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Note sur l’étude de Fr. Caestecker et I. Derluyn : Décembre 2016 · 2017. 5. 15. · 1 Note sur l’étude de Fr. Caestecker et I. Derluyn : Les expériences des réfugiés réinstallés

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Page 1: Note sur l’étude de Fr. Caestecker et I. Derluyn : Décembre 2016 · 2017. 5. 15. · 1 Note sur l’étude de Fr. Caestecker et I. Derluyn : Les expériences des réfugiés réinstallés
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Notesurl’étudedeFr.CaesteckeretI.Derluyn:LesexpériencesdesréfugiésréinstallésenBelgique

Décembre2016

Pourunsuivisurlelongtermedespersonnesréinstallées

Unepolitiquederéinstallationàprésentancréedanslapolitiquemigratoirebelge

Lapratiquederéinstallations’estimplémentéetimidementenBelgique, et de manière assez récente comparativement àcertains pays qui ont une longue tradition de réinstallation.Après un projet pilote de 50 réinstallations en 2009 et laréinstallationde25 réfugiésen2011, laBelgique s’estdotéed’un programme structurel de réinstallation dès 2013. En2013 et 2014, elle s’est donné l’objectif de réinstaller 100personnes chaque année avec l’ambition d’augmenter cechiffre graduellement les années suivantes.Mais au vude lacrisesyrienneetdesbesoinscroissants,lequotapour2015aétédoublé,passantde150à300.L’annéesuivante,cechiffrea de nouveau quasiment doublé. La Belgique s’est en effetengagée à réinstaller 550 personnes par an en 2016 et en2017.

L’organisationlogistiqueentermedesélection,d’accueiletdesuivi doit donc rapidement s’adapter à cettenouvelle réalitéet cela requiert des moyens humains et financiersconséquents. Afin demettre cette importante logistique surpied pour gérer cet afflux de réinstallés en Belgique, il estnécessaire d’avoir une compréhension objective desréinstallations passées. L’étude de Ilse Derluyn et FrankCaesteckerestunapportprécieux,voirenécessaire,pourcetexercice. Elle présente le point des vues de personnesréinstallées en Belgique lors des deux premièresréinstallationsen2009et2011.Leschercheursontinterviewéunepartiedecesréinstallésdemanièrelongitudinale,cequiapermis aux chercheurs de suivre ces personnes à plusieursmomentsduprocessusde réinstallation.Ellemeten lumièreles difficultés pratiques rencontrées par les réinstallés àchaque étape du processus, mais également leur ressentispositifsetnégatifspendantlasélection,letrajet,l’installationetl’intégrationenBelgique.

Myria, qui faisait encore partie du Centre pour l’égalité deschances et la lutte contre le racisme à l’époque, a mis enroutecetteétudeen2010grâceàuncofinancementduFondsd’impulsion à la politique des immigrés. L’étude estaujourd’huidisponibledanssonintégralitésurwww.myria.be.La présente note résume quelques-uns des principauxconstats émanant de cette recherche et propose quelquesréflexionspourunemeilleurepolitiquederéinstallation.

LaréinstallationenBelgiquei:

• 2009: La Belgique s’engage à installer 50 personnespour un projet pilote. Ils seront 47 réfugiés à êtreeffectivementréinstallés:

o 26irakiensprovenantdeSyrie(16femmeset10enfants),

o 3femmeset7enfantsprovenantdeJordanie,o 11Palestiniensducampal-Tanf.

• 2011:Décisiondugouvernementfédéralderéinstaller25réfugiésafricainsquiavaientfuienTunisieaprèsledébutdelarévolutionenLibye.

o 5 familles et 3 femmes seules de nationalitéérythréenne,

o 1 famille et 2 femmes seules de nationalitécongolaise.

• 2013: LaBelgiquesedoted’unprogrammestructurelde réinstallation. Pour l’année 2013, elle s’engage àréinstaller 100 réfugiés et donne la priorité auxindividusparticulièrementvulnérablesdelaRégiondesGrands Lacs en Afrique. 100 réfugiés serontréinstallées,parmilesquels:

o 31Burundais,o 65Congolais(RDCongo),o 4personnesoriginairesd’autrespays.

• 2014: La Belgique fixe de nouveau le quota à 100réfugiés: 75 Syriens ayant fui vers la Turquie et 25CongolaisayantfuiauBurundi.Mais,aufinal,seuls28Syrienset6Congolais seronteffectivement réinstallésen2014.

• 2015:Enraisonde lacrisesyrienne, legouvernementaugmente sonquotaprévude150à300 (225Syriensayant fui au Liban et 75 Congolais ayant fui auBurundi). Ils seront finalement 188 Syriens et 88Congolaisàêtreréinstalléscetteannée-là.

• 2016:LaBelgiquesefixecommeobjectifderéinstaller550 réfugiés, principalement syriens. Le 9 novembre2016, 424 Syriens et 4 Congolais (RDC) avaient étéréinstallés.

• 2017:LaBelgiquesefixelemêmeobjectifqu’en2016.

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Quelquesconstatsmisenlumièreparl’étude

• De manière générale, les interviews témoignent defort décalages entre les attentes vis-à-vis de laréinstallation en Belgique et la réalité vécue. Avant undépart vers unenouvelle vie dans un autre pays dont onconnaît très peu de choses, il est tout à fait normal derêveretd’imaginer.Rendrecesrêvesprochesdelaréalitéen diminuant les attentes est difficile pour l’équipechargée de préparer les réinstallés. Les déceptions sontnormales mais il est important d’en être conscient, decontinueràtravaillerpourquecesattentescorrespondentaumieux à la réalité via différents canaux d’informationsavant l’arrivée,même s’il est impossible de savoir ce quiseracomprisdanscequiestdit.• Parmicesdésillusions,onpeutciterl’espoird’obtenirrapidement la nationalité belge. Beaucoup l’ont expriméet voyaient dans ce moyen la manière de tournerdéfinitivement lapaged’unpasséfaitd’incertitudes,maisaussi pour se sentir complètement accepté et de ne plusêtre considéré comme un étranger dans leur nouveaupays. Mais un changement législatif a été opéréentretemps et a durci considérablement les conditionsnécessairespourobtenirlanationalitébelge,parrapportàcequ’on leur avaitdit avant leurdépart vers laBelgique.Ceuxquionttoutdemêmedéjàpu l’obtenirensonttrèsfiers.• Uneautresourcededéceptionetd’incompréhensionest la différence entre le traitement offert par lesautoritésbelgesauxenfantsmineursetceluioffertàceuxquisontàpeinemajeurs.Desparentsréinstalléssonttrèsaffectés de ne pouvoir solliciter le regroupement familialquepourcertainsdeleursenfants,carceuxquiontatteintl’âge de 18 ans ne peuvent plus y recourir. En ce quiconcerne le processus d’intégration, des parents livrentégalement leur désarroi pendant les interviews enexpliquant qu’à partir du moment où leurs enfantsdeviennent majeurs, ils sont poussés à travaillerdirectement par les CPAS au lieu d’être encouragés àpoursuivreleursétudes.• Une nouvelle fois, les multiples obstacles àl’intégrationdeschefsdefamillemonoparentalesontmisen avantii: comment suivre des cours de langues, desformationset travaillerquand il fautêtredisponiblepourconduireplusieursenfantsà l’écoleouà lacrècheetallerlesrechercher, lesgarder lorsqu’ilssontmalades,etc.Cesdifficultés, chaque parent y est confronté au quotidien,mais comment faire quand on n’a aucun contact enBelgiquepouraider à garder les enfantsetqu’onn’apasd’argentnonpluspourpayerquelqu’unpour lesgarder?Le désarroi de ces parents, qui ont pourtant besoin desuivredesformationspourapprendrela langueafinqu’ilspuissent dialoguer avec le corps enseignant et suivre la

scolarité de leurs enfants, est d’autant plus criant qu’ilressortquelesréinstalléssevoientcommeunegénérationsacrifiée, qui met tous ses espoirs dans l’avenir de leurenfants.Nepaspouvoir les aider scolairement et les voirreléguer dans les filières d’éducation les plus faibles créeégalement une forte déception par rapport aux espoirsinvestisdanslaréinstallation.• De manière générale, on ressent également à lalecture de ce rapport que les réinstallés restent au fil dutemps avec énormément de questions sans réponses surdes sujets aussi divers que la vie quotidienne, desdocuments administratifs, la scolarité, les possibilités desuivismédicaux,etc.Lesuiviqu’ilsontreçu,aussi intenseetdequalitéqu’ilaitpuêtre,nepermetpasderépondreàtoutes leurs interrogations sur le long terme. Quel quesujet que ce soit, les réinstallés manquent de contacts àqui poser ces questions. Les interviewsmanifestent aussiunfortdésirdecréerdes liensavecdespersonnesvivantenBelgique.Mais,malgré toute leurbonnevolontéetdenombreuxefforts,cescontactsrestentdifficilesàcréeretàmaintenir.Auboutducompte,àl’exceptiondescontactsentretenus viades communications téléphoniquesouparinternet avec leur famille vivant dans d’autres pays, lesréinstalléssouffrentdesolitudeetd’isolement.• C’estd’autantplusvraipourceuxquivivent loindesagglomérations. Ceux qui ont été réinstallés en régionrurale éprouvent davantage de difficultés. D’abord entermed’accessibilitéparrapportauxcoursdelangues,declasses d’intégration, de formations qualifiantes, de soinsmédicaux, etc., car ils dépendent directement destransports en commun. Ensuite, en terme de contactssociaux, car ils se trouvent éloignésdepersonnesparlantleur langue qui pourraient les aider. Nombre d’entre euxse sont dirigés par la suite vers les grandes villes où ilspouvaient compter sur l’appui d’un réseau social depersonnesayantuneorigineoureligioncommune.• Certains réfugiés réinstallés ont été menottés letempsdutrajetentre lecampderéfugiéoù ils résidaientet leur avion pour la Belgique. Certains ont même dûpasser une nuit en prison. L’expérience d’être traitécomme des criminels et de devoir cohabiter dans descellulesavecdespersonnespotentiellementdangereusesafortement traumatisé les personnes qui en ont vécul’expérience. Souvent très proches des zones de conflits,les réinstallations se passent le plus souvent dans descontextes politiques et diplomatiques tendus, il estcependant très important de bien négocier les transfertsavec les pays de résidence et de transit pour éviter aumaximumcegenredeproblèmes.• L’arrivéeàl’aéroportdeZaventemestconsidéréparles chercheurs comme un moment important

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symboliquement,telunritedepassage,ànepasnégliger.Les personnes qui ont été accueillies à l’aéroport deZaventem par un représentant belge impliqué dans leprocessus de réinstallation qu’ils avaient pu rencontrerauparavant lorsduprocessusdesélectionaétévécu trèspositivement.S’iln’estpastoujourspossibled’envoyerdesreprésentants dans le pays où résident les futursréinstallés pour des raisons de sécurité, il peut êtreintéressant d’utiliser d’autres techniques (via des vidéo-conférences ou des enregistrements vidéos). Un visageconnuetconsidérécommebienveillant,quipuissefairelelien à plusieurs moments du processus de réinstallation,rassure.

Ce n’est qu’à partir d’études qualitatives qui requièrentdesentretiensetunsuivisur le longtermequ’onarriveàdes conclusions de cette qualité. Lamise en lumière deséléments qui freinent une bonne intégration estprimordialepouradapter leprocessusderéinstallationetce, à chaque étape. Il est nécessaire d’améliorer lesdifférentes problématiques exposées ci-dessus.Heureusement, les acteurs de terrain qui encadrent,organisent et qui font le suivi des réinstallés sontconscientsdelaplupartdecesproblèmes.Ilsontd’ailleurs

adaptéleprocessusderéinstallationsurbiendesaspectsàpartir des problématiques qu’ils avaient identifiées. Maiscertaines dépassent leurs compétences et leur capacitéd’agir. Et malheureusement, ils ne disposent pas desuffisamment de moyens pour continuer à suivre lesréinstalléssurlelongterme.

Si les acteurs de terrain sont bien au fait des difficultésrencontréesparlesréinstallés,iln’enestpasforcémentdemême pour toutes les personnes impliquées dans lesprocessus de décision concernant la réinstallation. Lespersonnes qui décident des moyens financiers, desméthodes, des profils et des autres aspects deréinstallationontbesoindeconnaîtrelesconséquencesdeleursdécisions.Ilestdoncessentieldefaireunmonitoringsur le long termedespersonnes réinstalléespourpointerlesproblèmesettrouverlesmanièresdelesrésoudre,afinque les plus hautes instances soient informées le mieuxpossibleetpuissentprendredesdécisionséclairées,quinepeuvent au final être que bénéfiques tant pour lesréinstallésquepourl’ensembledelasociétébelge.

Unmonitoringdesréfugiésréinstallésn’estpasforcémentcoûteux

Silesauteursdel’étudeproposentunencodagecontraignantetcoûteuxdedonnéessurlesréinstallés,ilapparaîtqu’unsystèmealternatifpourraitoffrirunemeilleureefficacitépourunmoindrecoût.Laplupartdesdonnéesutilespouruneanalyse longitudinalesur l’insertionsocio-professionnelledesréinstalléssonteneffetdéjàencodéesdansdesbasesdedonnées de l’État et peuvent être extraites via une demande à la Banque carrefour de la Sécurité Sociale (BCSS)moyennant l’accordde laCommissionvieprivée.Desdonnéestellesque lapositionsur lemarchédutravail, leniveaud’étudeoulesaidessocialesaccordéessontainsidirectementanalysables.L’encodagen’estdoncpasnécessaire,ilfautjusteprévoirunedemandededonnéesetunepetiteéquipedechercheurssurunepériodelimitéepourfairel’analyse.Cetyped’étudeadéjàétémenéesurl’ensembledespersonnesayantdemandél’asileentre2001et2010iiietestfaitetous les deux ans, de manière récurrente, dans le Monitoring socio-économiqueiv du SPF Emploi et d’Unia pourl’ensembledespersonnesenâgedetravaillerrésidantenBelgique.

Lorsdel’analyse,sil’ons’intéresseàl’insertionsocio-professionnelledesréinstallés,ilesttoutefoisessentieldeprendreencomptelaspécificitédeleursprofils,enparticuliercelledespersonnesdites«vulnérables»tellesquelespersonnesnécessitantdessoinsmédicaux,lespersonnesâgées,leschefsdefamillemonoparentale,etc.).Ceux-ciont,pardéfinition,davantage de difficultés à trouver un emploi et ils ne pourraient être comparés à d’autres groupes sans prendre encomptecettespécificité.

Maisunmonitoringdoitpouvoirallerau-delàdelaquestiondumarchédutravail,ildoitaussiinterrogerd’autresaspectsqui prennent en compte le niveau de bien-être dans la société d’accueil, les besoins des personnes réinstallées et lesadaptationsàmettreenplacedansleprocessusderéinstallation.Ilparaîtdoncnécessaired’instaurerégalementunsuivià partir d’entretiens afin de continuer à étudier ces questions.On pourrait alors imaginer d’ajouter un nombre limitéd’entretiens semi-directifs à l’analyse statistique. Ceux-ci permettraient non seulement de comprendre les résultatsstatistiques, mais aussi et surtout de cibler les problématiques et les freins rencontrés par les individus dans leurprocessusderéinstallationetd’intégrationenBelgique.

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Pourallerplusloin:quelquesréflexionsémanantdesconclusionsdel’étude

Les éléments émanant de cette étude présentés plus haut mènent le lecteur à réfléchir aux possibilités d’adapterl’organisation de la réinstallation sur plusieurs aspects. Voici trois questions sur l’organisation du processus deréinstallationquiontpourobjectifderelancerledébatdanslebutquelaréinstallationsepasseauxmieuxpourtouslesacteursimpliqués.

1) Quels sont les avantages et inconvénients sur le court,moyenet long termed’une installationdes réinstallés enmilieururalouurbain?2) Quelssontlesbesoinsspécifiquessurlecourt,moyenetlongtermedesprofilsvulnérablessélectionnésetcommentlesprendreencompte?3) Pourrait-onutiliserdesréseauxd’entraidedéjàexistanttelsquedesmembresdelafamilleoudesamisvivantdéjàenBelgiqueetprêtsàaiderlesréinstallésaprèsleurinstallation?Sioui,comment?

iVoir:EuropeanMigrationNetwork,ResettlementandhumanitarianadmissioninBelgium.StudyoftheBelgianContactPointoftheEuropeanMigrationNetwork(EMN),Novembre2016,p.5etp.68,disponiblesurhttp://www.emnbelgium.be/iiiiReaA.,WetsJ.(ed.),TheLongandWindingRoadtoEmployment.AnAnalysisoftheLabourMarketCareersofAsylumSeekersandRefugeesinBelgium,Gand,AcademiaPress,2014,disponiblesur:http://www.myria.be/fr/publications/careers-the-long-and-winding-road-to-employmentiiiIbidem.ivSPFEmploi,TravailetConcertationsociale,Centreinterfédéralpourl’égalitédeschances,Monitoringsocio-économique2015Marchédutravailetorigine,disponiblesur:http://unia.be/fr/publications-et-statistiques/publications/monitoring-socio-economique-deuxieme-rapport