Note Strategique Afrique - Mars 2015

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Description des opportunités de marchés en Afrique

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  • LAFRIQUE EN QUTE DAGILIT STRATGIQUE : TAT DES LIEUX ET SCNARIOSPar Abdelmalek Alaoui Note stratgique-Mars 2015

  • 2 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    DE LAFRO-PESSIMISME LAFRO-OPTIMISME

    Les Etats africains ont tous, quelques exceptions prs, renou avec la croissance

    dans les annes 2000. Or, lon peut dire que lAfrique revient de loin.

    A la courte priode deuphorie des annes post- indpendance (1960-1970), ponctues

    des grands discours volontaristes des pres fondateurs les Nkrumah, Lumumba,

    Senghor, - avaient succd deux dcennies perdues (1980-1990), rythmes

    par les conflits arms, les pandmies et les plans dajustement du FMI. LAfrique, un

    continent sans espoir ? Cest ce que titrait encore The Economist en lan 2000.

    Le retour de la croissance doit bien sr beaucoup lenvole du prix des matires

    premires, stimule par lapptit colossal de la Chine, et les effets dentranement

    que le secteur primaire a eu sur les autres secteurs et sur les pays voisins des pays

    producteurs1. Toutefois, cela nexplique pas tout.

    Sur le plan macroconomique, les Etats africains ont par exemple enregistr des

    progrs importants au cours des quinze dernires annes : rsorption des dficits

    budgtaires, rduction de linflation, redressement des comptes externes et diminution

    du poids de la dette en sont quelques avatars emblmatiques.

    Ces rsultats en matire de gestion macroconomique ont permis au Continent

    dafficher une rsilience remarquable face la pire crise que lconomie mondiale ait

    connue en soixante dix ans.

    Il y a galement eu des progrs rels en matire de gouvernance publique et de

    relations entre lEtat et le secteur priv, comme le souligne un rapport2 publi en

    2012 par la Banque Africaine de Dveloppement (BAD). La plupart des Etats africains

    ont ainsi dans lensemble amlior le fonctionnement de leurs administrations et ont

    assaini lenvironnement des affaires. Ils ont mis en place des guichets uniques

    pour attirer les investisseurs et les entrepreneurs, et le temps ncessaire pour ouvrir

    une entreprise a t divis par deux en moyenne.

    1. En raison de la forte croissance dmographique, la croissance du revenu par habitant est beaucoup moins spectaculaire, autour de 2% par an dans les annes 2000. 2. AfDB, Development Effectiveness Review on Governance, 2012.

  • De lafro-pessimisme lafro-optimisme

    3MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Des success stories existent en la matire, du Ghana lle Maurice en passant

    par le Botswana et le Rwanda. Ce petit pays pauvre et enclav, nich au cur

    de la rgion des Grands Lacs, sest class en 2014 la 41me place au niveau

    mondial dans le classement Doing Business de la Banque Mondiale, passant pour

    la premire fois devant lAfrique du Sud. lchelle de la sous-rgion, le pays fait

    sensiblement mieux que ses voisins knyans (129e), ougandais (132e), burundais

    (140e) et tanzaniens (145e). Cette performance remarquable doit beaucoup aux

    actions volontaristes certains disent autoritaristes- engages par le gouvernement

    rwandais sous limpulsion de son prsident, Paul Kagam, et du Rwanda Development

    Board, lagence gouvernementale charge de coordonner la politique dattraction

    des investissements et de dveloppement des secteurs prioritaires (technologies

    de linformation et tourisme). Sa nouvelle directrice gnrale, Valentine Rugwabiza,

    qui continue doccuper le poste de directrice gnrale adjointe de lOMC, incarne ces

    nouvelles lites africaines la fois globalises et fires de leurs racines.

    Enfin, sur le plan politique, la dmocratie et le multipartisme font dsormais partie

    du logiciel intellectuel des lites africaines que lon disait tribalistes et sectaires.

    Le multipartisme et des lections organises rgulirement sont devenus la norme

    presque partout en Afrique, mme sil faut plus que des lections pour installer une

    culture dmocratique.

    Un nombre croissant de pays a expriment des transitions politiques pacifiques

    la suite de processus lectoraux relativement transparents, comme ce fut le cas au

    Sngal, au Ghana, au Bnin, au Cap Vert, au Botswana, lle Maurice, en Tanzanie

    et en Zambie. Si des caciques qui saccrochent cote que cote au pouvoir, comme

    Robert Mugab au Zimbabwe, existent encore, ils sont devenus de plus en plus rares,

    et de moins en moins frquentables.

    Le Printemps arabe de 2011 a dmontr quil ne pouvait y avoir de stabilit durable en

    labsence de processus de dmocratisation durable, et mme si des crises politiques

    peuvent clater au lendemain dlections contestes, comme cela sest produit en Cte

    dIvoire ou au Kenya, elles finissent par tre matrises. Mme dans une puissance

    rgionale comme le Nigeria, traverse de part en part par des tensions inter-

    ethniques et inter-religieuses importantes qui constituent des forces centrifuges, la

    population dans son immense majorit reste attache lunit du pays. La culture de

    la dmocratie et lidentification un Etat-nation qui transcende les clivages ethniques

    et tribaux senracine donc progressivement sur le Continent.

  • 4 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    Que faut-il alors aux Etats africains pour transformer lessai, et pour acclrer leur

    mergence au niveau individuel et collectif ? On peut se demander en effet comment

    profiter de lembellie conjoncturelle des annes 2000, et de lamlioration de certains

    indicateurs socio-conomiques, sur fond de retour dun certain afro-optimisme,

    partag la fois par les Africains eux-mmes et par beaucoup dobservateurs

    lextrieur du continent africain, pour en faire un vritable tremplin.

    Lenjeu cest de faire des annes 2020-2050 les Trente glorieuses africaines comme

    il y a eu avant cela les Trente glorieuses europennes (19451975), puis les Trente

    glorieuses chinoises (1978-2008).

    UN PANORAMA DES PROBLMATIQUES DE DVELOPPEMENT EN AFRIQUEAvant de prsenter les rsultats densemble de cette dmarche, il est intressant de

    faire un tat des lieux du dveloppement en Afrique partir des indicateurs associs

    aux quatre grands thmes identifis et que nous avons pris soin de collecter et

    danalyser. Lobjectif nest pas ici dentrer dans une analyse dtaille, mais de donner

    quelques repres succincts permettant de mieux comprendre le choix de ces thmes

    et des indicateurs affrents.

    Le dfi dmographique et les villes africaines du futurLAfrique est le dernier continent engag dans la transition dmographique. Cest l

    quon trouve encore, au sud du Sahara, les taux de fertilit les plus levs au monde.

    En raison de la chute spectaculaire de la mortalit qui a eu lieu au cours des cinquante

    dernires annes, lAfrique subsaharienne doit aujourdhui faire face une croissance

    dmographique soutenue. Selon les projections des Nations Unies, la population

    africaine, qui stablit aujourdhui un milliard dhabitants, devrait doubler lhorizon

    2050.

    Cette explosion dmographique constitue une menace srieuse, si la production

    agricole, les infrastructures et les emplois ne montent pas en puissance de manire

    substantielle. Mais elle peut aussi constituer une formidable opportunit si les Etats

    africains arrivent tirer profit du dividende dmographique qui lui sera associ au

    cours des prochaines dcennies. Ce dernier est li la baisse du ratio de dpendance,

    et la croissance plus rapide de la population en ge de travailler par rapport celui

    de la population totale.

  • 5MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    La situation est contraste selon les diffrentes sous-rgions, et parfois selon les

    pays au sein dune mme sous-rgion. LAfrique du Nord par exemple a dj achev

    dans lensemble sa transition dmographique. La population ne crot plus que trs

    faiblement en Algrie, en Tunisie et au Maroc, et elle devrait se stabiliser au cours

    des quinze prochaines annes. LEgypte suit le mme chemin, mais avec un certain

    retard. Le taux de fertilit y a baiss plus tardivement et la population devrait encore

    augmenter de 30% 40% lhorizon 2030, par rapport son niveau actuel. Au sud

    du Sahara, cest lAfrique de lOuest et du Centre qui devra faire face la croissance

    la plus rapide de sa population, et qui reprsentera la sous-rgion africaine la plus

    peuple en 2030. Mais cest lAfrique de lEst qui devrait raliser la perce la plus

    importante en matire de dveloppement conomique et social.

    A cet horizon, un Africain sur deux vivra en ville. Cela reprsentera donc prs dun

    milliard de citadins quil faudra nourrir, loger, approvisionner en nergie, en eau et

    auxquels il sagira dassurer les services dassainissement, et dautres services

    (ducation, transports, loisirs).

    Cela reprsente un dfi colossal lchelle de chaque pays, de chaque sous-rgion

    et lchelle du Continent. Mais cela constitue aussi une formidable opportunit. Les

    tudes montrent en effet que les effets dagglomration lis lurbanisation sont

    systmatiquement associs llvation de la croissance conomique, condition de

    matriser les effets de saturation que cela peut engendrer si lurbanisation nest pas

    matrise.

    Les grandes mgalopoles africaines, de Johannesburg au Caire en passant par Lagos,

    Kinshasa, Nairobi et Casablanca font dailleurs dj face des problmes inextricables

    avec lexplosion de lhabitat insalubre, du trafic automobile et de la pollution. Face ce

    dfi gigantesque, la capacit dadaptation au changement et leffectivit des acteurs du

    dveloppement-Etat, secteur priv, socit civile- trouvent ici tout leur sens.

    nergies et infrastructures : Adam Smith LagosAdam Smith, le fondateur de lconomie classique et le premier thoricien du

    libralisme, est galement le premier penseur affirmer de manire explicite

    limportance des infrastructures pour le dveloppement conomique. Evoquant la

    Chine dans son ouvrage fondamental De la richesse des nations Adam Smith lui

    prdit un avenir brillant sur la base des ralisations des empereurs de la dynastie

    Ming, avec la rparation et lextension de grands canaux reliant les grands fleuves du

  • 6 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    pays, et lamnagement de ces derniers pour la navigation et lirrigation. Depuis lors,

    ce thme des infrastructures sous leurs diffrentes formes (nergie, transports, eau

    et assainissement, tlcommunications) constitue une tte de chapitre rcurrente de

    la littrature sur le dveloppement, et une justification du rle de premier plan que

    lEtat peut et doit jouer dans ce domaine. Or, la situation africaine, cinquante ans aprs

    les indpendances reste cet gard encore proccupante, que ce soit pour laccs

    lnergie ou aux transports.

    Laccs lnergie sous ses diffrentes formes (lectricit pour les usages domestiques

    et industriels, fioul et gaz pour le chauffage, carburant pour les vhicules de transport

    et machines agricoles) est indispensable lactivit humaine et au dveloppement

    conomique et social. LAfrique subsaharienne est cet gard avec lAsie du Sud, lune

    des deux rgions les moins favorises au monde en termes de couverture des besoins en

    nergie. La capacit lectrique installe au Sud du Sahara - hors Afrique du Sud -, pour

    une population de 800 millions dhabitants, ne dpasse en effet pas celle de lEspagne qui

    compte peine 40 millions dhabitants3 .

    Une grande partie de la population africaine utilise encore la biomasse (bois, dchets)

    comme source principale dnergie au quotidien. Paradoxalement, lAfrique dispose

    aussi dun des plus importants rservoirs nergtiques au monde. Cela concerne

    aussi bien les ressources fossiles (ptrole, gaz, charbon), qui sont aujourdhui

    exportes de manire croissante hors du Continent, vers lAsie en premier lieu (Chine,

    Core du Sud, Japon), que les nergies dites renouvelables : hydrolectrique, solaire

    thermique et photovoltaque, olien onshore et offshore, gothermie, etc.

    On pourrait en dire autant pour les infrastructures de transport, indispensables pour

    constituer un march intrieur digne de ce nom, en reliant les villes aux campagnes,

    ainsi que les diffrentes villes entre-elles. A lexception de lAfrique du Sud qui dispose

    dinfrastructures routires de classe mondiale, et, plus rcemment de lAfrique du Nord

    o des avances importantes ont t ralises dans ce domaine dans les annes 2000

    (autoroute Est-Ouest en Algrie, autoroute ctire de Tanger Agadir au Maroc), les

    autres sous-rgions africaines continuent ptir dune faible densit du rseau routier

    et autoroutier. Un Africain sur trois seulement a accs une route pave moins de

    deux kilomtres de son habitation, selon les donnes de la BAD. Et compte tenu de la

    dispersion de la population rurale, il faudrait tripler le rseau routier africain actuel -

    passer de 400000 1,5 million de kilomtres pour doubler le ratio daccessibilit.

    3. World Bank, African Infrastructure: A Time for Transformation, 2010.

  • 7MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    Les ressources budgtaires sont toutefois limites dans la plupart des pays africains,

    et les alas nombreux, la ralisation de grands projets dinfrastructures nergtiques

    et de transports par les autorits publiques ncessitant une vritable matrise de

    bout en bout de toute la chane qui va de ltude de faisabilit, lexploitation et la

    maintenance, en passant par le financement et la construction. Peu dEtats africains

    peuvent aujourdhui se targuer de matriser toute cette chane. La solution alternative

    consiste alors soit, lorsque la situation du pays le permet et que le ROI (Retour sur

    investissement) est suffisamment attractif, raliser ces projets dans le cadre de

    partenariats publics-privs (PPP) - sur le mode BOT (Build Operate Transfer)- en

    y associant les investisseurs privs et les bailleurs de fonds internationaux, soit

    ngocier directement la livraison dinfrastructures cls en main avec des partenaires

    disposant de toutes ces capacits oprationnelles et financires comme la Chine, dans

    le cadre de grands deals infrastructures contre matires premires .

    Du rattrapage la disruption : le dfi du capital humain et de linnovation

    Il y a cinquante ans, lAfrique partait de loin en matire de capital humain. Au lendemain

    des indpendances, le terrain tait quasiment vierge. Les administrations coloniales

    se sont en effet bornes former une petite lite administrative indigne pour les

    seconder dans leurs tches, laissant dans lanalphabtisme la vaste majorit de la

    population autochtone. La situation sanitaire ntait gure plus reluisante, mme si

    quelques progrs ont t enregistrs aprs la seconde guerre mondiale.

    Quen est-il aujourdhui ? Des progrs significatifs ont t raliss en matire

    dducation primaire et de couverture sanitaire. Sur le plan de la sant, dans les

    annes 1980, les Etats africains ont par exemple du faire face la pandmie du

    Sida au pire moment, lorsque les institutions internationales leur demandaient

    de contracter leurs dpenses publiques dans le cadre notamment de divers plan

    dajustements structurels. Il leur a donc fallu faire des efforts considrables en

    matire de prvention et de traitement. Sous limpulsion de lAfrique du Sud, qui a

    pay un lourd tribut ce flau, et avec laide de lInde qui a mis disposition de

    lAfrique ses thrapeutiques anti-VIH un prix abordable, cette pandmie est

    aujourdhui en passe dtre surmonte. Des progrs substantiels ont galement t

    constats dans la lutte contre le paludisme et la tuberculose. Entre 1990 et 2013, le

  • 8 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    taux de mortalit infantile a t rduit de moiti en Afrique. Globalement, la situation

    sest donc nettement amliore. Sur le plan de lducation, le taux de scolarisation

    dans lenseignement primaire est pass de 50% en 1990 78% en 2012.

    Mme sil ne faut pas relcher leffort sur ces indicateurs de base, lenjeu principal

    dans les prochaines dcennies, en matire de capital humain en Afrique, rside dans

    la formation professionnelle et llvation de la productivit du travail, notamment

    travers lutilisation des nouvelles technologies de linformation et de la communication.

    Vaincre la trappe productivit dans laquelle sont enferms bon nombre de pays

    africains ncessitera bien plus quune logique de rattrapage acclr (leapfrogging)

    bas uniquement sur limportation de technologies et de pratiques exognes en

    provenance de rgions technologiquement beaucoup plus avances.

    Des pratiques disruptives et plus adaptes au continent africain, comme linnovation

    frugale par exemple, pourraient transformer la donne de manire plus sre

    (leapfrogging the leapfrog ). A ce propos, la diffusion des technologies de connectivit

    mobile et les usages socio-conomiques nouveaux, parfois inattendus, que cela

    suscite est un phnomne remarquable. LAfrique doit imprativement passer du

    stade de consommateur dinnovations ( innovations taker ) celui de producteur

    dinnovations innovations maker.

    Mobiliser lpargne intrieure au service du dveloppementLa problmatique du financement est centrale pour la croissance et le dveloppement.

    A ce titre, lAfrique est l encore dans une situation paradoxale. Les taux de

    bancarisation conventionnels restent encore faibles si on les compare dautres

    rgions du monde. Un Africain sur cinq seulement, hors Afrique du Nord, a accs un

    compte bancaire conventionnel , ouvert auprs dune agence physique. En mme

    temps, cest en Afrique que les innovations les plus intressantes en matire de banque

    mobile ont merg et se sont diffuses le plus rapidement ces dernires annes. Cest

    le cas du porte-monnaie lectronique M-Pesa lanc au Kenya et en Tanzanie par les

    oprateurs Safaricom et Vodacom en 2007, devenu un vritable service de banque

    mobile (branchless banking service ). Prs de vingt millions de personnes utilisent

    aujourdhui ce service au Kenya o les transactions lectroniques reprsentent 50%

    du PIB du pays.

    Le dveloppement de ce type dinnovations disruptives, et lamlioration de linclusion

    financire par dautres canaux micro-financiers comme le financement participatif

  • Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    9MAZARS NOTE STRATGIQUE

    crowdfunding qui existait dj depuis des sicles sous des formes traditionnelles en

    Afrique de lOuest et du Centre constitue aujourdhui une priorit pour mobiliser le

    vaste gisement dpargne informelle qui existe au sein du Continent. Cest un pralable

    indispensable pour orienter cette pargne vers linvestissement productif et financer

    des projets plus grande chelle, ayant un vritable impact transformationnel sur

    les conomies africaines. Tous les experts saccordent dire que la dpendance de

    lAfrique vis--vis des financements extrieurs (aide internationale, crdits bancaires

    internationaux) nest pas tenable sur le long terme, et les success stories asiatiques du

    dveloppement (Asie de lEst et du Sud-Est) soulignent limportance dune croissance

    finance sur la base dune pargne endogne.

    A cette logique dinclusion financire bottom-up, doit sajouter une logique dintgration

    financire top-down lchelle continentale. Lobjectif est de vaincre la fragmentation

    qui empche une allocation optimale des ressources, notamment pour financer de

    grands projets dinfrastructures transfrontaliers pouvant bnficier plusieurs pays

    africains, ou pour largir le pool de liquidits accessibles et la base dinvestisseurs

    capables de financer des entreprises forte croissance issues de diffrentes sous-

    rgions. Des initiatives se dveloppent aujourdhui dans ce sens, comme celle

    de Casablanca Finance City au Nord du Continent, qui se prsente comme un hub

    et un centre dexpertise financire couvrant toute la rgion de lAfrique du Nord et

    de lOuest, ou celle, lautre extrmit du Continent, de la Bourse de Johannesburg

    (Johannesburg Stock Exchange), qui vise connecter les bourses des quinze pays de

    la Communaut de Dveloppement dAfrique Australe (SADC). Beaucoup dobstacles

    techniques et politiques restent surmonter pour faire de lintgration financire

    africaine une ralit, mais ces initiatives montrent quil y a une prise de conscience de

    la centralit de cet enjeu.

    Des marchs fragments en qute dintgrationAvec 3% des exportations totales ralises dans le monde, la part de lAfrique reste

    faible dans le commerce mondial. Essentiellement caractrise par lexportation de

    matires premires non transformes, cette part a mme rgress tendanciellement

    depuis 1948, lorsquelle reprsentait 8% des exportations mondiales. De plus, tout

    comme pour lintgration financire, lAfrique est en retard en matire dintgration

    commerciale. Une comparaison rapide avec dautres rgions, montre que lAfrique est

    la rgion la moins intgre commercialement dans le monde, avec des exportations

    intracontinentales situes autour de 5% des exportations totales, contre 30% en Asie.

  • 10 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    Un panorama des problmatiques de dveloppement en Afrique

    Cela est encore vrai lorsquon descend au niveau des sous-rgions africaines dont

    les diffrents pays commercent encore trop peu entre eux, avec seulement 5% 10%

    des exportations ralises sur une base intra-rgionale, lexception de lAfrique de

    lEst o ce taux atteint 15%. A titre de comparaison, en Asie de lEst (hors Japon), le

    commerce intra-rgional reprsente 30% du commerce total et il avoisine les 25% en

    Asie du Sud-Est.

    Cette faible intgration est dautant plus prjudiciable que le Continent compte un

    grand nombre de pays enclavs, avec une fragmentation des marchs qui empche la

    ralisation dconomies dchelles substantielles, tant au niveau de la production que de

    la distribution des biens et services. Les diffrents groupements conomiques rgionaux

    constitus progressivement avec le soutien de lOUA et de lUNECA nont pas russi

    dpasser le stade des dclarations dintention en matire dintgration commerciale,

    malgr des programmes ambitieux prvoyant la mise en place successive de zones de

    libre-change, dunions douanires, de marchs communs, et enfin dunions conomiques

    intgres. En Afrique subsaharienne, lintgration commerciale est freine tant par

    les difficults dinterconnexion physiques et rglementaires des diffrents marchs

    nationaux, en labsence dinfrastructures de transport adaptes et de rglementations

    harmonises, que par les mono-spcialisations des diffrentes conomies de la rgion

    dans la production et lexportation de matires premires, lexception de lAfrique du

    Sud dont les exportations incluent galement des biens manufacturs.

    Il existe pourtant des solutions cette situation de fragmentation conomique et

    commerciale, comme la transformation de corridors de transport transfrontaliers

    existants en vritables corridors dactivit conomique. Cette logique dintgration

    par le bas, valorisant les changes existants sur le terrain, pourrait constituer une

    alternative intressante une logique top-down , bureaucratique et dsincarne. Le

    corridor Nord en Afrique de lEst mis en place rcemment entre le Kenya, lOuganda et

    le Rwanda illustre un tel changement de perspective. Dans le cadre de ce programme

    dintgration rgionale, chaque pays a accept de prendre en charge certains projets

    structurants : lducation et la formation professionnelle ainsi que la production et

    la distribution rgionale dlectricit pour le Kenya, les infrastructures intgres de

    tlcommunications pour lOuganda, et enfin lintgration de lespace arien et le

    dveloppement du tourisme rgional pour le Rwanda. Un mlange de pragmatisme

    et dopportunisme adosss une bonne comprhension des avantages comparatifs

    pourrait ainsi amener des rsultats tangibles l o les approches prcdentes,

    calques sur lexprience europenne, ont chou.

  • 11MAZARS NOTE STRATGIQUE

    LA VOIE DU LOPARD : LAGILIT STRATGIQUE AU CUR DU CHANGEMENTLune des critiques rgulirement adresse aux gouvernements africains est le

    manque de vision doubl dune carence structurelle en matire de formulation dune

    vritable stratgie de dveloppement. Les premiers plans de dveloppement labors

    au lendemain des indpendances, quils soient prescriptifs ou indicatifs et centrs sur

    le secteur public, nont pas t reconduits aprs la crise de la dette des annes 1980.

    La planification conomique a t abandonne sous linfluence du tournant nolibral

    pris par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) durant ces annes.

    Les plans dajustement structurel imposs par ces institutions internationales aux

    Etats en faillite se sont rvls tre pire que les maux dont ils souffraient (corruption,

    npotisme, clientlisme). En voulant en finir avec lEtat no-patrimonial, ils ont

    jet le bb avec leau du bain . Au final, cela sest traduit par une vritable perte

    de substance de lEtat et de la capacit du secteur public conduire ses missions

    fondamentales.

    Aprs une longue priode de flottement, on a finalement assist, avec le retour de

    la croissance dans les annes 2000, une rsurgence de plans stratgiques de

    dveloppement, centrs cette fois-ci sur le secteur priv. Ces plans Emergence

    transversaux ou sectoriels, labors par de grands cabinets de conseil internationaux4

    ne sont pas dnus dintrt. Ils ont permis aux nouveaux gouvernements lus de se

    projeter dans lavenir, de dfinir des objectifs ambitieux moyen et long terme, et

    darticuler ces objectifs avec un ensemble de politiques publiques, adosses des

    indicateurs de performance mesurables. Mais dans beaucoup de cas, ces plans, aussi

    sduisants quils soient sur le papier, nont pas t suivis deffets tangibles, faute dune

    relle capacit dexcution. Et peut-tre aussi parce que lenvironnement rgional et

    mondial a chang tellement vite que ces plans, peine conus, sont dj devenus

    caducs.

    4. Nicolas Teisserenc, Emergence : qui conseille les pays africains ?, Jeune Afrique, dition du 10 juin 2014.

  • 12 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    La voie du lopard : l agilit stratgique au coeur du changement

    Dans un article5 qui a fait couler beaucoup dencre, le gourou du management Henri

    Mintzberg distingue la planification et la rflexion stratgique. La premire est

    analytique et rationnelle et peut vite aboutir un schma de reprsentation rigide

    du monde. La seconde est plus synthtique, intuitive et crative. Plutt que de courir

    derrire des plans labors lavance, la solution ne consiste-elle pas plutt

    renforcer les capacits dadaptation au changement ? Ce quon pourrait rsumer par

    cette qualit essentielle du lopard quest lagilit. En un sens, lagilit stratgique nest

    pas une stratgie, elle est une mta-stratgie une voie et une mthode qui peut tre

    mise au service dun leadership et dune vision suffisamment englobante pour susciter

    ladhsion dune nation ou dun groupe de nations -, tout en tant suffisamment souple

    et adaptable. Cela ne signifie pas quil faille abandonner la planification. Mais lavenir

    dune nation est trop important pour le confier des ingnieurs de la croissance

    venus dailleurs, auxquels lon reproche souvent de rester cantonns dans des palaces

    climatiss dans lesquels ils lisent domicile.

    Cette agilit stratgique, ou capacit sadapter au changement, pourrait elle-mme

    tre relie deux caractristiques fondamentales des institutions : linclusion et

    lefficacit. Dans leur livre intitul Pourquoi les Nations chouent6 , lconomiste

    Daron Acemoglu et le politologue John Robinson ont synthtis plus de vingt ans de

    recherche acadmique sur cette question. Pour ces chercheurs, cest le caractre

    inclusif des institutions conomiques et politiques dun pays qui dtermine son succs

    ou son chec moyen et long terme. Plus les institutions sont inclusives et plus la

    croissance est partage, et plus les opportunits conomiques sont accessibles

    tous, crant ainsi un cercle vertueux dans lequel toujours plus de croissance engendre

    toujours plus dinclusion et ainsi de suite.

    Cest ce cercle vertueux quont expriment les pays dAsie de lEst comme le Japon

    et la Core du Sud. A contrario, dans les pays o une oligarchie a longtemps domin

    la socit et accapar les ressources conomiques son seul bnfice, cest un cercle

    vicieux qui se met en place. Ce rapport de domination repose alors sur des institutions extractives

    qui se consolident dans le temps. Cest typiquement le cas dans des pays qui ont longtemps vcu

    de lexploitation dune rente lie aux ressources naturelles, sans avoir pu isoler les effets ngatifs

    lis cette rente le fameux syndrome hollandais -, ou russi construire des institutions

    plus inclusives pour leurs populations. Les trajectoires radicalement divergentes suivies par

    le Sierra Leone et le Botswana, tous deux producteurs et exportateurs de diamants, et

    5. Henry Mintzberg, The Fall and Rise of Strategic Planning, Harvard Business Review, Janvier 1994. 6. Daron Acemoglu, James Robinson, Why Nations fail

  • 13MAZARS NOTE STRATGIQUE

    La voie du lopard : l agilit stratgique au coeur du changement

    tous deux anciennes colonies britanniques, illustrent bien, selon les deux auteurs cits

    antrieurement, limportance des institutions dans le dveloppement.

    De la mme manire, sans efficacit de lEtat, au sens technocratique du terme, des

    institutions mme inclusives ne peuvent faire dcoller un pays. La capacit dimpulsion

    et de coordination quun Etat stratge peut assurer permet de circonvenir tout un

    ensemble de difficults qui se dressent sur le chemin du dveloppement, comme le

    manque dinfrastructures, de financements et de march intrieur. L encore, lexemple

    de la croissance fulgurante qua connue lAsie de lEst (Japon, Core du Sud, Tawan),

    dans la seconde moiti du XXme sicle illustre le rle dterminant jou par un Etat fort

    capable dexcuter les orientations stratgiques quil sest fix, condition dassocier

    llaboration et la mise en uvre de ces orientations, le secteur priv et la socit civile,

    qui sont les deux autres grandes parties prenantes (stakeholders) du dveloppement.

    On pourrait donc dire pour rsumer cette rflexion, que ce que lon se propose dappeler

    lagilit stratgique dun pays, est la rsultante de lexistence dun leadership politique

    proactif, et de la capacit de ce leadership politique construire un consensus sur une

    vision stratgique partage moyen et long terme. Le tout en insufflant aux autres

    parties prenantes du dveloppement une capacit dadaptation au changement qui leur

    permet de rsister aux chocs et aux mutations de lenvironnement extrieur, tout en

    progressant dans la ralisation de cette vision stratgique.

    Grer la complexit : une matrice de la transformation conomique et sociale

    La fondation Mo Ibrahim publie chaque anne un indice qui tente de jauger et de

    quantifier linclusivit conomique et politique, lefficacit et la probit de lEtat, la qualit

    de lenvironnement des affaires, ainsi que les progrs objectifs raliss sur le plan du

    dveloppement humain. Cet indice, construit sur la base dune centaine dindicateurs

    de base permet de brasser une quantit impressionnante dinformations. Il part du

    postulat que tous ces indicateurs sont autant de manifestations dune dimension latente

    qui serait la gouvernance. Si ce postulat est correct, plus on ajoute de linformation

    et plus cette dimension est rvle, et plus les risques derreur de mesure attnus.

    Lanalyse des rsultats 2014 de lindice Mo Ibrahim montre ainsi que lAfrique nest pas

    ce continent monolithique fantasm par les observateurs extrieurs, et quil y a bien

    plusieurs Afriques, lune qui rit et lautre qui pleure . Il montre aussi que les acquis

    ne sont pas dfinitifs, et quune dgradation de la gouvernance est toujours possible,

  • 14 MAZARS NOTE STRATGIQUE

    La voie du lopard : l agilit stratgique au coeur du changement

    et quon peut en effet la constater pour tel ou tel pays, mme si la tendance gnrale

    est positive.

    En sinspirant de cette dmarche et dautres analyses clairantes, comme celles de la

    Banque Mondiale et de la Banque africaine de dveloppement, nous avons construit

    notre propre grille danalyse, sous la forme dune matrice de la transformation

    conomique et politique , en croisant laxe dagilit stratgique, tenant compte de

    la gouvernance et de la capacit conduire le changement, avec un axe forces

    et faiblesses qui mesure le niveau de dveloppement atteint par diffrents pays

    africains sur la base dune agrgation de cinq sous-indices. Ces derniers renvoient aux

    thmes voqus dans la premire partie de cette tude : dmographie et urbanisation,

    nergie et infrastructures, capital humain et innovation, financement de la croissance

    et intgration conomique.

    Pris isolment, toutes ces dimensions sont bien identifies dans la littrature sur le

    dveloppement conomique. Mais en les croisant et en les mettant en perspective, on

    peut identifier les lacunes et les retards accumuls au sein de chaque pays, ainsi que

    les bonnes pratiques existantes en la matire lchelle du continent, et qui pourraient

    tre essaimes. Cela permet de susciter des effets dmulation et dentranement.

    Cela nous situe cet gard clairement dans la philosophie de la pression par les

    pairs promue par la fondation Mo Ibrahim, tout en distinguant dans notre approche

    matricielle les indicateurs dtat, qui refltent la situation actuelle de dveloppement,

    des indicateurs de capacit stratgique, - leadership et inclusion conomique et

    politique -, qui sont autant de leviers actionnables du changement.

    Cela permet de faire apparatre quatre groupes de pays qui ont des problmatiques

    diffrentes :

    Les locomotives du Continent (African achievers), qui sont dans le quart suprieur de la matrice, avec la fois un niveau de dveloppement dj lev, relativement leurs pairs, et une agilit stratgique importante qui prlude des progrs futurs condition quils ne relchent pas leffort. Les ppites mergentes (Future gems) qui sont encore en bas de lchelle du

    dveloppement mais qui possdent une agilit stratgique remarquable, gnralement associe un leadership politique clair. Ces pays peuvent servir dexemples pour les deux groupes suivants. Les Etats assoupis (Sleeping beauties) qui disposent dindicateurs de

    dveloppement relativement corrects, mais qui sont la trane en matire

  • 15MAZARS NOTE STRATGIQUE

    La voie du lopard : l agilit stratgique au coeur du changement

    dagilit stratgique en raison dinstitutions qui ne favorisent pas linclusivit conomique et politique, ou de capacits tatiques diminues. Ces pays, qui vivent gnralement de lexploitation dune rente naturelle, et qui nexploitent pas suffisamment leur potentiel, auraient tout gagner dune transposition des

    bonnes pratiques mises en uvre ailleurs sur le Continent. Les Etats la trane (African Laggards) qui ploient sous le poids des problmes

    avec, la fois une agilit stratgique des plus rduites, - en raison de srieux problmes de gouvernance et dune conflictualit politique chronique -, et qui sont encore trs en retard en matire de dveloppement socio-conomique.

    Dautres catgorisations et dautres mthodes pour organiser linformation existent

    bien entendu.

    Lobjectif ici nest pas de construire une grille dvaluation universelle, mais plutt

    de fournir un clairage sur des dimensions souvent ngliges dans les grands

    plans stratgiques labors par les Etats. La capacit dexcution des projets et

    la flexibilit laisse aux acteurs afin quils sadaptent aux changements, font partie

    de ces dimensions ngliges. Cette agilit stratgique repose sur des capacits

    dintelligence conomique beaucoup plus tendues qu lheure actuelle. Les

    acteurs du dveloppement devront tre mme dexploiter des masses de donnes

    toujours plus importantes, de les confronter les unes aux autres, et den tirer les

    enseignements adquats, tout en tant conscients des limites dun data mining qui ne

    remplacera jamais le jugement fond sur lexprience, ni la sanction dmocratique de

    ce jugement par la voie des urnes. Lenjeu nest pas dapporter des solutions toutes

    faites, mais de favoriser la cration dune mulation constante, et la recherche des

    meilleures pratiques qui peuvent tre transposes dun pays lautre.

  • MAZARS NOTE STRATGIQUE16

    CONCLUSION : QUELS SCNARIOS POUR LAFRIQUE LHORIZON 2030 ?Les exercices de prospective sont par nature difficiles et incertains. La dynamique

    interne chaque pays et les interactions et interdpendances entre les diffrents

    pays africains, et avec les grandes puissances conomiques situes hors du Continent

    (Europe, Etats-Unis, Chine, Inde, Brsil, etc.) permet denvisager une multitude de

    scnarios pour les quinze prochaines annes.

    Pour faciliter le dbat, nous avons nanmoins identifi trois scnarios centraux sur la

    base de la matrice de transformation conomique que nous avons construite avec les

    deux axes agilit stratgique et forces et faiblesses , ainsi que la segmentation

    par groupes de pays que cette matrice fait apparatre et les interdpendances entre

    ces diffrents groupes :

    1. Un scnario dmergence de lAfrique (African golden dawn) dans lequel les opportunits lemportent sur les risques, et les dynamiques individuelles se renforcent mutuellement travers un puissant effet dentranement cumulatif suscit par les locomotives du continent sur les autres pays, en particulier sur les Etats assoupis et sur les Etats la trane. Dans ce scnario, leffet dmulation et la pression par les pairs en matire de gouvernance et dagilit stratgique se traduisent par une valorisation optimale des ressources conomiques et sociales. Cela concerne aussi bien le capital humain, le capital physique - grce un large accs au financement et une allocation de lpargne aux projets ayant limpact transformationnel le plus important - et des potentialits offertes par lintgration rgionale, travers lharmonisation des normes et standards, la construction dinfrastructures adquates de transport et de communication, et lexploitation des complmentarits existantes sur le terrain, dans une logique pragmatique et opportuniste de cration de corridors transfrontaliers de la croissance et du dveloppement.

  • MAZARS NOTE STRATGIQUE 17

    Conclusion

    2. Un scnario de croissance ingale et en ordre dispers (Uneven growth and polarization) dans lequel des ples de prosprit mergent, sur la base des locomotives et des ppites mergentes, mais leur dynamique propre ne suffit pas entraner tout le continent sur le sentier de lmergence. Des zones entires et des pays restant pigs dans des trappes pauvret et/ou conflictualit chronique. Ce scnario nest pas au final bien diffrent de la situation actuelle que connat le continent par del les discours des afro-optimistes et des afro-pessimistes. Ce scnario repose sur la poursuite de la spcialisation dans les matires premires de la plupart des pays africains, avec une accentuation du caractre rentier de certaines conomies les rendant dpendantes des volutions dans le reste du monde. Mais il suppose aussi que certains pays arrivent sextraire de ce cycle de dpendance et de stagnation en pariant sur la productivit, linnovation et la valorisation du capital humain. Ces ples dmergence isols seront tourns vers lextrieur plutt que vers le Continent et dveloppent des relations conomiques avec dautres grandes zones conomiques avances ou mergentes. On peut imaginer le renforcement des liens entre lAfrique du Sud et les autres pays des BRICS par exemple, notamment la Chine, lInde et le Brsil. Au Nord du Continent, les pays du Maghreb pourraient renforcer les relations et les changes entre eux tout en poursuivant lintgration avec la rive Nord de la Mditerrane, dans le cadre dun vaste ensemble euro-mditerranen construit sur les principes de co-localisation de la production et de prosprit partage. Enfin, certains Etats dAfrique subsaharienne pourraient connatre une industrialisation acclre comme lEthiopie et le Kenya lEst ou la Cte dIvoire lOuest, cette dernire redevenant le champion dune Afrique francophone en plein boom dmographique.

    3. Un scnario dimplosion et de recolonisation (African Breakout and Recolonization) dans lequel les menaces lemportent sur les opportunits, suscitant une spirale infernale cumulative lchelle continentale et justifiant en dernier ressort lintervention dune ou de plusieurs grandes puissances trangres au Continent. Ce scnario-pouvantail est loin dtre le plus probable, et tous les indicateurs signalent plutt une amlioration structurelle des conditions conomiques et sociales en Afrique, quun retour la situation de chaos, de conflits et de dpression conomique que le continent a connu dans les annes 1980 et 1990. Mais on ne peut pas lexclure tout fait, compte tenu des menaces nombreuses qui continuent hypothquer le dveloppement, lexplosion dmographique tant la premire de ces menaces. On observe en effet historiquement que la conflictualit augmente lorsque la dernire gnration

  • MAZARS NOTE STRATGIQUE18

    Conclusion

    issue de la transition dmographique arrive lge adulte, comme ce fut le cas en Europe dans les annes 1960, en Asie de lEst et du Sud-Est dans les annes 1980-1990 et dans les pays arabes dans les annes 2000. La responsabilit des dirigeants conomiques et politiques actuels est dautant plus grande pour viter que cette conflictualit ne dgnre en conflits ouverts et gnraliss. Sous couvert de guerres de religion et de conflits fonds sur des identits ethniques ou tribales, les guerres que lon observe actuellement au Sahel, dans la Corne de lAfrique, en Afrique centrale ou dans le Golfe de Guine sont en effet en grande partie des conflits pour le contrle de ressources conomiques, dans des pays qui ont rat le coche de la diversification conomique et de la transformation structurelle.

  • MAZARS NOTE STRATGIQUE 19

    Conclusion

    Expert International en Stratgie, Editorialiste et Auteur,

    Abdelmalek Alaoui, Conseil auprs du Comit excutif de Mazars.

    Twitter @abdelmalekalaou

    (Les calculs macro-conomiques de ce Policy paper ont t effectus

    par lconomiste Alexandre Kateb. Twitter@AlexandreKateb)

  • Mazars, Communication Ref PP - Mars/2015 - photoistock

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