NOTES D'UN VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE EN ALLEMAGNE

NOTES D'UN VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE EN ALLEMAGNEAuthor(s): Vallet de VirivilleSource: Revue Archéologique, 13e Année, No. 2 (OCTOBRE 1856 A MARS 1857), pp. 710-715Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41746425 .

Accessed: 19/05/2014 14:45

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NOTES

d'ün

VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE

EN ALLEMAGNE.

DOCUMENTS RELATIFS AUX JOYAUX DE CHARLES VI, ROI DE FRANCE, ENGAGÉS, PAR LES SUGGESTIONS DE LA REINE, ISABELLE DE BAVIÈRE.

Les archives du royaume de Bavière, à Munich, ont leur prin- cipal dépôt dans la partie qui forme le rez-de-chaussée de la Biblio- thèque royale , établissement auquel les Archives sont annexées. Ces archives ne sont point publiques, comme chez nous, mais se- crètes; kœniglisches geheim Archiv archives secrètes du royaume: telle est leur dénomination officielle. Cependant l'accès de ce dépôt n'est pas absolument interdit, même à un étranger. Au mois d'août 1854, je m'étais rendu à Munich avec l'espoir d'y pénétrer. M. Drouyn de Lhuys, alors ministre des affaires étrangères de France, avait bien voulu m'accorder à cet effet une lettre de re- commandation auprès de M. Van den Pforten, ministre des affaires étrangères de S. M. le roi de Bavière. Grâce à ce moyen, le privilège auquel j'aspirais m'a été accordé. J'avais indiqué le but spécial de mes recherches, c'est-à-dire l'espoir de découvrir quelques documents historiques relatifs à Isabelle de Bavière. J'annonçais en même temps l'intention de publier le fruit de mes recherches. Cette double autorisation m'a été libéralement conférée. Malheureuse- ment, des contre-temps tout à fait funestes m'empêchèrent de jouir de ces avantages et de les mettre à profit aussi largement, aussi fructueusement que j'aurais pu le désirer. Les démarches et les for- malités nécessaires pour obtenir, en fait, le résultat souhaité, à savoir mon admission dans le palais des archives, avaient consommé tout le temps que j'avais consacré à mon séjour en Bavière. Le mo- ment de mon départ était littéralement fixé (1), lorsque je reçus la

(1) Le choléra sévissait alors à Munich cl y faisait cent victimes par jour.



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permission définitive et officielle. Il me restait à peine quelques heures pour visiter ce bel établissement* parcourir les documents communiqués , et prendre enfin la transcription de ceux qui de- vaient le plus m'intéresser.

Les archives royales de Munich se composent de trois sections : Io archives de la maison (Haus- Archiv); 2° archives de Y Etat ou archives politiques {Staat- Archiv) ; et 3° archives du royaume {Reichs- Archiv). La première section est confiée à la garde ou intendance d'un conseiller {ministerial Rath) au ministère des affaires étran- gères (1). La seconde, annexée au ministère de l'intérieur, a pour chef un savant connu de l'érudition française : M. le baron d'Aretin. La troisième occupe le rez-de-chaussée des bâtiments de la Biblio- thèque royale. Elle est placée sous la direction de M. le docteur de Rudhart, membre de l'académie royale des sciences de Bavière, et secrétaire perpétuel pour la classe d'histoire et de philologie.

Sous le titre de Fürst-Heirath (ittáfiage des princes), les archives royales renferment un dossier assez riche de pièces touchant l'al- liance de Charles VI, roi de France, avec Isabelle de Bavière. Une autre série, qui renferme des documents du même genre, est intitu- lée : Royaume de Frâftce : {Frankreich-Königreich). Après avoir par- couru ou examiné à la hâte ces dossiers, j'avais fait choix de quelques pièces pour les transcrire intégralement et les examiner avec une attention plus approfondie. Mais le temps me manqua pour ce dernier dessein. Forcé par la nécessité, je dus me réduire à n'emporter que des notes succinctes et des reproductions abré- gées. Tels sont lès documents que je vais soumettre au lecteur.

Lettres de Charles VI , roi de France , données à Paris le 5 févr. 1404 5 (n. s .), à la requête de la reine Isabelle de Bavière. Le roi engage une partie des joyaux de la- confórme, eil giïràrûtie du payètoent de cent vingt mille francs que ce prince avait accordés ù beau- frère, le duc Louis de Bavière, à l'occasion du mariage de ce duc avec Anne de Bour- bon, comtesse de Montpénsier (2).

« Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Comme au traictié de mariage entre

(1) M. le conseiller de CouIod. (2) Vidimus sur parchemin en date de 1423, donné par Brunon de la Scala, vi-

caire général impérial des cercles de Vérone el de Vicence, et capitaine en Bavière, établi à Ingoldstadl; obtenu sur la requèlë de Louis le Bossu, duc de fea vròrè et comle de Graispach, frère d'Isabelle de Bavière, reine de France.



712 REVUB ABCHÉOLOGIQDB. nostre très chier et très amé frère Loys, duc en Bavière, frère ger- main de nostre très chière et très amée compaigne la royne et nostre très chière et très amée cousine Anne de Bourbon comtesse de

Montpensier, à présent sa femme, nous, en faveur et pour l'aug- mentation et accroissement dudit mariage et pour certaines autres causes et considéraciohs qui à ce nous meurent, leur eussions pro- mis et donné la somme de six vingt mille francs. »

Cette somme était assignée sur les épargnes du roi ; mais d'autres

nécessités étant survenues, le terme expira sans que le payement fût opéré. Sur les réclamations réitérées des époux donataires, le

roi, pour les satisfaire, engage entre leurs mains une partie de ses

joyaux, ci-après énumérés, savoir : 1° Une grant couronne appelée la couronne àpierreries à jour .. .(1). Item, une couronne d'or, appelée la couronne d'épines.... ; Item une croix d'or, appelée la croix de Bruges.... ; Item ung reliquaire d'or, lequel beaulx-oncles de Berry nous

donna....; Item ung image d'or de saint Pierre ; Item une croix de cristall garny d'or à ung crucifix.... ;

Item ung image de saint Charles tenant en sa main dextre une

boiste et des reliques dedens, et en la main senestre une épée d'or. ... ; Item ung image desainct Michel esmaillé.... ; Item ung image de saint Denis.... ; Item ung image d'or de saint Philippe.... ; /¿m ung autre image d'or de sainct Denis....; Item ung imàge d'argent de sainct Loys.... Et icelles parties de joyaulx, avons par nostre amé et féal secré-

(1) Chacun de ces articles est accompagné d'une description étendue du joyau engagé et de son poids. Je regrette infiniment de n'avoir pas eu le temps de copier ces détails.



NOTES D'UN VOTACK ARCHÉOLOGIQUE ET LITTÉRAIRE. 713

taire, M* Girard de Bruyères, garde de nos dits joyaulx, fait bailler

el délivrer à nostre dite compaigne (Isabelle de Bavière), pour iceulx

avec aulcuns des siens propres, estre par elle bailliés et mis en

gaige et emprumpter sur iceulx pour payer comptant à nostre dit

frère et le sien la somme de cinquante mille francs à compte, la-

quelle somme sera reprinse sur nos finances de l'année qui com- mencera le premier jour d'octobre prochainement venant (1). Donné

à Paris le cinquième jour de février, l'an de grace mil CCCC et

quatre et de nostre règne le XXIV. Sic signata : par le roy, en son

conseil où M. le duc d'Orléans, le grant maistre d'ostel et autres es-

taient; Ferron.

Et nos Brunorius de la Scala, romani imperii, Veronensis, Vincen-

[tinus]? vicarius generalis, ac in Bavariâ capitaneus, recognoscimus per presentes vidisse, legisse et audivisse certam litteram origena- lem in pergameno, sigillo christianissimi principis et domini nostri Francorum regis sigillatam, sanam et integram, omnique prorsus vicio ab suspicione carentem, omninoque sonantem, prout hic su-

perius in presenti vidimus , est contentum, et cum debitam collatio- nem desuper fecerimus lierique viderimus et audiverimus, prel'a- tumque originale cum presenti transsumpto invenerimus de verbo ad verbum penitus concordare et in nullo discrepare, ideo, ad in- stantes preces illustris principis domini Ludovici Bavarie ducis et

comitis in Graispach, etc., avunculi nostri predilecti, et in testimo-

nium veritatis , sigillum nostrum presenti vidimus seu transsumpto

jussimus apponendum. Datum in Ingolstat, die sabbati post nativi-

tatein Marie Virginis, anno M. CCCC XXIII.

Scellé sur repli et sur une double queue de parchemin, d'un sceau rond de cire rouge, inséré dans une cuvette de cire blanche. Sur le

(1) A la chambre des comptes de Paris, l'exercice financier anDuel commençait au 1" octobre et Unissait au dernier septembre.



714 RKVUJÇ ARCHÉOLOGIQUE.

sceau, l'écu penché des Scaliger , légende : 9 [igillum] bwjnonis p# SCALA VERONE V1CENC1E (C1RCULORUM?) 1MPER1AL1S V1CAR11 GENERALIS (1).

J'ai pu encore examiner jayec qudqme attention mi autre acte, originai et sur parchemin, donné sur le même sujet, en date du 19 mars suivant, par la reine elle-même, et en conséquence de l'obligation ci-dessus rapportée.

Obligation souscrite par la reine Isabelle de Bavière envers François de Nerle, banquier florentin , dewewjrmt a Pqm , j 9PW W* sQytinç de 46 mille francs , payables à Venise , à Vordre de Louis , duc de Bavière , frère de la reine. Fait à Paris , le 19 mars 1404 5 (i n . s.).

Ysabel, par la grâce de Dieu, reyne de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Savoir faisons que.... nous avons traictié ou fait traictier par nostre diet frère avec François (Je NerJe, marchand de Florence, demourant à Paris, de tel manière que à nostre dit frère il baille et délivre lettres pour lui délivrer par change à Venise la somme de quarante-six mille francs. Et pour estre icelle somme paiée audit François se sont en leur privez noms engagez les receveurs des aides ci-après, savoir :

Le receveur de Reims en 20000 francs ; - de Chalons 6000 » - deMelun 7000 » - de Caen 13000 v

De ¡plus, nous promettons en bonne foy audit François luy faire paier par nostre diet frère (Louis) lesdites obligations, si les receveurs et grenetiers y manquoient. Donné à Paris le dixneufième jour de mars Tan mil quatre cens et quatre.

(1) Celle pièce fait partie de la division dirigée par M. le cpnseiller de Cuolon (et m'a été apportée à la division de M. de Rudhart). Elle est classée dans la section intitulée : Mariage des princes ( Fürst-$Leimt ), n° $187. Au dos de la pièce, on lit cette cote en allemand, du XVe-XVI* siècle : « Ein Vidimus eins ßriefs, darum der König von Franckreich herzog Ludwig einstetzst die Glainad in demselben Briefes nennet , von der C. M. gulden Heyratguts wegen. * (Vidimus d'une lettre par la- quelle le roi de France engage au duc Louis les joyaux y dénommés, à raison de cent mille florins concédés au duc à l'occasion de son mariage.) On voit que le vidimus différait, par sa forme, dans les chancelleries des cercles ou vicariats impé- riaux, comparativement au style usité en France dans les bailliages royaux. Chez nous, l'autorité qui vidime s'annonce par un salut placé en tête de la pièce vidi- mée. L'acte qu'on vient de lire est dépourvu de cette formule initiale, et le cer- tificat réside exclusivement dans la formule finale.



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Sur le repli : « Par la roine, P. Salaut (1). » Scellé sur double queue d'un sceau en cire rouge mutilé : Écu en losange parti de France et de Bavière. Supports : les quatre animaux évangéliques (2).

Je me borne à signaler ces pièces à l'attention des archéologues. On pourra les comparer avec fruit aux sources d'information ci- après indiquées. Inventaires des bijoux du roi : 1° Pièce imprimée , portant la date du 14 janvier 1414, à la direction générale des archives de Paris, dans le registre coté P 2298 ; 2° Autre semblable , du 8 août 1415, ibidem; 3° Inventaire recoté en 1418, même dépôt KK 39 ; 4° Inventaire de la vaisselle d'or et d'argent et des joyaux du roi de France, en date de décembre 1420, ms. de la Bibliothèque impériale de Paris, Dupuy, n° 383.

VaLLET DE VlRIVILLE.

(1) Secrétaire. (2) Cette pièce fait ^partie de la division de M. de Rudhart: Franckreich-König-

reich ; zweistes Fascic. (France, royaume de-. 2e liasse); à sa date. La même division contient: 1° vers 1409; diplôme original et sur parchemin, de Charles VI roi France en faveur de Jean de Montaigu, son grand maître de l'hôtel. Il lui concède une prise d'eau provenant d'une source comprise dans le domaine royal de l'hôtel de Saint-Paul , et qui se rendait à l'hôtel de Jean de Montaigu. Il est dit dana l'acte que Hugues Àubriot, prévôt de Paris, avait eu précédemment la jouissance de ce cours d'eau (même fascicule). 2° 1418, lettre missive ou cédule, en français, signa- ture autographe de Charles, duc de Lorraine; elle est relative à un projet de mariage conçu et négocié par la reine Isabelle, entre la fille de Charles et le fils du duc Louis (7e fascicule).



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