à part les résultats différents pour les 3 paramètresque nous venons de citer. Ce profil se présente comme suit :

2 - Présentation du profil garçons et filles 5-12 ans.

Le profil vocal objectif (5 à 12 ans) garçons et filles

Nom :Prénom :Date de naissance :Date du profil :

1. Capacité vitale

- nez ouvert (démonstration ,1 essai)

- nez fermé (démonstration ,1 essai)

2. Intensités(compter de 1 à 30,à 30 cm)

- moyenne (1 essai ,démonstration)

- minimum (3 essais ,démonstration)

- voix projetée (1 essai ,démonstration)

- maximum (3 essais ,démonstration)

3. T.M.P.

/a/, 2 essais+démonstration

/u/, 1 essai

/s/, 3 essais+démonstration

/z/, 1 essai

/f/, 3 essais

/v, 1 essai

4. Etendue sur le /u/,

démonstration, 2 essais

5. Recherche du Fondamental

Toux sur /hé/, 2 essais

6. Déviation /au fondamental

Comptage 1 essai

- N +

1,4 2,096 3,3

1,4 2,093 3,3

51 59,58 65

58 50,32 42

67 78,95 95

82 95,81 110

8 16,05 30

8 16,1 30

5 12,46 26

5 13,72 26

8 12,46 26

6 13 24

9 15 20

do 3 ré 3 mi 3

4 0 2

résultats

L

L

dB

dB

dB

dB

sec

sec

sec

sec

sec

touches

note

nombre notes

Page 69: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

73

Calculs

7. Nasalité = différence C.V.

nez ouvert nez fermé

8. Ecart entre intensité

max. et min.

9. Rapport /s/z/

/f /v/

10.Quotient phonatoire

/a/ nez ouvert

/a/ nez fermé

/u/ nez ouvert

Placement du son : Type d’imperfection : monotonie irrégularitéQualité : grésillement raucitéStabilité : chevrotement d é c r o c h a g e s

cassure bitonalitéNormes 5-6 ans souffle

- 0 -

41 45,48 48,46

14 0,9 1

1,33 0,95 1,08

175 130,59 110

175 130,4 110

175 130,18 110

L

dB

ml/sec

ml/sec

ml/sec

capacité vitale 1 L

t m p, a-u-s-z-f-v 10 sec

quotient phonatoire 100 ml/sec

3 - Les consignes métaphoriques

Elles sont construites en fonction du but recherché par chaque item exa-miné. Elles peuvent également être utilisées au cours de la rééducation en guised’exercices. En voici quelques exemples.

Lorsque l’item demande plusieurs essais, nous proposons au moins 2images différentes à l’enfant afin de garder le plus possible son attention.

- pour les capacités vitales nez ouvert et nez fermé : « Tu souffles dans le petit tube comme dans un gros ballon, mais très

longtemps car il est gros. » (ballon dont la couleur sera à la convenance del’enfant).

« Le meunier s’est endormi, les ailes du moulin ne tournent plus. Tu vassouffler très longtemps sur les ailes comme si tu étais le vent. »

« Ali Baba ne peut plus repartir, son tapis volant demande plus de vent.Peux-tu souffler le plus longtemps possible jusqu’à ce qu’il reparte. »

Page 70: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

74

Pour la deuxième série de mesures (nez fermé), l’enfant commence parl’image qu’il a préférée.

- pour l’intensité moyenne:« La fermière t’emmène ramasser les œufs au poulailler. Tu les comptes,

il y en a au moins 10. »« Tu parles à ton copain en comptant avec lui combien de bonbons vous

avez chacun. »

- pour l’intensité minimale :« Il y a plein de lutins qui dorment dans la forêt où tu te promènes.

Compte-les, mais le moins fort possible pour ne pas les réveiller et suffisammentfort pour que je t’entende. »

- pour le calcul de l’intensité de la voix projetée :« Aujourd’hui, tu es professeur d’éducation physique. Tu dois compter les

élèves qui sont au fond de la salle, et ceci très fort, pour qu’ils puissentt’entendre. »

- pour l’intensité maximale :«C’est la sortie des classes, maman est de l’autre côté de la rue. Il y a

plein de voitures qui passent. Il faut que tu cries très fort pour qu’elle puisse tevoir. Tu cries : hou ! hou ! »

- pour la tenue du /a/ :« Tu te rends chez le docteur qui te demande de faire un /a/ le plus long

possible pour qu’il puisse regarder ta gorge. »« Le dahu est un animal qui vit dans la montagne mais on ne le voit jamais.

On sait qu’il aime appeler ses camarades avant de partir à la pêch e. Son cri estun /a/ qui n’en finit pas. Pe u t - ê t re que toi tu pourras imiter son cri et ainsi en voirl o rsque tu iras à la montag n e, essaie donc de faire un /a/ qui n’en finit pas ! »

« Tu accompagnes le petit lutin /a/ qui marche, marche, marche sur unlong chemin.../a/... »

- pour la tenue du son /u/ :« Peux-tu imiter le cri du fantôme dans le château. C’est un /u/ qui dure

très, très longtemps. »Le /u/ qui dure très longtemps, c’est aussi le bruit de la sirène du bateau

qui rentre au port. Tu vas à présent faire le bruit de la sirène. »

- pour la tenue du son /s/ :« Moi je vais piquer avec une aiguille le gros ballon que tu as gonflé tout

à l’heure (ou tantôt). Toi tu vas faire le bruit du ballon qui se dégonfle tout dou-cement et très longtemps. »

Page 71: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

75

« Tu es un très long serpent qui avance tout doucement en sifflant. Ilsiffle, il siffle, il siffle. Peux-tu imiter ce serpent? »

- pour la tenue du /f/ :« La soupe est très chaude. Tu souffles longtemps pour la refroidir. »

- pour la tenue du son /z/ :« Tu vas faire le bruit du rasoir électrique de papa. Papa se rase très

longtemps. »« Peux-tu imiter le bruit du moustique qui voyage toute la nuit à la

recherche de nourriture ou bien de la petite abeille qui butine tout un champ defleurs sans jamais s’arrêter. »

- pour la tenue du /v/ :« Le vent souffle sous la porte, il n’arrête pas de souffler v... »

- pour la recherche du fondamental :« Tu as un petit chat dans la gorge. Pour le faire sortir, tu dois tousser en

faisant un hé en même temps. »« Tu rencontres ton ami de l’autre côté de la rue. Tu lui dit hé pour qu’il

t’entende. »

- pour l’étendue :« Le petit nain monte tout en haut d’une tour. Il gravit chaque marche de

l’escalier en disant /ou/, /ou/, /ou/. L’escalier monte, monte, monte... Arrivé enhaut le lutin redescend... Il va jusque dans la cave... Il descend, il descend, ildescend en chantant /ou/. Le petit lutin cherche la princesse. Est-elle là au som-met de la tour ou en bas dans la cave.

Il la cherche en disant /où/, /où/, /où/...où es-tu ?Il monte de plus en plus haut, il descend de plus en plus bas. »

◆ ConclusionLe profil vocal pour enfants s’inscrit dans la panoplie des profils vo c a u x

qui forment des outils fiables pour les orthophonistes. La passation est rapide(plus ou moins un quart d’heure) et forme une bonne entrée en matière pourprocéder à un bilan de la voix. Ils entament le dialogue, rendent les personnesa c t ives en participant pleinement à l’examen. Ils objectivent une plainte enl’analysant, ils servent de base pour établir un rapport orthophonique de lavoix. Ils autorisent des comparaisons avant et après un traitement de la vo i x .A ce titre ils constituent un témoin fiable de l’évolution d’une rééducation, ilsl ivrent des pistes de travail selon l’observation des points forts et des pointsfaibles d’une vo i x .

Page 72: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

76

Enfin ils sont réalisables avec les enfants de 5 à 12 ans. Ils représententmême pour eux un moment apprécié, une base de dialogue pour leur expliquerleur voix et les motiver à en prendre soin selon la philosophie de la rééducationdécrite dans l’article L’enfant et sa voix, comment les réconcilier.

REFERENCES

DEJONG ESTIENNE Françoise :(1992) Ma voix entre mes mains, Academia, Louvain-la-Neuve.(1992) La voix en fête, Academia, Louvain-la-Neuve.(1987) La belle histoire de la Princesse-Voix, Academia, Louvain-la-Neuve.(1990) Pasifor et Voimenue, Academia, Louvain-la-Neuve.ESTIENNE Françoise (1998) : Pour en savoir plus sur les profils vocaux, voir Voix parlée, voix chantée,

examen et thérapie, Masson, Paris.ESTIENNE Françoise (1993) : Je suis bien dans ma voix, OIL, Bruxelles, réimpression.ESTIENNE Françoise (1997) : Le profil vocal objectif, dans Entretiens d’orthophonie de Bichat.HEMAR S., FORMEY DE SAINT LOUVENT A. (1996) : Réadaptation et étalonnage du profil vocal

objectif selon l’âge et le sexe pour une population adulte âgée de 20 à 50 ans, mémoire certificatd’orthophonie promu par F. Estienne, Lille.

SERIEN S., THEET A. (1991) : Le profil vocal objectif, application à une population enfantine de 5 à6 ans, mémoire d’orthophonie promu par F. Estienne, Lille.

VANAZZI A. (1994) : Adaptation du profil vocal objectif chez l’enfant dans Mémoire Lic. Log. UCL,promu par F. Estienne.

VERSAILLES F. (1989) : Le profil vocal objectif, analyse des modalités de présentation sur certains para-mètres, mémoire Lic. Log.UCL, promu par F. Estienne.

Page 73: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

77

L’enfant et sa voix. Comment les réconcilier.Le but, les étapes et les moyensqui font la trame d’une rééducation

Françoise Dejong-Estienne

R é s u m éAprès une entrée en matière métaphorique qui illustre et esquisse la trame d’une rééduca-tion de la voix, l’auteur passe en revue les divers aspects qui forment la trame d’unerééducation.

Il s’agit de parcourir un chemin très précis quant aux objectifs à atteindre, aux exercices àproposer, à la durée du traitement et aux indices de l’amélioration. C’est un travail où laconscience et l’imaginaire s’entrecroisent constamment dans une harmonie faite d’éléganceoù s’allient le plaisir et l’efficacité.

Mots clés : conte métaphorique - trame - but - essai immédiat - itinéraire - rééquilibrer -évaluer - aimer - durée - délais - conscience - imaginaire.

The child and his voice. How to reconcile the two.Objectives, steps and instruments which form the substance of therapy

AbstractAfter some initial metaphoric statements which illustrate and sketch the process of vocaltherapy, the author reviews the various components of treatment. The objectives to be rea-ched, the exercises to be used, the duration of treatment and signs of improvement are allprecisely defined, delineating a clear therapeutic trajectory. Therapy harmoniously combinesconsciousness and fantasy in an ongoing balanced process of pleasure and efficiency.

Key words: metaphoric stories - components - objectives - immediate trial - trajectory -balance - assessment - to love - duration - delay - consciousness - fantasy.

Page 74: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

78

◆ Un conteIl était une fois une voix toute petite qui n’osait pas grandir. Elle apparte-

nait à une fillette qui la malmenait. Elle ne le faisait pas exprès mais c’étaitcomme ça, elle criait quand elle était contente, elle criait quand elle jouait, ellecriait même quand elle parlait. C’était une petite fille très exubérante qui mordaitla vie à pleines dents mais sa voix n’aimait pas ça. La voix essayait de se plaindremais la petite fille n’écoutait pas. Alors la voix l’avertit à sa façon. Elle com-mença à faire mal… elle se mit à tousser… elle s’enroua comme si elle était grip-pée. Bientôt elle ne put plus chanter, ni crier, ni même parler. Elle se tut complè-tement trop triste et trop fatiguée pour encore lutter. Cela fit peur à la petite fi l l equi se demanda pour la première fois Mais où est ma voix, où est-elle partie ?

Il fallut aller trouver un médecin qui s’y connaissait en voix.Il demanda à la petite fille de tirer la langue. Avec son instrument il put

voir ce qui donnait vie à la voix : deux rubans qu’on appelle aussi les cordesvocales. Sur un écran il montra à la petite fille en hochant la tête et en faisantoui, oui, regarde ta voix est en panne car ses rubans se sont trop fatigués, tu lesas malmenés… vois comme ils sont rouges, un peu gonflés, ils ont de petitescloches qu’on appelle des nodules. Ils ont besoin de toi pour retrouver leurbeau costume blanc nacré bien lisse. Tu vas aller voir une dame qui t’expli-quera comment tu peux faire pour aider ta voix à guérir.

La petite fille écoutait. Les paroles du médecin l’impressionnaient. Ellefut contente de rencontrer la dame qui lui dit : bonjour, ma grande, qu’as-turetenu de ce que le médecin t’a dit et montré ?

La petite fille se souvint de presque tout. Elle avait surtout retenu que sesrubans avaient besoin d’elle pour retrouver leur beau costume blanc nacré… cemot nacré lui plaisait sans trop comprendre ce qu’il signifiait.

La dame la félicita d’avoir si bien retenu et elle poursuivit : une voix,sais-tu à quoi ça sert ?

La petite fille dit : à crier.

Françoise DEJONG-ESTIENNEAvenue Paul Hymans 128/12B 1200 BruxellesTél. et fax 00 32 2 770 03 27

Page 75: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

79

Oui, dit la dame, mais pas n’importe comment, montre-moi comment tufais ?

La petite fille cria en plein dans la gorge, son cou se gonflait sous l’effort.Il en sortit un bruit qui faisait mal aux oreilles, tant la pauvre voix grinçait.

La dame dit : nous allons voir comment tu peux faire autrement… maisavant cela continuons à explorer tout ce qu’une voix est capable de faire.

La fillette réfléchit, la dame l’aida : parle tout bas, comme maintenant,c’est ce qu’on appelle converser. Elles découvrirent que la voix était faite pourparler très fort, pour appeler quelqu’un, pour chanter, rire, pleurer, se mettre encolère, exprimer sa joie... et encore et encore et surtout crier.

Parfait dit la dame. Voyons ensemble ce que ta voix est capable de fairemaintenant.

La petite fille souffla dans un appareil appelé spiromètre, elle compta toutbas comme si elle parlait à la dame, elle compta comme pour appeler sonmeilleur copain qui était de l’autre côté du bâtiment. La dame mesurait lesintensités. Elle tint un a… un ou, un s, un z, un f, un v.

La petite fille put voir sur un chronomètre combien de secondes sa voixtenait ces sons. Elle dut suivre les notes d’un piano… comme si sa voix montaittout en haut d’une tour, puis en redescendait…

La dame l’invita à tousser en disant hé puis elle dut encore compter.Après chaque jeu la dame inscrivait une croix sur un dessin avec des lignes ver-ticales. Quand tout fut fini la dame invita la fillette à relier toutes les croix… cequ’elle fit avec un marqueur rouge.

Il en ressortit un dessin en zigzag. C’est la carte d’identité de ta voix . Onl’appelle le profil. Il représente ta voix aujourd’hui. Maintenant nous allonsensemble prendre soin d’elle pour lui redonner toute sa force, sa vie, sa beauté,sa santé. Ta voix est comme une personne ou un petit animal qui ne peut s’ensortir tout seul, elle a besoin de toi pour lui montrer comment elle peut fairepour aller bien et être heureuse. La dame expliqua : maintenant ta voix elle estcomme dans une cave ou au fond d’un trou. Comment fait-il dans une cave ? Lapetite fille savait. Elle dit : il fait noir, ça sent mauvais, il y a des toiles d’arai-gnée, des souris parfois des rats, il fait froid…

Magnifique dit la dame, tu sais de quoi tu parles.Oui, dit la fillette, il y a une cave chez ma grand-mère.Nous n’allons pas laisser ta voix moisir dans la cave, ajouta la dame, vite

sortons-la de là, nous allons lui donner une petite échelle et ang… elle saute aupremier étage.

Que voit-elle maintenant.Il fait clair, il y a des fenêtres.

Page 76: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

80

Sur quoi donnent les fenêtres ?Sur une rue… dans un jardin ?Un jardin, choisit la fillette.Et qu’y a-t-il dans le jardin, des oiseaux, des fleurs ?Un chien, répondit la petite fille.Comment s’appelle-t-il ?Kim.Demande à ta voix de l’appeler. Et la dame montra comment faire pour

crier Kim bien fort sans se faire du mal. Voilà, dit-elle, tu enfonces ta voix dansun beau coussin d’air et en même temps tu l’installes au premier étage.

Tu vois un coussin ?Oui un vert.Et moi un rose.… Et la voix s’enfonça dans un coussin vert, moelleux et rond. Elle put

ainsi lancer un Kim bien net, bien fort, bien clair.La petite fille n’en revenait pas. C’est ma voix ça ?Elle recommença plusieurs fois. Sa voix lui obéissait et elle paraissait

contente.Ensuite la dame et la fillette invitèrent la voix à monter sur le toit. De là

elle décolla en fusées de toutes les couleurs, des fusées rouges qui montaient,montaient. La petite fille prit soin d’enfoncer les fusées dans leur coussin d’air etde les faire partir du toit… Les fusées montaient, descendaient, montaient parpetits coups. Ensuite la voix joua à la balle, elle tapait sur de gros ballons endisant boum, boum… et les boum, boum étaient bien placés dans le coussin d’airet au premier étage. La voix devint ensuite un oiseau qui battait des ailes, un cou-cou qui chantait c o u c o u. Elle se mit à rire, à pleurer, elle mangea quelque chosede très bon en disant miam… miam… Elle ne s’était jamais sentie si bien…

La petite fille comprit très vite ce que sa voix aimait et comment elle vou-lait être traitée.

La dame lui proposa de venir jouer avec sa voix, ce qu’elle accepta avecjoie…

Les rencontres se passèrent à s’amuser avec la voix, lui faire faire de lagymnastique pour que ses rubans soient bien lisses, souples et musclés.

La petite fille apprit aussi à parler tout bas, très fort, à crier, à rire commela voix l’aimait.

Elle parvint peu à peu à prendre soin de sa voix à la maison, à l’école, à lapiscine, chez les louveteaux.

Elle revit le médecin qui la félicita en lui montrant de beaux rubansnacrés. Sa voix refit le dessin en colonnes, cette fois les croix étaient bien ali-

Page 77: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

81

gnées… elles ne couraient plus dans tous les sens. Elle s’était améliorée danspresque tous les jeux.

Tout le monde était content mais surtout la petite fille et sa voix quidevinrent de grandes amies. De temps en temps la voix retournait dans sa caveoù la petite fille l’y reconduisait mais s’était un jeu… elles aimaient se prouvertoutes les deux qu’elles avaient parcouru un long chemin.

◆ CommentairesCe conte esquisse et illustre la trame d’une rééducation de la voix avec les

enfants.Le but n’est pas de normaliser un geste vocal défectueux, mais de sensi-

biliser l’enfant à sa voix, de l’amener à la comprendre, à dialoguer avec ellepour en prendre soin et lui restituer toutes ses ressources.

Cette prise de conscience de la voix commence par l’examen laryngolo-gique au cours duquel si possible l’enfant aura pu voir ses cordes vocales. Ellese poursuit par le bilan orthophonique qui a pour but de répertorier ce que lavoix peut et ne peut pas réaliser. C’est ici que prend place l’établissement duprofil vocal (voir article), qui est une entrée en matière active et dynamiquepuisque l’enfant agit de diverses façons, souffler dans le spiromètre, tenir unson, chronométrer etc.

Le profil est introduit par la notion de Que peut-on faire avec une voix,qu’est ce que ta voix est capable de faire ?

Tout en réalisant le profil on regarde le geste vocal ou comment l’enfantfait pour crier, parler, chanter, respirer. Dans la majorité des cas la dysphonierésulte d’un déséquilibre du geste vocal, la voix est engorgée, poussée aveceffort, elle est dans la cave.

L’objectif de la rééducation va être de rééquilibrer le geste vocal, d’exer-cer le geste ainsi rééquilibré pour l’intégrer dans la vie de tous les jours et entenant compte des besoins et des plaisirs vocaux de l’enfant. Parallèlement onfait des exercices pour tonifier, assouplir les plis vocaux.

On commence par un essai immédiat qui a pour but d’évaluer le change-ment instantané de la qualité vocale quand la voix fonctionne sur une bonnebase physiologique. Cet essai est primordial pour se rendre compte des résultatsattendus de la rééducation.

◆ L’itinéraireLe chemin à parcourir passe par les étapes suivantes :R é é q u i l i b rer le geste vo c a l en posant la voix (plaçant) dans le soupir

(coussin d’air) et dans les résonateurs (1er étage) (l’échelle…ang…), voir le conte.

Page 78: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

82

Faire prendre conscience à l’enfant de ce nouveau geste.Jouer à passer du geste habituel au geste nouveau (placer de plus en plus

vite la voix dans la cave, au 1er étage…, tonifier, assouplir les cordes vocales,émettre des kou (sans coup de glotte), faire des fusées qui montent, descendent,projeter la voix comme si on s’adressait à des personnes ou à un animal qui setrouve à x mètres, au grenier, sur un toit, dans la cave, inventer des histoires pro-pices à des bruitages de voix, à des onomatopées comme par exemple on se pro-mène dans une forêt, on rencontre un coucou qui crie coucou, une mare avecdes grenouilles qui font kwa kwa, une source qui fait glou glou, un cheval quihennit etc.

Exercer le geste vocal à partir d’une lecture indirecte en travaillant rectotono, puis en épousant la mélodie, en variant l’interprétation.

Faire le pont avec l’extérieur pour rendre l’enfant capable de prendresoin de sa voix dans sa vie de tous les jours.

Pour y arriver on propose des jeux de rôles ou mises en situation : l’en-fant est à l’école, dans la cour de récréation, il se dispute avec un frère, unesœur, un copain… Il joue ces situations en essayant de bien poser la voix.

Chaque séance se termine par une évaluation où l’enfant rend comptecomment il a vécu la séance. Il récapitule les activités, nous lui demandons s’il abien senti, entendu, compris les exercices, leur finalité et s’il fait bien la diffé-rence entre ce qu’il a l’habitude de faire et ce qu’on lui propose. On luidemande aussi quelle voix il préfère.

◆ Quelques remarquesIl est important que l’enfant aime sa nouvelle voix, qu’il puisse l’en-

tendre via un enregistrement.

La rééducation a pour objectif de rééquilibrer le geste vocal. L’enfant éva-luera si cette nouvelle voix lui plaît ou non, on s’amusera à passer de l’une àl’autre en faisant comprendre que l’une n’exclut pas l’autre. On donnera donc àl’enfant la liberté de choisir sa voix, ceci en accord avec son entourage.

◆ La philosophie de la rééducationOn touche ici à la philosophie de la thérapie qui consiste à rendre la per-

sonne plus riche de savoir, de savoir-faire, de savoir-être. L’enfant est plus richede connaissance sur sa voix, il est capable de la gérer, il est aussi plus riche desavoir-être. Si la voix en souffrance, éraillée, malmenée peut être la résultanted’une attitude, d’un comportement, amener l’enfant à prendre soin d’elle, à l’ai-

Page 79: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

83

mer peut être une porte d’entrée pour se changer, s’aimer lui-même, acceptercertaines contraintes comme par exemple faire attention à sa voix.

◆ La durée, les délais et les objectifsUne rééducation vocale ne doit pas s’éterniser au risque d’engendrer de

la lassitude ou du refus. Le nombre de séances est fixé à l’avance d’un com-mun accord avec l’enfant et ses parents. Environ 8 à 10, de plus en plus espa-cées. Cette limite de temps anticipée permet de se donner des buts précis àréaliser dans un délai connu, ce qui dynamise le thérapeute, l’enfant et safamille. On a une tâche à accomplir et un temps pour le faire. Ceci supposeque les objectifs de la rééducation soient clairement définis et précisés auxparents et à l’enfant. Ces objectifs sont de répondre à une demande par rapportà la voix. En principe cette demande émane d’une plainte. La première tâcheest de relever qui se plaint de quoi. La plainte objectivée par l’examen laryn-gologique et orthophonique, il s’agit de motiver l’enfant. Une façon de moti-ver consiste à le rendre responsable de sa voix, on lui donne pour mission des’occuper d’elle parce qu’elle a besoin de lui. Cette notion de responsabilitérépond à une attitude fréquente chez les enfants, ils aiment être et sont fi e r sd’être responsables d’une plante, d’un chien, d’un animal, d’un plus petit ques o i .

Une autre façon de motiver l’enfant c’est de l’enchanter par les méta-phores et les histoires qu’on élabore avec lui.

◆ Quand termine-t-on ?

Sur base d’indices objectifs qui sont un contrôle laryngologique, l’amé-lioration des épreuves du profil, l’amélioration de la qualité de la voix, la prisede conscience par l’enfant de ces changements de qualité et du geste vocal, sacapacité d’effectuer le pont avec l’extérieur, avec l’aide d’un adulte qu’il choisitet qui a pour mission de lui rappeler le geste quand il l’oublie. Ce pont consisteà établir un programme d’intégration en choisissant chaque jour quelquemoment où l’enfant va prendre particulièrement soin de sa voix, soit avec unepersonne ou au cours d’une activité…

Avant de terminer on commence par espacer les rencontres. Quand l’en-fant arrive aux séances avec une bonne voix, c’est un indice positif de l’intégra-tion du geste de même que les remarques de l’entourage qui entérinent égale-ment le changement.

Les contrôles : d’un commun accord on décide de terminer la rééduca-tion moyennant des contrôles de plus en plus espacés.

Page 80: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

84

Nous proposons également qu’en cas de récidive les parents reconsultentrapidement. Il suffit souvent de 2 ou 3 séances de rappel des exercices pour réta-blir l’équilibre de la fonction vocale.

◆ En conclusion Rééduquer la voix d’un enfant consiste à parcourir un chemin très précis

quant aux objectifs à atteindre, aux exercices à proposer, à la durée du traite-ment, aux indices de l’amélioration. C’est un travail où la conscience et l’imagi-naire s’entrecroisent constamment dans une harmonie faite d’élégance oùs’allient le plaisir et l’efficacité.

REFERENCESDEJONG ESTIENNE Françoise : (1992) Ma voix entre mes mains, Academia, Louvain-la-Neuve.(1992) La voix en fête, l’examen et la rééducation de la voix racontés aux enfants, Academia, Louvain-la-

Neuve.(1987) La belle histoire de la Princesse-Voix, Academia, Louvain-la-Neuve.(1990) Pasifor et Voimenue au pays de la voix des voix, Academia, Louvain-la-Neuve.(1991) La part des contes, qui contient plusieurs contes sur la voix.ESTIENNE Françoise (1998). Voix parlée, voix chantée, examen et thérapie, Masson, Paris.

Page 81: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

85

Relaxer l’enfant ou détendre sa voix ?

Carine Klein-Dallant

R é s u m éDe l’intérêt d’apprendre à l’enfant à détendre la zone pharyngo-laryngée et bucco-faciale enlui faisant faire connaissance avec ces zones, prendre conscience des tensions, par desimitations, et agir sur ces tensions par une détente localisée.L’enfant sera ainsi autonome, à l’écoute de sa voix et des signaux d’appel acoustiques etsensitifs que celle-ci lui envoie.Mots clés : enfant - relaxation - bucco-facial - larynx.

Relax the child or relax his voice?

AbstractThis article stresses the value of teaching the child how to relax the pharyngeal-laryngealand bucco-facial areas by giving him information about these areas, helping him becomeaware of particular tensions, and giving him the opportunity to imitate and act upon thesetensions through localized relaxation.

In this manner, the child will be more autonomous and more attentive to his voice and theacoustic and sensory alarm signals it sends him.Key words: child - relaxation - bucco-facial - larynx.

Page 82: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

86

I l est classique de proposer à l’enfant dysphonique une pratique de la relaxa-tion. On est fréquemment en présence d’un enfant tendu dont les tensions,diffusant sur les zones oro-faciales et pharyngo-laryngées, sont en partie

responsables de l’altération de sa voix.

On distinguera deux cas de figures, même s’il en existe plus :

- l’enfant 1, plutôt hypertonique, qui crie fréquemment et fort, dont tout lecorps reflète une certaine agitation et tension et qui a un grand besoin de sedépenser. On voit mal dans le cas présent pourquoi les organes phonateurséchapperaient à cette tension.

- l’enfant 2, lui, n’est pas spécialement agité, parfois même plutôt calme,ne crie pas de façon intempestive, même s’il lui arrive de crier fort. A le regar-der, on ne se sent pas en présence d’un enfant « nerveux » ; il est parfoisanxieux, timide, inhibé. Il impose cependant à son larynx et aux zones partici-pant à la phonation un certain nombre de tensions, de serrages, de forçages quialtèrent également le timbre vocal. Il utilise son larynx de façon inadaptée.

Examinons l’intérêt de diverses formes de relaxation appliquées à cesdeux cas.

Nous distinguerons ici la relaxation globale du corps et celle plus seg-mentaire des zones oro-faciales et pharyngo-laryngées.

La première, qui correspond par exemple à « la poupée de chiff o n » ou àune forme de « relaxation les yeux ouve r t s » (F. Le Huche) pratiquée avec lese n fants, va détendre l’enfant durant la séance et chez lui ponctuellement lorsqu’illa refera (rarement régulièrement). Bien sûr, la détente globale est censée diff u s e rdans tout le corps y compris au niveau des organes phonateurs, mais il est à noterque les exercices cités plus haut, comme d’autres, ne font, souvent, même pasallusion aux zones participant à la production de la voix. Certains enfants seretiennent de rire au cours de la « poupée de chiff o n », signe que le corps peut êtrep a r faitement hypotonique avec un larynx et une bouche parfaitement crispés.

Carine KLEIN-DALLANT. Orthophoniste. Attachée au service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale de l’Hôpital Saint-Michel (Paris).11 avenue de la Fontaine Desvallières 92410 Ville D’Avray.

Page 83: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

87

La question qui me vient par rapport à ce type de relaxation est : com-ment l’enfant va-t-il devenir autonome (un des critères de fin de rééducation) ?Comment pourra-t-il dans sa vie détendre sa voix à partir d’une relaxation glo-bale qui lui est proposée sur la base d’un lien flou, voire inexistant avec sa voix.Va-t-il au moment du forçage vocal rejoindre l’état hypotonique de « la poupéede chiffon » ; devra-t-il crisper et détendre un bras en attendant que son larynxse desserre par diffusion ?

Si l’on reprend les deux cas de figure précités : l’enfant hypertonique peutbénéficier de ce type d’exercice pour se « calmer » ponctuellement ; mais jecrois que c’est un leurre de penser que l’on peut faire de lui un enfant calme parce biais. Si c’était le cas, cela se saurait et nous serions submergés de demandesde ce type.

Mais ce n’est pas parce qu’on ne peut relever ce défi que l’on ne peuts’attacher à la détente de la voix elle-même.

Le cas de l’enfant 2, plutôt calme mais qui force sur sa voix ne nécessitepas, à mon sens, l’apprentissage à tout prix de la détente de tout son corps, sousprétexte que cela peut détendre sa voix. Faire de la relaxation pour faire de larelaxation n’a aucun sens. Apprendre à détendre ce qui produit la voix pour quecelle-ci soit détendue et inaltérée, cet enjeu là me paraît bien plus pragmatique.On s’adaptera à chaque cas (les deux cas sont bien entendu des généralisations),on évaluera ce dont l’enfant a réellement besoin et ce qu’il va être en mesure des’approprier, de faire sien le plus aisément dans sa vie et dans sa voix.

Si l’on décide à partir de là de favoriser la détente de la voix, le travails’axera sur des éléments directement utilisables par l’enfant, de façon autonome(ce qui ne relève pas les parents de leur rôle) et non de façon assistée (par l’or-thophoniste et les parents) comme les techniques utilisées plus haut.

Le premier objectif va être de faire connaissance avec des zones plus oumoins difficiles à percevoir. Si les crispations des lèvres, des mâchoires sontrelativement simples à percevoir, celles du larynx le sont moins. Qui a jamaischerché à « rencontrer » son larynx acquiescera ; qui a été capable après unerecherche personnelle de sentir le mouvement des aryténoïdes, le rapproche-ment des bandes ventriculaires, un serrage laryngé, etc., m’accordera qu’unefois la recherche entamée, l’on est rapidement gratifié de multiples découvertessur la maîtrise que l’on peut avoir de cette zone jusque-là étrangère.

Pour faire connaissance avec son larynx et sa musculature, il faut repro-duire des situations qui lui imposent un mouvement, une tension, un serrage.

- On imitera une voix serrée ou étranglée, par exemple, on s’imprégnera(en se concentrant) des sensations intra et extra-laryngées, on les mémorisera(phase très importante car elles seront le signe d’appel à la détente).

Page 84: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

88

- On réalisera une apnée tonique avec adduction forcée et on sentira alorsle rapprochement supplémentaire des bandes ventriculaires. On pratiquera unetechnique un peu similaire à celle utilisée dans les rééducations de paralysiesrécurrentielles ou de laryngectomies partielles car elle vise à tonifier le larynxou le néo-larynx. Dans le cas présent, l’exercice sera succinct afin d’amenerl’enfant à cette perception, à la possibilité de comparer, mais il ne faudra surtoutpas s’en servir dans un but de tonification.

L’apnée par adduction sans force fait percevoir le mouvement aryténoï-dien et la phase d’accolement et d’ouverture, sa perception étant difficile, on latentera à la suite de la précédente.

- La toux, la déglutition donnent encore d’autres sensations qui vont per-mettre à l’enfant de localiser l’endroit auquel on fait constamment référence,de sentir toutes les choses que ce larynx est capable de faire et de com-p re n d re ce qui peut altérer ou non sa vo i x , ce qui nous place dans ledeuxième objectif.

- Lorsque l’on s’apprête à émettre un phonème, les cordes vocales, lamusculature laryngée, pharyngée et oro-faciale se mettent en position préphona-toire avant même toute émission de son. On peut donc s’exercer à ces décou-vertes et sentir ce qui se passe sans malmener sa voix. On pourra par exempleébaucher un (krrr) tonique, en immobilisant cette position préphonatoire avantmême de dire le (k) et en prenant conscience des sensations pharyngolaryngées.On fera de même ensuite en pensant le [kr] beaucoup plus doux, on comparerales sensations.

A travers différents supports voisés ou non, que l’on produira de façonserrée, forcée, (pas trop longtemps) et détendue, on jouera à comparer ce qu’en-tend l’oreille et ce que sent le corps.

- En imitant des cris d’animaux, (en phonation, cette fois) on montreraque pour un même animal, on peut forcer, serrer, attaquer durement ou l’inverse.L’énergie nécessaire au cri devra venir du ventre, d’une certaine attitude corpo-relle et le cri sera (même si son timbre est différent) tout aussi expressif et effi-cace, laissant le larynx à son rôle de vibrateur.

On jouera de même avec des bruits de toutes sortes, des phrases, improvi-sant à partir de n’importe quelle situation vécue à la maison : cris, appel ; àl’école : appel de copains, football, prise de parole en classe, récitation..., his-toires lues en séances avec parties jouant sur des variations d’expressivité, jeuxde rôle.

On pourra travailler autour de différentes émotions telles que la colère, latristesse, etc. Ce sera l’occasion d’expliquer que le larynx est le siège de plu-

Page 85: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

89

sieurs émotions, notamment la tristesse, qui entraîne des tensions musculairesphysiologiques auxquelles il est difficile d’échapper. L’expression « avoir lesboules » a une représentation tout à fait concrète dans la zone pharyngolaryn-gée. On le sent bien lorsque l’on a envie de pleurer par exemple, on en éprouvemême une difficulté à déglutir.

La respiration thoracique supérieure revient instinctivement (même chezquelqu’un qui maîtriserait le souffle abdominal) lorsque l’on a une émotion telleque l’angoisse, la tristesse... Si l’on imite quelqu’un sanglotant, on constate quele ventre ne se mobilise pas spontanément, contrairement au thorax. Tout celaest parfaitement normal et ne doit pas faire l’objet de corrections.

Par contre, pour ce qui est de la colère, on apprendra à l’enfant à« placer » celle-ci dans le ventre et non dans le larynx ; on lui fera écouter enquoi cette colère abdominale va être plus efficace, va mieux porter, en quoi ilsera mieux écouté que lorsqu’il s’égosille.

Ainsi, peu à peu, l’enfant fait connaissance avec ce qu’il est appelé à maî-triser, fait un lien direct entre la façon dont il s’en sert et devrait s’en servir et letimbre qui en découle. Le résultat vocal est en général immédiat, qu’il y aitlésion des cordes vocales ou pas, ce qui permet, dans certains cas, de montrer lepeu de responsabilité qu’ont parfois les lésions seules sur le timbre, contraire-ment à ce que l’on pense. La raucité, l’éraillement peuvent tout à fait disparaîtreavec le comportement vocal adapté, alors que la lésion persiste.

L’enfant apprend à reconnaître ce qui altère sa voix et la sensation interneque cela lui procure. On peut lui faire préciser, mettre des mots sur ces sensa-tions qui peuvent être variées.

Par d’autres exercices de détente oro-faciale et pharyngolaryngée, on luifera alors sentir ce qu’est son larynx (et la zone oro-faciale) lorsqu’il estd é t e n d u, lorsqu’il ne fait pas d’effort (troisième phase). Ces sensations-là seronté galement mémorisées. La phase de mémorisation est fondamentale et nécessited’y consacrer temps et concentration, tant pour la tension que pour la détente.

Autant avec l’adulte, je peux pratiquer une détente plus profonde desstructures périlaryngées, autant avec l’enfant ce travail me semble plus difficileet si l’étape décrite plus haut est réussie, c’est déjà très encourageant. Si touts’est bien passé et que tout a été correctement explicité, l’enfant sera à l’écoutede ce que sa voix lui dit, saura comment remédier au problème pour obtenir enquelques secondes en situation (et non en quelques minutes allongé, au calme)une voix détendue posée sur un larynx et une bouche détendus.

Si l’on tente une détente plus profonde de la zone, dont le trajet seralèvres, mâchoires (obtenir une ouverture buccale de quelques millimètres au

Page 86: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

90

moins, sans inhibition, par relâchement de la mâchoire et non par ouvertureactive) langue, piliers, descente vers le larynx... on ira jusqu’à un état hypoto-nique qui ne permet plus à l’enfant d’être intelligible (bilabiales impossibles parexemple du fait de l’ouverture buccale ; mouvements articulatoires quasi inexis-tants).

On proposera alors à l’enfant d’émettre des sons très faibles, inarticulés,en le prévenant qu’ils seront certainement voilés ou autre, du fait du manque detonus et de pression sous-glottique (on notera dès ce moment tout effort éven-tuel pour pallier ce manque d’efficacité de la voix, d’où la nécessité de prévenirdu caractère normal du son qui va sortir), puis on pourra augmenter l’intensitéavec le seul supplément d’énergie du mouvement abdominal. Puis toujours enétat hypotonique l’enfant tentera de prononcer quelques phrases (inintelli-gibles), on lui donnera un modèle. Il s’agit ensuite de récupérer très progressive-ment le tonus nécessaire à une intelligibilité sans articulation superflue, le tonusnécessaire à un accolement de bonne qualité, sans tension.

Peu à peu, on augmentera l’intensité en restant vigilant quant à la résur-gence du moindre effort vocal. Si celui-ci arrive, l’enfant sera à nouveau prié derépartir la petite quantité d’énergie supplémentaire nécessaire autrement quedans le larynx (avec explication physiologique du pourquoi) en la plaçant dansle ventre, la verticalité, le regard.... Là encore, le résultat vocal est immédiat. Onamènera toujours l’enfant à mémoriser ses sensations afin que les dix minutesnécessaires au départ deviennent cinq, puis trois, jusqu’à quelques secondes.Sans la mémorisation, on se verrait obligé de repartir à chaque fois pratique-ment à zéro.

Ce travail est également intéressant pour les rééducations pré et post-opé-ratoires. En effet, après une intervention, il est particulièrement déconseillé deforcer, il faudra que l’enfant puisse retrouver sa voix tout en douceur (donc qu’ilait perçu, avant l’intervention, ce que veut dire en douceur). Le repos vocalcomplet est demandé en général 6 à 8 jours après l’intervention, la plupart deschirurgiens demandent à ce que l’enfant ne chuchote pas non plus. En effet,même s’il n’y a pas de voisement, on peut chuchoter en serrant, en forçant, cequi ne reposera pas les tissus convalescents. Personnellement, sachant par expé-rience que tous ne respectent pas le silence vocal et pensent ne pas nuire aularynx en chuchotant, je préfère leur apprendre (de même qu’aux adultes) la dif-férence entre chuchoter serré et chuchoter parfaitement détendu, sans aucuneffort, au cas où ils auraient absolument besoin de s’exprimer ainsi.

Dans ma pratique de formation à la rééducation vocale, je propose auxorthophonistes de visionner une cassette d’un spectacle d’un imitateur canadienextrêmement doué : André-Philippe Gagnon, qui imite comédiens et chanteurs

Page 87: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

91

français et américains. J’invite les stagiaires à tenter de faire de même pendantqu’elles observent l’imitateur. Elles sentent alors, grâce à la position préphona-toire et phonatoire l’action des bandes ventriculaires dans la voix de Louis Arm-strong, le serrage et le forçage de celle de Joe Cocker, Bruce Springsteen, lavariation d’utilisation des résonateurs (glottiques ou oro-faciaux) lorsque l’onpasse de Joe Dassin ou Eddy Mitchell à Adamo ou Demis Roussos, etc. Cetexercice est extrêmement instructif et il me semble que si l’on veut inciter l’en-fant (et l’adulte, puisque tout ce qui est décrit ici peut se pratiquer de la mêmefaçon avec l’adulte) à sentir sur lui tous ces paramètres, on se doit de l’avoirexpérimenté sur soi auparavant.

REFERENCES

KLEIN-DALLANT C. Voyage au centre de la voix, voix et rééducation vocale. 240 p. Chez l’auteur.

Page 88: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

93

Voix et oralité chez l’enfant dysphonique

Catherine Thibault

R é s u m éL’éducation gnoso-praxique orale modifie le comportement neuromusculaire fonctionnel encréant un nouvel équilibre vestibulo-lingual, facteur important dans la conquête de la verti-calité chez l’enfant dysphonique. Cette prise de conscience de la région oro-faciale hâte lamaturation affective et augmente la motivation de l’enfant.M o t s - clés : dysphonie de l’enfant - rééducation neuromusculaire - posture linguale -fonctions oro-faciales - motivation - maturation.

Voice and oral fonctions in dysphonic children

AbstractThe oral gnosopraxic éducation modifies the neuromuscular functional behaviour andcreates a new lingual balance which is important in the acquisition of dysphonic children’verticalité. This awareness of the orofacial area helps children in affective maturation andincreases their motivation.

Key words : dysphonic children - neuromuscular therapy - tongue’s posture - oro-facialfonctions - motivation - maturation.

Page 89: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

94

L a rééducation du comportement neuromusculaire de la région oro-facialeest primordiale dans toute rééducation de la voix chez l’enfant. En aidantl ’ e n fant dysphonique à intégrer des enchaînements neuromusculaires

souvent rejetés, elle l’aide à maturer et permet au thérapeute d’apprécier lamotivation de l’enfant et d’aider au mieux le jeune patient à prendre consciencede son appareil vocal puis de son appareil respiratoire.

◆ Les fonctions orales et la langue.Les fonctions orales se développent autour de la langue dont la program-

mation maturative défectueuse ou à laquelle elle échappe peut entraîner destroubles fonctionnels :

- de déglutition,- de phonation,- de ventilation.

L’interaction entre les possibilités de contrôle et de mobilisation desmuscles linguaux et la réalisation des fonctions buccales est très forte. Unemauvaise position de la langue au repos ne se manifeste pas uniquement par undéséquilibre dento-maxillaire. De par ses attaches à l’os hyoïde, elle a des réper-cussions sur la posture et le tonus général de l’enfant.

C’est bien de l’équilibre du complexe labio-linguo-jugal au repos et enfonction que dépendra l’harmonie buccale. Mais aussi de l’équilibre linguo-mandibulo-hyoïdien qui dépend du système régional vertébro-crâno-facial et del’équilibre global de l’individu (concept postural de M.A Clauzade).

Les enfants présentant une langue basse et trop en avant ont très souventune antériorisation de toute leur posture corporelle. La position linguale est unélément important de la conquête de la verticalité (cette position doit être hautec’est à dire contre le palais). Soulignons que le plan d’occlusion est parallèle àla ligne du regard et constitue un plan postural à part entière en agissant commeun véritable balancier antéropostérieur.

Catherine T H I BAU LTO r t h o p h o n i s t eDiplômée de la faculté de Médecine de Pa r i sDESS de Psychologie Conseil.Attachée de Consultation à l’hôpital Necker Enfants malades16, avenue du Maine, 75015 Pa r i s

Page 90: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

95

Il faut donc développer et affiner la motricité de la langue, des lèvres etdes joues pour une utilisation optimale des résonateurs buccaux.

La rééducation neuromusculaire proprioceptive et psychomotrice a pourobjet la structuration du schéma corporel et de la mémoire kinesthésique dansun équilibre postural normal. Elle doit aider au rétablissement d’une image ducorps correspondant au schéma corporel pour un âge donné. Nous pouvons par-ler alors d’éducation gnoso-praxique orale. Elle doit apprendre la maîtrise desgestes fins exécutés avec un minimum d’énergie, sans tension ni effort.

◆ L’éducation gnoso-praxique orale dans la rééducationde l’enfant dysphonique.

Nous la proposerons comme étape initiale, pendant deux séances parexemple. Il s’agit de montrer à l’enfant des mouvements, des jeux moteursbucco-faciaux qui, par leur caractère ludique, se prêtent à la répétition dans lavie quotidienne. Nous trouvons avec l’enfant quels sont les moyens dont il dis-pose pour s’auto-contrôler dans la vie de tous les jours, en ce qui concerne laposition de repos lingual.

De façon à rompre avec les mauvaises habitudes et les mécanismes decompensation, il convient de tout mettre à plat et de restituer une certaine dyna-mique. Toute la fonction musculaire va être exploitée dans ce travail éducatif.Les différentes zones font l’objet d’un travail dissocié dans cette « drôle » degymnastique.

Ce travail se fait selon quatre directions :- agrandissement des résonateurs,- détente générale de la musculature,- précision des actions musculaires,- indépendance des actions musculaires du complexe résonateur pha-

ryngo-buccal.

◆ Les exercices actifs

La position de repos lingual.

Nous demandons d’abord à l’enfant de balayer son palais avec la pointede la langue d’arrière en avant et d’avant en arrière jusqu’à ce qu’il soit capablede reconnaître les différences entre zone lisse et zone bosselée. Puis nous expli-quons le placement de la langue au palais en position de repos à l’aide notam-ment d’un dessin (l’apex sur la papille palatine et les bords latéraux de la langue

Page 91: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

96

au palais). Pour trouver cette position le patient peut faire le bruit du cheval autrot. En effet, avant le claquement, la position de la langue est bonne. Nousdemandons au patient de réaliser cette position de repos le plus souvent pos-sible. Le bruit du cheval au trot est un exercice facile à réaliser : il tonifie lapointe de la langue et apprend le mouvement vertical.

Le crocodile ou bâillement.

Il assouplit et fortifie la mâchoire et permet une meilleure ouverture dupharynx. Ce travail s’inscrit dans une démarche de détente et de mieux êtrepuisque cette région réagit particulièrement au serrage dû au stress, à l’angoisse,ou à la nécessité de maîtriser une situation ou de se contrôler soi-même (serrerles mâchoires pour éviter de lâcher l’agressivité).

Notons que lorsqu’on demande à un enfant de serrer les dents, il est fré-quent qu’il présente les incisives en contact, après avoir effectué une propulsionmandibulaire. Il est important de lui apprendre à rechercher le contact molaire.

La mobilisation de la mandibule doit se faire sans craquement, sans dou-leur, avec un mouvement régulier et continu.

La langue de souris ou langue pointue.

Par sa forme, la langue modifie le volume de la cavité buccale. Nousrecherchons l’agilité de la pointe de la langue et une sensation de tranquillité dudos de la langue. L’indépendance musculaire apex et base de langue est recher-ché en vue de la stabilité du larynx.

Le clown.

Nous prononçons « X/O » sans sonoriser. L’exercice consiste à contrôlerle buccinateur en étirant les commissures labiales, à faire un sourire « jusqu’auxoreilles », puis à projeter les lèvres en avant, en contractant l’orbiculaire. Lesdents doivent être en occlusion pour fixer la mandibule sans crispation pendantl’exercice. Ce sourire est aussi un exercice qui peut aider à l’ouverture des ailesdu nez en vue d’une meilleure ventilation naso-nasale.

Ce travail est entrepris avec rigueur et application. L’enfant doit pratiquerces grimaces le matin et le soir, 3 à 4 fois de suite dans la salle de bain devant lemiroir.

D’autres exercices intéressant plus particulièrement la ventilation naso-nasale et la déglutition secondaire peuvent être proposés. Il est fréquent de ren-contrer chez nos jeunes patients dysphoniques des troubles fonctionnels de larégion oro-faciale : tic de succion, déglutition atypique (archaïsme de l’oralitéprimaire se manifestant dans l’oralité secondaire), trouble d’articulation audibleou non audible, trouble de la ventilation.

Page 92: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

97

Ces exercices sont simples, faciles à réaliser et parfois agréables. L’enfantagit sur lui, pour lui. Il devient responsable de son corps, de sa bouche en parti-culier. Ces exercices nous permettent de mesurer le degré de motivation de notrejeune patient dysphonique.

◆ La motivationNous savons que toute rééducation demande une coopération étroite du

patient, une motivation forte et une bonne relation avec le thérapeute. Il fautdonc atténuer la résistance et l’opposition du patient.

Ces deux premières séances nous permettent de « mesurer » l’immaturitéde notre patient (cap de maturation gnoso-praxique).

S’ouvre-t-il à ces stimulations nouvelles? Prend-il conscience de ses pos-sibilités perceptivo-motrices? Améliore-t-il ses compétences psychologiquesface au comportement inadapté? Accepte-t-il la technique de l’auto-contrôle ?Sait-il canaliser son énergie vers des buts constructifs? Prend-il confiance enlui?

Il est courant, dans la littérature, de trouver deux groupes d’enfants dys-phoniques :

- L’hypotonique:L’inhibé, le silencieux que l’on entend peu mais qui peut prendre des

colères violentes. L’enfant replié, timide, atone, complètement dépassé par lesévénements.

- L’hypertonique:Le bavard qui crie, se bagarre, s’affirme dans ses jeux, aime commander.

L’enfant plein de vie, débordant d’énergie, difficile à canaliser.

Peut-on les différencier en observant leur « oralité » ?

L’un, l’oral « satisfait », se caractérise par une difficulté dans son évolu-tion maturative vers l’autonomie, ce qui aggrave l’attitude de repli sur soi et deretrait. L’enfant possède des potentialités normales d’adaptation mais ne les uti-lise pas. Il refuse de grandir, il a peur du changement. Il parait docile, peut résis-ter à la rééducation de façon passive mais obstinée, c’est l’opposition passive.

L’autre, l’oral « insatisfait », est un enfant hypertonique. Il ressent lescontraintes éducatives comme des frustrations. Il annonce son opposition avecune certaine agressivité, mais il est amené à une coopération active plus facile-ment qu’on ne pouvait le penser.

La rééducation du comportement neuromusculaire de la région oro-faciale ou éducation gnoso-praxique aide :

Page 93: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

98

- dans le cas de l’oral « satisfait », à lui faire prendre conscience de sapassivité. Il est amené à s’auto-contrôler, à devenir responsable.

Exemple de l’enfant qui fait ses exercices, ses grimaces docilement maisne s’auto-contrôle pas en dehors des exercices contrôle.

- dans le cas de l’oral « insatisfait », l’accent est porté sur le retour à lasensorialité, en étant moins centré sur la pensée.

Exemple de l’enfant qui dans un premier temps éprouve une certainegêne, des difficultés à effectuer les grimaces. Il ne peut pas dissocier langue etmandibule dans les exercices. Il faut l’aider à lever les blocages corporels.

L’enfant trouve un équilibre corporel et psychique, acquiert une certaineautonomie à travers l’attitude responsable qui lui est demandée. Il devient véri-tablement acteur actif, passage obligé pour pouvoir accéder au changement etvaincre les résistances.

Cette prise de conscience de la région oro-faciale par le jeune patientnous aide à poursuivre la rééducation en travaillant plus précisément sur la ven-tilation, la respiration, et bien évidemment la relaxation. L’enfant est alors dansun processus de changement, d’évolution. C’est à partir de ce moment là quepeut se mettre en place une rééducation vocale personnalisée.

◆ ConclusionLes dysharmonies tonico-motrices, les retards de maturation que nous

rencontrons fréquemment chez l’enfant dysphonique peuvent trouver une cer-taine amélioration si nous évaluons et appréhendons les rapports entre oralité,troubles fonctionnels de l’appareil vocal et de l’appareil respiratoire.

REFERENCES1. BARTHELEMY Y. (1984). La voix libérée. Robert Laffont, 271 p.2. CHAUVOIS A. , FOURNIER M. , GUZARDIN F. (1991). Rééducation des fonctions dans la thérapeu-

tique orthodontique, E. SID, 231 pp.3. CLAUZADE M.A., DARAILLANS B. (1992). « L’homme, le crâne, les dents », S.E.O.O.4. FOURNIER C. (1989). La voix, un art et un métier, CCL Editions Collet jardins d’Isère, 243 p.5. HEUILLET-MARTIN G., GARSON-BAVARD H., LEGRE A. (1997). Une voix pour tous, tome 2,

2ème éd, SOLAL, , 211 p.6. LE HUCHE F., ALLALI A. (1984). La voix : pathologie vocale, T2, MASSON.7. RUEL-KELLERMAN M. (1983). Des auto-érotismes aux parafonctions, Revue ODF, 17, 301-311.8. THIBAULT C., DIONYSOPOULOS A., TSOURIA T., BENNACEUR S. (1996). Approche orthopho-

nique dans la chirurgie labiale, GLOSSA, 51,26-30.9. THIBAULT C. (1998). Au delà de la bouche, Ortho-Magazine n° 23, 19-20.

Page 94: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

99

Rééducation vocale de l’enfant :écoute ce qui est

Patricia Lupu

R é s u m éUne autre façon d’écouter pour le thérapeute est d’apprendre à s’écouter pour l’enfant.L’orthophoniste est là pour susciter le désir, l’intérêt chez l’enfant et permettre à celui-ci, àpartir de ce qu’il est, un accompagnement pour qu’il soit capable d’apprivoiser sa voix àtravers des jeux corporels et vocaux.Mots clés : dysphonie - enfant - jeu.

Voice rehabilitation with children: the importance of listening

AbstractAs a therapist, one way of listening to the child is to teach him (her) how to listen to himself(herself). The role of the therapist is to favor the development of the child’s desire and inter-est, while remaining respectful of him as a person, and to help him tame his own voicethrough vocal and body games.Key words: dysphonia - child - game.

Page 95: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

100

Voilà bientôt 18 ans que j’exerce et voici ce que je peux transmettre de ladirection de mon travail à l’heure actuelle, après un cheminement en artthérapie, danse thérapie avec la voix, et maintenant chant du corps et

danse de la voix.Le temps du bilan est pour moi un moment clef, essentiel : celui d’une

rencontre où tout ce qui va être dit, nommé, augurera de la qualité du travailqui suivra. (A partir de ce que je ressens : ce que je vois (attitude, déplacement,regard, tensions éventuelles, crispations, sourires), ce que j’entends (intonation,émotion, respiration, débit, variations de la voix), ce que je sens du dit et du nondit).

C’est de cette première rencontre que va naître la confiance, qui permet-tra le « lâcher » nécessaire au travail sur la voix.

L’interrogatoire, sous forme d’anamnèse en présence d’un ou des deuxparents, va permettre l’évocation des moments de vie difficiles et le rapproche-ment dans le temps avec l’apparition de la dysphonie, voire d’autres symp-tômes.

Durant cet entretien, je m’adresse alternativement à l’enfant ou au parent,soulignant à l’égard de l’enfant certains propos qui me semblent essentiels dansla construction du symptôme de la dysphonie.

Au cours de ce premier contact je relie l’histoire de l’enfant au troublepour lequel il vient consulter aujourd’hui.

L’enfant peut adopter plusieurs attitudes par rapport à son trouble.

Le déni.

Il ne comprend pas bien pourquoi il est ici, il n’entend pas que la qualité desa voix est altérée et dit ne pas être gêné par sa voix. C’est un des cas les plus dif-ficiles, il n’existe aucune demande d’aide si ce n’est celle de l’O.R.L. et celle desparents et ce comportement montre une résistance vis à vis du symptôme. C’estun cas fréquent car la demande naît essentiellement des parents ou du médecin.

Patricia LUPUOrthophoniste36, sentier des Buats92190 Meudon

Page 96: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

101

Mon attitude : écoute, ouverture, accueil. Mon intention : là où c’est diffi-cile, où il y a de la peur, une émotion retenue, nous allons nommer ensemble etje vais proposer, par le biais d’exercices corporels et vocaux.

La difficulté : la pression temporelle due à la demande pressante d’unmieux de la part des parents, du médecin prescripteur, de l’enfant lui même quisouhaite que son symptôme cesse le plus vite possible (20 séances en moyenneen libéral pour un trouble qui s’installe sur plusieurs années).

Dans un premier temps, mon propos est de « lâcher » moi-même cela.Nous prendrons ensemble le temps qu’il faudra, je ne prévois jamais une duréede traitement. Chaque personne est un cas particulier. Lâcher un symptôme vapeut-être faire apparaître une résistance.

En adoptant moi-même cette attitude de disponibilité dans le temps, j’in-duis déjà un comportement de lâcher prise par rapport à cette urgence dans letemps.

Ensemble nous mettrons en place non pas un objectif, un but qui indui-sent effort, tension, volonté, mais une intention ; l’intention de la conscience dece qui est : facile/difficile, agréable/désagréable.

L’intention va être possible grâce à l’écoute. Quelqu’un qui est écouté,entendu, va ensuite pouvoir s’écouter lui même plus aisément.

Pour moi, le chemin de l’écoute, sa propre écoute puis celle des autrespasse tout d’abord par le silence.

Mettre le calme à l’intérieur de soi, entendre ce qui ne fait pas de bruit,sentir dans son corps ce qui se passe quand on prend le temps de s’arrêter.

Puis porté par la parole de celui qui guide, approfondir tout d’abord dansle silence, debout, les yeux fermés, les pieds parallèles espacés de la largeur desépaules. Sentir l’appui de ses deux pieds sur le sol, le poids du corps s’écoulerdans les deux talons.

Chez l’enfant cette phase de silence est possible si elle est brève (l’enfanta besoin d’un temps d’expérimentation beaucoup plus court que celui d’unadulte).

L’orthophoniste doit guetter les signes éventuels d’inquiétude tels que :accélération de la respiration, crispations du visage, accentuation passagère decertaines tensions au niveau de la cage thoracique, de l’estomac, du ventre, de lagorge.

Ce sont particulièrement ces mouvements corporels-là qui vont guider lesmots, suggérer les images : par exemple « je laisse faire, j’accompagne les trans-formations de ma respiration » ou bien « mes deux lèvres s’entrouvrent, dev i e n-nent plus molles, plus lourdes ; j’imagine une légère brise sur mon visage. Aucontact de ce doux vent, mon visage devient plus lisse, plus souple » . . .

Page 97: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

102

Mon rôle : je permets, grâce à un regard extérieur, une qualité d’écoute,une relation de confiance, l’appui possible à partir de ce qui est, j’aide, je guidepour ouvrir les portes qui permettront une meilleure circulation de l’énergie àtravers le corps, en d’autres termes, une respiration de tout le corps et enfin unevoix libérée de toute tension, tout comportement d’effort. Mon intention là estde transmettre à l’enfant le chemin de ce lâcher prise vocal et corporel parl’expérimentation et dans une visée d’automatisation. Le temps de parole estessentiel pour cela. Nous apprenons à repérer ensemble les situations à risquefavorisantes : la présence de tel frère ou sœur qui suscite la colère, la prise deparole en public qui bloque la gorge, la balle au prisonnier ou bien le match defoot qui vous laisse sans voix. Ensemble, nous cherchons comment remédieravec « les moyens du bord ». La réponse est simple et le facteur commun endehors des « petits » trucs c’est : « je respire ! », il suffisait d’y penser et danscertains cas, il est nécessaire de s’arrêter pour se le rappeler.

Mon attitude sera de susciter l’intérêt de l’enfant par l’expérimenta-tion. Emettre un son, écouter, nommer ce qu’on entend, ce qui se passe dans lecorps là où ça « serre », là où ça « coince », à quel moment le son « s’abîme ».Je lui témoigne de l’intérêt tout en éveillant son intérêt.

Je nomme que, pour le moment, c’est encore difficile pour lui de« sentir ». Ce refus de sentir indique déjà une peur de s’ouvrir et éventuellementde souffrir. En restant fermé, je ne sens rien, rien ne se passe.

L’appel à la sensation passera par la confiance. C’est cette relation deconfiance qui déterminera ce lâcher.

La conscience du trouble, la souffrance.

A ce stade là, une partie du travail est déjà faite, l’enfant sent les blo-cages, peut les nommer, souffre de la qualité de sa voix, la plupart du temps, ilpeut nommer également une souffrance psychique.

Il souhaite être aidé, tout en étant inquiet de la façon dont cela peut sepasser et de ce que cette transformation peut engendrer chez lui.

Mon attitude là sera la même, dans le sens où je témoigne de l’intérêt enmontrant que j’entends sa souffrance et que je peux l’aider pour cela s’il estd’accord. De la même façon, j’explique la façon dont le blocage vocal s’est ins-tallé en le reliant à une émotion, la colère, la peur, en relation avec un événe-ment si c’est le cas. Je précise comment ce type d’émotion peut favoriser desblocages dans le corps.

Je lui demande simplement de mimer la colère ou la peur, la terreur, detenir ce mime un moment et de le lâcher… OUF ! Besoin d’air !

Puis je lui propose de nommer ce qu’il a senti dans son corps, en propo-sant différents substantifs s’il a du mal à l’exprimer.

Page 98: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

103

◆ L’éveil de la conscience, la compréhensionQu’est-ce que les cordes vocales, comment vibrent-elles? Je dessine, je

mime, en fonction de l’âge, de la personne qui se trouve en face de moi, lesmots viennent, différents. Chaque nouvelle rencontre est une autre création, du« sur mesure ». Je me laisse résonner, appeler par l’autre.

Comment le blocage va entraîner le comportement d’effort qui va lui-même entraîner la dysphonie : « moins j’ai de voix, plus je force, plus je force,moins j’ai de voix ».

Comment allons nous travailler ensemble avec tout le corps assis, debout,couché en mouvement, immobile, en chantant ou bien dans le silence.

On va apprendre ensemble à écouter : à s’écouter soi-même, à écouterl’autre, à sentir et à nommer ce que l’on sent.

◆ Le travail individuelJe préfère partir de la position debout, pieds parallèles écartés de la lar-

geur des épaules, genoux légèrement lâchés au dessus des pieds. C’est une posi-tion simple qui donne à voir les « ruptures » de la circulation énergétique quivont guider le travail proposé.

Voici les mauvaises attitudes que je rencontre le plus souvent : (schéma 1)

Page 99: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

104

Puis la posture correcte de base : (schéma 2)

- En ce qui concerne la re s p i r a t i o n, je ne donne pas de « moded’emploi » ni ne propose de respiration volontaire. La conscience de l’acte, parexemple le suivi du trajet de l’air qui rentre dans les 2 narines, l’état de relaxa-tion, les images, soit celles que j’induis soit celles qui surviennent, le pointagedes fluctuations du rythme respiratoire associé à la proposition du « laisserfaire » vont ainsi permettre la mise en place d’une respiration plus complète,plus profonde qui sera à l’origine de toute la remise en circulation. La respira-tion juste va ainsi s’installer.

- L’émission du son n’interviendra qu’après ce petit temps de silence,d’immobilité, à travers un son chanté, souvent non articulé au début, très doux,très intérieur. Ce son intérieur est souvent une découverte pour les enfants dys-phoniques qui ont tendance à « jeter » leur voix sans ménagement. Là il estquestion de douceur, de délicatesse, de prendre soin ; c’est un geste nouveaupour eux, oublié depuis bien longtemps.

Souvent, l’émission du son à l’intérieur est tout d’abord impossible. L’en-fant se rend compte que son son ressort, il s’énerve , se bloque. C’est là qu’in-tervient la guidance : je montre le bon geste, puis mime son geste à lui, ilnomme, nous nommons ensemble ce que l’on voit, ce que l’on entend, ce qui

Page 100: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

105

diffère, il co-anime. Son intérêt s’éveille avec sa compréhension, il est prêt àintégrer.

◆ Quelques exemples de jeux

En individuel

Le pinceau sonore : toujours dans un geste fluide et régulier, je proposede mimer le geste de prendre un pinceau. L’enfant trempe son pinceau dans unpot de peinture dont il choisit la couleur. Le but du jeu est de tracer dans le sonun trait le plus droit possible, dont l’épaisseur sera précisée. L’enfant voit sedérouler son trait de couleur et en même temps s’appuie sur le son.

Le miroir : En essayant d’adopter un regard le plus large possible (180°),l’enfant va mimer le geste de l’adulte comme si celui-ci se regardait dans uneglace, toujours dans la plus grande fluidité possible, dans le silence, puis avecun son. Le but du jeu est de ne jamais perdre le geste de l’autre ; on inverseensuite la situation.

Les équilibres : très intéressants, ils demandent une stabilité intérieurecomme extérieure, un bon appui d’un pied sur l’autre, un travail de glissementdu bassin de droite à gauche et réciproquement. A ne pas proposer d’emblée,mais après une période de « calme intérieur ».

La boîte d’œufs : le bassin glisse horizontalement vers la droite, le poidsdu corps s’écoule dans le pied droit, le pied gauche se vide du poids du corps, sesoulève légèrement du sol puis se repose délicatement à l’emplacement initialde son pied ou se trouve maintenant une boîte d’œufs ! La consigne étant dansun premier temps de ne pas écraser la boîte d’œufs puis d’appuyer progressive-ment pour écraser tous les œufs et changer de pied.

Le jeu de la boîte d’œufs peut s’agrémenter d’un mouvement debalayage des bras (très souples) comme si on caressait en même temps untissu très doux.

L’écarteur de nuages : les deux bras sont allongés devant à la hauteur duplexus ; les dessus des mains se touchent puis les doigts vont entrer dans la sen-sation du nuage ouateux, cotonneux et écarter le nuage sur un son toujours à lamême fréquence par exemple sur Hou (H expiré) ou bien Wou (W prononcécomme dans kiwi). Il est important de nommer que la qualité du geste donne àvoir au spectateur l’acte d’écarter les nuages.

La bouteille sonore : j’imagine que je suis une bouteille et que je me rem-plis d’un liquide sonore. Je sens le son liquide remplir la bouteille, peu à peu

Page 101: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

106

descendre jusqu’en bas, j’essaie de remplir complètement la bouteille (sons pré-conisés : ou, sou, wou).

*Il va de soi que tous ces exercices demandent à être répétés afin d’êtresentis, éprouvés, ajustés, intégrés.

En groupe

Le jeu du stop : classique, il peut concevoir plusieurs variantes. Il est inté-ressant car l’agitation d’un groupe d’enfants, excités au sortir de l’école et parl’idée de faire un travail sur le corps et la voix, est parfois difficile à faire tomber.Le jeu du stop est très apprécié et permet rapidement un bon recentrement. Envoici quelques exemples : chacun se déplace dans la pièce à un rythme normal,toujours le même avec la consigne de ne rentrer en contact avec personne. Le« s t o p » pourra être donné de multiples façons : 1 coup de tambourin, la lumièrequi s’allume, un frappement de diapason. L’ e n fant instantanément s’arrête dans laposition où il se trouve. Il reste immobile et ne peut repartir qu’au signal de l’ani-m a t e u r. Les enfants peuvent également se déplacer les yeux fermés chacun émet-tant un son très doux. Au signal du stop, l’enfant s’immobilise en arrêtant le son.

La sculpture sonore : prendre une suite de voyelles : par exemple i a o,soui, etc. et les chanter à la suite sur la même note comme si le premier son sefondait dans le deuxième et ainsi de suite. La sculpture bouge car on tâtonne, onajuste, comme si on sculptait le son, dans l’attention de ce que l’on sent dans sabouche (langue, palais).

« Dans l’air puis dans l’eau » : chacun à tour de rôle choisi un gestesimple, « dans l’air », qu’il montre au groupe à plusieurs reprises.

ex : ouverture du bras et de la main droite à l’horizontale paume tournéevers l’avant.

Le groupe le reprend au même rythme « dans l’air ».Puis le même geste va être effectué « dans l’eau » après avoir préalable-

ment nommé la consistance, la résistance, la qualité du geste, ce qui est donné àvoir à l’extérieur.

Il est remarquable de noter la qualité de l’intériorisation, du silence, chezles enfants uniquement dans l’intention de la sensation de la consistance del’eau.

Le ballon vibrant : chaque enfant reçoit un ballon de baudruche qu’ilgonfle. Chacun choisit un partenaire. Le but du jeu sera de faire « vibrer » leballon de l’autre en modulant sa voix, le chanteur fait vibrer, l’auditeur, les deuxmains posées délicatement sur son ballon, écoute et sent la vibration. Ensuite onchange de rôle et on évoque 2 par 2 ce qui a été observé, senti.

Page 102: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

107

Ce travail de la perception des vibrations pourra être effectué 2 par 2, uni-quement par le contact des mains posées à des endroits stratégiques du corps dupartenaire : par exemple, les deux mains de celui qui écoute sont posées dans lebas du dos de celui qui chante. Le chanteur ayant l’intention d’envoyer le sondans les mains de son auditeur.

La lutte : par 2, paume contre paume, chacun repousse son adversaire jus-qu’au Ahh qui indique le lâcher et la reprise de l’exercice. Il existe diverses possi-bilités : debout, avec la main droite, la main gauche, puis les 2 mains. Couché :plante de pied contre plante de pied, pied droit, pied gauche, main contre pied etc.

Veiller à la parfaite mise en place, stabilité de la posture, avant le com-mencement de la lutte. Si l’ancrage d’un des participants n’est pas suffisant, ilperdra l’équilibre immédiatement. Tout le monde encourage la lutte. Cet exer-cice permet d’extérioriser une énergie comme la colère, c’est la qualité du Ahhfinal qui indiquera si le lâcher du diaphragme est suffisant.

La marche de la surprise : La surprise se manifeste dans le visage avecun « ha » aspiré, avec apnée, suspension un pied en l’air, bras soulevés sur lescôtes, coudes et poignets relâchés, comme aspirés suspendus, la jambe d’appuiest légèrement fléchie. Puis on change de jambe et on obtient une sorte demarche stop surprise ! Le fait de simuler la surprise favorise le double mouve-ment d’ancrage vers le bas et de suspension vers le ciel. Le mouvement s’arrêtequand on a besoin d’expirer sur « Ah ». Cet exercice favorise un lâcher rapidedu diaphragme et permet d’adopter un équilibre sans trop de travail de détentepréalable. Il induit également un grand lâcher au niveau du bassin et particuliè-rement du sacrum.

Les phrases guides : elles sont données à l’issue du travail par moi mêmepour aider l’enfant à porter son attention, son intention dans un lieu précis deson corps. Elles portent et sous-tendent le travail de la semaine et sont retra-vaillées en début de séance suivante (maximum 2 par semaine).

Pour conclure je souhaite vous transmettre 2 définitions qui exprimentbien la recherche d’une certaine qualité de travail :

Harmonie : par l’intermédiaire du latin au grec : harmonia : cheville,joint, assemblage, adapter, ajuster ... accord des sons ...

Résonner : du latin resonare, renvoyer les sons, retentir, faire un écho.Re-marquant le mouvement en retour et sonare « rendre un son ».

Etre en harmonie, résonner, en ajustant sensibilité, créativité et intelli-gence, voici les « phrases guides » que j’ai à transmettre.

Page 103: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

109

Bertrand, l’histoire d’une mue faussée.Utilisation de la méthode des mouvementsminimaux associée à cette rééducation

Michèle Habif

R é s u m éLa rééducation de la mue faussée peut être envisagée d’une façon traditionnelle, mais, leplus souvent, ce trouble est lié à des difficultés relationnelles avec l’entourage. A nous, thé-rapeutes, de lever ces difficultés et d’améliorer la qualité de notre intervention par l’apportde la méthode des Mouvements Minimaux qui va permettre au patient d’utiliser « subrepti-cement » sa voix, avec le minimum d’effort et une position instantanément adaptée dularynx.

Mots clés : mue faussée - méthode des mouvements minimaux - respiration - position dularynx - magnétophone - téléphone - relaxation.

Bertrand, a case of mutational falsetto: Use of the MInimal Movementmethod in association with vocal rehabilitation

AbstractOne can approach the problem of mutational falsetto in a traditional fashion, but this disor-der is most often associated with relationship problems. As therapists, our task is to addressthese difficulties and to improve the quality of treatment through the use of the MinimalMovement Technique: this method facilitates the «surreptitious» use of the voice on the partof the patient, with minimal effort and a positioning of the larynx which is immediatelyappropriate.

Key words: mutational falsetto - minimal movement method - breathing - positioning of thelarynx - tape recorder - telephone - relaxation.

Page 104: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

110

L a puberté entraîne des modifications des cordes vocales. Si l’incidencesur la voix est discrète chez la fille, elle est remarquable chez le garçon.En effet, les cordes vocales s’épaississent, elles passent de 15 à 25 mm

environ. « Le larynx descend dans le cou, au niveau des quatrième et cinquièmevertèbres cervicales, les cavités de résonance s’élargissent, le volume thora-cique augmente. La hauteur de la voix s’abaisse modérément chez la fille (envi-ron d’une tierce), beaucoup plus franchement chez le garçon (environ d’uneoctave). Chez l’adulte, la fréquence fondamentale moyenne de la voix est de 100à 110 Hz chez l’homme. » (1) Chez l’enfant, elle se situe autour de 300 Hz.

La voix se modifie donc pour trouver les caractéristiques de la voixadulte. Ces modifications peuvent survenir en quelques mois ou ne pas se fairesi le sujet présente des troubles endocrinaux ou fonctionnels. C’est ce derniercas qui nous intéresse dans la mesure où certains jeunes garçons, pour des rai-sons diverses (relation à la mère ou problèmes psychologiques), n’accèdent pasà un usage normal de leur nouveau larynx et persistent dans leur voix d’enfant.Ces manifestations caractérisent la mue faussée.

◆ Octobre

Bertrand se présente à moi, accompagné de sa mère. Agé de quinze ans, ila une arthrogrypose congénitale (rétraction de tous les tendons). Petit pour sonâge, il est timide et s’exprime avec une voix très aiguë.

La respiration est thoracique supérieure, on note une grande instabilité dela hauteur tonale et une mauvaise posture. La voix est instable, l’inhibitionvocale très importante et la reproduction de sons graves impossible. La toux estgrave.

Bien qu’il présente une apparence de permanente asthénie, Bertrand estsportif, il pratique le tennis et la natation.

Michèle HABIFOrthophoniste74, rue Pierre Demours75017 ParisTél. 01.48.88.08.83

Page 105: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

111

Il ne peut se libérer qu’une fois par semaine, ce qui détermine la fréquencede la rééducation.

◆ NovembreAu cours des cinq premières séances, le travail se fait essentiellement sur

une quadruple prise de conscience :

• respiration et phonation,• respiration costo-abdominale,• position et image des cordes vocales,• utilisation de la toux pour la recherche de la voix grave.

Le travail sur les cordes vocales est facilité par l’utilisation partielle de laméthode des Mouvements Minimaux dont le but est d’intervenir sur les schémasneuro-musculaires liés à la phonation. En effet, la prise de conscience systéma-tique de chaque organe impliqué dans la phonation va s’acquérir en explorantles mouvements minimaux orientés dans l’espace ainsi que la respiration qui lesaccompagne. L’étude et l’extension de ces comportements permettront l’émer-gence de nouveaux schémas neuro-musculaires.

Ce travail va être exécuté en plusieurs étapes, de l’extérieur du corps, enprincipe facilement perceptible, vers l’intérieur. A savoir :

• la mâchoire,• la langue,• le larynx,• la poitrine et le ventre.

A chaque stade, la séance s’articulera ainsi :• bouger la partie choisie dans une direction puis la relâcher,• rendre le mouvement de plus en plus petit,• déterminer le schéma respiratoire lié au mouvement,• inverser le schéma respiratoire. (2)

Dans le cas de Bertrand, il s’agit de lui faire oublier qu’il parle, puisquetoute relation son-voix provoque une élévation du larynx donc une émission envoix aiguë.

La méthode des Mouvements Minimaux va lui permettre d’utiliser« subrepticement » sa voix, de lui faire émettre un son « par surprise » dès lorsque son attention n’est pas focalisée sur son parler mais sur les cordes vocales.

Comme celles-ci sont utilisées avec un effort minimum, la position dularynx est adaptée et le son émis grave. Bertrand parvient donc à « ex-primer »des sons, sans avoir la conscience de s’exprimer.

Page 106: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

112

La prise de conscience se fait progressivement et le sujet est agréablementsurpris d’entendre une nouvelle voix qui ne demande qu’à être sienne. Il lui fautalors mémoriser ses sensations kinesthésiques afin de pouvoir reproduire le sonminimal. Ce son étant amplifié, la répétition de phrases devient alors possible.

◆ DécembreLes cinq séances suivantes permettent de consolider ces acquis. Bertrand

doit s’entraîner tous les jours avec le même type d’exercices que ceux utiliséslors de la rééducation.

Il se trouve qu’il peut parfaitement le faire en présence de son père, maisla collaboration et l’implication maternelles ne sont pas envisageables pour lui.Tout se passe, vis à vis de sa mère, comme si aucun travail sur la voix n’avaitlieu et il ne souhaite pas que je lui demande d’y participer. Je rencontre le pèreet lui propose de soutenir son fils dans ses efforts quotidiens.

A ce stade, Bertrand utilise une voix grave et instable en rééducation etconserve une voix aiguë pour la vie sociale.

Au début de notre travail, j’avais proposé à Bertrand d’utiliser un magné-tophone : il y était totalement réticent, ne supportant pas d’être confronté à uneréalité qui lui échappait.

Le moment paraît maintenant favorable. C’est pour lui une révélation : ilavait refusé de s’écouter et maintenant, le voilà qui s’entend, qui s’écoute, quicomprend et qui s’apprécie. Il est prêt au changement.

◆ JanvierAu cours des séances suivantes, nous travaillons la résonance et un

meilleur accolement des cordes vocales, en utilisant tout particulièrement laméthode des Mouvements Minimaux. Le timbre s’améliore.

Un premier contrôle objective un progrès très net : la fréquence fonda-mentale de la voix est passée de 179,7 Hz au premier examen à 110 Hz audeuxième. La régularité de la voix s’est améliorée (24,5% d’irrégularités au pre-mier examen contre 17% lors de celui-ci d’après le Laboratoire de la Voix (3)).Le phoniatre qui pratique l’examen en profite pour lui proposer un soutien psy-chologique mais la famille n’y donne pas suite.

Le but est de consolider les acquis et de permettre à Bertrand de trouverle moment qui lui sera opportun pour commencer à « sortir » cette nouvellevoix, c’est une re-naissance, il craint le jugement des autres tout en prenant

Page 107: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

113

conscience que ce nouveau jugement lui sera bien plus favorable que le précé-dent qu’il a si longtemps ignoré.

Je remarque alors qu’il commence toutes ses phrases par un « hum !» envoix grave. Seul le « allô » du téléphone est également émis spontanément envoix normale. Nous décidons donc de les exploiter comme lancement.

Bertrand travaille de plus en plus fréquemment pour améliorer ses perfor-mances, mais toujours sans utilisation sociale. Comme il se plaint toutefois dedouleurs à la phonation, je lui propose la relaxation comme double détente, psy-chologique et mécanique.

L’effet escompté apparaît, les douleurs s’estompent et Bertrand utilise sajuste voix en permanence. Il reste encore à poursuivre la relaxation et àreprendre la méthode des Mouvements Minimaux pour donner à Bertrand lesmoyens d’amplifier la voix quand cela lui est nécessaire.

Le but est alors atteint : Bertrand a une voix bien placée, il dit et affirmetout son bonheur. L’abandon du registre aigu devient un signe de virilisation,[il] fait le sacrifice de son reg i s t re aigu en éch a n ge de la re c o n n a i s s a n c epublique de sa virilité. (4)

Un dernier contrôle au Laboratoire de la Voix permet de montrer que l’in-tensité vocale est à 68 dB avec une fréquence fondamentale à 103,8 Hz contre179,7 Hz au premier examen.

REFERENCES

1. Elisabeth FRESNEL-ELBAZ, (1997) La voix, Editions du Rocher, Paris, p. 26-27.2. Michèle HABIF, (1987) La voix mobile, in Entretiens d’orthophonie, Expansion Scientifique Française,

Paris, p. 12.3. Laboratoire de la Voix, Fondation Rothschild, 25 rue Manin, 75019 Paris.4. François LE HUCHE, André ALLALI, (1989) Pathologie Vocale, Fascicule 1, Masson, Paris, p. 150.

Page 108: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

115

Apports de la sophrologie en rééducation vocalede la dysphonie de l’enfant hypertonique

Emmanuelle de Montauzan

R é s u m éLes apports de la sophrologie à la dysphonie de l’enfant hypertonique se situent au niveaumental, corporel et comportemental. Sans s’opposer aux composants de son tempérament,elle lui permet de vivre physiologiquement et psychologiquement, avec confiance, sonexpression vocale positive, économique, efficace, en situation relationnelle.Mots clés : comportement - sophrologie - équilibre - confiance - comportement vocal.

Contribution of sophrology to the vocal treatment of dysphoniain hypertonic children

AbstractSophrology can contribute to the treatment of dysphonia in hypertonic children, at behavio-ral, bodily and mental levels. This approach is respectful of the various components of thechild’s temperament and allows the child to physiologically and psychologically experiencethe expression of his voice, within a relational setting and in a positive, trustful, economicaland efficient manner.

Key words: behavior - sophrology - stability - trust - vocal behavior.

Page 109: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

116

L a rééducation vocale est souvent difficile à adapter à l’enfant hyperto-nique dans le sens où celui-ci n’est pas toujours gêné par sa dysphonie etne se sent pas nécessairement concerné par sa rééducation. Et, s’il l’est

sur le moment, que devient son comportement vocal « économique » hors nosmurs, tant il déborde d’énergie ?

« La voix, dit-on, est comme une statue érigée sur une place publique. Sicette statue présente des problèmes de stabilité, l’origine de ceux-ci peut résiderdans la statue elle-même sans doute, mais probablement dans le socle ou leterrain », écrivent François Le Huche et André Allali (1). Il convient donc detravailler la maîtrise psychomotrice, la technique du souffle et, enfin, la pratiquevocale proprement dite. Si la sophrologie de son côté tend à restaurer l’équilibredans l’investissement des trois registres de la personnalité : « le mental », « lecorporel », « le comportemental », comme l’indique Bernard Etchelecou (2), laproduction vocale, elle, s’inscrit dans un comportement corporel associé bienévidemment à un vécu psychologique. Les domaines physiologique et psycholo-gique étant indissociables, il semble intéressant d’aborder le problème vocal parla sophrologie.

◆ Sophrologie et relaxation

L’enfant apprend à se détendre, à être plus à l’aise dans son corps et dansses relations avec autrui. Il s’habitue à utiliser un minimum de contractions tantau niveau corporel global qu’à celui des différents organes de la voix et de laparole sollicités lors de la production vocale.

Il est possible d’utiliser les techniques de focalisation qui peuvent êtrecomplétées par l’utilisation de métaphores adaptées pour affiner la consciencede ces organes et leur juste fonctionnement.

Ainsi, la maîtrise du tonus musculaire et la conscience de son proprecorps constituent une étape indispensable dans la rééducation (renforcement

Emmanuelle de MONTAUZANOrthophoniste74, rue Pierre Demours75017 ParisTél. 01.48.88.08.83

Page 110: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

117

du terrain) par le biais d’une sophronisation de base : en position debout, leventre relâché, la respiration abdominale favorisée, la tête dans sa positiond’équilibre, à la recherche de la perception de la verticalité (renforcement dus o c l e ) .

◆ Exercices proposés en relaxation dynamique 1er degré (RD 1)

• La globalité de la respiration sera perçue grâce aux exercices abdomi-naux et respiratoires pratiqués en RD 1, qui favorisent la respiration abdominaleau détriment de la respiration thoracique superficielle de stress. On sait que « laplupart des enfants […] changent leur respiration primitive, abdominale, pourune respiration scapulaire ou thoracique » (3).

• L’exercice de convergence des yeux travaillera le regard et ce qu’il pro-jette (intention d’agir, repérage des réactions d’autrui).

• Les exercices du cou (mouvements de la tête et tension des musclesantérieurs) seront exécutés dans le but de maîtriser la détente obtenue à la suitedu mouvement tonique.

• Les exercices de « pompages » favoriseront le « déblocage » des épaulessi souvent sollicitées à tort dans la projection vocale.

• Les exercices de torsion du tronc par rotations axiales permettront deprendre conscience de l’équilibre du corps.

◆ Sophro-acceptation progressive (SAP)

Dans cet état de « détente corporelle » on peut proposer une SAP, à savoirl’expérimentation par anticipation d’une action sous son angle le plus positif. Ils’agit ici de vivre l’expression vocale par la représentation mentale dans sestrois réalités : corps, action, expression (équilibre de la statue). L’enfant peuttransformer certaines de ses attitudes vocales en se projetant dans des situationsconcrètes qui le concernent : il est alors confiant et maître de ses émotions et iluse d’un comportement vocal positif, efficace, économique. Il maîtrise dans sonimaginaire son expression et la manière dont les autres reçoivent le message. Ilest bien évident que la technique d’un comportement vocal approprié aura étépréalablement longuement expliquée.

Avec l’aide de la sophrologie l’enfant hypertonique peut intégrer sonschéma corporel, réguler son tonus musculaire, limiter sa dépense énergétiquepar le biais de la relaxation dynamique. Il peut aussi par une attitude imaginaireactive essayer des comportements vocaux différents de ceux éventuellement res-ponsables de sa dysphonie, dont il use habituellement.

Page 111: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

118

Loin d’être une simple méthode de correction, la sophrologie vient ren-forcer la confiance que l’enfant a dans sa manière d’être au monde et l’accom-pagner dans la diversification de ses capacités.

Il s’agit donc pour aider l’enfant hypertonique d’user de méthodes qui nesoient pas opposées à son tempérament, autrement dit de lui apprendre à modifi e rson comportement vocal grâce à des mouvements dynamiques, ce qui évite de luiproposer une relaxation statique à laquelle il a difficilement accès. Cette relaxa-tion dynamique sera associée à une action vocale, qu’il développera lui-mêmedans son imaginaire, et précédera l’apprentissage d’exercices vocaux qu’il aurait,à défaut de cette phase préalable, « subis », sans pouvoir le plus souvent les inté-grer spontanément dans la vie courante du fait de son hy p e r t o n i c i t é .

Un comportement vocal approprié ne pourra-t-il pas se vivre plus facile-ment dès lors qu’il aura déjà été expérimenté corporellement et émotionnelle-ment dans l’imaginaire ?

REFERENCES

1. Le HUCHE F., ALLALI A. (1989) La Voix 3. Thérapeutique des troubles vocaux, Masson.2. Manuel de sophrologie pédagogique et thérapeutique, Maloine, (1996), p. 209.3. HUBERT J.P., ABREZOL R. (1990) Traité de sophrologie, Méthodes et techniques, tome 2, Le Cour-

rier du livre, p. 125.

Page 112: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

119

Que deviennent les dysphonies de l’enfantà l’âge adulte ?

Geneviève Heuillet-Martin, Carole Seyot

R é s u m éN’ayant pas trouvé dans la littérature d’observation concernant le devenir de la voix de l’en-fant dysphonique à l’âge adulte, les auteurs ont recherché à l’occasion d’un mémoire d’or-thophonie, 136 jeunes adultes qui avaient été examinés au cours des deux précédentesdécennies.

Sans être statistiquement valable, le constat réalisé de la voix de 42 jeunes gens retrouvéspermet cependant de prévoir l’évolution la plus habituelle des deux grands groupes depathologie vocale, en fonction des lésions et du sexe.Mots clés : dysphonie - voix de l’enfant.

What is the adult outcome of childhood dysphonia?

AbstractA review of the literature pointed to a lack of observations and data on the adult outcome ofchildhood dysphonia. As part of a thesis in speech and language therapy, the authorsattempted to contact 136 young adults who had been examined during the past twodecades.Although the study was not statistically validated, the voice status of those 42 adults wewere able to contact allowed us to predict the most likely course of the two major categoriesof vocal pathology, according to type of lesions and gender.

Key words: dysphonia - child’s voice.

Page 113: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

120

Nos patients dysphoniques adultes précisent parfois qu’enfant leur voixétait « cassée », qu’elle a toujours été fragile et que leurs performancesvocales ont toujours été réduites. N’ayant pas rencontré d’observations

longitudinales permettant de connaître l’évolution de la voix pathologique del’enfant à l’âge adulte, nous avons pour tenter de répondre à cette interrogation,dirigé en 1994 un mémoire d’orthophonie réalisé par Carole Seyot.

136 dossiers d’enfants dysphoniques ont été sortis de nos archives. Cesenfants avaient été examinés entre 1967 et 1988. La première consultation avaiteu lieu avant leur mue. Nous n’avons sélectionné que ceux qui avaient atteint aumoins 16 ans en 1994.

Nous avons retrouvé 42 adultes « ex - enfants dysphoniques » (environ unsur cinq dossiers initiaux).

Le temps écoulé entre la première consultation et 1994 variait de 4 à19 ans.

- Nous avons pu revoir et examiner certains d’entre eux mais tous ont étéécoutés au téléphone et ont répondu à nos questions.

Cette étude n’a pas la prétention de posséder une valeur statistique.Cependant, à travers elle, nous avons dégagé quelques horizons pronostiques enfonction du diagnostic posé et du traitement effectué ou pas. Notre enquête pro-longe les quelques publications vérifiées dans la littérature qui ne vont pas au-delà des changements vocaux intervenus à moyenne échéance après une chirur-gie ou une rééducation vocale.

Afin que notre observation soit logique, nous avons individualisé quatregroupes de pathologies, en fonction du diagnostic initial.

- dysphonies dysfonctionnelles simples = 37 %

- dysphonies dysfonctionnelles compliquées de lésions acquises = 41 %

Geneviève HEUILLET - MARTIN, Médecin phoniatreClinique des deux Tours28, traverse des deux Tours13013 - Marseille

Carole SEYOT, Orthophoniste16, boulevard de Strasbourg97420 - Le Port

Page 114: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

121

- dysphonies sur lésions congénitales = 10 %

- dysphonies d’étiologie diverse = 12 %

Ces pourcentages ne sont pas des chiffres « sûrs ». En effet, surpris pareux, nous avons immédiatement mis en doute certains de nos diagnostics affir-més 25 ou 30 ans auparavant. Nous avons en effet comparé la composition deces groupes à ceux des années ultérieures. Dans la tranche de 1989 à fin 1992,nous commencions à utiliser correctement les optiques grossissants et la strobo-scopie couplés sur enregistrements.

Au cours de la troisième tranche d’années étudiées de 1993 à fin 1997,nous pensons que notre perspicacité diagnostique s’est encore affinée.

Dysphonies Lésions acquises Lésions Diversdysfonctionnelles sur dysphonies congénitales

dysfonctionnelles

1ère tranche1968-1988 37 % 41 % 10 % 12 %

136 cas

2ème tranche1989-fin 1992 12 % 62 % 22 % 4 %

102 cas

3ème tranche1993-fin 1997 13 % 48 % 30 % 9 %

105 cas

Le tableau ci-dessus met en évidence de grands changements dans larépartition des groupes en fonction des époques.

Les dysphonies simples diminuent beaucoup alors qu’augmente le nombrede lésions congénitales. Ce ne sont pas évidemment les pathologies qui se sontm o d i fiées depuis 30 ans mais la performance de nos instruments diagnostiques etnotre connaissance. Les kystes ouverts ou fermés, bien difficiles à discerner ausimple miroir laryngé sont désormais démasqués dans 30 % des cas de dysphonie.

Pour notre étude, nous avons analysé l’évolution de la voix des enfantsdysphoniques en fonction des trois groupes principaux de pathologierencontrée :

- les dysphonies dysfonctionnelles simples : 14 cas (37 %)

- les lésions acquises : 22 cas (41 %)

- les lésions congénitales : 5 cas (12 %)

Page 115: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

122

◆ Le devenir des dysphonies dysfonctionnelles simples : 14 casDans notre enquête, 6 enfants avaient été rééduqués, 8 ne l’avaient pas

été. Dans les deux cas, les 2/3 ont une voix adulte normale. Ils expliquent, leplus souvent, qu’ils ont modifié leur comportement vocal. Dans le tiers demeurédysphonique, nous dépisterions peut-être maintenant des petites lésions congé-nitales autrefois passées inaperçues.

◆ Le devenir des lésions acquises : 22 casCes lésions sont presque toujours des nodules, le polype étant exception-

nel chez les enfants. Les nodules sont par contre fréquents.Sur nos 17 cas concernant des jeunes garçons, 10 non rééduqués ou uni-

quement rééduqués présentent leur voix adulte « normalisée » (sauf 1 cas). Ilsemble bien que la mue chez les garçons permet une « normalisation » vocale.Les nodules se résorbent grâce aux modifications anatomiques et histologiquesqui accompagnent l’augmentation des hormones mâles.

7 autres petits garçons ont subi l’exérèse chirurgicale de leurs nodules.3 d’entre eux ont une voix adulte de mauvaise qualité. Il n’a pas été possibled’en connaître la raison : iatrogénie ? diagnostic erroné de nodules (kystes lais-sés en place) ?

Moins de petites filles que de petits garçons constituent des nodules,5 dans notre recherche : l’une d’elle, seulement rééduquée, conserve une mau-vaise voix à l’âge adulte.

Les quatre autres ont demandé une chirurgie pour retrouver une « voixde fille », et effectué de l’orthophonie. Ces quatre voix devenues adultes sont debonne qualité. Par contre, les fillettes qui ne modifient pas leur comportementvocal risquent de conserver leurs nodules à l’adolescence.

◆ Le devenir des lésions congénitales : 5 casNous n’avons de diagnostic sûr de kyste fermé ou ouvert que cinq fois

lors de cette tranche d’années de 1967 à 1988 où la pratique de la vidéo-laryngo-stroboscopie n’était pas encore implantée.

Trois d’entre ces enfants n’ont pas été opérés mais ont seulement effectuéune rééducation vocale. Deux conservent une mauvaise voix.

Les deux autres enfants ont subi ce que nous avons dénommé « le pro-gramme thérapeutique complet » :

- diagnostic initial correct,- rééducation pré-opératoire (préparation fonctionnelle et psychologique),

Page 116: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

123

- micro-phono-chirurgie, - repos vocal et traitement,- rééducation vocale post-opératoire afin d’adapter la fonction vocale aux

changements bénéfiques de la chirurgie.

Ces deux enfants ont une voix adulte de bonne qualité.

Bien que la réponse à notre question : « Comment évolue la voix de l’en-fant dysphonique ? » ne soit nullement rigoureusement statistique, comme nousl’avons déjà évoqué, tenant compte de notre enquête, nous prenons désormaisdes orientations thérapeutiques différentes.

- Notre attitude est plus souvent chirurgicale lorsqu’il y a suspicion dekyste ou kyste évident. En supprimant un ou les kystes épidermoïdes intra-cor-daux avant la puberté, la cicatrice se remodèlera en souplesse lors de la mue(mue moins marquée chez la fille que chez le garçon, mais existant).

- En cas de nodules chez un jeune garçon, nous rassurons les parents :même s’il est incapable de supprimer son comportement de forçage, son larynxdevrait se normaliser avec la mue. Par contre, les nodules peuvent disparaîtreavant, si le forçage est supprimé, ou si leur exérèse chirurgicale est demandéepar l’enfant.

- Nous poussons davantage les fillettes vers une prise en charge rééduca-tive et si les nodules persistent nous conseillons leur exérèse. Des nodulescachent d’ailleurs parfois un ou des petits kystes.

Une attitude thérapeutique adaptée à notre diagnostic, au comportementet au désir de l’enfant, éclairée par notre enquête, nous permet de proposer ainsiune ligne de conduite personnalisée dans l’intention de préserver le « capitalvoix » du futur adulte.

Page 117: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

124

Fig. 1 Nodules Fig. 2 Kyste épidermoïde de la corde vocalegauche (laryngoscopie directe)

chez une fille de 20 ans.

Fig. 3 Sillons superficiels et micropalmurechez un garçon de 6 ans 6 mois.

Fig. 4 Kyste ouvert de la corde vocale droitechez une fille de 11 ans.

La corde vocale gauche a été opéréede la même lésion, un an auparavant

(laryngoscopie indirecte).

REFERENCES

1. HEUILLET-MARTIN G. (1997). Une voix pour tous. H. Garson-Bavard, A. Legré - Edit. Solal

2. SEYOT C. (1994). Que sont les enfants dysphoniques devenus ? Mémoire d’Orthophonie - Marseille

Page 118: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

125

Questionnaire

Carine Klein-Dallant

R é s u m éUn questionnaire concernant la pratique de la rééducation vocale chez l’enfant a été envoyéà une cinquantaine d’orthophonistes. Il ne s’agit pas ici d’un sondage dont l’échantillonserait statistiquement représentatif ; pourtant, l’ensemble des réponses semble l’être.

Les orthophonistes ayant répondu à ce questionnaire ont accepté de partager leur expé-rience, leurs repères concernant la durée de la rééducation, les objectifs et moyens, lesrelations avec les divers intervenants, les échecs en rééducation, leurs certitudes mais éga-lement leurs doutes, leurs questionnements. Pour cela, je les en remercie.

Questionnaire

AbstractA questionnaire on the practice of vocal therapy with children was sent to approximately 50speech and language therapists. Although this sample survey was not based on a statisti-cally representative sample, the responses seemed to reflect representative trends.

Those speech and language therapists who completed the questionnaire accepted to sharetheir professional experience, and described their own guidelines regarding duration of the-rapy, goals and therapeutic tools, relationships with other professionals, cases of therapeu-tic failure, as well as their convictions and doubts and the questions raised by their practice.I thank them for sharing this experience with us.

Page 119: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

126

◆ La rééducation de l’enfant vous paraît-elle plus gratifiante ou plusdifficile que celle de l’adulte ?

Dans l’ensemble, elle paraît plus difficile en raison de l’origine de lademande, du manque de motivation de l’enfant, de la façon dont l’enfa n tconsidère son trouble, du fait que les parents n’inscrivent pas le trouble del ’ e n fant dans le contexte global de sa vie, d’un mimétisme, parfois, par rap-port à la mère, avec négation du trouble vocal de la mère. Cependant elle estconsidérée comme valorisante car créative : susciter, entretenir la motiva t i o nde l’enfant nous pousse à inve n t e r, innover des exercices, des démarchesn o u ve l l e s .

◆ A partir de quel âge prenez-vous les enfants en rééducationvocale ?

Trois tendances : 4 à 5 ans (selon la maturité), 5 à 6 ans (pour 3 moismaximum, pour certains), 7-8 ans.

◆ Vous donnez-vous un laps de temps, un nombre de séances moyen,ou une limite dans le temps, pour une rééducation de dysphoniefonctionnelle? Lequel?

Différentes réponses ici :- Trois mois, avec des séances régulières, puis arrêt d’un trimestre, un

rendez-vous fixé pour voir l’évolution et éventuellement une poursuite de 3mois.

- 20 séances constituent une bonne base, s’il y a motivation et participa-tion.

- Des progrès après 15 séances, un suivi sur 30, éventuellement un renou-vellement.

Carine KLEIN-DALLANTOrthophoniste. Attachée au service d’ORLet de chirurgie cervico-faciale

de l’Hôpital Saint-Michel (Paris)11 avenue de la Fontaine Desvallières. 92410 Ville d’Avray.

Page 120: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

127

- Un arrêt au bout de 10-15 séances s’il n’y a pas de progrès. 5 à 10séances si l’enfant ne se montre pas motivé.

- S’adapter à chaque cas, sans règle. S’arrêter avant que l’enfant ne selasse, pour lui donner la possibilité et l’envie de revenir lorsqu’il se sentira plusmotivé.

- Une rééducation souple avec des interruptions possibles, plus ou moinslongues pour éviter une éventuelle « pression » des parents vis-à-vis de larééducation.

◆ Qu’est-ce qui détermine pour vous l’arrêt de la rééducation ?

L’amélioration de la qualité de la voix, du confort vocal, des paramètresacoustiques altérés, un contrôle ORL, l’élimination des «mauvaises habitudes»au quotidien, l’aptitude de l’enfant à sentir ses tensions laryngées, son forçagevocal et à le modifier ; la disparition des nodules, de la fatigue vocale ; la lassi-tude ou la démotivation de l’enfant ; le non-investissement de l’enfant et / ou deses parents.

◆ Quel rôle donnez-vous aux parents au sein de la rééducation ?Celui de feed-back au quotidien des productions vocales de l’enfant, lui

permettant d’appliquer des gestes vocaux plus efficaces, un véritable partenairede l’enfant, le motivant à pratiquer hors séances ce qu’on lui demande en termesd’exercices et d’écoute de sa voix au quotidien, de perception des tensions ; enchoisissant au mieux les moments où l’enfant sera réceptif et partant pour s’oc-cuper de sa voix. Les parents, comme l’enfant et l’orthophoniste donneront leurspropres objectifs et doivent être persuadés du bien fondé de la rééducation.

◆ Leur demandez-vous d’assister aux séances ; si oui, de quellefaçon ?

- Parfois, de façon non régulière, à une partie de la séance (10-15minutes).

- C’est l’enfant qui décide.- Lors des premières séances, si l’enfant est d’accord.- Fréquemment, en fin de séance, pour leur montrer l’amélioration vocale

obtenue, afin qu’ils sachent ce vers quoi on veut tendre, qu’ils comprennent cequ’est une voix détendue, une attaque avec et sans coup de glotte, un souffleadaptée, la résonance, etc. ; afin que l’on se mette d’accord à trois (sorte decontrat) sur ce qui va se faire pendant la semaine.

Page 121: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

128

- On leur conseillera : de ne pas interdire à l’enfant de crier, il a le droitde le faire, on peut l’envoyer crier ailleurs s’il gêne ; de diminuer le niveausonore de l’environnement de l’enfant (son de la télé, niveau de la conversa-tion ...) quand l’enfant parle en criant.

◆ Demandez-vous à l’enfant de pratiquer hors séance quelquechose ? Si oui, quoi et à quelle fréquence ?

- 5-10 minutes par jour d’exercices- Respirer avant de s’endormir, se détendre.- Permettre à son larynx de se reposer de temps en temps.- Souffle, détente, exercices vocaux, quotidiennement, mais peu de temps.- Non- Oui, avec un cahier un peu secret qui n’a rien à voir avec des devoirs,

mais plutôt des petits défis à résoudre.- Oui, quotidiennement une pratique d’un souffle adapté et d’une voix

détendue posée sur ce souffle, en exercices de moins de cinq minutes ; uneécoute fréquente de son timbre (hors exercices), repérer les signes de fatiguevocale, d’inconfort, et petit à petit des tentatives de plus en plus fréquentes decorrections sur le plan du souffle et des tensions tout spécialement.

- S’habituer à écouter sa voix et entendre ce qu’elle nous dit.

◆ Constatez-vous, dans l’ensemble, que l’enfant réussit à mettre enpratique à l’extérieur ce que vous faites en séance ?

- Oui, si l’aspect ludique domine.- Assez peu, surtout chez les garçons, plus régulièrement chez les filles.- Oui, s’il est conscient de son trouble et gêné par ses limites vocales ;

non, s’il ne fait pas le lien entre les séances et son quotidien, s’il ne pose aucunequestion sur l’intérêt de tel ou tel exercice.

- Oui, si tout ce qui lui est demandé lui est clairement expliqué et qu’il yvoit son intérêt.

- Oui, si le temps d’exercice est très réduit par rapport au temps dans lajournée qu’il consacre à écouter, sentir sa voix et prendre soin d’elle.

- Ils se surprennent à le faire.

◆ Quels sont les jeux ou exercices qui vous semblent remporter leplus de succès auprès d’eux (en termes de plaisir et d’efficacité) ?

- La poupée de chiffon, les sirènes, le canard, le sagittaire, le comptageprojeté (défoulement).

Page 122: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

129

- Tout ce qui traduit le monde sonore de l’environnement, ou encore lebruitage d’histoires.

- Comptines, mots rimés, bruits d’animaux, jeux de rythme.- Les grands soupirs qui détendent, souffler sur une bougie de façon iden-

tique, jeux de paille.- Les voyelles, le chant.- L’illustration vocale de différentes émotions (colère, tristesse, joie...)

avec étude des sensations laryngées et de leur contrôle.- Tout exercice leur permettant de faire ce qu’on leur interdit souvent à la

maison : crier, avec un geste adapté (souffle, détente pharyngo-laryngée etbucco-faciale, regard, statique, imaginaire...) : appeler des copains dans la cour,crier sur son frère, etc.

- Imitations de voix, de bruits, de cris d’animaux.- Contes, métaphores (cf. F. Dejong-Estienne).

◆ Vos objectifs prioritaires :- Une flexibilité et une adaptation du souffle et des différentes caractéris-

tiques vocales en fonction de la situation, ne pas instaurer un geste rigide quimarche à tous les coups.

- Association souffle-parole sans forçage ou malmenage. Plaisir vocal.Utilisation du regard comme vecteur vocal.

- Ne pas lasser.- L’arrêt du forçage vocal.- Susciter et entretenir la motivation et le plaisir de l’enfant.- Ne pas lui interdire de crier mais lui permettre de crier sans effort donc

sans fatigue (pour ceux qui crient souvent cet objectif vient avant la maîtrise dela voix conversationnelle.)

- Apprendre à l’enfant à faire connaissance avec son larynx, ses tensions,sa capacité à les maîtriser.

◆ Par qui vous sont envoyés les enfants :Les O.R.L., les phoniatres, les parents (plus rarement), les enseignants,

les professeurs de chant, de chorale, généralistes et pédiatres.

◆ Comment estimez-vous la motivation de l’enfant dans l’ensemble?- Elle dépend de son âge, de son caractère, mais il se laisse en général

convaincre d’essayer. La motivation semble cependant assez faible.

Page 123: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

130

- Elle est parfois supérieure au début et appelée à décroître assez rapide-ment, d’où le défi d’être innovant dans sa rééducation afin qu’elle ne diminue pas.

- Il faut prendre garde à ce que sa motivation ne soit pas conditionnée parle « chantage » des parents à l’intervention : « si tu ne fais pas de rééducation,on sera obligé de t’opérer ! » (en cas de nodules, par exemple).

◆ La motivation initiale vous semble-t-elle être déterminante pour lesuccès ou l’échec de la rééducation ?

La réponse est dans l’ensemble positive, si l’on considère que la motiva-tion initiale n’est pas forcément celle qui accompagne l’enfant au moment où ilentre dans votre cabinet, mais plutôt celle avec laquelle il ressort, suite à votrebilan et vos explications.

◆ Si vous avez eu des échecs, à quoi les attribuez-vous ?Au désengagement familial, à l’immaturité ou l’instabilité de l’enfant, à

la gêne vocale éprouvée par lui, aux non-dits familiaux, au manque de patiencedes parents, à la tension ambiante scolaire ou familiale, à la perspective d’uneintervention chirurgicale que la rééducation n’a pu éviter. A des tempéramentstrès toniques, des gestes restant trop rapides. Au bénéfice inconscient que l’en-fant tire du symptôme.

◆ A quoi attribuez-vous vos réussites ?A la qualité de la relation enfant - orthophoniste (nécessité de 45 mn pour

l’établir), à l’importance que l’enfant accorde à son trouble (enfant chanteur, parexemple), à des objectifs bien posés, des explications vivantes, au fait que l’en-fant voit clairement le but et l’effet que les exercices ont sur sa voix et qu’ilconçoive la rééducation comme un tout cohérent et gratifiant, formé de partiesintimement liées.

◆ Pensez-vous avoir été suffisamment formée à la rééducationvocale de l’enfant ?

Les réponses sont presque toutes négatives au regard des études d’ortho-phonie et des formations proposées.

◆ Quelles sont vos relations avec les phoniatres, ORL, instituteurs(trices), professeurs de chant,...

- Les relations semblent assez satisfaisantes et constructives à conditionde se donner le temps de se parler.

Page 124: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

131

- Certaines font de la guidance avec l’institutrice en adaptant à la vie sco-laire (récitation, chant, exposé, prise de parole en classe et dehors : récréation,sport,...).

- Les ORL sont parfois plus avares en informations, compte rendus, queles phoniatres.

- Les instituteurs ne mettent pas ce trouble au premier plan, c’est parfois ànous de le signaler au détour d’une rééducation de DL-DO par exemple.

◆ Qu’expliquez-vous à l’enfant, lors du bilan ou ensuite, de sadysphonie, de la cause de celle-ci, de la rééducation ?

Dans l’ensemble tout peut-être expliqué, la physiologie phonatoire et ven-tilatoire, les mécanismes du forçage vocal, les raisons de sa dysphonie, ce que larééducation va apporter à l’enfant. Les moyens pour l’expliquer vont différer,selon la maturité (plutôt que l’âge) : images, métaphores, comparaisons, expli-cations plus « scientifiques »... Les explications sont données au bilan et tout aulong de la rééducation venant expliquer et donner un sens aux exercices. On pré-cise également à l’enfant le rôle qu’il joue dans sa dysphonie et la possibilitéqu’il a, lui, de redevenir maître de sa voix.

Page 125: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

133

Questions et réponses

Jean Abitbol

Au sein du questionnaire précédent, il était proposé aux orthophonistes de formuler desquestions, sur l’enfant et l’adulte, qu’ils ou elles souhaiteraient poser à un phoniatre. LeDocteur Jean Abitbol a accepté de répondre à ces questions.

Page 126: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

134

1. En cas de déficience pulmonaire, dans quelle mesure est-il possible detravailler la respiration abdominale, compte tenu du fait que l’abaissement dudiaphragme ne permet pas une dilatation plus importante des poumons ?

Il conviendra de jouer sur les muscles pelviens qui ont une importance fonda-mentale dans la dépression respiratoire abdominale.

2. Quelle est l’influence physiologique précise de la grossesse et de ses diffé-rentes étapes sur la respiration et la phonation ? Dans quelle mesure le dia-phragme garde-t-il de la souplesse ?

Pendant la grossesse, il existe un problème mécanique et volumétrique, mais lasouplesse est augmentée de façon exceptionnelle au niveau de tous les muscleslisses, de la coupole diaphragmatique, et des muscles striés abdomino-pelviens.Ainsi, la respiration durant la phonation est peu altérée, si ce n’est sur le planvolumétrique.

3. Quel effet a le rapprochement des bandes ventriculaires, lors du serragelaryngé, sur la vibration des cordes ? Le voit-on en laryngostroboscopie ?

Cette question demanderait un développement complet. S’il y a une voix desbandes ou un serrage laryngé, c’est que les cordes vocales n’arrivent pas às’affronter correctement. En faisant faire un son legato des graves aux aigus, onvoit en laryngostroboscopie les cordes vocales : elles vibrent.

4. Quelle est la différence entre la tension et le tonus des cordes vocales ?

La tension de la corde vocale dépend de la hauteur de la voix ; le tonus, de latrophicité musculaire.

5. Quelle est l’explication physiologique précise du nodule et celle dup o l y p e ?

Le nodule n’a pas de vaisseau nourricier, le polype a une artère et une veine.

Docteur Jean ABITBOLMédecin ORL, Phoniatre, Chirurgie-laserAncien chef de clinique. Assistant des Hôpitaux à la Faculté deMédecine de Paris.1, rue Largillière.75016 Paris

Page 127: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

135

6. Par quoi est provoqué l’éraillement ? Comment se « matérialise-t-il » surles cordes ?

7. Même question pour la raucité.

L’éraillement vocal, ou la raucité, ont des causes multiples qui nécessiteraientde nombreuses pages d’explications.

8. Y a-t-il une différence entre une voix « soufflée » et « voilée » ?

Dans une voix soufflée, il y a de l’air dans la phonation, c’est objectivé par unefuite glottique. Dans une voix voilée, il y a un trouble de la vibration.

9. Quel effet ont des attaques en coup de glotte sur les aryténoïdes d’une partet sur les cordes vocales, de l’autre?

Les coups de glotte entraînent un impact des apophyses de l’aryténoïde ; lescordes vocales interviennent peu.

10. Comment le phoniatre considère-t-il l’orthophoniste : comme une exécu-tante, une collaboratrice,... ?

L’orthophoniste est l’horloger de la voix.

Page 128: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

136

◆ REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUESVoici une liste non exhaustive d’ouvrages et d’articles concernant notre thème. A de ra res ex c e p t i o n sprès, les ouvrages traitent de la pathologie vocale globale, et réservent quelques pages à celle del ’ e n f a n t .

AMY DE LA BRETEQUE B. (1997) - L’équilibre et le rayonnement de la voix 122 p. - Solal.A RONSON A.-E. (1983) - Les troubles cliniques de la voix. 259 p. Masson.BOSKI S. (1996) - La relaxation active à l’école et à la maison. 126 p. Retz.C H AUVEL D., NORET C. (1996) - Des jeux pour détendre et relaxer les enfants. 125 p. Retz.C H AUVEL. D., NORET C. (1996) - Apprenez à relaxer vos enfants. (2-7 ans) 125 p. Retz.CORNUT G. (1993) - La voix. Que sais-je ? P. U . F.DAV ROUT Y. (1994) - Comment relaxer vos enfants (7-14 ans). 144 p. Retz.DEJONCKERE P. (1984) - La dysphonie de l’enfant - Cabay.DEJONCKERE P. (1980) - Précis de pathologie et de thérapeutique de la voix. J-P Delarg e .DEJONG-ESTIENNE F. (1992) - Ma voix entre mes mains. Academia DEJONG-ESTIENNE F. (1987) - La belle histoire de la princesse voix. DEJONG-ESTIENNE F. (1990) - Passifor et voix menue.DINVILLE C. (1993) - Les troubles de la voix et leur rééducation. Masson. 233 p .H E U I L L E T- M A RTIN G., GARSON-BAVARD S., LEGRE A. (1995) - Une voix pour tous

To m e 2. Solal. 212 p.K L E I N - DALLANT C. (1995) - Voyage au centre de la voix. Voix et Rééducation vocale. Chez

l ’ a u t e u r. 240 p.LE HUCHE F., ALLALI A. (1984, 1990) - La voix. Tome 2 et 3. Masson.PERRIER J., CHAUVEL D. (1993) - La voix. 125 p. Retz.P FAU WADEL M.C. (1981) - Respirer, parler, chanter. Le Hameau.S A R FATI J. (1998) - Soigner sa voix. Solal.

En anglais :

ANDREWS M.L, SUMMERS A. Voice therapy for adolescents, 210 p. Singular Publishing group,l n c .

ANDREWS M.L, SUMMERS A. Voice therapy for children, 210 p. Singular Publishing group, Inc.

Articles, Mémoires :AMY DE LA BRETEQUE B. ( 1 9 9 1 ) - La genèse du sens musical chez l’enfant, place du chant -

communications aux journées de la FOF.

CORNUT G. (1980) - La voix de l’enfant Bulletin d’audiophonologie, vo l u m e3 .

CORNUT G. (1971) - Genèse de la voix de l’enfant J.F ORL, XX, n°2, pp. 4 1 1 - 4 1 6

DALLEAS B. (1987) - Evolution de la voix de la naissance à la puberté. Rev. de laryngologie,vo l n ° 108, n°4, pp. 271-273

DA N OY- H E U I L L E T- T H O M A S S I N . (1990) - Les dysphonies de l’enfant. Rev. laryngologie,vo l VIII, n°4, pp. 341-.345.

S E YOT C. (1984) - Que sont les dysphoniques devenus ? Mémoire d’orthophonie, Marseille.

Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie,microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.

Page 129: No194 - Pathologies vocales chez l'enfant

DERNIERS NUMÉROS PA RU SN °1 86 : L’épreuve de la « Tour de Londres » : normalisation au sein d’une population adulte ( E .S C H A E F E R -

COURCOT, Y. MARTIN, M. ROUSSEAUX). — Grammaire du rééducateur, grammaire du rééduqué( J . ZWOBADA ROSEL). — Rythme de la parole et segmentation lexicale (M.H. BANEL, N. B A C R I ) . —L’accent ou la posodie de la séduction ( J . GIRARD-FRÉSARD). — L ’ a r t i c u l a t i o n ( S .B O R E L - M A I S O N N Y ) .

N °1 87 : La forme et la couleur ( J . OUDOT). — Trait et couleur ( I . KAUFFMAN). — Le dessin ( J . LATRON). —De l’identification à l’écriture / d’un trait ( H . POLLET). — Le graphisme et l’implanté (M.-A. CONSTAN-TIN-BRÉMOND). — La communication multicanale : un mouvement entre le dire et le faire (A. WITKO-COMMEAU). — L.S.F. et conceptualisation ( C . GARDIE) — L’utilisation du français signé au CROP de Lyon( R . BERNARD). — Le L.P.C. Langage Parlé Complété ( N . DAUDET). — Expression et communication : jeuentre verbal et non verbal dans des dialogues thérapeutiques ( J .Z W O B A D A - R O S E L ) .

N °1 88 : Du pinceau au clavier ( J .M É T E L L U S ) . — La rééducation des traumatisés crâniens : pratiques actuelles etperspectives d’avenir ( J . - M .M A Z A U X ). — Les multiples faces d’une thérapie du bégaiement (H.-A. BIJLE-V E L D ) . — Les implants cochléaires : un nouveau challenge ( A .D U M O N T ) . — Les stratégies palliatives dansl’aphasie (J.-L. NESPOULOUS). — Platon, Socrate et la Science ( C .A L L È G R E ) . — Psychose de pointe entrepassé et avenir ( A . B O D R O S ) . — Les rééducations de l’avenir en gériatrie ( B . SAUVAGEOT, S. L E W I K -D E R A I S O N ) .

N °1 89 : Un essai de la thérapie PACE chez le patient Alzheimer ( C . BRUYÈRE - M. ROUSSEAUX). — Place del’enfant, histoire familiale et rééducation ( J . ZWOBADA-ROSEL). — Grammaire de l’enfant. Pour une gram-maire de la variation et des interactions ( M . - C .P O U D E R ) . — Analyse des stratégies interactives autour d’unl i v r e : une rééducatrice et un enfant retardé mental ( G . GREMAUD). — Aptitudes recensées de l’enfant àl’adulte en langage, lecture et orthographe ( A .G I R O L A M I - B O U L I N I E R ) .

N °1 90 : Le Locked-in-Syndrom ( P h . VAN EECKHOUT). — Mécanismes de la récupération neurologique après acci-dent vasculaire cérébral (AVC) : apports de l’imagerie fonctionnelle cérébrale (J.C. BARON). — L e D P L 3dépistage et prévention à 3 ans (F. COQUET, B. MAETZ). — La recherche de l’invariant comme outil métho-dologique dans l’acte de rééducation (A. MENISSIER). — Le jeu symbolique dans la perspective de l’écrit ( F .POUËCH). — Un autre regard sur l’enfant en difficulté (M. DAMOUCHE). — Pour une analyse du bégaie-ment ou la dimension « m é t a » en question ( A . BENSALAH). — Linguistique fonctionnelle, évaluation, réédu-cation des troubles d’acquisition du langage ( J .Z W O B A D A - R O S E L ) .

N °1 91 : Aspects pragmatiques de la modification des rôles discursifs dans une psychothérapie d’enfant (retard deparole et de langage ( M . C .P O U D E R ). — Evaluation du langage spontané de l’enfant ( M .M O N F O R T ) . —A propos du niveau de langage de 16 élèves de SEGPA (A. GIROLAMI-BOULINIER, L. GINESY). — Du pré-fixe RE comme paradigme du changement ( A . MÉNISSIER). — Evolutions du bilan de langage de l’adulte âgé( C h . REMOND-BESUCHET) — Evaluation des troubles du langage en phase initiale de l’aphasie (TRAN THIMAI) — Evaluation et validation de la rééducation en aphasiologie ( C . VAILLANDET). — La main droite del’hémiplégique âgé et l’écriture ( G .E N O S ) .

N °1 92 : LANGAGE ÉCRIT - R e n c o n t r e avec Rémi et Romain (M. TO U Z I N). — Données Actuelles : Le cerveaudu dyslexique ( M . HABIB) - Apport de la neuropsychologie cognitive à la pratique orthophonique (S. VAL-DOIS) - Reconnaissance visuelle de mots et dyslexies de l’enfant (S. CASALIS) - Acquisition de la lecture (etde l’écriture) dans les systèmes d’écriture alphabétique (L. SPRENGER-CHAROLLES) - M é t a p h o n o l o g i e ,acquisition du langage écrit et problèmes connexes (J. ALEGRIA) - Impuissance apprise et dyslexie (F. NOU-GARO, L. VERA) — Examens & Interventions : Influences croisées de la stratégie « p h é n i c i e n n e » induite etdes défaillances de la mémoire de travail chez un enfant dyslexique-dysorthographique ( M . PLAZA).- Etude dec a s : Yann (S. LA R G E R) — Perspectives : (E. LEDERLÉ).

N °1 93 : I . M . O . C . - R e n c o n t r e ( B .W A H L ) — Données Actuelles : Infirmités Motrices d’Origine Cérébrale -Généralités ( F .R E V O L ) - Paroles d’enfants IMC ( F . DE BARBOT) - L’enfant porteur d’un handicap sévère etsa famille ( M . MARTINET, J.M. B L A N C ) - Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies : une entrave aux apprentis-sages (M. MAZEAU) - Etude du développement intellectuel et du langage chez 34 enfants présentant une hémi-plégie cérébrale congénitale (S. GONZALEZ, F. COMBE, A. RITZ, A.S. EYRAUD, C. EBERHARDT,C . B E R A R D ) - Evaluation médicale des IMC lourdement handicapés par leur dysarthrie ou leur absenced’expression orale (pour raison mécanique) (D. TRUSCELLI) - Bilan de langage et diagnostics chez les enfantsinfirmes moteurs cérébraux ( M . H .M A R C H A N D ) - Les conditions neuromotrices de l’apprentissage de laparole chez l’IMOC (A. LESPARGOT) - Des moyens différents pour communiquer et développer le langage( M . H .M A R C H A N D ) — Examens & Interventions : L’évolution des conduites de communication chez unenfant polyhandicapé ( A .T O S C A N E L L I - R O U A U L T ) - Les troubles de la motricité bucco-faciale de l’enfantIMC ( D .C R U N E L L E ) - La rééducation des troubles de la déglutition des enfants et adolescents I.M.O.C.( C . S E N E Z ) - Les systèmes de communication alternative chez l’enfant IMC ( M . MONFORT, A. J U A R E Z -S À N C H E Z ) — Perspectives : Facilitation à la mise en place de tableaux ou d’aides techniques de communi-cation (E. CATAIX-NÈGRE) - Etude de cas : Romain - Quel cheminement pour une synthèse vocale ?( J . C H A I L L E Y ) - O.E.A./A.T.C. (Outil d’Evaluation Adapté) (Téléthèses) - Evaluation préalable à la mise enplace d’une aide technique à la communication ( A . D’ALBOY, V. CHATAING).