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Olive grove with intercropped annuals,

PROJETVIANA

Vulnérabilitésetcapacitésadaptativesde

l’agricultureirriguéeauMaghreb

NOTEMÉTHODOLOGIQUEQuellespratiquesagroécologiquesinnovantesdansles

plainesirriguéesduMaghreb?

Olivegrovewithannualintercrops,Kairouanplain,Tunisia(photo:O.Grunberger)

L’objectif de cette note est de décrire l’approche utilisée dans le cadre d’un projet de recherche pour faire une première caractérisation et évaluation, à dire d’acteurs et d’experts, de pratiques agricoles alternatives à potentiel agroécologique. Cette méthode a été utilisée dans des contextes diversifiés d’agriculture irriguée au Maghreb, sur des terrains de prime abord peu connus des chercheurs. L’on cherchait à co-identifier avec les agriculteurs, via des entretiens semi-directifs et des observations sur le terrain, des pratiques adoptées par les agriculteurs qui pourraient

avoir un intérêt agroécologique (soit parce qu’elles constituent des pratiques diminuant l’utilisation d’intrants chimiques, soit parce que ces pratiques ont été qualifiées d’agroécologiques dans d’autres contextes). La richesse de l’approche est d’avoir allié discussions avec des experts et des agriculteurs, avec des observations sur le terrain pour l’identification de pratiques, puis des ateliers participatifs pour l’évaluation de ces pratiques avec des agriculteurs, et ce sur trois sites d’études différents, et dans un temps relativement court.

EDITIONAvril2019

Dr.FatahAMEURCREAD(Algérie)

Dr.CrysteleLEAUTHAUDCIRAD(France)

Pourciter:

Ameur,F.,Leauthaud,C.(2019)Noteméthodologique:QuellespratiquesagroécologiquesinnovantesdanslesplainesirriguéesduMaghreb?(ProjetArimnetVIANA:Vulnérabilitésetcapacitésadaptativesdel’agricultureirriguéeauMaghreb).

Cette note méthodologique est un document de vulgarisation, elle estdestinée à servir d’outil de référence pour des étudiants, chercheurs etpotentiellement des administrateurs. Ils peuvent trouver ici des élémentspourconcevoirdesméthodesd'identificationd'innovations.

Contenu

1.INTRODUCTION.............................................................................................................................1

1.1.CONTEXTE.........................................................................................................................................1

1.2.OBJECTIFS.........................................................................................................................................1

2.DESCRIPTIONDESETAPESDELAMETHODEAPPLIQUEE.................................................................2

2.1.UNEREVUEBIBLIOGRAPHIQUEPOURAPPRIVOISERLESPRATIQUESAGROECOLOGIQUES...................................3

2.2.ENQUETESAVECLESEXPERTSPOURSITUERL’OBJETD’ETUDESURLESTERRITOIRES.........................................4

2.3.ENTRETIENSSEMI-DIRECTIFSAVECLESAGRICULTEURSETOBSERVATIONSDIRECTES.........................................5

2.4.ENQUETESAPPROFONDIESPOURCONTEXTUALISERLESPRATIQUESAPOTENTIELAGROECOLOGIQUE..................6

2.5.DEMARCHESPARTICIPATIVESPOURRESTITUERETCO-EVALUERLESPRATIQUES..............................................72.5.1.Diagnosticparticipatifdel’agricultureirriguéeàtraversl’analyseSWOT...........................................................72.5.2.Discussionetcoévolutiondespratiquesagricolesàpotentielagroécologique...................................................7

3.EXEMPLED’ETUDE.LAPRATIQUEDEL’AGROFORESTERIE,AUSERVICEDEQUELLESLOGIQUES?...8

4.CONCLUSION...............................................................................................................................10

4.REFERENCESBIBLIOGRAPHIQUES................................................................................................11

Figures

Figure1.Etapespouridentifier,contextualiseretco-évaluerlespratiquesàpotentielagroécologique.................2

Figure3:Créationd’unrépertoiredespratiquesagroécologiquespermettantdemieuxgérer.............................4

Tableaux

Tableau1.Systèmesd'agroforesteriedanslestroiszonesd'étude...........................................................................8

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1.Introduction

1.1.Contexte

Dans lespaysdunord,commeceuxdusud, lapérennitédespotentialitésproductivesdansl’agriculture est soumise à diverses menaces produites par des modèles d’agricultureproductivistes,cesmodèlessontdénoncéspourleursatteintesàl’environnement(Dufumier,2010). Au Maghreb par exemple, de fortes pressions sont exercées sur les facteurs deproduction.Desétudesrécentesmontrentquecespressionssontenpartieprovoquéespardespolitiquesagricolespromouvant cesmodèlesagricoles caractériséspar le recoursàdespratiquesintensives.Pourfairefaceauxaléasengendrésparcesmodèles,quiproduisentdesurcroît des externalités négatives, et maintenir leurs activités agricoles, les agriculteurspeuvent développer des stratégies adaptatives et alternatives. En effet, nous constatonsd’ores et déjà l’existence au Maghreb de pratiques agricoles alternatives à potentielagroécologiquequipourraientpermettredediminuerlescoûtsdeproductionenmaintenantdes niveaux de production satisfaisants et en résorbant certaines de ces externalités(pollution,surexploitationdesnappes,diminutiondelabiodiversité,etc.).

Plus globalement, le concept d’agroécologie estmis en avant pour proposer des stratégiesefficaces, sans coûts majeurs, pour à la fois relever les défis auxquels est confrontéel'agriculture et restaurer les fonctions des écosystèmes. Par ailleurs, son caractèrepolysémique fait d’elle une discipline à frontières sensibles aux différentes posturesscientifiques de ceux qui l’adoptent. Dans un champ pluridisciplinaire, la recherchescientifiqueenagroécologieselonAltieri(2018)apourobjectifdefournirdesconnaissancesde base sur la manière d’étudier, de concevoir et de gérer des agroécosystèmes à la foisproductifsetpréservant les ressourcesnaturelles,enmettantenavantdesconceptsetdespratiques qui doivent également être culturellement adaptées, socialement justes etéconomiquement viables. En effet, de nouvelles approches et technologies impliquantl’application de l’agroécologie et des systèmes de connaissances paysannes combinées ontdémontréleurcapacitédanslapréservationdesressourcesnaturelles(Altieri.,2009).

La possible conciliation entre les enjeux environnementaux et socioéconomiques dans descontextes localisésnécessitede renouveleretdediversifier les sourcesdeconnaissancesetlesméthodesd'analyse(Schaller,2013).DanslecontextedesplainesirriguéesduMaghreb,lanotiond’agroécologiefait-ellesensetest-elleapplicable?

1.2.Objectifs

Le projet «Vulnérabilités et capacités adaptatives de l’agriculture irriguée au Maghreb»(VIANA, projet Arimnet Jeune Chercheur, 2018-2021) a comme objet d’étude les pratiquesagricolesalternativesàpotentielagroécologiqueenmilieux irriguésauMaghreb.Enpartantdeshypothèsesd’unefortecapacitéadaptativedesagriculteursdanscesmilieuxdynamiques

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et de la grande diversité des formes de l’agriculture irriguée auMaghreb, les objectifs duprojet sontde repérer, caractériser, contextualiserpuisco-évaluerdespratiquesagricolesàpotentielagroécologiqueadoptéesparlesagriculteurs.LarecherchepostdoctoralemenéeparF.Ameuravaitspécifiquementcommeobjectif,dansunpremiertemps,deco-identifierpuisde co-évaluer ces pratiques, avec les agriculteurs. Cette note méthodologique décrit laréalisationdecetravail.

Cetravailaportésurtroissitesd’étudescontrastésauMaghreb:laplaineduSaissauMaroc,leHaut-ChéliffenAlgérieetlaplainedeKairouanenTunisie,oùl’hétérogénéitédescontexteséconomiquesetlespolitiquespubliquesseprolongentsansdouteparetpourdesconditionsagroenvironnementalesellesaussicontrastées.

2.Descriptiondesétapesdelaméthodeappliquée

Après des lectures bibliographiques permettant de cerner d’une part les concepts del’agroécologieetlespratiquesagroécologiques,etd’autrepartdelessituerdanslesdifférentscontextesdeszonesd’études,uneméthodologiederechercheaétéproposée(Fig.1).

Figure1.Etapespouridentifier,contextualiseretco-évaluerlespratiquesàpotentielagroécologique.

Pratiques agricoles à potentiel

agro-écologique

?

1.Identifier

1.1) Revue de la littérature scientifique sur l’agroécologie, avec un focus sur le

Maghreb

2. Contextualiser

3. Coévaluer

1.2) Entretiens préliminaires avec des experts du sujet ou de la zone d’étude

2.1) Enquêtes approfondies pour replacer les pratiques dans le cadre

théorique : vulnérabilités et capacités adaptatives

3.1) Atelier de diagnostic participatif : Analyse SWOT

1.3) Entretiens semi-directifs avec les agriculteurs et observations directes

3.2) Scorer l’intérêt des agriculteurs aux pratiques

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Pour étudier les pratiques agricoles locales à potentiel agroécologique, un répertoire depratiquesagroécologiquesinforméparunerevuedelittérature(étape1.1)etdesdiscussionsavecdesexperts(étape1.2)ad’abordpermisdepréparerlaphased’enquêtesexploratoiressur leterrain(étape1.3).À l’issuedecettepremièrephased’exploration,etaprèsunemiseen recul et analyse intermédiairedespremières enquêtes et observations, unensembledepratiquesagricolesàpotentielagroécologiqueaétéaffiné.Unedeuxièmephasedeterrainautravers d’enquêtes qualitatives approfondies nous a permis de contextualiser les pratiquesidentifiées(étape2.1).Desateliersaveclesagriculteursontétéréaliséspourétudierl’intérêtdes agriculteurs portés aux pratiques, d’abord par rapport aux caractéristiques de la zone(étape3.1),puisparrapportauxavantagesetinconvénientsdecespratiques(étape3.2).Lafigure1retracelesgrandesétapesmenéesdanscetteétude.

2.1.Unerevuebibliographiquepourapprivoiserlespratiquesagroécologiques

Étape de construction de repères dans le débat scientifique, l’exercice bibliographique estimpératif et cadre tout travail scientifique. Il permet une démystification des concepts, unaccès aux lectures du territoire et une appréhension des spécificités et des problématiquesrécurrentes en lien avec son objet d’étude. Essentiel dans le cadrage théorique initial del’étude,lerecoursàlalittératuredoitcependantêtreunexerciceconstant.

Lalecturebibliographiques’estconcentréeavanttoutsurlesdéfinitionsdel’agroécologie,etde son application dans le contexte maghrébin. La définition que nous prenons pour lespratiquesagroécologiquesest:«agroecologicalpracticesareagriculturalpracticesaimingtoproducesignificantamountsoffood,whichvalorise inthebestwayecologicalprocessesandecosystem services» (Wezel, 2014). Parmi ces pratiques, nous pouvons citer par exemple :l’associationdeplusieursculturessurunemêmeparcelle,l’intégrationdelégumineusesdansles rotations, l’implantationdehaies vivespourprotéger les culturesdes vents et hébergerdesinsectespollinisateurs,lapolyculture-polyélevage,ladiversification,etc.(Wezel,2014).

Cetravailbibliographiqueapermisdemieuxcernerlesintérêtsdecespratiquessurtoutd’unpointdevueenvironnementaletderendrecomptedelacomplexitédel’objetderecherche.Cespratiques,eneffet,peuventavoirdesimpactsintéressantssurl’environnement,maisceladépend du contexte et des indicateurs utilisés. Ainsi, dans notre cas où certaines pratiquessont encore contestablesd’unpoint de vue agroécologique, nouspréféronsutiliser dans cedocument le terme «pratiques alternatives à potentiel agroécologique». Cette revue aégalementpermisdeconstituerunpremierrépertoirenonexhaustifdedifférentespratiquesd’oresetdéjàconnuesetreconnuescommeagroécologiques.Cerépertoiread’abordservidesocle dans les discussions engagées avec les experts, puis dans l’identification de pratiquesalternativesàpotentielagroécologiquesurlesdifférentsterrainsd’étude(Fig.2).

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Figure2:Créationd’unrépertoiredespratiquesagroécologiquespermettantdemieuxgérer...

2.2.Enquêtesaveclesexpertspoursituerl’objetd’étudesurlesterritoires

Danschaquepays (Tunisie,Algérie,Maroc),età l’aided’unguided’entretien,desenquêtesavecdesexpertsontété réaliséesafinde repérerdespremiers agriculteurs àenquêter surleurspratiquesplus«environnementales».Cesexpertsétaientdesenseignants-chercheurs,des étudiants en stage de fin d’études ou des doctorants ayant effectué/effectuant desenquêtessurlesterrainsd’étudesconcernés.L’implicationàcestadedegestionnairesetdereprésentants des agriculteurs aurait été souhaitable. Les discussions avec ces experts ontdébutéparuneprésentationdesobjectifsdenotrerechercheafindemieuxcerneretcadrerlesdiscussionsautourdechaquepratique.Deséchangesontsuivisurdespratiquesexistantesqui leurparaissaient intéressantesd’unpointdevueenvironnemental. Il étaitbienutiledes’aviserdesdifférentspointsdevue -parfoiscontradictoires-développésparcesexpertsdedifférentesdisciplines,carnotrecompréhensiondesdifférentespratiquess’estaméliorée.Eneffet,à lafindecesenquêtes, lerépertoireissudelarevuebibliographiqueaétéaffinéparl’ajout et suppression de quelques pratiques agroécologiques pour mieux contextualiserl’étude. Des contacts des agriculteurs et la géolocalisation de leurs parcelles où ont étéobservées ces pratiques ont servi à la constitution d’une base de données descriptive dequelquespremiersagriculteursàvisiter.Grâceàladoubleanalysedelalittératurescientifiqueetdesdiscussionsdirectes avec les experts, ce travail a permisd’avoir unepremière vision

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d’ensemble des dynamiques agricoles sur les territoires, et de préparer les missions deterrain. Ces enquêtes avec les connaisseurs du terrain ont surtout permis d’anticiper et depréparerdesguidesd’entretiensmieuxajustés.

2.3.Entretienssemi-directifsaveclesagriculteursetobservationsdirectes

Unpremierséjourdetroissemainessurchacundesterrainsaétéeffectuéafinderencontrerlesagriculteursetdeconstruireunréseaudecontactsdanschaquezone.L’importanticiestdebienétablir lepremiercontactpourmettreenplacedesrelationsdurables.Lorsque l’oncommencelesenquêtes,l’onseretrouvesouventàenchaînerlesquestionsrapidement.Lesagriculteurs ont également des questions à poser, car ils souhaitent savoir quels sont nosobjectifs, le cadre de l’étude et les personnes impliquées. La création d’une relation deconfiance entre l’enquêteur et l’enquêté passe par une présentation de notre posture derecherche,dessujetsd’étude,etaussiparunedescriptionbrèveduprojetVIANAetdesesattentes. Nous sommes convaincus que les réponses de l’enquêté ne sont pertinentes quelorsqu’ilestbien informédenos intentions.Cetteétape,parfois longue,permetd’identifierdes agriculteurs potentiellement intéressants en matière d’adoption des pratiquesagroécologiquesetintéresséspardeséchangesfutursavecl’enquêteur.Leurimplicationdanslesréflexionsdevientainsiutileetpertinentepourlesdeuxparties.

Pours’emparerdes,etexercerunregardcritiquesur, les informationscollectées,unevisitedel’exploitationagricolepermetd’observeretd’apprécierlesdifférentespratiquesdiscutées,en mettant parfois en lumière des incohérences entre le dit et l’observé. Cela permetégalementd’observerdenouvellespratiques intéressantesou,àcontrario,despratiquesenrupture avec les principes agroécologiques. En effet, dans certaines situations, l’agriculteurpeutavoirdifférenteslogiquesexpriméesenunensembledepratiquesagricolesopposables(d’un point de vue environnemental). Il est intéressant, pour comprendre les logiquesd’adoption de telle ou telle pratique, de s’informer et de prolonger les questions sur lesraisonsd’unepratiquequenousconsidéronsàprioricommenonagroécologique.

Cette première phase de terrain a permis d’affiner le répertoire de pratiques à potentielagroécologique,mais aussi de caractériser et resituer ces dernièresdans leur contexte, parl’identificationde l’adoptant et de sonexploitation agricole. Les paramètres structurels desexploitations agricoles et leurs modes de fonctionnement servent à la construction d’unetypologied’exploitationsagricolesoud’acteurstoujoursenlienaveclespratiquesalternativesàpotentielagroécologique,toutenmesurantlescorrélationsexistantesentred’unepartlesdifférentstypesd’exploitationsagricolesetd’autrepartcespratiques.

Après la première phase de terrain, une prise de recul permet d’opposer les dires desagriculteursetdeschercheursautraversd’uneanalysecomparativedespointsdevue.L’idéeicin’estpasuneprisedeposition,maisuneconstructiondeslecturescomplémentairespour

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enrichir nos connaissances sur l’état de lieux, tout enmaintenant les pratiques à potentielagroécologiqueaucentredenosanalyses.C’estaussiunmomentpoursaisiretretranscrireles informations, développer des lectures transversales pour se rendre compte d’éventuelsmanques d’informations et donc de poser de nouvelles questions et de formuler deshypothèses.Toutceciaserviàlapréparationdeladeuxièmephasedeterrain.

2.4.Enquêtesapprofondiespourcontextualiserlespratiquesàpotentielagroécologique

Cette phase du travail avait pour objectif de comprendre le contexte d’émergence, lefonctionnement, et les acteurs impliqués dans l’utilisation des pratiques à potentielagroécologiquerepéréesdurant lesphasesantérieures.Celapassepar laconstructiond’unevision plus détaillée sur ce que représentent ces pratiques pour les agriculteurs. Après desdiscussionsplusgénéraleslorsdelapremièrephasedeterrain,cesentretienssesontfocaliséssur l’ensembledespratiquesàpotentielagroécologique repéréesdanschaqueexploitation.Outreunediscussiontechniquesurlefonctionnementdelapratique,lesrèglesd’action-surlesquelles se base l’agriculteur pour entreprendre, concevoir, adopter, transformer ouabandonner des pratiques - ont également été abordées. La description détaillée despratiquesestcomplétéeparunéchangesurleslogiquesanimantlesagriculteursetleréseaud’acteurs impliqués dans l’émergence et le fonctionnement de la pratique. Dans certainesconditions, ilestbienutiledecomprendre l’apparente incohérencequipeutexisterentre laconnaissancedesvertusd’unepratiqueparlesagriculteursetlanon-adoptiondecelle-ci.Eneffet,dans lecasoùunepratiqueréputéeefficaceexiste,maisn’estpeuoupluspratiquée,cette discussion revient à analyser les conditions favorables à l’émergence des pratiques àpotentielagroécologique,maisaussiàanalyserlesraisonsd’uneorientationversl’utilisationde solutions plutôt agrochimiques. Les opportunités – ou lemanque d’opportunité - et lesrisques existants sont deux éléments centraux à prendre en compte dans ce travail decontextualisation.

Afin de mieux comprendre les modes opératoires et combinaisons d’un ensemble depratiques à potentiel agroécologique, unedescriptiondes itinéraires techniques conçus parlesagriculteursaétéfaitepourdesconditionsd’utilisation,maisaussidenonmiseenplacede la pratique discutée. L’établissement d’un itinéraire technique d’une culture donnéepermetdedécomposerlalogiquedegestiondel’exploitationenunensembledelogiquesdegestiondesparcellesetdes facteursdeproduction. Il yacertes,une logiqueselon laquellel’agriculteurfaitledesigndesacampagneagricole,maisladimensionplurielledesalogiquene peut être comprise qu’à travers sa déconstruction dans l’espace (plusieurs parcelles) etdansletemps(comportementmutantenmêmetempsqueledéveloppementdescultures).L’étudedes itinérairestechniquesnousapermisdedécrireendétail lesdimensionsgestiondusol,eau,culture,fertilisation,nuisibles,etc.L’enquêtesurlesitinérairestechniquesétantchronophage,ilaétédécidéd’effectuercetravailseulementsurlesfilièresstratégiques.

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Durant cette deuxième phase d’enquête et d’analyse, les trois dimensions parcelle,exploitationetterritoiresontabordées.Celapermet,dansletravaild’analysedesdonnées,desedemandersilespratiquesàpotentielagroécologiquerepéréesengrandepartieàl’échelledelaparcelleassurentégalementunemeilleuregestiondesressourcesnaturellesàl’échellede l’exploitation, et comment cettedernière sepositionneet s’adapteàunenvironnementextérieur non contrôlable. Durant cette deuxième phase de terrain, les enquêtes ont étéprolongées par l’étude des aléas socioéconomiques dans et par lesquels émergent cespratiques agricoles à potentiel agroécologique, cela avait pour but d’apprécier leur impactdans la gestion des différentes formes de vulnérabilités auxquelles se heurtent lesexploitationsagricoles.

2.5.Démarchesparticipativespourrestitueretco-évaluerlespratiques

Ces moments de discussions collectives sont avant tout des moments de restitution, deconfrontation, de validation et d’amélioration de notre compréhension sur les pratiquesobservéesetenquêtéessurleterrain,c’estaussiunlieuoùlesagriculteursserencontrentetsortent de la posture d’individus pour discuter le commun et pour s’approprier la parolecollective.

2.5.1.Diagnosticparticipatifdel’agricultureirriguéeàtraversl’analyseSWOT

Deuxateliersdanschaquezoned’étudeontétéorganisés,soitchezlesagriculteursoudansdeslieuxderencontrerecommandésparlesagriculteurs(café,locauxd’associations).Dansunpremiertemps,uneanalyseSWOT(forces,faiblesses,opportunitésetmenaces)aétéréaliséesur l’agriculture irriguée du territoire d’étude. L’objectif était double: faire apparaître lesvulnérabilitésde l’agriculture tellesqueperçuespar lesagriculteurs,etengagerunéchangeplusapprofondidansundeuxièmetempssurlespratiques.Aprèsuneexplicationdel’exerciceSWOT, il a été demandé à chaque participant et à tour de rôle de communiquer deux (ouplusieurs) forces, faiblesses, opportunités et menaces. Une fois le poster SWOT réalisé,l’animateur a procédé à la présentationdes résultats.Des discussionsouvertes ont ensuiteétéengagéespourpermettreauxparticipantsdedévelopperdesarguments,etdiscuter lesrésultatsissusdel’analyseSWOT.Àlafindecetteanalyse,lesagriculteursontdenouveauétésollicités pour indiquer quelle force/faiblesse/opportunité/menace leur paraissait la plusimportante. Les critères de choix des agriculteurs n’ont pas été dévoilés au cours duprocessus.

2.5.2.DiscussionetcoévolutiondespratiquesagricolesàpotentielagroécologiqueDansun second temps, une liste depratiques à potentiel agroécologique, identifiées sur lazone où a eu lieu l’atelier, a été exposée et discutée avec les agriculteurs, dans le but deprendreconnaissancecollectivementdesavantagesetinconvénientsdechaquepratique.Ilaété demandé aux participants ayant adopté des nouvelles pratiques à potentiel

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agroécologiquedetémoignerdesdifficultésd’adoption,desvertusconstatées,maisaussidesfacteursdéclenchantsonadoption.Àlafindesdiscussions,chaqueparticipantaétésollicitéde nouveau pour choisir quatre pratiques qui lui semblaient intéressantes en fonctiond’appréciations qui lui sont propres, et non dévoilées au cours de l’exercice. Cela nous apermis de prioriser certaines pratiques sur d’autres en fonction de l’intérêt porté par lesagriculteurs.

3.Exempled’étude.Lapratiquedel’agroforesterie,auservicede

quelleslogiques?

Nousproposonsl’étudedelapratiquedel’agroforesteriecommeexempled’applicationdelaméthodologiedéveloppéeprécédemment.Si la science s’intéresseaux interactionspositivesounégativespour identifierdes systèmesagroforestiers, les agriculteurs enquêtés mettent plutôt en avant les interactions d’ordreéconomique pour définir des parcelles ‘’cocktail’’. Le tableau suivant montre les systèmesidentifiéssurlesdifférentssitesd’étude(Tableau1).Tableau1.Systèmesagroforestiersdanslestroiszonesd'étude

PlainedeMerguellil(Tunisie)

***

PlaineduHautChéliff

(Algérie)*

PlaineduSaiss(Maroc)

*

Oliverâgé****et/ouarbresfruitiers**+:

-Piment + pastèque/melon****-Tomatepure*-Fève*-Céréaleset/oufourrages***

Arbresfruitiers:Abricotier,pommier,grenadier,agrume

Oliver âgé ** et/ouarbresfruitiers*+:

-Pépinièresarbo*-Fève*-Tomate*-Haricot*-Fourrages**

Arbres fruitiers: Poirier,agrume

Oliverâgé*ouarbresfruitiers**+:-Fèves**-Fourrages*-Oignon**-Melon*-Cocktaildecultureslégumières(autoconsommation)Arbresfruitiers:Pêcher-nectarinier,prunier

*Degréderéponsedescombinaisonssurleterritoire,estiméàbased’observationsdirectes

Dans la plaine deMerguellil, l’agroforesterie est un construit historique au carrefour d’unetransition de systèmes de culture en pluvial vers de l’irrigué. En pluvial, l’agriculteur duKairouannais met en place des plantations d’oliviers à faible densité (< 160 arbres.ha_1)permettant à chaque arbre d’avoir un rapport pluie/surface suffisant pour subvenir à sesbesoinseneau.Danscettezoneàfaiblepluviométrie,latransitionversl’irriguétémoignedel’apparitiondel’agroforesterie.

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L’observation du paysage de la plaine du Merguellil montre des parcelles mises enarboriculture et associées à des cultures intercalaires très variées. Les conditionssocioéconomiques caractérisant l’évolution structurelle de la plupart des exploitationsagricoles de type familial ont joué un rôle important dans cette configuration agraire.L’effritement des exploitations par le droit successoral conduisant à des parcelles plusmaigres, et des assises foncières limitées, a fait émerger ces systèmes agroforestiers. Cesdernierspermettentdemaintenirlasolvabilitééconomiquedesexploitationsagricolesquiseretrouvent cantonnées dans de nouvelles conditions de production encore pluscontraignantes.ÀChebika,lesagriculteurslesmieuxnantisontsumitigercescontraintes,parla reconversion progressive vers d’autres systèmes arboricoles, passant de l’agroforesterieversl’associationarboricoledepusfortevaleurajoutée.Bienquecesdeuxsystèmessoientdeconceptionsdifférentes,ilss’affèrentàlamêmelogiquedediversification.Cettedernièrevapermettreauxagriculteursdecontrerlesrisquesdumarchéetderéaliserdeséconomiessurlescoûtsd’intrants.L’aspectcultureljustifieégalementcechoixcultural.Parexemple,lechoixde ne pas sacrifier les vieux oliviers – un des rares éléments traditionnels dans cet espaceagraire soumis à l’ère dumodernisme agricole - est compensé par la mise en culture dessurfacesintercalaires.

DanslaplaineduSaissauMaroc,lerapportàl’agroforesteriechanged’untyped’agriculteursà un autre. Pour un agriculteur ex-attributaire ne pouvant se dissocier de son activitéprincipale antérieure (élevage), l’agroforesterie est essentiellement conçue pour combinerdes oliviers et des cultures fourragères, les deux étant non irrigués (pluviométrie 400-500mm). Le rapport à l’olivier n’est cependant pas commercial, le peud’oliviers en possessionassurelacouverturedebesoinsenl’huileetenolivesdetableâarbipourlafamilleélargie.Lesculturesfourragèresoufève-considéréecommeuneressourcefourragèretrèsappréciéeparlesanimaux-permettentenmêmetempsderenforcerledegréd’autonomiedel’exploitationfamiliale (faibleachatde calories: foin,paille,orge…).Aucontraire, lesnouveauxarrivants,surtout les investisseursvenantdesvilles,achètentdes terresdans laplaineet investissentdans l’arbre fruitier, une spécialisation plus profitable comparée aux culturesmaraîchères.Malgré l’importanceduportefeuille de subventions dédié à l’arboriculture, l’investissementdansl’arbrefruitierrestedispendieux.Commeilfautattendreaumoins3à4anspourentreren pleine production, les investisseurs envisagent durant cette période de faire del’intercalaire pour avoir une rente supplémentaire, sans engager des coûts de productionimportants pour la culture intercalaire. Dans cette situation, les opérations culturales defertilisationetd’irrigationparexemple se rapportent surtoutaux jeunesarbres fruitiersquipeuventensuiteprofiterà laculture intercalaire.ContrairementauxagriculteursduSaiss, laplupartdeceuxdeMerguelliltémoignentdelastratégieopposée:«ons’occupedelacultureintercalaire,etcettedernières’occupedel’olivier».

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En plus des associations de culture lors de lamise en place d’une parcelle arboricole, l’onconstate enAlgériedes stratégiesd’associations avant l’arrachagedes arbres en finde vie.C’est le cas du poirier lorsqu’il devientmoins productif. La fin du cycle d’un arbre coïncideainsi avec lamise en place d’arbres en intercalaire et de cultures intercalaires. Une fois lanouvelle plantation est en pleine production, la culture intercalaire est abandonnée et lesarbres âgés sont arrachés. D’une manière générale, la culture intercalaire est moinsabondante dans le Haut Cheliff que dans les autres zones d’étude, car d’une partl’implantationdensedesarbres fruitiersnepermetpasde fairede l’intercalaire;etd’autrepart, la diversification à l’échelle de l’exploitation agricole estmoindre. Les locataires sontsurtoutmaraîchers, lesnouveaux investisseurs sont arboriculteurs, et les attributairesde laréforme agraire sont de simples rentiers lorsqu’ils cèdent par location saisonnière leursparcelles.Celaconcernemême lesattributairesayanthéritédesparcellesarboricolesetquiprocèdent à la location des arbres à des commerçants attentistes qui vont prendre à leurchargelagestion,delafloraisonjusqu’àlacommercialisationdesproductions.

D’unemanièregénérale,lapratiquedel’agroforesterieestplusimportantedanslaplaineduMerguellil en Tunisie, où il existe une forte pression sur le foncier. C’est le recours à cesystème qui permet à de nombreux agriculteurs de compenser le recul des superficiesdétenues, demaîtriser l’augmentation des coûts de production, d’augmenter la fréquenced’accèsauxmarchésdontlesprixdeventesontvolatilsetdebienmobiliserlamain-d’œuvrefamiliale.

4.Conclusion

Cetravailapermisd’identifierdesinnovationsàpotentielagroécologiqueexistantesdanslesplainesirriguéesduMaghreb,etdecomprendreleslogiquesd’existencedecesinnovations.Ce travail double de description détaillée et de contextualisation des pratiques agricoles àpotentiel agroécologique d’une part, et de construction d’indicateurs de criblage puis desélection,étaitessentielpourlasuitedesactionsduprojetVIANA.Afindeprendreencomptelechoixdesagriculteurs,l’indicateur«intérêtdesagriculteurs»aensuiteétémobilisédanslechoix des pratiques à suivre. Ce critère a été calqué sur un autre critère de faisabilitéscientifique en lien avec les compétences scientifiques internes des différents partenairesscientifiques.Cette méthode pourrait être appliquée à l’analyse d’autres sites d’étude ou d’autresinnovations.

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4.Référencesbibliographiques

Altieri,M.A.(2009).Agroecology,smallfarms,andfoodsovereignty.Monthlyreview,61(3),

102-113.Dufumier,M.(2010,June).Agro-écologieetdéveloppementdurable.InISDA2010(pp.20-p).

Cirad-Inra-SupAgro.Schaller, N. (2013). L’agroécologie: des définitions variées, des principes communs. Centre

d’étudesetdeprospectives,59.Wezel,A.,Casagrande,M.,Celette,F.,Vian,J.F.,Ferrer,A.,&Peigné,J.(2014).Agroecological

practices for sustainable agriculture. A review.Agronomy for sustainabledevelopment,34(1),1-20.