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Japan. J. Math. 9, 1–68 (2014) DOI: 10.1007/s11537-014-1274-y Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires ? Laurent Lafforgue Received: 11 July 2013 / Revised: 22 October 2013 / Accepted: 27 November 2013 Published online: 5 February 2014 © The Mathematical Society of Japan and Springer Japan 2014 Communicated by: Takeshi Saito Abstract. The main purpose of this paper is to show that some type of explicit nonlinear Pois- son formulas, which is implied by Langlands’ functoriality principle, allows to build “kernels” of automorphic transfer. So, Langlands’ functoriality principle is equivalent to these nonlinear Poisson formulas. Keywords and phrases: automorphic functions, Langlands L-functions, representations over local fields and adelic rings, Rankin–Selberg integrals, non linear Fourier transforms, non linear adelic Poisson formulas Mathematics Subject Classification (2010): 11F03, 11F66, 11F70 Dans tout le texte, on considère un groupe réductif connexe quasi-déployé G sur un corps global F , le groupe réductif complexe b G dual de G muni de l’action naturelle du groupe de Galois Ĩ F de F , et une représentation de transfert con- tinue W b G Ì Ĩ F ! GL r .C/: On sait que le groupe réductif G et la représentation de transfert sont non ramifiés en presque toute place et que, en toute telle place x , induit une ap- plication de transfert . x / de l’ensemble des représentations lisses admissibles irréductibles non ramifiées x de G vers celles 0 x de GL r . ? This article is based on the 12th Takagi Lectures that the author delivered at the University of Tokyo on May 25 and 26, 2013. L. LAFFORGUE Institut des Hautes Études Scientifiques, 35 route de Chartres, Bures-sur-Yvette 91440, France (e-mail: [email protected])

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

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Page 1: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Japan. J. Math. 9, 1–68 (2014)DOI: 10.1007/s11537-014-1274-y

Noyaux du transfert automorphe de Langlands etformules de Poisson non linéaires?

Laurent Lafforgue

Received: 11 July 2013 / Revised: 22 October 2013 / Accepted: 27 November 2013Published online: 5 February 2014© The Mathematical Society of Japan and Springer Japan 2014

Communicated by: Takeshi Saito

Abstract. The main purpose of this paper is to show that some type of explicit nonlinear Pois-son formulas, which is implied by Langlands’ functoriality principle, allows to build “kernels”of automorphic transfer. So, Langlands’ functoriality principle is equivalent to these nonlinearPoisson formulas.

Keywords and phrases: automorphic functions, LanglandsL-functions, representations over localfields and adelic rings, Rankin–Selberg integrals, non linear Fourier transforms, non linear adelicPoisson formulas

Mathematics Subject Classification (2010): 11F03, 11F66, 11F70

Dans tout le texte, on considère un groupe réductif connexe quasi-déployéG surun corps global F , le groupe réductif complexe bG dual de G muni de l’actionnaturelle du groupe de Galois �F de F , et une représentation de transfert con-tinue

� W bG Ì �F �! GLr.C/:

On sait que le groupe réductif G et la représentation de transfert � sont nonramifiés en presque toute place et que, en toute telle place x, � induit une ap-plication de transfert .�x/� de l’ensemble des représentations lisses admissiblesirréductibles non ramifiées �x de G vers celles � 0

x de GLr .

? This article is based on the 12th Takagi Lectures that the author delivered at the Universityof Tokyo on May 25 and 26, 2013.

L. LAFFORGUE

Institut des Hautes Études Scientifiques, 35 route de Chartres, Bures-sur-Yvette 91440, France(e-mail: [email protected])

Page 2: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

2 L. Lafforgue

Langlands a conjecturé que pour toute représentation automorphe � DNx �x de G, il existe une représentation automorphe � 0 D N

x �0x de GLr

telle que � 0x D .'x/�.�x/ en toute place x où G; � et � sont non ramifiées.

C’est le “principe de fonctorialité”.Le but de cet article est d’introduire les énoncés de “formules de Poisson

non linéaires” sur les groupes réductifs G qui généralisent la classique formulede Poisson sur les espaces linéaires matriciels Mr et qui sont équivalents auprincipe de fonctorialité.

Ces formules sont associées à toute représentation de transfert

� W bG Ì �F �! GLr.C/

d’un groupe réductif quasi-déployé G sur F muni d’un caractère detG W G !Gm tel que le cocaractère central associé

cdetG W C� �! ZbG ,�! bGagisse sur l’espace C

r de � par z 7! z.On montre qu’une telle représentation de transfert � permet de définir en

toute place un certain opérateur linéaire de �-transformation de Fourier d’uncertain espace de fonctions locales sur G qui dépend lui-même de �.

En faisant le produit sur toutes les places, on obtient un opérateur linéairede �-transformation de Fourier global d’un certain espace de fonctions globalessur G qui dépend lui-même de �.

La formule de Poisson associée consiste à affirmer qu’une certaine fonction-nelle linéaire de cet espace construite à partir de l’évaluation

h 7�!X

�2G.F /h.�/

est invariante par �-transformation de Fourier.Le transfert des représentations automorphes de G à GLr via � conjec-

turé par Langlands implique la formule de Poisson pour la �-transformationde Fourier sur G.

En sens inverse, la formule de Poisson sur le groupe

Gr�1 D f.g; g0/ 2 G � GLr�1 j detG.g/ D det.g0/gpermet de construire des “noyaux du transfert” de G à GLr , c’est-à-dire desfonctions automorphes sur le produit

G �G � GLr

qui réalisent le transfert simultané de toutes les représentations automorphes.On remarque que l’énoncé des “formules de Poisson non linéaires” et la

construction associée de “noyaux du transfert” ne font plus appel à la notion dereprésentation automorphe.

Page 3: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 3

On traite le cas où le corps global F est le corps des fonctions rationnellesd’une courbe projective lisse géométriquement connexe sur un corps fini Fq àq éléments. On note jF j l’ensemble des places de F , Fx le corps localisé de Fen chaque place x 2 jF j, Ox son anneau des entiers, qx D qdeg.x/ le nombred’éléments de son corps résiduel et

j � jx D q�vx. � /x W Fx �! qZx [ f0g

la norme de Fx . On note également

A DYx2jF j

Fx

l’anneau des adèles de F , A� son groupe multiplicatif et

j � j DYx2jF j

j � jx W A� �! qZ

la norme globale, qui vérifie la “formule du produit”

j� j D 1; 8� 2 F � � A�:

Comme toutes les constructions et démonstrations ne font appel qu’à del’analyse harmonique sur les groupes réductifs locaux G.Fx/, x 2 jF j, etadéliquesG.A/, le cas où le corps global F est un corps de nombres se traiteraitde la même façon. Cela sera montré dans un texte plus complet (en préparation)qui reprendra avec plus de détails l’ensemble des constructions de cet article.

Voici le plan de cet article:Le paragraphe I rappelle l’énoncé de la conjecture de transfert de Langlands

d’un groupe réductif quasi-déployé G vers un groupe linéaire GLr , définit lanotion de “noyau du transfert” et esquisse la construction de tels noyaux.

Le paragraphe II met en relation la construction de ces noyaux du transfertavec la théorie des intégrales de Rankin–Selberg et, se fondant sur les équa-tions fonctionnelles locales de Jacquet, Piatetski-Shapiro et Shalika, introduitnaturellement des opérateurs linéaires locaux qui généralisent la transformationde Fourier linéaire sur les espaces Mr de matrices.

Le paragraphe III montre comment la conjecture de transfert de Langlandsimplique une formule de Poisson très générale pour les fonctions globales trèsramifiées en au moins une place.

Le paragraphe IV montre en sens inverse comment terminer la constructionde noyaux du transfert en supposant connue la formule de Poisson pour lesfonctions globales sur Gr�1 très ramifiées en au moins une place.

Enfin, le paragraphe V indique comment formuler les “formules de Poissonnon linéaires” pour les fonctions globales sur G qui ne sont pas nécessaire-ment très ramifiées en une place. Cela passe par une reformulation purement

Page 4: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

4 L. Lafforgue

multiplicative de la formule de Poisson linéaire classique sur l’espace matricielMr . L’expression multiplicative de la fonctionnelle de Poisson linéaire et de sesgénéralisations non linéaires donnée dans cet article corrige une expression er-ronée qui figurait dans [Lafforgue, 2012] et dans une version préliminaire duprésent article.

Sommaire

I. Notion de noyaux du transfert et construction de leur partie principale .......................... 4II. Intégrales de Rankin–Selberg, facteurs L locaux et transformation de Fourier................ 15III. Principe de fonctorialité et formules de Poisson non linéaires ...................................... 31IV. Formules de Poisson non linéaires et noyaux du transfert automorphe........................... 44V. Nouvelle construction de la fonctionnelle de Poisson linéaire et généralisation non

linéaire conjecturale ............................................................................................... 55

I. Notion de noyaux du transfert et construction de leur partie principale

Le groupe réductif quasi-déployé G sur F est dit non ramifié en une place x 2jF j si l’action du groupe de Galois local �Fx

� �F sur la donnée radicielle.XT ; �B ; X

_T ; �

_B/ ou, ce qui revient au même, sur le groupe dual bG se factorise

à travers son quotient non ramifié �nrFx

Š bZ dont un générateur topologique estl’élément de Frobenius �x . Dans ce cas, le groupe réductifG sur Fx se prolongeen un schéma en groupes réductifs lisse sur Ox et on dispose du sous-groupeouvert compact maximal G.Ox/ de G.Fx/.

En une telle place x, la représentation de transfert � W bG Ì �F ! GLr.C/est dite non ramifiée si l’homomorphisme induit �Fx

! �F ! GLr.C/ sefactorise à travers le quotient non ramifié �nr

FxD h�xi de �Fx

. On sait qu’alors� induit un homomorphisme

��x W H r

x;; �! H Gx;;

de l’algèbre de Hecke sphérique

H rx;; D Cc.GLr.Ox/nGLr.Fx/=GLr.Ox//

de GLr.Fx/ vers celle

H Gx;; D Cc.G.Ox/nG.Fx/=G.Ox//

deG.Fx/. Ces algèbres sont commutatives, et l’homomorphisme ��x transforme

tout caractère zx W H Gx;; ! C de la seconde en un caractère .�x/�.zx/ D

zx ı ��x W H r

x;; ! C de la première.

Page 5: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 5

On sait que le groupe réductif quasi-déployé G sur F et la représentation detransfert � W bG Ì �F ! GLr.C/ sont non ramifiés en toutes les places x 2 jF jsauf un ensemble fini que l’on note S�.

Posons:

Définition I.1. Soit un sous-ensemble fini S de jF j contenant S�.

(i) Étant donnée une famille de caractères

zx W H Gx;; �! C Œresp. z0

x W H rx;; �! C�

indexés par les places x 2 jF j � S , une fonction automorphe non nulle

' W G.F /nG.A/ �! C Œresp. '0 W GLr.F /nGLr.A/ �! C�

est dite vecteur propre de valeurs propres les zx Œresp. z0x� pour l’action

par convolution des algèbres de Hecke sphériques H Gx;; Œresp. H r

x;;� si, entoute place x 2 jF j�S , ' Œresp. '0� est invariante à droite parG.Ox/ Œresp.GLr.Ox/� et vérifie

' � 'x D zx.'x/ � '; 8'x 2 H Gx;;;

Œresp. '0 � '0x D z0

x.'0x/ � '0; 8'0

x 2 H rx;;�:

(ii) Une fonction automorphe non nulle

' W G.F /nG.A/ �! C Œresp. '0 W GLr.F /nGLr.A/ �! C�

est dite “S-propre” si elle satisfait les conditions de (i) relativement à unecertaine famille de caractères

zx W H Gx;; �! C Œresp. z0

x W H rx;; �! C�; x 2 jF j � S:

(iii) Une famille de caractères

zx W H Gx;; �! C Œresp. z0

x W H rx;; �! C�

indexés par les places x 2 jF j � S est dite automorphe si elle satisfaitles conditions de (i) relativement à une certaine fonction automorphe “S-propre” ' W G.F /nG.A/ ! C Œresp. '0 W GLr.F /nGLr.A/ ! C�.

Le principe de fonctorialité de Langlands peut être formulé de la manièresuivante:

Conjecture I.2 (conjecture de transfert par �). Pour toute partie finie S dejF j contenant S�, et pour toute famille de caractères .zx W H G

x;; ! C/x2jF j�Squi est automorphe, sa transformée .zx ı ��

x W H rx;; ! C/x2jF j�S par � est

encore automorphe.

Page 6: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

6 L. Lafforgue

On introduit la notion de noyau du transfert:

Définition I.3. Soit une partie finie S de jF j contenant S�.On appelle “noyau” (ou “S-noyau”) du transfert automorphe par � toute

fonction automorphe en 3 variables g1; g2 2 G.A/ et g 2 G.A/K W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

qui satisfait les conditions suivantes:

(i) En toute place x 2 jF j�S ,K est invariante à droite parG.Ox/�G.Ox/�GLr.Ox/. En notant �1;�2 et �3 les produits de convolution en les 3 vari-ables g1; g2 2 G.Fx/ et g 2 GLr.Fx/,K est compatible avec ��

x W H rx;; !

H Gx;; au sens que

K �3 '0x D K �2 ��

x.'0x/; 8'0

x 2 H rx;;;

et elle est compatible avec l’automorphisme 'x 7! '_x de H G

x;; défini par lechangement de variable g1 7! g�1

1 au sens que

K �2 'x D K �1 '_x ; 8'x 2 H G

x;;:(ii) Pour toute fonction automorphe S-propre

' W G.F /nG.A/ �! C;

l’intégrale

.g2; g/ 7�!ZG.F /nG.A/

dg1 � '.g1/ �K.g1; g2; g/

est absolument convergente quels que soient les éléments g2 2 G.A/, g 2GLr.A/, et définit une fonction automorphe .G�GLr/.F /n.G�GLr/.A/!C.

On remarque:

Lemme I.4. Pour démontrer la conjecture de transfert I.2 ci-dessus, il suffit deprouver que, pour toute fonction automorphe S-propre

' W G.F /nG.A/ �! C;

il existe un S-noyau du transfert

K W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

tel que l’intégrale

.g2; g/ 7�!ZG.F /nG.A/

dg1 � '.g1/ �K.g1; g2; g/

ne soit pas uniformément nulle.

Page 7: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 7

On choisit une fois pour toutes un caractère additif non trivial

W A=F �! C�:

On sait que les caractères additifs continus A=F ! C� sont exactement les

� W u 7�! .� � u/associés aux éléments � 2 F .

Notant Nr � GLr le sous-groupe des matrices triangulaires supérieuresunipotentes, on s’intéresse aux caractères deNr.A/ qui sont triviaux surNr.F /.Ce sont exactement les composés

` W Nr.A/ �! C�

de l’homomorphisme de groupes algébriques

Nr �!Nr=ŒNr ; Nr � D .A1/r�1

u D .ui;j /1�i;j�r 7�!.ui;iC1/1�i<r ;

d’une forme linéaire définie sur F

` W .A1/r�1 �! A1

et du caractère W A=F ! C�. Un tel caractère ` est dit régulier lorsque les

r � 1 coordonnées de ` sont non nulles, et irrégulier dans le cas contraire. Onnote .r/ le caractère régulier dont les r � 1 coordonnées valent 1.

Une fonction invariante à droite par un sous-groupe ouvert de GLr.A/

W W GLr.A/ �! C [resp. GLr.Fx/ �! C; x 2 jF j�est dite “de .r/-type de Whittaker” si

W.ug/ D .r/.u/ �W.g/; 8g;8u 2 Nr.A/ [resp. Nr.Fx/�:

Notant

Qr D GLr�1 �Nr D Nr � GLr�1 D�0BB@

� � � � � �:::

::::::

� � � � � �0 � � � 0 1

1CCA

le sous-groupe “mirabolique” supérieur, on rappelle le résultat suivant de Sha-lika:

Page 8: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

8 L. Lafforgue

Proposition I.5. (i) L’opérateur

H 7�! W

.r/H D

hg 7�!

ZNr .F /nNr .A/

du � �1.r/ .u/ �H.ug/

i

définit une projection de l’espace des fonctions invariantes à droite par unsous-groupe ouvert de GLr.A/

H W Qr.F /nGLr.A/ �! C

sur l’espace des fonctions de .r/-type de Whittaker W W GLr.A/ ! C.(ii) Cet opérateur W

.r/admet pour section, c’est-à-dire pour inverse à droite,

l’opérateur

W 7�!hg 7�!

Xı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

W.ıg/i:

(iii) L’image de cette section est le sous-espace des fonctionsHWQr.F /nGLr.A/! C qui sont cuspidales au sens que leurs coefficients unipotents

g 7�!ZNr .F /nNr .A/

du � �1` .u/ �H.ug/

associés aux caractères irréguliers ` W Nr.A/ ! C� sont uniformément

nuls.

Remarque. Il résulte de cette proposition que toute fonction localement con-stante

H W Qr.F /nGLr.A/ �! C

s’écrit de manière unique comme la somme

H D H c CH nc

d’une fonction H c W Qr.F /nGLr.A/ ! C qui est cuspidale et d’une fonctionH nc W Qr.F /nGLr.A/ ! C non cuspidale au sens que

W

.r/H nc D 0:

Cela s’applique en particulier aux fonctions H W GLr.F /nGLr.A/ ! C maisleurs composantes H c ;H nc W Qr.F /nGLr.A/ ! C ne sont en général pasinvariantes par GLr.F /. �

Page 9: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 9

On cherche à construire des noyaux

K W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

comme sommes de leur composante cuspidale

Kc W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

et de leur composante non cuspidale

Knc W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C:

De plus, construire Kc équivaut à construire le .r/-coefficient unipotent

W

.r/K D W

.r/Kc W .G �G �Nr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C:

Étant données une partie finie S de jF j contenant S� et une fonction auto-morphe S-propre ' W G.F /nG.A/ ! C, il suffit que l’intégrale .g2; g/ 7!RG.F /nG.A/ dg1 � '.g1/ �W

.r/K.g1; g2; g/ ne soit pas uniformément nulle pour

qu’il en soit de même de l’intégrale .g2; g/ 7! RG.F /nG.A/ dg1�'.g1/�K.g1; g2;

g/. Cette condition sera facile à réaliser si, dans le but de construire des noyauxK W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ ! C, on commence par construireleur coefficient W

.r/K de la manière suivante:

Définition I.6. Soit S une partie finie de jF j contenant S�.On définit les .r/-coefficients unipotents

W

.r/K W G.F /nG.A/ �G.F /nG.A/ � GLr.A/ �! C

des noyaux cherchés K comme des sommes localement finies de la forme

W

.r/K.g1; g2; g/ D

X�2G.F /

� Yx2jF j

KG;� x

�.g�11 �g2; g/;

où les facteurs locauxKG;� x

; x 2 jF j;sont des fonctions localement constantes

G.Fx/ � GLr.Fx/�!C

.g; g0/ 7�!KG;� x

.g; g0/

telles que

� en toute place x 2 jF j, les fonctions KG;� x. � ; g0/ sont à support compact

dans G.Fx/ et les fonctions KG;� x.g; � / sur GLr.Fx/ sont de .r/-type de

Whittaker,

Page 10: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

10 L. Lafforgue

� en toute place x 2 jF j � S � jF j � S�, KG;� xest un “noyau local” du

transfert non ramifié par �: cela signifie que KG;� xest invariante à gauche

et à droite par G.Ox/ en la variable g 2 G.Fx/, invariante à droite parGLr.Ox/ en la variable g0 2GLr.Fx/ et compatible avec l’homomorphisme

��x W H r

x;; �! H Gx;;

au sens que

KG;� x

�2 '0x D K

G;� x

�1 ��x.'

0x/; 8'0

x 2 H rx;;:

Remarque. La dernière condition sur KG;� xéquivaut à demander que sa dé-

composition spectrale sous la double action par convolution à droite de H Gx;;

et H rx;; ne fasse apparaître que des paires de caractères (zx W H G

x;; ! C,z0x W H r

x;; ! C) reliés par la condition

z0x D zx ı ��

x D .�x/�.zx/: �

Afin de construire des noyaux locaux du transfert non ramifié

KG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C

vérifiant les conditions de la définition I.6 ci-dessus en les places x 2 jF j�S �jF j � S�, on a besoin de préciser la forme des homomorphismes

��x W H r

x;; �! H Gx;;; x 2 jF j � S�;

et pour cela de rappeler l’isomorphisme de Satake. À cette fin, on choisit unefois pour toutes un tore maximal T défini sur F du groupe réductif quasi-déployé G et on note SG D fg 2 G j g�1Tg D T g=T le groupe de Weylde G.

Proposition I.7. Soit x une place en laquelle le groupe quasi-déployéG est nonramifié, et soit Sx

G D fw 2 SG j �x.w/ D wg le groupe de Weyl Fx-rationnelde G.

Soient T dx le plus grand sous-tore de T qui est déployé sur Fx , bT dx son torecomplexe dual muni de l’action de Sx

G , et Im bT dx le plus grand sous-tore réelcompact de bT dx .

Alors:

Page 11: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 11

(i) Il existe un isomorphisme, appelé isomorphisme de Satake,

SGx W H Gx

��! CŒbT dx �SxG

si bien que les caractères de l’algèbre commutative H Gx sont associés aux

éléments de bT dx , modulo l’action du groupe fini SxG .

(ii) Pour tout élément 2 bT dx , il existe une unique fonction

'Gx;� W G.Ox/nG.Fx/=G.Ox/ �! C

telle que

'Gx;� � 'x D 'x � 'Gx;� D SGx .'x/./ � 'Gx;�; 8'x 2 H Gx;;;

et'Gx;�.1/ D 1:

(iii) Il existe une unique mesure d sur Im bT dx , appelée la mesure de Plancherel,telle que pour tout 'x 2 H G

x;;, on ait

'x.g/ DZ

ImbT dx

d � SGx .'x/./ � 'Gx;�.g/; 8g 2 G.Fx/:

Si Tr D Grm désigne le tore maximal de GLr et bTr D .C�/r son tore dual,

on dispose de même en toute place x 2 jF j de l’isomorphisme de Satake surGLr.Fx/

Srx W H rx;;

��! CŒbTr �Sr :

Passons maintenant aux homomorphismes ��x en les places x 2 jF j � S�:

Lemme I.8. Quitte à remplacer la représentation de transfert � W bG Ì �F !GLr.C/ par une représentation conjuguée, supposons – ce que nous ferons tou-jours désormais – qu’elle induit un homomorphisme entre tores maximaux

�T W bT ! bTr D .C�/r :

En une place non ramifiée arbitraire x 2 jF j � S�, notons ex l’ordre del’élément de Frobenius �x agissant sur l’espace C

r de GLr.C/. Alors:

(i) Le dual bT dx de T dx s’identifie au quotient de bT par le sous-tore f ��x.�1/ j 2 bT g, si bien que l’homomorphisme

bT �!bTr 7�!�T . � �x./ � � � �ex�1

x .//

définit un homomorphisme

�T;x W bT dx �! bTr :

Page 12: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

12 L. Lafforgue

(ii) Il est possible d’ordonner la famille

"x D ."1x; : : : ; "rx/ 2 .C�/r

des r valeurs propres de �x agissant sur Cr , de telle façon que l’homomor-phisme d’algèbres

��x W H r

x;; �! H Gx;;;

vu comme un homomorphisme

��x W CŒbTr �Sr �! CŒbT dx �Sx

G

vérifie

��x.px/.

ex / D px."x � �T;x.//; 8 2 bT dx ; 8px 2 CŒbTr �Sr :

En toute place x 2 jF j et pour tout caractère 0 2 bTr D .C�/r , il existe uneunique fonction de .r/-type de Whittaker

Wr; x

x;�0 W GLr.Fx/=GLr.Ox/ �! C

telle que

Wr; x

x;�0 � '0x D Srx.'

0x/.

0/ �W r; x

x;�0 ; 8'0x 2 H r

x;;;et

Wr; x

x;�0

�0BB@�r�1x 0 � � � 00

: : :: : :

::::::

: : : �x 0

0 � � � 0 1

1CCA

�D 1

pour n’importe quel élément �x 2 F �x de valuation vx.�x/ égale au conducteur

N xde la composante x de en x.

On a:

Proposition I.9. En toute place x 2 jF j � S � jF j � S�, les noyaux locaux dutransfert non ramifié au sens de la définition I.6

KG;� x

W G.Ox/nG.Fx/=G.Ox/ � GLr.Fx/=GLr.Ox/ �! C

sont exactement les fonctions de la forme

KG;� x

.g; g0/ DZ

ImbT dx

dex � px.ex / � 'Gx;�ex .g/ �W r; x

x;"x ��T;x.�/.g0/

pour un certain polynôme symétrique px 2 CŒbT dx �SxG .

Remarque. Pour que le produit infiniQx2jF jK

G;� x

ait un sens comme fonctionsur .G�GLr/.A/, on demande que px D 1 en presque toute place x 2 jF j�S .

Page 13: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 13

Notons G W Gm ! ZG � G le cocaractère central de G bien défini sur Fqui correspond au caractère bG W bG ! C

� composé de bG ��! GLr.C/ et dudéterminant.

On remarque:

Corollaire I.10. Soit!� W A�=F � �! C

le caractère automorphe d’ordre fini qui correspond, via la théorie du corps declasses, au caractère

�F �! C�

composé de �F ! GLr.C/ et du déterminant.Alors, en toute place x 2 jF j�S � jF j�S�, les noyaux locaux du transfert

non ramifiéKG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C

vérifient la condition

KG;� x

.g; zg0/ D KG;� x

.G.z/g; g0/ � !�.z/; 8z 2 F �

x :

Remarque. Il est naturel de demander à la suite de ce corollaire – et nous leferons toujours désormais – que, en toutes les places x 2 jF j sans exception,les facteurs KG;� x

de la définition I.6 vérifient la même condition

KG;� x

.g; zg0/ D KG;� x

.G.z/g; g0/ � !�.z/; 8z 2 F �

x :

Démonstration du corollaire. La conclusion résulte de ce que, en toute placex 2 jF j � S�, le produit "1x : : : "

rx des r composantes de "x D ."1x; : : : ; "

rx/

est égal au déterminant de �x agissant sur l’espace Cr de GLr.C/. En effet,

"x D ."1x; : : : ; "rx/ est la famille des r valeurs propres de cette action. �

Étant donnée une famille de fonctions locales

KG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C; x 2 jF j;vérifiant toutes les conditions que nous avons énoncées, le .r/-coefficientunipotent

W

.r/K W G.F /nG.A/ �G.F /nG.A/ � GLr.A/�!C

.g1; g2; g/ 7�!X

�2G.F /

� Yx2jF j

KG;� x

�.g�11 �g2; g/

correspond à une fonction cuspidale

Page 14: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

14 L. Lafforgue

Kc D KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/�!C

.g1; g2; g/ 7�!X

ı 2 Nr�1.F /nGLr�1.F /W

.r/K.g1; g2; ıg/

qui, en toute place x 2 jF j � S � jF j � S�, est compatible avec ��x W H r

x;; !H Gx;; et avec l’involution 'x 7! '_

x de H Gx;;.

Conjecture I.11. Si en chaque place x 2 S , la fonction locale

KG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C

vérifie certaines conditions qui dépendent de la restriction de � en bG Ì �Fx!

GLr.C/, il est possible de construire une fonction

Knc D KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

qui est non cuspidale au sens que

W

.r/Knc D 0;

est compatible avec ��x W H r

x;; ! H Gx;; et avec l’involution 'x 7! '_

x de H Gx;;

en toute place x 2 jF j � S , et telle que la somme

KG;� D K D Kc CKnc D KG;� CK

G;�

soit invariante à gauche par GLr.F / et définisse un S-noyau du transfert par�.

Dans le but d’essayer de prouver cette conjecture, on introduit comme dansla théorie des “théorèmes réciproques” (voir [Cogdell, Piatetski-Shapiro]) lesmatrices de permutation en rang r

wr D

0BB@0 � � � 0 1::: . . . . . . 0

0 . . . . . .:::

1 0 � � � 0

1CCA ; wr�1 D

0BBBB@

0 � � � 0 1 0::: . . . . . . 0

:::

0 . . . . . .::::::

1 0 � � � 0 00 � � � � � � 0 1

1CCCCA ;

˛r D wrwr�1 D

0BBBB@

0 � � � � � � 0 11 0 � � � 0 00: : :

: : :::::::

:::: : :

: : : 0:::

0 � � � 0 1 0

1CCCCA ;

Page 15: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 15

et le sous-groupe mirabolique inférieur

Qopr D .˛�1

r Nr˛r/ � GLr�1 D GLr�1 � .˛�1r Nr˛r/ D

�0BB@

� � � � � 0:::

::::::

� � � � � 0� � � � � 1

1CCA

�:

Remarquant que.˛�1r Nr˛r/ \ GLr�1 D Nr�1;

on forme la somme

eKG;� .g1; g2; g/ DX

ı2N.r�1/.F /nGLr�1.F /

W

.r/K.g1; g2; ˛rıg/:

La fonction ainsi définie sur .G � G � GLr/.A/ est compatible avec ��x W

H rx;; ! H G

x;; et avec l’involution 'x 7! '_x de H G

x;; en toute place x 2jF j � S , et elle est invariante à gauche par .G �G �Qop

r /.F /.La conjecture suivante implique la précédente:

Conjecture I.12. Sous les hypothèses de la conjecture I.11, il est possible deconstruire deux fonctions complémentaires

KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C;

eKG;� W .G �G �Qopr /.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C;

toutes deux compatibles avec ��x W H r

x;; ! H Gx;; et avec l’involution 'x 7! '_

x

de H Gx;; en toute place x 2 jF j � S , et telles que KG;� soit non cuspidale, et

KG;� CK

G;� D eKG;� C eKG;� :

Remarque. L’implication résulte de ce que GLr.F / est engendré par ses sous-groupes Qr.F / et Qop

r .F /. �

II. Intégrales de Rankin–Selberg, facteurs L locaux et transformation deFourier

Rappelons qu’on part d’une fonction localement constante

W

.r/K W .G �G � GLr/.A/ �! C

de la forme

.g1; g2; g/ 7�! W

.r/K.g1; g2; g/ D

X�2G.F /

� Yx2jF j

KG;� x

�.g�11 �g2; g/:

Page 16: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

16 L. Lafforgue

Les facteurs locaux KG;� xen les places x 2 jF j � S � jF j � S� sont des

noyaux du transfert non ramifié. Le produit .Qx2jF jK

G;� x

/. � ; � / est à supportscompacts dans G.A/ en la première variable et de .r/-type de Whittaker surGLr.A/ en la seconde variable, et il vérifie� Y

x2jF jKG;� x

�.g; zg0/ D

� Yx2jF j

KG;� x

�.G.z/g; g

0/ � !�.z/; 8z 2 A�:

On cherche à comparer les deux fonctions sommes sur .G �G � GLr/.A/

KG;� .g1; g2; g/ D

Xı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

W

.r/K.g1; g2; ıg/;

eKG;� .g1; g2; g/ DX

ı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

W

.r/K.g1; g2; ˛rıg/;

et, si possible, à construire deux fonctions complémentaires

KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C;

eKG;� W .G �G �Qopr /.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C;

vérifiant l’égalité KG;� CKG;� D eKG;� C eKG;� .

Dans ce but, on considère une fonction test localement constante à supportcompact arbitraire

h DOx2jF j

hx W GLr�1.A/ �! C

et on forme les produits scalaires

KG;�;h .g1; g2; g/ D

ZGLr�1.A/

dg0 �KG;� .g1; g2; g0g/ � h.g0/;

eKG;�;h .g1; g2; g/ DZ

GLr�1.A/

dg0 � eKG;� .g1; g2; g0g/ � h.g0/:

Lemme II.1. Les produits scalaires KG;�;h .g1; g2; g/ et eKG;�;h .g1; g2; g/ sedéveloppent en

KG;�;h .g1; g2; g/ D

X�2G.F /

Xı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

WG;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/;

eKG;�;h .g1; g2; g/ DX

�2G.F /

Xı2GLr�1.F /=Nr�1.F /

eW G;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/;

Page 17: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 17

oùWG;�;h ;g1;g2;g

DOx2jF j

WG;�;hx

x ;g1;g2;g

et eW G;�;h ;g1;g2;g

DOx2jF j

eW G;�;hx

x ;g1;g2;g

sont les produits des fonctions locales

G.Fx/ � GLr�1.Fx/ �! C;

respectivement définies en chaque place x 2 jF j par les intégrales

WG;�;hx

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/

DZ

GLr�1.Fx/

dg0x �KG;� x

.g�11 m�1

x g2; g0xg/ � hx.m0�1

x g0x/

et

eW G;�;hx

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/

DZ

GLr�1.Fx/

dg0x �KG;� x

.g�11 mxg2; ˛rg

0xg/ � hx.m0

xg0x/

DZ

GLr�1.Fx/

dg0x �KG;� x

.g�11 mxg2; w

trg

0�1x g/ � hx.m0

xwr�1tg0�1x /:

En toute place x 2 jF j � S � jF j � S�, le noyau KG;� xse décompose

spectralement sous la forme

KG;� x

.g; g0/ DZ

ImbT dx

d �KG;� x ;�

.g; g0/

où, pour tout caractère unitaire 2 Im bT dx de H Gx;;, KG;�

x ;�. � ; � / est le produit

de la fonction sphérique propre normalisée 'Gx;�

W G.Fx/ ! C et d’une fonctionW� W GLr.Fx/=GLr.Ox/ ! C de .r/-type de Whittaker qui vérifie

W� � '0x D ..�x/�.//.'0

x/ �W�; 8'0x 2 H r

x;;;

autrement dit qui appartient au .r/-modèle de Whittaker du caractère unitaire.�x/�./ de H r

x;;.Si le facteur local hx en une telle place x de la fonction test h est sphérique,

il admet quant à lui (d’après la proposition I.7(iii) appliquée au groupe GLr�1)une décomposition spectrale de la forme

hx.g0/ D

ZImbTr�1DU.1/r�1

dz � Sr�1x .hx/.z/ � 'r�1

x;z .g0/; g0 2 GLr�1.Fx/:

Page 18: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

18 L. Lafforgue

Un résultat fondamental de Jacquet, Piatetski-Shapiro et Shalika, l’équationfonctionnelle locale des intégrales de Rankin–Selberg, permet de donner desdécompositions spectrales de W G;�;hx

x ;g1;g2;get eW G;�;hx

x ;g1;g2;gà partir de celles de

KG;� x

et hx , et de les relier par une équation fonctionnelle:

Théorème II.2. Soit x 2 jF j � S � jF j � S� une place en laquelle le facteurhx de la fonction test h est sphérique. Alors:

(i) Les deux fonctions W G;�;hx

x ;g1;g2;get eW G;�;hx

x ;g1;g2;gsur .G � GLr�1/.Fx/ ad-

mettent des décompositions spectrales de la forme

WG;�;hx

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/

DZ

ImbT dx

d �Z

ImbTr�1

dz � Lx.�; �1; z�1; q� 12

x / �W G;�;hx ;�;z x ;g1;g2;g

.mx; m0x/;

eW G;�;hx

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/

DZ

ImbT dx

d �Z

ImbTr�1

dz � Lx.�; �1; z�1; q� 12

x / � eW G;�;hx ;�;z x ;g1;g2;g

.mx; m0x/;

où� chaque fonction W

G;�;hx ;�;z x ;g1;g2;g

Œresp. eW G;�;hx ;�;z x ;g1;g2;g

� sur G.Fx/ �GLr�1.Fx/ est élément de l’espace propre associé à la paire .; z/ dereprésentations lisses admissibles irréductibles unitaires de G.Fx/ etGLr�1.Fx/,

� la dépendance desW G;�;hx ;�;z x ;g1;g2;g

.mx; m0x/ et eW G;�;hx ;�;z

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/,mx 2

G.Fx/,m0x 2 GLr�1.Fx/, en les valeurs propres 2 bT dx et z 2 bTr�1 D

.C�/r�1 est polynomiale,� si les .�x/i�./, 1 � i � r , désignent les r valeurs propres de Hecke du

caractère .�x/�./ de H rx;;, et les zj , 1 � j � r �1, désignent les r �1

valeurs propres de Hecke du caractère z de H r�1x;; , Lx.�; ; z;Z/ est le

dénominateur

Lx.�; ; z;Z/ DY

1�i�r1�j �r�1

1

1 � .�x/i�./ � zj �Z :

(ii) On a les équations fonctionnelles

eW G;�;hx ;��1;z�1

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/

DW G;�;hx ;�;z x ;g1;g2;g

.m�1x ; m0�1

x / � "x.�; ; z; x; q� 12

x /

où"x.�; ; z; x; Z/ D

Y1�i�r

1�j �r�1

"x..�x/i�./ � zj ; x; Z/:

Page 19: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 19

Afin de généraliser ce résultat au cas d’une fonction test localement con-stante à support compact arbitraire

hx W GLr�1.Fx/ �! C;

on doit la décomposer spectralement.On rappelle:

Proposition II.3. En n’importe quel rang r 1, on a:

(i) L’espace des représentations lisses admissibles irréductibles unitaires Œresp.et tempérées� � de GLr.Fx/ se décompose comme une réunion disjointe devariétés algébriques réelles

Im Œ�0�=Fixe .r; �0/

indexées par des paires .r; �0/ où� r désigne une partition r D r1 C � � � C rk du rang r ,� �0 est une représentation lisse admissible irréductible unitaire discrèteŒresp. et de carré intégrable� de GLr.Fx/ D GLr1

.Fx/�� � ��GLrk.Fx/,

� Œ�0� est une variété algébrique complexe sur laquelle le tore complexe.C�/k agit simplement transitivement,

� Im Œ�0� est une sous-variété algébrique réelle compacte de Œ�0� surlaquelle le sous-tore U.1/k agit simplement transitivement,

� Fixe .r; �0/ est un groupe fini qui agit sur Œ�0� en respectant Im Œ�0�.Cela permet de parler de fonctions polynomiales sur cet espace: ce sontles fonctions nulles en dehors d’un nombre fini de composantes et dont larestriction à chaque composante Im Œ�0�=Fixe .r; �0/ est polynomiale et seprolonge donc en un polynôme sur la variété complexe Œ�0� invariant parFixe .r; �0/.

(ii) Cet espace est muni d’une mesure d� supportée par les représentationstempérées, dite “mesure de Plancherel”, telle que toute fonction localementconstante à support compact

hx W GLr.Fx/ �! C

se décompose spectralement sous la forme

hx.g/ DZd� � hx;�.g/; g 2 GLr.Fx/;

où� chaque hx;� W GLr.Fx/ ! C est élément du sous-espace propre associé

à � , c’est-à-dire est une combinaison linéaire de coefficients matricielsde � ,

� chaque fonction � 7! hx;�.g/, g 2 GLr.Fx/, est un polynôme.

Page 20: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

20 L. Lafforgue

Ce rappel étant fait, on peut déduire de l’équation fonctionnelle locale deJacquet, Piatetski-Shapiro et Shalika:

Théorème II.4. En n’importe quelle place x 2 jF j�S � jF j�S�, considéronsla décomposition spectrale

hx. � / DZd� � hx;�. � /

de la fonction test localement constante à support compact hx W GLr�1.Fx/ !C. Alors:

(i) Les deux fonctions W G;�;hx

x ;g1;g2;get eW G;�;hx

x ;g1;g2;gsur .G � GLr�1/.Fx/ ad-

mettent des décompositions spectrales de la forme

WG;�;hx

;g1;g2;g.mx; m

0x/

DZ

ImbT dx

d �Zd� � Lx.�; �1; �_; q� 1

2x / �W G;�;hx ;�;�

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/;

eW G;�;hx

;g1;g2;g.mx; m

0x/

DZ

ImbT dx

d �Zd� � Lx.�; �1; �_; q� 1

2x / � eW G;�;hx ;�;�

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/;

où� chaque fonction W

G;�;hx ;�;� x ;g1;g2;g

Œresp. eW G;�;hx ;�;� x ;g1;g2;g

� sur G.Fx/ �GLr�1.Fx/ est élément de l’espace propre associé à la paire .; �/de représentations lisses admissibles irréductibles unitaires de G.Fx/et GLr�1.Fx/,

� la dépendance deW G;�;hx ;�;� x ;g1;g2;g

.mx; m0x/ et eW G;�;hx ;�;�

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/,mx 2

G.Fx/, m0x 2 GLr�1.Fx/, en 2 bT dx et � est polynomiale,

� Lx.�; ; �;Z/ est le dénominateur

Lx.�; ; �;Z/ DY1�i�r

Lx.�; .�x/i�./ �Z/:

(ii) On a les équations fonctionnelles

eW G;�;hx ;��1;�_

x ;g1;g2;g.mx; m

0x/

DW G;�;hx ;�;� x ;g1;g2;g

.m�1x ; m0�1

x / � "x.�; ; �; x; q� 12

x / � ��.�1/r�1

où"x.�; ; �; x; Z/ D

Y1�i�r

"x.�; x; .�x/i�./ �Z/:

Page 21: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 21

L’apparition des facteurs linéaires locaux Lx.�;Z/ et "x.�; x; Z/ dans leséquations fonctionnelles de Jacquet, Piatetski-Shapiro et Shalika, et donc dansnotre recherche de “noyaux” du transfert automorphe, incite à revoir rapidementla théorie de ces facteurs Lx et "x classiques associés, en tout rang r 1, auxreprésentations lisses admissibles irréductibles unitaires de GLr.Fx/.

Les Lx.�;Z/ sont définis par la proposition suivante (due à Tate dans le casr 1, et à Godement et Jacquet dans le cas r 2), au moyen du plongementde GLr.Fx/ dans l’algèbre matricielle Mr.Fx/:

Proposition II.5. En n’importe quel rang r 1, on a:

(i) Toute fonction localement constante à support compact

fx W Mr.Fx/ �! C

se décompose spectralement sous la forme

fx.g/ D j det.g/j�r2

x �Z�

d� � Lx.�_; q� 12

x / � fx;�.g/; g 2 GLr.Fx/;

où� chaque fx;� W GLr.Fx/ ! C est élément du sous-espace propre associé

à � ,� chaque fonction � 7! fx;�.g/, g 2 GLr.Fx/, est un polynôme,� sur chaque composante de l’espace des � , Lx.�;Z/ est l’inverse d’un

polynôme Lx.�;Z/�1 en � et Z, et vérifie

Lx.�; 0/�1 D 1; 8�;

Lx.� ˝ j det. � /js; Z/ D Lx.�; q�sx �Z/; 8s 2 C; 8�:

(ii) Pour toute famille de polynômes L0x.�;Z/

�1 en � et Z qui vérifie les pro-priétés de (i), les polynômes Lx.�;Z/

�1 divisent les polynômesL0x.�;Z/

�1.

Le choix du caractère additif continu non trivial x W Fx ! C� définit un

opérateur

fx 7�! bfx Dhm0 7�! bfx.m0/ D

ZMr .Fx/

dm � fx.m/ � x.Tr .mm0//i

de x-transformation de Fourier dans l’espace des fonctions localement con-stantes à support compact fx W Mr.Fx/ ! C.

Modulo multiplication par le caractère g 7! j det.g/jrx et changement devariable g 7! g�1, cet opérateur commute avec les translations à gauche ouà droite par tout élément de GLr.Fx/. Il doit donc agir par multiplication parun scalaire sur l’espace des coefficients matriciels de toute représentation lisse

Page 22: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

22 L. Lafforgue

admissible irréductible unitaire de GLr.Fx/. Tate dans le cas r D 1, puis Gode-ment et Jacquet dans le cas r 2, ont montré que ce scalaire a la forme

Lx.�; q� 1

2x /

Lx.�_; q� 12

x /

� "x.�; x; q� 12

x /

où, dans toute composante de l’espace des � ,

� 7�! "x.�; x; Z/

est un polynôme inversible, autrement dit un monôme, en � et Z. Ce monômeest égal à 1 si � est non ramifiée et que le conducteur N x

de x est 0, et ilvérifie

"x.� ˝ j det. � /js; x; Z/ D "x.�; x; q�sx �Z/; 8s 2 C; 8�:

Ainsi on a:

Proposition II.6. Pour toute fonction localement constante à support compact

fx W Mr.Fx/ �! C

décomposée spectralement en

fx.g/ D j det.g/j�r2

x �Zd� � Lx.�_; q� 1

2x / � fx;�.g/; g 2 GLr.Fx/

comme dans la proposition II.5(i), sa x-transformée de Fourier bfx admet ladécomposition spectrale

bfx.g/ D j det.g/j�r2

x �Zd� � Lx.�; q� 1

2x / � "x.�; x; q� 1

2x / � fx;�.g�1/:

Revenons maintenant au groupe réductif quasi-déployé G sur F et à lareprésentation de transfert

� W bG Ì �F �! GLr.C/:

Le conjecture I.2 de transfert par � peut être reformulée en la partie (i) de laconjecture suivante que l’on complète habituellement par la partie (ii):

Conjecture II.7. (i) Pour toute représentation automorphe � D Nx2jF j �x de

G.A/ non ramifiée en dehors du sous-ensemble fini S S� de jF j, il existeune représentation automorphe � 0 D N

x2jF j � 0x de GLr.A/ telle que, en

toute place x 2 jF j � S , le facteur � 0x est non ramifié et s’identifie au

caractère de H rx;; image par .�x/� du caractère �x de H G

x;;.

Page 23: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 23

(ii) De plus, même en les places éventuellement ramifiées x 2 S , le facteur � 0x

de � 0 ne dépend que de � et du facteur �x de � , si bien que, en toute placex 2 jF j, on devrait pouvoir associer aux représentations locales �x desfacteurs Lx et "x non linéaires

Lx.�; �x; Z/ D Lx.�0x; Z/;

"x.�; �x; x; Z/ D "x.�0x; x; Z/:

Remarque. Colette Mœglin et Guy Henniart ont fait remarquer à l’auteur quela partie (ii) de la conjecture est trop optimiste si G n’est pas nécessairementun groupe linéaire. Pour une représentation lisse admissible irréductible �x deG.Fx/ en une place x 2 jF j, et si .�; � 0/ décrit l’ensemble des paires dereprésentations automorphes de G.A/ et GLr.A/ telles que �x soit la com-posante locale de � en x et que � 0 soit un transfert global de � au sens de (i), iln’est pas nécessairement vrai que � 0

x ni même Lx.� 0x; Z/ et "x.� 0

x; x; Z/ nedépendent que de �x .

En revanche, il est raisonnable de conjecturer que le quotient

�x.�0x; x; Z/ D Lx.�

0x; Z/ � "x.� 0

x; x; Z/

Lx.� 0_x ;

qx

Z/

ne dépend que de �x , ce qui permettrait de noter

�x.�; �x; Z/ D �x.�0x; x; Z/:

On pourrait alors prendre pour Lx.�; �x; Z/ l’inverse du plus grand com-mun diviseur des Lx.� 0

x; Z/�1 puis poser

"x.�; �x; Z/ D �x.�; �x; Z/ � Lx.�; �_x ;

qx

Z/

Lx.�; �x; Z/

qui est nécessairement un monôme. �

Les facteurs Lx.�; �x; Z/ et "x.�; �x; x; Z/ ne sont pas faciles à définir apriori sur l’espace des représentations lisses admissibles irréductibles unitaires�x de G.Fx/. Rappelons que, comme dans le cas linéaire, cet espace se décom-pose naturellement comme la réunion disjointe de variétés algébriques, quo-tients de tores par l’action de groupes finis. On s’attend certainement à ce que,sur chaque composante, Lx.�; �x; Z/�1 soit un polynôme en �x et Z qui vaut1 en Z D 0, et que "x.�; �x; x; Z/ soit un monôme en �x et Z égal à 1 six … S�, �x est non ramifié et N x

D 0.Il n’est pas restrictif de supposer, comme nous le ferons toujours, que le

groupe réductif G est muni d’un caractère bien défini sur F

detG W G �! Gm

Page 24: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

24 L. Lafforgue

dont le cocaractère central correspondant du groupe dual

cdetG W C� �! ZbG � bG;composé avec � W bG Ì �F ! GLr.C/, est égal à

z 7�!

0BB@z 0 � � � 00: : :

: : ::::

:::: : :

: : : 0

0 � � � 0 z

1CCA :

Alors les facteurs locaux non linéaires Lx.�; �x; Z/ et "x.�; �x; x; Z/ de-vront nécessairement vérifier

Lx.�; �x ˝ jdetG. � /js; Z/ D Lx.�; �x; q�sx �Z/;

"x.�; �x ˝ jdetG. � /js; x; Z/ D "x.�; �x; x; q�sx �Z/; 8s 2 C; 8�x :

Proposons la définition de travail suivante:

Définition II.8. En n’importe quelle place x 2 jF j, appelons ensemble des“représentations de type L (relatif à �) deG.Fx/” une réunion de composantesde l’espace des représentations lisses admissibles �x de G.Fx/ sur lesquelleson sait définir a priori les facteurs non linéaires Lx.�; �x; Z/ et "x.�; �x; x;Z/. On demande que cet ensemble soit stable par le passage aux représenta-tions contragrédientes �x 7! �_

x .

Remarque. La règle de transfert de Langlands impose de ranger parmi les repré-sentations de type L, en toute place non ramifiée x 2 jF j � S�, les représen-tations de G.Fx/ qui sont sphériques, c’est-à-dire correspondent à un caractèrezx de l’algèbre de Hecke sphérique H G

x;;. Via l’homomorphisme ��x W H r

x;; !H Gx;; induit par �, tout tel caractère zx induit un caractère .�x/�.zx/ de H r

x;;,de valeurs propres de Hecke les .�x/i�.zx/, 1 � i � r , et on pose naturellement

Lx.�; �x; Z/ D Lx.�; zx; Z/ D Lx..�x/�.zx/; Z/D

Y1�i�r

Lx..�x/i�.zx/; Z/;

"x.�; �x; "x; Z/ D "x.�; zx; x; Z/ D "x..�x/�.zx/; x; Z/D

Y1�i�r

"x..�x/i�.zx/; x; Z/: �

Page 25: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 25

En dehors du cas central des représentations sphériques de G.Fx/ en lesplaces non ramifiées x 2 jF j � S�, donnons d’autres exemples de types dereprésentations locales qu’il est possible de classer comme “représentations detype L”.

Voyons d’abord les cas où le groupe de Galois �F de F agit sur l’espaceCr de GLr.C/ par permutation de ses r vecteurs de base. Cette action définit

une F -algèbre E séparable de degré r dont le dual bTE du tore multiplicatifTE D ResE=F Gm s’identifie à

Q1�i�r C� D bTr . L’homomorphisme �F -

équivariant induit par �

�T W bT �! bTr DY1�i�r

C� D bTE

admet un homomorphisme dual bien défini sur F

�_T W TE �! T

qui induit en toute place x 2 jF j un homomorphisme

TE .Fx/ �! T .Fx/

du groupe multiplicatif TE .Fx/ D E�x de la Fx-algèbre séparable Ex D

E ˝F Fx vers T .Fx/. On note enfin qu’en toute telle place x 2 jF j, l’algèbreEx est munie de la x-transformation de Fourier définie par le caractère Ex !C

� composé de x W Fx ! C� et de l’homomorphisme de trace Tr W Ex ! Fx .

Cela permet de définir les facteursLx.�0x; Z/ et "x.�0

x; x; Z/ de tout caractèrecontinu �0

x W E�x ! C

�.

Lemme II.9. Supposons comme ci-dessus que �F agit sur Cr par permutationde ses r vecteurs de base, définissant ainsi une F -algèbre E et un homomor-phisme �_

T W TE D ResE=F Gm ! T .Alors:

(i) En toute place x 2 jF j, tout caractère continu �x W T .Fx/ ! C� peut être

considéré comme “de type L” relativement à la représentation de transfert�T W bT Ì �F ! GLr.C/, en posant

Lx.�T ; �x; Z/ D Lx.�0x; Z/;

"x.�T ; �x; x; Z/ D "x.�0x; x; Z/;

si �0x W TE .Fx/ D E�

x ! C� désigne le composé de �x avec TE .Fx/ !

T .Fx/.

Page 26: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

26 L. Lafforgue

(ii) En toute place x 2 jF j, toute représentation lisse admissible �x de G.Fx/qui est l’induite normalisée d’un caractère �x du tore maximal T .Fx/, peutêtre considérée comme “de type L” relativement à �, en posant

Lx.�; �x; Z/ D Lx.�T ; �x; Z/;

"x.�; �x; x; Z/ D "x.�T ; �x; x; Z/:

Pour l’exemple suivant, on a besoin de remplacer G par ses “groupescroisés” de degré r 0 2 que permet de définir le caractère detG W G ! Gm

déjà introduit.

Définition II.10. Soit un entier r 0 2.

(i) Le “groupe croisé” de degré r 0 de G est défini comme le sous-groupe al-gébrique

Gr 0 D f.g; g0/ 2 G � GLr 0 j detG.g/ D det.g0/g:C’est un groupe réductif dont le dual s’identifie au quotient

bGr 0 D .bG � GLr 0.C//=C�

de bG � GLr 0.C/ par le cocaractère central

C� 3 z 7�! .cdetG.z/; z�1/:

(ii) Le dual bGr 0 de Gr 0 est muni de la “représentation croisée”

�r 0 W bGr 0 Ì �F �! GLrr 0.C/

produit tensoriel de � W bG Ì�F ! GLr.C/ et de la représentation standardde GLr 0.C/ D cGLr 0 .

Nous pouvons énoncer:

Lemme II.11. Considérons un degré r 0 2 comme dans la définition II.10 ci-dessus.

(i) En toute place x 2 jF j, les représentations lisses admissibles irréductiblesde Gr 0.Fx/ sont les facteurs directs (conjugués les uns des autres parl’action de F �

x =.F�x /r 0

) des produits �x � � 0x d’une représentation lisse

admissible irréductible �x de G.Fx/ et d’une représentation lisse admissi-ble irréductible � 0

x de GLr 0.Fx/.

Page 27: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 27

(ii) Si x 2 jF j � S� est une place non ramifiée, et que �x est sphérique etcorrespond donc à un caractère zx de H G

x;; dont le transfert .�x/�.zx/ ad-met pour valeurs propres de Hecke les .�x/i�.zx/ 2 C

�, 1 � i � r , alors�x � � 0

x est une représentation irréductible de Gr 0.Fx/ et peut être classéeparmi les représentations “de type L” relativement à �r 0 W bGr 0 Ì �F !GLrr 0.C/, en posant

Lx.�r 0 ; �x � � 0x; Z/ D

Y1�i�r

Lx.�0x; .�x/

i�.zx/ �Z/;

"x.�r 0 ; �x � � 0x; x; Z/ D

Y1�i�r

"x.�0x; x; .�x/

i�.zx/ �Z/:

Remarque. Cet exemple est particulièrement important lorsque r 0 D r�1. Dansce cas en effet, les facteursLx et "x simples introduits ci-dessus coïncident avecles facteurs Lx et "x de paires

Lx.�; zx; �0x; Z/;

"x.�; zx; �0x; x; Z/;

qui apparaissent d’après Jacquet, Piatetski-Shapiro et Shalika dans les équationsfonctionnelles locales du théorème II.4. �

Le lemme II.11 ci-dessus est naturellement complété par le lemme suivant:

Lemme II.12. Supposons comme dans le lemme II.9 que �F agit sur Cr par

permutation de ses r vecteurs de base.Et considérons, en une place arbitraire x 2 jF j, les représentations lisses

admissibles irréductibles �x�� 0x deGr 0.Fx/ telles que �x est l’induite normal-

isée d’un caractère �x du tore maximal T .Fx/, et que la représentation � 0x de

GLr 0.Fx/ est sphérique, avec pour valeurs propres de Hecke z01; : : : ; z

0r 2 C

�.Alors �x � � 0

x est une représentation irréductible de Gr 0.Fx/ et peut êtreclassée parmi les représentations “de type L” relativement à �r 0 W bGr 0 Ì�F !GLrr 0.C/ en posant

Lx.�r 0 ; �x � � 0x; Z/ D

Y1�j�r 0

Lx.�T ; �x; z0j �Z/;

"x.�r 0 ; �x � � 0x; x; Z/ D

Y1�j�r 0

"x.�T ; �x; x; z0j �Z/:

Nous allons donner une dernière série importante de représentations lissesadmissibles irréductibles de G.Fx/ (ou Gr 0.Fx/, r 0 2), x 2 jF j, qu’il estpossible de classer a priori parmi les représentations “de type L” relativement à� (ou �r 0).

Page 28: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

28 L. Lafforgue

Pour cela, rappelons le résultat local fondamental suivant de Jacquet et Sha-lika:

Proposition II.13. Pour toute représentation lisse admissible irréductible � 0x

de GLr.Fx/, de caractère central �� 0x

W F �x ! C

�, et pour tout caractère!x W F �

x ! C� suffisamment ramifié en fonction de la ramification de � 0

x , on a

Lx.�0x ˝ .!x ı det/; Z/ D 1;

"x.�0x ˝ .!x ı det/; x; Z/ D "x.�� 0

x!x; x; Z/ � "x.!x; x; Z/r�1:

Rappelons que nous avons noté G W Gm ! ZG ,! G le cocaractèrecentral de G dont le dual est le caractère composé

bG W bG ��! GLr.C/det��! C

�;et !� W A�=F � ! C

� le caractère automorphe qui correspond, via la théoriedu corps de classes, au déterminant de l’action par � du groupe de Galois �Fsur l’espace C

r de GLr.C/.Pour toute représentation lisse admissible irréductible �x de G.Fx/, notons

��xW F �

x ! C� le caractère induit par �x via le cocaractère central G W

F �x ! G.Fx/.

Selon la conjecture II.7(ii), on devrait pouvoir transférer par � toute tellereprésentation locale �x de G.Fx/ en une représentation lisse admissible irré-ductible � 0

x de GLr.Fx/. Si x 2 jF j�S� et que �x est non ramifiée, � 0x est déjà

définie comme la représentation non ramifiée image de �x par ��x W H r

x;; !H Gx;;, et on connaît d’après le corollaire I.10 la formule

�� 0x

D ��x� !�:

Par compatibilité avec le transfert global de la conjecture II.7(i), l’hypothétiquetransfert local � 0

x de toute représentation lisse admissible irréductible �x deG.Fx/ en n’importe quelle place x 2 jF j doit nécessairement vérifier la mêmeformule

�� 0x

D ��x� !�:

Enfin, la ramification de � 0x devrait être bornée en fonction de celle de �x .

On parvient ainsi à l’énoncé suivant:

Corollaire II.14. Pour toute représentation lisse admissible irréductible �x deG.Fx/ en une place arbitraire x 2 jF j, et pour tout caractère !x W F �

x ! C�

suffisamment ramifié en fonction de la ramification de �x , on peut classer leproduit

�x ˝ !x D �x ˝ .!x ı detG/parmi les représentations “de type L” relativement à �, en posant

Lx.�; �x ˝ !x; Z/ D 1;

"x.�; �x ˝ !x; x; Z/ D "x.��x!�!x; x; Z/ � "x.!x; x; Z/r�1:

Page 29: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 29

Remarque. Tout comme la remarque qui suit la définition II.8 et comme lelemme II.9, le corollaire II.14 ci-dessus s’applique aux groupes croisés Gr 0 ,r 0 2, aussi bien qu’à G. �

Une fois que l’on a précisé en chaque place x 2 jF j ce que l’on entendrapar “représentation de type L relativement à � [resp. �r 0 , r 0 2] sur G.Fx/[resp. Gr 0.Fx/, r 0 2]”, on est en mesure de définir une x-transformation deFourier locale relative à � [resp. �r 0] en chaque telle place x:

Définition II.15. Considérons un caractère algébrique bien défini sur F

det� W G �! Gm:

En n’importe quelle place x 2 jF j, on pose:

(i) Appelons fonction “de type L” (relatif à �) sur G.Fx/ toute fonction

hx W G.Fx/ �! C

telle que:(1) hx est invariante à gauche et à droite par un sous-groupe ouvert compact

de G.Fx/,(2) la restriction de hx à

fg 2 G.Fx/ j vx.detG.g// D N gest à support compact pour tout N 2 Z, et elle est nulle si N � 0,

(3) hx admet une décomposition spectrale de la forme

hx.g/ D jdetG.g/j�12

x � jdet�.g/j�12

x �Zd� � Lx.�; �_; q� 1

2x / � hx;�.g/;g 2 G.Fx/;

où� �décrit l’espace des représentations lisses admissibles irréductibles

unitaires deG.Fx/ qui sont “de typeL” (relativement à �) et admet-tent donc des facteurs Lx.�; �;Z/ et "x.�; �; x; Z/ bien définis apriori,

� cet espace est muni de la mesure de Plancherel d� ,� pour toute � , la fonction hx;� W G.Fx/ ! C est élément de l’espace

propre associé à � , autrement dit, c’est une combinaison linéaire decoefficients matriciels de � ,

� pour tout g 2 G.Fx/, la fonction � 7! hx;�.g/ est polynomiale surl’espace des représentations � .

Page 30: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

30 L. Lafforgue

(ii) Pour toute fonction hx de type L comme dans (i),

hx.g/ D jdetG.g/j�12

x � jdet�.g/j�12

x �Zd� � Lx.�; �_; q� 1

2x / � hx;�.g/;g 2 G.Fx/;

on appelle x-transformée de Fourier de hx (relativement à �) la fonction

bhx W G.Fx/ �! C

définie par la décomposition spectrale

bhx.g/ D jdetG.g/j�12

x � jdet�.g/j�12

x

�Zd� � Lx.�; �; q� 1

2x / � "x.�; �; x; q� 1

2x / � hx;�.g�1/;

g 2 G.Fx/:(iii) Si x 2 jF j � S� est une place non ramifiée, on appelle “fonction de type L

standard (relatif à �) sur G.Fx/” l’unique fonction sphérique

G.Ox/nG.Fx/=G.Ox/ �! C

définie par la décomposition spectrale

g 7�! jdetG.g/j�12

x � jdet�.g/j�12

x �Z

ImbT dx

d � Lx.�; �1; q� 12

x / � 'Gx;�.g/:

Elle est sa propre x-transformée de Fourier si le conducteur N xde x

est 0.

Remarques. (i) La x-transformée de Fourier bhx d’une fonction “de type L”hx vérifie par définition les propriétés (1) et (3) de (i). On peut montrerqu’elle vérifie aussi la propriété (2), ce qui signifie qu’elle est elle-même“de type L”.

(ii) Le caractère det� W G ! Gm sera choisi plus tard en fonction de � W bG Ì�F ! GLr.C/.Dans le cas où G D GLr et � est la représentation standard de cGLr DGLr.C/, il faut prendre

det� D .det/r�1

pour que les fonctions localement constantes à support compact

fx W Mr.Fx/ �! C

soient les fonctions “de type L” au sens de (i) et que leur x-transformationde Fourier linéaire coïncide avec la x-transformation de Fourier de (ii). La“fonction de typeL standard” au sens de (iii) n’est alors autre que la fonctioncaractéristique de Mr.Ox/.

Page 31: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 31

(iii) La présente définition II.15 s’applique aux groupes croisésGr 0 , r 0 2, aussibien qu’à G. On prendra

det�r0 .g; g0/ D det�.g/ � det.g0/r 0�1;

8.g; g0/ 2 Gr 0.Fx/ � G.Fx/ � GLr 0.Fx/: �

III. Principe de fonctorialité et formules de Poisson non linéaires

Commençons par rappeler la formule de Poisson linéaire sur l’espace matricieladélique Mr.A/, r 1, et ses conséquences pour les fonctions L linéairesglobales des représentations automorphes de GLr.A/.

Le choix du caractère additif continu non trivial

DYx2jF j

x W A=F �! C�

a permis de définir en toute place x 2 jF j l’automorphisme de x-transform-ation de Fourier

fx 7�! bfxde l’espace des fonctions localement constantes à support compact surMr.Fx/.

Le produit de ces transformations

f DOx2jF j

fx 7�! bf DOx2jF j

bfxdéfinit l’automorphisme de -transformation de Fourier des fonctions locale-ment constantes à support compact sur Mr.A/.

La propriété globale essentielle de cet opérateur est qu’il laisse invariante la“fonctionnelle de Poisson”

f 7�!X

�2Mr .F /

f .�/:

Autrement dit, on a:

Proposition III.1. Toute fonction localement constante à support compact

f W Mr.A/ �! C

satisfait la “formule de Poisson”X�2Mr .F /

f .�/ DX

�2Mr .F /

bf .�/:

Page 32: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

32 L. Lafforgue

Pour toute représentation lisse admissible irréductible

� DOx2jF j

�x

de GLr.A/, on pose

L.�;Z/ DYx2jF j

Lx.�x; Zdeg.x//

qui est bien définie a priori en tant que série formelle en Z. En presque touteplace x, le facteur local �x de � est une représentation non ramifiée et on a"x.�x; x; Z/ D 1. Il en résulte que le produit

".�; ;Z/ DYx2jF j

"x.�x; x; Zdeg.x//

est bien défini en tant que monôme en Z.Cette théorie des facteurs L et " globaux s’applique en particulier aux repré-

sentations automorphes irréductibles de GLr.A/.Tate en rang r D 1, puis Godement et Jacquet en rang r 2, ont montré

que la formule de Poisson sur Mr.A/ implique:

Théorème III.2. Pour toute représentation automorphe irréductible cuspidale� D N

x2jF j �x de GLr.A/, on a:

(i) Le produitL.�; q�s/ D

Yx2jF j

Lx.�x; q�sx /

est absolument convergent dès que la partie réelle Re .s/ de s 2 C est assezgrande.

(ii) La fonction holomorphe que ce produit définit dans sa zone de convergencese prolonge analytiquement à C tout entier. Dans le cas présent où F est uncorps de fonctions, c’est même une fraction rationnelle en q�s .

(iii) Cette fonction analytique satisfait l’équation fonctionnelle

L.�_; q�.1�s// D L.�; q�s/ � ".�; ; q�s/:

(iv) Cette fonction analytique ne peut admettre de pôles que si r D 1 et � est uncaractère automorphe

A�=F � �! C

qui se factorise à travers l’homomorphisme de degré

deg W a D .ax/x2jF j 7�!Xx2jF j

deg.x/ � vx.ax/;

Page 33: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 33

autrement dit qui est de la forme

a 7�! jajs0 :Les pôles d’un tel caractère sont simples.

Pour passer des représentations automorphes cuspidales de GLr.A/ auxreprésentations automorphes arbitraires, on a besoin de la proposition suivante:

Proposition III.3. (i) (Langlands) Pour toute représentation automorphe irré-ductible � D N

x2jF j �x de GLr.A/, il existe une partition r D r1C� � �Crkdu rang r et des représentations automorphes irréductibles cuspidales �1 DNx2jF j �1;x; : : : ; �k D N

x2jF j �k;x de GLr1.A/; : : : ;GLrk

.A/ telles que� soit un sous-quotient de l’induite normalisée de la représentation auto-morphe �1 � � � � � �k de .GLr1

� � � � � GLrk/.A/.

De plus, la ramification de �1;x; : : : ; �k;x en n’importe quelle place x 2 jF jest bornée en fonction de celle de �x et, en particulier, �1;x; : : : ; �k;x sontnon ramifiées si �x est non ramifiée.

(ii) (Godement, Jacquet) Dans la situation de (i), la fraction rationnelle en n’im-porte quelle place x 2 jF j

Lx.�x; Z/

est le produit de la fraction rationnelleY1�i�k

Lx.�i;x; Z/

et d’un polynôme en Z qui vaut 1 lorsque �x et donc aussi les �i;x , 1 � i �k, sont non ramifiées.De plus, le quotient

Lx.�x; Z/ � "x.�x; x; Z/Lx.�_

x ;1qxZ

/

est toujours égal au produit de quotientsY1�i�k

Lx.�i;x; Z/ � "x.�i;x; x; Z/Lx.�

_i;x;

1qxZ

/:

On déduit de cette proposition et du théorème III.2:

Corollaire III.4. Toute représentation automorphe irréductible � DNx2jF j �x de GLr.A/ vérifie les propriétés (i), (ii) et (iii) du théorème III.2.Si de plus le facteur �x de � en au moins une place x est le produit

�x D � 0x ˝ .!x ı det/

Page 34: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

34 L. Lafforgue

d’une représentation lisse admissible irréductible � 0x de GLr.Fx/ de ramifi-

cation bornée et d’un caractère GLr.Fx/det��! F �

x

!x��! C� suffisamment

ramifié en fonction de cette borne, la fonction L globale de �

C 3 s 7�! L.�; q�s/

n’a pas de pôle.

Revenons maintenant au groupe réductif quasi-déployé G sur F et à lareprésentation de transfert

� W bG Ì �F �! GLr.C/:

Pour toute représentation lisse admissible irréductible

� DOx2jF j

�x

de G.A/ dont tous les facteurs locaux �x , x 2 jF j, sont “de type L” relative-ment à �, on pose

L.�; �;Z/ DYx2jF j

Lx.�; �x; Zdeg.x//

qui est bien définie a priori en tant que série formelle en Z. En presque touteplace x, le facteur local �x de � est une représentation non ramifiée et on a"x.�; �x; x; Z/ D 1. Il en résulte que le produit

".�; �; ;Z/ DYx2jF j

"x.�; �x; x; Zdeg.x//

est bien défini en tant que monôme en Z.Cette théorie des facteurs L et " globaux relatifs à � s’applique en particulier

aux représentations automorphes irréductibles de G.A/ dont tous les facteurslocaux sont “de type L” relativement à �.

Le corollaire III.4 ci-dessus implique:

Corollaire III.5. Supposons que la conjecture II.7 de transfert automorphe glo-bal par � et de compatibilité avec les transferts locaux en toutes les places soitconnue.

On en déduit alors que, pour toute représentation automorphe irréductible� D N

x2jF j �x de G.A/ dont tous les facteurs locaux �x sont “de type L”relativement à �, on a:

Page 35: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 35

(i) Le produitL.�; �; q�s/ D

Yx2jF j

Lx.�; �x; q�sx /

est absolument convergent dès que la partie réelle Re .s/ de s 2 C est assezgrande.

(ii) La fonction holomorphe que ce produit définit dans sa zone de convergencese prolonge analytiquement à C tout entier. Dans le cas présent où F est uncorps de fonctions, c’est même une fraction rationnelle en q�s .

(iii) Cette fonction analytique satisfait l’équation fonctionnelle

L.�; �_; q�.1�s// D L.�; �; q�s/ � ".�; �; ; q�s/:(iv) Si de plus le facteur �x de � en au moins une place x est le produit

�x D � 0x ˝ .!x ı detG/

d’une représentation lisse admissible irréductible � 0x de G.Fx/ de ramifi-

cation bornée et d’un caractère G.Fx/detG��! F �

x

!x��! C� suffisamment

ramifié en fonction de cette borne, la fonction L globale relative à � de �

C 3 s 7�! L.�; �; q�s/n’a pas de pôle.

Le but principal de ce paragraphe est de montrer, via le corollaire III.5 ci-dessus, que la conjecture II.7 de transfert automorphe par � implique une sortede “formule de Poisson non linéaire relative à � sur G.A/” qui généralise aumoins partiellement la formule de Poisson linéaire classique de la proposi-tion III.1.

Pour cela, nous devons d’abord introduire la notion de “fonction de type Lglobal (relatif à �) surG.A/” et la -transformation de Fourier de ces fonctions.

Définition III.6. Considérant un caractère algébrique bien défini sur F

det� W G �! Gm

comme dans la définition II.15, on pose:

(i) On appelle fonction “de type L” (relatif à �) sur G.A/ toute combinaisonlinéaire de fonctions produits

h DOx2jF j

hx W G.A/ �! C

dont tous les facteurs locaux hx W G.Fx/ ! C sont “de type L” (relatif à �)sur G.Fx/ au sens de la définition II.15(i) et dont presque tous les facteurshx , x 2 jF j � S�, sont égaux à “la fonction de type L standard” de ladéfinition II.15(iii).

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36 L. Lafforgue

(ii) On appelle -transformation de Fourier relative à � l’unique opérateurlinéaire de l’espace des fonctions de type L global, qui transforme toutefonction produit élément de cet espace

h DOx2jF j

hx

en le produit des x-transformées de Fourier (relativement à �) de ses fac-teurs hx , au sens de la définition II.15(ii),

bh DOx2jF j

bhx :Remarque. Il résulte de la définition II.15 que toute fonction de type L global

h D G.A/ �! C

est invariante à gauche et à droite par un sous-groupe ouvert compact de G.A/.Sa restriction à

fg 2 G.A/ j deg.detG.g// D N gest à support compact pour tout N 2 Z, et elle est nulle si N � 0.

Enfin, la -transformée de Fourier (relative à �) bh de h est elle-même detype L global. �

D’après cette remarque, les sommesP�2G.F / h.�/ et

P�2G.F /bh.�/ asso-

ciées à toute fonction de type L global sur G.A/ sont finies. Dans le but de lesrelier, nous avons besoin de rappeler l’expression spectrale de la sommeX

�2G.F /h.�/

qu’implique, pour toute fonction localement constante à support compact h WG.A/ ! C, le théorème de décomposition spectrale de Langlands.

Le groupe réductif quasi-déployé G est muni d’une paire de Borel .T; B/bien définie sur F . Un sous-groupe parabolique P de G défini sur F est dit“standard” s’il contient B; il possède un unique sous-groupe de LevyM D MP

contenant T . Les sous-groupes de LevyM T obtenus de cette façon sont dits“standard”; chacun est le sous-groupe de Levy MP d’un unique sous-groupeparabolique standard P D PM .

La décomposition spectrale de Langlands sur G.F /nG.A/ est paramétréepar les “paires discrètes” .M; �/ constituées de

� un sous-groupe de Levy standard M ,

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 37

� une représentation automorphe irréductible unitaire “discrète” � de M.A/,c’est-à-dire une représentation lisse admissible irréductible deM.A/ dont lecaractère central

�� W ZM .A/ �! C�

est unitaire, et qui apparaît comme facteur direct de l’espace de Hilbert

L2��.M.F /nM.A//

des fonctions' W M.A/ �! C

invariantes à gauche par le sous-groupe discret M.F / et qui vérifient

'.g/ D ��./ � '.g/; 8 2 ZM .A/; 8g 2 M.A/;ZM.F /�ZM .A/nM.A/

dg � j'.g/j2 < C1:

Pour une telle paire discrète .M; �/, la représentation � apparaît avec unemultiplicité finie dans l’espaceL2��

.M.F /nM.A//. On noteL2�.M.F /nM.A//le sous-espace correspondant.

Si P D PM est le sous-groupe parabolique standard associé à M , si

ıP W P �! P=NP Š MP D M �! Gm

désigne le caractère modulaire par lequel P ou M agissent sur la puissanceextérieure maximale de l’espace Lie.NP /, et si K D Q

x2jF jKx est un sous-groupe ouvert compact de G.A/, on note encore

L2�.M.F / �NP .A/nG.A/=K/l’espace des fonctions de carré intégrable

' W M.F / �NP .A/nG.A/=K �! C

telles que, pour tout g 2 G.A/, la fonction induite

M.F /nM.A/ 3 m 7�! jıP .m/j� 12 � '.mg/

soit élément de l’espace L2�.M.F /nM.A//.Cet espace

L2�.M.F / �NP .A/nG.A/=K/est nécessairement de dimension finie. On peut le munir d’une base orthonorméeBK.M; �/.

Pour tout sous-groupe de Levy standard M , on note ƒM le réseau des car-actères algébriques bien définis sur F

M �! Gm;

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38 L. Lafforgue

ƒ_M son réseau dual et bƒM le tore complexe dont le réseau des caractères est

égal à ƒ_M .

Il existe un unique homomorphisme

degM W M.A/ �! ƒ_M

tel que, pour tout élément � W M ! Gm de ƒM , on ait

h�; degM .m/i D deg.�.m//; 8m 2 M.A/:L’image de degM est d’indice fini dansƒ_

M et son noyau contient le sous-groupediscret M.F / de M.A/.

On note Im bƒM le plus grand sous-tore réel compact de bƒM . Il est constituédes éléments z 2 bƒM qui sont unitaires au sens que

j.z/j D 1; 8 2 ƒ_M :

En toute place x 2 jF j où G est non ramifié, notons

K0x D G.Ox/:

En les places x où G est ramifié, choisissons un sous-groupe ouvert compactK0x de G.Fx/ tel que

G.Fx/ D B.Fx/ �K0x ;puis notons K0 D Q

x2jF jK0x .Tout élément z 2 bƒM définit un caractère composé

M.A/degM���!ƒ_

M

z�! C�

invariant à la fois par le sous-groupe discret M.F / et par n’importe quel sous-groupe ouvert compact de M.A/.

CommeG.A/ D B.A/�K0 D PM .A/�K0, il se prolonge de manière uniqueen une fonction

NPM.A/nG.A/=K0 �! C

que l’on notera encore z. Cette fonction est invariante à gauche par M.F /.Si .M; �/ est une paire discrète, on note

�z

les représentations obtenues comme produit tensoriel de � et d’un caractèrez 2 bƒM . Les .M; �z/ sont encore des paires discrètes et, si K est un sous-groupe ouvert de K0, chaque

' 7�! z � '

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 39

définit un isomorphisme d’espaces vectoriels

L2�.M.F / �NPM.A/nG.A/=K/ ��! L2�z

.M.F / �NPM.A/nG.A/=K/:

Si � est unitaire, �z est unitaire si et seulement si z est élément de Im bƒM .On note Œ�� la variété complexe des représentations de la forme �z et, si � estunitaire, on note Im Œ�� la sous-variété réelle compacte de Œ�� constituée desreprésentations unitaires.

Deux paires discrètes .M; �/ et .M 0; � 0/ sont dites “équivalentes” si ellessont transformées l’une dans l’autre par un élément du groupe de Weyl F -rationnel SF

G de G.Elles sont dites “faiblement équivalentes” s’il existe z 2 bƒM tel que les

paires discrètes .M; �z/ et .M 0; � 0/ soient équivalentes.Pour toute paire discrète .M; �/, on note

Fixe .M; �/

le groupe fini des paires .�; z/ 2 SFG � bƒM telles que

w �M � w�1 D M et �z Š w.�/:

Rappelons enfin la construction des séries d’Eisenstein.Si M est un sous-groupe de Levy standard de G, notons �_

B;M l’ensembledes éléments non nuls deƒ_

M , c’est-à-dire des formes linéaires non triviales surƒM � XT , qui sont induites par une coracine simple ˛_ 2 �_

B .Pour toute paire discrète .M; �/, tout sous-groupe ouvert K de K0, toute

fonction' 2 L2�.M.F / �NPM

.A/nG.A/=K/et tout élément g 2 G.A/, la sérieX

�2PM .F /nG.F /.z � '/.�g/

converge absolument pour tout élément z 2 bƒM tel que les modules

j˛_.z/j; ˛_ 2 �_B;M ;

soient assez grands (indépendamment de g).Elle converge vers une limite

E.z � '/.g/qui est une fraction rationnelle en z 2 bƒM , appelée série d’Eisenstein, que l’onpeut aussi noter

E�z.'/.g/:

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40 L. Lafforgue

Ces fractions rationnelles sur Œ�� peuvent s’écrire comme le quotient de deuxpolynômes dont le second, le dénominateur, ne dépend pas de g 2 G.A/ et nes’annule pas sur la sous-variété réelle Im Œ�� de Œ�� constituée des représenta-tions unitaires ni, plus généralement, en les représentations de la forme

� 0 ˝ jdetG. � /js; � 0 2 Im Œ��; s 2 C:

Nous avons maintenant rappelé tous les ingrédients nécessaires à l’énoncésuivant (équivalent à celui du paragraphe VI.2.1, page 264, de [Mœglin, Wald-spurger]) du théorème de décomposition spectrale de Langlands:

Théorème III.7. Soit un sous-groupe ouvert K D Qx2jF jKx du sous-groupe

ouvert compact K0 D Qx2jF jK0x de G.A/.

Alors les paires discrètes .M; �/ telles que l’espace

L2�.M.F / �NPM.A/nG.A/=K/

ne soit pas nul forment un ensemble fini de classes d’équivalence faible, et onpeut choisir un ensemble fini de paires discrètes unitaires .M; �0/ qui représen-tent ces classes.

Pour toute fonction à support compact

h W G.A/ �! C

invariante à gauche et à droite par K, et pour tous éléments g1; g2 2 G.A/, ona X

�2G.F /h.g�1

1 �g2/

DX.M;�0/

1

jFixe .M; �0/j

�X

'2BK.M;�0/

ZIm Œ�0�

d� � .h �E�.'//.g2/ �E�_.'/.g1/

où d� désigne la mesure de volume 1 sur chaque Im Œ�0� qui est invariante parle tore réel compact Im bƒM .

Remarque. Plus synthétiquement, la sommeX�2G.F /

h.g�11 �g2/

a la forme X.M;�0/

ZIm Œ�0�

d� � h�.g1; g2/

Page 41: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 41

où chaque .g1; g2/ 7! h�.g1; g2/ est une somme de produits de séries d’Eisen-stein des représentations automorphes �_ et � , et chaque � 7! h�.g1; g2/ estune fraction rationnelle, quotient de deux polynômes dont le second ne dépendpas de g1 et g2 et ne s’annule pas en les représentations de la forme

� 0 ˝ jdetG. � /js; � 0 2 Im Œ�0�; s 2 C: �

Si h W G.A/ ! C est une fonction de type L global (relatif à �) au sens dela définition III.6, la somme finie X

�2G.F /h.�/

ne change pas si l’on multiplie la fonction h par le caractère jdetG. � /js pourn’importe quel s 2 C.

Pour toute famille d’entiers presque nulle .Nx 2 Z/x2jF j, la restriction dela fonction h � jdetG. � /js à

fg 2 G.A/ j vx.detG.g// D Nx; 8x 2 jF jgest à support compact, et on peut lui appliquer le théorème III.7 ci-dessus. Enfaisant la somme sur toutes les familles presque nulles d’entiers .Nx/x2jF j, onobtient différentes séries, qui sont toutes convergentes si Re .s/ est assez grande.En mettant en facteurs les dénominateurs L.�; �_; q� 1

2�s/ dans les décompo-

sitions spectrales obtenues, on démontre ainsi:

Corollaire III.8. Soit une fonction de type L global (relatif à �)

h W G.A/ �! C

qui est invariante à gauche et à droite par un sous-groupe ouvert K DQx2jF jKx de K0 D Q

x2jF jK0x .Faisant décrire à .M; �0/ l’ensemble fini de représentants associé àK dans

le théorème III.7, on a:

(i) Pour tous g1; g2 2 G.A/, la somme

jdetG.g�11 g2/j 1

2 � jdet�.g�11 g2/j 1

2 �X

�2G.F /h.g�1

1 �g2/

s’écrit, pour n’importe quel s 2 C de partie réelle Re .s/ assez grande,X.M;�0/

ZIm Œ�0�

d� � L.�; �_; q� 12

�s/ � h�˝j detG. � /j�s .g1; g2/

Page 42: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

42 L. Lafforgue

� chaque .g1; g2/ 7! h�.g1; g2/ est une somme de produits de sériesd’Eisenstein des représentations automorphes �_ et � ,

� chaque � 7! h�.g1; g2/ est une fraction rationnelle, quotient de deuxpolynômes dont le second ne dépend pas de g1 et g2 et ne s’annule pasen les représentations de la forme

� 0 ˝ jdetG. � /j; � 0 2 Im Œ�0�; s 2 C:

(ii) De même, pour tous g1; g2 2 G.A/, la somme

jdetG.g�12 g1/j 1

2 � jdet�.g�12 g1/j 1

2 �X

�2G.F /bh.g�1

2 �g1/

s’écrit, pour n’importe quel s 2 C de partie réelle Re .s/ assez petiteX.M;�0/

ZIm Œ�0�

d� � L.�; �; q� 12

Cs/ �bh�_˝j detG. � /js .g2; g1/

où� chaque .g2; g1/ 7! bh�_.g2; g1/ est une somme de produits de séries

d’Eisenstein des représentations automorphes � et �_,� chaque � 7! bh�_.g2; g1/ est une fraction rationnelle, quotient de deux

polynômes dont le second ne dépend pas de g1 et g2 et ne s’annule pasen les représentations de la forme

� 0 ˝ jdetG. � /j; � 0 2 Im Œ�0�; s 2 C:

Remarque. Il résulte de la définition de la -transformation de Fourier relativeà � que, pour tous g1; g2 2 G.A/ et tout représentant .M; �0/, les fractionsrationnelles sur Œ�0�

� 7�! h�.g1; g2/

et� 7�! bh�_.g2; g1/

sont reliées par la formule

bh�_.g2; g1/ D h�.g1; g2/ � ".�; �; ; q� 12 /:

Les dénominateursL.�; �_; q� 12 / etL.�; �; q� 1

2 / n’apparaissent pas dans cetteéquation puisqu’ils ont été mis en facteurs dans les décompositions spectralesde (i) et (ii). �

On déduit du corollaire III.8 ci-dessus, de la remarque qui le suit et du corol-laire III.5, la forme faible suivante de formule de Poisson non linéaire relative à�:

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 43

Proposition III.9. Supposons que la conjecture II.7 de transfert automorpheglobal par � et de compatibilité avec les transferts locaux en toutes les placessoit connue.

On en déduit alors que, pour toute fonction de type L global (relatif à �)

h W G.A/ �! C

et sa -transformée de Fourier relative à �

bh W G.A/ �! C;

on a:(i) Avec les notations du corollaire III.8(i), la somme

jdetG.g�11 g2/j 1

2 � jdet�.g�11 g2/j 1

2 �X

�2G.F /h.g�1

1 �g2/

s’écrit X.M;�0/

ZIm Œ�0�

d� � L.�; �_; q� 12

�s/ � h�˝j detG. � /j�s .g1; g2/

pour n’importe quel s 2 C de partie réelle Re .s/ � 0, tandis que la somme

jdetG.g�12 g1/j 1

2 � jdet�.g�12 g1/j 1

2 �X

�2G.F /bh.g�1

2 �g1/

s’écrit X.M;�0/

ZIm Œ�0�

d� � L.�; �_; q� 12

�s/ � h�˝j detG. � /j�s .g1; g2/

pour n’importe quel s 2 C de partie réelle Re .s/ � 0.Autrement dit, on passe de l’une à l’autre somme par un simple déplace-ment de contours d’intégration, et leur différence est une somme de résiduscalculés le long des pôles des fonctions

.�; s/ 7�! L.�; �_; q� 12

�s/:(ii) Supposons en outre que, en au moins une place x, la fonction h ait un facteur

local hx qui s’écrive comme le produit

hx D h0x � !x ı detG. � /

d’une fonction h0x W G.Fx/ ! C de ramification bornée et d’un caractère

G.Fx/detG��! F �

x

!x��! C� suffisamment ramifié en fonction de cette borne.

Alors les deux sommes de (i) sont égales, avec en particulierX�2G.F /

h.�/ DX

�2G.F /bh.�/:

Page 44: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

44 L. Lafforgue

Remarque. La formule de (ii), qui s’applique aux fonctions de type L globalsuffisamment ramifiées en au moins une place, sera appelée “formule de Poissonsans terme de bord” (relative à � sur G.A/). �

IV. Formules de Poisson non linéaires et noyaux du transfert automorphe

On considère toujours le groupe réductif quasi-déployé G sur F muni de lareprésentation de transfert � W bG Ì �F ! GLr.C/ et, pour tout degré r 0 2,le groupe croisé associé Gr 0 muni de la représentation de transfert croisée �r 0 WbGr 0 Ì �F ! GLrr 0.C/.

Le but du présent paragraphe est de montrer, en sens inverse du paragrapheprécédent, que la “formule de Poisson sans terme de bord relative à �r�1 surGr�1.A/” permet de construire, pour toute partie non vide S de jF j contenantS�, suffisamment de “S-noyaux du transfert” pour en déduire le transfert auto-morphe global par � de G à GLr .

On reprend donc la construction de S-noyaux du transfert par � là où nousl’avions laissée aux paragraphes I et II.

On est parti d’une famille de “noyaux locaux du transfert non ramifié par �”en les places x 2 jF j � S ,

KG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C;

complétée en les places x 2 S par une famille de fonctions

KG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C

astreintes à certaines conditions automatiquement vérifiées en les places x 2jF j � S : En toute place x 2 jF j, KG;� x

est de .r/-type de Whittaker en lavariable g0 2 GLr.Fx/, elle est à supports compacts en la variable g 2 G.Fx/,et elle satisfait l’équation

KG;� x

.g; zg0/ D KG;� x

.G.z/g; g0/ � !�.z/; 8z 2 F �

x :

Le produit Yx2jF j

KG;� x

W G.A/ � GLr.A/ �! C

est donc de .r/-type de Whittaker en la variable g0 2 GLr.A/, il est à supportscompacts en la variable g 2 G.A/, et il satisfait l’équation� Y

x2jF jKG;� x

�.g; zg0/ D

� Yx2jF j

KG;� x

�.G.z/g; g

0/ � !�.z/; 8z 2 A�:

Page 45: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 45

On a posé pour tous g1; g2 2 G.A/ et g 2 GLr.A/

W

.r/K.g1; g2; g/ D

X�2G.A/

� Yx2jF j

KG;� x

�.g�11 �g2; g/;

KG;� .g1; g2; g/ D

Xı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

W

.r/K.g1; g2; ıg/;

eKG;� .g1; g2; g/ DX

ı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

W

.r/K.g1; g2; ˛rıg/:

Les fonctions KG;� et eKG;� sur .G �G � GLr/.A/ sont respectivement invari-antes à gauche par les sous-groupes discrets .G � G � Qr/.F / et .G � G �Q

opr /.F /.Afin de les comparer, on a introduit une fonction test localement constante à

support compact arbitraire

h DOx2jF j

hx W GLr�1.A/ �! C;

et formé les produits scalaires

KG;�;h .g1; g2; g/ D

ZGLr�1.A/

dg0 �KG;� .g1; g2; g0g/ � h.g0/;

eKG;�;h .g1; g2; g/ DZ

GLr�1.A/

dg0 � eKG;� .g1; g2; g0g/ � h.g0/:

Ceux-ci s’écrivent

KG;�;h .g1; g2; g/ D

X�2G.F /

Xı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

WG;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/;

eKG;�;h .g1; g2; g/ DX

�2G.F /

Xı2GLr�1.F /=Nr�1.F /

eW G;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/

WG;�;h ;g1;g2;g

DOx2jF j

WG;�;hx

x ;g1;g2;gW .G � GLr�1/.A/ �! C;

eW G;�;h ;g1;g2;g

DOx2jF j

eW G;�;hx

x ;g1;g2;gW .G � GLr�1/.A/ �! C

sont deux fonctions produits dont les facteurs locauxW G;�;hx

x ;g1;g2;get eW G;�;hx

x ;g1;g2;g

en les places x 2 jF j � S � jF j � S� sont analysés spectralement dans lesthéorèmes II.2 et II.4.

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46 L. Lafforgue

Afin de reformuler le lien entre fonctions W G;�;hx

x ;g1;g2;get eW G;�;hx

x ;g1;g2;gque

ces théorèmes établissent en toutes les places x 2 jF j �S , on pose la définitionsuivante:

Définition IV.1. Considérons un degré arbitraire r 0 2.Une fonction locale en une place x 2 jF j Œresp. globale�

Wx W Gr 0.Fx/ �! C Œresp. W W Gr 0.A/ �! C�

qui est de .r 0/-type de Whittaker, sera dite “de type L local sur Gr 0.Fx/ Œresp.global sur Gr 0.A/� relativement à �r 0” s’il existe une fonction “de type L localŒresp. global� relatif à �” au sens de la définition II.15(i) Œresp. III.6(i)�

Hx W Gr 0.Fx/ �! C Œresp. H W Gr 0.A/ �! C�

telle que

Wx D W

.r 0/Hx D

h.g; g0/ 7�!

ZNr0 .Fx/

du0 � �1r 0 .u

0/ �Hx.g; u0g0/i

Œresp. W D W

.r 0/H D

h.g; g0/ 7�!

ZNr0 .A/

du0 � �1r 0 .u

0/ �H.g; u0g0/i�:

On appelle alors x-transformée de Fourier deWx Œresp. -transformée deFourier de W � relativement à � la fonction

bWx W .g; g0/ 7�!ZNr0 .Fx/

du0x � �1

.r 0/.u0x/ � bHx.g; g0u0�1

x /

Œresp. bW W .g; g0/ 7�!ZNr0 .A/

du0 � �1.r 0/.u

0/ � bH.g; g0u0�1/�:

Elle ne dépend pas du choix du relèvement Hx Œresp. H� de Wx Œresp. W �.

Remarque. En toute place x 2 jF j � S�, on appelle “fonction de .r 0/-type deWhittaker de type L standard” (relatif à �) le .r 0/-coefficient unipotent

Wx D W

.r 0/Hx

de la “fonction de type L standard” (relatif à �)

Hx W Gr 0.Fx/ �! C

au sens de la définition II.15(iii).Une fonction produit de .r 0/-type de Whittaker

W DOx2jF j

Wx W Gr 0.A/ �! C

est de type L global relatif à � lorsque tous ses facteurs Wx , x 2 jF j, sont detype L local relatif à � et que presque tous sont la fonction standard. �

Page 47: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 47

On déduit immédiatement de cette définition:

Lemme IV.2. Étant donné un degré r 0 2, supposons que la “formule de Pois-son sans terme de bord relative à �r 0 sur Gr 0.A/” est connue.

Cela signifie que pour toute fonction produit de type L global relatif à �r 0

H DOx2jF j

Hx W Gr 0.A/ �! C

dont un facteur local Hx au moins est le produit

Gr 0.Fx/ 3 .g; g0/ 7�! Hx.g; g0/ D H 0

x.g; g0/ � !x.detG.g//

d’une fonction H 0x W Gr 0.Fx/ ! C de ramification bornée et d’un caractère

!xıdetG D !xıdet suffisamment ramifié en fonction de cette borne, on connaîtla formule X

.�;� 0/2Gr0 .F /

H.�; � 0/ DX

.�;� 0/2Gr0 .F /

bH.�; � 0/:

Alors, pour toute fonction produit de type de Whittaker de type L globalrelatif à �r 0

W DOx2jF j

Wx W Gr 0.A/ �! C

dont un facteur local Wx au moins est le produit

Wx D W 0x � !x ı detG

d’une fonction W 0x W Gr 0.Fx/ ! C de ramification bornée et d’un caractère

!xıdetG D !xıdet suffisamment ramifié en fonction de cette borne, on connaîtla formule X

.�;� 0/2Nr0 .F /nGr0 .F /

W.�; � 0/ DX

.�;� 0/2Gr0 .F /=Nr0 .F /

bW .�; � 0/:

Revenant aux noyaux locaux du transfert non ramifié par � en les placesx 2 jF j � S � jF j � S�

KG;� x

W G.Ox/nG.Fx/=G.Ox/ � GLr.Fx/=GLr.Ox/ �! C;

et aux fonctionsW G;�;hx

x ;g1;g2;g, eW G;�;hx

x ;g1;g2;gsurG.Fx/�GLr�1.Fx/Gr�1.Fx/

qui s’en déduisent par intégration contre des fonctions tests arbitraires hx WGLr�1.Fx/ ! C, les théorèmes II.2 et II.4 impliquent:

Page 48: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

48 L. Lafforgue

Théorème IV.3. Modulo multiplication par le caractère .m;m0/ 7!j detG.m/j�

12

x � j det�.m/j�12

x � j det.m0/j�r�2

2x , la restriction à

Gr�1.Fx/ � G.Fx/ � GLr�1.Fx/

de la fonction de .r�1/-type de Whittaker

WG;�;hx

x ;g1;g2;gW .G � GLr�1/.Fx/ �! C

est “de type L local relatif à �r�1” en toute place x 2 jF j � S � jF j � S�, etelle se confond avec la fonction standard en presque toute telle place.

De plus, sa x-transformée de Fourier relative à �r�1 n’est autre que larestriction à

Gr�1.Fx/ � G.Fx/ � GLr�1.Fx/;

multipliée par le même caractère j detG. � /j�12

x � j det�. � /j�12

x � j det. � /j�r�2

2x , de

la fonction

G.Fx/ � GLr�1.Fx/ 3 .m;m0/ 7�! eW G;�;hx

x ;g1;g2;g.m; .�1/r�1m0/

en toute place x 2 jF j � S � jF j � S�.

Considérons maintenant les places x 2 S .Jusqu’à présent, on n’a demandé aux fonctions de .r/-type de Whittaker

KG;� x

W G.Fx/�GLr.Fx/ ! C en ces places x 2 S que de satisfaire l’équation

KG;� x

.g; zg0/ D KG;� x

.G.z/g; g0/ � !�.z/; 8z 2 F �

x :

Autrement dit, la décomposition spectrale de ces fonctions KG;� xne doit faire

apparaître que des paires .�x; � 0x/ de représentations lisses admissibles irré-

ductibles unitaires de G.Fx/ et GLr.Fx/ telles que

�� 0x

D ��x� !�:

Un lemme inspiré de [Cogdell, Piatetski-Shapiro] permet d’imposer aux fonc-tions KG;� x

des conditions supplémentaires qui seront suffisantes pour étendrepartiellement la conclusion du théorème IV.3 ci-dessus aux places x 2 S :

Lemme IV.4. En une place x 2 S , considérons l’ensemble f.�x; � 0x/g des

paires de représentations lisses admissibles irréductibles unitaires de G.Fx/et GLr.Fx/ qui vérifient

�� 0x

D ��x� !�

et dont la ramification n’excède pas une borne donnée.Soit !x W F �

x ! C� un caractère unitaire suffisamment ramifié pour que

tout élément .�x; � 0x/ de l’ensemble f.�x; � 0

x/g vérifie les conditions suivantes:

Page 49: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 49

� D’une part, la représentation � 0x˝ .!x ıdet/ D � 0

x!x de GLr.Fx/ satisfaitla double conclusion de la proposition II.13

Lx.�0x!x; Z/ D 1;

"x.�0x!x; x; Z/ D "x.�� 0

x!x; x; Z/ � "x.!x; x; Z/r�1:

� D’autre part, pour toute représentation non ramifiée irréductible z deGLr�1.Fx/ de valeurs propres de Hecke z1; : : : ; zr�1, la représentation.�x � z/ ˝ .!x ı detG/ D .�x � z/ ˝ .!x ı det/ D .�x � z/ � !x deGr�1.Fx/ satisfait la conclusion du corollaire II.14, au sens qu’elle est “detype L” relativement à �r�1 avec

Lx.�r�1; .�x � z/ � !x; Z/ D 1;

"x.�r�1; .�x � z/ � !x; x; 1/D

Y1�j�r�1

"x.��x!�!x; x; zjZ/ � "x.!x; x; zjZ/r�1:

Alors, si Nx 2 N est un entier assez grand en fonction de l’ensemble f.�x;� 0x/g et du caractère très ramifié !x W F �

x ! C�, il est possible de construire

une fonction de .r/-type de Whittaker

KG;� x

W G.Fx/ � GLr�1.Fx/ �! C

telle que:

� KG;� x.g; zg0/ D K

G;� x

.G.z/g; g0/; 8z 2 F �

x ,

� chaque KG;� x. � ; g0/, g0 2 GLr.Fx/, est à support compact dans G.Fx/,

� en la première variable g 2 G.Fx/,KG;� xest invariante à gauche et à droite

par un certain sous-groupe ouvert compact de G.Fx/,� en la seconde variable g0 2 GLr.Fx/, K

G;� x

est invariante à droite par lesous-groupe ouvert compact

GLr.Ox/Nx� GLr.Ox/ � GLr.Fx/

des matrices entières inversibles dont la réduction modulo $Nxx a la forme

0BB@

� � � � � �:::

::::::

� � � � � �0 � � � 0 1

1CCA ;

Page 50: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

50 L. Lafforgue

� la décomposition spectrale de KG;� xne fait apparaître que des paires de

représentations lisses admissibles irréductibles de G.Fx/ et GLr.Fx/ de laforme

.�x!x; �0x!x/ avec .�x; �

0x/ 2 f.�x; � 0

x/g;et la composante deKG;� x

dans l’espace propre associé à toute première pro-jection �x!x d’une telle paire ne s’annule pas uniformément sur G.Fx/ �GLr.Fx/Nx

.

Remarque. Le sous-groupe ouvert compact GLr.Ox/Nxde GLr.Fx/ introduit

ci-dessus contient comme sous-groupe GLr�1.Ox/. �L’équation fonctionnelle locale de Jacquet, Piatetski-Shapiro et Shalika per-

met de compléter le théorème IV.3 ci-dessus de la manière suivante:

Théorème IV.5. En n’importe quelle place x 2 S , supposons que la fonction

KG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C

satisfait toutes les conditions du lemme IV.4 ci-dessus relativement à la familledonnée f.�x; � 0

x/g, à un caractère unitaire !x W F �x ! C

� assez ramifié enfonction de cette famille, et à un entier Nx 2 N assez grand en fonction de cettefamille et de !x .

Soit une fonction test localement constante à support compact

hx W GLr�1.Fx/ �! C

qui est sphérique ou, plus généralement, dont la décomposition spectrale ne faitapparaître que des représentations non ramifiées z.

Alors, modulo multiplication par le caractère

.m;m0/ 7�! jdetG.m/j�12

x � jdet�.m/j�12

x � j det.m0/j�r�2

2x ;

la restriction à Gr�1.Fx/ de la fonction de .r�1/-type de Whittaker

WG;�;hx

x ;g1;g2;gW .G � GLr�1/.Fx/ �! C

est “de type L local relatif à �r�1”, et sa x-transformée de Fourier relative à�r�1 n’est autre que la restriction à Gr�1.Fx/ de la fonction

G.Fx/ � GLr�1.Fx/ 3 .m;m0/ 7�! eW G;�;hx

x ;g1;g2;g.m; .�1/r�1m0/;

multipliée par le même caractère jdetG. � /j�12

x � jdet�. � /j�12

x � j det. � /j�r�2

2x .

De plus, sa décomposition spectrale ne fait apparaître que des représenta-tions lisses admissibles irréductibles unitaires de Gr�1.Fx/ de la forme

.�x � z/ � !x;où �x est la première projection d’un élément .�x; � 0

x/ de l’ensemble f.�x;� 0x/g et z est une représentation non ramifiée de GLr�1.Fx/.

Page 51: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 51

Si la partie finie S S� de jF j n’est pas vide et que les fonctions KG;� xW

G.Fx/ � GLr.Fx/ ! C, x 2 S , satisfont les propriétés du lemme IV.4, toutesles conditions nécessaires pour appliquer la “formule de Poisson sans termede bord” relative à �r�1 sur Gr�1.A/ sont satisfaites. On obtient d’après lelemme IV.2:

Corollaire IV.6. Supposons que la “formule de Poisson sans terme de bord rel-ative à �r�1 sur Gr�1.A/” est connue.

Étant donnée une partie finie non vide S de jF j qui contient S�, complétonsla famille de noyaux du transfert non ramifié par � en les places x 2 jF j � S

KG;� x

W G.Ox/nG.Fx/=G.Ox/ � GLr.Fx/=GLr.Ox/ �! C;

par une famille de fonctions en les places x 2 SKG;� x

W G.Fx/ � GLr.Fx/=GLr.Ox/Nx�! C

qui satisfont les conditions du lemme IV.4.Soient des éléments g1; g2 2 G.A/ et g 2 GLr.A/.Soit enfin une fonction test localement constante à support compact

h DOx2jF j

hx W GLr�1.A/ �! C

dont les facteurs hx en les places x 2 S sont sphériques ou, plus généralement,ne font apparaître dans leur décomposition spectrale que des représentationsnon ramifiées.

Alors on a X.�;ı/2Nr�1.F /nGr�1.F /

WG;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/

DX

.�;ı/2Gr�1.F /=Nr�1.F /

eW G;�;h ;g1;g2;g

.�; .�1/r�1ı/:

Remarque. La conclusion du corollaire s’applique également aux translatées àgauche ı

0

0h de h par tous les éléments ı00 2 GLr�1.F /.

En faisant la somme sur toutes les classes ı00 2 GLr�1.F /=SLr�1.F /, on

obtient X�2G.F /

Xı2Nr�1.F /nGLr�1.F /

WG;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/

DX

�2G.F /

Xı2GLr�1.F /=Nr�1.F /

eW G;�;h ;g1;g2;g

.�; ı/: �

Page 52: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

52 L. Lafforgue

De la remarque qui suit ce corollaire, combinée avec le lemme II.1, on dé-duit:

Corollaire IV.7. Étant donnée une partie finie non vide S de jF j contenant S�,considérons une famille de fonctions

KG;� x

W .G � GLr/.Fx/ �! C; x 2 jF j;qui sont des noyaux locaux du transfert non ramifié par � en les places x 2jF j � S , et satisfont les conditions du lemme IV.4 en les places x 2 S .

Alors:

(i) Pour tous éléments g1; g2 2 G.A/, g 2 GLr.A/, et pour toute fonction testlocalement constante à support compact

h DOx2jF j

hx W GLr�1.A/ �! C

qui est invariante à gauche et à droite par GLr�1.Ox/ en toute place x 2 S ,le produit scalaire

KG;�;h .g1; g2; g/ D

ZGLr�1.A/

dg0 �KG;� .g1; g2; g0g/ � h.g0/

est égal au produit scalaire

eKG;�;h .g1; g2; g/ DZ

GLr�1.A/

dg0 � eKG;� .g1; g2; g0g/ � h.g0/:

(ii) Si GLr.A/NSdésigne le sous-groupe ouvert de GLr.A/ image réciproque

du sous-groupe ouvertYx2S

GLr.Ox/Nx�

Yx2S

GLr.Fx/;

les fonctionsKG;� et eKG;� ont même restriction àG.A/�G.A/�GLr.A/NS.

(iii) La restriction commune de KG;� et eKG;� à G.A/ �G.A/ � GLr.A/NSest

invariante à gauche par le sous-groupe discret

G.F / �G.F / � GLr.F /NS

si l’on note GLr.F /NSD GLr.F / \ GLr.A/NS

.

Page 53: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 53

Démonstration. (ii) résulte de (i) puisque, pour tous éléments g1; g2 2 G.A/ etg 2 GLr.A/NS

, les fonctions

GLr�1.A/ 3 g0 7�!KG;� .g1; g2; g

0g/

et g0 7�! eKG;� .g1; g2; g0g/

sont invariantes à droite parQx2S GLr�1.Ox/.

(iii) Par construction, KG;� est invariante à gauche par G.F / � G.F / �Qr.F / et eKG;� est invariante à gauche par G.F / �G.F / �Qop

r .F /. �La conclusion résulte du lemme suivant tiré de [Cogdell, Piatetski-Shapiro]

(proposition 9.1):

Lemme IV.8. Le sous-groupe discret

GLr.F /NSD GLr.F / \ GLr.A/NS

de GLr.A/NSest engendré par ses sous-groupes

Qr.F /NSD Qr.F / \ GLr.A/NS

etQ

opr .F /NS

D Qopr .F / \ GLr.A/NS

:

De plus, on a:

Lemme IV.9. Le sous-groupe GLr.F / est dense dans le produit finiQx2S GLr.Fx/.Par conséquent, l’image réciproque GLr.A/NS

dans GLr.A/ dusous-groupe ouvert

Qx2S GLr.Ox/Nx

deQx2S GLr.Fx/ vérifie

GLr.A/ D GLr.F / � GLr.A/NS;

et l’inclusionGLr.A/NS

� GLr.A/

définit un isomorphisme

GLr.F /NSnGLr.A/NS

��! GLr.F /nGLr.A/:

Cet isomorphisme est compatible avec les actions à droite des GLr.Fx/ entoutes les places x 2 jF j � S , et avec celles des sous-groupes GLr.Ox/Nx

enles places x 2 S .

On déduit de ce lemme et du corollaire IV.7:

Page 54: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

54 L. Lafforgue

Corollaire IV.10. Dans les conditions du corollaire IV.7, la restriction com-mune à G.A/ � G.A/ � GLr.A/NS

des fonctions KG;� et eKG;� peut être vuecomme une fonction

K W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C:

Cette fonction est un “S-noyau du transfert automorphe par �” au sens dela définition I.3.

De plus, on a pour tous éléments g1; g2 2 G.A/ et g 2 GLr.A/NSla

formule

W

.r/K.g1; g2; g/ D

X�2G.F /

� Yx2jF j

KG;� x

�.g�11 �g2; g/:

Démonstration. La dernière formule résulte de ce qu’il est possible de relever lequotient compact

Nr.F /nNr.A/en une partie compacte de Nr.A/ dont la projection dans

Qx2S Nr.Fx/ est

contenue dansQx2S GLr.Ox/Nx

. �On a enfin:

Théorème IV.11. Supposons toujours que la “formule de Poisson sans termede bord relative à �r�1 sur Gr�1.A/” est connue.

Alors la construction des corollaires IV.7 et IV.10 ci-dessus fournit suffisam-ment de “S-noyaux du transfert automorphe par �”

K W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

pour réaliser le transfert automorphe global de G à GLr par �.

Démonstration. Considérons une représentation automorphe irréductible � DNx2jF j �x de G.A/ et une partie finie non vide S de jF j contenant S� et les

places x où �x est ramifiée.Il existe des caractères automorphes unitaires

! DOx2jF j

!x W A�=F � �! C�

qui sont non ramifiés en les places x 2 jF j �S et arbitrairement ramifiés en lesplaces x 2 S .

Si les facteurs !x W F �x ! C

�, x 2 S , sont suffisamment ramifiés, on peutréaliser les conditions du lemme IV.4 de telle façon que la composante dansl’espace propre de � ˝ ! de la fonction

.g1; g2; g/ 7�!X

�2G.F /

� Yx2jF j

KG;� x

�.g�11 �g2; g/

Page 55: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 55

ne s’annule par uniformément sur GLr.A/NS.

On conclut d’après le corollaire IV.10. �

V. Nouvelle construction de la fonctionnelle de Poisson linéaire etgénéralisation non linéaire conjecturale

Il est intéressant de chercher à raffiner la construction du paragraphe précédentet à définir des termes complémentaires “non cuspidaux”

KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

et eKG;� W .G �G �Qopr /.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

permettant de réaliser l’égalité

KG;� CK

G;� D eKG;� C eKG;�

sur .G � G � GLr/.A/ tout entier, et donc de définir directement un noyauautomorphe

.G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

comme prévu dans la conjecture I.11.On doit impérativement trouver un tel raffinement si l’on cherche à constru-

ire des noyaux du transfert global par � qui soient compatibles avec le transfertlocal en toute place x 2 jF j sans exception. On part alors d’une famille defonctions locales de .r/-type de Whittaker

KG;� W G.Fx/ � GLr.Fx/ �! C

qui sont des “noyaux locaux” du transfert par � en toute place x 2 jF j: cela sig-nifie que leur décomposition spectrale ne fait apparaître que des paires .�x; � 0

x/

de représentations lisses admissibles irréductibles unitaires de G.Fx/ etGLr.Fx/ telles que � 0

x soit le transfert local de �x par � en un sens déjà connusans ambiguïté.

Afin de réaliser ce programme, on a besoin d’une “formule de Poisson nonlinéaire avec termes de bord” relative à � (ou �r 0 , r 0 2) qui s’applique à toutesles fonctions “de type L global” sur G.A/ (ou Gr 0.A/). Autrement dit, on abesoin de définir sur l’espace des fonctions de type L global une fonctionnellelinéaire, complémentaire de l’évaluation

h 7�!X

�2G.F /h.�/;

Page 56: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

56 L. Lafforgue

telle que leur somme, notée par convention

h 7�! “X

�2G.F /h.�/”;

vérifie la formule de Poisson

“X

�2G.F /h.�/” D “

X�2G.F /

bh.�/”; 8h:

Dans le but de proposer une définition conjecturale d’une telle “fonctionnellede Poisson non linéaire relative à � (ou �r 0 , r 0 2)”, on pose la définitionsuivante:

Définition V.1. En n’importe quelle place x 2 jF j � S�, considérons une fonc-tion sphérique

hx W G.Ox/nG.Fx/=G.Ox/ �! C

qui est “de type L local” relativement à � W bG Ì �F ! GLr.C/.Autrement dit, elle se décompose spectralement sous la forme

hx.g/ D jdetG.g/j�12

x � jdet�.g/j�12

x �Z

ImbT dx

d � Lx.�; �1; q� 12

x / � hx;�.g/;g 2 G.Fx/;

où d désigne toujours la mesure de Plancherel sur l’espace Im bT dx =SxG des

caractères unitaires de l’algèbre de Hecke sphérique H Gx;; de G.Fx/, et

chaque g 7! hx;�.g/ est une fonction sphérique, vecteur propre de valeur pro-pre , et dont la dépendance en 2 bT dx est polynomiale.

Alors, pour tous entiers N;N 0 2 N, on note hN;N0

x la fonction sur G.Fx/définie par la décomposition spectrale

hN;N0

x .g/

DjdetG.g/j�12

x � jdet�.g/j�12

x

�Z

ImbT dx

d � Lx.�; �1; q� 12

x / � INx .�; ; q� 12

x / � IN 0

x .�; �1; q� 12

x / � hx;�.g/;g 2 G.Fx/;

où INx .�; ;Z/ désigne le polynôme en 2 bT dx et Z qui est le produit dupolynôme

Lx.�; ;Z/�1

et du monôme de degré N en Z qui figure dans le développement en sérieformelle de l’inverse

Lx.�; ;Z/:

Page 57: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 57

Remarques. (i) On note l’égalitéXN2N

INx .�; ;Z/ D 1

dans l’anneau des séries formelles en Z à coefficients dans CŒbT dx �SxG . De

plus, les séries XN�N0

jINx .�; ; q� 12

x /j

convergent uniformément vers 0 si 2 Im bT dx et N0 devient arbitrairementgrand.On en déduit que, pour tout g 2 G.Fx/, la sérieX

N;N 02NhN;N

0

x .g/

converge vers hx.g/.(ii) Pour tous entiers N;N 0 2 N, la fonction hN;N

0

x et sa x-transformée deFourier bhN;N 0

x sont supportées par des parties compactes de G.Fx/.(iii) Il est possible de généraliser la définition ci-dessus à toutes les fonctions de

type L sur G.Fx/ en n’importe quelle place x 2 jF j, mais nous n’en auronspas besoin. �

Étant donné un élément z0 2 C, toute fraction rationnelle R 2 C.Z/ àcoefficients complexes s’écrit de manière unique comme une somme

R D R0 CX1�i�k

ai

.Z � z0/i

où les ai , 1 � i � k, sont des constantes et R0 est une fraction rationnelledont le dénominateur ne s’annule pas en z0. On peut appeler R0.z0/ la “valeurrégularisée” de R au point z0.

Cela permet de formuler la conjecture suivante:

Conjecture V.2. Soit une fonction produit de type L global relatif à �

h DOx2jF j

hx W G.A/ �! C;

et soit x0 2 jF j � S� n’importe quelle place en laquelle le facteur local hx0de

h est sphérique.Alors:

Page 58: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

58 L. Lafforgue

(i) La série formelleXN;N 02N

ZNCN 0 �X

�2G.F /

�hN;N

0

x0˝

� Ox¤x0

hx

��.�/

est une fraction rationnelle en Z.(ii) La “valeur régularisée” S.f / de cette fraction rationnelle au point Z D 1

ne dépend pas du choix de la place x0.(iii) La fonctionnelle linéaire induite sur l’espace des fonctions de type L global

relatif à � sur G.A/h 7�! S.h/

est laissée invariante par la -transformation de Fourier relative à �, et ilen est donc de même de la fonctionnelle

h 7�!� X�2G.F /

h.�/�

C� X�2G.F /

bh.�/� � S.h/ D “X

�2G.F /h.�/”:

Remarque. Dès lors que les parties (i) et (ii) de la conjecture impliquent qu’elleest bien définie, la fonctionnelle

h 7�! S.h/

est invariante par translation à gauche ou à droite par G.F /, et il en est donc demême de la fonctionnelle

h 7�! “X

�2G.F /h.�/”: �

On prouve facilement:

Proposition V.3. Si E est une algèbre finie séparable de degré r sur F , quicorrespond à une action du groupe de Galois �F sur l’intervalle f1; 2; : : : ; rg,le tore “linéaire”

TE D ResE=F Gm;

muni de la représentation standard

�E W bTE Ì �F D� Y1�i�r

C��

Ì �F �! GLr.C/

de son dual bTE D Q1�i�r C�, vérifie la conjecture V.2 ci-dessus.

Plus précisément, les fonctions localement constantes à support compact surAE D A ˝F E sont les fonctions de type L global relatif à �E sur TE .A/ DA

�E , et la fonctionnelle de Poisson standard

h 7�!X�2E

h.�/

Page 59: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 59

coïncide avec la fonctionnelle de la conjecture V.2

h 7�! “X

�2TE.F /

h.�/”:

Remarque. Cette proposition s’applique en particulier au tore linéaire déployéGrm. On retrouve alors la fonctionnelle de Poisson

h 7�!X�2F r

h.�/

sur Ar . �

Avec plus de travail, on démontre au paragraphe V de [Lafforgue, 2014]:

Théorème V.4. Le groupe linéaire

GLr ;

muni de la représentation standard de cGLr D GLr.C/, vérifie la conjecture V.2ci-dessus.

Plus précisément, les fonctions localement constantes à support compact surMr.A/ sont les fonctions “de typeL global” relatif à la représentation standardde cGLr sur GLr.A/, et la fonctionnelle de Poisson standard

h 7�!X

�2Mr .F /

h.�/

coïncide avec la fonctionnelle de la conjecture V.2

h 7�! “X

�2GLr .A/

h.�/”:

Remarques. (i) La démonstration de ce théorème utilise� le théorème de décomposition spectrale de Langlands,� les propriétés des fonctions L linéaires globales rappelées dans le

théorème III.2.(ii) Plus généralement, on montre au paragraphe X de [Lafforgue, 2014] que la

conjecture de transfert automorphe global par � de G à GLr implique laconjecture V.2 pour le groupe réductif G muni de � W bG Ì �F ! GLr.C/.

On rappelle que, par hypothèse, la représentation de transfert � W bG Ì�F !GLr.C/ induit un homomorphisme

�T W bT �! bTr D .C�/r

Page 60: Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires

60 L. Lafforgue

du tore maximal bT de bG, dual du tore maximal T de G, dans le tore maximalbTr D .C�/r de GLr.C/.Si �F agit dans GLr.C/ par permutation des r vecteurs de la base canon-

ique de Cr , cette action définit une F -algèbre séparable E de degré r . Le dualbTE du tore TE D ResE=F Gm s’identifie à

Q1�i�r C� muni de l’action par

permutation de �F , et l’homomorphisme

�T W bT �! bTr D .C�/r D bTEdevient �F -équivariant, donc admet un homomorphisme dual bien défini sur F

�_T W TE �! T:

Cet homomorphisme identifie T au tore quotient du tore “linéaire” TE DResE=F Gm par le sous-tore T� dual du conoyau bT� de �T .

Par intégration le long des fibres de

TE .A/ �! T .A/;

on déduit de la proposition V.3:

Corollaire V.5. Supposons comme ci-dessus que �F agit sur Cr par permuta-tion de ses r vecteurs de base, définissant une F -algèbre séparable E de degrér .

Et supposons de plus que les homomorphismes

TE .Fx/ �! T .Fx/; x 2 jF j;TE .A/ �! T .A/;

et TE .F / �! T .F /

induits par �_T W TE ! T soient surjectifs.

Alors, associant à la représentation �T W bT Ì �F ! GLr.C/ le caractèredet�T

W T ! Gm trivial, on a:

(i) Les fonctions “de type L” local Œresp. global� sur T .Fx/ Œresp. T .A/� sontles fonctions

hx W tx 7�!ZT�.Fx/

dt� � hx.txt�/ Œresp. h W t 7�!ZT�.A/

dt� � h.t t�/�

déduites par intégration des fonctions hx Œresp. h� localement constantes àsupport compact sur Ex D E ˝F Fx Œresp. AE D E ˝F A�.

(ii) Les fonctions de type L global sur T .A/ vérifient la conjecture V.2.

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 61

Remarque. Pour que les hypothèses de surjectivité de ce corollaire soient véri-fiées, il suffit d’après le “théorème 90” de Hilbert que �_

T W TE ! T soit unépimorphisme et que son noyau T� soit de la forme

T� Š ResE 0=F Gm

pour une certaine F -algèbre séparable E 0. �

À partir de ce corollaire, on démontre au paragraphe IX de [Lafforgue,2014]:

Théorème V.6. Sous les hypothèses du corollaire V.5 ci-dessus, le groupe ré-ductif G muni de � W bG Ì�F ! GLr.C/ vérifie la conjecture V.2 après moyen-nisation par les opérateurs de coefficients unipotents constantsZ

NB.F /nNB.A/

du:

Autrement dit, pour toute fonction produit

h DOx2jF j

hx W G.A/ �! C

qui est “de type L global relatif à �”, et pour sa -transformée de Fourierrelative à � bh D

Ox2jF j

bhx W G.A/ �! C;

on a:

(i) Pour toute place x0 2 jF j � S� en laquelle le facteur local hx Œresp. bhx� deh Œresp. bh� est sphérique, la série formelleX

N;N 02NZNCN 0 �

ZNB.F /nNB.A/

du

�X

�2G.F /

�hN;N

0

x0˝

� Ox¤x0

hx

��.�u/

Œresp.X

N;N 02NZNCN 0 �

ZNB.F /nNB.A/

du

�X

�2G.F /

�bhN;N 0

x0˝

� Ox¤x0

bhx��.u�1�/�

est une fraction rationnelle, et sa “valeur régularisée” en Z D 1 ne dépendpas du choix de la place x0.

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62 L. Lafforgue

(ii) Les deux valeurs régularisées en Z D 1 associées dans (i) à h et bh sontégales.

Rappelons que l’on cherche à construire à partir de la fonction “cuspidale”

KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

une fonction complémentaire “non cuspidale”

KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C

telle que la somme

KG;� CK

G;� W .G �G � GLr/.A/ �! C

soit invariante à gauche par .G �G � GLr/.F / tout entier.Une telle construction est réalisée dans le chapitre VIII de [Lafforgue, 2012]

dans le cas du transfert partout non ramifié, c’est-à-dire lorsque S� D ; et queKG;� x

W G.Fx/�GLr.Fx/ ! C est un noyau local du transfert local non ramifiépar � en toute place x 2 jF j.

Dans cette construction, la fonction complémentaire

KG;� W .G �G � GLr/.A/ �! C

est définie à partir des “termes de bord” de la “formule de Poisson non linéairerelative à �” pour les fonctions de type L global sur le groupe croisé Gr�1.A/.

Afin de montrer que cette fonction complémentaire est invariante à gaucheparQr.F / et “non cuspidale”, on a besoin d’en savoir en peu plus sur le supportde la fonctionnelle de Poisson “de bord”

h 7�! “X

�2G.F /h.�/” �

� X�2G.F /

h.�/�

D� X�2G.F /

bh.�/� � S.h/:

La formulation de cette propriété géométrique nécessaire à la constructiondemande de construire un objet géométrique auxiliaire, déjà introduit parBraverman et Kazhdan, le “semi-groupe dual” de la représentation de transfert� W bG Ì �F ! GLr.C/.

On rappelle d’abord la définition des semi-groupes:

Définition V.7. Étant donné un groupe réductif G sur un corps k, un semi-groupe G de groupe G est une variété affine intègre qui contient G commeouvert dense et telle que le morphisme de multiplication G � G ! G se pro-longe en

G �G �! G:

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 63

Si G est un groupe réductif quasi-déployé sur un corps k, muni d’un toremaximal T défini sur k, l’adhérence schématique T de T dans un semi-groupenormal G de groupe G est une variété torique affine normale de tore T surlaquelle agit le groupe de Weyl SG . On montre que, réciproquement, toutevariété torique affine normale T de tore T sur laquelle agit SG provient d’unsemi-groupe normal G de groupe G, unique à unique isomorphisme près. Parcombinaison avec la théorie des variétés toriques, on a donc:

Proposition V.8. Soit un groupe réductif G quasi-déployé sur un corps k, munid’un tore maximal T défini sur k.

Se donner un semi-groupe normalG de groupeG sur k équivaut à se donner,dans le réseauXT des caractères de T , un cône polyédral saturéXT stable parl’action du groupe de Weyl SG et par celle du groupe de Galois �k ou, ce quirevient au même, son cône dual X_

Tdans le réseau X_

T des cocaractères de T .

Revenons maintenant à notre groupe réductif G quasi-déployé sur le corpsde fonctions F , et à notre représentation de tranfert

� W bG Ì �F �! GLr.C/

qui induit un homomorphisme

�T D .�1T ; : : : ; �rT / W bT �! bTr D .C�/r :

On peut poser:

Définition V.9. On appelle “semi-groupe dual de la représentation �” le semi-groupe normalG de groupeG associé au cône saturéX_

TdeX_

T D XbT engen-

dré par les poids �1T ; : : : ; �rT W bT ! C

� de la représentation � ou, ce qui revientau même, par les SG-orbites des plus hauts poids des facteurs irréductibles de� W bG ! GLr.C/.

Remarque. Cette notion avait déjà été introduite par Braverman et Kazhdan, endes termes différents mais équivalents. �

On note aussitôt:

Lemme V.10. (i) LorsqueG D GLr et � est la représentation standard de bG DGLr.C/, le semi-groupeG dual de � n’est autre que le semi-groupe matricielMr .

(ii) Dans le cas général, et pour tout degré r 0 2, le semi-groupe Gr 0 dual dela représentation croisée

�r 0 W bGr 0 Ì �F �! GLrr 0.C/

s’identifie à la normalisation du sous-schéma fermé

f.g; g0/ 2 G �Mr 0 j detG.g/ D det.g0/g:

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64 L. Lafforgue

Intéressons-nous d’abord à la variété torique affine normale T de tore T quidéfinit le semi-groupe normal G de groupe G. On a:

Lemme V.11. Supposons comme plus haut que �F agit sur l’espace Cr de

GLr.C/ par permutation de ses r vecteurs de base, définissant une F -algèbreséparable E de degré r .

Alors l’homomorphisme de tores

�_T W TE D ResE=F Gm �! T;

dual de �T W bT ! Q1�i�r C� D bTE , se prolonge en un homomorphisme de

variétés toriquesTE D ResE=F A

1 �! T

qui identifie T au quotient de TE par le sous-tore T� de TE dual de bT� DCoker.bT �T��! bTE /.Remarque. L’énoncé signifie que les caractères bien définis sur T sont exacte-ment les caractères bien définis sur TE que le sous-tore T� de TE laisse invari-ants.

Il implique que tout point géométrique de T est image d’au moins un pointgéométrique de TE , et que deux points géométriques de TE ont même imagedans T si et seulement si les adhérences de leurs orbites sous l’action de T� serencontrent. �

On déduit de ce lemme et du corollaire V.5:

Corollaire V.12. Sous les hypothèses du corollaire V.5, considérons toujours letore T muni de la représentation �T W bT Ì�F ! GLr.C/ à laquelle on associele caractère det�T

W T ! Gm trivial.

Alors, si T�1

désigne l’ouvert de T réunion de T et des orbites de codimen-sion 1, les fonctions “de type L” local Œresp. global� relatif à �T

T .Fx/ �! C; x 2 jF j;Œresp. T .A/ �! C�

se prolongent par continuité à T�1.Fx/ Œresp. T

�1.A/�.

Remarque. En fait, ces fonctions se prolongent par continuité à Treg.Fx/ Œresp.

Treg.A/� si T

reg T�1

désigne le plus grand ouvert de T au-dessus duquel lesous-tore T� de TE agit librement dans TE . �

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 65

On sait d’après la théorie générale des semi-groupes normaux que les orbitesde G sous la double action de G à gauche et à droite sont en nombre fini, ettoutes localement fermées.

Elles sont engendrées par les orbites de T sous l’action de T .Deux orbites de T engendrent la même orbite de G si et seulement si elles

sont images l’une de l’autre par l’action du groupe de Weyl SG .En particulier, les orbites de codimension 1 de G correspondent aux orbites

de codimension 1 de T , modulo l’action de SG .Utilisant ce fait, on peut démontrer à partir du corollaire V.12:

Proposition V.13. Sous les hypothèses du corollaire V.5 ou du corollaire V.12,supposons en outre que

� W bG Ì �F �! GLr.C/

induit un isomorphismeZFbG ��! bZ�

deZFbG D fz 2 ZbG j �.z/ D z; 8� 2 �F g dans le commutateur bZ� � GLr.C/de la représentation �.

Choisissons pourdet� W G �! Gm

l’unique caractère défini sur F tel que, pour toute composante �iT de �T D.�1T ; : : : ; �

rT / W bT ! bTr D .C�/r qui est le plus haut poids de l’une des

composantes irréductibles de bG ��! GLr.C/, on ait

hdet�; �iT i D hıB ; �iT ioù ıB W B ! B=NB D T ! Gm désigne le caractère modulaire.

Alors, si G�1

désigne l’ouvert de G réunion de G et des orbites de codi-mension 1, on a:

(i) Les fonctions “de type L” local Œresp. global� relatif à �

G.Fx/ �! C; x 2 jF j;Œresp. G.A/ �! C�

se prolongent par continuité à G�1.Fx/ Œresp. G�1.A/�.(ii) Pour tout degré r 0 2, les fonctions “de type L” local Œresp. global� sur

Gr 0.Fx/, x 2 jF j, Œresp. Gr 0.A/� se prolongent par continuité à l’ouvert de

Gr 0.Fx/ � G.Fx/ �Mr 0.Fx/

Œresp. Gr 0.A/ � G.A/ �Mr 0.A/�

image réciproque de G�1.Fx/ Œresp. G

�1.A/�.

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66 L. Lafforgue

Remarque. Le fait que l’homomorphisme ZFbG ! bZ� induit par � soit un iso-

morphisme implique que les facteurs irréductibles de la représentation � W bG Ì�F ! GLr.C/ apparaissent tous avec la multiplicité 1. �

Cette proposition permet de compléter la conjecture V.2 par la conjecturesuivante:

Conjecture V.14. Sous les hypothèses de la proposition V.13 ci-dessus, on a:

(i) Pour toute fonction produit de type L global relatif à � sur G.A/,

h DOx2jF j

hx W G.A/ �! C;

la différence“

X�2G.F /

h.�/” �X

�2G.F /h.�/

dépend linéairement des seules restrictions de chaque facteur hx , x 2 jF j,aux orbites de codimension 1 de G.Fx/.

(ii) Pour tout degré r 0 2, et pour toute fonction de type L global relatif à �r 0

sur Gr 0.A/,h W Gr 0.A/ �! C;

la différence“

X�2Gr0 .F /

h.�/” �X

�2Gr0 .F /

h.�/

dépend linéairement des seules restrictions de h aux points de

Gr 0.A/ � G.A/ �Mr 0.A/

de la forme.m; ı/

avec m 2 G�1.A/ et ı 2 Mr 0.F / � GLr 0.F /.

Le cas r 0 D r � 1 de la conjecture V.14(ii) ci-dessus est ce que l’on a besoinde connaître sur la fonctionnelle de Poisson de bord

h 7�! “X

�2Gr�1.F /

h.�/” �X

�2Gr�1.F /

h.�/;

outre la formule de Poisson sur Gr�1.A/

“X

�2Gr�1.F /

h.�/” D “X

�2Gr�1.F /

bh.�/”

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Noyaux du transfert automorphe de Langlands et formules de Poisson non linéaires 67

pour construire des termes complémentaires “non cuspidaux”

KG;� W .G �G �Qr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C;

eKG;� W .G �G �Qopr /.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C;

qui réalisent l’égalité

KG;� CK

G;� D eKG;� C eKG;�

et définissent des noyaux du transfert par � de la forme

KG;� D KG;� CK

G;� W .G �G � GLr/.F /n.G �G � GLr/.A/ �! C:

Cette construction est réalisée, dans le cas partout non ramifié, auchapitre VIII de [Lafforgue, 2012].

Remerciements. Je remercie notre secrétaire Cécile Gourgues qui a réalisé la frappe de ces notesà la perfection et avec une incroyable rapidité. Ces notes ont fait l’objet d’un cours donné à Milanen décembre 2012 puis à l’IHÉS en janvier et février 2013. Elles ont également servi de base àdeux cours donnés au Japon (à l’Université de Kyushu et à l’Université de Tokyo) en mai 2013ainsi qu’à un double exposé donné au séminaire Takagi les 25 et 26 mai 2013.

Bibliographie

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� L. Lafforgue, Du transfert automorphe de Langlands aux formules de Poisson non linéaires,texte en préparation bientôt disponible sur le site de l’auteur, 2014.

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68 L. Lafforgue

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