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Nouvel arsenal galénique pour la voie parentérale

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dossier

Actualités pharmaceutiques n° 508 Septembre 2011

Le premier implant contenant une substance active (Zoladex®) a été commercialisé en France en 1988. Vingt ans plus tard, le nombre d’im-

plants présents sur le marché est relativement restreint car cette forme galénique nécessite des développe-ments longs et coûteux. D’autres formes à libération prolon gée (LP) pour la voie parentérale, comme les gels ou les systèmes à solidification in situ, sont apparues plus récemment, complétant ainsi l’arsenal galénique dispo nible pour les traitements de longue durée.

Les implantsUtilisés depuis un certain nombre d’années en méde-cine humaine et vétérinaire pour une action systémi-que ou locale, les implants permettent d’assurer et de contrôler la libération de substances actives sur des périodes allant de quelques semaines à plusieurs années. À base de polymères, ils se présentent sous différentes formes (bâtonnet, disque…) et sont, le plus généralement, administrés par voie sous-cutanée (SC)

au niveau du bras, de la cuisse ou de l’abdomen par injection, à l’aide d’une seringue préremplie, ou encore par incision chirurgicale. Ils peuvent également être introduits dans le cerveau ou dans l’œil.

Implants non biodégradablesLes implants constitués de polymères non bio dégradables comme les silicones ou le copolymère d’éthylène et d’acétate de vinyle ont l’inconvénient de devoir être retirés de l’organisme. Ils sont néanmoins indiqués lorsqu’une libération de la substance active sur une longue période (plusieurs mois ou années) est souhaitée. Par exemple,

Nexp lanon ®, qui remplace Implanon®, est un implant contra-ceptif non bio-

Nouvel arsenal galénique pour la voie parentérale

Les implants, biodégradables ou non, tout comme les formes injectables à libération

prolongée font partie des nouvelles formes galéniques disponibles pour la voie

parentérale. Ils assurent la libération contrôlée des substances actives sur des périodes

plus ou moins longues, favorisant une observance plus efficace. Les vecteurs

(liposomes, nanoparticules), encore appelés nanomédicaments, permettent quant

à eux de modifier la distribution des susbtances actives après leur injection par voie

intraveineuse et augmentent ainsi le rapport bénéfice/risque de ces dernières.

Lorsqu’elle est administrée dans l’organisme sous

une forme conventionnelle, la substance active est

libérée de la forme choisie avant sa résorption.

Elle atteint ainsi la circulation générale à l’état libre

et se distribue alors dans l’organisme en fonction

de ses propres caractéristiques physico-chimiques.

Une fraction de la dose administrée parvient à

la cible pharmacologique, mais d’autres fractions

peuvent atteindre une ou des cibles toxicologiques

et provoquer des effets latéraux indésirables.

Le concept de vectorisation consiste à accroître

le rapport bénéfice/risque de la substance active

en augmentant sa concentration au niveau

de son (de ses) site(s) pharmacologique(s) et

en la réduisant au niveau de son (ses) site(s)

toxicologique(s).

Le principe de vectorisation associe la molécule active à un vecteur approprié pour en faire un nanomédicament. Ce sont alors les caractéristiques

de l’association substance active-vecteur et non

celles de la substance active qui conditionnent

le devenir de cette dernière dans l’organisme. Il est,

bien entendu, nécessaire, qu’ensuite, la substance

active soit libérée et qu’elle le soit au plus près

de la cible visée.

Au cours de ces dernières années, les

nanotechnologies ont pris un essor important

et semblent particulièrement adaptées, dans le

domaine de la vectorisation des médicaments,

aux substances présentant un fort potentiel

thérapeutique comme les anticancéreux ou les

anti-infectieux. Elles ont recours à des objets

(assemblages supramoléculaires) de très petites

dimensions (inférieures au micromètre), appelés

vecteurs, permettant de concevoir des systèmes

capables d’être véhiculés dans le torrent circulatoire

et de passer dans les capillaires sanguins les plus

fins tels ceux irriguant les tissus et les tumeurs.

Parmi les vecteurs les plus étudiés, figurent

les liposomes et les nanoparticules.

Les liposomes sont des vésicules dont l’enveloppe

est constituée de bicouches phospholipidiques

organisées comme une membrane cellulaire

simplifiée à l’extrême.

Les nanoparticules, quant à elles, sont des

systèmes colloïdaux obtenus le plus souvent à

partir de polymères (pas encore de médicaments

sur le marché) ou de protéines comme l’albumine.

Le concept de vectorisation

Mise en place d’un implant (Nexplanon®).

© S

cher

ing-

Pou

gh

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dossier

Actualités pharmaceutiques n° 508 Septembre 2011

Formes galéniques nouvelles ou comment améliorer l’efficacité des nouveaux traitements ?

dégradable flexible ayant la forme d’un bâtonnet de 4 cm de long et 2 mm de diamètre pour usage SC. Mis en place sur la face interne du bras, il libère de l’étonogestrel sur une durée de trois ans. L’implant, placé sous la peau, est, en principe, palpable, mais il peut migrer et se localiser au niveau musculaire. Nexplanon® a été rendu radio-opaque par la

présen ce de sulfate de baryum dans sa composition. Lors de son retrait, sa localisation est ainsi facilitée s’il n’est plus palpable. Son retrait peut avoir lieu à tout moment si la femme désire une grossesse. Un tiers des patientes saigne (spottings), parfois en continu, un autre tiers étant en aménorrhée.

Implants biodégradablesLes implants biodégradables sont destinés à des trai-tements de l’ordre de quelques semaines à quelques mois, car les cinétiques de libération des substan-ces actives à partir de ces polymères sont difficiles à contrôler sur de plus longues périodes.Les principaux polymères biodégradables retenus pour la formulation des implants sont les copo lymères de l’acide lactique et de l’acide glycolique.Les implants biodégradables ont l’avantage de ne pas requérir de retrait à la fin de la période de libéra-tion, ce qui améliore le confort des patients. Zoladex® est un implant biodégradable administré

par voie SC. Utilisé depuis de nombreuses années dans le traitement des cancers de la prostate, il libère une hormone de synthèse, la goséréline, pendant 4 ou 12 semaines selon le dosage. Gliadel® est un implant biodégradable de carmu-

stine, qui se présente sous la forme d’un disque intro-duit dans le cerveau après la résection chirurgicale de tumeurs cérébrales. La carmustine est libérée pendant trois semaines, assurant une chimio thérapie

locale directement sur le site de la tumeur, ce qui permet d’éviter toute toxicité systémique.

Autres systèmes de libération prolongée de substances activesEn dehors des implants proprement dits, d’autres systèmes peuvent être utilisés pour prolonger la libé-ration de substances actives. Décapeptyl LP® 3 mg (triptoréline) ou Enantone LP®

11,25 mg (leuproréline) sont des suspensions pour voie intramusculaire (IM) de microsphères de poly(lactic-co-glycolic acid) (PLGA). Ces médicaments sont administrés dans le traitement du cancer de la prostate avec métasta-ses, de l’endométriose ou de puberté précoce centrale. Eligard® est une suspension injectable qui génère,

après injection par voie SC, un dépôt biodégradable solide qui assure une libération continue d’acétate de leuproréline pendant 1 ou 3 mois selon le dosage. Ce médicament, employé lui aussi dans le traitement du cancer de la prostate, est conditionné en deux seringues stériles préremplies et conservées au réfri-gérateur. Une seringue contient du PLGA en solution dans un solvant organique biocompatible miscible à l’eau. La seconde seringue renferme la substance active sous forme de poudre lyophilisée. Juste avant l’administration, les deux seringues sont assemblées pour former un dispositif de mélange de la poudre et de la solution de polymère afin d’obtenir une suspen-sion uniforme. Une fois reconstituée, la suspension doit être utilisée dans les 30 minutes. Après injec-tion SC, l’eau présente dans les tissus se mélange au solvant provoquant ainsi une séparation de phase et une précipitation du polymère, ce qui permet de prolonger la libération de l’acétate de leuproréline. Somatuline LP® (60, 90 et 120 mg) est une forme

galénique récente de l’acétate de lanréotide, adminis-

Le concept de vectorisation est déjà exploité commercialement pour réduire la toxicité de certaines substances actives en les détournant d’organes

particulièrement sensibles à leurs effets toxiques.

Ainsi, depuis déjà quelques années, des liposomes

sont utilisés pour réduire la toxicité cardiaque

de la doxorubicine (Myocet®) et rénale de

l’amphotéricine B (Ambisome®). Ambisome® est

réservé au traitement des mycoses systémiques

et/ou profondes à Aspergillus et Candida chez

l’adulte et l’enfant ayant développé une insuffisance

rénale sous amphotéricine B, définie par l’élévation

de la créatininémie au-dessus de 220 micromol/L

ou l’abaissement de la clairance de la créatinine

au-dessous de 25 mL/min., ou en cas d’altération

préexistante et persistante de la fonction rénale

définie par une créatininémie supérieure à

220 micromol/L ou une clairance de la créatinine

inférieure à 25 mL/min.

Les vecteurs permettent aussi d’accumuler davantage de substances actives au niveau

des tumeurs. Caelyx® et Daunoxome® sont

respectivement des liposomes de doxorubicine et de

daunorubicine, tandis qu’Abraxane® est composé de

nanoparticules d’albumine associées au paclitaxel.

Ce dernier médicament est indiqué en monothérapie

dans le traitement du cancer du sein métastatique,

chez les patients en échec du traitement de première

ligne, et pour qui le traitement standard incluant une

anthracycline n’est pas indiqué.

Les vecteurs peuvent aussi être utilisés en cas de solubilité insuffisante de la substance active.

Ainsi, la vertéporfine, un composé hydrophobe, est

solubilisée dans la bicouche phospholipidique de

liposomes autorisant son administration par voie

intraveineuse en perfusion. Ce photosensibilisant

formulé dans des liposomes (Visudyne®) est

indiqué dans le traitement photodynamique

des patients atteints de la forme exsudative

de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

Par ailleurs, des essais cliniques sont en cours

pour des formulations liposomales d’annamycine,

de cisplatine, de lurtotecan, de vincristine, de

prostaglandine E1 ou de docétaxel, ainsi que pour

des nanoparticules polymériques de doxorubicine. �

F. P.Source : Bochot A, Fattal E, Couvreur P, Puisieux F. La pharmacie galénique : évolution et brèves perspectives. Académie nationale de pharmacie. Séance du 30 juin 2010.

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Actualités pharmaceutiques n° 508 Septembre 2011

trée mensuellement par voie SC profonde pour le trai-tement des patients souffrant d’acro mégalie. L’acétate de lanréotide possède la particularité de former un gel en présence d’eau, seul excipient de la formulation. Ce sont donc les propriétés physico -chimiques du peptide qui conduisent à la formation du gel qui assu-rent la libération prolongée de ce dernier.

Les formes injectables à libération prolongée destinées à l’administration des antipsychotiquesDes formes injectables LP ont été développées par les laboratoires pharmaceutiques pour les anti psychotiques, notamment pour améliorer l’observance de ces trai-tements avec des patients ne désirant pas toujours suivre leur traitement. Ces formes sont adaptées pour un traitement ambulatoire (une injection toutes les 2 ou 4 semaines) et permettent de prolonger l’effet théra-peutique sur plusieurs semaines. Elles ont pour avan-tages une action pharmacologique prolongée et plus constante dans le temps, une réduction de la fréquence des prises, simplifiant le traitement et améliorant ainsi l’observance, une diminution des effets secondaires en supprimant le profil classique de pics et vallées.Deux types de formes LP sont disponibles. Haldol Decanoas® (halopéridol) est une solution

huileuse, injectable par voie IM à une posologie d’une injection toutes les 4 semaines. L’effet retard est obtenu par estérification de l’halo péridol avec un acide gras à longue chaîne (acide décanoïque). Cet ester, en solu-tion dans l’huile de sésame, est injecté par voie IM. Il se forme alors un dépôt tissulaire et la vitesse de résorp-

tion est très lente car liée à une diffusion restrein te. Au niveau plasmatique, l’ester est hydrolysé par des estérases libérant l’halopéridol qui devient actif. Tou-tefois, des problèmes de tolérance locale (douleur à l’administration, fibrose) ont été rapportés. Risperdal Consta LP® (rispéridone) est une

suspen sion aqueuse de microsphères biodégradables dans un milieu tamponné et isosmotique adapté pour la voie parentérale. Les microsphères sont consti-tuées de rispéridone (hydrophile) dispersées dans une matrice à base d’un copolymère d’acide lactique et glycolique. Ces particules sont biodégradables, c’est-à-dire qu’elles sont détruites petit à petit dans l’organisme, libérant ainsi leur substance active de façon contrôlée. L’injection IM de la suspension reconstituée extemporanément par le médecin est suivie d’une faible libération immédiate (< 1 % de la dose) correspondant à la substance active disponi-ble en surface. Après un temps de latence de trois semaines, les particules commencent à se détruire et produisent une libération constante de subs-tance active pendant les 4 à 6 semaines suivantes. La posologie doit donc être d’une injection toutes les 2 semaines. Il ne faut pas oublier d’assurer une couverture efficace de la pathologie, par des formes classiques à libération immédiate, pendant les 3 à 4 premières semaines de traitement. Cette forme LP est particulièrement bien tolérée puisqu’elle est plus aqueuse et répond aux exigen-ces de la voie parentérale : pH, isosmotique, stérilité, apyrogène…

Des gains en observance et en toléranceCes formes LP ont constamment progressé et permet tent une bonne maîtrise des pathologies comme la schizophrénie, avec moins de risques de rechute et de périodes d’hospitalisation. Même si leur formulation est de plus en plus complexe , elles assurent une observance et une tolé-rance supérieures du médicament, diminuant ainsi nettement les coûts de traitement et améliorant la qualité de vie des patients. �

Quelques mots sur le blocage androgéniqueLe cancer de la prostate est un cancer hormono-dépendant. L’un des principes

du traitement est la suppression de la production des androgènes, associée ou non

à un blocage des récepteurs périphériques aux androgènes.

Deux modalités sont possibles : la castration chirurgicale ou médicale. La castration

chirurgicale consiste en une pulpectomie bilatérale. La castration médicale

fait appel aux agonistes de la Luteinizing Hormone Releasing Hormone (LHRH).

Administrés régulièrement (en injection sous-cutanée ou intramusculaire, mensuelle

ou trimestrielle), ils stimulent d’abord la sécrétion de Luteinizing Hormone (LH) par

l’hypophyse, puis aboutissent à la diminution du nombre de récepteurs à la LHRH

hypophysaire, à la baisse de la LH, puis de la testostéronémie.

Le traitement est coûteux et ses effets sont réversibles lorsqu’il est arrêté.

La castration s’utilise seule ou avec un antiandrogène, réalisant un blocage

androgénique complet.

L’augmentation des androgènes circulant dans le sang, due à un traitement par agoniste

de la LHRH, provoque, en raison du pic de testostéronémie, un effet “flare up” responsable

d’une accentuation des signes cliniques, voire d’une apparition de complications

au cours du premier mois de traitement. Cet effet secondaire peut être évité en associant,

le premier mois, un antiandrogène non stéroïdien à l’agoniste de la LHRH.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Amélie Bochot

Maître de conférences,

Faculté de pharmacie, Châtenay-Malabry (92)

[email protected]

Odile Chambin

Professeur, Faculté de pharmacie, Dijon (21)

[email protected]

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]