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Nouvelles 84 : Peut-on encore sauver les Indiens d'Amazonie ?

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- Peut-on encore sauver les Indiens d'Amazonie ?- Les Awá du Maranhão : une priorité.- Un Indien dans la ville

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Page 1: Nouvelles 84  : Peut-on encore sauver les Indiens d'Amazonie ?

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Survivalles nouvelles de

juillet 2012

Peut-on encoresauver lesIndiensd’Amazonie?

Les Awá duMaranhão :une priorité

Un Indien dansla ville

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SSoommmmaaiirree

Ne jamais renoncerStephen Corry

Echos des campagnes

Peut-on encore sauver les Indiensd’Amazonie?Stephen Corry

Les Awá du Maranhão : uneprioritéCampagne d’action urgente

Un Indien dans la villeBenny Bearskin

Livres et revues reçus

Les Nouvelles de Survival n° 84, juillet 2012Prix de ce numéro : 4 € abonnement : 15 €Directeur de la publication : J.-P. RazonRédaction : S. Baillon, D. Dauzier, J.-P. RazonTraductions : Stéphanie DourcheImprimerie : Corlet, Condé-sur-NoireauISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188Dépôt légal : 3ème trimestre 2012

© Survival International (France)

Association reconnue d’utilité publique

Photo couverture : Enfant awá jouant dans la rivière.© Survival

Merci à Catherine Reisser

Le supplément de l’impression en quadrichromie dece numéro spécial a été généreusement offert parnotre imprimeur.

Ce numéro peut être lu en ligne ou téléchargé enformat PDF à l’adresse suivante : www.survivalfrance.org/actu/publication

Survival International France18 rue Ernest et Henri RousselleParis 75013T (33) 1 42 41 47 [email protected]

Survival aide les peuplesindigènes à défendre leur vie,protéger leurs terres et déterminer leur propre avenir

SSuurrvviivvaallles nouvelles de

Les Awá du Brésil sont la tribu la plus menacée au monde. Des années de

déforestation illégale et de spoliations les ont conduits au bord de l’extinction.

Hormis les bûcherons et leurs fusils, l’un des plus graves problèmes auxquels

ils sont confrontés est étroitement lié à l’illusion colonialiste selon laquelle les

Indiens d’Amazonie seraient inévitablement condamnés par la ‘modernité’.

Si cette opinion a influencé des générations entières, elle est totalement irraisonnée : en

prétendant que ces populations ‘rétrogrades’ ont tout à gagner de la ‘civilisation’ on tend à les

faire disparaître en tant que peuples. Pire encore, ce point de vue est fondamentalement

raciste : les faits ont prouvé le contraire de manière criante et à notre grande honte.

Lorsqu’un peuple est privé de sa terre, il ne peut tout simplement pas survivre. En revanche,

lorsque celle-ci est protégée, la plupart de ses problèmes disparaissent. Cela est possible si

personne ne convoite tel ou tel territoire indigène parce qu’il est difficilement accessible ou que

ses ressources sont insuffisantes, mais surtout s’il y a une réelle volonté politique suivie de

mesures concrètes pour garantir son inviolabilité. Tout peuple, lorsqu’il a la chance de pouvoir

rester sur son propre territoire, est en mesure de s’adapter aux changements, mais à son propre

rythme.

Il se peut que certains individus aspirent à explorer le monde extérieur, mais la plupart

rentreront chez eux car la vie dans leur territoire présente des avantages inestimables comparée

à celle, misérable, qu’ils mènent dans les faubourgs urbains déshérités où ils trouvent

généralement refuge.

L’intégration de ces peuples à la société dominante équivaut à les priver de leur autonomie

et à les condamner au niveau de vie le plus bas de l’échelle sociale, si ce n’est à la mort.

Nous sommes toutefois intimement convaincus que si les gouvernements respectent leurs

droits fondamentaux et appliquent les lois en vigueur dans leur pays, il y aura toujours des

Indiens en Amazonie à la fin de ce siècle.

Les plus cyniques répondront probablement que tout cela n’est qu’utopie, que la loi du profit

triomphera toujours. Serions-nous encore plus sauvages que ceux que nous avons la prétention

de ‘civiliser’, affranchis de toute loi, de toute décence, de toute humanité?

Durant plus de 40 ans d’existence, Survival a assisté et accompagné la reconnaissance légale

d’un grand nombre de territoires indigènes. Le cas le plus marquant a été celui des Yanomami,

le plus grand groupe indien d’Amazonie brésilienne, dont le territoire a été reconnu en 1992,

aboutissement d’une campagne que nous avons menée conjointement avec des organisations

brésiliennes durant une vingtaine d’années. Autrefois menacés dans leur vie même par

l’invasion constante de leurs terres, ils sont, aujourd’hui encore, des Yanomami.

Il ne fait aucun doute que les Awá survivront, mais à la condition décisive que l’opinion

publique se mobilise avec la même énergie pour exiger la protection de leur territoire. n

Stephen Corrydirecteur général de Survival International

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Ne jamais renoncer

PARIS LONDRES MILAN MADRID BERLIN AMSTERDAM SAN FRANCISCO

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colombienne dans la région constitueun danger supplémentaire pour lesIndiens. Survival suit la situation deprès et a écrit au gouvernementcolombien pour l'exhorter à garantir lasécurité et la survie des Indiens isolés.

Un Innu accomplit une marchehistorique à travers le CanadaLes Innu du nord-est du Canada ontcélébré mi avril l'arrivée d'une marcheà pied de 4 000 km à travers leNitassinan, leur territoire ancestral. Al'initiative de Michel Andrew, un jeuneInnu connu sous le nom de Giant, lamarche visait à sensibiliser l'opinion àla crise sanitaire liée à l'escalade dudiabète chez les Innu et à reconnecterles jeunes Innu à la taïga, à la toundraet aux landes rocheuses du nutshimit (‘lepays’) qui nourrit ce peuple depuis desmillénaires. La marche solitaire deGiant a commencé à l'hiver 2009. Aucours de la phase finale, environ 40marcheurs innu l’ont rejoint pour latraversée de l'intérieur glacé duQuébec sub-arctique et du Labrador.

La répression continue auBangladeshUne fillette chakma de onze ans a étéviolée et tuée par un colon dans lesChittagong Hill Tracts au mois de maidernier. Un suspect a été appréhendé,mais les tribus locales estiment qu'il y ade fortes chances pour qu'il ne soit paspoursuivi. Entre janvier et mai 2012,au moins six femmes et jeunes fillesjumma ont été violées. Tandis que laviolence continue, et devant lesmaigres efforts déployés par lesautorités pour poursuivre les auteursde ces crimes, de nouvelles tentativesde dénégation de leur spécificitéethnique ont été amorcées par legouvernement pour affaiblir les droitsdu peuple indigène jumma.

Racisme médiatique en MalaisieSuite à une plainte déposée par unchef penan de Ulu Baram, un journalmalaisien a été contraint de présenterdes excuses publiques après avoirpublié un article accusant les Penan depratiquer l'inceste. Unanimementcondamné par la communauté penan,cet article est le dernier d'une longuesérie d’insinuations calomnieuses,inexactes et méprisantes véhiculées parla presse sur les Penan et leur mode devie. Survival mène campagne contreles représentations négatives et racistesdes peuples indigènes dans les médias.

En Inde, la lutte des DongriaKondh continue Les Dongria Kondh et leurssympathisants se sont rassemblés enavril dans l'Etat d'Orissa pourmanifester leur ferme opposition àl'exploitation minière de leurmontagne sacrée. Cette manifestationcoïncidait avec l'audience d'un appel àla Cour Suprême de New Delhi quivisait à interjeter un jugementinterdisant à la compagnie minièrebritannique Vedanta d'exploiter unemine de bauxite à ciel ouvert sur lescollines de Niyamgiri. L'appel afinalement été ajourné et la CourSuprême n'a pas fixé de nouvelle datepour la prochaine audience. Survivalsoutient activement la résistance desDongria Kondh.

Succès : abandon d’un projetd’agrocarburant au BrésilRaízen, une compagnied'agrocarburants filiale de Shell auBrésil, a récemment accepté derenoncer à acquérir la canne à sucrecultivée sur un territoire indigènereconnu par le ministère de la Justice.Une campagne d'envergure menéeconjointement par les Guarani etSurvival ainsi que la pression du

ministère public brésilien ont favoriséla conduite de négociations entreRaízen et la FUNAI, le départementdes affaires indigènes dugouvernement. Les Indiens guaraniont accueilli cette nouvelle avecsatisfaction. Après avoir été expulsésde leurs terres, nombre d'entre euxvivent dans des conditionsdésastreuses, dans des réservessurpeuplées ou de misérablescampements au bord des routes.Raízen qui a reconnu les problèmesauxquels les Guarani sont confrontéset a promis de mener un ‘programmed'investissement social centré sur lapopulation indigène’ a déclaré àSurvival : ‘Nous voulons faire de notreretrait un bon exemple à suivre pourles autres compagnies. Nous nousengageons à respecter tout territoireindigène reconnu par le ministère dela Justice’. Cette décision historique deRaízen devrait créer un précédent auBrésil; elle sera suivie le 25 novembreprochain de l'arrêt définitif de sonapprovisionnement en canne à sucrecultivée sur des territoires indigènes.

En Inde, une route illégalemenace une tribu isoléeDans les îles Andaman, la route qui arécemment été l'objet du scandale dessafaris humains est toujours ouverte,dix ans exactement après avoir étéfrappée d'interdiction par la Coursuprême indienne. L'exploitationtouristique de la tribu isolée desJarawa sur cette route qui traverse leurréserve a suscité l'indignation de lacommunauté internationale. Unreprésentant de Survival s'est rendudans les îles Andaman pour exhorterles autorités à fermer la route et àouvrir une voie alternative en dehorsde la réserve.

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L’agriculture intensive menaceles tribus d’EthiopieDe nouvelles preuves photographiquesdiffusées fin mars par Survival ontrévélé l'ampleur d’un programme deplantations controversé qui détruit lebassin inférieur de l'Omo dont leseaux sont vitales pour 100 000autochtones. Déjà victimes de violentsabus des droits de l'homme, lescommunautés indigènes installées surles terres destinées aux plantationsvivent sous la menace d’êtrerelocalisées de force par legouvernement et de se voir confisquerleur bétail.

Retour des forces de sécuritébotswanaises dans le KalahariLes forces policières se sont livrées àdes manœuvres d'intimidation audébut du mois de mai dans la réservedu Kalahari. Elles ont établi uncampement permanent à proximité dela communauté de Metsiamenong quis’était distinguée pour avoir résisté auxviolentes évictions du gouvernement.Plusieurs Bushmen ont été arrêtésmalgré leur droit de vivre et de chasserdans la réserve. La présence de soldatset de paramilitaires dans la réserve aégalement été signalée. Survival avivement protesté auprès dugouvernement botswanais.

La fin d’un rituel sacré au Brésil?Les Indiens enawene nawed'Amazonie brésilienne se sontdéclarés ‘désespérés’ devant lesmaigres résultats de leur rite de pêcheannuel, le yakwã, qui a débuté au moisde mars. Pour la quatrième annéeconsécutive, le stock de poissons était siréduit dans leurs rivières que le rite n'apu être convenablement accompli. Ladisparition des poissons est due à lapollution engendrée par les barragesen cours de construction dans le bassin

de la rivière Juruena. Le yãkwa a étéreconnu comme patrimoine culturel ethistorique du Brésil et l'Unesco arecommandé sa ‘sauvegarde urgente’.Survival appelle à la démarcation deleur territoire et à l’arrêt des projets debarrages sur la rivière Juruena.

Victoire juridique des Pataxó Hã-Hã-Hãe du BrésilLa décision d'un tribunal brésilien aété accueillie avec des cris de joie parles Indiens pataxó hã-hã-hãe qui ontcélébré mi mai un arrêt de la Coursuprême ordonnant l’expulsion desenvahisseurs de leur territoire. Durantplusieurs décennies, les Pataxó Hã-Hã-Hãe de l'Etat de Bahia ont subil'invasion des éleveurs qui occupaientleur territoire, générant de violentsconflits. Les autorités brésiliennes sesont engagées à attribuer de nouvellesterres aux éleveurs.

Menaces sur les Yanomami isolésPour marquer le 20e anniversaire de lacréation de leur territoire, les Indiensyanomami du Brésil ont diffusé le 25mai dernier une vidéo d'unecommunauté isolée gravementmenacée par les orpailleurs illégauxqui sévissent à quelques kilomètres dechez eux. Si une opération pour lesexpulser est en cours, l’associationyanomami Hutukara appelle lesautorités à prendre des mesures à longterme pour maintenir les orpailleurshors du territoire. Survival continue detravailler aux côtés des Yanomami duBrésil et du Venezuela pour protégerleurs forêts des invasions délétères.

Un projet de route menace lesIndiens isolés d’AmazoniepéruvienneLe Congrès péruvien est sur le pointd'approuver le projet d'une route trèscontroversée qui traversera le territoire

d'au moins deux groupes d'Indiensisolés. Le projet ne mentionne pas leurprésence et ne prend pas en comptel'opposition des Indiens de la régionqui représentent 80% de lapopulation. Ces derniers craignent quela route ne favorise l'invasion debûcherons illégaux et de colons. Plusde 114 000 personnes ont signé lapétition de Survival exigeant desmesures immédiates contre l'invasiondes bûcherons illégaux sur lesterritoires des Indiens isolés.

Exploration gazière dans unterritoire protégé au PérouDes documents secrets ont révélé enmai que le Pérou recherche activementde nouveaux gisements de gaz aucœur de la réserve Nahua-Nanti, unterritoire indigène légalement protégé,situé au sud-est de l'Amazoniepéruvienne. Cette réserve connue pourses nombreux gisements de gaz esthabitée par plusieurs groupes d'Indiensisolés. Survival s’est adressé à MickJagger, célèbre chanteur des RollingStones, récemment nomméambassadeur de l’environnement parle gouvernement péruvien pour luidemander d’intervenir en faveur de cesdernières tribus isolées du Pérou endanger imminent.

Des Indiens isolés repérés enColombieUn groupe d'Indiens isolés –probablement des Yuri – a étéphotographié au cours du survolaérien du parc national Rio Pure enAmazonie colombienne en avrildernier. Ce parc national situé àproximité de la frontière brésilienneavait été créé en 2002 pour leurprotection. Il est depuis plusieursannées envahi par des orpailleurs etdes bûcherons clandestins. La présencede groupes armés de la guérilla

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Echos des campagnes

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Le mois de mai a marqué levingtième anniversaire de lacréation du Parc Yanomamiau Brésil. Ce territoire est laplus grande zone de forêt

tropicale protégée au monde. Il estégalement la meilleure réponse auxcritiques qui prétendent que les effortsdéployés pour protéger les peuples indigènessont vains.

Le parc a sauvé les Yanomami et sacréation a été obtenue avec de modestesressources : une poignée de gens impliquéset le soutien de l’opinion publique ontlargement compensé le manque de grosmoyens. De telles victoires peuvent – etdoivent – être remportées ailleurs avec desmoyens tout aussi modestes.

Les Yanomami vivent de part et d’autrede la frontière entre le Brésil et leVenezuela, ils sont un peuple amazonienreprésentatif, à ceci près que la taille de leurpopulation est exceptionnelle. Divisés enplusieurs sous-groupes désignés par uneautodénomination distincte (‘Yanomami’étant simplement le nom générique le pluslargement connu des étrangers), ils sontenviron 19 000 au Brésil et 13 000 auVenezuela. Soit 50 fois plus que la plupartdes groupes indiens d’Amazonie. Ils sontl'un des plus grands peuples d’Amérique duSud à être relativement restés à l’écart de lasociété dominante.

L’histoire de leur ‘parc’ commença en1968, lorsque les anthropologues AlcidaRamos et Kenneth I. Taylor (qui dirigeaplus tard le bureau de SurvivalInternational à Washington) proposèrent augouvernement brésilien un projet visant àprotéger le territoire yanomami. Ce projetreçut, en 1971, le soutien de RobinHanbury-Tenison, l’actuel président deSurvival International, alors en mission auBrésil, ainsi que, l’année suivante, ceux dedeux autres fondateurs de l’organisation,l’explorateur John Hemming etl’anthropologue Francis Huxley, au cours

d’une mission qu’ils effectuaient pour laSociété de Protection des Aborigènes.

Dix ans plus tard, la photographeClaudia Andujar, Carlo Zacquini, unmissionnaire, et parmi d’autres,l’anthropologue Bruce Albert (cofondateurde Survival France), fondèrent laCommission brésilienne pour la création duparc yanomami (CCPY), tandis queSurvival International commença à étendreson réseau auprès d’organisations nord-américaines et européennes pour assurer àcette campagne un retentissementinternational.

Le moment critique arriva en 1989. Cetteannée là, Survival fut lauréat du RightLivelihood Award (connu comme le prixNobel alternatif), elle demanda auxYanomami de recevoir la récompense enson nom. Cette proposition n’était pas sanscomporter certains risques. Si aucun porte-parole yanomami n’avait jamais quitté lepays, l’un d’entre eux se battait depuis desannées pour les siens à l’intérieur du Brésil.Davi Kopenawa, un chamane yanomami de33 ans, avait appris le portugais chez lesmissionnaires et avait déjà beaucoup voyagéau Brésil. Mais comment réagirait-il face àl’hiver londonien, au froid rigoureux deStockholm, à ses quelques heures d’un soleilbas et pâle et à ses nuits qui tombent àmidi? Il aurait à affronter la presse et desheures d’interview à la télévision et à laradio. Sans aucune expérience en dehors duBrésil, pourrait-il en comprendre l’enjeu?Etions-nous même certains que sa présenceaurait un quelconque impact? Nous savions,en tout cas, que ce ne serait pas une tâcheaisée.

Sa venue aurait été impensable sans laprésence de Claudia Andujar. Ayant partagéla vie des communautés yanomami pendantde nombreuses années et photographié enprofondeur leur quotidien, elle connaissaitbien Davi. Elle pouvait facilement être soninterprète et n’était pas étrangère au danger.Adolescente, elle avait fui la Hongrie alors

Peut-on encore sauver lesIndiens d’Amazonie?

Le territoireyanomami a étélégalisé en mai1992. Il s’étend sur96 650 km2, unesuperficielégèrementsupérieure à celledu Portugal. Lespremiers contactsdes Yanomami duBrésil remontent auxannées 1940. Maisc’est à partir desannées 1970 ques’intensifiel’avancée desBlancs, avecl’ouverture d’untronçon de routeamazonienne au suddu territoire, puis,dans les années 1980avec ledéclenchement d’uneruée vers l’or sansprécédent qui attire40 000 chercheursd’or dans la région.Aujourd’hui, lefront agropécuaireet les compagniesminières font peserde nouvelles menacessur le territoireyanomami.

ppaarr SStteepphheenn CCoorrrryy**

*Stephen Corry est directeurgénéral de Survival International etauteur de Tribal Peoples for Tomorrow’sWorld, Freeman Press, 2011.

Photo page ci-contre : Femmeyanomami marquée avec unnuméro d'identité pour la premièrecampagne de vaccination de laCCPY. Village d'Ajarani,1984Extrait de la série Yanomami,Marcados, Ajarani. © ClaudiaAndujar.

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de leur territoire et ils auront toujoursbesoin de l’aide de l’opinion publiqueinternationale pour faire entendre leurvoix. Mais, contrairement à la plupartdes prédictions faites dans les années1970-1980, ils sont encore làaujourd’hui. Davi est convaincu quesans l’aide de Survival International,les Yanomami ne seraient plus de cemonde aujourd’hui.

Comme je l’ai dit, l’idée que lespeuples indigènes n’ont pas d’avenirest l’un des principaux obstacles qu’ilsrencontrent. Il est grand temps que lespessimistes de tous bords se penchentsur les grandes victoires passées pourles droits de l’homme commel’abolition de l’esclavage ou la fin del’apartheid. L’avenir des peuplesindigènes dépend de l’adhésion del’opinion publique à la conviction quele droit fondamental de l’homme – ledroit à la vie – ne doit plus être sacrifiésur l’autel du profit.

Il ne s’agit pas d’un combat pour la‘préservation culturelle’ ni pour la‘modernité’ : au fil du temps, lesYanomami continueront, comme nous,comme n’importe quel autre peuple, àchanger. Il s’agit plutôt de savoir si, oui

ou non, nous sommes capables derespecter le règne de la loi et le droit àla vie, ou si ce ne sont que de simplesparoles destinées à soulager notreconscience de toutes les injustices etdes cruelles divisions qui caractérisentde plus en plus notre siècle.

Ceux qui vantent sans relâche lesavantages de ‘notre civilisation’oublient que l’accès aux soinsmédicaux de qualité, à l’éducation, àl’emploi, à la justice, etc., ne sont enréalité réservés qu’à une catégorie –souvent minoritaire – de la population,et ce, même dans les pays les plusriches. Il y a bien plus de misère, deviolence et de morts prématurées dansles taudis brésiliens, les guerres de ladrogue mexicaines ou les réserves desIndiens des Etats-Unis et desAborigènes d’Australie dépossédés deleurs terres que dans les communautésindiennes d’Amazonie.

L’idée que les peuples indigènes sontvoués à disparaître est peut-êtreinacceptable, mais c’estmalheureusement ce qui est en trainde se passer. Ils ne pourront survivreque si un nombre suffisant de genssont convaincus du contraire et

acceptent de prêter leur voix auxréseaux et aux campagnes qui lesdéfendent. Si, pour l’instant, lesYanomami sont relativement à l’abri,nos efforts se portent aujourd’hui surun groupe beaucoup plus vulnérable,les Awá, qui vivent une histoiresimilaire dans l’est du Brésil. Leursterres sont supposées être protégées,mais à défaut d’application concrètede la loi, ils sont massacrés par lesbûcherons clandestins qui envahissentleurs terres. Un autre génocide peutêtre stoppé. n

occupée par les nazis (son père estmort à Dachau) et son passédouloureux fut une force motrice deson engagement dans le mouvementde soutien aux Indiens.

Après les avoir accueillis à l’aéroportd’Heathrow, je les ai conduits dansl’ouest de l’Angleterre pour qu’ilspuissent s’acclimater au pays durantquelques jours. Davi semblait détendumais plein d’idées lui venaient àl’esprit. Tandis qu’il faisait glisser sesdoigts sur le toit givré de la voiture, ilcomprit pourquoi les hommes blancsavaient cette couleur : c’était à causedu froid et du manque de soleil ! Ce futla première d’une série d’observationsqui découlaient de son analyse dechaque nouvelle expérience avec saperception de chamane. Elles se sontpoursuivies pendant des années aucours de ses voyages suivants,notamment avec la visite des sitesnéolithiques de Stonehenge, d’Avebury(‘particulièrement saisissants’), dessépultures de West Kennet LongBarrow (‘tout à fait effrayantes’), desfresques de Giotto à Padoue(‘inintéressantes’) ou du dômespectaculaire de la cathédrale gothiquede Milan (‘charmant, contrairement

au reste de la ville’). Comme la plupartdes Indiens d’Amazonie, Davi trouveque nos villes sont généralementsauvages et inhospitalières.

Il ne fait aucun doute que l’intérêtsuscité par le périple international deDavi propulsa la campagne à un toutautre niveau. En l’espace de quelquesmois, le gouvernement brésilienautorisa l’accès du territoireyanomami à des organisations desoutien, jusque-là bannies, et l’équipede CCPY prit officiellement lecontrôle d’une partie du programmemédical. Lorsque le président brésilienentreprit son tour du monde, il futsystématiquement interpellé par lessympathisants de Survival quil’inondaient de milliers de lettres etpétitions. Son ministre del’Environnement déclara que le Brésilavait été ‘crucifié’ sur la scèneinternationale. Les manifestations etles veilles se multiplièrent. A laconsternation du Parlementbritannique, le prince Charles rompitavec le protocole et se rallia à la causedes Yanomami dans un discours qu’ildonna en 1990 à Kew Gardens où ildépeignit leur situation comme un‘exemple de génocide collectif ’.

Deux ans plus tard, legouvernement capitula enfin etreconnu la quasi totalité du territoireyanomami comme ‘parc’ indien. Cefût une victoire extraordinaire que peude ceux qui étaient engagés dans cecombat auraient pu imaginer.

Bien sûr, les menaces continuerontaussi longtemps que les Yanomamiexisteront. Dans les années 1980, leschercheurs d’or clandestins quienvahirent leurs terres, répandirent levirus mortel du neuropaludisme (l’unedes manifestations les plus graves dupaludisme). Un Yanomami sur cinqmourut en l’espace de sept ans,certains brutalement.

L’année qui suivit la création duparc, des orpailleurs attaquèrent lacommunauté yanomami de Haximu,exécutant hommes, femmes et enfants.Heureusement, le réseau brésilien desoutien et celui de Survival,répondirent énergiquement à chaquenouvelle atrocité. Si jusqu’alors lesassassins avaient pu continuer à tueren toute impunité, le gouvernement lesreconnut coupables de génocide etexpulsa la plupart des orpailleurs.

Les Yanomami devront toujours êtreattentifs et vigilants dans la protection

Yanomami, Watoriki, 2002 © Raymond Depardon/Palmeraie et désert

Davi Kopenawa Yanomami, Watoriki, 1998.© J.-P. Razon/Survival. Ci-dessous : chamaneyanomami. © Fiona Watson/Survival

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un ‘miracle économique’. Septmilliards de tonnes de minerai de fergisent sous la mine de Carajás, à600 km à l’ouest du territoire awá. Ils’agit de la plus grande mine de fer dela planète. Des trains de plus de 2 km,parmi les plus longs du monde,circulent jour et nuit entre la mine etl’Océan atlantique. Sur leur route, ilsne passent qu’à quelques mètres desforêts où vivent encore les Awá isolés.

Lorsque la voie de chemin de fer de900 km a été construite dans lesannées 1980, les autorités avaientdécidé de contacter et de sédentariserles Awá dont le territoire était coupépar la voie. Le désastre a suivi sous laforme du paludisme et de la grippe :sur les 91 membres d’unecommunauté, 25 en sont morts quatreans plus tard.

Aujourd’hui, la voie de chemin defer facilite la pénétration d’un frontpionnier qui convoite les terres et

braconne le gibier sur le territoire dela tribu.

Mais l’invasion des terres awá parles colons ne signifie pasnécessairement la disparition de latribu. D’autres Indiens du Brésil,comme les Yanomami, ont été victimesd’invasions dévastatrices. Leursituation s’est améliorée lorsque legouvernement a été contraint deprendre des mesures pour protégerleurs terres.

InvasionBien que leur territoire soit

légalement protégé, les Awá sontconfrontés à l’invasion croissante deleurs terres par les bûcherons, leséleveurs de bétail et les colons quiabattent massivement leurs forêts,chassent le gibier dont ils dépendent etles exposent aux maladies et à laviolence. Seules la résistance de latribu et l’arrivée de la saison des pluies

peuvent ralentir l’avancée du frontpionnier, les autorités étant rarementprésentes dans cette zone frontalière.

Mais lorsque la saison des pluiestouche à sa fin, les bûcheronsreprennent leurs activités et leséleveurs incendient de nouvellesparcelles de la forêt des Awá.

Il est temps d’agirLes activités des bûcherons et des

éleveurs ont atteint un point critique :près de 30% de l’une des réserve awálégalement protégée a été détruite. Lesforêts des Awá disparaissent plus vitequ’aucun autre territoire indigène duBrésil.

Si leur forêt est détruite, les Awán’auront plus aucun espoir de survieen tant que peuple. Mais tant que leurforêt est là, les Awá ont la possibilitéde choisir comment ils veulent vivre etce qu’ils veulent emprunter au mondeextérieur. Ceux qui vivent encore dans

Un jeune Awá se repose dans la forêt au cours d’une expédition de chasse © Survival

Les Awá représentent unepopulation d'environ 360personnes et l’on estimequ’une centaine de plusvivent encore dans

l’isolement. C’est un très petit groupe,ce qui les expose inévitablement à demultiples dangers.

Les groupes isolés – ceux qui n’ontpas de contact pacifique avec les non-Indiens – sont sans aucun doute lesplus vulnérables de la planète. Ilsvivent constamment sous la menace derencontres hostiles ou de maladiesintroduites par les étrangers et contrelesquelles ils n’ont aucune immunité.

La situation des Awá est d’autantplus grave que leur forêt est détruite àun rythme accéléré et qu’ils sonttotalement encerclés par les bûcherons,les éleveurs et les colons. Toutes lesforêts environnant leur territoire ontété abattues et la déforestation gagnedésormais le cœur de celui-ci.Contrairement à d’autres groupesisolés d’Amazonie, les Awá n’ont nullepart ailleurs où se réfugier. Plusieursrapports ont fait état de meurtresd’Indiens perpétrés par des bûcheronset des éleveurs, mais il n’existe aucuneinformation récente sur ces exactionscar les Awá isolés ne sont pas établisdans des villages sédentaires (quiseraient visibles par les patrouilles desurveillance aérienne) et les contactsfortuits ne sont pas signalés. Lesbûcherons qui enfreignent la loi enpénétrant dans la réserve peuventréagir très violemment aux enquêtes insitu.

Les denses forêts d’Amazonie quirecouvraient le nord-est du Brésil onttoutes disparu pour être remplacéespar un désert de pâturages et defermes d’élevage s’étendant à l’infini.Les dernières parcelles de forêts lesplus anciennes au monde sont cellesqui ont pu être sauvées grâce à larésistance des Indiens contre l’avancéedes bûcherons et des éleveurs.

Chasseurs contre éleveursLes Awá vivent dans la plus grande

intimité avec la forêt, ils en connaissent

chaque vallée, chaque cours d’eau,chaque sentier, ils savent où trouver lemeilleur miel, quels arbres vontdonner les prochains fruits et quand legibier pourra être chassé. Pour eux, laforêt est la perfection.

Chasseurs-cueilleurs nomades, lesAwá se déplacent constamment. Ils nepeuvent concevoir l’idée d’abandonnerla terre de leurs ancêtres. ‘Les étrangersarrivent, c’est comme si notre forêt était entrain d’être mangée’, explique Takia Awá.Les frontières reculent constammentsous la pression du front pionnier.

‘Miracle’ économiqueLes ressources considérables dont

regorge le sous-sol brésilien ont permis

Les Awá du Maranhão : unepriorité

‘Si vous détruisez la forêt,vous nous détruisez aussi’Blade, un Awá

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l’isolement ont le choix entre deuxoptions : soit entrer en contact avec lemonde extérieur, soit rester dans leurforêt. Ce choix doit leur appartenir.

Comment les aider ?L'acteur de renommée internationaleColin Firth s’est mobilisé aux côtés deSurvival pour lancer la campagne enfaveur des Awá. Dans une courtevidéo, il interpelle le ministre brésiliende la Justice et lui demande d’accorderla priorité à la situation des Awá.Votre lettre fera la différence.

Ecrivez vous aussi au gouvernementbrésilien en vous inspirant de ce texte,ou écrivez librement :

‘Je suis extrêmement préoccupé(e) parla situation des Awá de l'Etat duMarañhao dont les terres sontenvahies par les bûcherons, les éleveurset les colons. Les Awá isolés sontdavantage vulnérables au contact enraison de leur faible systèmeimmunitaire. Je vous prie instammentd’accorder la priorité à l'expulsion detous les occupants illégaux des terresawá’.

Envoyez votre lettre à : José Manuel CardozoMinistro da JustiçaMinistério da JustiçaEsplanada dos Ministerios, Bloco T70064-900, DFBrasilia, Brésil

Ou rendez-vous sur la page :www.survivalfrance.org/awapour envoyer le message d’un seul clic

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Années 1950Invasion d'éleveurs et exploitantsforestiers consécutive à la nouvelleroute BR322.

1967Découverte de gisements de ferdans les collines de Carajás.

1971Survival est invitée par le gouver-nement brésilien pour enquêtersur la situation des Indiens. L'undes fondateurs de Survival, RobinHanbury-Tenison (actuellementprésident de l'organisation), rendvisite aux Indiens gavião et signalede graves problèmes de santé. Ilrecommande qu'aucune route nedevrait traverser le territoire desIndiens isolés.

1973-1976Missions de contact de la Funai.Sur les 56 Indiens contactés en1976, plus de la moitié meurt enl’espace de quatre ans.

1978Des hommes armés attaquent desAwá isolés et en tuent plusieurs.

1979Un groupe d'Awá est empoisonnépar des colons : 7 morts.

1982La CEE accorde son premier prêten dehors de l'Europe, le plus grosinvestissement dans le projetCarajás (600 millions de dollars).Survival exhorte la CEE à reconsi-dérer son prêt et à imposer desconditions visant à protéger lesIndiens. Le géant minier CVRDet la Funai accordent une subven-tion de 13,6 millions de dollars,exigée par la Banque mondialecomme condition à l'attribution deson prêt de 300 millions de dol-lars. Moins de 2% du budget totalsont affectés à la protection desIndiens.

1985Inauguration de la voie de cheminde fer de Carajás. Le territoireawá est ouvert aux colons et auxbûcherons. Un groupe de travailrecommande qu'une superficie de276 000 hectares leur soit réser-vée.

1987Survival lance la campagne contrele projet Grand Carajás auParlement britannique, publie unrapport sur son impact sur lesIndiens et fait pression sur le gou-vernement brésilien, l'Union euro-péenne et la Banque mondiale.

1988La Funai annonce la délimitationd'un territoire de 147 500 hectarespour les Awá, moins de 60% de lasuperficie recommandée. Le CIMIlance une campagne, ‘La terrepour les Awá’. La Banque mon-diale admet que les Awá sont ‘envoie de disparition’ et que leursurvie en tant que peuple est gra-vement menacée, notamment parles agressions et les crimes commispar des non-Indiens. Le Parlementeuropéen reconnaît que les Awásont en danger et que ‘très peud'initiatives ont été prises pourprotéger les Indiens...’

1989Survival organise des manifesta-tions devant les ambassades brési-liennes en faveur des Awá et desautres Indiens affectés par le pro-jet Carajás.

1990Une centaine de scientifiques réu-nis à Manaus déclarent que laprotection du territoire awá estune priorité.

1991Survival publie et diffuse dans lemonde entier le bulletin d'actionurgente ‘Une tribu nomade mena-cée de disparition’.

1992Survival rend visite aux Awá. LaFunai ordonne la démarcation duterritoire awá, mais un tribunaldécide qu'un éleveur a le droit derester à l'intérieur. Le gouverne-ment propose de réduire le terri-toire awá à 118 000 hectares.

1993Survival publie le bulletin d'actionurgente ‘Les Awá condamnés parl'inaction du gouvernement’ et faitpression avec succès sur la Banquemondiale pour que la démarcationdu territoire awá soit une condi-tion de son prêt à la compagnieminière brésilienne. Blocus de laligne de chemin de fer et prisesd'otages d'employés de la Funaipar les Indiens, dont des Awá. Lacompagnie minière s'engage àfinancer la démarcation. Les ota-ges sont libérés sains et saufs.L'anthropologue Terence Turner(plus tard membre du conseil exé-cutif de Survival) témoigne de lasituation des Awá au Congrèsaméricain. Survival appelle à ladémarcation du territoire awádevant les Nations-Unies. Le gou-vernement brésilien répond, pro-mettant que le processus dedémarcation sera achevé d'ici le

mois de novembre. Ce ne sera pasfait.

1994-1996L'anthropologue William Baléealerte le Comité du Congrès amé-ricain sur les menaces qui pèsentsur les Awá et leurs voisins. Desdéputés britanniques soumettentune question parlementaire sur ladémarcation. Survival organisedes manifestations devant lesambassades brésiliennes contre lesplans visant à réduire les territoi-res des Awá et d'autres Indiens etfinance un projet médical chez lesAwá, les Ka'apor et leurs voisins,les Tenetehara.

1999Le gouvernement brésilien recense240 occupations illégales du terri-toire awá.

2000-01Survival rend à nouveau visite auxAwá et publie le bulletin d'actionurgente ‘Des Indiens isolés mena-cés d'extinction’, ainsi que le rap-port Dépossédés - les Indiens du Brésil,qui traite de la situation des Awáet des autres tribus les plus vulné-rables du Brésil. Il dénonce lespromesses non tenues de laBanque mondiale et de l'Unioneuropéenne.

2002Le rapporteur spécial des Nations-Unies soulève le cas des Awádevant le Conseil des droits del'homme. Survival rend visite auxAwá et publie le bulletin d'actionurgente ‘Des nomades brésiliensmenacés de disparition’. Un jugebrésilien reçoit des milliers de let-tres de sympathisants. Survival etdes organisations brésiliennes lan-cent une campagne conjointepour la délimitation des territoires.Un juge brésilien ordonne la déli-mitation du territoire awá.

2003Survival remet aux ambassadesbrésiliennes une pétition de plusde 40 000 signatures exhortant legouvernement à mettre en œuvreun projet de protection du terri-toire awá.

2005Le territoire awá est enregistré etratifié le 19 avril, Jour de l'Indienau Brésil.

2007Un anthropologue brésiliendénonce publiquement que lesAwá sont toujours menacés degénocide.

2009La Funai découvre des signes dela présence d'un groupe d'Awáisolés dans le territoire Araribóia.Survival publie le bulletin d'actionurgente ‘Des Indiens isolés ris-quent de disparaître’ demandant àses sympathisants d'écrire au jugeMadeira pour expulser les enva-hisseurs. Le juge se rend dans leterritoire awá et déclare : ‘Noussommes confrontés à un véritablegénocide’. Il donne six mois auxenvahisseurs pour quitter larégion. Les éleveurs font appel ; ladécision est suspendue.L'exploitation forestière illégales'intensifie. Le territoire awáconnaît le plus haut niveau dedéforestation de tous les territoiresindigènes d'Amazonie. L’opération‘Arco de Fogo/Aturawaka’ est lan-cée pour expulser tous les envahis-seurs des territoires indigènes ycompris celui des Awá.

2010Près d’un tiers du territoire awáest maintenant détruit. Un rap-port de la Funai révèle la présencede hameaux et de routes illégalesà l'intérieur du territoire. Survivalse rend à nouveau chez les Awá.Le maire de la ville de Zé Docaprétend que les Awá n'existentpas. Des dizaines d'Awá campentdevant la mairie en signe de pro-testation. Le CIMI lance la cam-pagne ‘Nous existons’. Les Awá serendent à la capitale de l'Etat pourappeler le procureur général àengager une action.

2011Bruno Fragoso, de la Funai,déclare à la télévision : ‘'Si desmesures ne sont pas prises detoute urgence, l'avenir de ce peu-ple est compromis’. Une vingtained'organisations, dont Survival etplusieurs experts, écrivent au pré-sident du Brésil, l'exhortant àengager une action. L'agence bré-silienne de l'Environnement duBrésil ferme des scieries clandesti-nes et arrête des bûcherons.Survival rend visite aux Awá.

2012La télévision brésilienne annonceque des scieries clandestines sontinstallées à 5 km du territoire awá;le bois est confisqué. Le procureurordonne l'expulsion des envahis-seurs du territoire awá. La Funaiaffirme qu'elle maintiendra uneprésence permanente dans l'undes territoires awá afin de garantirson intégrité. Survival lance unenouvelle campagne et un appel àl'opinion publique.

La campagne awá – chronologieA l'instar de Survival, de nombreuses organisations ont mené campagne, soit exclusivement en faveur des Awá, soit en faveur detous les Indiens affectés par le programme de développement Grand Carajás. Au Brésil, le Conselho Indigenista Missionnaire(CIMI) a joué un rôle prépondérant en collaboration avec le réseau d'organisations indiennes d'Amazonie (COIAB), la CommissãoPró-Índio de São Paulo, le Centro de Trabalho Indigenista et l'Instituto Socioambiental. La fondation brésilienne de l'Indien(FUNAI) a fait pression pour que le territoire awá soit protégé. Au niveau international, la CAFOD a financé des projets d'éduca-tion chez les Awá.

Colin Firth appelle à la mobilisation de l’opinionpublique en faveur des Awá. © Survival

Un groupe d’Awá constate la destruction d’un parcelle de leur forêt. © Survival. Ci-dessous, un aîné awá pose avec son petit singe. Les Awá affectionnent parti-culièrement les animaux de compagnie. © Survival

Page 8: Nouvelles 84  : Peut-on encore sauver les Indiens d'Amazonie ?

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pendant mes vacances d’été, chaquefois dans une réserve différente pourqu’ils soient en contact avec les gensdes tribus. Nous prenons des photos,enregistrons des chansons, participonsaux danses et aux concours.

Je crois que les Indiens quiconservent une grande part de leurhéritage culturel ont bien de la chanceparce qu’ils sentent qu’il est plusimportant de garder sa dignité et sonintégrité tout au long de sa vie que dedépenser toute son énergie àaccumuler des richesses matérielles. Cequi est frustrant. Les Indiens sont laseule nation à avoir résisté au meltingpot du système américain. Tous lesautres s’y précipitent, ils ne voient queça : devenir américain et perdre sonidentité.

Je ne crois pas que la flammes’éteindra jamais. Bien sûr, il y a desexceptions. Beaucoup d’Indiensdevenus orphelins très tôt, se sontcomplètement acculturés et neconnaissent rien de leur passé.

La vie ici est si impersonnelle, on

s’en rend compte dans beaucoup desituations. Quand tu commences àt’‘urbaniser’, tu apprends à penser entermes abstraits. Si, par exemple tu tetrouves sur Broadway et que tu prendsun bus vers le sud, tu sais, dans tonsubconscient qu’il y a un conducteur,mais tu ne t’intéresses pas à lui en tantqu’être humain, il est plutôt là commeun objet. C’est pareil à l’école. Le profest là pour remplir une certainefonction, et je crois que lui-mêmepense que les élèves ne sont qu’un tasde bûches. Ça, c’est très difficile pourun enfant indien qui, en famille,apprend à établir des relations sur unmode personnel. Il ne trouve pas ça enclasse. Souvent les parents vont parlerau directeur, au prof, c’est comme s’ilsparlaient à un mur. Ils pensent quenous ne sommes pas dans le coup, quequelque chose ne va pas avec nous etque si nous n’y arrivons pas, tant pis...

La pauvreté ce n’est pas seulementmanquer de biens, manquer d’argent.ça va plus loin que ça. Il y a autant depauvreté dans les réserves que là où il

n’y a pas de réserves et que là où il n’ya pas d’Indiens. Ce que nous essayonsde faire ici, au Centre [AmericanIndian Center], c’est en quelque sorte,de pousser les gens à s’impliquer. Laplupart des gens résolvent leursproblèmes au jour le jour. Ils se fontrarement une idée de l’avenir.

Je crois que c’est l’éducation de mesparents qui m’a imprégné de laphilosophie de nos ancêtres. On nousenseignait que d’être au service de sonpeuple était l’un des plus grandshonneurs qui soit. Cela a fortementinfluencé ma vie. Je ne connaîtraijamais toutes les réponses. Je suistoujours en train de les apprendre.

Je pense qu’il va y avoir deschangements radicaux. Il y a cettenouvelle génération, de l’âge de mafille aînée. Je suis convaincu qu’àl’avenir les Indiens vont jouer un plusgrand rôle. Tous les Indiens devraientêtre persuadés que, sans les terresqu’ils leur ont prises, les Etats-Unis neseraient pas aujourd’hui la plus grandedes nations du monde. n

“Gettingurbanized”.J’aime cetteexpression.Cela veut

dire qu’il faut connaître les ficelles,tout comme quelqu’un qui quitte saprairie pour aller vivre dans les bois.Tu vois, ce genre de passage comportecertains dangers, c’est pareil dans uneville. Oui, il faut connaître les ficelles.Et une fois que tu t’es ‘urbanisé’, tudois te caser avec un but dans la vie.Sinon ça peut te rendre fou.

Je suis arrivé à Chicago après monmariage en 1947 et plus tard, j’ai faitvenir ma femme et mon enfant. Noussommes en ville depuis cette époque.Ce qui m’a amené en ville c’est lapossibilité de pouvoir compter sur aumoins cinquante fiches de paye par an,ce qui était impossible chez moi.Même si c’est plus agréable d’être chezsoi, comme pour moi dans leNebraska, par exemple.

Mais une caractéristique de laplupart des Indiens, c’est leurformidable attachement à la terre. DesIndiens de tribus différentes viventmaintenant à Chicago mais la plupartmaintiennent des liens avec les leurs.Même quand leurs parents ontdisparu, ils tiennent à rentrer chezeux. Plusieurs d’entre eux font levoyage deux fois par an pour

retourner à l’endroit où ils sont nés etoù ils ont grandi...

Je suis fier d’être indien. Je penseque beaucoup d’entre nous éprouventcette fierté parce que nous avonsquelque chose que les autres n’ont pas.Nous, nous sommes chez nous alorsque tous les autres viennent d’ailleurs.

Et je crois qu’avec le temps, aveccette société qui devient de plus enplus complexe, il y a ce besoin d’unminimum de fierté pour te forger lecaractère. Si tu n’as pas cette fierté,bon, eh bien, tu n’as pas d’identité.Nous savons que dans tous les Etats ily a des asiles psychiatriques pleins àcraquer, signe d’une mauvaiseadaptation sociale et psychologique. Jecrois qu’il faut que nous conservionscertaines valeurs...

Il y a des endroits où la transition dela culture indienne à la cultureblanche est déjà bien avancée et lesenfants qui naissent dans cettesituation se retrouvent sans aucune denos anciennes valeurs. Il y a làbeaucoup de misère et n’ayant pas nonplus accès à la culture blanche, ils nesavent pas sur quel pied danser.

C’est ce type même de jeune Indienqui a honte d’être indien. Il ne peutpas savoir, personne ne le lui a jamaisdit : ses ancêtres étaient des gens fiersqui ont développé des siècles durantun mode de vie qu’on dit primitif maisils ne connaissaient ni les prisons, ni leshôpitaux, ni les tribunaux en tousgenres, ni les asiles de fous, ni le fric, nirien du tout. Un Indien de cetteépoque était capable d’avoir une vieparfaitement accomplie, depuis latendre enfance jusqu’à ce que tous sescheveux soient devenus blancs. Et sansaucun regret. On voit rarement ça denos jours.

Quatre de nos enfants sont nés ici,en ville et pourtant je suis persuadéqu’ils se sentent indiens. Je mets unpoint d’honneur à les emmener

Aux Etats-Unis, dans lesannées 1950, un programmed'incitation au départvers les grandesmétropoles fut mis enœuvre par le Bureau desaffaires indiennes. Accuséde les faire disparaîtredans la grande masse duprolétariat urbain, ceprogramme se heurta auproblème du retour versles réserves de trèsnombreux Indiens.Cependant, ces dernièresdécennies, en raison dutaux de chômage très élevédans les réserves, lemouvement d'urbanisations'est considérablementamplifié.Cet entretien de BennyBearskin, un Indienwinnebago du Nebraska, aété réalisé et publié en1967 par le journalisteStuds Terkel dans DivisionStreet : America (AvonBooks, 1967, pp. 134-142)avec ceux d'autresmigrants dans la ville deChicago.

ppaarr BBeennnnyy BBeeaarrsskkiinn

Un Indiendans la ville

Illustration de Catherine Reisser

Page 9: Nouvelles 84  : Peut-on encore sauver les Indiens d'Amazonie ?

Livres et revuesConversations with RemarkableNative Americans, JoëlleRostkowski, State University of NewYork Press, Albany, 2012. Cettecollection d’interviews d’écrivains,artistes, journalistes, militants, juristesautochtones, illustre les événementsmajeurs qui ont marqué la vie desIndiens nord-américains durant cestrois dernières décennies.

Défi Sud, n° 105, février-mars 2012.Dossier : ‘Pérou : pays d’exception?’;n° 106, avril-mai 2012, ‘Lesagrocarburants sur la sellette’, SOSFaim, Bruxelles.

Sortir du nucléaire, n° 53,printemps 2012, 3 €, ‘Le combat desAborigènes contre les minesd’uranium’.

Centre Europe Tiers Monde(CETIM), Genève. CD-Rom n°4,supplément au n° 41, décembre2011. ‘Le droit à la non-discrimination’, ‘Sociétéstransnationales : acteurs majeurs dansles violations des droits humains’.

Arts d’Afrique, des Amériques etd’Océanie. Etienne Féau, Pascal

Mongne, Roger Boulay. ed. Larousse2012, nouvelle édition, 27 €. Ce livrerichement illustré invite à découvrirla richesse esthétique et la diversitédes créations des cultures de ces troiscontinents reconnues aujourd’huicomme des œuvres d’art à partentière.

Update n° 99-100, janvier-avril2012, Docip, Genève. ‘Instancepermanente sur les questionsautochtones, dixième session’.

Revista de Antropologia, vol. 52,n° 1, janvier-juin 2009 ; vol. 54, n° 1,janvier juin 2011 (lire l’article dePeter Gow sur les Indiens Mashcoisolés du Pérou ‘Laissez-moi enpaix!’), Université de São Paulo,Brésil.

La Baleine, n° 169, printemps 2012,Le journal des amis de la Terre,3,20 €, supplément : ‘A qui profitentvraiment les grands barrages ?Pourquoi l’Europe finance les grandsbarrages dans les pays du Sud.

The Indigenous World 2012,rapport annuel d’IWGIA, 590 p.,Copenhague, 2012.

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