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Nodules violacés des membres supérieurs

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Page 1: Nodules violacés des membres supérieurs

1005

Ann Dermatol Venereol2004;131:1005-7Formation médicale continue

U

Cas pour diagnosticNodules violacés des membres supérieursD. FARHI (1), C. PICARD-DAHAN (1), E. MARINHO (2), T. PETIT (2), P. OBERLIN, V. DESCAMPS (1), B. CRICKX (1)

n homme de 70 ans, d’origine

tunisienne, consultait en dé-

cembre 2002 pour de multi-

ples nodules violacés sur les deux

membres supérieurs (fig. 1, 2).

Le premier de ces nodules était apparu

en 1998 sur le poignet gauche, puis de

nombreux nodules identiques étaient

apparus progressivement sur les deux

poignets, puis les avant-bras et les bras.

A l’examen, une vingtaine de nodules

violacés était visible sur chaque mem-

bre supérieur, mesurant 5 à 10 mm de

diamètre, sphériques, de consistance

molle, à contours bien limités et à sur-

face lisse. Ces lésions étaient indolores

spontanément et à la palpation. Le pa-

tient était en bon état général. Il n’exis-

tait aucun antécédent familial de

lésions cutanées de ce type. La sérologie

VIH était négative.

Une incision de 3 mm permettait

l’exérèse complète et l’analyse histolo-

gique d’une lésion sphérique bien li-

mitée, entourée d’une coque lisse et

homogène.

Quelles sont vos hypothèsesdiagnostiques ? Inscrivez-les dansle cadre ci-dessous.

(1) Service de Dermatologie, (2) Service d’Anatomo-pathologie, Hôpital Bichat Claude-Bernard, AP-HP, 46, rue Henri Huchard, 75018 Paris.

Tirés à part : V. DESCAMPS, à l’adresse ci-dessus.

E-mail : [email protected]

Fig. 1. Fig. 2.

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D. FARHI, C. PICARD-DAHAN, E. MARINHO et al. Ann Dermatol Venereol2004;131:1005-7

Les hypothèses du Comité de Rédaction ont été :

– glomangiomatose,

– blue rubber bleb naevus,

– maladie de Kaposi.

Commentaires

L’examen histologique standard mettait

en évidence une prolifération de vais-

seaux de taille variée, à contours souvent

étoilés. La paroi vasculaire était souli-

gnée par de nombreuses cellules glomi-

ques de petite taille, sans atypie cyto-

nucléaire. Le stroma, fibro-hyalin, com-

portait par endroits des faisceaux d’as-

pect neuroïde ou musculaire (fig. 3, 4).

L’image histologique était celle d’une

tumeur à cellules glomiques. Les carac-

téristiques histologiques d’une part, et

la topographie, le nombre et le caractère

indolore des lésions d’autre part, per-

mettaient de retenir le diagnostic de

glomangiomatose. L’absence d’antécé-

dents familiaux permettait de conclure à

une glomangiomatose sporadique.

Les tumeurs à cellules glomiques sont

des tumeurs cutanées rares, habituelle-

ment bénignes, développées à partir des

glomus. Les glomus sont des anastomo-

ses artérioveineuses physiologiques, de

0,4 à 4 mm de diamètre, situées dans le

derme réticulaire. Ils régulent la tempé-

rature locale des extrémités. Ils se si-

tuent essentiellement dans le lit

unguéal, sur la face latérale des doigts,

les paumes des mains et la région pré-

coccygienne (glomus coccygeum). Les

glomus sont constitués du canal de Suc-

quet-Hoyer, délimité par des cellules

endothéliales entourées de cellules

musculaires lisses sans limitante élasti-

que. Des cellules glomiques, des fibres

collagènes et nerveuses sont intercalées

entre les cellules musculaires lisses

périvasculaires.

La tumeur se présente généralement

sous forme d’un nodule violacé intra-

dermique profond, mesurant 3 à 10 mm

de diamètre, sphérique et bien limité,

de siège acral ou coccygien. Des localisa-

tions atypiques ont été rapportées, no-

tamment viscérales.

Elle se caractérise histologiquement par

l’association de cellules glomiques, en-

dothéliales et musculaires lisses. En im-

munohistochimie, les 3 marqueurs

ayant la meilleure sensibilité [1] sont la

vimentine, l’actine des muscles lisses

(fig. 5) et le collagène type 4.

On classe les tumeurs à cellules glomi-

ques en trois groupes [2] : les tumeurs

glomiques (environ 75 p. 100 des cas),

les glomangiomes (20 p. 100) et les glo-

mangiomyomes (5 p. 100).

La tumeur glomique proprement dite,

est le plus souvent unique, de siège digi-

tal, typiquement sous-unguéale, et pres-

que constamment symptomatique,

associant des douleurs avec irradiation

ascendante, spontanées ou déclenchées

par le froid et par le contact.

Les glomangiomes sont souvent multi-

focaux et indolores, siègeant préféren-

tiellement sur les mains et les poignets.

Histologiquement la proportion d’endo-

théliocytes est prédominante.

L’association de plusieurs tumeurs à

cellules glomiques, le plus souvent sous

la forme de glomangiomes multiples,

définit la glomangiomatose. La gloman-

giomatose peut être sporadique ou fa-

miliale.

En 2002, Brouillard [3] a décrit dans la

région 1p21-22, un gène de 19 exons et

1 785 nucléotides, appelé « glomuline »,

codant pour une protéine de 68 kD,

Fig. 3. Fig. 4.

Page 3: Nodules violacés des membres supérieurs

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Ann Dermatol Venereol2004;131:1005-7Nodules violacés des membres supérieurs

dont le dysfonctionnement est associé à

une forme glomangiomatose familiale,

de transmission autosomique domi-

nante [4, 5]. L’atteinte est souvent seg-

mentaire [6], prédominant sur une

partie du corps, sans (type 1) ou avec

(type 2) une atteinte plus discrète du

reste du corps.

Le traitement de référence est l’exérèse

chirurgicale sous anesthésie locale [7].

Les alternatives sont le laser (vasculaire

ou CO2) [8], la sclérothérapie [9] ou la

cryochirurgie. Les tumeurs à cellules

glomiques sont habituellement béni-

gnes. Selon les séries, 0 à 10 p. 100 réci-

divent après l’exérèse [7, 10].

Dans la glomangiomatose, le traite-

ment est déterminé par la demande

(esthétique ou symptomatique) du pa-

tient.

En cas de doute diagnostique, l’imagerie

par résonance magnétique (IRM) peut

aider à documenter une récidive postopé-

ratoire ou une localisation profonde [11].

Souvent de diagnostic tardif, les tu-

meurs à cellules glomiques doivent être

évoquées par le dermatologue devant

une lésion nodulaire violacée de l’extré-

mité d’un membre.

Références

1. Folpe AL, Fanburg-Smith JC, Miettinen M,Weiss SW. Atypical and malignant glomus tu-mors: analysis of 52 cases, with a proposal forthe reclassification of glomus tumors. Am JSurg Pathol 2001;25:1-12.

2. Enzinger FM. Soft tissue tumors. St Louis:Mosby, 2001.

3. Brouillard P, Boon LM, Mulliken JB, Enjolras O,Ghassibe M, Warman ML et al. Mutation in anovel factor, glomulin, are responsible for glo-muvenous malformations (« glomangiomas »).Am J Hum Genet 2002;70:866-74.

4. Blume-Peytavi U, Adler YD, Geilen CC,Ahmad W, Christiano A, Goerdt S et al. Multiplefamilial cutaneous glomangioma: a pedigree of4 generations and critical analysis of histologicand genetic differences of glomus tumors. J AmAcad Dermatol 2000;42:633-9.

5. Calvert JT, Burns S, Riney TJ, Sahoo T,Orlow SJ, Nevin NC et al. Additional gloman-gioma families link to chromosome 1P: no evi-dence for genetic heterogeneity. Hum Hered2001;51:180-2.

6. Pena-Penabad C, Garcia-Silva J, del Pozo J,Yebra-Pimentel MT, Fonseca E, Cuevas J et al.Two cases of segmental multiple glomangio-mas in a family: type 1 or type 2 segmental ma-nifestation? Dermatology 2000;201:65-7.

7. Assmus H, Dombert T. Glomus tumours ofthe extremities: localisation and operative treat-ment in 36 cases. Handchir Mikrochir PlastChir 2002;34:103-7.

8. Sharma JK, Miller R. Treatment of multipleglomangioma with tuneable dye laser. J CutanMed Surg 1999;3:167-8.

9. Parsi K, Kossard S. Multiple hereditary glo-mangiomas: successful treatment with sclero-therapy. Australas J Dermatol 2002;43:43-7.

10. Bhaskaranand K, Navadgi BC. Glomus tu-mour of the hand. J Hand Surg 2002;27:229-31.

11. Theumann NH, Goettmann S, Le Viet D, Resnick D, Chung CB, Bittoun J et al. Recurrent glomus tumours of fingertips: MR imaging eva-luation. Radiology 2002;223:143-51.

Fig. 5.