Note Atterrée Grèce Juillet 2011

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    Limbroglio grec

    La dette souverainegrecque prise au pige dela zone euro

    Benjamin [email protected]

    Christopher Lantenois

    [email protected]

    15 Juillet 201

    www.atterres.org

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    Un an aprs la mise en place du plan de la Troka1 et malgr les

    immenses efforts imposs au peuple grec pour assurer sa bonne

    excution, la Grce de nouveau est aux abois. Si son dficit public a

    baiss, la dette, quant elle, a augment. Plus grave encore pour les

    concepteurs du plan, les primes de risque imposes par les marchs

    sont telles quil est exclu comme escompt que la Grce puisse denouveau emprunter sur les marchs en 2012, alors que des milliards

    de crdits contracts viennent chance en juillet et doivent tre

    rembourss.

    A lentre de lt, il est clair pour tout le monde que sans de

    nouveaux prts de lUE, la Grce, brve chance devra se

    dclarer en dfaut sur sa dette souveraine. Une perspective que la

    BCE et les marchs veulent viter tout prix. Mais sans que

    personne au jourdhui ne puisse garantir quelle ne finira par

    simposer.

    Comment en est-on arriv l ? En quoi consistait le plan de la Troka

    et pourquoi a-t-il si lamentablement chou ? Plus gnralement et

    profondment, car la vraie question est bien l, en quoi consistent et

    que valent les solutions imagines par lUE, le FMI et la BCE pour

    affronter la crise des dettes souveraines qui senchainent dans la

    zone euro ? Car, faut-il le rappeler, alors mme que le plan impos

    aux Hellnes vient dchouer, cest une formule la grecque qui

    est mise en place pour le Portugal, dernier en date des sinistrs de lazone euro. Ce, alors que les marchs financiers, de concert avec les

    agences de notation, continuent de procder leurs grandes

    manuvres contre lEspagne, lItalie ou la Belgique2

    Cest ces questions quest consacre cette note, qui vient ainsi

    prolonger le nouvel ouvrage publi par les Economistes Atterrs sur

    ce thme. Mais avant dentrer dans le vif du sujet, une remise en

    perspective est ncessaire concernant lhistoire - complexe - des

    relations entre Athnes et Bruxelles.

    1La Troka est lexpression choisie par les Grecs pour dsigner les missaires de

    lUE, de la BCE et du FMI venus ngocier le prt consenti au pays et lesconditionnalits qui lui sont assorties. Depuis, la Troka fait du chemin. Aprs laGrce, elle oprera dans les pays dont la dette souveraine a t attaque. La Trokasera aussi lorigine de la conception et de la mise en place du fonds europen destabilit financire (FESF), puis du mcanisme europen de stabilit (MES),prsents aujourdhui comme la rponse densemble de lUnion Europenne lacrise des dettes publiques europennes. Sur ce point, voir louvrage 20 ans

    daveuglement .2 La dernire victime en date est le Portugal qui vient de voir le 5 juillet 2011 sanote dgrade de 4 crans (Baa1 Ba2 avec une perspective ngative) par lagencede notation Moodys. Dsormais, sa dette souveraine long terme se trouve encatgorie spculative.

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    1. Je taime, moi non plus , un bref retour surlhistoire des relations entre la Grce et lUE

    Les vives tensions actuelles entre la Grce et lUE ne sont pas une

    exception dans leur histoire commune. Ds leur origine les relationsentre la Grce et lUE ont connu des moments difficiles et complexes.

    1951 : Ladhsion la CEE et lentre de la Grce dans un

    processus de rattrapage

    Les relations entre la Grce et lEurope Communautaire commencent

    le 8 juillet 1959. Il sagit alors du paraphe dun Accord

    dAssociation de la Grce la CEE au titre dune disposition prvue

    par le Trait de Rome pour les pays non-membres de la CEE. Aprsdeux annes de ngociations, les autorits hellniques et la

    Commission signent lAccord dAthnes. Une priode transitoire de

    22 ans est prvue lissue de laquelle la Grce serait considre

    admissible ladhsion. Grce son statut dassoci, le

    renforcement des changes avec la CEE et lintgration conomique

    dans lespace europen se font haut rythme.

    Mais la vie nest pas un long fleuve tranquille. Le coup dEtat des

    colonels du 21 avril 1967 gle brutalement le trait dassociation.

    La Communaut europenne ferme sa porte. Des annes passent.

    Viennent enfin la chute du pouvoir militaire et la restauration des

    institutions dmocratiques. Le nouveau gouvernement grec lu

    dpose le 12 juin 1975 sa candidature officielle la CEE, une

    candidature qui est loin de faire lunanimit au sein de la socit

    politique grecque3.

    Avec lappui de la France et de lAllemagne, le Conseil de la

    Communaut europenne se prononce le 3 fvrier 1976 en faveur de

    ladhsion. Le Trait dadhsion est sign le 28 mai 1979 et le 1er

    janvier 1981, la Grce devient finalement le dixime membre de la

    CEE. Il est alors vident que la volont de consolider le rgime

    dmocratique renaissant constitue un argument de poids

    suffisamment important pour passer outre les considrations

    purement conomiques.

    Commence alors pour le pays un long et difficile processus

    de rattrapage . Car lorsque lconomie hellnique adhre la

    3 Tandis que le Parti conservateur (Nouvelle dmocratie) du Premier ministre alorsau pouvoir, Constantin Karamanlis, soutient activement la procdure dadhsion, leParti socialiste (PASOK) et les communistes prosovitiques du KKE sy opposent fermement, par crainte dune dpendance politique et conomique du pays.

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    Communaut, elle est un pays pauvre et les difficults surmonter

    sont importantes. Le PIB est nettement plus faible que celui de ses

    partenaires, de 50% infrieur la moyenne europenne et les

    structures conomiques grecques accusent de srieux

    archasmes au regard de ses nouveaux partenaires et

    comptiteurs au sein de la CEE4.

    Dans la mesure o les disparits conomiques entre la Grce et ses

    partenaires rendent impossible lapplication immdiate des rgles

    bruxelloises, les conditions dadhsion lui sont particulirement

    favorables. Une priode de transition de cinq sept ans, selon les

    produits, lui est accorde pour adapter progressivement son

    conomie. Par contre en tant que membre part entire de la CEE,

    la Grce peut bnficier pleinement des mcanismes de

    redistribution et des fonds structurels europens. En vingt ans, la

    Grce bnficiera de prs de 80 milliards deuros de crditscommunautaires, soit une moyenne de 4 milliards par an (lquivalent

    de 2 points de PIB par an)5.

    1999-2001 : Du rendez-vous manqu de Maastricht

    lentre dans la zone euro

    Malgr ces progrs, la Grce sera recale lexamen de Maastricht.

    On se souvient que pour tre accepts dans la zone euro, les

    postulants taient tenus de respecter une srie de critres dits deconvergence . Dans le cas grec, le rythme de son inflation est alors

    jug encore trop lev, de mme que son dficit budgtaire et sa

    dette.

    Simple report. Deux ans aprs, la Grce frappe une seconde fois la

    porte de la zone euro. Cette fois-ci, compte tenu des amliorations

    constates, elle est retenue et devient, le 1er janvier 2001, le

    douzime Etat adopter la monnaie unique. Par ses propres

    mrites, sans condition, sans engagement, sans ngociation

    politique, comme aime alors le rpter Kostas Simitis, Premier

    ministre socialiste.

    4 Lagriculture prsente des retards structurels importants : prix largement

    subventionns, pnurie dinfrastructures Elle occupe encore en 1980 prs duntiers de la population active, pour moins de 8% dans le reste de la Communaut(OCDE, 1997). La taille moyenne des exploitations est moiti moins leve que chezles Neuf. Producteurs et distributeurs ne font pas le poids devant leurs concurrentseuropens. Lindustrie, publique ou prive, est intrinsquement faible, peu diversifie

    et tourne avec une productivit mdiocre. Elle est surtout axe sur les biens deconsommation courante et dlaisse les biens dquipement et les filirestechnologiques.5.N.-J. Brehon, La Grce, les PIGS et l'argent de l'Europe, La Tribune

    (17/02/2010).

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    Pas si simple cependant. Puisque que dans lombre a opr La

    Banque . Il est en effet aujourdhui tabli que la grande banque

    daffaire amricaine Goldman Sachs, par des montages financiers

    complexes et la fabrication de produits drivs ad hoc, a permis aux

    autorits grecques de minorer fictivement le dficit public de plusieurs

    milliards deuros. LUE a-t-elle t dupe ou sest-elle laiss duper ?

    On ne le saura sans doute jamais. Aucune enqute notre

    connaissance nest mene sur les manipulations auxquelles a

    procd Goldman Sachs pour le compte de la Grce.

    Hors tours de passe-passe comptables, il reste que la Grce, pour

    passer lexamen de leuro, sest soumise un rgime drastique :

    privatisations, durcissement de la politique montaire se traduisant

    par une priode prolonge de taux dintrt rels levs,

    compression des dpenses pour rduire le dficit budgtaire Le

    tout pour des rsultats vritables. Alors quau dbut de la dcennie1990, la Grce affichait des performances mdiocres : inflation

    galopante excdant les 20%, alimente par un dficit public de 16%

    du PIB, ratio dette / PIB avoisinant les 160% (OCDE, 2001), au dbut

    des annes 2000, tous les critres de convergence sont atteints,

    lexception (dj) de celui concernant la dette publique ancre plus

    de 100% du PIB (graphiques 1,2 et 3). Mais dans la mesure o cette

    dernire diminuait constamment, cest la tendance qui a compt. Le

    satisfecit est alors unanime. Pour le FMI, lconomie grecque a

    ralis des progrs remarquables ces dernires annes .

    Admirable et remarquable , renchrit Wim Duisenberg, alors

    prsident de la BCE. Qui veut noyer son chien le dclare enrag.

    Linverse bien sr est tout aussi vrai.

    2004-2005 : Une crise de la dette dj et une premire

    mise sous tutelle

    Ces satisfcits largement attribus ne dureront pas. Comme le dficit

    public ne se rsorbe pas et tend mme se creuser encore

    davantage, la Grce connait sa premire Procdure pour DficitExcessif (PDE) en juillet 2004, suivie quelques mois plus tard (en

    janvier 2005) par une premire mise en demeure. Il sagissait alors

    de faire respecter le Pacte de Stabilit et de Croissance (PSC)

    (article 104, paragraphe 9 du trait de Maastricht). Athnes est mise

    sous-tutelle budgtaire par la Commission. Il lui est reproch davoir

    transmis aux instances europennes des chiffres de dficit public

    constamment infrieurs 3% sur la priode 1997-2003, alors quen

    ralit, ces derniers, une fois corrigs par Eurostat, excdaient le

    seuil du pacte de stabilit. Au passage la Grce connait galement

    sa premire procdure dinfraction pournon-respect des rglements

    statistiques en dcembre 2004.

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    Pour revenir dans les clous du pacte de stabilit, le gouvernement

    conservateur de Costa Caramanlis engage alors une politique de

    rigueur marque par le contrle des dpenses publiques assorti de

    quelques mesures visant laugmentation des recettes fiscales

    (hausse TVA, taxes sur alcool, tabac, lutte contre lvasion fiscale..).

    Les privatisations serviront ponger le solde (aroport, jeux,

    secteur bancaire). Le gouvernement en profitera galement pour

    accrotre lgrement la flexibilit du march du travail (baisse du

    cot des heures supplmentaires). Finalement, le dficit repassera

    officiellement sous la limite des 3% en 2007.

    La Commission mettra fin sa procdure contre dficit excessif en

    mai 2007. Ce point vaut dtre rappel avec force. Car il signifie quen

    Grce (comme ailleurs dans la zone Euro), lentre de la crise

    financire qui va semer le chaos dans le monde, la Grce, (comme la

    zone euro) est dans une situation de dette publique et de dficit

    budgtaire juge parfaitement saine, au regard mme des trs strictscritres du PSC. Il faut en effet rappeler quen 2007 aucun pays de la

    zone euro ne connait de PDE ! (En 2010, aprs que la tornade

    financire fut passe par l, tous les pays de la zone euro, y compris

    lAllemagne seront placs sous PDE)

    Ces tensions entre lUE et la Grce, qui on le voit ne datent pas

    daujourdhui ne sont pourtant quune sorte dentre en matire. La

    vraie crise et la vraie punition impose la Grce (car comme on

    le verra, il y a de cela dans les mesures qui lui sont imposes partir

    de 2010) ne viendront que plus tard, avec lexplosion de sa dette

    publique, ici comme en Irlande et ailleurs, conscutive la crisefinancire.

    2. La crise grecque : une mise en perspective

    Si les chiffres publis en 2009 par le gouvernement grec attestent

    dune situation alarmante, il faut rappeler que tout na pas t noir

    dans lhistoire rcente de la Grce. Bien au contraire, dun certain

    point de vue la dcennie 2000 aura t particulirement bonne pour

    lconomie grecque. Elle connait en effet un taux de croissancesuprieur 4% par an, bien suprieur celui de la moyenne

    europenne (graphique 4).

    Cest qu la vrit, dans un premier temps, la Grce a fortement

    bnfici de son adhsion la CEE (et dabord sous la forme daides

    multiples qui lui ont alors t consenties), puis la zone euro. La

    croissance grecque dans la dcennie 2000 a t facilite par des

    taux dintrt bas, proches de ceux de lAllemagne (graphique 5).

    Une situation nouvelle pour la Grce qui auparavant subissait de la

    part des marchs un spread lev. Ds 2001, la Grce va tirer parti

    de son adhsion la zone euro, recourant (cest lenvers de la

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    mdaille) lendettement international pour financer sa croissance.

    Celle-ci est alors largement assise sur deux piliers : un crdit facile

    daccs et peu coteux et la dpense publique. Le dficit public se

    creuse, mais nul (pas mme les agences de notation) ne sen

    inquite vraiment. La croissance apparat alors comme un garant

    crdible de la capacit rembourser.

    Laspect ngatif de son adhsion la zone euro ne va apparatre que

    progressivement, avec lapprciation continue et forte de leuro. Pour

    lconomie grecque, lenvole de leuro est fortement pnalisante. Le

    dficit extrieur ne cesse de crotre, et vient sajouter celui de la

    dpense publique toujours ncessaire pour soutenir la croissance. La

    Grce entre inexorablement dans des zones de dsquilibres

    structurels.

    Dans ce contexte la crise financire mondiale, telle quelle se

    dveloppe notamment aprs la chute de Lehman Brothers en 2008,

    sera fatale aux prcaires quilibres grecs. Dans la crise, de

    nombreux Etats se portent au secours de leur secteur bancaire et

    laissent filer leurs dficits pour soutenir lactivit. Dans un premier

    temps, trop soucieuse de sa propre survie, la finance internationale

    fait fi de lexplosion des dficits publics. Mais une fois sauvs , les

    marchs commencent sinterroger sur la soutenabilit des dettes

    publiques, celles-l mmes qui se sont constitues pour venir leur

    secours et tenter de sortir lconomie du chaos o ils les avaient

    plongs.

    Au plan mondial, la dette publique de la zone euro va vite apparatre

    comme le maillon faible. Non du fait de sa dimension. Comme le

    rappelle justement H. Sterdyniak6, la dette publique de la zone euro

    (en % du PIB) est nettement infrieure celle des Etats-Unis ou du

    Royaume- Uni et trs faible par rapport celle du Japon !

    Non ! Si certaines dettes publiques au sein de la zone euro

    apparaissent comme des proies et des cibles pour les spculateurs

    et les marchs financiers internationaux, cest en raison des

    dfaillances institutionnelles dans la construction et le concept mme

    de la zone euro. Deux dispositions institutionnelles en particulier sont

    ici en question :

    - celles qui interdisent la BCE dacqurir des titres de la dette

    publique, livrant celle-ci aux marchs financiers, qui de ce fait les

    considrent comme leur domaine rserv et leur terrain de

    manuvre privilgi,

    6Cf 20 ans daveuglement. LEurope au bout du gouffre .

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    - celles qui interdisent la solidarit entre pays membres en cas de

    crise grave de lun dentre eux ( no bail out , article 125 du

    Trait de Lisbonne).

    A partir de 2009, les marchs financiers vont comprendre tout le

    bnfice quils peuvent tirer de ces dfaillances dans la constructioninstitutionnelle de la zone euro. Ils vont sengouffrer dans ces failles.

    La Grce sera la premire cible, la premire victime. LIrlande et le

    Portugal suivront. Dautres pays (lEspagne en particulier) sont en

    liste dattente7.

    Aprs Lehman Brothers: lentre de la Grce en crise

    aige

    Aprs Lehman Brothers et le tarissement des liquidits au niveaumondial, les vnements sacclrent. A Athnes, la criseest dabord

    politique. Le 3 septembre 2009, Costas Caramanlis, alors chef du

    gouvernement, appelle lorganisation dlections lgislatives

    anticipes. La perspective de temps difficiles en raison de la crise

    le pousse solliciter un mandat clair pour prendre des mesures

    difficiles. Manifestement, les Grecs ne sont gure disposs lui

    accorder le mandat demand. Le 4 octobre, la droite est lourdement

    sanctionne, et le PASOK obtient la majorit absolue en siges au

    Parlement. Le nouveau chef du gouvernement social-dmocrate,

    George Papandrou, prend les rnes du pouvoir alors que tous lesindicateurs conomiques sont au rouge. Et trs vite, la relance de

    type keynsien et le dveloppement vert promis lors de la

    campagne vont laisser place une cure daustrit sans prcdent.

    Le nouveau gouvernement, comme cest souvent le cas, entend faire

    porter la responsabilit de la situation au gouvernement prcdent. Il

    fait procder une nouvelle valuation de la dette. Le rsultat est

    brutal. Le dficit budgtaire est rvis une premire fois nettement

    la hausse, pour tre fix 12,7% du PIB en 2009, contre 3,7% prvu

    dans le budget 2009, et au moins deux fois plus que ce qui tait

    annonc par le gouvernement prcdent en septembre. La dette

    publique est value 113,4% du PIB, soit 300 milliards deuros,

    pour la fin de lanne et 120,8% en 2010. Le 11 novembre, la

    Commission europenne qui en fvrier avait dj enclench une

    procdure pour dficit excessif sapprte passer la phase

    suivante : la mise en place de sanctions8.La Grce inquite

    7 A lheure o ces lignes sont crites, mi-juillet 2011, deux nouveaux pays sont

    soumis des attaques spculatives des marchs : lItalie, et la Belgique.8

    Le drapage des comptes publics grecs inquite les investisseursinternationaux (26/11/09), Le Monde.

    http://www.amb-grece.fr/articles_presse/2009/le_monde_26_11_09.htmhttp://www.amb-grece.fr/articles_presse/2009/le_monde_26_11_09.htm
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    Dans ce contexte trs dgrad, en dcembre les agences de

    notation, poissons pilotes des marchs lancent les hostilits.

    Standard & Poors (S&P) dabord, Fitch dans la foule abaissent

    brutalement les notes de la dette grecque9. La bourse dAthnes

    chute. Les taux exigs pour lachat des titres grecs explosent10. La

    Commission salarme et appelle Athnes agir.

    Le lundi 14 dcembre, George Papandrou prsente dans les

    grandes lignes les mesures quil est dcid engager pour redresser

    la situation. Finies les promesses lectorales et les annonces de

    politique sociale avance et de croissance verte. Il proclame : Soit

    nous changeons soit nous coulons () Nous devrons tous perdre de

    notre confort . Au grand dam du premier ministre grec qui esprait

    un peu de rpit, sa dclaration se traduit par une nouvelle offensive

    des agences de notation11. Consquence immdiate, les taux

    dintrt pour les nouveaux emprunts que doit souscrire le pays serenchrissent encore davantage. Les marchs, que le plan

    daustrit de Papandrou voulait rassurer, se saisissent de

    loccasion. Ils en veulent plus. Plus daustrit, plus dimpts, moins

    de dpenses sociales, plus de sacrifices du peuple grec, afin de

    sassurer queux-mmes soient pays rubis sur longle. Et la politique

    de la BCE tant ce quelle est, il ny a aucun autre recours que de

    satisfaire les marchs 12. Faute de BCE, il faut donc se payer sur

    la bte. Et la bte en loccurrence cest le peuple grec. Le 23

    dcembre, le Parlement vote un budget 2010 de crise destin

    rduire le dficit13. Celui-ci sera suivi par un programmedassainissement des finances publiques portant sur trois annes.

    Objectif : ramener le dficit public dans les limites du Pacte de

    stabilit lhorizon 2012. Une cure de cheval.

    9Le 7, S&P met la dette grecque sous surveillance ngative. Le lendemain, Fitch

    dcide quant elle de dgrader sa note souveraine de A- BBB+ avec uneperspective ngative en raison de fortes inquitudes sur les finances publiquesdu pays et dincertitudes sur la reprise conomique. Les investisseurs ragissent

    mal.10Comme nous allons le prciser dans un instant, la spculation sur les CDS,

    permettant aux dtenteurs de ces titres de ramasser de fortes mises, nest pastrangre ces hausses brutales.11

    Le 16 dcembre S&P abaisse sa note de A- BBB+, sa concurrente Moodyslimite le 22 (de A1 A2).12

    Puisque le refinancement de la dette auprs de la BCE devient pratiquementimpossible. Il faut en effet rappeler que la BCE fixe une note de crdit minimale pouraccepter comme collatrale une dette dans le cadre de ses oprations derefinancement. Les nouvelles notes attribues par les agences de notation excluentde fait le recours au refinancement par la BCE. Car en fixant un seuil minimal lligibilit des titres, de facto les titres grecs risquent un moment dtre exclus desoprations de refinancement de la banque francfortoise. Comme nous verrons, laBCE suspendra ce critre dbut mai 2010.13

    Le budget prvoit la baisse dau moins 10% des salaires des dirigeants desentreprises publiques, le prlvement dun impt exceptionnel sur les grands profitset les grandes fortunes, une hausse des taxes sur le tabac et lalcool, lerenforcement de la lutte contre la fraude fiscale et la rduction du budget de la

    dfense.

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    Les tergiversations de lUE

    LUE, profondment divise, au lieu dteindre le feu, joue les

    Cassandre. Des voix autorises en Allemagne se font lourdement

    entendre. Pour indiquer (no bail out clause lappui) que la Grcedoit faire face seule. Que la solidarit ne saurait jouer. Des dputs

    allemands du parti dAngela Merkel suggrent une solution : les

    Grecs nont qu vendre leurs les !... (On imagine aisment que les

    banques - dAllemagne ou dailleurs - lies au tourisme se porteraient

    acqureurs). De fait, en coulisses les ngociateurs sagitent. On sait

    bien dans les hautes sphres de lUE, quune faillite grecque serait

    catastrophique pour la zone euro dans son ensemble, et trs

    dsastreux pour les banques europennes (notamment allemandes

    et franaises) qui sont les principales crditrices et dtentrices de sa

    dette souveraine. Les Etats- Unis sen mlent et poussent ce quunplan daide soit mis en place. Obama envoie des messages

    pressants. En effet : les fonds de pensions tats-uniens sont de gros

    dtenteurs de titres de la dette grecque (le chiffre de 15 milliards

    deuros circule en sous-main). Outre-Atlantique on ne peut imaginer

    un dfaut sur ces titres, qui dtriorerait encore davantage lactif des

    fonds de pensions dj fortement dgrad par la crise financire de

    2007-2009.

    Tout se passe cependant du ct de lUE comme si, avant dagir, ilfallait au maximum faire monter la pression et la menace. Obtenir tout

    ce qui pouvait ltre et au-del de laustrit impose au peuple

    grec.

    Cette stratgie fonctionne assez bien. Prsente la mi-janvier 2010,

    une premire mouture du plan chafaud par le gouvernement

    Papandreou prvoit un accroissement des recettes - travers des

    hausses dimpts - denviron 7 milliards deuros et une contraction

    des dpenses de 3,6 milliards14. Le 2 fvrier, la Commission rend un

    jugement favorable, mais conditionnel. La Grce a adopt unprogramme ambitieux mais ralisable que nous soutenons. Mais si

    ses objectifs semblent menacs, elle devra prendre immdiatement

    des mesures supplmentaires. Pour appuyer ses efforts, nous allons

    mettre en place, pour la premire fois, un systme de surveillance

    intense et quasi permanent , explique alors Joaquin Almunia

    (Commissaire europen la concurrence). Le gouvernement

    Papandrou devra prsenter la mi-mars, la mi-mai, puis chaque

    14Les mesures, pour certaines dj prsentes dans le budget 2010, comprennent le

    renforcement de la lutte contre lvasion fiscale, labolition des privilges fiscaux, unetaxe exceptionnelle sur les grandes fortunes et des privatisations. Ct dpenses,les primes des fonctionnaires seront rduites, les CDD non renouvels, les hautssalaires bloqus, les dpenses des hpitaux et de larme diminues. La vente debiens publics est prvue.

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    trimestre un rapport, dtaillant chaque fois le chemin parcouru.

    Pour manifester que le message est bien reu, les autorits

    hellniques annoncent la veille de lexamen par la Commission des

    mesures supplmentaires qui viennent sajouter au plan prsent mi-

    janvier15.

    La Commission accentue encore la pression pour toujours plus

    dconomies. Dans les mots de Jean-Claude Junker, prsident de

    lEuro group : La Grce doit intensifier ses efforts pour limiter son

    dficit public (). La Grce doit comprendre que les contribuables

    allemands, belges ou luxembourgeois ne sont pas prts faire les

    frais des mauvaises politiques budgtaires grecques . Il aurait d

    ajouter et des prts consentis la Grce par les banques des

    mmes pays , mais de ce commentaire-l, il sest abstenu. Sous la

    pression ainsi exerce par lUE, et en dpit de vives tensions

    sociales, la Grce prsente le 3 mars un troisime train de mesures,pour 4,8 milliards deuros dconomies supplmentaires

    16. Mesures

    bien accueillies par Berlin et Bruxelles .

    25 mars 2010: lentre en lice de la Troka

    Le 25 mars, aprs des semaines de tractations, lUE abat ses cartes.

    Un compromis sur un plan daide est trouv. Mais lUE sentoure

    dune garantie de taille. Cest le FMI, grand ordonnateur des plans

    dajustements travers le monde depuis des dcennies, qui sera auxmanettes, la fois pour prciser le dtail du plan et veiller sa bonne

    excution. On passe ainsi subrepticement dun gouvernement par

    les nombres (lUE se contentait dexercer une surveillance sur le

    respect des critres du Pacte de Stabilit, charge pour les pays dy

    satisfaire), la basse cuisine et au gouvernement par la main visible

    du FMI. Cest la condition impose notamment par lAllemagne,

    comme sil fallait punir le peuple grec.

    Finalement, le 2 mai, les ministres des Finances de lEuro group

    entrinent le mcanisme daide la Grce concoct par la Troka.

    Lconomie hellnique se voit accorder une aide financire de 110

    milliards deuros sur trois ans, en contrepartie dun programme

    daustrit sans prcdent. Les mesures du nouveau plan viennent

    sajouter aux prcdentes (voir section 3 pour les dtails du

    programme)17.

    15Telle lextension du gel des salaires dans toute la fonction publique en 2010, le

    recul de lge lgal de dpart la retraite 63 ans et de nouvelles hausses de taxes.16

    Parmi les nouvelles mesures : le relvement de diverses taxes (TVA, alcools,

    tabac, carburant, produits de luxe), de nouvelles coupes salariales dans la fonctionpublique et le gel des retraites.17

    Dans la foule, lUE opre un tournant majeur de sa doctrine, et cre deux sriesde dispositifs institutionnels nouveaux : le FESF dun ct, le MES de lautre (cf. 20ans daveuglement o ces dispositifs sont prsents).

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    A ce moment on nage en pleine improvisation. Toujours prisonnier de

    sa doctrine de non-solidarit entre pays membres de la zone, il est

    bien pris soin daffirmer que le FESF a une vocation temporaire. Sa

    suppression est prvue pour la fin de 2013, avec lextinction

    annonce du prt La Grce. Le dispositif est donc conu comme adhocet temporaire. Sil faut rassurer les marchs il faut aussi ne

    surtout pas laisser penser aux Etats de la zone euro que cest un

    principe durable de solidarit qui sinstalle avec ces institutions

    nouvelles.

    Dans la foule, la BCE, soucieuse de garantir lintrt des banques et

    de la finance prend une dcision historique. Elle annonce quelle lve

    toute condition relative la notation de crdit pour les titres grecs

    quelle accepte comme collatraux pour refinancement. Dit

    autrement, la BCE incite les investisseurs financiers acqurir de ladette grecque, puisquelle sengage laccepter en contrepartie

    dargent frais. Cette mesure, une premire dans lhistoire de la BCE,

    sera maintenue jusqu nouvel ordre .

    3. La dette souveraine : de quoi parle-t-on ?

    Avant de poursuivre, sans doute convient-il de sarrter quelques

    instants sur les origines et la composition de la dette grecque. Ainsi

    que sur les motifs qui expliquent que la crise ait pris un tour si aigu.

    Origines de la dette

    Sur la dette grecque, on na jamais entendu quun seul discours.

    Celui des cranciers qui soudainement, aprs avoir prt pendant

    des dcennies et souvent des taux trs bas (proches des taux

    allemands sur la priode 2001 2008), ont vilipend les pouvoirs

    publics, les accusant de tous les maux. Si, incontestablement, les

    finances publiques grecques ncessitent une trs srieuse mise jour, tout ne tient pas lincurie des pouvoirs publics. Les origines et

    les causes de la monte de lendettement public sont multiples et

    bien plus complexes que ce qui est prsent dordinaire.

    Une premire cause du dficit public tient la nature du systme

    fiscal qui prvaut en Grce. Dans ce pays, le dficit budgtaire a en

    permanence dpass les critres de Maastricht, et ce malgr un taux

    de croissance du PIB trs dynamique pendant de longues annes.

    Avec une administration fiscale peu organise, disposant de peu de

    moyens, mine par le clientlisme et la corruption, la sous-

    dclaration gnralise des revenus des fins de fraude fiscale est

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    systmatique18. Les niches fiscales favorisant les hauts revenus

    sont lgion et lassiette de limpt est trs troite19. Elle lest dautant

    quune composant importante de lconomie - estime 25% du PIB

    par Schneider (2009) - relve de lconomie informelle (contre une

    moyenne de 14% dans la zone euro).

    Il en rsulte que le manque gagner fiscal atteint des sommets : les

    revenus des impts ont reprsent en moyenne 31,9% du PIB sur la

    priode 1995-2005, soit un niveau infrieur denviron 8,5 points la

    moyenne dans les pays de lUE15 (Honjo et Chua, 2008). En Grce,

    comme dans de nombreux pays de la zone euro, le dficit est moins

    d limpcuniosit de lEtat qu une insuffisance des recettes. Et

    cette caractristique se rpte sur les autres composantes du

    systme fiscal (taxes indirectes en particulier). Cest ainsi que peu

    avant le dclenchement de la crise (2007), les recettes totales des

    administrations publiques slevaient 39,8% du PIB contre 46,2%pour les dpenses totales (OCDE, 2009). En Grce la comptition

    fiscale par le bas installe par le Trait de Maastricht a donc fait

    merveille. La Grce est championne ce palmars-l !

    Du ct des dpenses, outre des excs manifestes lis aux pratiques

    clientlistes des gouvernements qui se sont succd, le conflit avec

    la Turquie (occupation dune partie de Chypre) a conduit des

    dpenses darmement extrmement leves en pourcentage du

    PIB20. A quoi il faut ajouter un dficit important hrit des Jeux

    Olympiques de 2004, jamais pong et report de budget en budget.

    Plus fondamentalement, comme on la rappel plus haut, le souci de

    maintenir une croissance leve (dans le cadre du rattrapage

    gnral engag par la Grce avec son entre dans la CEE) a but

    sur la hausse de leuro, dont lapprciation a pnalis la faible

    18Flevotomou et Matsaganis (2007) estiment 10 % la sous-dclaration des

    revenus des fins de fraude fiscale, ce qui se traduit par un manque gagner de

    recettes fiscales de 26%.19La constitution accorde notamment aux armateurs une immunit fiscale, justifie

    comme une incitation retenir leur activit en Grce. Concrtement, le fisc ne peuttout simplement pas vrifier leurs comptes. De facto, les armateurs jouissent dunstatut dextraterritorialit. La trs riche Eglise orthodoxe, le plus gros propritairefoncier du pays et dont les prtres ont le statut de fonctionnaires, a galementchapp pendant longtemps limpt. Depuis mai 2010, elle voit ses revenusimposs. Voir le blog de J. Quatremer, correspondant pour Libration Bruxelles.http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.html20

    La Grce est la nation dont le ratio dpenses militaires / PIB est le plus levdEurope, (3,3% en 2007). De 1988 2008, la moyenne grecque aura t de 4% duPIB, contre 3,4 pour la Turquie ou 2,9 pour la France ou la Grande-Bretagne (Hebert,2010). Selon le rapport 2010 du SIPRI, sur la priode 2005-2009, la Grce figure

    parmi les 5 plus importants acheteurs darmes conventionnelles au monde. Et fautedindustrie nationale, la Grce doit importer la quasi-totalit de son armement. Augrand bnfice de ses partenaires europens. Aussi, entre 2005 et 2009, elle areprsent le 2

    memarch dexportations darmement de lAllemagne, le 3

    mepour la

    France.

    http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.html
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    conomie grecque. Avec un taux de change formidablement

    survalu compte tenu des caractristiques de son appareil productif,

    et prive de la possibilit de soutenir sa capacit exporter en

    maniant sa politique montaire et de change, lindustrie grecque a

    subi de plein fouet la concurrence internationale, comme en tmoigne

    le recul de lemploi manufactur (graphique 6), mais aussi plus

    directement encore le dsquilibre sans cesse plus grand dune

    balance commerciale structurellement dficitaire (graphique 7)21.

    Pour toutes ces raisons, au fil du temps, mcaniquement, le

    dsquilibre entre recettes et dpenses publiques sest traduit par un

    creusement du dficit du solde primaire dont leffet ngatif sur le

    dficit budgtaire est amplifi par la charge de la dette qui elle-mme

    na cess de crotre (graphique 8). Si lon ajoute cela quen Grce

    comme ailleurs la crise financire de 2007-2009 a eu un puissant

    effet acclrateur sur tous les dsquilibres que nous venonsdindiquer, on comprend que lopration vrit de 2009 ait sonn

    lheure dun rveil brutal.

    Le rle aggravant de la spculation

    Sur la base de cette situation structurellement dgrade, la

    spculation - rendue possible par les nouveaux instruments dont la

    drglementation financire a favoris lexpansion - a jou un rle

    profondment dstabilisateur et aggravant.

    Dans cette affaire, comme pour la crise des subprimes, les CDS

    ( credit default swap ) sont en premire ligne. Pour comprendre ce

    qui sest pass en Grce il faut rappeler quun CDS peut tre

    compar une assurance souscrite par un crancier, dtenteur

    dun titre de crance pour se couvrir du risque de dfaut dun

    emprunteur. Le vendeur de la protection (qui est suppos

    assumer le risque en cas de dfaut) peroit en change du service

    offert une prime chance fixe paye par le dtenteur du titre qui

    cherche se couvrir contre le risque en achetant une protection.

    Cette prime est suppose assurer la contrepartie du remboursement

    des pertes si un vnement de crdit fix dans le contrat se produit.

    Le niveau de la prime de risque, qui se ngocie sur le march, est

    peru comme une indication de la qualit de crdit de lactif de

    21Un point positif de lvolution du commerce extrieur grec est constitu par le trs

    fort dynamisme de ses exportations vers les pays dEurope orien tale, notammentlAlbanie, la Bulgarie, la Macdoine, la Roumanie, auxquels ajouter la Russie et laTurquie (Honjo et Chua, 2008).

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    rfrence22. Plus la prime dun CDS est leve, plus lactif sous-

    jacent (dans notre cas un bon du trsor grec) est peru comme

    risqu. De mme, quand la situation dun emprunteur se dtriore,

    notamment lorsque sa note est dgrade, la prime verser pour une

    nouvelle opration de protection augmente. Les primes fluctuent

    donc en fonction de lvolution de la perception qua le march de la

    qualit de crdit de lactif considr. Evidemment, il existe un march

    des CDS non rgul et totalement opaque, sur lesquels les CDS

    schangent dans des contrats de gr gr.

    Dans le cas qui nous occupe, il suffit donc que le risque attach

    aux titres de la dette publique grecque augmente pour que la prime

    de risque revendique par les vendeurs de protection augmente.

    Leur intrt est donc que ce risque peru soit le plus lev possible.

    De surcrot les CDS sont des produits autonomes : les investisseurs

    peuvent librement acheter et vendre des CDS nus sur desobligations (des titres de dette) quils ne dtiennent pas. De ce fait,

    les spculateurs peuvent jouer sur le dfaut dun Etat vis--vis duquel

    ils ne sont pas exposs23. Et ils peuvent le faire en utilisant des

    procds trs puissants, avec des sommes trs rduites24. Cest

    comme si quelqu'un prenait une assurance-incendie sur la maison de

    son voisin. Il aurait alors tout intrt y mettre le feu pour toucher

    lassurance rsume Papandrou. Et cest bien sr ce qui advint. La

    spculation sur la dette grecque (relaye par et appuye sur les

    notes toujours plus dgrades des agences de notation25) a battu son

    plein. Les dtenteurs de CDS ont ainsi vu les primes qui leur sontalloues monter en flche, et ce risque pratiquement nul26. Le plus

    piquant de lhistoire est que tout indique quun des principaux

    spculateurs ayant provoqu la hausse des taux dintrt sur la dette

    grecque (et donc sur les primes verses au titre des CDS) est : la

    Banque amricaine Goldman Sachs, celle-l mme qui ayant

    prpar les comptes grecs pour lUE savait fort bien et longtemps

    lavance quil y avait quelque chose et beaucoup dargent - faire

    sur les CDS !...

    22

    Pour simplifier, la prime est gale la diffrence entre le taux dintrt delobligation vendue par le pays et le taux dune obligation rpute non risque (leBund allemand).23

    Cette pratique est lobjet de vives critiques, jusques et y compris de la part dediffrents groupes au Parlement Europen. Mais pour lheure, la Commissionsoppose son interdictionhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdf24

    La mthode principale consiste procder des achats ou ventes dcouvert en spculant sur la hausse (ou la baisse) future ( terme) dun titre quelconque. Pource faire ils peuvent spculer sur des masses trs importantes en nengageant quunepartie trs rduite de cash.25

    Une sorte de bulle se cre : en effet pour les agences de notation les primesverses sur les CDS reprsentent une valuation objective de la qualit de

    remboursement dun Etat. En augmentant elles conduisent les agences dgraderles notes de la dette publique. Celle-ci dgrade, les primes demandes sur les CDSaugmentent, et le jeu spculatif se dveloppe.26

    Il faut en effet rappeler, quen cas de dfaut, les assureurs sont les premiers faire faillite. La crise de 2007-2009 est venue rappeler cette vrit.

    http://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdf
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    4. Le plan de la Troka, sa philosophie et sesgrandes orientations

    Cest finalement le 2 Mai 2010 que les ministres des Finances de la

    zone euro entrinent lactivation du plan daide la Grce27. Le

    lendemain est sign le Mmorandum daccord qui quelques jours

    plus tard sera approuv par le Parlement. Ds aujourdhui, nous

    nous mettons au travail pour accomplir un miracle grec demain

    dclare alors Papandrou.

    La philosophie du plan

    Il serait fastidieux dnoncer une une lensemble des mesures et

    des rformes que la Grce sest engage mettre en uvre. Il nousparat plus opportun et judicieux dinsister sur les principes et la

    philosophie qui les inspire. Comme le plan grec est le premier de

    cette espce et quil inaugure une srie de plans analogues il vaut de

    sy arrter un instant. Quintroduit donc de nouveau ce plan suscit

    par la crise des dettes souveraines, et qui servira de modle

    ceux qui suivront ?

    1) Premier trait saillant, lUE pas plus que le FMI, ne sen prend aux

    conditions permissives et aux facteurs lorigine des crisessouveraines. Lexplosion de la dette souveraine est envisage

    comme un problme de finances publiques, quil faut traiter

    comme tel, en rduisant les actions ce primtre : abaisser la

    dpense, augmenter les recettes

    2) Dans les dispositifs mis en uvre, on assiste une vraie

    rvolution. Par rapport aux instruments de contrle qui prvalaient

    jusque-l (la mise en uvre des PDE drivs du Pacte de

    Stabilit et de Croissance), la rupture est complte. Elle porte sur

    deux points.

    - Cest la fin du soft control . Au gouvernement par les

    nombres , distance et abstrait est substitue lentre brutale

    de la main visible des experts , bureaucrates et contrleurs

    de la Troka. Chaque mesure du plan est prcise, dtaille, son

    timing est fix. Du reporting est organis pour vrifier que

    chaque mesure a bien t mise en place. Laide dbite en

    tranches dpend de la bonne excution des mesures prvues

    dans la tranche prcdente. Le prt est susceptible dtresuspendu si le plan nest pas excut.

    27Le 9 Mai, le conseil dadministration du FMI approuve son tour le plan.

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    - Ce faisant, le choix des mesures susceptibles de permettre le

    retour lquilibre nest plus de la prrogative de lEtat national,

    comme ctait le cas avec les PDE. Les mesures appliquer

    doivent recevoir lassentiment de la Troka. En pratique elles sont

    souvent dfinies et imposes par elle.

    3) Un autre point remarquable est que lUE renonce sa propre

    souverainet dans le traitement de ses difficults internes. En

    salliant au FMI, rig en bailleur de fonds associ, elle donne sur

    le traitement des dficits publics des Etats membres (et donc sur

    la question de la gestion de sa propre monnaie) un pouvoir de

    dcision (et de nuisance, nous y reviendrons28) des acteurs

    externes, en loccurrence un bailleur de fonds multilatral o

    sexerce linfluence puissante des Etats-Unis et dont les

    processus de prise de dcisions se font sur des critres

    financiers, bien loin des considrations et compromis politiquesqui ont toujours caractris lhistoire de la construction de lUE.

    4) Sur les principes qui animent le plan, il sagit dun mtin du

    dogme et des savoir-faire du FMI, expert s-plans

    dajustements sil en est, et de la vision librale de lUE dominante

    et agissante, aujourdhui comme depuis deux dcennies au moins

    Bruxelles. Cest ainsi quon mle et additionne des mesures

    brutales de rduction de la dpense publique, et notamment en

    coupant durement dans les effectifs de la fonction publique et la

    dpense sociale (retraites et sant publique sont lobjet

    dattaques violentes), avec des rformes dites structurelles

    visant installer les logiques et les rgulations de march l o

    elles ne dominaient pas totalement. Contraction de la dpense et

    du domaine public dun ct, durcissement des ajustements de

    march et privatisations de lautre sont les deux sources

    dinspiration du plan. Une sorte de revival en grand du

    Consensus de Washington que daucuns prtendaient

    enterr, et auquel la nouvelle alliance conclue entre lUE et le

    FMI redonne vie et prgnance.

    et son modus operandi: un cocktail explosif de coupes

    dans les dpenses sociales et de hausses dimpts

    28Cest ainsi quen Juin 2011, le FMI sest refus un temps verser sa contribution

    la 5me tranche du prt (soit 3,3 milliards deuros sur les 12 milliards deuros

    programms) prvu dans le Plan de mai 2010, conditionnant ce versement lavalidation par le Parlement grecdun nime plan daustrit. Cette attitude du FMI a

    contribu tendre encore une situation dramatique en faisant planer le risque dundfaut de la Grce, afin dobtenir de ce pays un durcissement sans prcdent delaustrit et un vaste programme de privatisations (voir section 6).

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    En pratique le prt porte sur un montant de 110 milliards deuros

    tal sur trois ans, au taux (trs lev) de 5% en quivalent taux fixe.

    Les Etats de la zone euro contribueront hauteur de 80 milliards,

    sous forme de contrats de prts bilatraux29. Le FMI apporte le solde

    sous la forme dun accord de confirmation, linstrument de prt

    standard de linstitution.

    45 milliards deuros seront dbloqus ds la premire anne : 30

    milliards venant des quinze partenaires de la Grce et quinze

    milliards du FMI (Tableau 1). Les premiers dcaissements

    interviendront avant le 19 mai, date laquelle la Grce est tenue de

    rembourser prs de 9 milliards deuros ses cranciers

    internationaux30. Ainsi la Grce pourra faire face ses chances

    financires et rembourser sa dette arrive maturit sans tre

    contrainte recourir aux marchs qui exigent delle des taux

    prohibitifs.

    En contrepartie, le gouvernement grec engage son pays dans une

    cure daustrit considrable dont lobjectif est de rduire le dficit

    public de 11 points du PIB sur trois ans, soit 30 milliards deuros

    dconomies, pour ramener le dficit public sous le seuil des 3% dici

    la fin 2014. Un objectif de toute vidence totalement non raliste.

    Pour latteindre, des mesures nouvelles sont prises et viennent

    sajouter celles dj annonces par le gouvernement au cours destrois premiers mois de lanne. Les efforts budgtaires se

    concentrent en dbut de priode, principalement en 2010 et 2011

    (tableau 2 pour une synthse chiffre des mesures). Alors que le

    dficit public est estim 13,6% pour 2009, les autorits hellniques

    se fixent comme objectif de le ramener 8,1% lanne suivante

    (graphique 2)31.

    Sur le fond, comme on la indiqu, le plan associe et mle des

    dispositions qui touchent directement la gestion des finances

    publiques avec des mesures consistant en des rformes

    structurelles .

    29La contribution des Etats membres de la zone euro est calcule en fonction de leur

    poids relatif dans le capital de la BCE. Au total, lAllemagne contribuera ainsi

    hauteur de 22,4 milliards deuros (8,4 milliards la premire anne), la France pour18,8 milliards (6,3 milliards) et lItalie pour 14,7 milliards (5,5 milliards). 30

    Au total, 13 dcaissements sont programms entre mai 2010 et juin 2013.31

    Le dficit 2009 sera finalement mesur -15,4% par Eurostat. En 2010, il sera de-10,5%.

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    Mesures visant directement les finances publiques

    a) Les coupes budgtaires sont massives et la fonction publique

    est place en premire ligne. Trois mesures phares doivent tre

    retenues : 1) gel des salaires des fonctionnaires pendant trois ans

    et rduction des effectifs partir de 2012 en supprimant lespostes de contractuels et en respectant la rgle du non-

    remplacement de quatre fonctionnaires sur cinq partant en

    retraite, 2) les 13me et 14me mois sont supprims32, 3) coupes

    drastiques dans les dpenses de fonctionnement et les

    investissements publics, et rduction massive des subventions

    aux entreprises publiques : un moyen prouv pour rendre leur

    privatisation invitable et prcipiter leur venue.

    b) La rforme des retraites visant elle aussi allger

    lengagement public constitue certainement lun des dossiers

    les plus durs quant ses effets sur le peuple grec. Outre la

    suppression des 13me et 14memois de pension, lge de dpart

    la retraite des femmes (alors 60 ans) doit tre align sur celui

    des hommes, 65 ans, dici 2013. Sont galement prvus, et

    la liste est longue : laugmentation de la dure de cotisation de 37

    40 annuits dici 2015, linstauration dun ge minimum de

    dpart la retraite 60 ans, lajustement automatique, tous les

    trois ans, de lge de dpart la retraite en fonction de

    lesprance de vie ( partir de 2020), lextension de la base

    servant au calcul des pensions toute la carrire professionnelle

    (et non plus sur les 5 dernires annes) et la rduction drastique

    des mtiers considrs comme pnibles . Pour limiter les

    dparts anticips la retraite, tout assur partant en retraite

    anticipe doit tre pnalis par une dcote.

    c) La sant publique est un autre domaine privilgi par les

    coupures du plan. Pour rduire le cot de la prise en charge des

    mdicaments, diverses mesures doivent tre prises comme

    inciter la consommation de gnriques, rduire le nombre desmdicaments remboursables et accrotre la participation

    financire des patients. En matire dorganisation, toutes les

    activits lies la sant devront tre regroupes sous lgide du

    mme ministre.

    d) En parallle ces coupures est mise en place une forte hausse

    de la pression fiscale. Les taux de TVA sont relevs (de 21%

    32

    En contrepartie, les agents percevant un salaire infrieur 3 000 euros brutauront une prime annuelle de 1 000 euros. De mme, les 13me

    et 14me

    mois depension pour les retraits du public et du priv seront supprims, soit de facto unebaisse des retraites denviron 15%. Pour les pensions infrieures 2 500 euros, uneprime de 800 euros fera office de compensation.

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    23% pour le principal) et leur assiette est largie. Une srie

    dimpts et de taxes sont augments - sur lalcool, les boissons

    non alcoolises, le tabac, les carburants, les biens de luxe -, de

    mme que limpt sur les hritages et les donations. De nouvelles

    taxes seront galement cres, comme sur les jeux dargent, sur

    les avantages en nature, une taxe verte sur lmission de C02,

    sur les constructions illgales ou encore sur les bnfices des

    entreprises les plus rentables. Dans le mme temps sont mises

    en place une srie de mesures trs prcises pour sassurer dun

    meilleur prlvement de limpt33.

    Rformes structurelles et privatisations

    Pour accompagner ces purges - et ici se lit en toutes lettres la patte

    du FMI dont cest une spcialit avre - est mis en place un vaste

    programme de rformes dites structurelles. Trois grandes rformes

    visent les dpenses publiques, le march du travail et le march des

    biens :

    1. La fonction publique doit tre rvolutionne : rforme de la

    procdure de recrutement. Mise en place dune plateforme

    lectronique denchres et dappels doffres. Publication en ligne

    de toutes les dcisions relatives aux dpenses publiques. Enfin,

    une vaste rforme territoriale ( Callicrats du nom de lun des

    architectes du Parthnon) est annonce. Elle prvoit un nouveaudcoupage administratif du territoire par la suppression des

    dpartements et la fusion des municipalits selon le nombre

    dhabitants, afin de rduire le nombre dlus et le personnel des

    collectivits locales.

    2. Linvitable flexibilisation du march du travail fait lobjet

    dattentions et de mesures spcifiques. Rvision du systme

    des ngociations salariales et contractuelles dans le secteur

    priv, facilitant la mise en place dune rmunration lie la

    performance, instauration daccords territoriaux qui

    permettront de fixer des augmentations de salaires en dessous

    de celui des conventions collectives . La lgislation du travail est

    assouplie en prolongeant un an les priodes dessai pour les

    nouveaux salaris, et en facilitant les licenciements34. La loi devra

    galement permettre la fixation de salaires infrieurs aux minima

    sociaux pour crer des emplois pour les groupes risque (jeunes

    33A titre dillustration, les contribuables seront tenus de fournir avec leur dclaration

    de revenus les reus de TVA pour leurs achats de biens et de services.34En augmentant le seuil minimal pour lactivation des rgles sur les licenciementsgroups et le recours au travail temporaire. Le niveau global des indemnits delicenciement doit tre rduit, de mme que le cot des heures supplmentaires. Lesalaire minimum sera gel pendant trois ans.

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    et chmeurs de longue dure). Et pour lutter contre le travail au

    noir, ladministration devra renforcer les contrles.

    3. Privatisations et libralisation du march des produits. LEtat

    doit soutenir la cration dentreprises et simplifier les procdures

    denregistrement ; transposer dans le droit national la directiveServices (ex-directive Bolkestein). De mme, toute une srie de

    mesures doivent tre prises pour rduire les restrictions juridiques

    et/ou montaires pour exercer des professions rglementes

    (pharmacien, notaire, architecte, professions comptables). Du

    ct des entreprises publiques, lEtat devra rformer les secteurs

    du fret (rail et route) et libraliser celui de lnergie. Les activits

    seront restructures, les effectifs et cots rduits, les rseaux de

    transport rationaliss et les tarifs augmenteront.

    En pratique cependant, le programme de privatisations, prvues en

    quantits limites dans le Mmorandum, va sans cesse gagner en

    ampleur. LEtat grec sera conduit dpasser largement ses

    obligations contractuelles . La vente des biens publics va au cours

    de lexcution du plan apparatre comme lexpdient auquel recourir

    de plus en plus systmatiquement pour combler le manque de

    recettes. Car comme nous le verrons, celles-ci vont se rvler trs

    infrieures ce qui tait programm.

    Enfin dans le cadre dune rforme de la supervision bancaire il estprvu de mettre en place un fonds de stabilit financire,

    indpendant , entirement financ par le gouvernement avec pour

    mission de recapitaliser les banques lorsque les fonds propres feront

    dfaut. Des conomies en tout donc, mais pour les banques de la

    recapitalisation sur fonds publics !

    5. Lexcution du Plan et son chec

    Un an aprs, la trs grande majorit des mesures ou rformes, quisuivant le Mmorandum devaient se mettre en uvre au cours de la

    premire anne, lont bien t.

    Une mise en uvre au pas de charge

    Le Parlement a vot toutes les mesures budgtaires prvues dans le

    Mmorandum : laugmentation des impts indirects (TVA, alcool,

    tabac) et directs (impt exceptionnel sur les entreprises les plus

    profitables, prlvements sur les revenus les plus levs), lacration de nouvelles taxes (sur llectricit pour les mnages, sur les

    biens de luxe), la rduction de la masse salariale dans la fonction

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    publique (gel des salaires et des embauches, suppression de deux

    mois de salaire35,, non renouvellement des dparts (de 4 dparts la

    retraite sur 5), la baisse globale des retraites36.

    De mme en est-il pour les rformes structurelles prvues dans le

    plan. Ainsi de la rforme des retraites publiques et prives, unedes conditions pour le dblocage de la seconde tranche et compose

    en troite collaboration avec le FMI, lUE et la BCE, qui a t adopte

    en juillet (Karamessini, 2010). De mme une premire rforme de la

    sant, dont lobjectif est de maintenir les dpenses publiques de

    sant en de de 6% du PIB, a t vote en fvrier 2011. La liste des

    mdicaments non remboursables a t toffe et la participation

    financire du patient aux frais augmente.

    La rforme de ladministration publique locale et rgionale

    adopte le 27 mai 2010 est en marche. Elle doit conduire la

    rduction du nombre dagents de 25000 personnes ainsi qu la

    baisse des cots de fonctionnement.

    En matire de flexibilisation du march du travail, une premire loi

    a t vote en juillet 2010 instaurant des rmunrations infrieures

    au salaire minimum pour les groupes en difficult. Les minima

    sociaux sont galement gels jusqu lt 2012 et les rgles en

    matire de licenciement assouplies. En dcembre, une seconde loi

    rformant la procdure darbitrage et la mdiation (dans le but defaciliter la mise au chmage) a t vote. Entre autres douceurs

    rserves aux salaris grecs, les entreprises peuvent maintenant

    dnoncer les conventions collectives de branche si elles les estiment

    trop contraignantes. Dans le mme esprit le recours au temps partiel

    est facilit et la priode dessai passe de deux mois un an.

    Le programme de privatisations enfin, est en expansion

    continue. Bien que les privatisations ne fassent pas partie

    explicitement du Mmorandum, le gouvernement annonce en juin

    2010 un vaste programme de privatisations entre 2011 et 2013,

    devant rapporter 7 milliards deuros, dont 1 milliard en 2011. LEtat

    sengage galement vendre ou mettre en concession son parc

    immobilier. La pression exerce par la Troka est intense. En fvrier

    2011, suite leur troisime inspection de contrle du droulement

    des contreparties du plan daide, les experts de la Troka exhortent le

    gouvernement engager une acclration dcisive pour

    augmenter son objectif de privatisation de 7 milliards deuros de

    35Soit une baisse de 12 16 % du traitement annuel des fonctionnaires par

    rduction des primes, y compris celles de Pques, dt et de Nol.36

    Globalement, les pensions ont baiss en moyenne de 9%.

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    recettes dici 2013, 50 milliards lhorizon 2015, 15 milliards

    devant tre engrangs dici la fin 2012.

    Malgr lindignation que suscitent ces demandes le gouvernement

    entrine lannonce de la Troka. Le 15 avril, le premier ministre

    annonce son plan de privatisation. Les cessions devront rapporter autotal entre 12 et 16,5 milliards deuros dici 2013, dont 2 4

    milliards cette anne. A terme, toutes les entreprises publiques

    seront concernes par une privatisation partielle, totale ou une

    rduction de participation : les transports (rail), la banque, les

    infrastructures (autoroutes, ports et aroports), lapprovisionnement

    en eau et lassainissement, lnergie, les tlcommunications, et

    lindustrie du jeu. Enfin, un premier portefeuille de terrains sera

    propos la location des investisseurs trangers : on ne sait si les

    iles revendiques par les dputs du Bundestag font partie du lot.

    Avec le temps, ce programme ne cesse denfler37.

    Pour un rsultat calamiteux: lchec du plan

    Un an aprs sa mise en uvre les rsultats sont spectaculaires. Mais

    il ne sagit pas ncessairement de ceux esprs ou annoncs. Selon

    la Banque centrale de Grce, le pouvoir dachat a recul en moyenne

    de 9%, alors que linflation slve 4%38.

    Consquence, la demande interne est lagonie : la consommation

    des mnages a chut de 4,5% en 2010, alors que linvestissement

    est en chute libre (-16,5% en 2010). Les exportations, malgr la

    baisse des cots salariaux le cot unitaire du travail a recul de

    1,1% en 2010 -, continuent dtre entraves par un euro par trop

    survalu pour lconomie grecque.

    Tous les moteurs de la croissance sont au point mort. Consquence,

    la rcession sest structurellement installe depuis deux ans (-2%en 2009 et -4,5% en 2010). Et les prvisions du FMI pour 2011 ne

    sont gure plus optimistes (-3%). Les entreprises licencient en

    masse, les fermetures dentreprises se multiplient. Il nest donc pas

    surprenant de voir le chmage senvoler prs de 16%. Les jeunes

    plus encore que par le pass sont sacrifis39.

    37Finalement le 29 juin 2011, sous la pression de la Troka, 50 milliards deuros de

    privatisations seront avaliss par le Parlement grec.38

    Il est sans doute utile de rappeler que les retraits et les catgories sociales les

    plus vulnrables, doublement touchs par la baisse nominale de leurs revenus(baisse des salaires et des pensions) et la hausse de la fiscalit, essentiellementindirecte (TVA) sont les premires victimes des plans mis en uvre. 39

    Au premier trimestre 2011, Le taux de chmage s'est lev 15,9%. La tranchedge des 15-29 ans est la plus touche avec un taux de 30,9%.

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    Bref : comme tous ces chiffres en attestent, un an aprs sa mise en

    uvre, lchec du plan est patent. Le Mmorandum en effet

    poursuivait deux objectifs : rduire le dficit public et lendettement, et

    restaurer la crdibilit de la Grce afin de lui permettre de revenir

    sur les marchs ds 2012, pour y emprunter les sommesncessaires au paiement de ses chances.

    Aucun de ces objectifs ne sera atteint. Dune part, la brutalit de la

    rcession fait quen dpit des efforts de ladministration pour

    augmenter les recettes, les revenus fiscaux naugmentent pas

    comme prvu. Consquence, lajustement se fait encore plus sur la

    rduction drastique des dpenses publiques qui multiplie leffet

    rcessif du plan. Dautre part, le plan na aucunement restaur la

    confiance des marchs : les taux 10 ans se maintiennent plus

    de 15%40. Il est donc exclu que la Grce, comme prvu dans le plande la Troka, puisse revenir sur les marchs pour financer la partie de

    sa dette non couverte par le prt de la Troka.

    Aussi un an aprs sa mise en uvre il nest plus question que de la

    ngociation dun nouveau prt, afin de tenter dviter mais le

    pourra-t-on ? une restructuration gnrale de la dette.

    6. Pour Conclure : Aprs lchec, la cacophonie

    du refinancement

    On croyait avoir touch le fond. Mais il nen est rien. Le meilleur ou

    presque est encore venir. Car la discussion autour du 2me

    nouveau plan daide, devenu indispensable, a mis en vidence des

    dissonances majeures au sein de la Troka.

    Les points daccord entre les partenaires de la Troka sont simples

    noncer. Ils sont au nombre de deux :

    - La Grce doit ajouter de laustrit laustrit, en imposant

    des sacrifices son peuple encore plus importants, au risque

    videmment de dpasser toutes les limites et de provoquer une

    explosion sociale.

    - La Grce doit tendre et tendre encore ses privatisations.

    Le domaine public est la variable dajustement de la crise

    financire. Lchec du march se traduit donc par cela : travers

    50 milliards de privatisations supplmentaires, toujours plus de

    march !

    40Au mois de juin 2011, les taux grecs ont atteint des sommets. Le 17 juin, le taux

    10 ans culmine un plus haut historique 18,3%. La veille, le taux 2 ans a untemps excd les 30% ! La tension sur la Grce a galement pouss la hausse lestaux 10 ans du Portugal et de lIrlande plus de 10%.

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    Jusquici les choses sont simples puisquil sagit de dpouiller la

    Grce de ses actifs et ses classes moyennes et pauvres (qui comme

    toujours supportent lessentiel de lajustement), de leurs maigres

    revenus.

    L o les choses se compliquent, cest lorsquil sagit pour les

    partenaires associs dans la Troka de se mettre daccord sur une

    vision du futur : comment sortir du chaos cr par la crise financire ?

    Ici plus que jamais lenjeu est de taille, car la Grce sert de cobaye.

    Ce qui sera dcid fera rfrence pour la gestion des dettes

    souveraines des autres pays de lUE frapps par la crise.

    Deux conceptions sopposent:

    - Emmens par lAllemagne, certains pays membres de lUE sont

    prts participer un nouveau prt une condition majeure :

    procder une restructuration de la dette impliquant les

    cranciers bancaires privs qui devront ainsi tre amens assumer

    une partie du cot du reprofilage.

    En clair la restructuration (rebaptise reprofilage pour ne pas

    appeler les choses par leur nom) porterait sur 3 points : (1) abaisser

    les taux dintrt, (2) allonger la duration des remboursements,

    enfin, mais on hsite davantage, (3) faire assumer par les dtenteurs

    privs de la dette une partie du non-remboursement. Notons que

    lAllemagne - qui dfend ce point de vue - est ici cohrente avec elle-

    mme et la position quelle a prise depuis longtemps

    - Cest ici que la BCE est sortie du bois en refusant la prconisation

    allemande, et en proclamant haut et fort quelle sopposera tout ce

    qui ressemble un vnement de crdit dans la gestion de la

    dette grecque41.

    La BCE se pose en effet en dfenseur intransigeant des cranciers

    en refusant tout ce qui ressemblerait un non-paiement de la dette

    telle quelle est aujourdhui constitue (capital, intrt, chelonnement

    des crances). Rien que a ! La BCE prcise en effet que par

    vnement de crdit elle entend toute modification de la gestion de la

    dette qui entranerait le fait que les dtenteurs de titres de la dette

    grecque pourraient exiger de leurs assureurs lexcution des

    41

    Cette position de la BCE sexplique par plusieurs motifs. Lun dentre eux est quencas de restructuration elle se trouverait elle-mme expose de lourdes pertes, setrouvant elle dpositaire ( travers diffrents protocoles) de plusieurs dizaines demilliards deuros dactifs hellniques (bons de la dette souveraine, ou actifs dposspar les banques grecques pour se refinancer) (Ruparel & Persson, 2011).

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    contrats dassurance. En pratique on retrouve ici les fameux CDS : le

    march des vendeurs et acheteurs de protection . Avec les

    cranciers, ce sont les dtenteurs de CDS que la BCE veut aussi

    protger. Comme pour la crise des subprimes, les assurances sur les

    dfauts de crdit ne valent quautant que lon ny a pas recours Les

    primes empoches par les assureurs (en pratique des banques et

    des fonds de pension) sont ainsi dclares intouchables, puisque en

    cas de crise, tout est fait pour quils nassument pas les risques quils

    sont censs couvrir et pour lesquels ils sont rmunrs.

    Lannonce de la BCE, quaucun vnement de crdit ne peut avoir

    lieu, est si crdible que les agences de notation ont immdiatement

    traduit le message. Lintransigeance de la BCE, et donc les obstacles

    quelle dresse la mise en place du deuxime plan, sest traduite par

    une inquitude supplmentaire des marchs. La note de la dette

    grecque est passe en juin 2011 de B CCC, une chute de 3 crans,la plus basse des notes jamais attribues une dette publique non

    encore en dfaut42.

    Dans ce contexte, a fortement contribu alourdir le climat le refus

    du FMI de verser la cinquime tranche de crdit prvue au titre du

    Plan de 2010, et indispensable au refinancement des crdits venant

    chance en juillet 2011. Une pression gigantesque (orchestre

    mdiatiquement sur le mode de la tragdie venir) a ainsi t

    exerce sur la Grce pour la conduire proposer de nouvelles

    rductions de dpenses. Finalement, le Parlement grec adopte le 29

    juin dune courte majorit un plan supplmentaire daustrit. Trs

    fortement conteste par la rue, ladoption du plan est prsente

    comme condition sine qua non du versement de la cinquime

    tranche.

    La dernire tranche prvue au titre du plan 2010 fut finalement

    dbloque, loignant provisoirement la perspective de dfaut. Mais

    au jour o sont crites ces lignes (mi- juillet 2011), rien nest vraiment

    rgl. LUE, la BCE et le FMI ngocient toujours les termes dun

    deuxime plan dont le montant stablirait autour de 115 milliardsdeuros.

    Les discussions sur ce plan ont t loccasion, jusqu lcurement,

    de ltalement des dissensions entre les partenaires de la Troka, et

    42Une version du compromis qui a circul avec insistance au sein de la Troka

    portait sur ceci : un reprofilage de la dette grecque consisterait demander auxcranciers privs daccepter de refinancer la dette en changeant les bons arrivant chance contre de nouveaux bons chance reporte dans le temps. Mais lencore la BCE a pos ses conditions : cette opration ne pourrait seffectuer que surune base volontaire , - cas qui exclut la mise en action des CDS. A dfaut la BCEuse de menaces : elle naccepterait plus en dpt contre du cash les bons de la dette

    grecque qui lui seraient proposs par leurs dtenteurs. Finalement cette solution nefut pas retenue. De mme une proposition franaise visant impliquer les cranciersprivs sur une base volontaire neut pas lheur de plaire aux agences de notationet fut elle aussi carte.

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    de leur complte absence de vue long terme. Pire encore, la totale

    incapacit de lEurope proposer une solution crdible a conduit

    un redoublement de la spculation financire contre dautres dettes

    souveraines : cest ainsi que les dettes portugaises et espagnoles ont

    vu leurs notes dgrades par les agences de notation avant que

    celles-ci ne sen prennent lItalie, 4imeconomie de la zone euro

    Limbroglio grec sest ainsi mu en imbroglio gnral. Et pour lheure

    en dpit des promesses qui avaient t formules ce pays, le

    nouveau plan daustrit vot ne sest pas traduit par la mise au point

    de la part de la Troka du plan annonc de refinancement. Rendez-

    vous est donn la rentre de septembre pour ce faire, si dici l le

    feu na pas pris, ce qui videmment ne peut nullement tre exclu

    Plan daustrit adopt par le Parlement Grec le 29 juin 2011

    Le nouveau plan, intitul Cadre moyen terme de stratgie

    budgtaire et intgralement dict par la Troka, couvre la priode

    2012-2015. Il reproduit lidentique les mesures du premier plan qui

    a failli.

    De surcrot, dici 2015, 28,4 milliards deuros dconomies

    supplmentaires sont programmes, pour moiti dues des hausses

    dimpts (15 milliards) et pour moiti des rductions des dpenses

    publiques (13,8 milliards). Pour lanne 2011, leffort supplmentaire

    est de 6,4 milliards. Parmi les mesures de recettes votes :

    - Labaissement du seuil minimum dimposition de 12 000

    8 000 euros par an,

    - Linstauration dun impt exceptionnel de solidarit sur les

    revenus suprieurs 12 000 euros annuels (de 1% 5%

    selon leur montant),

    - Cration dune taxe professionnelle de 450 euros en

    moyenne par an pour les professions librales et les auto-

    entrepreneurs,

    - De nouvelles augmentations de la TVA (notamment dans la

    restauration, sur les fleurs et les places de thtre), des taxessur le fuel de chauffage, sur les signes extrieurs de

    richesse

    En matire de rduction des dpenses figurent :

    - Le durcissement des critres pour les allocations sociales (y

    compris lindemnisation du chmage),

    - La rduction de certaines retraites complmentaires,

    - Lassouplissement du statut des fonctionnaires (possibilit de

    licenciement pour certaines catgories) et rductions cibles

    des salaires de la fonction publique,- Durcissement du ratio dun dpart sur 5 la retraite renouvel

    10,

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    - Compression des dpenses exceptionnelles de lEtat, des

    dpenses oprationnelles de larme et des dpenses dans

    le secteur de la sant.

    Les mesures budgtaires sont accompagnes dun vaste plan de

    privatisations concernant leau, le gaz, llectricit, les transports, lesbanques et la poste. Les recettes sont censes rapporter lEtat 50

    milliards deuros sur cinq ans, dont le montant doit tre affect la

    rduction de la dette. Pour loccasion, une agence de privatisation

    est institue dans laquelle des reprsentants de la zone euro et de la

    Commission europenne auront des postes dobservateurs. Le plus

    gros des cessions est prvu dici 2013. LEtat est galement tenu

    de chercher des exploitants privs pour son patrimoine foncier et

    immobilier.

    Sources : Presse franaise.

    Le calvaire endur par la Grce est exemplaire plus dun titre.

    Plusieurs enseignements peuvent en tre tirs.

    1. Dabord sont frappantes limprparation totale des

    autorits de lUE et lampleur des dfaillances dans la

    construction institutionnelle de la zone euro.

    Au moment de la survenue de la crise, avec les premires attaquesspculatives sur les titres grecs, lUE est longtemps reste sans

    rponse. Aggravant par son silenceet pire encore par lexpression

    de dissensions majeures entre certains des acteurs majeurs qui la

    constituentlampleur de la crise.

    Lorsquenfin lUE sest saisie du dossier, ce fut pour raliser que non

    seulement rien ntait prvu pour contrer des attaques spculatives

    contre les titres portant sur une partie de sa monnaie, mais de

    surcrot que le Trait interdisait toute action concerte ( no bail out

    clause). Les pages du Trait peine sches, il fallait en convenir et

    revoir la copie impose aux peuples dEurope, y compris ceux qui,

    comme en France lavaient rejet par rfrendum. Cest aux

    dfenseurs du Trait quil est donc revenu en toute hte de concevoir

    ce fameux plan B , dont durant la campagne rfrendaire on nous

    expliquait quil ny en avait aucun de possible.

    Bien sr on a toujours tort davoir raison trop tt. Mais il ne fallait pas

    tre grand clerc pour pointer les dfaillances multiples d un Trait

    taill sur mesure pour les marchs financiers. Il reste que, comme lacrise le montre, ce nest plus seulement dun plan B que lEurope a

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    besoin, cest de A Z que la conception de la zone euro doit tre

    repense, si du moins lon veut assurersa prennit.

    2. Le plan lui-mme : une stratgie du choc ?

    Il convient dabord de rappeler combien lindigence des principes

    sous-tendant le plan concoct par la Troka est consternante.

    Comme on la rappel, tout est trait comme sil sagissait dun

    problme de finances publiques. Et quil ne sagissait que de faire

    saigner la bte, tout en coupant drastiquement dans les dpenses.

    Aucune leon sur ce que livre la crise grecque sur la manire dont la

    zone euro sest mise dans la main des marchs, na t tire. Pas

    plus dailleurs que nont t tires les leons de lexplosion en vol du

    modle de la finance globale drgule, qui a jet bas lconomie

    mondiale en 2007-2009.

    Au-del, on ne peut qutre frapp par un paradoxe. Alors que la

    crise est dabord et avant tout celle de la finance drgule, que les

    dettes publiques elles-mmes nauraient ni connu cette ampleur, ni

    t attaques comme elles lont t sans la prgnance des marchs

    financiers, le traitement de la crise, non seulement ne revient sur rien

    des causes relles, mais au contraire accrot encore le pouvoir des

    marchs financiers. Cette fois en mettant les finances publiques sous

    leur contrle strict dans le seul but de garantir le paiement des

    cranciers.

    Mais sagit-il vraiment dun paradoxe ? Tout se passe en effet comme

    si les autorits qui nous gouvernent navaient rien appris de la crise.

    Et aprs avoir annonc quelques mesures cosmtiques, elles

    navaient dautre objectif que de reprendre leur course sur le mme

    chemin, comme si rien ne paraissait plus urgent et important que de

    poursuivre la marche en avant de la finance. La mise sous tutelle des

    budgets publics que prvoient les dispositions sur le semestre, le

    Pacte pour leuro - venant complter et encadrer des plans de

    restructuration des budgets et des finances publiques43 - affirme ainsi

    une claire volont de poursuivre dans cette voie mme qui a conduit

    au chaos 2007-200944.

    Last but not least, il est essentiel de rappeler que comme la suite la

    montr, le plan tait non seulement injuste et impraticable, mais aussi

    43Que ces plans soient directement imposs par la main visible de la Troka comme

    en Irlande, en Grce ou au Portugal, ou par les mains invisibles des marchs

    comme dans la plupart des autres pays de la zone euro, qui vivent sous la terreur devoir dgrader la note attribue leurs dettes souveraines par les agences denotation, dont comme chacun le sait, la clairvoyance et lintelligence se sontaffirmes plein pendant toute la priode qui a prcd la venue de la crise44

    Sur ce point voir 20 ans daveuglement

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    et surtout quil tait bti sur une contradiction essentielle : car

    cherchant augmenter le solde budgtaire, il installait la rcession et

    provoquait la chute des recettes fiscales. Comme beaucoup lavait

    alors annonc, il ne pouvait quchouer.

    Le plus stupfiant est que le deuxime plan daide la Grce qui seconcocte aujourdhui poursuit dans cette ligne exacte. Avec en prime,

    travers les privatisations et les plans de rformes structurelles

    qui prennent une ampleur ingale, une forte acclration de la

    marche force vers la libralisation totale de lconomie impose au

    pays. Comme si dlibrment on appliquait l une stratgie du

    choc . Profiter de la crise pour imposer des mesures qui sans elle,

    nauraient jamais pu tre imposes.

    Pourtant chacun le sait, le nouveau plan ne pourra au mieux que

    permettre de gagner du temps. Pour que la Grce puisse faire face

    sa dette (si elle nest pas restructure), des estimations effectues

    rcemment soutiennent quil faut quelle dgage un excdent

    budgtaire primaire de 6% par an pendant de nombreuses

    annes. Mme si ce fardeau est surestim par ces analyses, il se

    prsente, videmment, comme totalement hors de porte. Quon le

    veuille ou non, dautres solutions que celles appliques aujourdhui

    par la Troka doivent tre imagines et mises en uvre.

    Dans cette voie alternative de la restructuration de la dette grecque,faire payer aux banques crditrices prives une partie du fardeau, est

    un moment oblig. Mais cette restructuration elle-mme na de

    chance daboutir que si lUE rsolument scarte de la domination

    quexercent aujourdhui les marchs financiers. Sur ce point nous ne

    pouvons ici que ritrer les analyses et les propositions du Manifeste,

    comme du dernier ouvrage des Economistes Atterrs. Le moins que

    lon puisse dire, est que les volutions actuelles nont pas fait perdre

    de leur pertinence ces propositions.

    Il faudra cependant aller plus loin encore. Car, et ce sera notre

    dernier mot, il faut garder lesprit que la descente aux enfers de la

    Grce reste fondamentalement lie son impossibilit dassumer sa

    position en Europe avec le niveau actuel de leuro. Les asymtries de

    comptitivit ne se sont pas rduites au cours du temps. Avec

    lapprciation de leuro elles se sont au contraire creuses. Si lon

    veut conserver lUE et la zone euro, la mise en place de mcanismes

    visant la rduction de ces asymtries est indispensable. Dune

    manire ou dune autre, il faudra revenir des budgets de type

    fonds structurels permettant aux pays les moins dots de la zone

    de bnficier daides communautaires pour leur permettre dentrer

    dans de nouvelles trajectoires. Les bricolages actuels ne peuvent

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    permettre que de gagner du temps. Si celui-ci nest pas mis profit

    pour concevoir et implmenter un nouveau dpart pour lEurope,

    nen pas douter, rapidement les mmes questions qui se posent

    aujourdhui propos de la Grce resurgiront, ici ou l au sein des

    pays membres de la zone euro, telles quen elles-mmes

    Post Scriptum

    Laccord du 21 Juillet: Un trompe lil qui marqueune nouvelle avance des marchs financiers.

    A lheure de mettre en ligne cette note, laccord du 21 Juillet sur lerefinancement de la dette grecque est la une de la presse. De

    nouveau, et au moins pour la troisime fois (aprs lannonce de lacration du FESF et celle de MES) on entend les hourra deseuropistes. Accord historique ! On vous lavait bien dit: cest aupied du mur quon voit le maon !! etc

    De quoi sagit-il ?

    Lannonce du 21 Juillet qui conclut le sommet consacr la Grce et la zone euro est en effet importante. Il sagit dune nouvelle tapede la crise financire et dun nouvel ensemble de mesures prises parlUE pour tenter dy faire face. Trois remarques sont essentielles

    1. Sur un point cl, la BCE a d manger son chapeau. En dpit deses menaces et dclarations, la dette grecque est restructure. Etprofondment comme on le verra. Il aura donc fallu plusieurs mois etfrler la catastrophe pour que la BCE admette lvidence. La dettegrecque et le rgime qui a t impos ce pays, sont insoutenables.Imperturbable, en dpit de toutes ses dclarations passes, la BCEdclare cependant lissue du sommet que la restructurationannonce ne constituera pas un vnement de crdit ! Et quentout tat de cause, elle se prpare faire face ! On verra plus bas,que la BCE na pas tout perdu dans le nouvel accord, et quelle a sespropres motifs de satisfaction

    2. Le contenu de la restructuration, est moins clair quon ne leprtend. Deux points sont acquis- Un nouveau prt de la Troka la Grce est mis en placeLaide publique se montera 109 milliards deuros (qui viennentsajouter aux 41 milliards deuros prvus au titre de 2010 et nonencore dbloqus). De plus, les taux dintrt sont abaisss (autourde 3,5%) et la maturit des dettes anciennes comme futures estallonge. La dette est restructure mais il ny a pas dabandons decrances.- Il y aura bien participation du secteur priv. Une demandeinsistante de lAllemagne sur laquelle la Troka sest finalement

    aligne.

    Mais sur le contenu de cette participation les choses sont beaucoupmoins claires. Fait hautement significatif, le lobby bancaire (400

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    cranciers reprsents par Baudoin Prot, PDG de BNP Paribas,Joseph Ackerman, prsident de la Deutsche Bank, et un reprsentantde l'Institut de la Finance Internationale) tait prsent Bruxelles et angoci pied pied la participation des banques. Sur tous les pointscelles-ci ont eu gain de cause. Dabord la participation restera volontaire (lide dune taxe sur les banques propose par laFrance a fait long feu). Ensuite le lobby a obtenu que les cranciers

    puissent choisir entre plusieurs solutions : soit en maintenant leursengagements mais en reprenant des titres de mme maturit, soit enrefinanant la Grce avec des titres de maturit plus longue, soitenfin en vendant des obligations grecques avec une dcote. L'Institutde la Finance Internationale (le cur du lobby) a dj indiqu saprfrence : il entend privilgier pour les cranciers bancaires unchange des titres qui viennent chance jusqu' 2020 contre lerachat de nouvelles obligations trente ans condition quellessoient garanties par les titres europens les mieux nots. Comme lenote Martine Orange ceci revient un transfert du risque dusecteur priv vers le public. Car c'est l'Europe qui se porte garante endernier ressort (Mdiapart du 22 juillet)

    3. Enfin, dernire annonce : le FESF est appel voir sescomptences largies. Il serait autoris (tout cela doit valid par lesinstances nationales et communautaires de lUE) :- procder des prts et/ou la recapitalisation de banques ;- racheter de la dette sur le march secondaire, venant icirelayer la BCE qui ce rle tait jusquici rserv. Le FESFconstituerait ainsi un canal supplmentaire permettant aux cranciersprivs de se dfaire de titres de dette publique quils dtiennent

    Ce dernier point est essentiel. Il constitue tout la fois une victoire de

    la BCE qui ne souhaitait plus jouer ce rle et une norme avancepour les marchs financiers, qui en change dune participation volontaire trouvent ici un deuxime canal pour transfrer vers lepublic (le FESF) de la dette prive juge risque.

    Au total, le rsultat est bien que la dette grecque est allge. Pourautant on ne peut considrer que le problme grec est rsolu. Plusque jamais le pays est incit appliquer les multiples plansdaustrit qui lui ont t imposs. Lheure est toujours laustrittant en Grce que partout ailleurs en Europe. Et rien ne garantit dansces conditions que les dettes des pays europens pourront treacquittes. Ce dautant quon a pris soin de dclarer que ce qui a t

    fait pour la Grce, ne le sera ni pour lIrlande, ni pour le Portugal La zone euro est donc toujours en suspens. Du temps a t gagn,les problmes de fond ne sont pas traits.

    Dernire remarque : force est de constater que les dispositionsarrtes au cours du dernier sommet constituent de nouvellesavances pour les marchs financiers : aprs stre assur lecontrle des budgets publics travers le FMI et les plans de laTroka, les voici grce un FESF relook, disposer dun instrumentde dfausse de la dette risque quils dtiennent. Ceci ajout au faitque les nouveaux bons maturit plus longue, ne seront mis (ouchangs contre les bons existant) par les cranciers que sils sont

    garantis sur des obligations AAA, laisse penser que la contribution volontaire du secteur priv a su trouver de bien bellescontreparties !

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    On laura compris, en dpit des cris de victoires claironns departout, on est loin des soluti