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- 10 — Tant qu'il s'agit d'un barrage de hauteur ne dépassant pas 6 à 7 mètres, nous avons donc la possibilité de le faire franchir à l'aide d'une échelle. Il faut, toutefois, qu'il s'agisse d'un barrage voisin d'une usine. S'il s'agissait d'un barrage avec canal d'amenée à une usine éloignée du bar- rage, entre le pied de celui-ci et le canal de fuite de celle-là, malgré le débit réservé toujours trop faible, il y aurait une partie de cours d'eau insuffi- samment alimentée et le problème du franchissement serait tout différent, souvent même impossible à résoudre. Pour les barrages d'une hauteur de plus de 7 mètres, l'échelle devrait avoir une longueur de plus de fin mèlres, son entrée ne pourrait être dis- posée assez près du pied du barrage, son efficacité sera il alors douteuse dans la majorité des cas. Il faudrait alors avoir probablement recours à l'ascenseur dont il existe des exemplaires à Kembs, sur le Rhin et en Amérique. Nous ignorons si les résultats de ce mode de franchissement ont été favorablss. NOTIONS GÉNÉRALES SUR QUELQUES COMPOSANTES DE LA SITÈSE ICHTHYENNE P a r .T.-A. LESTAGE Directeur du Laboratoire de Recherches hydrobiologiques. Vice-Président des Naturalistes belges. {Suite) m LES PERLIDES ou PLÉCOPTÈRES Un peu de biologie. Revenons à notre grosse Perle. Tapi dans un coin ombreux, sous une pierre, le couple se prépare à la pariade. Elle débute par des « jeux », comme chez»cette espèce américaine l'un des conjoints stridule et se dandine devant l'autre ; puis premières tentatives de ce dernier, souvent vaines, la femelle, d'une bourrade, l'en- voyant carrément promener. Est-elle consentante ? Aussitôt le mâle s'ac- croche de ses pattes antérieures au thorax de sa conjointe, se glisse le long 'i) Voir liulletin ; — .11° 7 2 , J u i n to34, p. 3:4 ; — n° 7*. Août. p. 33 ; — n° 70, Sep- tembre, ]) G9 ; 7i° 77, Novembre, p. iaf> ; — 11° 7S, Décembre, p. 1/17 ; — 79, .burner Ki.'i.'i, p. 1 (> ; — n " S I , J u i n , p . -H)?.. Article available at http://www.kmae-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/kmae:1935011

Notions générales sur quelques composantes de la … · - 10 Tant qu'il s'agit d'un barrage de hauteur ne dépassant pas 6 à 7 mètres, nous avons donc la possibilité de le faire

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- 10 —

Tant qu'i l s'agit d'un barrage de hauteur ne dépassant pas 6 à 7 mètres , n o u s avons donc la possibil i té de le faire franchir à l'aide d 'une échel le .

Il faut, toutefois, qu'il s'agisse d 'un barrage vois in d'une us ine . S'il s 'agissait d 'un barrage avec canal d 'amenée à u n e us ine é lo ignée du bar­rage, entre le pied de celui-ci et le canal de fuite de celle-là, malgré le débit réservé toujours trop faible, il y aurait une partie de cours d'eau insuffi­s a m m e n t a l imentée et le problème du franchissement serait tout différent, souvent m ê m e imposs ib le à résoudre.

Pour les barrages d 'une hauteur de plus de 7 mètres , l 'échelle devrait avoir une l o n g u e u r de plus de fin mèlres , son entrée ne pourrait être dis­posée assez près du pied du barrage, son efficacité sera il alors douteuse dans la majorité des cas.

Il faudrait alors avoir probablement recours à l'ascenseur dont il existe des exempla ires à Kembs , sur le Rhin et en Amérique . Nous ignorons si les résultats de ce m o d e de franchissement ont été favorablss.

NOTIONS GÉNÉRALES

SUR QUELQUES COMPOSANTES

DE LA SITÈSE ICHTHYENNE

P a r .T.-A. L E S T A G E

D i r e c t e u r d u L a b o r a t o i r e d e R e c h e r c h e s h y d r o b i o l o g i q u e s . V i c e - P r é s i d e n t d e s N a t u r a l i s t e s b e l g e s .

{Suite) m

L E S P E R L I D E S ou P L É C O P T È R E S

4° Un peu de biologie.

Revenons à notre grosse Perle.

Tapi dans un coin o m b r e u x , sous une pierre, le couple se prépare à la

pariade. Elle débute par des « jeux », c o m m e chez»cette espèce américaine

o ù l 'un des conjo ints stridule et se dandine devant l'autre ; puis premières

tentatives de ce dernier, souvent vaines , la femelle , d 'une bourrade, l ' en­

voyant carrément promener . Est-elle consentante ? Aussitôt le mâle s'ac­

croche de ses pattes antérieures au thorax de sa conjointe, se gl isse le l o n g

' i ) V o i r liulletin ; — .11° 7 2 , J u i n t o 3 4 , p . 3 : 4 ; — n ° 7* . A o û t . p . 33 ; — n ° 7 0 , S e p ­t e m b r e , ]) G9 ; — 7i° 7 7 , N o v e m b r e , p . iaf> ; — 11° 7 S , D é c e m b r e , p . 1/17 ; — n ° 7 9 , . b u r n e r Ki.'i.'i, p . 1 — (> ; — n " S I , J u i n , p. -H)?..

Article available at http://www.kmae-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/kmae:1935011

- I I —

(le ses flancs, et la partie dorsale de son abdomen s o trouve bientôt en con­tact avec la partie ventrale de celui de la femelle.

Au bout de 3 à 6 minutes , la fécondation est faite ; le couple se sépare et prend quelque repos, :>o à :>"> minutes environ. Laissant le mâle quérir des amours nouvel les , la femelle s'apprête à pondre.

Deux à trois heures après la pariade, que lques œufs font leur apparition sous la valvule ventrale de la pondeuse, et leur nombre s'accroît petit à petit, formant une « masse ovigère » grosse parfois de plus d'un mi l l i er d'œufs ( i ) .

Instinct mervei l leux , qu'il est de mode de nier aujourd'hui , o u pur réflexe mécanique , op in ion actuelle, notre Perle ne se trompera jamais

FIG. 2. — La p o n t e d u n e Perla abdominalis.

sp = s o n s d u c o u r a n t ; — s — s o u s d u v o l . (D'après SAMAI.).

sur l 'endroit o ù elle doit aller pondre : l 'eau, o ù sa progéniture vivra bien plus longtemps que durant les quelques jours o ù la poussée des ailes la fera aérienne. Nous le verrons tantôt.

Inconsciente du danger qui la guette — Oiseau o u Poisson — , la Perle vient voltiger sur l'eau ; au cours d'un vol lent et. lourd, brusquement elle i m m e r g e le bout de son abdomen en faisant face au courant (Fig. 2). Happée par l'eau, la masse ovigère se détache, disparaît, et tombe sur le fond du lit de la rivière ou du ruisseau.

Combien de fois l'acte de ponte scra-t-il complet ? Combien de fois la pondeuse réussit-elle à échapper à quelque Truite à l'affût ? Laissons-la pour le m o m e n t à son sort heureux o u malheureux , et cherchons ses œufs pour les étudier de plus près.

11 faut avoir vu ces œufs sous le microscope pour se faire une idée de leur jol iesse. Leur aspect est nettement piriforme ; leur enveloppe est dure.

( •> 1 Voir 1 1 " S'i, J u i n 1 9 3 5 ; f i g . 5 7 , p . a<)5.

et rendue rugueuse par les mult iples granulat ions qui la couvrent d'un réseau serré (Fig . 3, n" 9) .

FIG. 3 . — L'œuf d e la Perla abdoDiinalis. 9 : u n œ u f t r è s g r o s s i ; — 10 : le. m ê m e v u de d e s s u s ( m = m i c r o p y t e ; o = o u v e r t u r e ) ; — 11 : p o r t i o n

i n t e r n e d u c h o r i o n d e l ' œ u f m o n t r a n t l e s g r a n u l a t i o n s c h i t i n e u t"> ;iu t r a v e r s d e la z o n e e x t e r n e ; — 12 : œ u f m o n t r a n t , a u s o m m e t , l e m i c r o p y l e et le b o u c l i e r , a u m i l i e u , u n e s é r i e d e c a n a u x ; — 13 : l e m ê m e œ u f a g r a n d i à la p a r t i e o ù se t r o u v e n t l e s c a n a u x . ' /D'après SAMAI. .

Autour de l 'œuf se trouvent de curieux « canaux » disposés en bande

horizontale et un peu ob l ique , dont les ouvertures se trouvent placées au

m i l i e u de petits c h a m p s el l iptiques ou circulaires (Fig. 3, n° 1 2 ) . Quel

rôle jouent- i l s ? On soupçonne qu'i ls favorisent la respiration !

FIG. 4 . — L a s o r t i e d e l 'œuf. 18 = f e n t e d e s o r t i e ; — 19 = tro i s s t a d e s d ' é c l o s i o n . (D'après SAMAI, .

Au pôle supérieur se trouve le micropyle , lui aussi granuleux, que sur­

p l o m b e , tel u n b o u c h o n , u n appendice en forme de C h a m p i g n o n que l 'on

— 13 —

a appelé, je ne sais pourquoi : « boucl ier » et « casquette ». Mais ne faisons pas de sc ience !

Durant 4, 5 o u 6 semaines , le mystère de l ' embryogénie s 'accompli t au fond de l 'eau. Un beau jour, c'est l 'éc los ion, la sortie des jeunes de leur prison par le pôle opposé au pôle micropyla ire (Fig . 4, n° 19). C'est d'abord la tête, puis le thorax et les pattes, et rien d'aussi curieux que de vo ir la gaucherie de cet être minuscu le charriant sa prison entrouverte au cours de sa première promenade ; la l ibération totale demande bien 24 heures .

r i G . 5. — L a r v u l e d e l'erla abtlomiiialis a u M a d e i n i t i a l . — E n a p p a r i t i o n d e la 3- p a i r e «les I"'IG. 0 — l.a m ê m e l a r v e a u 1<>* s t . d e . I r a c h é o - b r a m l i i e s . C o m p a r e r a v e c le s t a d e 23 d e l i f igure 2.

(D'après SAMAI.). (D'après SAMAI.).

Une vie nouvel le c o m m e n c e . Issue de parents aériens, la larvule micros­

copique sait d 'emblée son comportement aquatique, ce qu'i l lui faut pour

vivre dans ce mi l i eu spécialisé, et elle y vit admirablement tous les stades

(environ a3) qui font augmenter sa taille, et au cours desquels les m u e s

successives la font passer de m o i n s d'un mi l l imètre à 3o m m . chez le

mâle , f>o m m . chez la femelle, et transforment la respiration cutanée en

respiration trachéo-branchiale par apparit ion successive et croissante des

houppes trachéennes dont nous avons parlé auparavant (Voir fig. ~> et 6) ( i ) .

Cette vie aquatique, si pleine de dangers qu'il se fait que l 'abondance des Poissons arrive à provoquer la disparition de cet élément sitétique durant certaines années , cette vie aquatique prend un jour fin. On a cal­culé qu'une durée de 6 à 8 semaines s écoulant entre chaque m u e (il y en a aa), et, tenant compte que la période hivernale est sans mué , il faut envi­ron 3 ans et demi à t\ ans pour le développement complet de notre Perle. Que de v ict imes au cours de ce long séjour dans l'eau !

Mais supposons notre animal sauvé, arrivé au terme de sa vie aquatique et prêt à se transformer en insecte parfait. Il lui suffit de sortir de l'eau. Il en sort, mais qui expliquera pourquoi ces larves, empressées à fuir un m i l i e u qui, hier, leur était indispensable, et qui devient désormais mortel , pourquoi ces larves commencent à effectuer des randonnées terrestres, dont certaines o n t duré p lus de 3o heures ? On en a suivi qui traversaient herbes et rocailles, faisaient l 'ascension de murs et les descendaient, s'aventuraient dans la poussière des chemins , dans les rues de la ville et les rails des trams, avant de se transformer !

Les choses se passent ainsi en général : agrippée à une surface rugueuse où ses griffes trouvent ferme appui, la larve sortie de l'eau reste i m m o b i l e ; un travail intense s 'accomplit à l ' intérieur de cette peau : une larve doit donner un adulte ailé, et l 'enveloppe ne sera plus qu'un morceau de peau desséchée. C'est d'abord le thorax qui sort de la fente survenue dans le dos de la larve, puis la tête, puis les ailes ; ensuite les pattes, qui vont s'accrocher au substrat ; la bête fait effort, tire, se hisse et dégage le restant de son corps.

Si tout va bien, il suffira de quelques minutes ; parfois il faut 3 heures pour la l ibération totale, et il arrive aussi que l 'animal s'épuise en vains efforts.

Dégagée et sauvée, la Perle reste toujours immobi l e , jusqu'à 10 heures et plus , attendant que sa cuticule sèche, que ses ailes se déplissent et devien­nent fonctionnel les . La voi là libre enfin.

Mais il peut arriver que le support rugueux, indispensable pour l'accro­chage , soit introuvable. La Perle sait, dit-on, — car je n'ai jamais eu la chance de le constater — , obvier à cet inconvénient redoutable. Juchée sur le support qu'e l le a trouvé, elle crache son intestin antérieur ; celui-ci se col le sur le substrat, y adhère fortement, et, ancrée d'aussi curieuse façon, la Perle peut encore achever sa l ibération.

S'il n'y a rien qui puisse servir d'ancrage, c o m m e dans un aquarium, par exemple , oîi les parois sont trop lisses, toutes les larves sont con­damnées à mort .

Et voilà, très en gros, l 'histoire d'une Perlide bien banale dont nous verrons plus tard l ' importance comme élément nutritif pour les Poissons .

(A suivre.)

< O Vo i r a u s s i , n " S ' i . J u i n 1 9 3 5 : — p . 996, f ig. 58 ; — p . 397 , f ig. "19 : — p . 39S .