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Talmud Enquête sur un monde très secret Le Talmud a la réputation d’être impénétrable. Le cinéaste Pierre-Henri Salfati parvient à nous en révéler les arcanes, en s’introduisant avec nous dans le monde incroyablement haut en couleur des talmudistes et des collectionneurs du Livre des livres. P. 8 Vito Mancuso Préfacé par le cardinal Martini, le nouveau livre du théologien italien lui a valu les foudres du Vatican. Refusant de sacrifier la raison philosophique sur l’autel de l’obéissance ecclésiale, il reprend à nouveaux frais tout un pan de la théologie chrétienne demeuré jusqu’ici intouchable : celui des fins dernières, du salut, et donc du statut de ce que l’on appelle l’âme. Un véritable antimanuel de théologie pour libres penseurs. LIRE PAGE 16 Albin Michel Numéro 23 – hiver 2009 Fatema Mernissi L’amour est-il islamiquement correct ? P. 3 Daniel Mesguich, l’enfant terrible du théâtre P. 4 Josy Eisenberg Une nouvelle série, « la Source de Vie » P. 10 « À l’envers des nuages, il y a toujours un ciel. » Telle est la sentence zen que, dans le dernier roman-parabole d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine envers le monde entier. Cette devise d’espérance aurait eu tout à fait sa place dans la bouche de Monsieur Ibrahim, elle aurait pu éclore parmi les « fleurs du Coran » de sa sagesse soufie. On imagine bien qu’elle ait pu être aussi prononcée par la dame Rose, dans ses conversations à l’hôpital avec le petit Oscar. Ou encore par le prêtre sauveur de juifs de L’Enfant de Noé, enseignant les principes du judaïsme à ses jeunes protégés. Milarepa, le grand mystique tibétain dont l’histoire fait partie du même « cycle de l’invisible » du romancier, aurait pu aussi la formuler, après avoir traversé les nuages de son désir de vengeance. Car tous ces récits à la fois simples et profonds qu’Eric-Emmanuel Schmitt nous offre d’année en année n’ont en fait qu’une seule visée : nous faire toucher du doigt la possibilité d’un « ciel ». Un ciel, oui, non pas une chimère superstitieuse manipulée par tel ou tel, mais tout simplement un « au- delà » du visible et du raisonnable, un espace qui ne serait pas totalement maîtrisable par l’homme, mais dans lequel l’homme pourrait trouver à se fonder intérieurement. Voilà qui peut paraître bien peu philosophique, au sens académique du terme. Mais précisément, notre normalien agrégé de philosophie revendique la nécessité de faire le deuil d’un certain esprit de déduction, incapable de nous faire vivre – ce qui s’appelle vivre – et donc générateur d’angoisse. SUITE PAGE 2 Eric-Emmanuel Schmitt, le philosophe en paraboles © Stéphane de Bourgies

Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

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Page 1: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

TalmudEnquête sur un mondetrès secretLe Talmud a la réputation d’être impénétrable. Le cinéastePierre-Henri Salfati parvient à nous en révéler les arcanes,en s’introduisant avec nous dans le monde incroyablementhaut en couleur des talmudistes et des collectionneurs duLivre des livres. P. 8

Vito MancusoPréfacé par le cardinalMartini, le nouveau livredu théologien italien lui avalu les foudres du Vatican.Refusant de sacrifierla raison philosophiquesur l’autel de l’obéissanceecclésiale, il reprend ànouveaux frais tout un pande la théologie chrétiennedemeuré jusqu’iciintouchable : celui des finsdernières, du salut, et doncdu statut de ce que l’onappelle l’âme. Un véritableantimanuel de théologiepour libres penseurs.

LIRE PAGE 16

Alb

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Numéro 23 – hiver 2009

Fatema MernissiL’amour est-ilislamiquement correct ? P. 3

Daniel Mesguich,l’enfant terribledu théâtre P. 4

Josy EisenbergUne nouvelle série,« la Source de Vie » P. 10

«Àl’envers des nuages, il y a

toujours un ciel. » Telle est

la sentence zen que, dans

le dernier roman-parabole

d’Eric-Emmanuel Schmitt,

le vieux Shomintsu s’efforce de faire

comprendre au jeune Jun, gosse des rues de

Tokyo rempli de haine envers le monde entier.

Cette devise d’espérance aurait eu tout à fait

sa place dans la bouche de Monsieur

Ibrahim, elle aurait pu éclore parmi les « fleurs

du Coran » de sa sagesse soufie. On imagine

bien qu’elle ait pu être aussi prononcée par

la dame Rose, dans ses conversations à

l’hôpital avec le petit Oscar. Ou encore par le

prêtre sauveur de juifs de L’Enfant de Noé,

enseignant les principes du judaïsme à ses

jeunes protégés. Milarepa, le grand mystique

tibétain dont l’histoire fait partie du même

« cycle de l’invisible » du romancier, aurait pu

aussi la formuler, après avoir traversé les

nuages de son désir de vengeance. Car tous ces récits à la fois simples et profonds qu’Eric-Emmanuel Schmitt

nous offre d’année en année n’ont en fait qu’une seule visée : nous faire toucher du doigt la possibilité d’un

« ciel ». Un ciel, oui, non pas une chimère superstitieuse manipulée par tel ou tel, mais tout simplement un « au-

delà » du visible et du raisonnable, un espace qui ne serait pas totalement maîtrisable par l’homme, mais dans

lequel l’homme pourrait trouver à se fonder intérieurement. Voilà qui peut paraître bien peu philosophique, au

sens académique du terme. Mais précisément, notre normalien agrégé de philosophie revendique la nécessité

de faire le deuil d’un certain esprit de déduction, incapable de nous faire vivre – ce qui s’appelle vivre – et donc

générateur d’angoisse. SUITE PAGE 2

Eric-Emmanuel Schmitt,le philosophe en paraboles

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2 L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Impossible de passer ici sous silence ce trem-blement de terre : la décision prise par Be-noît XVI de lever l’excommunication de quatreévêques intégristes, dont un qui venait toutjuste de proférer d’odieux propos négation-

nistes, a provoqué une lame de fond dans le mondecatholique. Elle a révolté nombre d’écrivains qui sontauteurs (réguliers ou non) d’Albin Michel, et qui sesont sentis profondément concernés en tant quechrétiens. Certains ont d’ailleurs signé la pétition« Pas de négationnistes dans l’Église » lancée parl’hebdomadaire La Vie. Aux côtés de Jean-ClaudeGuillebaud, Sylvie Germain, Eric-Emmanuel Schmitt,Gabriel Ringlet, Claude Geffré, Gérard Bessière, Ma-rie Rouanet, Marie de Hennezel… j’ai évidemmentsigné ce document, le dialogue judéo-chrétien étantune constante essentielle de ma démarche person-nelle comme de notre politique éditoriale. N’oublionspas qu’Albin Michel fut le premier éditeur français àlancer une collection sur le judaïsme, peu d’annéesaprès la Shoah. Collection qui s’enrichit en avrild’une nouvelle série, publiée avec le concours de laFondation pour la mémoire de la Shoah : « La Sourcede vie », du nom de l’émission dominicale de Josy

Eisenberg (voir p. 10). Et récemment encore, nouspubliions au format de poche un colloque passion-nant sous la direction de Paul Thibaud, président del’Amitié judéo-chrétienne de France : Juifs et chré-tiens face au XXIe siècle.Nous étions donc nombreux à ressentir ce que Jean-Claude Guillebaud exprima pour tous avec fermeté : « Ily avait là une urgence absolue. Sans attendre, il fallaitdire à haute et claire voix notre trouble, notre douleur,notre consternation, notre attente. » Quant au théolo-gien italien Vito Mancuso, dont nous venons de traduireun ouvrage majeur (voir p. 16), il dénonçait carrémentdans Le Point une restauration préconciliaire, et se ré-clamait du cardinal Martini (préfacier de son livre) qui« considère que Vatican II a été la base d’une trans-formation et qu’il faut aller plus loin… De l’autre côté,non seulement on ne veut pas faire de pas en avant,mais on veut retourner en arrière. La différence estentre ceux qui regardent en avant vers Vatican III, et ceuxqui regardent en arrière vers Vatican I ». S’il dit vrai, nousallons vivre une période cruciale pour l’Église, où chaquechrétien devra prendre ses responsabilités. ■

Jean Mouttapa

DANS LE DERNIER NUMÉRO DE PHILO

MAGAZINE, Eric-Emmanuel Schmittprécise très clairement : « Je me suisprogressivement détaché de l’absur-disme, pour rejoindre le mystère, l’idéequ’un sens peut se déployer dont jene suis pas nécessairement le pro-ducteur. En renouant avec l’idée quece qui m’échappe n’est pas néces-sairement du non-sens, j’ai substitué àl’angoisse la confiance, qui est pourmoi une version laïque de la foi. » Voicidonc le mot essentiel : la confiance,cette sorte de pari serein sur l’inconnuqui est seul capable de nous faire en-trevoir du neuf, du vivant, du non-conditionné. Là se situe la raison pro-fonde de cette fascination pour Jésusqu’avoue celui qui n’hésite pas au-jourd’hui à se définir comme « agnos-tique chrétien ». « Agnostique, pré-cise-t-il, car je ne sais pas si Dieuexiste. Je crois que oui, mais cette

croyance n’engendre aucun savoir.Chrétien car je trouve dans les Évan-giles une ressource éthique et spiri-tuelle inépuisable […] dans laquelle lavaleur de l’amour est promue de façoninconditionnelle et inconditionnée ».

DANS LE MÊME MAGAZINE où il s’entre-tient avec le philosophe musulmanAbdennour Bidar*, Eric-EmmanuelSchmitt décrit ainsi son chemine-ment : « Je suis né et j’ai grandi dansun monde athée, dans le rejet, que jecroyais définitif, de la religion. […] Etpuis, j’ai peu à peu éprouvé un senti-ment d’épuisement vis-à-vis de la ra-tionalité, qui était incapable de répon-dre à mes questions. J’ai pris le partide m’ouvrir à des suscitations non ra-tionnelles : expériences artistiques,mystiques, confrontation avec lestextes révélés. » C’est ainsi que le phi-losophe est devenu écrivain, et c’estainsi que l’écrivain est devenu « mytho-phage », retissant inlassablement,

avec une créativité époustouflante, lesfils des grandes fables fondatrices.Ce « conteur caméléon », comme ona pu le qualifier, sait nous parler deschoses essentielles de la vie en pre-nant les masques les plus osés : ceuxdes héros de toujours (de Don Juan àFaust en passant par Ulysse), ceuxdes génies de l’histoire (de Diderot àFreud en passant par Mozart) etmême ceux des antihéros les plus re-poussants (de Ponce Pilate à Hitler)

dont il se plaît à imaginer – hypothèsed’école visant à nous faire réfléchirsur le mal – l’utopique rédemption.Le jeune Jun de ce dernier romanmériterait bien le qualificatif d’antihé-ros, car, franchement, cette petiteteigne de quinze ans n’a rien à voiravec Oscar ni avec Momo. Vulgaire,égoïste, hargneux, il lui faudra tomberau plus bas avant d’être capabled’entendre le vieil homme qu’il ad’abord pris pour un débile et qui luirépétait inlassablement, à lui, le SDFrachitique : « Je vois un gros en toi. »Pour faire de cette piètre canaille unadepte subtil du zen, il fallait au moinss’appeler Eric-Emmanuel Schmitt,alias Shominstu le vieux sage. ■

*Auteur de L’Islam sans soumission. Pourun existentialisme musulman, collection« L’islam des Lumières ».

Le sumo qui ne pouvait pas grossirEric-Emmanuel Schmitt112 pages, 10 €

SUITE DE LA PAGE UNE

Éditorial4 ■ Alain Nadaud

■ Manil Suri5 ■ Daniel Mesguich

■ Un livre, un éditeurPierre Scipion

6 ■ Cyrille Vigneron■ Le Lao-Tseu■ Natori Masazumi

7 ■ Daniel Roumanoff8 ■ Talmud

10 ■ Josy Eisenberg■ Juifs et Polonais

11 ■ Georges Minois■ Gérard D. Khoury

12 ■ Gilles Dostaleret Bernard Maris

■ Jean-Yves Carfantan13 ■ Annick Lacroix

■ Jean-Pierre Willem14 ■ Trois questions à

Christophe Fauré■ Claudine Badey-Rodriguez

15 ■ Anne Marcovich■ Honoris causa■ Agenda

16 ■ Vito Mancuso

Sommaire

Page 3: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

3L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Fatema Mernissi, professeur àl’université Mohammed V à Ra-bat, a contribué par ses travaux

sur les femmes (Le Harem politique,Sultanes oubliées, Rêves de femmes,Le Harem et l’Occident…) à leur visi-bilité dans la société civile. Traduitedans le monde entier, elle est actuel-lement davantage reconnue en Es-pagne, en Italie. À sa manière si par-ticulière qui mêle humour, anecdoteset savoir historique, elle nous rappellel’importance de la beauté et de la sé-duction, mélange de qualités phy-siques et intellectuelles à la cour deskhalifes, et la liberté des femmes dutemps du Prophète.

ELLE REVIENT SUR LES CLICHÉS, lesfantasmes et les malentendus quifleurissent avec la montée des cou-rants islamistes et la peur de l’islamen Occident. Elle aborde aussi l’évo-lution extrêmement rapide du mondearabe où les femmes se marient deplus en plus tard et perturbent lescodes traditionnels, où Internet a mo-difié totalement le rapport à l’autre etoù les sites sur l’islam prolifèrent, prisd’assaut par des jeunes qui y cher-chent davantage une aide psycholo-

gique à leur désarroi face à la sociétéde consommation mondialisée,qu’une demande religieuse.

TRÈS À L’ÉCOUTE DES CHANGEMENTS

MÉDIATIQUES via le satellite et Internet,Fatima Mernissi voit dans la révolu-tion numérique une chance pourl’Orient comme pour l’Occident dedépasser les clivages contemporainsqui sont l’expression même de lapeur de l’autre. ■

L’Amour dans les paysmusulmansFatema Mernissi208 pages, 15 €■ Du même auteur :Le Harem politique294 pages, 18,30 €Sultanes oubliées300 pages, 19,80 €Rêves de femmes290 pages, 18,30 €Le Harem et l’Occident240 pages, 18,30 €

L’amour est-ilislamiquement correct ?ESSAI

D’un bout à l’autre du livre, mal-gré les bruits assourdissants dumonde sur l’islam, malgré la

polyphonie des regards interroga-teurs ou réprobateurs, une voix tientla note ténue de l’intériorité vraie.C’est celle qui raconte cette scène àla mosquée de Paris. Elle est allée yprier, exceptionnellement, lors du Ra-madan. Malgré toute l’attentionqu’elle a mise à ressembler auxfemmes autour d’elle, à s’habillerconformément à la tradition, à faire lesgestes avec soin, une femme lacoupe dans sa prière et lui dit en fran-çais qu’une mèche dépasse de sonfoulard… Alors Karima Berger lui ré-pond, en arabe, qu’il est interdit detroubler son voisin pendant la prière,surtout dans une langue étrangère.Elle est sûre dans sa réponse, maiselle a été dévoilée. Comme dans cehammam en Algérie, où, bien quenue, bien que née là, elle aussi, lesautres femmes comprennent qu’elle« n’est pas d’ici ».D’où est-elle maintenant ? D’oùparle-t-elle cette femme qui trace ici

un splendide itinéraire spirituel ? Elleparle du cœur même de son exil,puisqu’il est devenu son lieu. Elle a re-découvert, au-delà de l’épreuve, sapropre foi, unique, mais puisant sa ri-chesse à d’autres sources, celles desautres traditions, celles de la mys-tique. Telle Etty Hillesum en qui ellepuise cette force de rejoindre sonDieu, Allah, en s’agenouillant. ■

Celle qui n’était pas d’iciITINÉRAIRE SPIRITUEL

« Je suis arabe et française, orientale et occidentale,

musulmane et laïque, femme et écrivain et tant de choses

encore qui ne se disent pas. »

L’amour, dans les pays musulmans, plus qu’en Occident, a été

l’objet de nombreux traités et l’une des grandes préoccupations

des penseurs arabes. Le désir et l’amour charnel n’y ont jamais

été diabolisés et même l’amour platonique des troubadours a vu

le jour en Arabie au VIIe siècle…

Huis clos : le paradis,c’est les autres !THÉÂTRE

Au sortir d’une conférence inter-religieuse, un prêtre, un rabbin, unimam et un bonze se retrouvent

enfermés dans une pièce sans com-munication possible avec l’extérieur.S’engage alors un débat aussi vif quesavoureux où croyances et différencess’affrontent. Frédéric Lenoir, philo-sophe, essayiste, romancier et directeurdu Monde des religions, aime varier lesstyles. S’il choisit ici celui de l’humour,parvenant à transformer un huis clos

angoissé en une comédie délicieuse,c’est qu’il croit dans les vertus du rirepour aborder ce qui est le plus sérieux.Une pièce drôle, donc, mais qui n’enoublie pour autant pas d’être instruc-tive et d’aborder les questions essen-tielles sur Dieu et les religions. À com-mencer par la plus actuelle : pourquoiautant de discordes entre les croyantsdes trois grandes traditions mono-théistes alors même qu’ils semblentcroire au « même Dieu » ? ■

Bonté divine !Frédéric Lenoir, Louis-Michel Colla126 pages, 10 €

Éclats d’islam. Chroniqued’un itinéraire spirituelKarima Berger266 pages, 15 €

Page 4: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

En 1947, Nehru est celui quipermettra à l’Inde de tendrevers une union tant sur le plan

politique que religieux. Sa visionlaïque du pays nouveau-né luidonne comme dessein d’atténuer lacohabitation houleuse entre mu-sulmans et hindous. Il insuffle aupays un appel au changement, « lepassé est derrière nous et c’estl’avenir maintenant qui nous ap-pelle ». Dans les yeux de Mira, il re-présente, tout comme Gandhi par

ailleurs, celui qui ouvre une nouvellevoie à la société indienne. Grâce àces perspectives, la jeune femmepeut envisager son futur sous unenouvelle étoile. Mira, figure de cettejeunesse fleurissante, voit l’émanci-pation devenir possible.

CEPENDANT, DERRIÈRE CES FRÉMIS-SEMENTS DE MODERNITÉ, la réalitéest bien différente. Mother Indiasoulève subtilement la probléma-tique d’un pays divisé entre tradition

et modernité. La lente évolution desmentalités y est minutieusementdécrite ; la question des castes, dela légitimité de la place des femmes,du système de la dot, de la religion,sont autant de rites qui marquentencore solidement la jeune nationindienne. Mira fera l’amère expé-rience de la difficulté à voir écloreles prémices d’un nouvel horizon.

SUR CE FOND DE CONTEXTE SOCIAL,CULTUREL ET POLITIQUE, l’auteurManil Suri explore avec vigueur lethème des passions féminines.Pour alimenter cette imagerie, lesdieux et les déesses de la mytholo-gie indienne sont majestueusementconvoqués. « Allume le feu de toncorps […]. Seul l’amour ramène à lalumière » est le refrain, entonné parDev, jeune chanteur, entraînant Mirasur la voie du désir. Cette rencontre,décisive dans la vie de l’adoles-cente, amène celle-ci à découvrir età apprendre le rôle d’épouse et demère. Chacune de ces étapes, mé-ticuleusement explorée, met en lu-mière l’émergence de nouveauxsentiments dans la vie de cettefemme en devenir.

L’HISTOIRE DE MIRA QUESTIONNE EN

PROFONDEUR toutes les formes d’in-teractions sociales et familiales,entre hommes et femmes mais aussientre parents et enfants, et sur ladifficulté de trouver sa place au seinde cet entrelacs de relations.Dans une écriture rythmée par laforce des sentiments, Manil Surinous emporte au cœur d’une Indeen mouvement, où chacun estamené à trouver sa place. ■

Mother IndiaManil SuriTraduit de l’anglais (Inde)par Dominique Vitalyos512 pages, 22 €

4 L’Homme en Question ■ HIVER 2009

La vie d’une femmeà l’heure de l’indépendance indienneROMAN

Que se passe-t-il dans la tête de Mira, jeune Indienne, au moment où son pays est en train

de basculer dans une nouvelle étape de son histoire, celle de l’indépendance ?

Voyaged’initiationlorsdu passagedes rêves

Alain Nadaud, l’auteur de Si Dieuexiste, nous revient avec un de cesromans qui, sans rien renier de lafiction, traitent de sujets qui sont aucentre de l’histoire de l’humanité.Dans Le Passage du col, laproblématique géopolitique entre laChine et le Tibet constitue la toile defond de l’intrigue. Ce décor est unmoyen d’interroger la notion defrontière, notamment entre les deux

pays mais aussisous une formeplus allégorique,de questionnerles limites del’humain.Lors d’unelongue marcheau sommetdes montagnes

himalayennes, un écrivain est initiédans un monastère à l’art deretrouver la mémoire de ses viesantérieures. Cette expérience, ancréeau cœur des pratiques bouddhistes,est le point de départ d’une profondeexploration de ces existencesoubliées où les rêves permettent unvoyage dans le passé. De cessouvenirs lointains, le narrateur iramême jusqu’à être transporté dansl’univers de ses personnages et deses romans précédemment publiés.Dès lors s’ouvre un récit en abymedans lequel le protagonistes’aventure à l’intérieur de sa proprevie. Mais lui sera-t-il encore possiblede ne pas se perdre et de distinguerle réel de l’imaginaire, le présent dupassé, la réalité de la création ?Ce roman explore avec brio lesforces mystérieuses qui animent lemétier d’écrivain. ■

Le Passage du colAlain Nadaud324 pages, 19 €■ Du même auteur :Si Dieu existe252 pages, 16 €

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Page 5: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

5L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Lorsque Daniel Mesguich était entré au Conservatoire national supérieur d’art dramatique à vingt ans à peine, il y faisait un peu

figure de trublion : le vent des années soixante-dix n’avait pas encore soufflé sur cette institution encore bien bourgeoise.

L'enfant terrible du théâtreENTRETIEN

Puis sa mise en scène duChâteau de Kafka le révéla trèsjeune à lui-même – et aux au-

tres, car elle fit alors événement –, etil se mit à construire un univers où l’oncroise aussi bien Vitez ou Debauche

que Sartre ou Derrida. Il allait vite s’im-poser comme l’un des grands nomsde l’avant-garde, comédien, penseuret metteur en scène, en un temps oùle théâtre était au cœur des débatsphilosophiques et sociétaux.

AUJOURD’HUI, L’ENFANT TERRIBLE DE

L’ART DRAMATIQUE FRANÇAIS se re-trouve à la tête du Conservatoire, oùil n’avait d’ailleurs jamais cessé d’en-seigner. Il continue d’y bouleverserrègles et codes, soucieux d’une exi-

gence intellectuelle et artistique, maisaussi fidèle au meilleur des traditions.C’est cette vision idéaliste et ambi-tieuse qu’il dévoile à RodolpheFouano, au fil d’une conversation oùil évoque sa formation, ses maîtres,ses combats et ses admirations. Maisaussi sa soif d’apprendre, toujourset encore.

CE QUI FRAPPE D’EMBLÉE CHEZ CET

HOMME, c’est son incroyable énergie,non pas débordante, mais inspirée.Elle est intacte dans ces pages, intel-ligemment recueillie par un interlocu-teur non complaisant. RodolpheFouano est parvenu à amenerl’homme de théâtre philosophe à direce qu’il n’avait jamais dit, que ce soitsur l’art dramatique, sur la formationdes acteurs, mais aussi sur le sens del’engagement, et sur la vie comprisecomme aventure risquée. On décou-vre ici un passeur incandescent, in-terrogateur passionné des textes, quin’a jamais cherché le juste milieu. ■

Toutes les cartes et les mappemondes sont as-sorties d’un petit encadré expliquant les sigles uti-lisés pour désigner une route, un kilométrage, une

altitude. Ce cartouche explique aussi le sens de chaquecouleur ou dessin : sentier, donjon, bois, verger, plan-tation, rizière, lieu-dit, gouffre ou torrent. Nulle carte nesaurait s’en dispenser.Ce cartouche est appelé « légende », qui veut dire« lire » en latin, mais, nous dit Gilles Lapouge, cetteétymologie est un leurre. « Le mot légende a unautre sens qui convient mieux à l’art fasciné, rêveuret inachevé, inachevable, qu’exerçaient les anciensgéographes. La carte nous conte un récit féerique,une fable ou un mythe, un Graal ou une Odyssée.Même sur l’écran du GPS, c’est dans des terres delégende que la carte nous invite à entrer. »

LAPOUGE NOUS INVITE À ENTRER DANS SA GÉOGRAPHIE,qui n’a pas d’âge, qui n’est ni ancienne ni moderne.Une géographie qui aime mieux les chemins que lesautoroutes, qui voit des îles dans le ciel et qui rêved’établir des mappemondes de la lumière et dela neige. Et c’est un enchantement. L’histoire del’homme est inséparable de la planète qu’il habite, desmers, des continents et des climats. Loin d’être unescience exacte, ou même une discipline, la géogra-phie est avant tout de l’Histoire, et aussi un songe, del’imagination, de l’utopie, de la fable, de la mytholo-gie, de la tromperie, du vagabondage, de la philoso-phie, du roman, avec il est vrai un peu de géologie etde mathématique.

DE PTOLÉMÉE ET D’HÉRODOTE à Vidal de la Blache età Google Earth qui survole le toit de nos maisons, La-pouge raconte la prodigieuse aventure de la géogra-phie, au gré des millénaires et des civilisations. Lui-même vagabond endurci et écolier buissonnieramoureux de cartes et d’estampes, il s’est très tôtpassionné pour ces savants, voyageurs, navigateurset autres traceurs de frontières parce que justementils ne savaient pas ce qu’ils cherchaient, ni où ils al-laient, mélangeant routes et vents, se perdant dans larose des vents et dans leurs mirages.Et son livre, à son tour, est un poème, un essaiéblouissant d’intelligence et d’érudition, à ajouter à lacréation du monde. ■

La légende de la géographieGilles Lapouge288 pages, 18 €

Éloge de la géographieUn livre, un éditeur

par Pierre Scipion

« Je n’ai jamais quitté l’école… »Daniel MesguichEntretiens avec Rodolphe Fouano208 pages, 16 €

Page 6: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

6 L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Immergé au quotidien dans l’universdéroutant du Soleil levant tout enétant le représentant officieux de

l’élégance française, il a pu se faire l’ob-servateur privilégié de tout ce quirend ce pays à la fois si proche et sidifférent. Ces chroniques furent écritesau Japon et publiées d’abord dans lapresse, puis en recueil chez un éditeurjaponais. De retour en France, l’auteur,le recul et les souvenirs aidant, les areprises et complétées pour faire dé-couvrir à l’Occident un Japon mé-connu et souvent incompris.Cette évocation, à la fois pleine de lé-gèreté et de profondeur, nous mènede Tokyo, « métropole laide et hy-pervillage charmant », à Kyoto, « l’Ir-remplaçable », en passant par Hiro-shima, sans oublier le retour enFrance, véritable « contrechoc cultu-rel ». Ces chroniques, traitant dethèmes aussi divers que « l’omnipré-sence de la nature idéalisée », « le

paradoxe de la spiritualité japonaise :pratiquer sans croire », « les ponts,reflets de la culture », « sumo et cor-rida », dessinent par touches im-pressionnistes le portrait d’un mondebaigné d’archaïsme et de modernité,reflet de notre monde en devenir. ■

De geishas en mangasChroniques du Japon d’aujourd’huiCyrille Vigneron240 pages, 16 €

Cerisiers en fleurau milieu des gratte-cielCHRONIQUE

Texte fondateur du taoïsme, leLao-Tseu, connu égalementsous le titre de Tao te King (Li-

vre de la Voie et de la Vertu), est au-jourd’hui encore l’une des clefs les plusprécieuses pour pénétrer la penséechinoise. Il est traditionnellement com-posé de deux parties, la première trai-tant du Tao (la Voie) et la seconde duTe (la Vertu). Or, en 1973 et 1993, lesarchéologues ont fait, à Mawangdui etGuodian, des découvertes inouïes : lesversions les plus anciennes du Tao TeKing, calligraphiées sur soie ou surbambou, et où non seulement se ren-contrent des versets inédits, mais oùl’ordre des deux parties est inversé !De plus, la version de Mawangduicomporte un autre texte, Les QuatreCanons de l’empereur Jaune, qu’onne connaissait jusqu’alors que par unebrève mention dans les annales de ladynastie Han. Elle permet enfin decomprendre la mystérieuse doctrinepolitique de l’école dite « Houang-Lao », ou se marient la tradition léga-liste attribuée à l’empereur Jaune(Houang-Ti) et le spontanéismetaoïste du Vieux Maître (Lao-Tseu).

C’EST DONC UN TEXTE NOUVEAU, illus-trant la nature toujours changeantedu Tao, que nous présente ici JeanLévi, nous offrant par la même occa-sion une précieuse introduction autaoïsme antique. ■

Le Lao Tseu suivi des QuatreCanons de l’empereur JauneTraduit et commenté par Jean Lévi238 pages, 14 €■ Du même auteur :Le Rêve de Confucius384 pages, 9 €Confucius336 pages, 9 €

Le Livrede la Vertu et de la VoieCLASSIQUE

Pendant dix ans, Cyrille Vigneron a présidé aux destinées

de la prestigieuse branche japonaise de la maison Cartier.

Il a observé, exploré, écouté… et noté.

Les ninja ou l’art de la dissimulationMANUEL

Dans le Japon traditionnel, l’art dela guerre ainsi que les rapportssociaux étaient officiellement

régis par le bushido, le code d’honneurdes samouraïs. Mais le bushido avaitun pendant occulte : l’art du ninjustu.Les ninja, experts en infiltration, ren-seignement, espionnage et contre-espionnage, s’ils n’étaient pas tenuspar le bushido, n’en possédaient pasmoins des valeurs et une tradition quiles distinguaient des simples voleurs.

Leur art, invisible autant qu’indispen-sable, se transmettait au sein d’écolessecrètes et se fondait sur quelquesrares manuels écrits en langage codé.

LE SHÔNINKI, RÉDIGÉ PAR LE MAÎTRE

NINJA NATORI MASAZUMI EN 1681, estl’un des plus importants de ces ma-nuels. Au-delà de ses enseignementsstratégiques, aux principes toujoursactuels, le ninjutsu se révèle aussi,dans ce texte, comme une authen-

tique discipline spirituelle, donnant ac-cès à une connaissance profonde del’Homme et du monde.Ainsi que l’explique le spécialiste Ber-nard Bordas dans sa préface, « leShôninki prône le détachement, laconfiance en soi et le lâcher-prise ; ilencourage la connaissance de soi etla confiance en sa propre intuition…Le lecteur de langue française ne peutmesurer la chance qu’il a de pouvoirtenir entre ses mains cet ouvrage restési longtemps secret au Japonmême… Cette traduction fidèle et sa-vante fait jaillir une lumière qui relèguedans l’ombre tant de livres médiocresécrits sur ce sujet par des auteurs enmal de sensationnalisme. » ■

Shôninki.L’authentique manuel des NinjaNatori MasazumiTraduit et commentépar Axel Mazuer.Préface de Bernard Bordas196 pages, 13 €

Ninja : derrière l’image d’acrobates masqués se battant

à coups de nunchaku et de shuriken,

popularisée par les dessins animés et les mangas,

se cache une réalité historique et spirituelle méconnue.

Page 7: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

7L’Homme en Question ■ HIVER 2009

La rencontredel’hindouismeet del’Occident

Ayant reçu une formationscientifique et traditionnelle, SvâmiPrajñânpad a opéré une synthèse

Orient-Occident : il aéclairé par denouvellesinterprétationsla tradition del’AdvaitaVedânta et autilisé lapsychanalyse

pour lever les obstacles dus àl’histoire personnelle et permettre audisciple d’avancer sur le cheminspirituel. Comme le dit ArnaudDesjardins dans sa préface, « il nesuffit pas de lire les paroles deSvâmi Prajñânpad. Il faut se battreavec elles comme Jacob s’est battuavec l’Ange, assumer le défi qu’ellesnous proposent, les digérer, lesassimiler, les laisser noustransformer insidieusement. » Àtravers sa biographie de référence(dont le second volume paraîtra enjuin) et son anthologie (ABC d’unesagesse) Daniel Roumanoff, sonélève depuis 1959, restituefidèlement la richesse del’enseignement de ce maître. ■

Svâmi Prajñânpad,un maître contemporainDaniel RoumanoffVol. I, 480 pages, 20 €(vol. II à paraître en juin)

ABC d’une sagesseSvâmi Prajñânpad160 pages, 6 €

BIOGRAPHIE

Maître EckhartLes Sermons

■ Après des siècles de relatif oubli,Maître Eckhart, dominicainphilosophe autant que mystique, est

enfin reconnuaujourd’huicomme l’unedes plus grandesfigures duchristianisme.En marge de sestraités savantsécrits en latin,il a délivré

de nombreux sermons en allemandlors de ses tournées pastorales.Ce sont ces sermons, où lathéologie « apophatique » nourrit lesentiment intime du divin, qui sontréunis pour la première fois en unseul volume. 848 pages, 16 €

Anonyme commentépar Bernard Durel

Le Nuagede l’inconnaissance

Une mystiquepour notre temps

■ Le Nuage de l’inconnaissance,ce traité anonyme de la mystiquemédiévale anglaise, est une

invitation àabandonnertoute forme desavoir, et mêmetoute quêtepositive de Dieu,pour se laisserconduirejusqu’aumystère au-delà

de tout nom. Bernard Durel,dominicain formé par ailleurs auxpratiques zen, déchiffre les codesde cette pensée qui refuse touteformule affirmative concernantDieu. Il nous montre commentchacun peut l’adapter à sonquotidien pour en faire une règlede vie. 368 pages, 10,50 €

Stan RougierSaint François d’Assise

ou la puissance de l’amour■ Stan Rougier mêle au récitde la vie de saint Françoissa propre expérience auprèsdes exclus, afin de nous montrer

comment l’expérience spirituelledu « poverello » est plus que jamaisnécessaire pour notre temps.

Esprit ouvert,il interrogeles autresreligions avecgénérosité, maissans jamaiss’éloignerdu messageévangéliquedont il actualise

les vertus d’amour, de joie et decommunion avec toutes les formesde la vie, telles qu’elles furentvécues et éclairées par le saintd’Assise. 288 pages, 8 €

René LuneauJésus, l’homme

qui évangélisa Dieu■ Si, pour la foi chrétienne,le mystère de Jésus-Christ ne serévèle que dans sa mort et sa

résurrection, lesdétails de sa vie« d’avant » sont-ils simplementanecdotiques ?René Luneau avoulu retrouverles paroles etles gestes detous les jours,

humains, simplement humains,de l’homme qui « évangélisa »Dieu, qui Lui donna définitivementun autre visage.304 pages, 9 €

Francis Huxleyet Jeremy Narby

Anthologie du chamanisme■ Rassemblée par deuxethnologues internationalementreconnus, la présente anthologie

est la pluscomplète quisoit sur lechamanisme. Aucours de cessoixante-dixtextesessentiels, dontle premierremonte à 1535,

des explorateurs inconnus côtoientAlfred Métraux, Mircea Eliade,Claude Lévi-Strauss, Robert Gordon

Wasson, Carlos Castaneda et biend’autres, retraçant cinq sièclesd’études sur les chamanes, leurspratiques, leurs pouvoirs et leurvision du monde.352 pages, 9 €

Jacques ArnouldDieu versus Darwin

Les créationnistes vont-ilstriompher de la science ?

■ Les pays européens sontdésormais eux aussi confrontés auxmêmes revendications de la part

des lobbiescréationnistes.Il faut tout letalentpédagogiquede JacquesArnould,dominicain,théologien ethistorien

des sciences, pour nous aider àdémêler les arguments et lesenjeux, les positions religieuses etpolitiques. Surtout, il prend positionclaire : non pas Dieu ou Darwin,mais Dieu et Darwin. Une lectureessentielle à l’heure dubicentenaire de la naissancede Darwin. 320 pages, 8 €

Jean-Marc VivenzaNâgârjuna et la doctrine

de la vacuité■ Nâgârjuna, moine bouddhistedu IIe-IIIe siècle originaire de l’Inde,est renommé pour être le fondateurde l’école philosophique dite du

« Milieu ».Le rayonnementet l’immenseinfluence de sapensée luipermettentd’occuperaujourd’hui uneplace de premierordre à l’intérieur

du bouddhisme Mahâyâna. Il affirmeque le principe de Vacuité fondela réalité. Pensée « du tréfondsde la non-pensée », selon la célèbreexpression de maître Dôgen, laVacuité est une pratique concrètedu non-attachement, une disciplineefficiente de la mise à distance.256 pages, 7,50 €

POCHES

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TalmudÀ la découverte de l’universinsoupçonné de l’étude

Le Talmud est depuis deux mille ans au cœur de la vie juive traditionnelle. Livre unique,il a subi à l’image de son peuple les mêmes errances, persécutions, métamorphoses.Pierre-Henry Salfati nous fait découvrir cet univers qu’il a exploré à travers un film réalisépour Arte. De New York à Jérusalem en passant par Paris, Venise ou Worms, il nous initieavec bonheur à un monde peu connu, peuplé de figures exubérantes et de mystèreshistoriques. Une vraie belle histoire juive, en somme, dans tous les sens du terme.

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Il existe en français de nombreuses initiations àla littérature talmudique (notamment l’excellenteIntroduction au Talmud d’Adin Steinsaltz, dis-ponible dans la collection « Spiritualités vi-vantes »). Pour autant, elles ne font pas parta-ger l’exubérance incroyable de la vie juivetraditionnelle. Pourquoi des centaines de milliers

d’individus consacrent-ils leurs jours et leurs nuits àl’étude incessante du Talmud ? « En quoi ce livre est-il différent de tous les autres livres ? », pourrait-on de-mander en paraphrasant la question rituelle du soir dela Pâque ? Pour répondre à ces questions, le cinéastePierre-Henry Salfati a adopté une démarche inédite : plu-tôt que de chercher la réponse dans le livre, il est allés’immerger dans le monde qui s’est construit autour dece livre. Ayant lui-même passé des années dans uneyéchiva (institut talmudique), penché sur ces gros in-folio, décryptant leur logique jusqu’à en oublier de man-ger et dormir, il sait que le Talmud est avant tout uneexpérience de vie. Il est alors retourné discuter avec cesindividus singuliers qui, des masures délabrées du vieuxJérusalem au sommet des gratte-ciel de Manhattan enpassant par les bibliothèques cossues de Padoue et lessalles sans chauffage de certaines yéchivot de labanlieue parisienne, sont dans cette « mer du Talmud »comme des poissons dans l’eau. De ce voyage initia-tique, il a tiré un très beau film, Talmud (Arte Vidéo,2007). Poussé par le désir d’en dire davantage, de fairepartager tout ce qu’il n’avait pu faire entrer dans cescinquante-cinq minutes audiovisuelles, il a décidéd’en faire un livre. Pour notre plus grand bonheur.

LE PARCOURS COMMENCE DANS LE PLUS TYPIQUE QUARTIER

« ultraorthodoxe » de Jérusalem : Méa Shéarim. Si laplupart de ses habitants se rejoignent, à divers de-grés, sur leur refus de l’État d’Israël – Dieu ayant, se-lon le Talmud, fait prêter serment aux juifs de ne pashâter le processus messianique – ils n’en sont pasmoins éclatés en dizaines de groupes et sous-groupesqui se distinguent par d’infimes détails vestimentaires,comme l’orientation du nœud de leur chapeau…Comme l’explique Yaakov, le guide de l’auteur : « Ici onaime bien ça : les groupes et encore les groupes… Déjàqu’ici c’est assez triste, alors s’il n’y avait qu’un groupe,tu penses qu’on resterait ici ? » Cette fragmentation, aufond, est à l’image de la démarche talmudique : partirdu simple pour arriver au compliqué. Parce qu’en vé-rité rien n’est simple, chaque aspect de la réalité estcomposé d’infinies facettes parfois contradictoires, dif-fraction de l’infinie sagesse divine. En lisière du quartierde Méa Shéarim s’élève la plus grande yéchiva dumonde : Mir, véritable ville dans la ville, lieu hors de l’es-pace et du temps. Ici comme ailleurs, toute la vie est or-ganisée autour de l’étude du Talmud, de l’organisationdes journées à la planification des mariages. Ceux quisuggèrent de faire rencontrer Untel et Unetelle sont eneffet souvent les professeurs, et les pères font d’ordi-naire passer à leurs futurs gendres un examen de dia-lectique talmudique !

DE JÉRUSALEM, PIERRE-HENRY SALFATI NOUS EMMÈNE

ENSUITE À NEW YORK, à la rencontre de ces businessmenet autres diamantaires qui suivent chaque matin un coursde Talmud au sommet d’un des plus prestigieux gratte-ciel de Manhattan ou encore dans le train de Long Island.Au rythme d’une page recto-verso par jour, selon unprogramme conçu en Pologne au début du siècle, ilsfinissent le Talmud en un peu plus de sept ans. Chaquefin de cycle donne lieu à de grandes réjouissances, et lesparticipants à l’aventure sont tellement plus nombreuxchaque année que l’enceinte du prestigieux MadisonSquare Garden ne suffira bientôt plus à les accueillir.

RETOUR ENSUITE EN EUROPE pour explorer le passé tal-mudique : les vestiges des académies médiévales de lavallée rhénane, les ors vénitiens sous lesquels naquirentles premières éditions du Talmud, les ghettos d’Europeorientale où même la mort ne put vaincre l’amour del’étude… Au terme de cette étourdissante aventure, lelecteur saisit une partie de la magie du Talmud, tout enayant appris à porter un autre regard sur l’histoire uni-verselle. ■

9L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Voici la question : deux ramoneurs sortentd’une cheminée. L’un en sort tout noir et

l’autre tout blanc. Lequel des deux va se laver ?– Forcément celui qui est tout noir, ça tombesous le sens !– Je suis désolé, tu n’es pas fait pourcomprendre ce que le Talmud contient…

– Et pourquoi donc ?– Tu ne réfléchis pas. Celui qui est sorti toutnoir voit que l’autre est sorti tout blanc, alorsforcément il croit qu’il est lui aussi blanc,alors que celui qui est sorti tout blanc voitque l’autre est tout noir, alors il se croitaussi sale que lui…

Dialogue de talmudistes

Talmud. Enquête dansun monde très secretPierre-Henry Salfaticoédité avec Arte éditions288 pages, 19,50 €

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Depuis 1962, le rabbin Josy Ein-seberg anime le dimanche ma-tin une émission consacrée au

judaïsme, dans le cadre des pro-grammes religieux. « La Source devie », c’est son nom, est après « Le jourdu Seigneur » la plus ancienne émis-sion de la télévision française. Elleconstitue, pour des millions de télé-spectateurs juifs et non juifs, un ren-dez-vous incontournable, un lien vivantavec une tradition millénaire.

EN PRÈS D’UN DEMI-SIÈCLE, Josy Ei-senberg a reçu les figures les plusmarquantes du judaïsme français etinternational, qu’ils soient universi-taires – André Néher, Charles Mopsik,Moshé Idel, Armand Abécassis… –,penseurs – Bernard-Henri Lévy, HenriAtlan, Daniel Sibony… – ou encored’éminents rabbins – Joseph Sitruk,Adin Steinsaltz, René-Samuel Sirat,Gilles Bernheim, Michel Guggen-heim… –, sans oublier des figuresd’exception : Yeshayahou Leibowitz,Maurice Clavel, David Ben Gourion(qui traduisit en hébreu tout Platon !),Si Hamza Boubakeur, Vladimir Jan-kélévitch, Albert Cohen dialoguantavec Marcel Pagnol…

L’ENSEMBLE, QUI REPRÉSENTE DES CEN-TAINES D’HEURES DE PROGRAMMES,constitue un patrimoine inouï, à la foistémoignage de notre siècle et mise àla portée de tout un chacun du patri-moine juif immémorial. Les éditionsAlbin Michel entreprennent de ras-sembler ce trésor sous la forme devolumes thématiques qui devraientrapidement s’imposer comme le té-moignage de référence de la vitalité in-tellectuelle et spirituelle du judaïsmefrançais.

En avril paraissent les deux premiersvolumes de la série, La Cabbale danstous ses états et Dieu et les juifs. Cette

aventure éditoriale a pu voir le jourgrâce au soutien de la Fondation pourla mémoire de la Shoah. ■

10 L’Homme en Question ■ HIVER 2009

En quarante-sept ans de télévision, Josy Eisenberg a interviewé devant des millions de gens des philosophes,

des chefs d’État, des autorités religieuses de premier plan, des « monstres » de la littérature internationale, et bien d’autres.

Ces émissions, « La Source de vie », vont faire l’objet d’une nouvelle série au sein de la collection « Présences du judaïsme ».

Le trésor des émissions dominicalesde Josy Eisenberg va être publié en quinze volumesNOUVELLE SÉRIE

La Pologne et ses juifsHISTOIRE

S i la Solution finale a été conçueen Allemagne nazie et par celle-ci, c’est la terre polonaise qui a

légué à l’histoire les plus terriblesnoms de l’abomination : Auschwitz,Sobibor, Treblinka, Majdanek… Etquand, en 1944, les portes de l’enferont été brisées, une autre chape deplomb a scellé, pendant les longuesdécennies de l’ère communiste, toutaccès à une mémoire véritable. La spé-cificité juive du génocide a été niée, toutcomme a été éludée la question del’éventuelle responsabilité des Polonais,qui ne pouvaient être vus que commedes victimes du nazisme, au même ti-tre que les juifs. La révélation de l’ex-

termination par la population polonaisedu village de Jedwabne en 1941, etpeut-être plus encore, celle du pogromde Kielce en 1946, sur fond d’accu-sation de meurtre rituel, ont profon-dément remis en cause cetteconstruction idéologique.

ON A DEPUIS PARFOIS VERSÉ DANS L’EX-CÈS INVERSE, présentant les Polonaiscomme éternellement, irréductible-ment antisémites. À travers Juifs et Po-lonais, les deux grands spécialistesJean-Charles Szurek et Annette Wie-viorka mettent à notre disposition leséléments indispensables pour unevue plus juste et plus nuancée des

rapports complexes entre ces deuxpeuples si longtemps mêlés. Unouvrage de référence qui fera datedans la littérature historique sur laShoah et ses suites. ■

Les juifs et la Pologne : l’association de ces deux noms, après

avoir pendant des siècles évoqué un âge d’or – le hassidisme,

le shtetl, le Conseil des Quatre Pays… – résonne depuis 1939

de façon bien plus sombre.

Juifs et Polonais, 1939-2008Sous la direction d’Annette Wieviorkaet Jean-Charles Szurek,544 pages, 25 €

La Cabbale dans tous ses étatsJosy EisenbergEntretiens avecÉliane Amado Lévy-Valensi,Henri Atlan, Daniel Epstein,Roland Goetschel, Joëlle Hansel,Moshé Idel, Bernard Maruani,Charles Mopsik et Marc-Alain Ouaknin192 pages, 15 €

Dieu et les juifsJosy EisenbergEntretiens avec Armand Abécassis,Gilles Bernheim, Benjamin Gross,Michel Guggenheim,Marc-Alain Ouaknin et Joseph Sitruk168 pages, 15 €

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11L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Soit parce qu’ils ont disparu –qu’on songe par exemple au se-cond livre de la Poétique d’Aris-

tote, autour du fantasme duquel Um-berto Eco bâtit la cathédrale littérairedu Nom de la rose –, soit parce qu’ilssont inaccessibles – ah, connaîtreenfin les trésors que recèlent les ar-chives secrètes du Vatican… – soit,tout bonnement, parce qu’ils n’ont ja-mais existé. Le Traité des trois im-posteurs est de ces derniers. C’est auXIIIe siècle, en plein conflit politique en-tre le pape et l’empereur, que com-mence à circuler la rumeur de ce livresulfureux. Tout est dans son titre,blasphème suprême qui dénoncedans un même souffle Moïse, Jésus et

Mahomet comme vils affabulateursbrandissant la menace de la colère di-vine et de ses châtiments éternels pourmieux asseoir leur tyrannie politique ;de là, il s’ensuit que toute religion estune imposture, et que les Églisessont de cyniques machines à opprimer.

TOUT AU LONG DU DEMI-MILLÉNAIRE

SUIVANT, jusqu’à l’époque des Lu-mières, l’idée de ce livre circule sou-terrainement, alimentant les fantasmesdes inquisiteurs comme des libres-penseurs – et pourtant, nul ne l’a jamaisvu. Ce texte, par son histoire, se révèleune formidable mise en abyme du dis-cours sur la non-existence de Dieu. DuMoyen Âge à l’époque moderne, son

seul titre aura fourni la matière d’une cri-tique radicale de la religion comme ins-titution et comme foi. À travers l’histoirerocambolesque d’un livre fantôme,c’est toute l’histoire de l’athéisme, dumatérialisme et de la libre-pensée quise dessine en filigrane de cette pas-sionnante étude au ton enlevé. ■

Le Traité des trois imposteurs.Histoire d’un livre blasphématoirequi n’existait pasGeorges Minois336 pages, 20 €

Le mystère historiqued’un livre fantôme

CURIOSITÉ INTELLECTUELLE

Paradoxalement, les livres

qui exercent la plus grande

fascination sont parfois ceux

qu’on ne pourra jamais lire.

Pour comprendrele Liban d’aujourd’hui

HISTOIRE

À la fin de la Première Guerremondiale, la France et laGrande-Bretagne se disputent

l’héritage ottoman au Levant, et d’em-blée l’Angleterre semble maître dujeu, car elle a largement profité en Orientde la faiblesse des moyens matériels etmilitaires des autres puissances euro-péennes. Traditionnellement protectricedes Lieux saints et des chrétiensd’Orient, la France doit contrer l’hé-gémonisme britannique, les complici-tés anglo-arabes et le radicalisme desmouvements indépendantistes et enmême temps ménager ses relationsavec ses alliés et ses protégés. Elle va

tenter de concilier ses acquis et ses in-térêts de puissance coloniale avec lescontraintes d’un nouvel ordre diplo-matique, mais le départ de Clemenceauen 1920 marquera la fin des accordsentre la France et l’émir Faysal. Dès lors,le rôle de la France en Orient se réduiraà sa prépondérance au Liban.

FONDÉE SUR UNE DOCUMENTATION EX-CEPTIONNELLE, anglaise, française etarabe, qui révèle de nombreux inédits,l’enquête de Gérard D. Khoury éclairece moment si complexe du tempsdes mandats, quand la France fondales États du Liban et de la Syrie. ■

La France et l’Orient arabe.Naissance du Liban moderne,1914-1920Gérard D. KhouryPréface de Henry Laurens448 pages, 19 €■ Du même auteurUn siècle pour rien.Le Moyen-Orient arabe de l’Empireottoman à l’Empire américainAvec Jean Lacouture et Ghassan Tuéni384 pages, 21,50 €

Depuis l’Égypte pharaonique jusqu’à aujourd’hui, en passant par les Empires assyrien, perse,

grec, romain et bien d’autres, le Croissant fertile est une des clés majeures de la géopolitique.

À l’heure où l’histoire proche-orientale s’accélère,

le livre de Gérard D. Khoury nous fournit les éléments

indispensables pour comprendre les enjeux et les tensions

en œuvre autour du pays des Cèdres.

La presseen parle ■ ■ ■

■ Cette folle affaire est unehistoire authentique, GeorgesMinois en retrace l’essentielà l’usage des non-spécialistesdans un ouvrage mi-instructif,mi-insolite.Roger-Pol Droit, Le Monde

■ C’est l’histoire d’un livrefantasmé, une histoireaussi érudite que drôleet abracadabrantesqueque nous raconte avec brioGeorges Minois.

Marc Riglet, Lire

■ On ne peut que remercierGeorges Minois d’avoirressuscité avec sciencel’histoire de cet étrangedocument. L’Histoire

■ L’histoire de ce livreest aussi fascinante queméconnue, l’historien GeorgesMinois a mené l’enquêteet le récit se lit commeun roman policier haletant.

Antonio Fischetti,Charlie Hebdo

■ Georges Minois a consacréune étude passionnanteà cet ouvrage blasphématoire.

Patricia Briel, Le Temps

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Keynes et Freud, contemporainsde cette période, ont chacundans leur domaine porté un

regard critique sur l’évolution de no-tre civilisation. Si la raison d’être del’économie était au départ de résou-dre le problème de la rareté, pourquoila course à l’accumulation des ri-chesses semble-t-elle sans fin etaveugle aux maux qu’elle engendrepour l’humanité ?En mettant en lumière les nombreusessimilitudes entre les analyses de cesdeux penseurs (les deux hommes nese sont jamais rencontrés, mais onsait que Keynes fut un lecteur attentifde Freud et que ce dernier fut impres-sionné par certaines œuvres du maîtrede Cambridge), Gilles Dostaler etBernard Maris ébauchent une visionfreudo-keynésienne de l’argent et ducapitalisme. Freud et Keynes étaient

convaincus qu’il existe au cœur del’homme comme de sa société unepulsion inexpugnable, un désir de mort,qui prend la forme du désir d’argent.

PARALLÈLEMENT À CETTE ANALYSE, dontnotre présent économique et socialrévèle la terrible actualité, les Éditions

Albin Michel rééditent en poche l’es-sai classique de Dostaler sur Keynes.Dans Keynes et ses combats, il mon-tre que, pour l’économiste américain,dans une société vraiment civilisée,l’économie ne devrait tenir qu’uneplace secondaire, l’art, les questionsmorales, le politique occupant le pre-

mier rang. En ce sens, il n’est pas lepenseur de « l’adaptation du capita-lisme après la grande crise de 1929 »,mais celui d’une nouvelle société àbâtir, libérée des défauts les pluscriants du capitalisme. ■

Capitalisme et pulsion de mort.Freud et KeynesGilles Dostaler et Bernard Maris176 pages, 15 €Keynes et ses combatsGilles Dostaler640 pages, 20 €Parmi les autres livres de BernardMaris (avec Philippe Labarde) :Malheur aux vaincus192 pages, 14,90 €La Bourse ou la vie.La grande manipulation des petits actionnaires208 pages, 13,60 €

12 L’Homme en Question ■ HIVER 2009

La hausse de 75 % des prix ali-mentaires entre 2005 et fin2007 a fait la une de toute la

presse en France au printemps 2008.Or, cette tendance est structurelle, et

la crise financière actuelle ne peutqu’en radicaliser les symptômes.Comment faire face au choc ?

D’ABORD, EN S’ATTACHANT À COM-PRENDRE LES RESSORTS DE LA CRISE,nous explique Jean-Yves Carfantan,économiste spécialiste des questionsagricoles. D’un côté, une demande

L’alimentation,enjeu stratégique mondial

GÉOPOLITIQUE

Keynes, reviens, ils sont devenus fous !ÉCONOMIE

Dans les années 1930, le monde capitaliste, promis à une éternelle croissance, a traversé une grave crise économique,

qui a débouché sur la Seconde Guerre mondiale.

Il y a urgence, l’explosion

est pour demain.

Le Choc alimentaire mondial.Ce qui nous attend demainJean-Yves Carfantan304 pages, 19 €

accrue : des centaines de millions deconsommateurs nouveaux, issus despuissances émergentes que sont laChine, l’Inde et le Brésil, ont fait sou-dain irruption à la grande table dubanquet mondial tandis que l’essordes agro-carburants mobilisait tou-jours plus de denrées agricoles. Del’autre, une offre limitée : les surfacesexploitables ne sont pas extensibles àl’infini, l’eau est un bien de plus enplus rare et l’intensification des cul-tures menace l’environnement. Cedocument magnifiquement docu-menté met en scène deux scénarios.

UN SCÉNARIO « NOIR » : il s’agit decomprendre ce qui se passera de-main si nous ne faisons rien. Et unscénario « vert » : définir enfin les me-

sures qu’il est urgent de prendre, duNord au Sud, si nous voulons assurerla sécurité de tous. Une lecture salu-taire à l’heure où les consciencessemblent enfin réceptives. ■

■ En avril 2008, les prix à l’exportation des principaux produitsalimentaires accusaient une hausse moyenne de près de 120 %par rapport à leur niveau moyen des années 1998-2000.

■ Depuis 2008, 119 millions de personnes supplémentairesont déjà sombré dans la faim du fait de la fièvre qui a sévi sur les marchés.

■ Dans une génération (2040), le monde devra nourrir plusde 8,8 milliards d’individus dont 5,7 milliards de citadins, avec moinsde terres cultivables et d’eau.

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13L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Annick Lacroix, qui a rencontréces femmes d’exception, et asuivi leur parcours pendant des

années, porte dans ce livre un mes-sage essentiel et qui gagne chaque foisen intensité : il suffit d’un seul humainrebelle pour que les choses changent,que la misère recule, que les plus aban-donnés retrouvent l’espoir. Il suffitd’une seule femme, en l’occurrence,car au cours de ses nombreux repor-tages aux quatre coins du monde,Annick Lacroix a découvert cetteréalité trop méconnue : ce sont leplus souvent des femmes qui font des« miracles » en ce monde, ou qui por-tent attention aux plus oubliés.

IL Y A PAR EXEMPLE CETTE FEMME LIBA-NAISE, YVONNE CHAMI, qui en plein mi-lieu de la guerre se préoccupe du sortdes enfants handicapés, traités à peinecomme des humains. On a beau luirépéter que ce n’est pas le moment,que les blessés, que la mort, « maisenfin, vous savez bien », etc. Elle tientbon. Elle ouvre son centre pour re-donner une vie digne à ces enfantsqui n’en avaient pas. Plus de vingt ansplus tard, et d’autres centres ouverts,elle met en place un programme d’aideaux… non-handicapés, pour qu’ilspuissent comprendre et accepter lehandicap de l’autre ! Un jour, elle aconfié à Annick Lacroix cette phrasequ’elle n’a jamais pu oublier et qui asans doute guidé une partie de sonlivre : « Ce n’est pas avec les poli-tiques, des décrets ou des lois qu’onrésout les problèmes. Chaque fois quedans ce monde un problème a trouvésa solution, c’est que quelqu’un,quelque part, l’a ressenti comme unebrûlure sur sa propre peau. Et qu’étein-dre ce feu est devenu sa raisond’être. »Il y a encore cette jeune adolescenteâgée alors de treize ans, mais qui a ladétermination d’une femme mûre.

C’est la muchachita de Bogota. Elle avécu dans le bidonville de la capitalecolombienne qui n’en finit pas de pro-duire sa misère quotidienne. Mais elle,sourcils froncés et front en avant, dé-cide d’aider ceux qui y habitent. Et ellecommence par les vieillards, à qui ellepermet de venir prendre des repaschauds dans son centre, puis s’oc-cupe des enfants, pour qu’ils aientun lieu où étudier. Depuis, elle a faitdes études de droit. Elle s’apprête àdevenir avocate, on imagine très bienquelle détermination et quels argu-

ments seront les siens pour défendreles causes qui sont désormais lessiennes.

LE TALENT D’ANNICK LACROIX, long-temps grand reporter dans la presseféminine, est de nous faire réellementrencontrer ces femmes uniques, quisont toutes à leur manière des « sœursEmmanuelle ». Pas de retouches, pasde survol, pas de papier glacé ou demots faciles. La journaliste ne nouscache ni leurs failles, ni leurs doutes,ou les obstacles auxquels elles doivent

faire face : elles sont réelles, elles sonthumaines, ce sont « des femmesvivantes, pas des icônes ». Là estjustement le cœur de l’espérancequ’elles portent. ■

Elles sont douze. Douze femmes qui ont un jour ressenti une colère monter en elles face

à l’injustice et à la misère du monde. Qui ont trouvé la force et le courage de faire bouger

les choses. Qui ont soulevé des montagnes.

Ces « sœurs Emmanuelle »qu’on ne connaît pas encore

DOCUMENT

Quand l’humanitairerejoint les médecines traditionnelles

TÉMOIGNAGE

Travaillant dès les années 1950dans toutes les zones de conflit :Gabon, Rwanda, Vietnam,

Cambodge, Jordanie, Thaïlande,Laos, Liban, Zaïre, Sri Lanka… il y ferales rencontres les plus étonnantes,comme celle d’Albert Schweitzer ou deChe Guevara, dans des circonstancesrocambolesques.

NOURRI D’UNE VRAIE COMPASSION, leDr Jean-Pierre Willem pose le regardd’un humaniste sur tous les peuplesqu’il rencontre. Il observe les tech-niques anciennes et pratique les sa-voirs ancestraux, développe l’utilisa-

tion des huiles essentielles et desplantes médicinales. Sans la désa -vouer, il se montre très critique àl’égard de la médecine occidentale etles effets secondaires de l’allopathie.Fort de toute son expérience, il a unmessage à faire passer, et ce mes-sage s’incarne dans l’association qu’ilcrée, les Médecins aux pieds nus.Un récit passionnant qui permet decomprendre comment un chirurgiende guerre formé à la médecine aca-démique est, au fil de ses aventures,devenu un des plus grands spécia-listes d’une médecine naturelle, loinde l’industrie pharmaceutique. ■

Jean-Pierre Willem, médecin et chirurgien, est un des cofondateurs de Médecins sans frontières.

Mais son respect pour les thérapeutiques traditionnelles l’a amené à fonder aussi Médecins

aux pieds nus. Son parcours fascinant fait de lui l’un des derniers

grands médecins explorateurs, comme le montre

ce livre dont il est à la fois le personnage principal et le chroniqueur.

Douze femmes qui soulèventle mondeAnnick Lacroix240 pages, 17 €

Mémoires d’un médecinaux pieds nusJean-Pierre Willem496 pages, 21,50 €■ Du même auteur :Aroma allergies182 pages, 13,50 €Aroma famille224 pages, 14,50 €

Page 14: Numéro 23 – hiver 2009 Vito Mancuso Eric …...d’Eric-Emmanuel Schmitt, le vieux Shomintsu s’efforce de faire comprendre au jeune Jun, gosse des rues de Tokyo rempli de haine

14 L’Homme en Question ■ HIVER 2009

Vieillessepositive !

Face à la tyrannie du jeunisme, il estun allié de choc : la vieillesse po-sitive. Positivement assumée, po-

sitivement décidée, positivement portéepar un élan vital. Parce que vieillir est ins-crit au cœur même de la vie, il s’agit d’entirer le meilleur parti – n’en déplaise auxcritères véhiculées par la société deconsommation –, et de décider de bienvieillir. Décider, et non pas subir ; vivre sonâge et non pas s’abandonner à lui avecfatalisme. Bien au contraire, ce livre in-vite à accompagner de manière volon-taire ces changements qui s’opèrent. Carà partir de nombreuses études de psy-chologie, l’auteur démontre à quel pointc’est le conditionnement, le « mental »,qui compte dans la manière dont onaborde cette période.

RESTER ACTEUR DE SA VIE, cela passeaussi par mille chantiers : poursuivreson activité intellectuelle, continuer depouvoir surmonter les épreuves de lavie, prendre soin de soi, réduire lestress. Et, surtout, laisser advenir ensoi toute la richesse qu’est la vie inté-rieure et spirituelle, dans ces annéesoù l’expérience devient un trésoramassé au fil des années.Avec ce livre, portée par l’énergie del’auteur, Claudine Badey-Rodriguez,psychologue du vieillissement, l’ex-pression « être dans la force de l’âge »prend (enfin !) sa pleine dimension. ■

PSYCHOLOGIE

Christophe Fauré

Vous pointez dans ce nouveau livre un paradoxe trèsrépandu : la solitude dans le couple. D’où vient votre désirde mettre en évidence ce paradoxe et de donner des cléspour le résoudre ?Cette idée vient de mon travail avec les parents en deuilaprès le décès d’un enfant. Beaucoup de ces couplessouffrent de ce sentiment de solitude et de perte de lienavec leur conjoint. J’ai voulu aller plus loin, explorer afinde voir si ce sentiment se retrouvait dans d’autrescirconstances. Je me suis rendu compte qu’il était, enfait, universel et ce livre propose des pistes pour mieuxle comprendre et tenter d’apprivoiser ce sentiment sirépandu.

Plutôt qu’une « guérison » du couple, n’est-ce pas plutôtune « guérison » des attentes vis-à-vis du couple que vousproposez ici ?Le cœur de ce livre est que nous demandons à notrerelation d’amour plus qu’elle est capable de nous donner.On lui demande l’impossible, comme réparer lesblessures de notre passé ou nous garantir une sécurité

intérieure. Plus nous attendons de la relation, sans obtenirde réponse, plus nous risquons d’être déçus. La déceptionjette alors la base de ce que j’appelle la « solitudeisolement » dans le couple. Il est donc essentiel deprendre conscience et de réévaluer le bien-fondé de nosattentes vis-à-vis de la personne que nous aimons.

Quelle vision de l’amour avez-vous envie de transmettredans ces pages ? Quel est-il, ce « travail d’amour » auquelvous conviez le lecteur ?On s’imagine qu’aimer est la chose la plus simple et laplus naturelle qui soit – c’est peut-être vrai quand noussommes dans l’extase du coup de foudre, mais lequotidien se charge de nous ramener sur terre ! Aimerdevient alors un authentique « travail » qui exige denous patience, constance, générosité et vigilance. C’esttout sauf facile à mettre en œuvre… Mais le fond dufond, c’est de réaliser que ce travail d’amour enverscette personne passe, de façon quasi incontournable,par un véritable travail d’amour envers soi-même. Et,étrangement, cela implique la troublante rencontre avecnotre propre « solitude fondamentale », en tant qu’êtrehumain… ■

Christophe Fauré est également l’auteur, chez Albin Michel,de Vivre le deuil au jour le jour, 1995 ; Vivre ensemble lamaladie d’un proche, 1998 ; Le Couple brisé, de la ruptureà la reconstruction de soi, 2002 ; Après le suicide d’unproche. Vivre le deuil et se reconstruire, 2007. Il a égale-ment écrit de nombreux articles pour le Grand Livre de lamort à l’usage des vivants, 2007.

Psychiatre, psychothérapeute, Christophe Fauré avait inauguré avec son premier livre, Vivre le deuil au jourle jour, un style propre : grande clarté, proximité bienveillante avec son lecteur, et ouverture à la dimension

spirituelle des grandes étapes de l’existence. C’est dans cet esprit qu’avec Ensemble mais seuls, il explore

cette fois le territoire de l’amour et du couple.

Trois questions à ■ ■ ■

Ensemble mais seulsChristophe Fauré272 pages, 15 €

J’ai décidé de bien vieillirClaudine Badey-Rodriguez304 pages, env. 15 €

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15L’Homme en Question ■ HIVER 2009

À la recherched’un peude sérénité

Faire une retraite pour les va-cances afin de rompre avec le tu-multe de la vie quotidienne ?

D’un moment de profondeur spiri-tuelle ? Ou simplement d’un cadre pai-sible pour se reposer en silence ?Mais où aller ? Pour ceux qui ont déjàvécu cette expérience d’une retraitedans un lieu spirituel ou pour ceux quihésitent encore à tenter cette expé-rience, Anne Ducrocq, journaliste, aconçu un guide. Pas à pas, elle donneles clés pour faire son choix parmi descentaines d’adresses en France, Bel-gique et Suisse. Et explore ces lieuxspirituels famille par famille, pour aiderle lecteur à choisir selon ce qu’il attendet ce qu’il est. Il y a d’abord les lieuxd’accueil chrétiens. Aller chez les Bé-nédictins, ce n’est pas la même chosequ’aller chez les Chartreux ou les or-thodoxes. Vient ensuite la spiritualité del’Orient, qu’il s’agisse des retraites zen,des chatoyants monastères tibétains,ou encore des temples Vipassana. En-fin, Anne Ducrocq recense des lieuxlaïcs ou aux confluences de plusieurstraditions spirituelles.Vous y trouverez les contacts, les« bons plans », mais surtout, un guideau long court, qui ouvre – grâce à sestextes, à ses reportages et à ses su-perbes photographies – les portes deces lieux de silence et de partage,pour vous offrir toute leur sérénité. ■

Guide spirituel des lieux de retraitedans toutes les traditionsAnne Ducrocq

À PARAÎTRE EN MAI

Déchirure des couples, écar-tèlement des enfants, dislo-cations des liens familiaux, au-

tant de situations difficiles qu’elle apassées au crible de la sociologie, dela psychologie, de l’anthropologie, del’histoire, pour débusquer les mo-ments où tout commence à déraperainsi que les failles d’une société.

PAS DE LONGS DISCOURS ni d’ap-proximatives suppositions dans cetouvrage, qui est né au contraired’une précieuse enquête auprèsd’une quarantaine de personnes enprocédure de divorce, et en conflitaigu au sujet de la garde des en-fants. Elle a écouté chacun, delongues heures, dans différentes si-tuations. Ce qui l’a immédiatementfrappée, c’est à quel point, au seinde ces couples, chacun s’était ra-conté une histoire différente, et àquel point d’emblée, ils n’avaientpas vécu la même relation. Le gouf-fre, d’emblée. Ensuite, l’enchaîne-

ment est souvent implacable, quiconduit les revendications de l’un às’opposer de manière systématiqueà celles de l’autre.Quand la machine judiciaire se meten place (et elle peut durer des an-nées), tous les conflits latents ex-plosent, en révélant les enjeux ca-chés de ces batailles – qui ont leplus souvent pour terrain la « garde »des enfants. Le rôle du législateurest alors de faire respecter au mieux

l’« intérêt de l’enfant » : mais cettenotion est encore instable, ambiguëet « juridiquement non définie »,comme le souligne Anne Marco-vich. Elle est à l’image de notre so-ciété qui tâtonne encore pour trou-ver de nouveaux modèles familiaux.

C’EST ICI L’ANGLE ORIGINAL ET POR-TEUR choisi pour traiter de ce sujetmajeur qu’est le divorce : ne pass’arrêter au constat de ces situa-tions conflictuelles, mais considérerqu’il est le point de départ pour me-ner une réflexion de fond sur lesmutations de la société, notammentà travers cet élément central qu’estla famille : « Il faut construirequelque chose de nouveau qui,adossé à l’évolution des lois sur lafamille, devra porter le devenir desenfants. » ■

Qui aura la garde des enfants ?Anne Marcovich320 pages, 16,90 €

Divorces difficiles :symptômes de questions sociétales ?ÉTUDE

C’est avec les outils des sciences sociales qu’Anne Marcovich a cherché à comprendre

pourquoi certains divorces tournaient au cauchemar.

Honoris causa ■ ■ ■

■ L’Académie CharlesCros a décerné en find’année dernière le prixParole enregistréeà François Chengpour le CD dans lequelil lit lui-même son livreCinq méditationssur la beauté.CD Audiolib disponibledans tous les pointsde vente livres.

■ Paul Veyne a reçule 3 mars le prix Roger

Caillois de l’Essai pourl’ensemble de son œuvre.

■ Jean Ziegler,prix littéraire 2008des Droits de l’Hommepour La Haine del’Occident a été faitdocteur honoris causade l’université deVincennes – Saint-Denis,qui fête ses quarante ansd’existence.

■ Gabriel Ringlet,personnalitéincontournabledu monde intellectuelet universitaire belge,sera reçu en septembreprochain à l’Académieroyale de langue etlittérature françaises.Il est auteur entre autreschez Albin Michel deL’Évangile d’un librepenseur et de Ceci estton corps. Journal d’undénuement, son dernier

livre dont le succès necesse de croître.

■ Charles Le Quintrec,qui avait reçu en 2007 leGrand Prix de littératurecatholique, est décédé àLorient à l’âge de 82 ans.En 2009, il aurait célébréses cinquante ansd’édition au sein de lamaison Albin Michel.

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Non, l’Italien Mancuso, catholique sincère,n’avait aucune prétention à devenir un« nouveau Luther », comme naguère l’Alle-

mand Eugen Drewermann, autrement plus virulent.Il y a quelques années, il pouvait même faire figurede chouchou du Vatican, car sa thèse sur Hegelavait été remarquée, et surtout, son deuxième livresur la souffrance innoncente, la maladie et le han-dicap avait reçu les éloges de théologiens quasiofficiels. Mais la liberté de pensée de Vito Mancusone pouvait, à terme, que lui valoir quelques soucis.Et aujourd’hui, ce professeur de théologie moderneet contemporaine n’a qu’à se féliciter du caractèrelaïc de l’université San Raffaele de Milan, où il en-seigne : si cette institution privée avait été dépen-dante de l’Église, sûr qu’il serait aujourd’hui au chô-mage, malgré la protection bienveillante de son amile cardinal Martini. Celui-ci fut longtemps considérécomme le chef de fil des réformateurs de l’Église,prêts non seulement à appliquer mais à prolongerl’élan de Vatican II. En guise de préface au livre deMancuso, il lui a écrit une lettre qui, sans adhérerouvertement à ses thèses, le légitime dans sa po-sition de chercheur libre : « Il sera difficile de par-ler de ces sujets sans tenir compte de ce que tu asdit avec une pénétration courageuse. »

QUELS SONT CES SUJETS QUI SIFFLENT SI DOULOU-REUSEMENT AUX OREILLES DU PAPE ACTUEL et deses sourcilleux conseillers ? Il s’agit tout simplementde ceux qui avaient été laissés de côté – car tropexplosifs – lors de la grande vague réformatrice desannées soixante. Un domaine théologique demeuré

intouchable même après le concile Vatican II, parceque la moindre remise en question aurait risquéd’ébranler un édifice dogmatique figé depuis leMoyen Âge. Ce domaine tabou porte un nom unpeu barbare, « eschatologie », mais il correspond enfait aux fondations les plus profondes du christia-nisme : Enfer, Paradis, Purgatoire, Résurrection dela chair, Jugement dernier… Que peut bien signifierce vocabulaire d’un autre âge à l’heure des théo-ries de l’évolution et de la relativité, à l’heure de laphysique quantique et de la biologie moléculaire, dela psychanalyse et de l’astrophysique ? Vito Man-cuso ne cherche nullement à démonter par purplaisir déconstructiviste l’enseignement chrétien encette matière des « fins dernières ». Il entend seu-lement reprendre cette problématique à sa racine,pour rendre au christianisme une crédibilité qu’il es-

time perdue. Face aux acquis de la science – dessciences physiques, historiques, cognitives, etc. –,il n’est plus possible de parler du destin del’homme, et de son éventuel « salut », sans re-prendre les choses à nouveaux frais. Autrement dit,sans se livrer à une véritable enquête intellectuellesur la définition de l’âme. Avec talent et clarté,Mancuso nous entraîne dans cette enquête où ilconvoque aussi bien les maîtres de la philosophiegrecque que les grands penseurs chrétiens duXXe siècle – de Teilhard de Chardin à Dietrich Bon-hoeffer en passant par Urs von Balthazar – et mêmeceux des autres religions, notamment orientales.

L’ESSENTIEL DE SA CONTESTATION PORTANT SUR LE

PÉCHÉ ORIGINEL – du moins dans sa définition au-gustinienne –, l’enquêteur nous invite à retournerà la vision optimiste de certains Pères de l’Église,notamment Origène d’Alexandrie. Cette vision se-lon laquelle « Dieu sera tout en tous » à la fin destemps, ainsi que le formulait saint Paul, a couru defaçon quasi clandestine tout au long de l’histoire duchristianisme. Mais elle a été sans cesse refouléepar la tendance dominante marquée par un pes-simisme ontologique et un moralisme étriqué. Il fautabsolument sortir de cette impasse, clame Man-cuso, pour sauver le christianisme – le christia-nisme dont l’humanité a besoin pour se sauver elle-même. ■

Un théologien frondeur et visionnairePENSÉE CHRÉTIENNE

Le saviez-vous ?« Apocatastase » : tel est le terme technique qui,dans le domaine théologique, désigne la visionsoutenue par Vito Mancuso, d’un monde destinéà la lumière dans son entièreté (il n’y a donc pasd’Enfer éternel, les « damnés » et le « Diable »lui-même étant promis à la rédemptionpar conversion, et non à l’anéantissement).Ce terme, qui signifie « rétablissement » ou« réintégration » en grec, vient de la philosophiestoïcienne avant d’être repris en 220par Origène dans son De Principiis.

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ALBIN MICHEL, 22 rue Huyghens, 75014 Paris – Tél. : 01 42 79 10 00 – Fax : 01 43 27 21 58 – www.albin-michel.frRédaction : Jean Mouttapa, éditeur ; Julien Darmon ; Anne-Sophie Jouanneau – Maquette : Création/Réalisation, Caractère B.

Son livre fait scandale en Italie, où il s’est déjà vendu à presque 100 000 exemplaires. L’Osservatore Romano, journal officiel

du Saint-Siège, et La Civilità Cattolica, revue contrôlée ligne à ligne par la secrétairerie d’État du Vatican, se sont acharnés

à démontrer la nature quasi-hérétique de l’ouvrage délictueux, en de longs articles assassins. Pourtant, Vito Mancuso n’avait rien

au départ d’un dangereux contestataire.

De l’âme et de son destinVito Mancuso384 pages, 22 €