Notations modales au XVIe siècle

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  • 7/25/2019 Notations modales au XVIe sicle

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    Notations modales au XVIesicle

    Nicolas Mees (Universit de Paris Sorbonne)

    Bien que la thorie des types tonals de Harold Powers 1ait attir lattention, il y a plus dunquart de sicle dj, sur les particularits de la notation au XVIesicle, et bien que celles-ciaient fait dj lobjet dtudes approfondies2, les contraintes de la notation modale neparaissent pas encore entirement lucides. Powers mentionne par exemple le choix de

    lune ou lautre de deux combinaisons de clefs de plus en plus standardises, dites chiavetteetchiavi naturali3, mais, en ralit, nous ne savons ni jusqu quel point ces combinaisons (quine sont jamais formellement dcrites dans les textes thoriques de lpoque) taientvritablement standardises, ni pourquoi elle lont t, ni dans quelle mesure les compositeurstaient libres de choisir lune ou lautre, ni quels ont t leurs critres de choix4.

    La musicologie moderne dispose, grce Powers et ses disciples, de statistiquesrelativement dtailles sur lutilisation des types tonals. Mais la dfinition de ceux-ci restetrop sommaire : si la prise en compte de la finale et du systme (rgulier ou transpos) fait peude difficult, lidentification de la clef utilise pour la voix de superius ( c1, ut 1

    e ligne,reprsentant la clef de superius des chiavinaturali, ou g2, sol 2

    eligne, reprsentant celledes chiavette) ne suffit pas, parce quelle nindique pas si les autres voix respectent les

    combinaisons standardises, ni si certaines parties enfreignent la rgle implicite de ne pastracer de lignes supplmentaires au-dessus ou en dessous des portes. Il faudrait donc, pourune meilleure dfinition du type tonal, connatre plus prcisment lambitus de chacune desvoix, ainsi que lutilisation des clefs pour chacune dentre elles.

    Rassembler des donnes statistiques ce sujet constituera un travail collectif de longuehaleine. Le texte qui suit vise seulement attirer lattention sur la ncessit de recueillir cesinformations. Il sera divis en deux parties : la premire propose une rflexion thorique

    1 Harold Powers, Tonal Types and Modal Categories in Renaissance Polyphony , Journal of the AmericanMusicological Society,34/3 (1981), 428-470.

    2

    Notamment Anne Smith, ber Modus und Transposition um 1600 , Basler Jahrbuch fr historischeMusikpraxis VI (1982), 9-43, Andrew Parrott, Transposition in Monteverdis Vespers of 1610: an aberrationdefended ,Early Music, XII (1984), et Patrizio Barbieri, Chiavette and Modal Transposition in Italian Practice (c.1500-1837 ,Recercare. Rivista per lo studio et la prattica della musica antica, III (1991), 5-79.

    3Powers, Tonal types , 436.4Arthur Mendel, Pitch in the 16th and early 17th centuries , The Musical Quarterly,XXXIV(1948), 132-133 :

    Even the terms chiavette and chiavi naturali seem to be no older than Paolucci [1765-1772], who is more than ahundred years too late to have any but a historians authority in the matter. Anne Smith, ber Modus undTransposition , 28-39, recense les clefs recommandes pour chacun des modes par quinze thoriciens du XVIesicle :la diversit des combinaisons proposes est considrable, mme si les deux combinaisons standardises y apparaissentmajoritaires. Selon Patrizio Barbieri, Chiavette and Modal Transposition , 7, the first writer expressly to mentionthe distinction between chiavi naturaliand high clefs is Silvestro Ganassi, in his 1543 tutor ; mais les combinaisonsdcrites (voir P. Barbieri, Chiavette and Modal Transposition , 39-41) sont trois voix et ne correspondent pasaux combinaisons standardises dont il est question ici. Certains classements en chiavi naturali et chiavettese fondent

    exclusivement sur la clef du cantus, ce qui est trs insuffisant ; dautres admettent dans ces catgories des variantes quine sont pas toujours assez clairement dcrites (voir par exemple Jeffrey G. Kurtzman, Tones, Modes, Clefs and Pitchin Roman Cyclic Magnificats of the 16th Century ,Early Music, XXII (1994), 641-664.

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    gnrale sur les contraintes de la notation ; la seconde examinera comment et dans quellemesure ces contraintes sappliquent concrtement dans un recueil choisi arbitrairement pourles illustrer, les Psalmi pnitentiales dAlexandre Utendal, qui propose douze pices, unepour chacun des douze modes.

    1. Considrations thoriquesIl est difficile dnoncer des rgles gnrales sur les notations modales, parce que chaque

    uvre et mme chaque voix doit tre considre comme un cas particulier, pour lequel lecompositeur jouit dune relative libert dans ltablissement des tessitures. Pour fixer lesides, cependant, nous partirons ici des quatre rgles hypothtiques suivantes, pour en valuerles consquences possibles et dterminer ensuite dans quelle mesure elles sont respectes dansles oeuvres :

    1. Les compositions sont crites dans lune des deux combinaisons standardises, chiavinaturali ou chiavette. Nous verrons ultrieurement que, dans les Psalmi pnitentialesdUtendal, ces combinaisons ne sont pas respectes dans un cas sur quatre.

    2. La notation se fait sans lignes supplmentaires. Sept pices sur douze du recueildUtendal ne respectent pas cette contrainte.3. Chacune des voix couvre son octave modale selon la convention habituelle de

    lcriture a voce piena : dans les compositions de mode authente, le tenor et le cantus sont detessiture authente et couvrent donc loctave modale authente (quinte+quarte), alors que laltuset la basse sont de tessiture plagale (quarte+quinte) ; dans les modes plagaux, cette situationest inverse. Chez Utendal, bien que la tessiture de chaque voix soit presque toujours pluslarge quune octave, elle ne comprend pas toujours loctave modale, en particulier dans lesvoix de type plagal, qui nont souvent pas la quinte au-dessus de la note nominale dumode 5.

    4. Chaque pice peut tre crite en systme rgulier, sans armure et avec pour note

    nominale do, r, mi, fa, solou la, ou en systme transpos, avec une armure dun bmol etavec pour note nominale fa, sol, la, si, doou r. Cette rgle est la seule qui sapplique sansexception dans les Psalmi pnitentiales6.

    1.1 Combinaisons standardises des clefs et disposition des voixLes deux combinaisons standardises induisent la mme structure intervallique pour le

    chur quatre voix : les ambitus du cantus et de laltus dune part, du tenor et du bassusdautre part, tels quils sont dfinis par la clef et la porte cinq lignes, sont distants lun delautre dune quinte, alors que la distance entre altus et tenor nest que dune tierce, comme lemontre la figure 1. Les clefs disponibles, de la clef de sol 1e ligne celle de fa 4e ligne(colonne de gauche de la figure 1), situent en effet toutes lut3 sur la ligne ; la distanceentre elles est donc chaque fois dune tierce. Chacune des deux combinaisons de clefs fait

    5Jappelle note nominale du mode cette note quon pourrait appeler la finale , si cela ne risquait de porter confusion dans le cas de compositions polyphoniques dont les voix ne se terminent pas toutes sur la finale, ou encorela tonique , si ce terme ntait pas aussi fortement associ la tonalit classique. Dans chacune des voix de lapolyphonie, quelle quen soit la note finale, la quinte et la quarte modales de la description dite no-classique sarticulent autour de la note nominale du mode . Dans la description des types tonals propose par Harold Powers, Tonal types , 437, cest la fondamentale de laccord final qui est considre dterminante ; si cette note correspondgnralement avec la note nominale telle que je la dcris ici, ce nest pas toujours le cas, en particulier dans dessections autres que la dernire section de luvre, ce qui pourrait engendrer une ambigut.

    6Cette rgle suppose un classement en douze modes. Elle sadapte aisment au classement en huit modes : il suffit

    de considrer alors que les modes de r et de fa peuvent comporter le si en version non transpose et que leurtransposition ventuelle se fait alors la quinte suprieure ou la quarte infrieure. Les types tonals sont les mmes,seule leur attribution modale change.

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    usage de clefs adjacentes pour la paire altus tenor et de clefs non adjacentes pour les pairessuperius altus et tenor bassus. La distance entre cantus et tenor dune part, entre altus etbassus dautre part, nest donc que dune septime7.

    Figure 1. Distance entre les portes dans les combinaisons de clefs standardises

    Dans le cas dune composition de mode authente, les deux paires de voix, cantus-altusdune part et tenor-bassus dautre part, se partagent la mme note nominale du mode , avecune distance dune octave entre la note nominale de la paire aigu et celle de la paire grave.Dans le cas dune composition plagale, altus et tenor ont la mme note nominale du mode,que le cantus et le bassus donnent respectivement loctave suprieure et loctaveinfrieure. Ou, pour dire ceci autrement : la note nominale dune voix de type plagal esttoujours la mme que celle de la voix de type authente situe au-dessus delle, et une octaveplus haut que celle de la voix authente en dessous delle ; linverse, la note nominale dunevoix de type authente est lunisson celle de la voix plagale situe sous elle, loctave gravede celle de la voix plagale au dessus delle.

    1.2 Position des notes nominalesPour que lambitus dune voix authente puisse couvrir sans ligne supplmentaire toute

    loctave du mode, il faut que la note nominale ne soit pas crite plus haut que la deuxime

    ligne de la porte, ce qui donne quatre possibilit pour la position de la finale authente : sousla porte, sur la premire ligne, dans le premier interligne ou sur la deuxime ligne, comme lemontre la figure 2a. Cependant, une composition quatre voix comporte toujours deux voixde type authente, distantes thoriquement dune octave, mais notes distance dune septimeseulement dans les combinaisons standardises des clefs. Une des quatre possibilits de noterloctave modale authente sen trouve limine, parce quelle demanderait une lignesupplmentaire dans lautre voix de type authente. Cest ce que montre la figure 2b, o onvoit que la quatrime notation possible la voix grave est limine parce quelle requiert uneligne supplmentaire la voix aigu. Ces contraintes sont indpendantes tant du choix du

    7Patrizio Barbieri, Chiavette and Modal Transposition , 6, indique lexistence de deux autres combinaisons demme structure : in contrabasso, utilisant une clef defa5eligne, et soprano acutissimo, faisant usage de la clef de sol1eligne. Ces clefs sont en effet attestes au XVIesicle, mais leur usage parat exceptionnel.

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    systme de clefs (puisque les intervalles entre portes y sont semblables) que du type authenteou plagal de la composition dans son ensemble, puisquon y trouvera de toute manire unepaire de voix authentes. On pourrait montrer par un raisonnement semblable quil nexiste quetrois manires possibles de noter une paire de voix de type plagal.

    Si lon prend en compte les quatre voix ensemble, toujours dans lhypothse dune notation

    doctaves modales compltes, sans lignes supplmentaires et dans la relation intervallique dessystmes de clefs standardiss, on constate que le nombre des notations possibles se rduitencore. Dans la figure 3 ci-dessous, les quatre notations thoriques possibles ont t attribueschaque fois au tenor : on voit quen modes authentes, deux possibilits sliminent en raisonde dpassements laltus et au superius ; en modes plagaux, une possibilit seulement doittre limine.

    Figure 2. a) Notations possibles de loctave modale authente dans la porte ;b) Notations possibles de loctave modale authente dans deux portes distantes dune

    septime

    Modes authentes Modes plagaux

    Figure 3. Possibilits de noter les octaves modales quatre voix

    1.3 Choix des clefs et du systmeIl reste, pour chaque mode, choisir la combinaison de clefs qui permet de situer

    correctement les notes nominales.

    1.3.1 Modes authentes

    Comme on vient de le voir, il nexiste que deux positions possibles des notes dans lesportes en mode authente, si les conditions thoriques sont respectes : lune qui place la notenominale au tnor sous la premire ligne, lautre qui la place sur la premire ligne. Les deuxclefs possibles pour le tenor sont la clef dut4eligne en chiavi naturaliet la clef dut3eligneen chiavette. Avec la possibilit dcrire en systme rgulier ou en systme transpos, il enrsulte huit notations thoriquement possibles, numres dans le tableau 1 ci-dessous ; le mien systme transpos nest pas utilis comme finale, de sorte que les possibilits relles serduisent sept. Les notations qui placent la note nominale sur la ligne au tenor sont les plussusceptibles de dpasser la porte vers le haut, en particulier la voix daltus qui est la plus

    haute dans sa porte (voir la figure 3). Par contre, les dpassement de la porte vers le bassont moins probables, parce quils affecteraient en premier lieu la note nominale elle-mme,

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    la voix de tenor. On constate que le mode ionien est le seul qui puisse scrire de deuxmanires. Les transpositions sont la quinte infrieure pour le mixolydien et lolien, laquarte suprieure pour lionien.

    Clef du tenorPosition de la note

    nominale au tenor

    Note

    nominale

    Systme Mode

    Rgulier IonienSous la porte do2 Transpos Mixolydien

    Rgulier Dorienut4eligne (chiavi naturali)

    Sur la premire ligne r2 Transpos olienRgulier Phrygien

    Sous la porte mi2 Transpos Rgulier Lydien

    ut 3eligne (chiavette)Sur la premire ligne fa2 Transpos Ionien

    Tableau 1. Notations possibles en mode authente

    1.3.2 Modes plagauxLcriture plus compacte des modes plagaux permet trois positions de la note nominale, qui sesituera au tenor sur la deuxime ligne, dans le deuxime interligne ou sur la troisime ligne.Avec les deux clefs et les deux systmes, il en rsulte douze notations thoriquementpossibles, que le tableau 2 ci-dessous passe en revue ; le sinest pas utilis comme finale ensystme rgulier. Lhypodorien est le seul pour lequel une seule notation est possible, ensystme transpos. Lhypoolien ne peut scrire quen systme rgulier, lhypophrygien nepeut scrire quen systme transpos, mais lun et lautre peuvent ltre dans lune ou lautrecombinaison de clefs. Les transpositions sont toujours la quarte suprieure.

    Clef du tenorPosition de la notenominale au tenor

    Notenominale Systme Mode

    Rgulier HypolydienSur la deuxime ligne fa2 Transpos Hypoionien

    Rgulier HypomixolydienDans le deuxime interligne sol2 Transpos Hypodorien

    Rgulier Hypoolien

    ut4eligne (chiavi naturali)

    Sur la troisime ligne la2 Transpos HypophrygienRgulier Hypoolien

    Sur la deuxime ligne la2 Transpos HypophrygienRgulier

    Dans le deuxime interligne si2/si2 Transpos Hypolydien

    Rgulier Hypoionien

    ut 3eligne (chiavette)

    Sur la troisime ligne do3 Transpos Hypomixolydien

    Tableau 2 : Notations possibles en mode plagal

    1.4 Types tonals partir des deux tableaux prcdents, on peut tablir un tableau des types tonals possiblespour chaque mode (tableau 3)8. Les possibilits relles sont videmment plus nombreuses,mais seulement parce que certaines des conditions thoriques ne sont pas respectes : ou bien

    8Une premire version de ce tableau, avec une argumentation un peu diffrente, a t publie dans Nicolas Mees, Mode, ton, classes hexacordales, transposition , Secondo convegno europeo di analisi musicale,Atti, R. Dalmonteet M. Baroni d., Trento, Universit' degli studi, 1992, 221-236.

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    les octaves modales ne sont pas compltes, ou bien certaines voix utilisent des lignessupplmentaires. Conformment lusage de Harold Powers, les systmes rgulier ettranspos sont reprsents par et ; les clefs dut1eligne (chiavi naturali) et de sol2eligne(chiavette) par les abrviations c1et g2, respectivement ; et les notes nominales sont donnesen notation alphabtique.

    On notera dans ce tableau que le contraste entre les modes authente ou plagal peut toujoursse faire par un changement de systme, de rgulier transpos ou de transpos rgulier. Lechangement de systme est oblig dans le cas des modes de r, de miet de la. Il est toujourspossible dcrire le mode plagal dans une autre combinaison de clefs que le mode authente,sauf pour les deux modes de r, o les compositions authentes et plagales scriventthoriquement toujours en chiavi naturali. Mais il est notoire que ce ne sont pas l lesnotations favorites au XVIesicle.

    Dorien : c1D Hypodorien : c1G

    Phrygien : g2E Hypophrygien : c1A ou g2A

    Lydien : g2F Hypolydien : c1F ou g2B

    Mixolydien : c1C Hypomixolydien :c1G ou g2C

    olien : c1D Hypoolien : c1A ou g2A

    Ionien : c1C ou g2F Hypoionien: g2C ou c1F

    Tableau 3. Types tonals correspondant aux tableaux 1 et 2

    2. Notations modales dans lesPsalmi pnitentialesdAlexandre UtendalLa seconde partie de cet article confronte les notations thoriques dcrites jusquici aux

    notations mises en uvre par Alexandre Utendal dans les Psalmi pnitentiales9. Les douzecompositions modales dUtendal sont composes chacune de deux huit sections, maiscelles-ci sont crites toujours dans le mme type tonal : le compositeur nutilise donc quuneseule notation pour chaque mode10. Dans les douze paragraphes ci-dessous, un exemple notdonnera pour chaque mode la position de la note nominale () et la tessiture de chacune desvoix pour chacune des sections de luvre.

    2.1 Dorien (Primus psalmus)

    La notation thorique est en chiavi naturali, systme rgulier. Utendal choisit dcrire enchiavette et en systme transpos, ce qui situe les notes un degr plus haut dans les portes etpermet donc dtendre les ambitus un degr plus bas par rapport la note nominale. Laconsquence est que la partie daltus ne donne jamais la quinte modale au dessus de la note

    9 Alexander UTENDAL, Septem psalmi pnitentiales, adiunctis ex prophetiarum scriptis orationibus eiusdemargumenti quinque, ad dodecachordi modos duodecim, hac quidem tate doctiorum quorundam musicorum opera ab

    obscuritate vindicatos, Noribergae, Dietrich Gerlach, 1570. Fac-simil de la Bibliothque royale de Copenhague,disponible ladresse http://www.kb.dk/da/nb/samling/ma/digmus/ pre1700_indices/utendal_sept_poeni.html(dernire consultation le 5 mai 2007).

    10Il faut souligner que ceci demeure vrai mme dans les sections dont laccord final nest pas construit sur la note

    nominale du mode. Comme indiqu en note 5 ci-dessus, on pourrait objecter que ces sections ne sont pas dans le mmetype tonal que le reste de la pice : cest la raison pour laquelle il parat ncessaire de fonder les types tonals sur lesnotes nominales, plutt que sur laccord final.

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    nominale. Par contre, les tessitures plagales stendent toujours plus bas que la quartemodale : le bassus, en particulier, termine loctave sous la note nominale, avec une lignesupplmentaire sous la porte en clef defa3eligne.

    Figure 4. Dorien

    2.2 Hypodorien (Secundus psalmus)La notation thorique est en chiavi naturali, systme transpos. Cest la notation choisie

    par Utendal : le contraste avec le mode authente stablit donc par le changement de clefs,plutt que par le changement de systme. Les tessitures couvrent toujours loctave modale,quelles dpassent assez peu. Laltus (authente) descend la quarte sous la finale, avec uneligne supplmentaire sous la porte, dans la deuxime section durant laquelle le bassus se tait.

    Figure 5. Hypodorien

    2.3 Phrygien (Tertius psalmus)La notation thorique est en chiavette et systme rgulier. Utendal choisit plutt une variantedes chiavi naturali. Sauf au bassus, les notes sont crites une tierce plus haut que dans lanotation thorique, ce qui empche de couvrir la quinte modale laltus, mais permet cestrois voix de descendre plus bas sous la note nominale ; si Utendal avait choisi les chiavette,

    des lignes supplmentaires sous la porte auraient t ncessaires de nombreuses reprises.Le bassus est en clef de fa 3eligne au lieu de 4eligne, ce qui rduit la distance entre tenor etbassus une tierce et diminue dautant lambitus gnral du chur ; le bassus (plagal) ne peutdonc pas stendre plus loin que la quinte sous la finale ; il peut monter par contre laseptime au-dessus de la note nominale, ce quil fait dans chacune des sections.

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    Figure 6. Phrygien

    2.4 Hypophrygien (Quartus psalmus)Lhypophrygien doit thoriquement scrire en systme transpos, mais les deux

    combinaisons de clefs sont praticables. Utendal utilise la mme variante des chiavi naturalique dans le psaume prcdent. Le contraste entre les deux modes se fait donc ici par la

    transposition. Comme dans le cas prcdent, ce choix situe la note nominale plus haut danslambitus des trois voix suprieure. Au bassus au contraire la note nominale est au plus gravede lambitus ; elle ny est pas atteinte dans la dernire section, o le bassus termine sur la2, loctave suprieure de la note nominale thorique.

    Figure 7. Hypophrygien

    2.5 Lydien (Quintus psalmus)La notation thorie est en chiavette, en systme rgulier. Cest celle que retient Utendal. Il

    faut noter que dans ce mode relativement difficile en raison du triton sur la finale, la notationen systme rgulier permet de baisser assez aisment le quatrime degr, ce dont Utendal seprive peu. Le bassus descend plusieurs fois loctave sous la finale, ce qui requiert une ligne

    supplmentaire sous la porte.

    Figure 8. Lydien

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    2.6 Hypolydien (Sextus psalmus)La notation retenue par Utendal, chiavi naturali et systme rgulier, est lune des deux

    notations thoriques possibles, contrastant avec le mode lydien par les clefs plutt que par lesystme. Lautre notation thorique (chiavette et systme transpos) aurait situ les notes undegr plus haut dans la porte ; il aurait fallu alors des lignes supplmentaires au grave

    laltus pour la premire section et au bassus pour les deux premires sections.

    Figure 9. Hypolydien

    2.7 Mixolydien (Septimus psalmus)Utendal nutilise pas la notation thorique en chiavi naturali et systme transpos, mais

    bien celle en chiavette en systme rgulier, qui place les notes une tierce plus haut dans laporte. Laltus ne peut donc pas faire entendre au complet la quinte du mode, au dessus de lanote nominale, mais parcourt par contre toute loctave sous cette note. Le bassus, qui ne faitentendre la quinte modale que dans la dernire section, tire lui aussi considrablement latessiture plagale sous la note nominale, jusqu la septime.

    Figure 10. Mixolydien

    2.8 Hypomixolydien (Oratio prima)Deux notations thoriques sont possibles : chiavi naturalien systme rgulier, ou chiavette ensystme transpos. Utendal choisit la premire, qui est la plus grave des deux et qui tablit lecontraste avec le mode prcdent sur base des clefs plutt que du systme. Les octavesmodales sont entendues toutes les voix.

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    Figure 11. Hypomixolydien

    2.9 olien (Oratio secunda)Utendal prfre la notation thorique, chiavi naturali et systme transpos, la notation en

    chiavette en systme rgulier, qui place la note nominale une tierce plus haut dans la porte.Cette notation empche le cantus de couvrir toute loctave modale. Laltus ne peut donner la

    quinte modale et ne fait entendre la quarte au dessus de la note nominale quau prix duneligne supplmentaire dans la premire section ; par contre, il peut descendre de plus duneoctave sous la note nominale dans la deuxime section. Le bassus ne peut pas non plus faireentendre la quinte modale au dessus de la note nominale, mais stend dans les deux sections

    jusqu loctave en dessous.

    Figure 12. olien

    2.10 Hypoolien (Oratio tertia)Lhypoolien ne peut thoriquement tre crit quen systme rgulier, mais dans lune ou

    lautre des combinaisons de clefs. Utendal choisit une fois encore la notation la plus grave, enchiavi naturali, rduisant donc lopposition avec le prcdent la combinaison des clefs.Loctave modale est entendue toutes les voix, dans toutes les sections.

    Figure 23. Hypoolien

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    2.11 Ionien (Oratio quarta)Lionien est le seul mode authente qui autorise deux notations thoriques, en chiavi

    naturaliet systme rgulier, ou en chiavetteet systme transpos. Utendal choisit la premire,la plus aigu des deux. Les octaves modales sont entendues toutes les voix dans toutes lessections.

    Figure 14. Ionien2.12 Hypoionien (Oratio quinta et ultima)

    Ici aussi deux notations thoriques sont possibles, en chiavi naturaliet systme transpos,ou en chiavetteet systme rgulier. Utendal choisit une version modifie de la seconde, o lebassus, comme dans les modes phrygiens, est distance de tierce plutt que de quinte dutenor. Des deux notations thoriques, il retient donc celle qui place la note nominale au plushaut dans la porte, mais il compense cela par un choix anormal pour la clef du bassus.

    Figure 15 : Hypoionien

    * * *

    Un premier point quil faut souligner avec force, cest que les notations retenues parUtendal sont toujoursles plus conomes en lignes supplmentaires au dessus ou en dessousde la porte. Pour chacun des douze modes, toute autre notation eut t moins favorable. Ilfaut en conclure que les choix sont dicts en premier lieu par les contraintes de notation, quine laissent pratiquement aucune marge de manuvre. Patrizio Barbieri indique que certainestranspositions, chez Palestrina, pourraient se justifier par une volont de respecter desnotations modales traditionnelles11 ; mais cela ne parat pas applicable au cas des Psalmi

    11Patrizio Barbieri, Chiavette and Modal Transpositions , 22.

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    pnitentiales12. Anne Smith suggre que la raison premire des transpositions aurait t

    dadapter la notation au diapason des instruments13. Ce nest certainement pas le cas : aucontraire, on pourrait montrer quil existe au XVIesicle et au dbut du XVIIedeux traditionsparallles mais distinctes du dbat sur la transposition, lune se proccupant des contraintes denotation, lautre des contraintes de diapason ; mais ce point devra faire lobjet dune autre

    tude14

    .On peut encore faire les remarques suivantes propos des choix faits par Utendal : Pour les modes authentes qui nautorisent quune seule notation thorique, le compositeuren prfre une autre dans quatre cas sur cinq, chaque fois pour situer la note nominale plushaut dans la porte, donc pour pratiquer des tessitures relatives plus basses. Ceci se fait le plussouvent au dtriment de la quinte modale la voix daltus. Pour le mode ionien par contre, le seul mode authente qui autorise deux notationsthoriques, Utendal choisit celle qui situe la note nominale une seconde plus bas que danslautre notation, ce qui autorise des tessitures plus aigus relativement la note finale. Pour les modes plagaux qui autorisent deux notations, Utendal choisit presque toujourscelle qui situe la note nominale au plus haut, autorisant donc un ambitus relatif plus grave.

    Le mode lydien est le seul mode authente pour lequel la notation thorique unique estaccepte, et le mode hypolydien est le seul ou, des deux notations thoriques possibles, la plusaigu est retenue. Il sagit chaque fois de la notation en systme rgulier et on peut sedemander si, dans ce cas prcis, le critre de choix na pas t li la mobilit du si/ si, quiserait devenu mi/ mien systme transpos15. Chaque fois quune modification des combinaisons de clefs standardises est effectue(trois cas sur douze, en modes phrygien, hypophrygien et hypoionien), cest pour remonterlambitus du bassus et le rapprocher de celui du tnor. Dans deux cas sur trois, cettemodification sapplique aux chiavi naturali : il ne parat donc pas justifi dassocier leresserrement de lintervalle entre tenor et bassus aux chiavette, comme on la fait parfois16.

    Il apparat que lorsque les notations thoriques ne sont pas respectes, cest souvent pourconstituer des ambitus plus graves, relativement la note nominale du mode. IgnaceBossuyt17 a signal la fonction rhtorique des dpassements de loctave modale dans lesPsalmi pnitentiales. Tenant compte du texte mis en musique, il identifie lhypobole dans lesmodes dorien, mixolydien et hypoolien, pour lesquels les choix de notation dcrits ci-dessustablissent en effet des tessitures graves, mais aussi dans le mode lydien, quUtendal notepourtant son octave thorique. Bossuyt signale aussi lhyperbole dans les modeshypodorien, hypophrygien, hypolydien et hypoolien mais, de ceux-ci, lhypolydien est leseul pour lequel Utendal choisit une notation qui favorise effectivement les tessitures aigus.Il est possible que les choix dUtendal aient t faits, dans certains cas, prcisment pourrendre possible ces figures de rhtorique ; mais dans dautres cas les choix de notation

    12On peut noter en outre que les types tonals de Utendal ne correspondent pas, dans la plupart des cas, ceuxquutilise Lassus dans son cycle de 1584. Voir Harold Powers, Tonal types , 447, table 3.

    13Anne Smith, ber Modus und Transposition , 13-14.14 Il est vrai sans doute quune notation anormalement aigu ou anormalement grave pourrait inciter les

    instrumentistes transposer ; mais on ne peut y voir quune consquencedu choix notationnel, et pas sa raison dtre.Sur ce point, voir aussi Nicolas Mees, Mode, ton, classes hexacordales, transposition , dj cit ; Mode etsystme. Conceptions ancienne et moderne de la modalit , Musurgia, IV/3 (1997), 67-80 ; et Le diapason, unproblme conceptuel , Observation, analyse, modle : Peut-on parler d'art avec les outils de la science, Paris, Ircam,L'Harmattan, 2002, p. 59-76. (Actes du 2eColloque international d'pistmologie musicale).

    15 Il faut rappeler cependant que les modes dorien et hypodorien, o le problme du degr mobile se pose demanire semblable, sont nots tous deux en systme transpos, comme on la vu plus haut : la mobilit sy situe sur

    mi/ mi, plutt que sur si/ si.16Voir Andrew Johnstone, High clefs in composition and performance ,Early Music XXXIV/1 (2006), 29-54.17Ignace Bossuyt, Die Psalmi Poenitentiales (1570) des Alexander Utendal ,AfMwXXXVIII (1981), 290.

  • 7/25/2019 Notations modales au XVIe sicle

    13/13

    N. MEES, Notations modales au XVIesicle 13/13

    paraissent plutt sy opposer. Bien entendu, les phnomnes relevs par Ignace Bossuytconcernent surtout des voix considres sparment, alors que les choix de notationdterminent la composition dans son ensemble et affectent certaines voix plus que dautres.

    De toute manire, le prsent article ne pourra faire plus quattirer lattention sur cesquestion, qui requirent une tude bien plus approfondie.