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L’affaire Touvier HHHII Bénédicte Vergez-Chaignon Flammarion, 130 p., 20 € Se fondant sur les archives d'époque, l'historienne revient sur l'affaire Paul Touvier, de son passé de milicien durant la Seconde Guerre mondiale jusqu'à sa condam- nation pour complicité de crimes contre l'humanité en 1994 en pas- sant par sa vie clandestine durant les années 1970. Paul Touvier incarne toutes les vicissitudes de l’histoire de Vichy. Né pendant la Grande Guerre dans un milieu très catholique, affecté plus qu’il ne le dira jamais par la mort de sa mère, de nature instable, Paul Touvier se trouve une carrière dans la Milice dont il devient un serviteur zélé. Craignant pour lui- même toute violence, il est, selon le mot du grand reporter de l’Express Jacques Derogy qui le débusque en 1972, un « fasciste » moyen dé- nué de tout scrupule. Telle est l’im- pression qui peut s’en dégager de prime abord… Mais le crime de trop, la fuite, les condamnations à mort ont fait de ce délinquant presque ordinaire un fugitif plein de ressources : l’Église lui apporte son soutien durant sa vie clandestine et ses tentatives de réhabilitation… De rebondissements en scandales, Bénédicte Vergez-Chaignon raconte l’histoire de ce manipulateur hors pair, durant et après la guerre, si habile qu’il parvient à convaincre un président de la République, Georges Pompidou, de le gracier, malgré des faits accablants. L’affaire Touvier naît de la révélation des complaisances dont il a bénéficié pendant trente ans. Le parcours de l’ancien chef du service de rensei- gnement de la Milice jusqu’à son procès où il est condamné à la ré- clusion criminelle à perpétuité pour complicité de crime contre l’hu- manité, a donné lieu à des débats passionnés qui, souvent, dépassèrent la seule personne de Touvier. Les archives ouvertes – tout spécialement pour ce livre – éclairent ainsi l’af- faire, dont le dénouement est dû pour l’essentiel à une poignée d’hommes et de femmes épris de justice et de vérité. Amour et sexualité HHHII Inès de Franclieu Quasar, 180 p., 14 € Tout parent souhaite vivre une relation de confiance mutuelle avec son enfant. Cette confiance s'épa- nouit dans le dialogue, particulière- ment sur le thème si essentiel de l'amour et de la sexualité. Par ailleurs, dans Amoris Laetitia, le pape rappelle « la nécessité d’une éducation sexuelle à la fois positive et prudente au fur et à mesure que les enfants grandissent ». Mais que dire ? Quels mots utili- ser ? À quel âge ? Ce livre offre une aide précieuse aux parents désireux d'avoir avec leur enfant des conver- sations vraies et belles sur la grandeur de l'amour et le sens profond du corps et de la sexualité, dans un esprit chrétien. Ce dialogue confiant fournira à l'enfant et à l'adolescent un bouclier contre tout ce qui défi- Notes de lectures de Georges Leroy Novembre 2016 H pas d’intérêt, HH peu d’intérêt, HHH un certain intérêt, HHHH un grand intérêt, HHHHH un intérêt exceptionnel. L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs… le diable porte pierre. Si l’appréciation privilégie le fond à la forme, elle n’en constitue pas moins un jugement de synthèse avec sa part de subjectivité… mais non de relativisme. Note : La qualité de ce document permet l’impression sur une imprimante de bureau. Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 1/20

Notes de lectures de Georges Leroy Novembre 2016 · 2017-12-30 · L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs ... Si l’appréciation privilégie

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L’affaire Touvier

HHHII

Bénédicte Vergez-ChaignonFlammarion, 130 p., 20 €

Se fondant sur les archivesd'époque, l'historienne revient surl'affaire Paul Touvier, de son passéde milicien durant la SecondeGuerre mondiale jusqu'à sa condam-nation pour complicité de crimescontre l'humanité en 1994 en pas-sant par sa vie clandestine durantles années 1970.

Paul Touvier incarne toutes lesvicissitudes de l’histoire de Vichy.Né pendant la Grande Guerre dansun milieu très catholique, affectéplus qu’il ne le dira jamais par lamort de sa mère, de nature instable,Paul Touvier se trouve une carrièredans la Milice dont il devient unserviteur zélé. Craignant pour lui-même toute violence, il est, selonle mot du grand reporter de l’ExpressJacques Derogy qui le débusque

en 1972, un « fasciste » moyen dé-nué de tout scrupule. Telle est l’im-pression qui peut s’en dégager deprime abord… Mais le crime detrop, la fuite, les condamnations àmort ont fait de ce délinquantpresque ordinaire un fugitif pleinde ressources : l’Église lui apporteson soutien durant sa vie clandestineet ses tentatives de réhabilitation…De rebondissements en scandales,Bénédicte Vergez-Chaignon racontel’histoire de ce manipulateur horspair, durant et après la guerre, sihabile qu’il parvient à convaincreun président de la République,Georges Pompidou, de le gracier,malgré des faits accablants. L’affaireTouvier naît de la révélation descomplaisances dont il a bénéficiépendant trente ans. Le parcours del’ancien chef du service de rensei-gnement de la Milice jusqu’à sonprocès où il est condamné à la ré-clusion criminelle à perpétuité pourcomplicité de crime contre l’hu-manité, a donné lieu à des débatspassionnés qui, souvent, dépassèrentla seule personne de Touvier. Lesarchives ouvertes – tout spécialementpour ce livre – éclairent ainsi l’af-faire, dont le dénouement est dûpour l’essentiel à une poignéed’hommes et de femmes épris dejustice et de vérité.

Amour et sexualité

HHHII

Inès de FranclieuQuasar, 180 p., 14 €

Tout parent souhaite vivre unerelation de confiance mutuelle avecson enfant. Cette confiance s'épa-nouit dans le dialogue, particulière-ment sur le thème si essentiel del'amour et de la sexualité. Par ailleurs,dans Amoris Laetitia, le pape rappelle« la nécessité d’une éducationsexuelle à la fois positive et prudenteau fur et à mesure que les enfantsgrandissent ».

Mais que dire ? Quels mots utili-ser ? À quel âge ? Ce livre offre uneaide précieuse aux parents désireuxd'avoir avec leur enfant des conver-sations vraies et belles sur la grandeurde l'amour et le sens profond ducorps et de la sexualité, dans unesprit chrétien. Ce dialogue confiantfournira à l'enfant et à l'adolescentun bouclier contre tout ce qui défi-

Notes de lectures de Georges L e r oyNovembre 2016

H pas d’intérêt, HH peu d’intérêt, HHH un certain intérêt,HHHH un grand intérêt, HHHHH un intérêt exceptionnel.

L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs… le diable porte pierre. Si l’appréciationprivilégie le fond à la forme, elle n’en constitue pas moins un jugement de synthèse avec sa part de subjectivité…mais non de relativisme. Note : La qualité de ce document permet l’impression sur une imprimante de bureau.

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gure la sexualité, en particulier ladéferlante pornographique. Il l'en-couragera également à se lancerdans la belle aventure de l'amitié,socle de l'amour et école de liberté.

L’apaisement

HHHII

Lilyane BeauquelGallimard, 220 p., 17 €

Le tsunami de 2011 vient de dé-vaster les côtes japonaises. Jim, undessinateur français, père hésitantet amoureux approximatif, espèrele retour de sa compagne Itoé, dis-parue. Kyo, leur jeune enfant, est vi-vant. Ils trouvent refuge chez Izumi,la sœur d’Itoé. Auprès d’elle, Jimtente de se réapproprier le mondeen le dessinant pour des journauxinternationaux.

Le regard désorienté de Jim vachanger avec l'apparition de singulierscarnets écrits par Itoé, L’Arbre-Monde.Ils révèlent la vie de la mère desdeux sœurs. Exercices de calligraphie,récits de voyages dans les montagneset méditation, ils sont pour Jim ladécouverte de l’accord et de l’équi-libre shintoïste en toute chose. Plusqu’un guide dans ce pays bouleversé,ces carnets deviennent une sourced’inspiration et suscitent en lui ledésir d'explorer les terres intérieuresà la recherche d’un endroit où réin-venter un avenir avec Kyo.

Avec la discrétion et la pudeurdes grands romans graphiques ja-ponais, l’auteur met en scène unefamille éprouvée par le tsunami etson retour à la vie. L’auteur dépeintpar petites touches le regard de l’Eu-ropéen sur ce pays, que la catas-trophe lui fait redécouvrir, et nousoffre un dépaysement radical.

Carnets d’un voyageaux Antilles

HHHII

Paul MorandEd. Passages, 200 p., 14 €

En novembre et décembre 1927,Paul Morand et son épouse sont deretour dans les Antilles après un pas-sage express effectué au début del’année. Le but de Paul est de se« documenter » sur les Noirs des An-tilles en vue de rédiger la partie an-tillaise du troisième volet de sa Chro-nique du XXe siècle : Magie noire.Ces Carnets d’un voyage aux Antillescorrespondent donc aux notes prisesau jour le jour par Paul Morand du-rant son séjour, consignées dans troiscarnets conservés dans le fonds Mo-rand des Archives de l’AcadémieFrançaise, que l’auteur a remaniéespour former la première partie d’Hi-ver caraïbe. Les éléments inéditscontenus dans ces notes permettentd’appréhender, outre sa méthode de

travail et ses humeurs du moment,l’évolution du regard porté par Mo-rand sur les Noirs entre le début desa « période nègre » en 1927 et lafin en 1930.

Le catholicisme en France

HHHHI

Gérard GuyonDMM, 310 p., 23 €

Cet essai sur le catholicisme enFrance ne porte pas seulement enlui une nostalgie inguérissable de lacivilisation française millénaire. Ilrelève, à travers des thèmes précis,les principales étapes qui ont conduità la situation actuelle où les catho-liques se découvrent comme unecommunauté marginale dans unesociété devenue indifférente à la foiqui l'a historiquement construite.Tandis qu'une sécularisation et unlaïcisme agressif rendent leur viespirituelle et leur pratique du cultede plus en plus difficiles, sauf demanière étroitement communautaire.

Obligeant aussi leur Église à secouler dans le moule uniforme dela tolérance, de la pluralité des véri-tés, de la célébration de l'autonomiede la liberté individuelle issues desdroits de l'homme, et à nouer desrelations nouvelles de partenariatavec les autres religions, et face àun islam figé dans ses dogmes et seslois séculières divinisées.

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Un livre lucide, qui regarde leverre à moitié plein. L’auteur n’apas souhaité s’attarder sur les signesd’espérance pour le catholicismeen France, qui existent. Les cathos,qui sont une minorité, doivent dé-velopper le sens du combat quis’approche.

La chance des Bodkin

HHHII

PG WodehouseBelles lettres, 320 p., 15 €

Monty Bodkin a toujours eu dela chance. Mais il semble bien quecelle-ci l'abandonne quand le pèrede sa fiancée, Gertrude Butterwick,met comme préalable à son consen-tement au mariage le fait, pourMonty, de trouver et de garder aumoins un an un emploi rémunérateur.Le roman conte les aventures deMonty durant sa traversée vers l’Amé-rique en compagnie de Gertrude,de Lotus Blossom –une actrice quine se sépare jamais de son bébé al-ligator–, d’Ivor Llewellyn – le magnatdu cinéma qui, sur ordre de safemme, doit passer en fraude un su-perbe collier de perles–, de quelquescomparses savoureux et d’AlbertPeasemarch, un garçon de cabinehaut en couleur. Le mariage aura-t-il lieu ? Un très bon livre et un bonmoment de détente.

La beauté du monde

HHHII

Jean StarobinskiGallimard, 360 p., 22 €

Ni tout à fait le même, ni tout àfait un autre : le lecteur retrouveradans l'épaisseur de ce volume leStarobinski qu'il aime et qu'il re-cherche « l'œil vivant », le lecteurimpeccable, sachant allier la déli-catesse du toucher et la maîtrise del'explication, mais il découvrira aussiun Starobinski arpentant pour luides terres peut-être nouvelles nonpas celles du siècle des Lumières,ni celles de l'histoire des idées mé-dicales, mais celles de la poésie, dela peinture et de la musique. Cestrois muses se donnent la main etforment une ronde que le critiquen'a jamais quittée.

Au total, c'est une centained'études composées sur plus desoixante ans qui se trouvent rassem-blées dans ce volume de la collectionquarto. Car la littérature et les arts ré-pondent à la beauté du monde et lecritique, premier lecteur, spectateuret auditeur, célèbre la réponse deceux-là pour chanter celle-ci. Le lec-teur comprendra mieux sans doutece qui continue d'animer celui qui afait de la critique une forme d'art, sesobsessions, ses décisions de méthode,son exigence de clarté et de partage.

Les textes sont escortés par desintelligences critiques soucieuses detourner cette œuvre vers un publicnouveau (Michel Jeanneret, LaurentJenny, Georges Starobinski, JulienZanetta). Chaque ensemble se voitreplacé dans son histoire. La postfacesaisit les grandes options de la critiquede Jean Starobinski pour la situerdans le siècle.

Pour la première fois, le lecteurdécouvrira aussi un essai biogra-phique accompagné de documentsiconographiques susceptibles d'éclai-rer « l'œuvre d'une vie ». Dans latourmente du siècle, Jean Starobinskin'aura cessé de montrer que la forcedes œuvres est d'attester la décencede l'existence humaine contre lespuissances de la destruction. Direoui à la beauté du monde, telle estl'une des leçons constantes de JeanStarobinski.

Carthage

HHHII

Khaled MellitiPerrin, 550 p., 25 €

La première synthèse sur la seulerivale de Rome, la cité antique deCarthage.

« Quel champ de bataille nouslaissons là aux Carthaginois et auxRomains », s'exclame Pyrrhus aumoment de quitter l'Italie en 275

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av. J.-C. Effectivement, la Méditerra-née occidentale va être le centre del'affrontement, décliné en trois actes,entre Carthage et Rome. Mais lesguerres puniques apparaissent surtoutcomme l'aboutissement logique desdeux siècles qui voient s'affirmer laprééminence des deux grandes puis-sances, au détriment des forcesgrecques déclinantes.

La légende de la fondation deCarthage – la plus grande cité antiqueafricaine – par Elyssa, telle qu’ellenous a été rapportée par la littératuregréco-latine, résume à elle seule lerapport étroit entretenu avec la chosehellène. On est ici en face d’unconte étiologique, propre aux grandescités méditerranéennes, c’est-à-dired’une histoire destinée à légitimerla grandeur de la métropole puniqueaux yeux du reste du monde en luiattribuant les origines les plus an-ciennes et les plus nobles.

Les recherches archéologiquesmontrent que la fondation de Car-thage au IXe siècle av. JC s’inscritdans le cadre de la stratégie phéni-cienne d’expansion commercialevers la Méditerranée occidentale.

La maîtrise des mers a constituépour Carthage, tout au long de sonhistoire punique, une nécessité,même après ses défaites face à Rome.La thalassocratie punique fondait eneffet sa puissance sur les relationsavec l’extérieur, à travers un com-merce tentaculaire toujours plusporté vers la conquête de fructueuxmarchés.

Carthage est très tôt menacéepar des prétentions d'ordre impéria-liste, qu'elles émanent d'Athènes oud'Alexandre le Grand. Dès la fin duIVe siècle av. JC, la cité africaine ac-

célère sa politique de profondes ré-formes pour y faire face. Au sièclesuivant, la coexistence qui prévautjusqu'alors entre Carthage et Romene résiste pas au glissement desconquêtes romaines vers le sud del'Italie et à l'enjeu sicilien. Le dangerouvre la voie à une alliance politiqueet militaire avec la sphère grecque.Et c'est aux Barcides, Amilcar puisHannibal, qu'échoit la tentative deconvertir l'aide logistique grecqueen une véritable alliance politiqueet militaire contre l'Urbs. De parses engagements spectaculaires, no-tamment les batailles de Cannes etZama, l'étendue de ses théâtresd'opérations, les innovations mili-taires, l'envergure personnelle deses principaux protagonistes et sesconséquences durables, les guerrespuniques marquent un tournant ma-jeur dans l'histoire antique du pour-tour méditerranéen.

L’échec final de la Carthage pu-nique à imposer son hégémonie po-litique en Méditerranée occidentalerépond, en creux, à un double échecen politique intérieure : son incapa-cité, d’abord, à faire participer lespopulations assujetties à une plate-forme commune d’intérêts sociopo-litiques et socio-économiques. Puis,le manque de conviction politiqueet militaire d’une oligarchie mar-chande développant une politiquesurtout soucieuse de la rentabilitééconomique de toute entreprise,quelle qu’elle soit. Mais l’empreintelaissée par la métropole punique enMéditerranée antique, et plus parti-culièrement en Afrique, est incon-testable.

En les réinsérant dans l'histoirede la cité du Ve au IIe siècle av. JC,

l’auteur donne à comprendre la vi-talité comme les errements d'unepuissance unique et fascinante. Celivre offre donc une perspective com-plète de l’histoire de Carthage etdes célèbres guerres puniques etpermet aussi de mieux connaîtrel’identité punique, ses institutions,sa religion et sa langue.

Certificats d’études

HHHII

Antoine BlondinTable ronde, 250 p., 8 €

« Je voudrais dire que ce grostas de pages ne contient pas tout àfait la somme de mes connaissances.Si je les ai rassemblées, c'est qu'onne m'a pas proposé d'autres sujetsde composition française, et queceux-ci ont en commun de traiterd'auteurs ou de personnages vulné-rables, parfois éthyliques, et le plussouvent escamotés prématurémentpar le destin. Ils ont tous ma sympa-thie et correspondent peut-être àcertaines de mes vocations. Parlerd'eux, c'était encore un peu parlerde moi. J'aurais aimé découvrirquelque chose de nouveau qui lesconcerne et les éclaire. En vain. Jen'ai pu faire que Baudelaire naquîtau Guatemala, qu'Alexandre Dumaset Dickens se rencontrassent entreDieppe et Calais pour échanger desrecettes de cuisine dans le dos du

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Cardinal, ou même qu’Homère exis-tât d'une façon certaine ». Découvrir,ce n'est pas forcément inventer ;connaître, c'est reconnaître. Main-tenant, on peut toujours se ranger àl'avis judicieux suivant : « Si les écri-vains ne lisaient pas et si les lecteursn'écrivaient pas, les affaires de lalittérature iraient extraordinairementmieux. »

Le choc des incultures

HHHHI

Francis BalleL’Archipel, 140 p., 15 €

Sale temps sur la culture : finiles princes, fini les rois. Plus dePivot, plus de pivots. Si l’Entertain-ment séduit les masses, le mondeentier, occidental comme global,semble s’épuiser dans un choix infinide camps : progressiste ou rétro-grades, hipsters ou bobos, made inFrance versus Hello world ; etc.Choisis ton camp, camarade : Bien-venue dans l’ère du choix, bienvenuedans Le choc des incultures.

Le constat est indiscutable : notresociété, qui se définit par rapport àson passé, par la recherche de lacroissance et par un déterminismetechnologique, est de plus en plusindéchiffrable.

La faute, selon l’auteur, à unaplanissement globale de la société :à l’heure de l’hypermodernité et de

l’hyperchoix, l’illusion culturelle estcelle d’une tension entre une mon-dialisation galopante, qui lisse dansun aplat de médiocrité (médiatique,etc) et de petites « niches culturelles »dont l’appartenance à l’une ou l’autredéfinirait notre identité. Ces pôlessourds de cultures servent alors dansune geste presque contradictoired’une confrontation entre identita-risme (JE suis ça) et conformisme(ON se ressemble tous). Ce sont dessources dangereuses de scission etde tension : en perdant la hiérarchie,on perd l’identité, et le peuple sedivise entre les hypermodernes, re-vendiqués de nulle part, fuyant lepoids des aînés et du passé, et, dansun opposé total, les rétrogrades,voyant le monde et les modes pas-ser.

Moralité : le monde, loin d’êtredevenu un village global, est unbouillonnement horizontal de mi-crocultures (avec un tout petit « c »),allant jusqu’à redéfinir l’idée de na-tion ou de politique, et dont les ten-sions, bien loin d’un horizon deguerre mondiale, risque à court termede provoquer une guerre de frag-mentation, où de multiples conflitslocaux explosent dans un chaos ex-ponentiel. Que reste-t-il de la cul-ture ? Soit on en a donné une défi-nition englobante (« tout est cul-ture »), soit une acception restrictive(« il n’y a que de grandes œuvres »).Et depuis l’aube du XXI° s, sousl’effet conjoint de la mondialisationéconomique et de la révolution nu-mérique, la culture a été marquéepar des bouleversements voire dés-avouée.

Ce sont ces transformations quece livre entend considérer. Avec sesgagnants et ses perdants. Et surtout,

en dénonçant les incultures qui sur-gissent, se multiplient et prolifèrent !Et si nous repensions aux humanités ?Trop longtemps délaissées, ringar-disées, méprisées, l’auteur proposede leur redonner une place de choixauprès des médias. Et qu’ainsi lepublic puisse y être de nouveau sen-sible. Quelle solution, alors ? Re-trouver le devoir de Vérité (notam-ment des médias). Sortir de l’Enter-tainment pour revenir vers la dé-couverte. C’est le rôle de l’école,dévoyée mais qui doit retrouver sonstatut. En clair, rendre un peu deverticalité, de hiérarchie au monde :parce que c’est ainsi que naît la cul-ture, et qu’on ne peut aller versl’autre qu’avec elle. Un temps pluslong, apaisé et éveillé de réflexion.C’est sans doute par-là que nous re-trouverons la nécessaire « sagesse »,la culture et donc la liberté.

Chrétien et moderne

HHHII

Philippe d’IribarneGallimard, 240 p., 20 €

La rencontre entre le christianismeet la culture moderne peut se révélerprofitable pour les deux, à conditionde renoncer au fantasme de la toute-puissance. L’auteur entraîne le lecteurdans un travail de discernement pourévaluer les failles du projet moderned’une part, et les infidélités de la

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tradition chrétienne à son propremessage d’autre part.

Confrontés à la modernité, leschrétiens sont déstabilisés. Que valentleurs dogmes à la lumière de la rai-son ? Et l’avènement d’une humanitéréconciliée avec elle-même, au-delàdes frontières des cultures et des re-ligions, n’exige-t-il pas qu’ils se ral-lient à un monde post-religieux, fu-sionnant tout message singulier dansune spiritualité universelle ?

Mais, à son tour, le rêve moderneest en crise, entre les effets destruc-teurs de la mondialisation libérale,la hantise du terrorisme islamiste, laperte de confiance dans les respon-sables politiques et la montée despopulismes. Le projet d’émancipationporté par les Lumières, dont on at-tendait tant, a dégénéré en fantasmede toute-puissance. D’où vient lafaille ? De ce que l’idéal d’une sociéténouvelle a été élaboré sur uneconception abstraite de l’homme,sans lieu, sans condition, sans enra-cinement. On a oublié que la ma-nière dont chacun habite la conditionhumaine marque de son empreintela vie de la cité. Le projet démocra-tique n’en a pas fini avec la spécificitéchrétienne, et non plus le désir, tantbafoué de nos jours, de respecter ladignité des pauvres. Le christianismepeut venir au secours de la modernitéen manifestant par ses manières devivre qu’il n’y a pas de corps politiquesans corps social : la vie passe pardes « rencontres réelles entre despersonnes concrètes » ; la fraternitén’est pas seulement une valeur maisune pratique qui fait « plonger dansla complexité des rapports entre lefonctionnement social et l’être inté-rieur des membres de la société ».

De même, le regard que le chris-tianisme porte sur « ceux qui nesont pas à la hauteur de la figure del’homme pleinement émancipé »doit pousser la modernité à reprendreà bras-le-corps la question de lapauvreté en des termes autres quel’accomplissement de l’homme ra-dicalement autonome.

Une identité chrétienne est à re-construire ou à refaire découvrir,dans sa quête de vérité et sans illu-sions sur ses ombres, car la religionchrétienne a un rôle à jouer dans lemonde moderne. Et une identité demoderne qui accepte la finitude resteà construire elle aussi. Pour l’auteur,les uns et les autres ont tout à gagnerà s’interpeller et à s’épauler mutuel-lement dans la promotion du biencommun.

Crue

HHHII

Philippe ForestGallimard, 270 p., 19 €

Marqué par un deuil déjà ancien,un homme décide de revenir dansla ville où il est né et où il a autrefoisvécu. Tout a changé. Pourtant, petità petit, les mêmes fantômes fidèless’en retournent vers lui sous les ap-parences étranges et familières qu’ilsont désormais revêtues. Dans lequartier où il s’est installé, de grandstravaux sont en cours. Les immeubles

en passe d’être démolis voisinentavec les constructions nouvelles. Au-tour de l’homme qui raconte sonhistoire, les signes se multiplient. Lademeure où il a élu domicile luisemble comme une maison hantéeperdue au beau milieu d’un vasteterrain vague. Il y fait la connaissanced’une femme et d’un homme dontil finit par s’imaginer qu’ils détiennentpeut-être la clef du mystère qui lesentoure. Le roman vécu se transformealors en une fable fantastique dé-voilant le vide où s’en vient versertoute vie et qui en révèle la vérité.

Monsieur le curéfait sa crise

HHHHI

Jean MercierQuasar, 150 p., 12 €

L'abbé Benjamin Bucquoy n'enpeut plus : les bonnes dames de laparoisse se détestent, une pétitionest lancée contre lui, son évêque nel'écoute plus… Quand il apprendque le poste dont il rêvait est offertà un autre, il craque… et disparaît.Un burn-out version curé !

C'est le début d'une aventuretendre et lumineuse où derrière lecomique des situations perce unquestionnement de fond : quel estle cœur de notre vocation, commenty rester fidèle malgré la lourdeur duquotidien ?

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Au fait des problèmes actuelsde l'Église catholique (pénurie deprêtres, rapports difficiles entre prê-tres et laïcs…), l’auteur en tire unefable passionnante, drôle, et qui faitdu bien. Une approche pleine d’hu-mour (comique de situation) sur lajalousie, le besoin d’identité, le par-don, Un roman burlesque sur lespetitesses et les grandeurs de la viedes cathos.

Racontez-moi la France,des Gaulois aux Valois

HHHII

Madeleine del PerrugiaEd. des petits chouans, 90 p., 12 €

La décision de ne plus enseignertoute l'histoire de la France, maisde la faire débuter en 1789, priveles enfants de connaissances indis-pensables pour qu'ils réalisent cequ'ils sont. L'histoire d'une nationest un tout. On ne peut en passersous silence deux mille ans. C'estdans cet esprit que ce petit livre aété écrit.

L’intérêt du lecteur ne faiblit pas,alors qu’il parcourt, à grands traits,l’occupation romaine de la Gaule,l’avènement du peuple franc, la for-mation de la féodalité, la naissancedu petit Royaume de France et lespéripéties de sa montée en puis-sance.

Le dialogue soutenu qui animele texte le rend très vivant. Un récitvivant et non dénué de détails pitto-resques laissant à la mémoire uncadre qui s’enrichira au long desétudes et des lectures.

De la Gaule avant l'invasion ro-maine aux premières têtes couron-nées des Valois, une grand-mère ra-conte à son petit-fils l'histoire denotre beau pays. Il faut une trèsgrande maîtrise, d’immenses connais-sances et un vrai don de conteurpour retracer, sous forme dialoguée,quelque mille ans de l’histoire deFrance !

Dis, en vrai,c’est quoi l’amour ?

HHHII

Inès de FranclieuQuasar, 50 p., 12 €

Ce livre est une présentationchrétienne pour une éducation af-fective et sexuelle fondée sur la dé-couverte de la beauté du corps, faitpour aimer et devenir source de vie.

Ce livre contient pour les plusjeunes, des explications sur le corpset la transmission de la vie, avecdes mots justes et un regard émer-veillé. Et pour les plus grands, devraies réflexions sur la personne hu-maine, la différence garçons-filles,la pudeur, l'amitié, l'amour… Unquiz se trouve à la fin du livre pour

tester ses connaissances. Dès 5 ansjusqu'à 12 ans.

Les divisions du Pape

HHHII

Frédéric Le MoalPerrin, 350 p., 22,50 €

« Le pape, combien de divisions?»Cette repartie ironique de Staline àPierre Laval, qui lui demandait ungeste envers le Vatican, témoigne dusentiment de supériorité que le maîtrede l'URSS éprouvait à l'encontre dela papauté et qu'il partageait avecHitler et Mussolini. En effet, de quellestroupes les papes disposent-ils pourcombattre les États totalitaires et leurvolonté de contrôle absolu des so-ciétés et des individus ?

En réalité, le Vatican eut d'autresmoyens pour survivre aux sangui-naires ambitions du fascisme, dunazisme et du communisme.

Face aux dictateurs du XXe siècle,les papes ont emprunté des cheminsparfois sinueux, alterné condamna-tions et discussions, signé des accordsavec des régimes dont ils pourfen-daient l'idéologie non seulementpour préserver l’Église et ses fidèles,mais aussi au nom d'une certaineconception de l'homme.

C'est l'histoire de cette étrangemais réelle confrontation que racontece livre. S'appuyant sur les avancées

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historiographiques les plus récentes,l'auteur couvre pour la première foistoute la période des totalitarismesde 1917 à 1989, décrypte les évo-lutions de la diplomatie vaticane etapporte une réponse claire, préciseet documentée à la méprisante ques-tion de Staline.

Donne-moides baisers de ta bouche

HHHII

Sophie LutzEditions Emmanuel, 230 p., 16 €

Quel couple, même heureux, nes'est jamais senti démuni à l'idée deparler de sa vie sexuelle ? Qui nes'est jamais demandé : « De quoilui parler ? Que lui dire ? Commentm'exprimer sans la/le blesser ? » De-vant la difficulté, qui n'a jamais re-noncé à entamer le dialogue, parpeur d'être mal jugé ? Bref parler desexualité dans un couple est extrê-mement délicat : comment dire sansle/la blesser ? La tentation de renoncerau dialogue est un danger potentiel.

En proposant des textes à lire àdeux, des questions pour communi-quer, des témoignages sans fard, desréflexions psychologiques, bibliqueset sexologiques, ce parcours veutaider tous les couples à faire de leurintimité sexuelle un sujet de conver-sation aussi naturel que leur travail,leurs enfants, leurs projets de va-

cances ou leurs hobbies. Le livre esten fait une vulgarisation de la théo-logie du corps de Jean-Paul II. Entrefragilité et beauté, chaque coupleest invité à composer sa propre pa-lette au service d'un amour toujoursplus grand.

L’éducationdu prince chrétien

HHHII

ÉrasmeLes belles lettres, 260 p., 25 €

Erasme composa, voici cinq siè-cles exactement (1516), ce courttraité de politique à l'usage du jeuneCharles-Quint, âgé de seize ans,qui s'apprêtait à devenir roi d'Es-pagne. Sa thèse est simple : le princedoit gouverner dans l'intérêt de touset s'affranchir des désastreuses idéo-logies de conquête et d'honneurqui n'ont apporté que la ruine chezles peuples d'Europe. La guerre doitêtre évitée par tous les moyens pos-sibles, et le prince doit consacrertoute son énergie aux « arts de lapaix ».

Cet ouvrage s’oppose radicale-ment à son célèbre contemporain,le Prince, rédigé trois ans plus tôt.Pour Machiavel, il importe de tenirce qu’on a reçu ou conquis, quelque soit le prix que doivent enpayer les sujets. Pour Érasme, seuls

sont dignes du titre de prince ceuxqui consacrent leur personne aubien de l’État et non l’État à leurprofit. Il oppose les arts de la paixà ceux de la guerre, l’exercice dela liberté des citoyens à l’obéissancedes sujets.

Une très belle édition bilingue.En un mot comme en cent, c'estl'antidote à la célèbre problématiquede son contemporain Machiavel :« Comment prendre le pouvoir etcomment le conserver ? ».

Féminine

HHHII

Emilie GuillauminFayard, 400 p., 21 €

Emma Linarès voulait que sa viesoit intense, voire héroïque. Grandelectrice, elle se rêvait en personnagede roman.

Un jour, après y avoir longue-ment songé, elle a franchi le portailintimidant d’un camp militaire. L’ar-mée. N’était-ce pas là que se vi-vaient les dernières aventures ? Sansdoute. Mais seulement quand elleaurait appris à s’habiller en moinsde cinq minutes, à ramper dans laboue, à se mettre au garde-à-vous,à nommer chaque pièce de sonfusil d’assaut et à chanter sa nos-talgie virile pour une belle blonderestée au pays…

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 8/20

On crapahute et on trembleavec elle, partageant aussi les bellesémotions ponctuant ce premier ro-man plein de vie C'est sa propre ex-périence, cela semble évident, querelate l’auteur, avec talent, alacrité,et souvent une touche d'humourgrinçant.

La France a un avenir

HHHII

Stéphane BuffetautLe Rocher, 240 p., 19 €

Pour les uns, la France se suicide ;pour les autres, l’école ne joue plusson rôle de transmission ; pour cer-tains, même, tout est foutu. Il esttoujours plus simple de faire leconstat d’une nation à la dérive etd’une civilisation décadente qued’offrir une alternative, une espé-rance, une ambition dans ce noman’s land politique et idéologique.

Dans cet essai, l'auteur proposeun programme de vie pour échapperau désenchantement qui plane surle monde politique français. Selonlui, le remède réside dans le retourau réel, la liberté spirituelle, l'aban-don de l'idéologie responsable dela corruption du gouvernement dela cité. « L’oligarchie politique, plusinquiète de sa réélection et de sonimage médiatique que du bien com-mun, n’a plus de vision d’avenir etles Français espèrent qu’un jour sur-

giront des hommes et des femmesd’État capables de sortir la Francedu déclin et de l’immobilisme. »

L’auteur propose avec beaucoupd’érudition les fondations d’un vade-mecum politique conservateur. En19 chapitres, il évoque des thèmesdivers comme la place de la Francedans l’Europe, de la notion de chefd’État, de l’importance de la famille,de l’immigration de masse et soncorollaire l’islamisation, ainsi quedes effets de la mondialisation… Ilaspire à un renouveau de la classepolitique avec des hommes ou desfemmes plus passionnés à servirqu’à se servir, plus intéressés aubien-être des leurs qu’à leur vaniténarcissique. Pourtant, et c’est toutela contradiction de la vie politiqueactuelle, le peuple veut des élusqui passent bien (« dans le vent »),tout en souhaitant un changementfort ; Et en même temps, le peuplene supporte pas que les élus bous-culent le ronron de la doxa télévi-sée.

L’auteur nous entraîne dans desréflexions historiques, culturelles,pragmatiques afin de dessiner lescontours d’une base doctrinale quimanque cruellement à un courantde pensée qui ne se retrouve pasdans les analyses économiques etl’ouverture à gauche du Front na-tional, ou qui n’adhère pas à l’hy-pocrisie politique des « Républi-cains », tout en restant ouvert audialogue avec les deux. Il offre auxnouveaux conservateurs français uneboussole sur laquelle s’appuyer aprèsdes années de dérive socialo-boboet de destruction systématique, parle gouvernement, des bases de notrepays : la famille, les corps intermé-

diaires, l’armée, le travail, la culture,la chrétienté…

Il est important que les forces debonne volonté attachées aux valeursexpriment les bases de l’avenir. Ilfaut se retrousser les manches et re-construire notre pays. C’est, finale-ment, l’ambition de ce livre qui sou-haite susciter l’émergence d’un re-nouveau politique pour une renais-sance de la France.

L’homme qui voyaità travers les visages

HHHII

Eric-Emmanuel SchmittA Michel, 230 p., 22 €

Tout commence par un attentatà la sortie d’une messe. Le narrateurétait là. Il a tout vu. Et davantageencore. Morts et blessés s’accumu-lent. La vague d’attentats ensanglanteCharleroi. On soupçonne, un peufacilement, des mobiles religieuxsous ces actes radicaux. Augustin,jeune stagiaire au journal local, setrouve pris, malgré lui, au cœur desévénements. Pour prouver qu’il n’estpas l’idiot que tout le monde croit,il mène son enquête. Pour cela, ilpossède un don unique : il voit àtravers les visages, percevant autourde chaque personne les êtres mi-nuscules – souvenirs, anges ou dé-mons – qui la motivent ou la hantent.

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 9/20

Est-il un fou ? Ou le sage qui dé-chiffre la folie des autres ? Son in-vestigation sur la violence et le sacréva l’amener à la rencontre dontnous rêvons tous…

Après La Nuit de feu, l’auteurpoursuit son exploration des mystèresspirituels dans un roman troublant,entre suspense et philosophie.

L’humeur vagabonde

HHHII

Antoine BlondinTable ronde, 200 p., 7 €

Après la Seconde Guerre mon-diale, les trains recommencèrent àrouler. On rétablit le tortillard quireliait notre village à la préfecturedes Charente. Benoît Laborie quittefemme et enfants pour tenter fortuneà Paris. Rastignac triste, il s'égaredans le cimetière du Père-Lachaise.Quand il revient au pays, sa mère leprend pour un amant de sa femmeet tue l'épouse supposée infidèle.Parce qu'il dégage un parfum decrime, la capitale s'offre à lui. Paspour longtemps. Un nouveau capricedu Tout-Paris, et il est rejeté.

Ce roman est une fable comiqueet triste, une petite musique aigre-douce au ton inimitable. C'est l'his-toire d'un homme qui s'en va. Unlivre déchirant où l'on suit un hérosmodeste. Ecrit en 1955, L'Humeurvagabonde décrit une ville en noir

et blanc, à peine sortie de la guerre.Mais avec Antoine Blondin, la tra-gédie se cache derrière la malice etla tristesse avance masquée. De lagare d'Austerlitz au Père-Lachaise,nous marchons en compagnie d'« unpetit provincial un peu gêné auxentournures ». Si l'intrigue est mince,l'écriture s'impose, telle une musiquetraversant le temps et les modes.Blondin flâneur aime les hommesordinaires, les rêveurs insatiables,les poètes de comptoir.

L’invention du voyage

HHHII

CollectifLe Passeur, 230 p., 15 €

Peut-on voyager tout en restantchez soi ? Pour répondre à cettequestion, Anne Bécel, géographe etauteur de guides de voyage côtépile, aventurière côté face, part à larencontre d’écrivains de renom,grands voyageurs, poètes, artistes,anthropologues et sociologues. Ellea souhaité, à travers ce livre, prendrele contre-pied des guides de voyageclassiques et écrire le guide dontelle rêvait. Celui qui sera véritable-ment utile aux voyageurs en par-tance.

Un anti-manuel composé d’écritsinédits de personnalités appréciéesdu grand public — Sylvain Tesson,Gilles Lapouge, Isabelle Autissier,

Christian Bobin, Alexis Jenni, OlivierBleys, Gaële de La Brosse etc-, écritd’une plume alerte et enjouée.

De ces récits naît la certitudeque, d’un voyage à l’autre, certainessituations se retrouvent : la confianceau monde, la disponibilité au hasard,la curiosité des autres habitent lesvoyageurs, en dépit de leurs peurs,de leurs désillusions et des bifurca-tions incertaines. Il apparaît égale-ment qu’il n’est pas nécessaire d’avoirvécu de grands voyages pour sesentir pleinement en « état devoyage ». Il est tout à fait possibled’incarner cet état dans notre viequotidienne.

Ce livre est à la fois une explo-ration de ce qui fonde l’état devoyage, au plus intime, et un com-pagnon de route pour nous permettrede vivre cet état dans notre vie dechaque jour. Ce livre prend le contre-pied des guides touristiques, appro-fondit une approche plus spirituellede l’itinérance et permet à chacunde se découvrir explorateur du quo-tidien ou du lointain comme il luiplaira. Vraiment, que souhaiter demieux ?

Jeanne d’Arc, soldat du roi

HHHHI

Mauricette Vial-AndruTéqui, 360 p., 22 €

« Dieu te donne mission de sau-ver la patrie… Il te faut faire sacrer

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 10/20

le Roi à Reims. » Jeanne a seulementtreize ans quand saint Michel, sainteCatherine et sainte Marguerite luiapparaissent. Le royaume de Franceest envahi par les Anglais. Quelleincroyable mission commence alorspour cette jeune paysanne de Dom-rémy ! Bientôt à la tête d'une armée,Jeanne n'a pas peur ; elle faitconfiance à Dieu. Et, rapidement,Orléans est délivrée. Le 17 juillet1429, Charles VII est sacré Roi deFrance. Mais que devient celle quiest blessée devant Paris ? Ces treizechapitres simples, complets et vivantsferont connaître celle qui devintsainte patronne de la France et quirayonna par sa sagesse et son cou-rage. Dès 6 ans

Joseph Bonaparte

HHHII

Thierry LentzPerrin, 720 p. 27 €

Joseph Bonaparte (1768-1844) ajoué un rôle considérable pendantla Révolution puis sous le gouver-nement de son frère cadet, Napoléon.Un simple survol des fonctions qu'iloccupa durant ce quart de sièclesuffit à en prendre la mesure : prési-dent du district d'Ajaccio, commis-saire des guerres, ambassadeur, dé-puté, conseiller d'État, sénateur, grandélecteur de l'Empire, roi de Naples,roi d'Espagne, lieutenant général de

l'empereur en 1814, président duConseil des ministres durant les Cent-jours. Son rôle politique actif futdonc de premier plan, marqué parune relation très particulière avecNapoléon dont il fut peut-être leseul ami.

Après 1815, sa position ne futpas non plus secondaire, malgré sondépart d'Europe pour un long exilde près de vingt-cinq ans aux États-Unis où il devint un personnage trèsen vue, jusque dans les milieux offi-ciels. Il demeura aussi une sorte derégent moral pour le compte du roide Rome puis, après la mort de ce-lui-ci (1832), devint prétendant autrône impérial. L'âge venant, il seraidit dans cette position et se heurtaà son neveu Louis-Napoléon, le futurNapoléon III. Inhumé à Florenceaprès sa mort dans cette ville, en1844, il rejoignit son frère sous ledôme des Invalides en 1862. Voicidonc la vie extraordinaire du frèreaîné de Napoléon.

La légende

HHHII

Philippe VassetFayard, 240 p., 18 €

L’auteur déploie, avec un talentdéconcertant, une langue changeantepour célébrer une poignée de viesminuscules et renouer avec un tonhagiographique codé. Tantôt pétillant,

tantôt rigoureux, il accompagne sonarmée des ombres pour mieux com-poser la légende de chacun. Il cacheune documentation pointue, uneobstination d'enquêteur qui n'a paspeur de se colleter avec la bureau-cratie papale pour se faire ouvrirdes archives inattendues. Le lecteurest porté par ses histoires en accor-déon, ébahi, amusé, prêt à paraderà ses côtés dans cette liturgie baroquequi peut prendre naissance juste aucoin de la rue.

Au purgatoire, les punks et leurséructations ! Dans les limbes, lesavant-gardes et leurs  manifestespompeux ! L'underground, le vrai,est catho. Oh, pas le catholicismede grenouille de bénitier, mais celuide ces mal peignés, de ces vies desaints dont  Jacques de Voragine,fut le  grand pourvoyeur avec sesLégendes dorées. Et, justement,dans La Légende de Philippe Vasset,entre cabinet de curiosité éruditet embardées lyriques, on retrouvel'esprit saint et foutraque à la fois.

Le narrateur troque à mesure laprière contre le cabotinage et seretrouve à « déballer des histoirescomme on exhibe sa discothèque,enchaînant les péripéties en unerhapsodie désordonnée, franchissantd’un bond les siècles et les conti-nents ». C’est cette jubilation de laparole qui marque le plus dans ceroman, où le romanesque et l’au-todérision se mêlent, où le soliloquele dispute au prêche. Et sur lestraces disparues s’avance une autrelégende, cortège silencieux et étran-gement familier. À sa tête marchela femme que le narrateur a aimée.

L’écrivain, qui emprunte les la-byrinthes des énigmes du réel, ne

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 11/20

pouvait sans doute voir Rome au-trement que comme cette usine àmythes et à légendes un peu assou-pie que son narrateur tente de ré-veiller.

Manuel d’exil

HHHII

Velibor ColicGallimard, 210 p., 17 €

Été 92. Velibor Colic (l’auteur)débarque à Rennes. Il a 28 ans et nepossède que trois mots de français :Jean, Paul et Sartre. Dans son sac desport élimé, un stylo, un manuscrit,des deutsche marks, quelques habitset une brosse à dents. Déserteur del’armée bosniaque, c’est un soldatqui a vu la mort mais ne l’a jamaisdonnée, préférant tirer en l’air plutôtque sur ses ennemis. À Rennes, onl’installe dans un foyer pour deman-deurs d’asile. La misère du mondes’est donné rendez-vous à Rennesen cette fin d’été 1992. Une viespartiate où se conjuguent ennui,promiscuité, consommation excessived’alcool et cours de français. AprèsRennes, ce sera Paris, puis Strasbourg.Ses papiers enfin en règle, il « profite »de l'intérêt que suscite la crise dansles Balkans pour publier son premiertexte, « Les bosniaques », successionde témoignages sur la guerre qui dé-chire l'ex-Yougoslavie. Le début d’unecarrière d’écrivain chaotique qui ne

changera finalement pas grand-chose

à sa condition de réfugié.

Après avoir déserté l’armée bos-

niaque, le narrateur se retrouve sans

argent ni amis, ne parlant pas le

français, dans un foyer pour réfugiés.

Dans une langue poétique, pleine

de fantaisie et d'humour, l’auteur

aborde un sujet d’une grande ac-

tualité et décrit sans apitoiement la

condition des réfugiés, avec une iro-

nie féroce et tendre.

Médecin de guerre

HHHII

Elie Paul Cohen

Le Passeur, 240 p., 18,50 €

À vingt ans, Élie, idéaliste, anti-

militariste, ne vit que pour la mu-

sique. Trente ans plus tard, médecin

urgentiste, il est recruté, suite à des

hasards de la vie, par l’armée fran-

çaise et envoyé à Camp Bastion, la

base militaire américano-britannique,

dans la zone la plus meurtrière de

l’Afghanistan. Sa mission ? Importer

dans l’armée française les méthodes

de pointe permettant de sauver les

polytraumatisés de guerre.

Il se retrouve impliqué dans une

guerre asymétrique et sans front. Une

guerre censée endiguer un terrorisme

qui depuis s’est répandu en Afrique

et au Moyen-Orient, pour nous re-

joindre aujourd’hui dans les rues de

Paris, de Bruxelles et d’ailleurs.

L’étonnant destin d’Élie, racontéde manière enlevée et poignante,offre une plongée vertigineuse aucœur de cette nouvelle donnecontemporaine qui bouleverse nosvies, les guerres sans front et le ter-rorisme. Un parcours hors du com-mun, palpitant et d’une grande hu-manité.

Le ministère du faste

HHHII

Xavier MauduitFayard, 450 p., 23 €

Longtemps après la chute de1870, le souvenir du faste du SecondEmpire était encore vif dans les es-prits, suscitant autant de fascinationque de condamnation. Cette « lé-gende noire » s’est cependantconstruite sur une réalité : l’impor-tance accordée à la théâtralité dupouvoir napoléonien, gage de pros-périté. Au cœur de cette mise enscène du pouvoir se trouve une ins-titution : la Maison de Louis-Napo-léon Bonaparte.

À la faveur d’un formidable tra-vail d’archives, l’auteur livre uneenquête originale sur une institutioninspirée des grandes cours royalestout en répondant aux exigencesd’un temps (proximité avec le peu-ple, ascension de la bourgeoisie,économie budgétaire). L’auteur suitpas à pas ces hommes et ces

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 12/20

femmes, dignitaires, employés, do-mestiques, qui participèrent à l’effortde légitimation du pouvoir de celuiqui fut premier président de la ré-publique française puis empereur.Rivalités, logiques de carrières,jusqu’aux conditions de travail, l’his-torien dresse un riche tableau socialde cette Maison. Mais il lui rendsurtout son rôle politique : en effet,la maison de l’empereur ne fut passeulement l’institution en chargede l’organisation des divertissementsdu régime, elle participa aussi etde fait, à la mise en place d’unevéritable politique de l’image, es-sentielle pour le Second Empire.

Monsieur l’écrivain

HHHII

Joachim ZelterGrasset, 130 p., 13 €

« Selim Hacopian a écrit un li-vre ». Un écrivain renommé reçoitun beau jour ce curieux mail, envoyépar un drôle de personnage qui s’ex-prime à la troisième personne etsouhaite que l’on « jette un coupd’euille » à ses écrits. Qui est cetHacopian ? Peut-on se présenter etvanter son manuscrit avec plus demaladresse ? Il aurait dû se méfier.

L’écrivain refuse poliment, maisquelques jours plus tard, l’inconnul’interpelle au détour d’une rue et, àcoup de « Monsieur l’Ecreuvain », finitpar obtenir gain de cause à force

d'obséquiosité. Il présente un curri-culum vitae rocambolesque où passel'Ouzbékistan de sa naissance,l'Égypte, la valise en carton et demystérieuses précisions, comme cette« rencontre avec Gerhard Schröder ».L'homme est vite encombrant, il leharcèle de questions, de requêtes,pour son manuscrit. Il est émouvant,irritant, collant. L’écrivain s’engagealors, sans le savoir, dans une entrepriselittéraire de longue haleine, à laquelleil va se consacrer corps et âme.

Entre les étagères poussiéreusesde la bibliothèque, autour d’un caféou dans le minuscule appartementde Selim, il apporte des corrections,prodigue des conseils, souffle desidées de nouvelles au jeune homme(lui qui a vécu en Égypte, pourquoine pas écrire sur les chameaux ?)qui, bien vite, est contacté par uneprestigieuse maison d’édition.

Le succès d’Hacopian grandit àmesure que celui de l’écrivain, ayantdélaissé ses propres romans, décline.Il lui vient alors une idée : pourquoin’utiliserait-il pas Selim pour publiersa propre prose ?

Le mystèredes Saints innocents

HHHHI

Charles PéguySalvator, 220 p., 17 €

Le retour de Charles Péguy à lafoi catholique en 1907 l’entraîne à

écrire des ouvrages poétiques deméditation mystique. Antimoderne,Charles Péguy rejette  la modernitéet la course au progrès qu’il décritcomme la vanité de l’homme per-suadé de pouvoir remplacer Dieuaccompagnée de la recherche cupideet immorale de l’argent.

Publié pour la première fois en1912, ce texte en vers libre s'appa-rente à un long discours de Dieuécrit dans une langue proche del'oral et dans lequel se lisent lespensées de l'auteur sur le christia-nisme : critique de la mauvaiseconscience et de l'obsession du pé-ché, exaltation de Dieu lui-même,etc…

Cet ouvrage n’a pas pris uneride. Il répond toujours aux angoissesde notre temps. Comment êtrecroyant dans un monde où l’on as-simile la religion à la soumission età la violence ? Comment être Françaisdans un pays tenté par le reniementet le renfermement sur soi ? Commentêtre père dans une société en pannede dialogue intergénérationnel ? Pé-guy répond à ces interrogations. Àtravers le discours de Madame Ger-vaise, c’est Dieu qui parle. Oui, Pé-guy y fait parler Dieu qui « connaîtbien l’homme », « ce monstre d’in-quiétude » Or Dieu ne lui demandepas plus que ce qu’il peut donner.Le Dieu de Péguy fait aussi l’élogedes Français ! « C’est embêtant, ditDieu, quand il n’y aura plus cesFrançais, il y a des choses que jefais, il n’y aura plus personne pourles comprendre. » En des textes quioscillent entre drame et poésie, ilcélèbre les vertus du christianismeet les plus hautes figures de la Chré-tienté : Jeanne d’Arc, sainte Gene-viève, saint Louis…

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 13/20

Audace du poète, qui bousculeles certitudes ou les préjugés de sonlecteur, en faisant l’éloge de l’espé-rance et de la miséricorde, de la li-berté de l’homme – la plus bellecréation de Dieu – du peuple françaisqui a « la liberté dans le sang ».

Monty, Gertrude, Sandyet les autres

HHHII

PG WodehouseBelles lettres, 200 p., 15 €

Pelham Grenville Wodehouse estné à Guilford en 1881 et mort àNew York en 1975. Après avoir tra-vaillé brièvement dans la banque, ildevient journaliste et écrivain. Ilémigre aux États-Unis avant la Pre-mière Guerre mondiale et travaillecomme scénariste à Hollywood. Ilest le créateur de Jeeves, Lord Ems-worth et autres personnages clas-siques de l'humour britannique.

Dans cet opus, Monty Bodkinrentre chez lui (en Angleterre) aprèsavoir passé une année en Amérique.Son absence a renforcé sa résolutiond’épouser la joueuse de hockey,Gertrude Butterwick. Cependant, sarencontre avec un magnat du cinémaobèse, sa redoutable épouse et sabelle-fille plus redoutable encore,amène bien des complications. Ajou-tez à ce pot-pourri l’assaisonnement

piquant d’un détective privé de troi-sième ordre, d’un couple d’escrocset d’un collier de perles, et la re-cherche du grand amour prometvraiment de ne pas être de toutrepos pour Monty.

On ne naît pas père

HHHHI

Julien ChouvetEd. de l’Emmanuel, 110 p., 10 €

Entendre son enfant crier :“Papa !”, quel choc… Jusque-là cemot désignait mon père. Et voilàqu'aujourd'hui il me désigne, moi.Que j'en porte moi aussi le nom.Lorsque l'un de mes enfants m'ap-pelle, ce nom frappe mes oreillescomme si je l'entendais pour la pre-mière fois. Ai-je rêvé ? Non, c'estbien dans mes bras qu'il vient seblottir, c'est bien sur mon épaulequ'il sèche ses larmes, c'est bienma joue qu'il mouille de ses lèvressalées. Et, comme pour m'ôter undernier doute, l’enfant ajoute : “Papa,tu peux me donner un mouchoir ?Alors le père qui dort en moi est re-nouvelé.

Dans cet essai profond où mé-ditation et témoignages s'entremê-lent, l'auteur révèle combien la pa-ternité est avant tout un tissage deregards entre le père et l'enfant.Partant de son expérience person-nelle de père et d'éducateur, il

contemple le mystère universel dela paternité : un lien qui unit pèreet enfant à travers le regard. Ceregard qui fait grandir ou qui abîme.Et derrière le regard du père surl'enfant, on découvre en filigranecelui de Dieu posé sur nous.

Les palais de l’histoire

HHHHI

Jean FavierLe Seuil, 780 p., 34 €

Né à Paris en 1932, major del'École des Chartes, agrégé d'histoireet docteur ès lettres, Jean Favierpoursuivit une double carrière d'uni-versitaire et de serviteur de l'État.Enseignant successivement à la Fa-culté de Rouen, à l'École pratiquedes hautes études et à la Sorbonne,il est l'auteur de très nombreux ou-vrages qui ont touché un vaste public,parmi lesquels Philippe Le Bel (1978),La Guerre de Cent ans (1980), Fran-çois Villon (1982), Les Grandes Dé-couvertes (1991), ou encore LouisXI (2001) et ne cessa jamais d'écrirejusqu'à sa mort en 2014.

Travaillant sur les administrateursde l'État médiéval, il fut lui-mêmeun grand administrateur : dès 1975,il devint un des acteurs de premierplan de la politique culturelle de laFrance, à la tête des Archives natio-nales durant près de vingt ans (1975-1994), qu'il modernisa largement,

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 14/20

contribuant notamment à la rédactionde la loi de 1979 sur les Archives,puis à la tête de la Bibliothèque na-tionale de France (1994-1997), oùil prépara l'ouverture du nouveausite, avant d'être nommé présidentde la Commission nationale françaisepour l'Unesco.

Tenant un journal de manièrecontinue, il rédigea au cours desdernières années de sa vie ces mé-moires, qu’il intitula Les Palais del’histoire, laissant à ses enfants lesoin de décider de leur publication,ainsi que de nombreux fragmentsautobiographiques, qui sont rassem-blés ici afin de retracer le parcoursde cet historien hors norme.

L’ensemble livre un témoignageunique sur près d’un demi-siècled’histoire et de politique culturellede la France.

Un livre qui permet d’aimer laFrance et son histoire. Où l’on estconfirmé par le fait que le travail etl’exigence sont nécessaires.

Les oiseauxde Christophe Colomb

HHHHI

Adrien GoetzGallimard, 100 p., 12 €

Alina, treize ans, est venue passertrois mois à Paris chez sa tante etson oncle. Logée juste derrière leMusée du quai Branly, la jeune es-

pagnole découvre ce lieu à l'archi-tecture étonnante. Grâce à sa tanteAugustina, elle parvient à rencontrerle directeur. Parallèlement, Laureet Eudes, deux employés, découvrentdes pages manuscrites qui pourraientavoir été écrites par Christophe Co-lomb.

Rêveuse, seule et un peu perduedans un jardin au bord de la Seine,Alina s'intéresse à Christophe Colomb.Entre les arbres et les immeubles, àl'ombre de la tour Eiffel, se trouve unmusée qui va l'émerveiller. QuaiBranly, tous les peuples du mondedialoguent. Ce qui ne devait êtrequ'une visite instructive devient pourelle un voyage. Elle ne s'attend pas àêtre la première à comprendre le lienmystérieux qui unit les Taïnos, peuplepour lequel elle va se passionner, audécouvreur de l'Amérique.

Les paladins de Mongré

HHHII

Axel VachonTéqui, 200 p., 15 €

Un collège prestigieux, splendide,envoûtant, à deux pas du Paradis oude l'Enfer, c'est selon… Depuis leurmonde parallèle et miniature, d'af-freux et minuscules diablotins retorss'escriment à empêcher les élèvesd'étudier. Tout est bon pour exploiterles faiblesses humaines : chicaneries,tricheries, pièges en tout genre…

Promis à un degré supérieur dans lahiérarchie, deux angelots s'échinentà sauver ces jeunes âmes, et il y afort à faire pour empêcher les élèvesde sombrer… Tout s'accélère quandquelques adolescents découvrent unpassage vers ce mini-monde. Ils de-viennent alors les Paladins, chevaliersdu bien chargés de défendre élèveset professeurs. Une mission à hautrisque à partir de 10 ans !

Le piano dans l’éducationdes jeunes filles

HHHII

Stéphane BarsacqAlbin Michel, 350 p., 21 €

Peut-on trouver le grand amourdans une société vouée à la jouis-sance et à l'individualisme ?

Volodia, jeune professeur d'His-toire épris de littérature, de musiqueet d'absolu en a la certitude. Pourcombler une vie plutôt plate, il selance dans la rédaction d'un ouvragesur l'éducation des jeunes filles, sou-tenu par Anténor son directeur dethèse et Hérode, un écrivain aussiflamboyant que grossier. Entouré deson ami Julien et d'Alexeï, uneconnaissance plutôt mystique, ilnourrit sa thèse de ses propres ex-périences amoureuses.

Le hasard fait qu'il tombe amou-reux de deux pianistes aux person-nalités bien distinctes. Qui fera son

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 15/20

éducation sentimentale ? Sonia, jeunepianiste ambitieuse et maîtresse in-satiable ? Asma, férue de mystiqueet d'érotisme oriental ? Ou Sophie,artiste adulée à la troublante beauté ?

Comment le piano, instrumentd'éducation commun aux deuxjeunes filles,peut-il révéler deux per-sonnes et deux amours si différents ?

Pour nous entraîner dans cevoyage initiatique, l’auteur trempeson encre d'humour et d'esprit. Onrit et on pleure du tragicomique dessituations, et de ce que révèle sonregard sur notre monde singulière-ment déjanté.

La Russie des Tsars

HHHII

Ss dir E HechtPerrin, 400 p., 21 €

La Russie : « une autocratie tem-pérée par l'assassinat » selon la for-mule célèbre prêtée à Astolphe deCustine, auteur de « La Russie en1839 ». Sauf que cet absolutismeperdure sous le communisme et quel'on en trouve plus que des tracesdans l'actuelle Russie poutinienne.À l’inverse, chaque réformateur quine fait pas montre d'une poigne defer échoue à l'instar de Gorbatchevou de Boris Eltsine. D'où le titre decet ouvrage collectif qui rassembledes historiens et des journalistes del'Express. Il présente dans des textes

enlevés, mais historiquement puisésaux meilleures sources, la person-nalité et l'action des dix-huit chefsd’État emblématiques de la Russieet de l'URSS depuis Ivan le Terrible– le bien nommé – jusqu'à VladimirPoutine. L'ouvrage est éclairant, flirteparfois avec la provocation et n'ometpas de faire la part belle aux tsarines.Conspirations, complots et assassinatsfont de ces pages une chronique ro-manesque. On y voit le pouvoir ab-solu comme fil d'Ariane de l'histoirerusse.

L’odyssée de Rosario

HHHII

Pierre-Yves LeprinceGallimard, 240 p., 20 €

Que se passe-t-il lorsque nousdécidons de vivre dans un autre paysque celui de notre naissance ? UnFrançais s’est acheté un terrain dansune campagne sicilienne, il a passédes mois à y reconstruire une maison.Il en sort un beau matin pour boireson café au soleil, un voisin apparaît,pose un fusil sur la table et dit : « Tuvois ce fucile ? Quand tu es arrivé,j’ai décidé de te tuer avec. »

L’homme au fusil laissa la vie àson voisin, lui raconta ses aventureshéroïques et patientes, pas à pas.Ce livre retrace l’histoire des travaux,des amours, des révoltes, des sagessesde Rosario R., paysan de Sicile.

Des blasonspour le hérisson

HHHII

L et JL AngélisTéqui, 250 p., 15 €

Dans les Baronnies, au pied desPyrénées, la patrouille du Hérissonfait une étrange découverte : un ma-nuscrit ancien, renfermant l'histoirede Louis et Martial, deux amis que laRévolution sépare. Les scouts sau-ront-ils rapporter aux héritiers deLouis son dernier message et, plusencore, ce que Martial a caché pourlui ? Sauront-ils aussi garder l'amitiéde Jean-Louis et se protéger des terri-bles pirates qui les épient ?

Un très bon livre d’été à partir de12 ans.

Les quinze joies du mariage

HHHII

AnonymeFolio, 400 p., 7 €

Écrit au tournant des XIVe-XVesiècles par un auteur dont l’identité

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 16/20

demeure incertaine, Les Quinze Joies

du mariage – qui se lisent comme

un seul récit ou quinze histoires

courtes – forment une savoureuse

satire de « la guerre des sexes ». À

la première place : la femme. C’est

elle qui mène la danse, faisant de

cette comédie de mœurs un témoi-

gnage exceptionnel sur la vie de

couple, le désir féminin et la société

du Moyen Âge.

Dans ce recueil de nou-

velles – l’un des premiers en langue

française –, la parole prime. Dia-

logues piquants, mots à double en-

tente, commentaires satiriques : l’iro-

nie et l’ambiguïté du propos en font

une œuvre singulière, dont on ne

peut dégager aucun sens univoque.

La traduction, présentée en regard

du texte original, restitue la saveur

du lexique, la subtilité de la polysé-

mie, la force de la syntaxe. Rendant

vive la langue médiévale, elle permet

de saisir l’incroyable modernité de

ce texte jubilatoire. Une prose entre

satire et narration.

L’auteur parodie un texte de dé-

votion populaire, les Quinze Joies

de la Vierge, et énumère en quinze

tableaux les « joies », c’est-à-dire

les affreux malheurs de l’homme

pris dans la « nasse » du mariage,

présenté comme la source de tous

les maux domestiques, érotiques et

autres, et surtout comme l'origine

du malheur suprême de tout être

humain : la perte de la liberté. On

découvre les machinations et ruses

féminines qui font le malheur de

l’homme ; mais le mari est présenté

comme un balourd sans imagination,

« métamorphosé en âne sans qu'il

soit besoin d'aucun enchantement »,

aussi coupable que son épouse, et

qui a bien cherché son malheur.

Le texte offre un tableau vivant

et enjoué des pièges de la conjugalité,

sans désir de corriger les mœurs,

mais en jetant un regard toujours

amusé.

Souriez, vous êtes français

HHHII

Bernard Maris

Grasset, 150 p., 15 €

« Bonjour à tous, bonjour chers

assistés, bonjour les patrons qui pren-

nent des risques et bonjour les rentiers,

les planqués, les gens de l’arrière,

les salariés, ceux qui ignorent la com-

pétition ! »

« Ce magnifique pays d’assistés »,

c’est ainsi que nous voit The Guardian

de Londres. Pays de fonctionnaires,

de retraités, de profiteurs de l’État-

providence. Certes, The Guardian re-

connaît que grâce au système de Sé-

curité sociale il y a moins d’écart

entre les riches et les pauvres en

France qu’au Royaume-Uni ; mais ce

système de providence étatique di-

minue notre esprit de conquête. Il

faut redonner l’esprit d’audace à notre

pays dit Jacques de Chateauvieux,

un grand patron français du sucre et

du pétrole. Refus du risque égale

rente, égale peur ? Bureaucratie égale

inefficacité ?

,Ce mélange unique d’histoire éco-nomique, de liberté pamphlétaire, detraditions bousculées, de foucades,de bagarres utiles ou de mécontente-ments joyeux : c’est la parole de Ber-nard Maris ; et son regard incompa-rable. Mais oui, souriez, vous êtesFrançais ! Traversez notre beau et bi-zarre pays, comprenez-le, aimez-le !

Le testamentdes cœurs fidèles

HHHHI

Emmanuelle MarlyTéqui, 360 p., 14 €

Alix et Godefroy, deux cousins,retrouvent par hasard dans le grenierfamilial la lettre d'un de leurs ancê-tres. Cette missive les plonge, aucœur de la Vendée militaire, sur lapiste de leur passé et d'un trésorperdu. Avec l'aide du Mustang, lapatrouille guide d'Alix, ils vont tenterde percer le secret de Philippe – leurancêtre alors jeune partisan de l'Ar-mée catholique et Royale – et cher-cher ce trésor. Mais Fred Dulac,jeune voisin de leur âge, leur voueune haine farouche et semble prêt àtout pour les faire échouer et s'em-parer du trésor avant eux…

Sous une approche attractive– chasse au trésor, énigmes, rebon-dissements, batailles, humour – ilprésente un intérêt triple :

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 17/20

– expliquer les guerres de Vendéedans un souci de vérité, avec desfaits historiques vérifiés et compré-hensibles pour un public de cet âge ;

– proposer une lecture pédagogiquedu passé, historique ou familial. Der-rière un évident « devoir de mémoire »,il faut savoir tirer les leçons du passé :personne n'hérite inéluctablement deson histoire, la liberté de choix de-meure ; cultiver ce qui est bon, aban-donner ce qui l'est moins :

– éduquer le regard sur l'autre. Lechemin obligé conduisant au respectmutuel implique de quitter ses idéespréconçues pour découvrir l'autre.

Les lecteurs les plus jeunes serontvraisemblablement attirés par l'in-trigue et l'aventure, les plus âgéss'attacheront sans doute davantageau message de fond véhiculé parl'histoire. À partir de 12 ans

Auroren’a plus peur de la mort

HHHII

Éric GuerrierPassiflores éditions, 40 p., 14 €

Aurore, une petite fille, rencontrela réalité de la mort dans son entou-rage et découvre le renouvellementde la vie sous le regard du Créateur.

L’histoire pleine de délicatesseet de poésie est merveilleusementportée par les illustrations de MaggyPottier. Aurore accompagnera lesenfants et les familles confrontés à

la réalité difficile de la mort et auflot d'émotions que celle-ci entraîne.Un outil, une manière d’aborder lesujet de la mort, de la vie et de l’au-delà, avec les enfants, avec une sen-sibilité chrétienne.

Le gouvernement du peuple

HHHII

Baudoin RoumensSite internet Edilivre, 300 p.,

(rechercher à Baudoin)

Lecture gratuite,

livre papier 26€00, ibouk 1€99 L'auteur a passé une partie de

sa vie à essayer de comprendrequelle fatalité entraînait la Francevers ce gouffre vertigineux qui sem-blait l’aspirer. Un jour d’automne1984, il entra dans la bibliothèqueMéjanes de la ville d’Aix-en-Pro-vence, pour y lire les procès-verbauxdes états de Provence, afin d’essayerde comprendre pourquoi dans unciel si serein il y eut cet incompré-hensible coup de tonnerre de laRévolution française. Il y avait làtous les procès-verbaux des assem-blées du clergé de France depuisHenri III, jusqu’à la Révolution. Ceshommes de Dieu parlaient au roicomme à un valet. Là était le com-plot de la Révolution. Pendant dixans, il lut les soixante-dix-sept tomesen transcrivant les avancées del’Église gallicane, qui tel un ana-

conda enserrait la monarchie et le

peuple de France. Une lumière in-

térieure lui procurait la joie du chas-

seur qui débusque la bête malfai-

sante tant recherchée.

De quel droit la République met-

elle le veto sur les évêques qui ne

lui plaisent pas ? Sommes-nous des

bambins catholiques ? La coupure

d'avec Rome était en marche. Les

gallicans ont essayé en vain en 1682

avec les Quatre Articles élaborés

par le grand Bossuet, puis ont réussi

avec la Constitution civile du Clergé.

Ce sont eux qui ont fait la Révolution

française. L’auteur en apporte la

preuve à travers ces pages érudites.

Louis XIV et l’Église gallicane avaient

voulu créer une Église coupée de

Rome, mais ils trouvèrent en face

d’eux le pape Innocent XI qui leur

tint tête et qui pendant 10 ans (1682-

1692) refusa de reconnaître les

évêques présentés par le Roi. Le

Roi-Soleil capitula. En 1 749 Louis

XV créait le Second Vingtième, l’im-

pôt égalitaire. Aussitôt s’enflamma

la guerre des Parlements. Louis XVI

prit le relais en créant des Assemblées

provinciales qui redonnaient le pou-

voir administratif au peuple. Les

jours des Parlements et ceux de

l’Église gallicane étaient comptés.

Alors les gallicans ont obligé le Roi

à convoquer les États généraux qui

lui ont pris le pouvoir et l’ont tué.

Quant au peuple, la loi Lechapelier

se chargea de le transformer en mi-

sère. Ce fut le XIX° siècle.

« Cherchez d’abord le royaume

de Dieu et sa justice et toutes choses

vous seront donné en plus. »

Baudouin Roumens

Le Gouvernement du peuple

L

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La via Appia

HHHHI

Jacques de Saint-VictorEd. des Équateurs, 360 p., 21 €

Ce récit de voyage dans l'Italieméridionale, le long de la via Appia,conduit au cœur des mythes romains,au croisement des grandes cités an-tiques et de l'ultraviolette des mafiasd'aujourd'hui. Il montre les rites etles superstitions de cette région maisaussi sa sagesse et son art de vivre.

C'est lors d'un séjour dans lesPouilles, que l'auteur découvre dansune plaine un vestige de la Via AppiaAntica, non pas celle empruntée parles touristes mais l'historique ViaAppia Antica qui mène jusque Brin-disi, l'Adriatique, la porte de l'Orient.L’auteur a fait des recherches carpas de plan de la Via Appia quin'est pas le chemin de Compostelle.Petit à petit il arrive à en faire sontracé. Car l'Appia Nuova suit l'an-cienne route, celle dont tous leschemins mènent à Rome. Pour lesItaliens c'est une nationale commeles autres.

La via Appia conduit de toutefaçon vers les grandes cités antiquesqu'on ne visite plus, Terracine, For-mia, Capoue, Bénévent, Venosa, Ta-rente, Oria, Brindisi, jadis fameuses,elles avaient donné vie à des mondesolympiens aujourd'hui oubliés. Nous

voilà embarqués avec l’auteur surla via Appia. Autrefois s'y pressèrentles légions romaines, les éléphantsd'Hannibal, les esclaves de Spartacus,les premiers chrétiens et des princesde la débauche. Cette route mythiqueunit la mer Tyrrhénienne aux mersIonienne et Adriatique, l'Antiquité àla Modernité, le Paganisme au Chris-tianisme, l'Orient à l'Occident. Elleest le socle de notre civilisation. Àpied ou à bord de sa vieille Fiat,mais dans un constant esprit de flâ-nerie, nous voyageons avec l'auteurà la rencontre des habitants de ces« Sibéries du Sud », d'un Mezzo-giorno inédit.

Un magnifique voyage entre lepassé, les légendes et l'Italie qui sedébat avec ses démons. Sans oublierl'humour, très important l'humour.Une plongée foudroyante dans uneItalie absolument méconnue desFrançais.

Si après ce voyage sur la Via AppiaAntica, vous n'avez pas le désir deprendre le volant d'une Fiat, c'est àn'y rien comprendre.

Sympa

HHHII

Alain SchifresLe Dilettante, 360 p., 17 €

C’est ainsi : plus les temps sontdurs, plus les gens sont mous, plusles ombres s’allongent, plus ils s’en-

cocoonent contents, se lovant sousla couette lavable de leur prêt-à-penser nigaud, n’offrant guère autalon d’airain de la violence géné-ralisée qu’une consistance mollas-sonne qu’agrémentent un sourirebonasse de réglisse éventée, des mi-rettes de cockers neurasthéniqueset surtout, le pire du pire, une dé-votion pour le « sympatoche », ungoût du cool, de l’équitable, del’écoute Bisounours qui donne lanausée. C’est pourquoi, dans cetouvrage l’auteur dénonce le devenirchamallow de la conscience occi-dentale et décrète la Saint-Valentindu cliché, la Saint-Barthélemy de laneuneuserie béate et l’éradicationdu poutou.

La succession

HHHII

Jean-Paul DuboisL’Olivier, 240 p., 19 €

Paul Katrakilis vit à Miami depuisquelques années. Jamais il n’a connuun tel bonheur. Pourtant, il se senttoujours inadapté au monde. Mêmela cesta punta, ce sport dont labeauté le transporte et qu’il pratiqueen professionnel, ne parvient plus àchasser le poids qui pèse sur sesépaules.

Quand le consulat de Francel’appelle pour lui annoncer la mortde son père, il se décide enfin à af-

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 19/20

fronter le souvenir d’une famillequ’il a tenté en vain de laisser derrièrelui. Car les Katrakilis n’ont rien debanal : le grand-père, Spyridon, mé-decin de Staline, a fui autrefoisl’URSS avec dans ses bagages unelamelle du cerveau du dictateur ; lepère, Adrian, médecin lui aussi, estun homme étrange, apparemmentinsensible ; la mère, Anna, et sonpropre frère ont vécu comme mariet femme dans la grande maisoncommune. C’est toute une dynastiequi semble, d’une manière ou d’uneautre, vouée passionnément à sapropre extinction.

Paul doit maintenant rentrer enFrance pour vider la demeure.Lorsqu’il tombe sur deux carnetsnoirs tenus secrètement par son père,il comprend enfin quel sens donnerà son héritage.

Avec ce livre, l’auteur nous livreune histoire déchirante où l’évocationnostalgique du bonheur se mêle àla tristesse de la perte. On y retrouveintacts son élégance, son goût pourl’absurde et quelques-unes de sesobsessions.

La gentillesse en effet l'insupporte.L'empathie l'exaspère. Il trouve ànotre époque la flaccidité d'un bretzelmou ou d'un ballon flapi. Il s'étonneque les temps soient si durs et lesgens, si gnangnans. Il se plaint qu'onne dise plus les choses : désormais,« on les sourit ».

Dans cet affriolant recueil decontrariétés, il se moque de la Fêtedes Voisins et de son partage dequiches, des ONG (les « épousaillessympas de la grande cause et dupetit boulot »), des ravis de la crèchequi ont des gestes écolos, le goûtde l'équitable et la passion d'Ar-

thus-Bertrand, des grands-mères idéa-lisées par la pub, de la tyrannie du« cool », de la prolifération descoachs, de l'invasion des « likeurs »,des mensonges commerciaux (enfin,quelqu'un démontre que les optionssont obligatoires, car « une voituresans options a tout juste un volant »),des oxymores hypocrites (la courbedu chômage, et pourquoi pas legalbé d'un drame ?), du tout-info(comprenez : « l'actualité de rou-tine »), et même du bouche-à-oreille.Tout y passe : le goût du calinou, lacoolitude organisée, les marronniersde l’info et la sacro-sainte mamie,le culte de la Terre sans hommes, ladictature des « cellules d’écoutepsychologique » et l’omniprésencedu « Rien ne sera plus commeavant » faisant du petit bois des« quadras » avenants et des « mous-quetaires » d’un jour. Pour uneFrance sans sucrette ni additif desynthèse.

Les arbresentre visible et invisible

HHHII

Alain SchifresE Zurcher et N Cantaloube

Actes sud, 290 p., 29 €

Arbres et forêts sont aujourd’huimenacés, alors qu’ils pourraient de-venir nos meilleurs alliés. Un nouveauregard sur la nature, selon une dé-

marche scientifique, permet de lever

le voile des apparences et de révéler

des particularités insoupçonnées des

arbres. Des savoirs traditionnels ap-

paraissent alors parfois biologique-

ment visionnaires – tandis que, par

ailleurs, la science découvre des

phénomènes dont même la tradition

n’avait pas idée.

Ce livre brosse un panorama

dans lequel le visible et l’invisible

s’entrecroisent. Il y est question des

peuples de l’arbre, du secret de la

longévité des arbres, du nombre

d’or, d’eau “nouvelle”, de marées

dans les fûts et de pouls des bour-

geons, de messages subtils des ar-

bres, aujourd’hui mesurables, tels

les signes avant-coureurs de trem-

blements de terre, et de bien d’autres

choses encore : qu’est-ce que le

“bois de lune” ? Que nous révèle

un “électrodendrogramme” ? Com-

ment une maison en bois, un feu

de bois ou tout simplement l’air de

la forêt agissent-ils sur notre santé ?

Pourquoi les arbres et les forêts ont-

ils été des sources de fertilité pour

l’agriculture et comment peuvent-

ils le redevenir et par là même agir

contre l’effet de serre ?

Sous de multiples aspects, les

arbres peuvent nous enrichir et nous

inspirer, pour autant que nous les

intégrions dans nos actions. Très

concrètement, ils constituent un

moyen non seulement d’atténuation,

mais aussi de résolution de la ca-

tastrophe climatique en cours. Et,

bien plus que nous ne l’imaginons,

ils peuvent aider à régénérer les

hommes et à faire reverdir la Terre.

L’arbre est le meilleur ami de

l’homme !

Notes de lecture de Georges Leroy, novembre 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 20/20