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Les jubilés sont célébrés sous la dénomination de divers métaux ou pierres précieuses – l’argent pour 25 ans, le rubis pour 40 ans, l’or pour 50, le diamant pour 60 et le platine pour 70 ans. Mais pour S. Mary McCann qui célèbre cette année ses 75 ans de vie religieuse, aucune gemme ne vient marquer cette étape peu commune. Il semble donc que la valeur de son engagement comme Franciscaine Missionnaire de Marie soit d’un prix inesti- mable ! « Je ne pense pas que beau- coup d’entre nous arrivent jusque là » dit-elle en sou- riant. A 95 ans elle a toute sa tête et se rappelle très bien ce qui l’a amenée à la vie reli- gieuse. « J’ai été élevée à St Patrick, Dumbarton, qui a donné beaucoup de vocations. J’ai toujours désiré partir pour les missions. Le prêtre de notre paroisse, le Père John Conroy, aimait beaucoup les Franciscaines Missionnaires de Marie et a indiqué ce che- min à un certain nombre d’entre nous. Ma cousine Bernadette Scullion venait d’entrer et quand je suis arrivée en 1935, nous étions trois jeu- nes originaires de Dumbarton – Mary Waters est allée en Afrique du Sud et Florence Palfrey est restée 40 ans au Liberia. » Quant à S. Mary, son travail missionnaire a commen- cé dans le Nord de l’Inde où il n’y avait ni eau, ni électricité, ni bus. « C’était tout à fait primitif, mais nous faisions ce que nous pouvions. J’étais ensei- gnante et nous avons enseigné des matières pratiques, comme la couture et la broderie. Nous avions aussi un dispensaire et faisions des visites à domicile. » Elle a dû retourner en Angleterre pour des raisons de santé, et quelques années plus tard, la voici de nou- veau sur les routes : Maroc, Australie, France et Corse. C’est seulement il y a quelques années qu’elle est revenue en Ecosse, au cou- vent proche de l’église St Philomena à Provanmill. « Partout je me suis sentie comblée. Si vous avez pro- mis obéissance et que vous apprenez à vivre dans cet esprit, vous êtes heureuse. » Quand les Franciscaines Missionnaires de Marie sont arrivées à Blackhill en 1975, S. Teresa O’Neill était à l’a- vant-garde. « Le lieu avait mauvaise réputation, mais je n’ai jamais laissé cela m’ar- rêter », dit-elle. « Le premier enterrement auquel j’ai assisté était celui d’un homme qui n’était pas catholique. Il y avait seule- ment le ministre du culte, une autre sœur et moi. » Née à Liverpool, S. Teresa indique la foi profonde de sa famille et le fait d’avoir été élevée près d’une égli- se comme sources de sa vocation. Mais elle n’avait 25 Janvier - Février 2011 Notre mission est là où des gens ont besoin de nous Le contexte de cet article est le jubilé de S. Mary McCann qui a célébré ses 75 ans de vie religieuse, et de S. Teresa O’Neill qui a célébré 60 ans de vie religieuse. Elles nous partagent quelque chose de leur vie et de leur mission. Royaume-Uni, Ecosse P. Hurley (50), le Chanoine McAuley (40), Mary McCann, fmm (75), Teresa O’Neill, fmm (60)

Notre mission est là où des gens ont besoin de nous jan - fev 2011 - 4.pdf · 2011-11-29 · Les Franciscaines Missionnaires de Marie célèbrent le 80ème anniversaire de leur

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Page 1: Notre mission est là où des gens ont besoin de nous jan - fev 2011 - 4.pdf · 2011-11-29 · Les Franciscaines Missionnaires de Marie célèbrent le 80ème anniversaire de leur

Les jubilés sont célébrés sous la dénomination dedivers métaux ou pierres précieuses – l’argent pour25 ans, le rubis pour 40 ans, l’or pour 50, le diamantpour 60 et le platine pour 70 ans. Mais pour S. MaryMcCann qui célèbre cette année ses 75 ans de viereligieuse, aucune gemme ne vient marquer cetteétape peu commune. Il semble donc que la valeur deson engagement commeFranciscaine Missionnaire deMarie soit d’un prix inesti-mable ! « Je ne pense pas que beau-coup d’entre nous arriventjusque là » dit-elle en sou-riant. A 95 ans elle a toute satête et se rappelle très bien cequi l’a amenée à la vie reli-gieuse.« J’ai été élevée à St Patrick,Dumbarton, qui a donnébeaucoup de vocations. J’aitoujours désiré partir pour lesmissions. Le prêtre de notreparoisse, le Père JohnConroy, aimait beaucoup lesFranciscaines Missionnairesde Marie et a indiqué ce che-min à un certain nombred’entre nous.

Ma cousine BernadetteScullion venait d’entrer etquand je suis arrivée en 1935, nous étions trois jeu-nes originaires de Dumbarton – Mary Waters est alléeen Afrique du Sud et Florence Palfrey est restée 40ans au Liberia. »Quant à S. Mary, son travail missionnaire a commen-cé dans le Nord de l’Inde où il n’y avait ni eau, ni

électricité, ni bus. « C’était tout à fait primitif, maisnous faisions ce que nous pouvions. J’étais ensei-gnante et nous avons enseigné des matières pratiques,comme la couture et la broderie. Nous avions aussiun dispensaire et faisions des visites à domicile. »

Elle a dû retourner en Angleterre pour des raisons desanté, et quelques annéesplus tard, la voici de nou-veau sur les routes : Maroc,Australie, France et Corse.C’est seulement il y aquelques années qu’elle estrevenue en Ecosse, au cou-vent proche de l’église StPhilomena à Provanmill.« Partout je me suis sentiecomblée. Si vous avez pro-mis obéissance et que vousapprenez à vivre dans cetesprit, vous êtes heureuse. »

Quand les FranciscainesMissionnaires de Marie sontarrivées à Blackhill en 1975,S. Teresa O’Neill était à l’a-vant-garde. « Le lieu avaitmauvaise réputation, mais jen’ai jamais laissé cela m’ar-rêter », dit-elle. « Le premierenterrement auquel j’aiassisté était celui d’un

homme qui n’était pas catholique. Il y avait seule-ment le ministre du culte, une autre sœur et moi. »

Née à Liverpool, S. Teresa indique la foi profonde desa famille et le fait d’avoir été élevée près d’une égli-se comme sources de sa vocation. Mais elle n’avait

25Janvier - Février 2011

Notre mission est là

où des gens ont besoin de nous

Le contexte de cet article est le jubilé de S. Mary McCann qui a célébré ses 75 ans de vie religieuse, et de S.Teresa O’Neill qui a célébré 60 ans de vie religieuse. Elles nous partagent quelque chose de leur vie et deleur mission.

Royaume-Uni, Ecosse

P. Hurley (50), le Chanoine McAuley (40), Mary McCann, fmm (75), Teresa O’Neill, fmm (60)

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jamais pensé à la vie religieuse avant d’aller avec uneamie à Cold Ash, la base franciscaine du Berkshire.Durant l’année sainte 1950 elle est entrée au couvent.A la veille de son départ pour l’Inde, elle est tombéemalade et elle a passé ces 60 dernières années sur lefront missionnaire en Ecosse. « La mission est moins

une question de lieu que de personnes. Partout oùvous êtes membre d’une communauté, répondant auxbesoins, c’est là que vous êtes missionnaire. »

Elle est d’abord allée à Glasgow et au vieil hostel,Kirklee, en 1967. Pour les 35 dernières années, c’estBlackhill et Provanmill qui ont été sa maison. « Je m’entendais très bien avec les gens et j’avaisl’habitude d’aller me promener partout, passant demaison en maison. »A 86 ans sa frustration est évidente de ne plus pou-voir se promener partout comme elle en avait l’habi-tude. « Je trouve difficile qu’on doive s’occuper demoi au lieu que moi je puisse m’occuper des autres »,avoue-t-elle.Toujours bonne religieuse, S. Mary nous rassure :

« Où que vous soyez vous pouvez toujours être destémoins. Les gens nous voient prier à l’église. Ilsviennent à nous et nous pouvons prier pour eux. Etdans toutes mes années de mission, je n’ai jamaisrencontré de gens aussi généreux et aimants que lesmembres de cette paroisse. »

Kay Brennan, fmm

(Cet article sur les Jubilés à la paroisse StPhilomena à Glasgow, le 28 juin, est reproduitavec la permission de Vincent Toal du jour-nal « The Flourish ». Les photos ont été prisespar Paul McSherry et sont reproduites égale-ment avec sa permission).

26 FMM Espace Rencontre VII/43

« Partout je me suis

sentie comblée.Si vous avez

promis obéissance et

que vous apprenez àvivre dans cet esprit, vous êtes

heureuse. »

« La mission est moins

une question de lieu que

de personnes.Partout où vous êtes

membre d’unecommunauté,

répondant aux besoins,

c’est là que vous êtes

missionnaire. »

Pendant la cérémonie S. Mary et S. Teresa ont renouvelé leurs vœux, entourées des sœurs FMM

des autres communautés d’Ecosse

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27Janvier - Février 2011

"…J'entre au Vatican par la Porte Ste Anne, je passedevant l'Eglise et tourne à droite pour prendre la « Via del Pellegrino » (qui est en fait l'aboutisse-ment de la célèbre via Francigena qui menait lespèlerins venus du Nord sur le tombeau de l'ApôtrePierre), puis j'arrive à un bâtiment qui m'a toujoursintrigué… Un jour, par les fenêtres entr'ouvertes,j'ai vu une grande salle avec une immense tapisse-rie («arazzo») tendue sur un cadre avec des sœurstout autour : j'ai ainsi découvert le laboratoire derestauration des tapisseries. Avec le temps, j'aiappris à connaître les sœurs FranciscainesMissionnaires de Marie qui travaillent à cetteœuvre délicate et passionnante, et l'histoire de leurmission au Vatican, qui a commencé exactement ily a quatre-vingts ans, en juin 1930.Le pape Léon XIII voulait garder l'antique traditiondes "arazzi" et dans ce but, il a écrit en 1887 un MotuProprio pour promouvoir la fondation d'une écolepour "arazzi' - projet réalisé par Benoît XV en 1915,sous la dépendance et la supervision des Musées duVatican. Ensuite un atelier de restauration des "araz-zi" a été organisé en 1926 et confié aux sœursFranciscaines Missionnaires de Marie, au début dansleur maison généralice de Via Giusti à Rome. Pie XI,en 1930, a désiré que l'atelier soit à l'intérieur de l'é-tat du Vatican: le 27 juin 1930, une communauté desept sœurs s'établit dans les locaux derrière l'égliseSte Anne. Le Pape a voulu personnellement souhaiterla bienvenue aux nouvelles "citoyennes" vaticanespar une visite au laboratoire de restauration, le 6février 1931.Cette année, nous célébrons exactement 80 années deleur présence au Vatican, 80 années de travail patientet qualifié de restauration. Des dizaines et dizaines detapisseries de grande valeur artistique (presque toutesont été faites sur les cartons de Raphaël) ont été sou-mises au "traitement" des sœurs. Quand je demande àSœur Angela Messina, au laboratoire depuis 48 ans,

de quel "arazzo" elle se souvient le plus, elle merépond que chaque tapisserie est importante, car c'estune grande œuvre d'art. La restauration de certainesest brève, mais d'autres sont restées au laboratoire,deux, trois et même cinq ans. Au lieu de quatre sœursqui travaillaient autrefois, aidées par des laïques,aujourd'hui la restauration s'effectue uniquement parSœur Angela, qui a le plus d'expérience, une sœur

Les Sœurs des "arazzi"Les Franciscaines Missionnaires de Marie célèbrent le 80ème anniversaire de leur service au Vatican

Un anniversaire à la Cité du Vatican chez les FMM permet à S.Angela Poma, fmm, de nous offrir une visiteà l'atelier de réparation des tapisseries, grâce à l'article d'un journaliste polonais, ainsi qu'une évocation del'histoire de ces 80 ans…

Vatican

Au commencement à Via Giusti

S. Maria Smolen

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polonaise, Sœur Maria Smolen, et quatreassistants laïques. Soeur Be Sau, vietna-mienne, est en train de se préparer à ce tra-vail.Depuis quatre-vingts ans, selon le souhaitexplicite du Pape Pie XI, une communautéde religieuses vit au Vatican, responsabledu laboratoire de restauration des "arazzi"- une grande tâche pour un Institut typi-quement missionnaire.

(Extraits de l'article du journaliste polo-nais Wlodzimierz Redzioch pour lejournal "Niedziela")

Quatre-vingts ans se sont donc écoulés depuis quePie XI nous a appelées dans la Cité du Vatican, auLaboratoire de restauration des tapisseries desMusées du Vatican. Actuellement, comme en 1930,nous sommes sept en communauté, "fraternité uni-verselle" puisque de cinq nationalités!

Au fil des années, le nombre des sœurs aug-mentait selon les besoins jusqu'à arriver àune quarantaine, représentant une vingtainede pays! La variété des services rendus estmotivée par les exigences des Papes. Enplus de la restauration des "arazzi", pourlaquelle nous avons été appelées, de nom-breux autres Bureaux ont été confiés auxefforts laborieux de notre engagement com-mun, à un rythme soutenu, dans la joie dudon généreux…

De 1930 à nos jours, les travaux de restau-ration au laboratoire des tapisseries conti-nuent; de 1941 à 1945 par exemple, à lademande du Pape Pie XII, un groupe deFMM de la maison généralice et de la com-munauté de la Cité du Vatican a travaillé auBureau d'information pour les prisonniersde guerre et à celui de la Commission pon-tificale pour l'assistance aux réfugiés; unautre groupe, de 1944 à 2007, au "Magasinprivé de sa Sainteté"; d'autres sœurs, de1947 à nos jours, au Gouvernorat et auBureau philatélique et numismatique; de1947 à 1977, au Bureau télégraphique; de1947 à 1998, à la garde-robe du St Père,commencée à Via Giusti; de 1968 à 2003,au Bureau d'information des touristes etpèlerins; de 1982 à aujourd'hui, à la prépa-ration des personnages de la crèche monu-mentale de la Place St Pierre… et d'autresencore!

Dans une lettre envoyée au Saint Père pourlui présenter la nouvelle communauté arri-

vée au Vatican, en 1930, la Mère générale écrivait:"… fidèles au programme tracé par Mère Marie de laPassion, les sœurs s'efforceront de prier en anges, detravailler en missionnaires et de s'immoler humble-ment et silencieusement en victimes pour l'Eglise etle Pape…". La même action de grâces et le mêmeprogramme de vie ont été vécus par les sœurs qui se

28 FMM Espace Rencontre VII/43

Le laboratoire actuel

Visite officielle de Jean Paul II au laboratoire, le 10 décembre 1978

Pain béni par le Pape pour être distribué aux pauvres,

durant la guerre

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sont succédées à "la Città" (environ 250!) tout aulong de ces 80 années d'expérience, avec unegrande joie, la même joie et la gratitude qui sontnôtres maintenant...

Grâce à notre travail, nous nous sentons appeléesau service de cette beauté qui illumine le cheminde l'homme et le transforme. Nous répondonsd'une façon cachée, calme, patiente, persévérante,où chaîne et trame créent une œuvre d'art que tantde visiteurs des musées admireront en rencontrantla vérité chrétienne. Pour nous, plus jeunes, c'estformidable d'entendre les histoires de nos sœursplus âgées (deux sont ici depuis soixante ans), lesévénements joyeux et douloureux qui ont marquénotre présence au Vatican, et leur grand amourpour l'Eglise.

Angela Maria Poma, fmm

S. Sebastia, hongroise, qui fut la directrice du laboratoire

S. Aurea Gallego

Pendant la 2ème guerre mondiale, les FMM écrivent des lettres au nom

du Pape pour rechercher des prisonniers

La communauté actuelle de la "Città":(de gauche à droite, enblanc) S.Angela Messina, S.Matilde de Col, S.Aurea Gallego,

S.Maria do Ceu Pereira; (en gris) S.Maria Smolen, S.Angela Poma, S.Bé Sàu Nguyen Thi

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Aujourd’hui l’Histoire nous passionne et nousenrichit, si nous sommes capables de recul, deréflexion, de dépassement de nos préjugés, de remiseen cause, de sagesse, de pardon, d’émerveillement,d’appréciation…

Imaginons notre Histoire, comme un long train enmarche, composé de différents wagons. Parmi eux,montons dans le wagon marqué « XIXème siècle »,et prenons le temps de le visiter, car il est bien richeet intéressant !

En effet, après les bouleversements de la Révolutionde 1789, qui ont marqué « le précédent wagon1 ! »,puis ceux advenus pendant les époques de l’Empireet de la Restauration, avec des guerres, une autre

révolution, de grandes injustices…, la société civilefrançaise commençait à se détacher de l’Eglise et cer-tains philosophes ou politiciens désiraient uneEglise-sans-pouvoir et une école-sans-Dieu. C’étaitune véritable lutte entre l’Eglise et l’Etat.L’incroyance se répandait de plus en plus dans lesmasses, mais en même temps, paradoxalement, s’a-morçait un réel réveil de forces spirituelles, ainsiqu’un immense effort de re-christianisation, et un trèsvaste élan missionnaire.

Marie de la Passion [1839-1904] et le Père Raphaël[1843-1924] font partie des personnes qui viventintensément une autre Restauration, « religieuse »celle-là !

30 FMM Espace Rencontre VII/43

Au départ, nous sommes invitées à visiter rapidement le « train de l’Histoire ». Cette démarche est indispen-sable pour comprendre un peu la spiritualité du 19ème siècle, ainsi que la « direction» très complète maissévère, donnée par le Père Raphaël et fort bien reçue par sa «philotée», Mère Marie de la Passion.

MERE MARIE DE LA PASSION ET PERE RAPHAEL,

DEUX CHRÉTIENS DU XIXème SIECLE !

Jusqu’à ce jour, presque toutes les études concernant notre

Charisme ont été faites à partir de des écrits de Mère Marie de la

Passion. C’était normal.

Aujourd’hui toutes les lettres du Père Raphaël à Mère Marie de la

Passion sont sur informatique, ce qui va permettre à notre bulletin :

Espace/Rencontre, tout au long de l’année qui vient, de se pencher

plus précisément sur « la direction spirituelle », donnée par le Père

Raphaël Delarbre ofm, à notre fondatrice, pendant 22 ans !

Six brefs articles nous permettront de découvrir la profonde huma-

nité d’une personne qui nous est si chère, ainsi que toute la beauté

et la grandeur, que peut avoir « une réelle direction spirituelle», faite

en toute « Vérité - Charité », donnée par un religieux franciscain. Le

Père Raphaël et Marie de la Passion étaient très riches, très diffé-

rents mais aussi très complémentaires.

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31Janvier - Février 2011

Le wagon-XIXème siécle de notre train comprend,évidemment, différents compartiments, communi-quant entre eux.

Découvrons un moment, le compartiment « Renouveau religieux », qui nous présente :

la « construction de chapelles et d’églises » pour quedavantage de chrétiens puissent aller à la Messe,écouter les homélies, assister au salut du SaintSacrement. la « formation des prêtres », dans lesséminaires, les universités, où il y a une grande soifde spiritualité et un désir fou de pouvoir faire uneexpérience mystique comme Térèse d’Avila : « Jeveux voir Dieu », par exemple; « l’éducation desenfants » avec le catéchisme et les patronages… ; « l’instruction des adultes laïques », avec les « mis-sions intérieures », les retraites, les pèlerinages, lesprocessions…

Puis vient : le « Renouveau Liturgique » qui s’étendrapidement grâce à un moine bénédictin de l’Abbayede Solesmes, dom Guéranger. Son « AnnéeLiturgique », ainsi qu’un certain « retour à la Bible »permet à l’Evangile d’être mieux entendu et mieuxpratiqué, et aident à la vie spirituelle des religieux etdes paroissiens. Le culte des saints est très populaire.Suit encore : le « mouvement ultramontain2 » quifavorise : « le culte du Sacré Cœur » avec la dévotionau Christ car c’est Lui qui sauvera le monde, et « l’a-doration eucharistique » s’intensifie.

La « dévotion mariale » se répand rapidement, grâceaux lieux d’apparitions ; à la redécouverte et à l’édi-tion du « Traité de la Sainte Vierge » du Père Grignon

de Montfort; à la proclamation du Dogme del’Immaculée Conception, le 8 décembre 1854 et à lafloraison de nouvelles congrégations religieuses enréférence à Marie. (L’Italie, à elle seule, entre 1802 et1898, en comptera 206 dont 23 masculines et 183féminines ; contre 43 seulement dans les trois wagonsprécédents3 !)

« Les saints ou saintes » de cette époque ont une fonc-tion très particulière, ils sont, à la fois, fondateurs etenseignants, en quelque sorte « prophètes ». Attentifs« aux signes des temps4 », ils accueillent les événe-ments et voient aussitôt ce qu’il convient de faire pourretrouver l’Evangile-Parole de Dieu et vivre pleine-ment de « la Charité-Vérité5 ». Il est évident qu’il y aun lien entre le charisme personnel et le charisme defondation. Pour beaucoup de fondateurs, cette tensionengendre une lutte et une souffrance très vive entreleur vision du charisme et sa transmission, par rapportà tout ce qu’il y aurait à faire et tout ce qui ne se faitpas, et Mère Marie de la Passion n’y échappe pas.Tous écrivent beaucoup: Règles, Constitutions, EcritsSpirituels, Publications nombreuses, édifiantes, dévo-tionnelles…il n’y a qu’à penser à notre fondatrice et ànos imprimeries!

Regardons à présent cet autre compartimentimportant, celui de « la question sociale »:Le manifeste de Karl Marx est publié en 1848 ; la « première Internationale » se tient en 1864 pourréclamer des salaires justes, pour en finir avec l’ex-ploitation de l’homme par l’homme, pour abolir « l’esclavage-machines6 », pour aller au peuple ! La

fracture entre les patrons et les ouvriers est de plus enplus grande et il faudra attendre jusqu’en 1891, pourvoir le Pape Léon XIII se pencher concrètement surces problèmes, avec son Encyclique "RerumNovarum".« Le catholicisme social » naît, pour ainsi dire, avec

Leo XIII

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« l’Oeuvre des Cercles Catholiques d’Ouvriers », deMonsieur Léon Harmel [1829-1915]. Celui-ci étaitun ami et un collaborateur du P. Raphaël et de Mariede la Passion. Il était directeur d’une usine, à Val desBois, près de Reims, et il voulait que l’ouvrier soitassocié à la gestion de l’usine et à ses bénéfices7 !

L’Eglise Romaine a bien de la difficulté à s’adapteraux temps nouveaux, et certaines prises de positionsont maladroites. Le problème de « la questionromaine » perdure. Comme toujours, il y a les catho-liques libéraux et les intransigeants, dont certainspensent que l’Eglise ne doit pas s’occuper de problè-mes politiques ou économiques, qu’il faut « enleverle pouvoir au Pape » et cet argument permet à denombreux chrétiens, de considérer le Pape comme « prisonnier au Vatican » ou « dans les fers8. »

Admirons cet autre compartiment, et non desmoindres, celui « de l’essor missionnaire », et de« la place des femmes dans la mission ». Cet élanmissionnaire prend sa source dans la foi vive du peu-ple chrétien : « il faut évangéliser "les sauvages",convertir les "infidèles", sauver des âmes, beaucoupd’âmes » en les baptisant, afin qu’elles n’aillent pas « en enfer ». Parfois nous pensons que la conquêtemissionnaire fut fortement liée à l’expansion colonia-le des grandes puissances, comme le Royaume-Uni etla France, mais c’est méconnaître les faits, car l’élanmissionnaire a précédé la colonisation. Cependant, ilreste vrai que les missionnaires ont emporté et appor-té avec eux, leur foi, leur culture, leurs querelles declochers ou de territoires… Nous savons aussi quedes missionnaires ont profité de transports gratuits enbateau, et souvent d’allocations pour leur travail,comme dans certains hôpitaux publics. Nous n’igno-rons pas, non plus, que dans le domaine de l’organi-sation et de l’expansion des missions, laCongrégation Romaine de Propaganda Fide9 a tenuune place nécessaire, en particulier par un de ses ser-vices, celui de la Sainte Enfance10.

Enfin, pour nous franciscaines, il nous reste undernier compartiment à redécouvrir, c’est celui du « Renouveau Franciscain.» Avec deux Papessuccessifs, Pie IX et Léon XIII, membres du TiersOrdre Franciscain, il ne pouvait en être autrement.Les écrits du P. Raphaël nous indiquent qu’il a parti-cipé lui-même « à la renaissance du franciscanismeen France entre 1862 et 1880, jusqu’au moment oùles frères furent expulsés; et combien il a prié etœuvré avec les frères des différentes familles fran-ciscaines de Rome, pour arriver enfin à la Bulle de"l’Union des Frères Mineurs" » en 1897 !

Puisse cette brève et incomplète visite de mon« wagon-XIXème siècle » nous permettre deremarquer toute sa vitalité et tout son rayonne-ment, qui dépassent largement ses cloisons !

De tout cela nous pouvons rendre grâce à Dieu.Mais notre train-Histoire continue sa routeaujourd’hui, il va même bien vite, comme unTGV11 ! Il aspire toujours à cette liberté, cette égali-té, cette fraternité et cette démocratie qui nous sont si

chères. Espérons que « notre wagon-XXIème siè-cle » saura tirer leçons et profits des deux wagonsprécédents !12

Marie-Christine Bérenger, fmm

1 Précédent wagon = XVIIIème siècle.

2 Ultramontain signifie « au-delà des monts », en l’occur-

rence les Alpes par rapport à Rome.

3 Les trois siècles précédents = XVIème, XVIIème et

XVIIIème siècles.

4 Les signes des temps : expression du Concile Vatican II

5 Charité-Vérité ou Vérité-Charité, expressions chères au

P. Bernardino, au P. Raphaël et à M. de la Passion !

6 La libération des esclaves dans les colonies françaises eut

lieu en 1791. Là, il s’agit de l’esclavage dû à l’industriali-

sation rapide, donc des machines et des horaires impossi-

bles !

7 Et aujourd’hui, que désirent souvent les patrons et les

ouvriers ?

8 Voir la formule des vœux perpétuels de M. de la Passion,

pour le Pape, le 15 janvier 1871.

9 La Propagande, née en 1822.

10 La Sainte Enfance, née en 1843.

11 TGV= Train à Grande Vitesse.

12 2 wagons précédents = XIXème et XXème siècles !

32 FMM Espace Rencontre VII/43

Pius IX