34
2 AGENDA Colloque Acfos VIII 4 Formations professionnelles Acfos 2010 5 ACTU Enfin une loi pour le dépistage néonatal de la surdité ? 6 JOURNÉES D’ÉTUDES ACFOS 2009 Le groupe de langage oral pour des enfants sourds entre 3 et 5 ans 7 par Chantal DESCOURTIEUX et Isabelle LEGENDRE Comment les enfants sourds peuvent-ils s’approprier la langue ? 11 par Cécile RENAULT Les compétences mobilisées par l’apprentissage de la lecture chez l’enfant 14 par le Pr Jean-Emile GOMBERT SCIENCES ET TECHNIQUES La système Haute Fréquence. Usage, fonction, utilisation... du principe à l’application ! 20 par Nathalie LAFLEUR PSYCHOLOGIE La dimension du soin dans le rapport aux parents d’enfants déficients auditifs 25 par Grégory GOASMAT INTERNATIONAL Hors de l’hexagone, le travail d’Ortho-Bénin 30 par Brigitte AUBONNET CABROLIE LIVRES 33 S S o o m m m m a a i i r r e e S o m m m a i S o m m i r e m a r e C ONNAISSANCES S URDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : [email protected] Revue trimestrielle Édité par ACFOS Action Connaissance FOrmation pour la Surdité 11 rue de Clichy 75009 Paris Tél. 09 50 24 27 87 / Fax. 01 48 74 14 01 Site web : www.acfos.org Directrice de la publication Pr Françoise DENOYELLE Rédactrice en chef Coraline COPPIN Courriel : [email protected] Comité de rédaction : Denise BUSQUET, Marie Claudine COSSON, Vincent COULOIGNER, Joëlle FRANÇOIS, Brigitte GEVAUDAN, Nathalie LAFLEUR, Vanessa LAMORRE-CARGILL, Aude de LAMAZE, Ginette MARLIN, Lucien MOATTI, Isabelle PRANG, Philippe SÉRO- GUILLAUME Couverture : DSMB 25 rue de la Brèche aux Loups 75012 Paris Tél./Fax. 01 43 40 19 58 Courriel : [email protected] Maquette : Coraline COPPIN Impression : ACCENT TONIC 45-47 rue de Buzenval 75020 Paris N° CPPAP : 1112 G 82020 ISSN : 1635-3439 Vente au numéro : 12 Abonnement annuel : 40 La reproduction totale ou La reproduction totale ou partielle des articles contenus partielle des articles contenus dans la présente revue est dans la présente revue est interdite sans l’autorisation interdite sans l’autorisation d’ACFOS d’ACFOS

o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : [email protected]

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

2

AGENDAColloque Acfos VIII 4Formations professionnelles Acfos 2010 5

ACTUEnfin une loi pour le dépistage néonatalde la surdité ? 6

JOURNÉES D’ÉTUDES ACFOS 2009Le groupe de langage oral pour des enfants

sourds entre 3 et 5 ans 7par Chantal DESCOURTIEUX et Isabelle LEGENDRE

Comment les enfants sourds peuvent-ilss’approprier la langue ? 11

par Cécile RENAULTLes compétences mobilisées par l’apprentissagede la lecture chez l’enfant 14

par le Pr Jean-Emile GOMBERT

SCIENCES ET TECHNIQUESLa système Haute Fréquence. Usage, fonction,utilisation... du principe à l’application ! 20

par Nathalie LAFLEUR

PSYCHOLOGIELa dimension du soin dans le rapport auxparents d’enfants déficients auditifs 25

par Grégory GOASMAT

INTERNATIONALHors de l’hexagone, le travail d’Ortho-Bénin 30par Brigitte AUBONNET CABROLIE

LIVRES 33

SSoo mm

mm aaii rr

eeS

o

m

m

m

a

i

S

o

m

mi

r

e

m

a

r

e

CONNAISSANCES SURDITÉS

11 rue de Clichy75009 ParisCourriel : [email protected]

Revue trimestrielle

Édité par ACFOSAction Connaissance FOrmation pour laSurdité11 rue de Clichy 75009 ParisTél. 09 50 24 27 87 / Fax. 01 48 74 14 01

Site web : www.acfos.org

Directrice de la publicationPr Françoise DENOYELLE

Rédactrice en chefCoraline COPPIN

Courriel : [email protected]

Comité de rédaction : DeniseBUSQUET, Marie ClaudineCOSSON, Vincent COULOIGNER,Joëlle FRANÇOIS, BrigitteGEVAUDAN, Nathalie LAFLEUR,Vanessa LAMORRE-CARGILL,Aude de LAMAZE, GinetteMARLIN, Lucien MOATTI, IsabellePRANG, Philippe SÉRO-GUILLAUME

Couverture : DSMB25 rue de la Brèche aux Loups 75012 ParisTél./Fax. 01 43 40 19 58Courriel : [email protected]

Maquette : Coraline COPPIN

Impression : ACCENT TONIC45-47 rue de Buzenval75020 Paris

N° CPPAP : 1112 G 82020

ISSN : 1635-3439

Vente au numéro : 12 €

Abonnement annuel : 40 €

La reproduction totale ouLa reproduction totale oupartielle des articles contenuspartielle des articles contenusdans la présente revue estdans la présente revue estinterdite sans l’autorisationinterdite sans l’autorisationd’ACFOSd’ACFOS

Page 2: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 3

ÉÉ d i t o r i a ld i t o r i a lPAR FRANÇOISE DENOYELLEPAR FRANÇOISE DENOYELLEPrésidente

CCet été a été riche en actualité concernant la surdité. Toutd’abord, le groupe UMP missionné par l’Assemblée Nationalepour élaborer des propositions en vue d’améliorer le dépistage

précoce des troubles de l’audition a rendu son rapport en juillet dernier.Les trois parlementaires responsables de cette mission (Jean-PierreDupont, Jean-François Chossy, Edwige Antier) ont auditionné denombreux experts, des associations, des organismes publics... entrefévrier et juin 2010. Le point phare de ce document est une propositionde loi visant à généraliser le repérage des troubles de l’audition enmaternité, qui pourrait être déposée en décembre prochain. Une avan-cée décisive dans ce domaine et attendue par de nombreux parents,associations et professionnels. Espérons que cela débouche enfin sur lamise en place concrète du dépistage néonatal de la surdité, mettantainsi fin à l’inégalité qui règne actuellement sur le territoire français.Acfos vous tiendra bien sûr informés par le biais de notre revue, denotre site et de notre blog.

Ce même mois de juillet a vu l’officialisation des deux centres de res-sources :

Le centre national de ressources pour les handicaps rares destiné auxpersonnes sourdes avec déficiences associées et aux enfants atteintsd’un trouble complexe du développement du langage avec déficienceassociée ;

Le centre national de ressources pour les handicaps rares destiné auxpersonnes sourdes-aveugles.Le rôle et les missions de ces deux Centres de ressources seront large-ment détaillés dans notre prochain colloque : souhaitons qu’ils aient lesmoyens de répondre aux larges et indispensables missions qui leur sontconfiées.

Un hiver qui s’ouvre donc sur de nombreuses perspectives ! PourACFOS, le prochain temps fort sera le colloque Acfos 8 qui aborderales difficultés spécifiques des enfants sourds ayant des déficits senso-riels combinés : signes d’appels, conséquences, prise en charge théra-peutique et psychologique, accompagnement des familles... Ces sujetsseront l’occasion d’échanges que nous espérons riches et nombreux avectous les participants*.

Enfin, nous vous proposons dorénavant cette revue entièrement encouleur : nous espérons que ce changement vous plaira et égayera votre lecture.

Acfos vous souhaite à tous une très belle rentrée.

* Plus de détails sur toutes ces informations dans ce numéro.

Page 3: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

AAGENDAGENDA

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°334

Equilibre et vision chez l’enfantsourd. Usher et autres déficits combinés

Colloque ACFOS VIII

PROGRAMME DU VENDREDI 19NOVEMBRE

PHYSIOLOGIES ET PHYSIOPATHOLOGIES SENSORI-MOTRICES

Contrôle multi sensoriel du regard, de l’équilibre, de lalocomotion, de la mémoire spatiale, des gestes… Le rôle particulier du vestibule “6ème sens”Pr Alain BERTHOZ, Collège de France, Laboratoirede Physiologie de la Perception et de l’Action

Les troubles vestibulaires et leurs conséquences chezl’enfant sourd. Aspects théoriques et cliniques.

Dr Sylvette WIENER-VACHER, ORL, Hôpital R.Debré, Paris

Soline LECERVOISIER, Psychomotricienne,CEOP & Centre de Ressource R. Laplane, Paris

Les troubles visuels et leurs conséquences chez l’enfantsourd. Aspects théoriques et cliniques.

Dr Georges CHALLE, Ophtalmologiste-PH, HôpitalPitié-Salpêtrière, Paris

Isabelle LAYAT, Orthoptiste, Centre pour EnfantsPlurihandicapés, Paris

DÉFICIENCES SENSORIELLES COMBINÉES

Triples déficiences sensorielles : aspects génétiques etperspectives thérapeutiques Pr Hélène DOLLFUS, Service de Génétique médicale,CHU de Strasbourg

Retentissement psychologique des déficiencessensorielles combinées et accompagnement desfamilles Isabelle VERGRIETTE, Psychologue, Centre pourEnfants Plurihandicapés, Paris

Témoignages d’équipes : modalités de prise en charge,d’accueil et d’accompagnement des personnesporteuses de déficiences combinées

Dr Joëlle TOUR-VINCENT, INJS de ParisAdrienne VIEU, Orthophoniste, Institut St Pierre,

PalavasDominique SPRIET, Directrice, FAM Quenehem,

Calonne RicouartAntoinette BLANC ZIDI, Professeur Ressource,

MDPH 75, Paris

PROGRAMME DU SAMEDI 20 NOVEMBRE

LE SYNDROME DE USHER TYPE 1 CHEZ L’ENFANT(avant 15 ans)

Syndrome de Usher : de la fonction des gènes à laphysiopathologieDr Aziz EL-AMRAOUI, Chef de Laboratoire, InstitutPasteur, Paris

Les signes d’alerte. L’établissement du diagnostic et lesexamens indispensables. L’importance d’un bilangénétique.Dr Jacques LEMAN, ORL, Nord Pas-de-Calais

L’annonce d’un Usher type 1 : un exemple defonctionnement d’une équipe pluridisciplinaire

Dr Sandrine MARLIN, Généticienne, Hôpitald’Enfants A. Trousseau, Paris

Dr Georges CHALLE, Ophtalmologiste-PH, HôpitalPitié-Salpêtrière, Paris

Caroline REBICHON, Psychologue, Hôpitald’Enfants A. Trousseau, Paris

TÉMOIGNAGE ET SYNTHÈSE

TémoignageGladys REYNIER, Association CHARGE

Rôle des Centres de Ressources dans les soins etl’accompagnement des enfants avec déficiencescombinées

Dr Jeanne COUSIN, Directrice, Centre deRessources R. Laplane, Paris

M. Serge BERNARD, Directeur, CRESAM,Poitiers

Préconisations concernant la détection et la prise encharge des déficiences sensorielles combinéesPr Françoise DENOYELLE, ORL, PU-PHHôpital d’Enfants A. Trousseau, ParisPrésidente d’ACFOS

Le programme complet et les horaires sont disponibles sur simple demande

auprès d’Acfos ou sur notre sitewww.acfos.org

Page 4: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 5

TARIFS COLLOQUE ACFOS VIII

Adhérents* :

Inscription individuelle : 230 €Formation continue** : 300 €Tarif réduit (parents, personnes sourdes) : 100 €Tarif groupe (à partir de 5 inscriptions) : 200 €

Non adhérents : 350 €**

* Adh. personne physique :30 € / Adh. personne moral e: 150 €. Voirtoutes les modalités sur www.acfos.org** Les personnes inscrites au titre de la formation continue recevrontgratuitement les Actes du colloque. Vous pouvez être inscrit en Formationcontinue au tarif non adhérent.

Bulletin d’inscription disponible sur simple demande à

ACFOS 11 rue de Clichy

75009 ParisTél. 09 50 24 27 87 Fax. 01 48 74 14 01

[email protected]

ou téléchargeable sur notre site

www.acfos.org

AAGENDAGENDA

Formations professionnellesFormations professionnellesACFOS 2010ACFOS 2010

FP6 : Les problématiques découlant d’un dysfonctionnement vestibulaire chez l’enfant sourd

Intervenantes : Marie France DUBUC (Psychomotricienne), Sylvette WIENER VACHER ( ORL)Dates : 07 et 08 octobre 2010, ParisCoût : 350 €

FP7 : Cas particuliers après Implantation cochléaire pédiatrique

Intervenantes : Natalie LOUNDON (ORL, PH), Isabelle PRANG (Ortho-phoniste), Caroline REBICHON (Psychologue)Dates : 18 et 19 octobre 2010, ParisCoût : 350 €

FP8 : Accompagnement des adolescents sourds

Intervenantes : Isabelle PRANG (Orthophoniste), Florence SEIGNOBOS(Psychologue, Psychothérapeute)Dates : 02 et 03 décembre 2010, ParisCoût : 350 €

FP9 : Le contrôle audiophonatoire de l’enfant implanté et la réédu-cation de la parole

Dates : 09 et 10 décembre 2010, ParisIntervenante : Chantal DESCOURTIEUX (Orthophoniste)Coût : 350 €

ÀÀ NOTERNOTER......

Les formations professionnelles sontréservées à nos adhérents.

Tout le monde peut adhérer àAcfos : il vous suffit de remplir lebulletin d’adhésion disponible surnotre site www.acfos.org ou encontactant Acfos au 09 50 24 27 87 [email protected]

Le contenu détaillé des formations estdisponible à ces mêmes coordonnéeset peut vous être envoyé sur simpledemande.

Page 5: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°336

AACTUCTU

ENFIN UNE LOI POUR LEDÉPISTAGE NÉONATAL DE LASURDITÉ ?Nous vous en parlions dans l’édito : un groupe UMPcomposé de Jean-Pierre Dupont (Député de Corrèze),Edwige Antier (Députée de Paris et Pédiatre) etJean-François Chossy (Député de la Loire) a été mis-sionné par l’Assemblée Nationale pour élaborer despropositions en vue d’améliorer le dépistage précocedes troubles de l’audition. De nombreux experts, desassociations, des organismes publics... ont étéconsultés. Ce rapport, rendu public le 07 juillet der-nier préconise une proposition de loi visant à géné-raliser le repérage des troubles de l’audition en mater-nité, qui pourrait être déposée en décembre prochain.Le coût d’un tel dépistage est estimé à 11 millionsd’euros.

Voici le détail des des propositions :

DÉPISTAGE ET ACCOMPAGNEMENT

Proposition n°1 : confier aux agences régionales desanté (ARS) la mise en oeuvre et la coordination dudépistage systématique dans un délai de deux ansmaximum des troubles de l’audition en deux temps- repérage en maternité et diagnostic en centre spé-cialisé -, selon un cahier des charges défini au niveaunational.

Proposition n°2 : généraliser progressivement surl’ensemble du territoire les centres de référence spé-cialisés dans le dépistage, le diagnostic, la prise encharge, l’information et l’accompagnement destroubles de l’audition, véritables “guichets uniques”autour d’une équipe pluridisciplinaire répondant aucahier des charges national (CAMSP, des CDOS outoute autre structure).

Proposition n°3 : désigner un référent “troubles del’audition” au sein de chaque Maison départemen-tale des personnes handicapées (MDPH), afin d’as-surer une continuité de l’accompagnement de l’en-fant et de sa famille.

INFORMATION

Proposition n°4 : délivrer une information systé-matique donnée aux parents pendant la période degrossesse sur le rôle de l’audition dans l’apprentissagedu langage de l’enfant et la nécessité d’une vigilancesoutenue sur l’état de l’audition pendant toute l’en-fance.

Proposition n°5 : confier aux centres de référenceterritoriaux une mission d’information objective,neutre et complète sur les différents modes de com-munication aux personnes sourdes et malentendantesainsi que leurs possibilités existantes au niveau régio-

nal, en s’appuyant sur les associations spécialiséesdans les différents modes de communication.

Proposition n°6 : faire de la surdité une grande causenationale afin d’accompagner la généralisation dudépistage et la mise en oeuvre du plan gouverne-mental, comprenant notamment la tenue de débatsen régions dont l’organisation pourrait être confiéeaux espaces éthiques régionaux.

Proposition n°7 : lancer une campagne d’informa-tion nationale sur le bilinguisme ou le multilinguisme,valorisant l’ensemble des modes de communication.

FORMATION

Proposition n°8 : mettre en place un module de for-mation initiale et continue d’ordre technique,informationnel et psychologique pour les profes-sionnels de la naissance sur le repérage des troublesde l’audition dans les maternités.

Proposition n°9 : mettre en place dans le cadre dela formation initiale des médecins un module sur lesdifférents types de handicap , dans le souci d’un rap-prochement entre sanitaire et médico-social.

Proposition n°10 : mettre en place pour les profes-sionnels de l’enfance une formation sur le repéragedes troubles de l’audition et les signes d’alerte (psy-chiques, comportementaux, etc.) et en particulier lespédiatres, les personnels de crèches, les personnels dePMI, les orthophonistes, les psychométriciens, lesenseignants et personnels de l’éducation nationale encontact avec les jeunes enfants, etc.

RECHERCHE

Proposition n°11 : améliorer le recueil statistique etl’exploitation des données disponibles relativesaux troubles sensoriels et dans un premier temps surles troubles auditifs, en particulier au moment clé dudéveloppement de l’enfant :

Rendre effectifs le remplissage et la transmissiondes trois certificats de santé à l’issue des examensmédicaux obligatoires (8e jour, 9e mois et 2 ans del’enfant) par le médecin aux services de protectionmaternelle et infantile (PMI), en instaurant des pénalités ;

Centraliser et exploiter les données au niveau natio-nal, avec pour objectif la constitution d’un registrenational épidémiologique sur les surdités de l’enfant.

Proposition n°12 : étudier l’opportunité de mettreen place un dépistage systématique des troubles dela vision au niveau national.

Le document complet et le texte de la proposition deloi sont téléchargeables sur notre site www.acfos.orgà la rubrique “Se documenter” “Textes législatifs”

Page 6: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 7

Mme Isabelle LEGENDRE

LE PROJET DE CODALI

En éducation précoce, la prise en charge veille à réta-blir ou établir un dialogue préverbal : le groupe de lan-gage nous permettra ainsi d’aller vers une communi-cation linguistique. Proposer une orthophonie intensivepour les enfants entre 3 et 5 ans (maternelle) est unede nos spécificités. Sur cette période, les enfants aurontdeux séances de rééducation orthophonique individuelleet 6h de rééducation orthophonique collective (groupesde 4 à 6 enfants) par semaine. En séance collective,nous leur proposons deux à trois heures de langage,deux à trois heures d’éducation auditive et de contrôleaudiophonatoire puis, en dernière année de maternelle,deux heures de pré-requis de lecture.

LE GROUPE DE LANGAGE ORAL

Ce groupe de langage a lieu deux à trois fois parsemaine pour tous les enfants de maternelle, de lapetite à la grande section. Parallèlement à ce travail delangage, nous allons bien sûr travailler et valoriser laperception auditive, notre but étant que cette percep-tion auditive puisse aider à une imprégnation prépon-dérante des acquisitions linguistiques en fin de mater-nelle. Nous favoriserons le contrôle audiophonatoire parla répétition, l’acquisition de modèles, la lecture labialeet nous proposerons des moyens augmentatifs de com-munication pour soutenir le langage oral : signes etcodage LPC.

Trois types d’activités sont proposés au sein desgroupes de langage oral :

L’orthophoniste va susciter des échanges et des inter-actions pour donner aux enfants le plaisir de commu-niquer oralement. Dans ce cas, l’orthophoniste prendl’initiative d’aider les enfants à faire et à dire ce qu’ilsne peuvent pas faire seuls. On peut parler là d’étayage.La relation est asymétrique : l’interaction entre enfantsest stimulée par l’orthophoniste, car spontanément, ellereste encore rare à ce niveau.

Nous allons proposer des exercices systématiquesde langue, nécessaires à l’apprentissage descontraintes de la langue. L’orthophoniste ébauche unmodèle et l’enfant va poursuivre l’ébauche donnée parl’orthophoniste, l’automatiser et finalement se l’ap-proprier.

Troisième situation : le langage spontané va prendretoute sa place. Nous allons partir des acquis desenfants et favoriser les échanges entre eux. Ceux-ci vontêtre possibles, fréquents et efficaces pour aboutir à unvéritable dialogue. L’orthophoniste s’efface alors peu àpeu et les enfants deviennent capables de faire seuls.

Ces trois activités sont présentes dans chaqueséance, elles se combinent et se complexifient avecl’évolution des enfants. Il est évident que chez les plusjeunes, les situations d’échanges et d’interactions à l’ini-tiative de l’orthophoniste seront prépondérantes.Chez les plus grands (grande section de maternellegénéralement), les situations de langage spontanéseront beaucoup plus présentes.

Le groupe de langage oral pour desLe groupe de langage oral pour desenfants sourds entre 3 et 5 ans.enfants sourds entre 3 et 5 ans.De l’apprentissage à la discussion.De l’apprentissage à la discussion.PAR CHANTAL DESCOURTIEUX ET ISABELLE LEGENDRE

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

Le fil rouge des conférences des journées d’études “Parler, lire et écrire... Pas si simplepour un enfant sourd !” est la démonstration faite, au travers des témoignages des parentset des professionnels, de l’importance de créer des conditions authentiques d’échangesavec les enfants sourds. Au départ, ces situations peuvent être proposées de manière“artificielle” mais l’important est qu’elles se réfèrent à une réalité langagière et qu’ellespermettent aux enfants de se trouver dans des échanges spontanés et variés decommunication. Dans cet esprit, C. Descourtieux et I. Legendre nous avaient présentés(avec le support de nombreuses séquences vidéos) la manière dont sont proposés desgroupes de langage oral à Codali et leurs objectifs.

Page 7: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°338

Ces groupes de quatre à six enfants sont constitués enfonction de leurs capacités de communication : ungroupe de débutants, un groupe de langage niveau 1et un groupe de langage niveau 2. Certaines années,nous pouvons être amenés à faire quatre groupes enfonction de la population des enfants.

Nous avons essayé de schématiser les trois activitésque l’on propose dans chaque groupe afin de vous pro-poser une visualisation plus claire de ce que l’on fait :

LA COMMUNICATION

Avec le groupe des débutants, nous proposons beau-coup de manipulations et d’actions. Nous nous plaçonsdans une communication très globale avec des inter-actions multimodales.

Dans le groupe de langage niveau 1, le langage sestructure de plus en plus, la communication devient plusspontanée. Avec le groupe de langage niveau 2, cetteactivité est vraiment une activité de langage courant.

LES EXERCICES SYSTÉMATIQUES

L’activité d’exercice systématique de langue est pré-sente dans le groupe des débutants, mais il s’agit sur-tout d’exercices d’automatisation. En revanche, dansle groupe langage niveau 1, l’exercice de langue est trèsprésent et toutes les contraintes de la langue sont tra-vaillées à ce niveau-là.

Dans le groupe de langage de niveau 2, l’activité “exer-cice de langue” diminue de nouveau. L’enfant possèdeun langage relativement structuré, nous partirons doncdes acquis des enfants et nous corrigerons les erreursà travers cette activité.

L’activité de langage plus spontané, la discussion, esttrès peu importante chez les débutants. Il y a peu ou

pas d’échanges entre enfants et ils sont principalementsollicités par l’orthophoniste. Ce langage spontanédevient plus important dans le groupe de niveau 1, maisl’orthophoniste est encore très présente et demandeaux enfants de s’écouter les uns les autres, de répé-ter pour que les autres puissent répondre.

Dans le groupe de niveau 2, l’espace de discussiondevient pratiquement l’activité dominante du groupe.Les enfants maîtrisent les règles de base de la com-munication, ils se répondent, se contredisent, argu-mentent… Nous l’illustrerons ultérieurement.

Mme Chantal DESCOURTIEUX

VERS LA COMMUNICATION ORALE PARUNE APPROCHE MULTI MODALE.GROUPE DES DÉBUTANTS.

Dans le groupe des débutants, notre approche estessentiellement sémantique. L’accès au sens est pré-pondérant. Nous allons nous baser sur l’utilisation demots clés qui vont sous-tendre des concepts en liensavec les universaux de développement (cf. les ouvragesde Frédéric François), davantage conceptuels ousémantiques. Il s’agit de proposer à l’enfant des situa-tions où un petit mot changera le sens d’un autre mot.Cela nous semble fondamental : on l’a vu dans l’exempledonné par Mme Fruchard “aujourd’hui, grève” :des motsassociés sont pleins de sens, ils évoquent énormémentd’informations que l’enfant peut et doit s’approprier.

Ces universaux se retrouvent quasiment dans toutesles langues. Il s’agit d’unités de sens minimales géné-ralement liées à l’expérience et qui existent chez pra-tiquement tous les êtres humains. Si l’on possède cesnotions dans une langue donnée, on les connaîtra déjàlors du passage vers une autre langue, ce qui permetde passer plus facilement de l’une à l’autre. Les uni-versaux n’ont pas besoin d’être réappris pour une autrelangue.

Pour la notion de choix, par exemple, l’enfant sera sol-licité sur des exemples du type : “veux-tu une banane ouune pomme?”. La notion de “ou” est fondamentale, c’estl’un “ou” l’autre, opposé à l’un “et” l’autre. De même, lanotion du “encore”, de “re-donner” sont également desconcepts très importants.

Autre universel conceptuel : la négation. Ex : “Maman estlà”, ou “Maman n’est pas là” ne signifie pas la mêmechose, et c’est un tout petit mot, le “pas”, qui va signi-fier la différence qui est essentielle puisque ce sera l’ab-sence de la personne que pourtant on évoque.Conceptuellement, le mot “maman” et le mot “là” pro-

Le groupe de langage oralLe groupe de langage oral

Page 8: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 9

Le groupe de langage oralLe groupe de langage oral

noncés signifient que maman est présente même si ellen’est pas sous mes yeux. La seule syllabe “pas” annulecette présence ! Au niveau du langage, ces change-ments de sens par une très petite unité sont essentielsà intégrer très précocement pour entrainer la flexibi-lité de la pensée et du langage.

Citons aussi la caractérisation, l’appartenance, le lieuqui sont également des notions fondamentales à présenter.

Les objectifs de ce groupe

J’insisterai particulièrement sur l’association desmots. Ce matin une équipe a dit que l’enfant ne com-binait pas les mots à 2 ans, 2,5 ans. On voit bien l’im-portance que cela a : comme le dit Frédéric François,l’association de mots est une implication lexicale quiconduira à la grammaire. Il donne quelques exemple queje vais reprendre : “Bébé manger” ou “Gâteau manger”.Dans “Bébé manger”, on sait que c’est le bébé qui vamanger. Quand le très jeune enfant dit “Gâteau man-ger”, on sait très bien que c’est lui qui va manger legâteau, et que c’est ce qu’il a l’intention de dire. Cetteimplication des deux mots et les sens implicites que l’en-fant mettra dessous se fait très tôt, dès l’âge de 14mois selon certaines publications. Cette implication lexi-cale existe peut-être même avant. Nous sommes donctrès vigilants à ce stade et nous cherchons à favoriserle fait que l’enfant ait plaisir à associer des mots.

Le tour de rôle : au début avec des tout-petits l’échangeest bien sûr très guidé. L’accès au sens de la questionest travaillé également.

Les procédés d’apprentissage :ils sont multiformes

Ces procédés sont connus : le mime (geste et expres-sivité du visage), l’action (motricité avec déplacement),le support concret (objets, images, photos, étiquettes)et le graphisme (dessins, symbolisation graphique).

A Codali tous ces procédés sont parlés : les messagessont volontairement courts et répétés car nousessayons de valoriser au maximum la qualité de laréception. Les exercices sont surtout basés sur l’imi-tation de l’orthophoniste ou du copain.

LE GROUPE DE LANGAGE NIVEAU 1

A ce niveau un peu plus avancé, il nous semblait impor-tant de présenter un travail sur la procédure lexicale,dont parle beaucoup Mme Monique Dumoulin. Nousallons proposer un vocabulaire élargi avec des thèmesempruntés à la vie quotidienne de l’enfant. Nous allons

alors essayer d’amener l’enfant à développer desaspects morpho-syntaxiques par la combinaison d’élé-ments lexicaux.

Comment cela fonctionne-t-il ? Par exemple, si l’on prendla phrase “Un chat noir”, nous avons trois syllabes : c’estmorpho-syntaxiquement plus intéressant que de dire“Papillon”. Certes, “Papillon” a bien 3 syllabes mais l’en-fant ne fait que nommer, dénommer, appeler. Enrevanche, quand on commence à combiner trois élé-ments monosyllabiques la démarche devient beaucoupplus intéressante : l’enfant commence à partir d’un élé-ment (“Chat”) et place d’autres éléments à côté. On vadevoir apprendre à mettre ces éléments dans un ordre,en respectant les contraintes de notre langue (on nedit pas “Un noir chat”, mais “Un chat noir” ; enrevanche on dit “Un petit chat” et “Un chat doux” parexemple).

Cette notion d’automatisation est importante pour quel’enfant s’habitue à faire des erreurs/corrections, quine vont pas nuire à l’informativité. On amène vraimentles enfants à jouer sur la base d’un vocabulaire simple,à mette des quantificateurs, “un, deux, trois, beaucoup,plus, rien”, mais aussi à se servir de la topologie, “des-sous, autour, dessus, dans”, de l’appartenance, “moi,à moi, le chat de quelqu’un », mais aussi « mon chat,ton chat, son chat”. La caractérisation est très impor-tante également puisque l’on va commencer à entrerdans quelque chose qui ressemble au fait de donner unavis : “Le chat est doux”, “Il est gros”… Nous allons enta-mer une discussion au sujet de cette caractérisation,en soulignant la possibilité d’avoir des avis différents…Le langage oral sera la modalité privilégiée, mais il estsouvent sous-tendu par l’action, le mime si besoin est.Nous commencerons à présenter des synonymes.

Bien sûr nous proposerons des exercices structurauxcar notre langue a beaucoup de contraintes. Onapprend à évoquer, à mettre en forme… ce qui servirad’exercices de bases pour l’apprentissage.

Enfin et surtout dirais-je (ce doit être notre petit coté“verbotonalistes” !), nous insistons sur l’apprentissagepar cœur de bons modèles ou de modèles structurés.Cet apprentissage par cœur est essentiel pour lamémorisation.

Pour dire “Un petit chat”, on ne doit pas réfléchir pen-dant trois minutes, il faut de “l’habitude”, intégrer cetteprocédure pour que cela ne soit pas coûteux au niveauattentionnel pour l’enfant. Bien sûr, les cahiers de lan-gage sont là pour permettre de laisser une trace pouraider la mémorisation.

Les objectifs : automatiser la procédure. Nous utilisonsbeaucoup de vocabulaire, avec support d’objets,

Page 9: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3310

d’images que l’enfant va devoir évoquer :un garçon, deuxfilles, pas de chat, etc., Nous allons rechercher l’infor-mativité. Il faut avoir quelque chose à dire, et avoir enviede dire, que ce soit du quantificatif, de la caractérisa-tion ou de la topologie. Le but est de transmettre uneinformation.

Nous travaillerons la réponse adéquate au mode inter-rogatif : où, qui, quoi, comment? Le langage ce n’est pasune répétition, c’est un moyen de donner une infor-mation, en lien avec tout ce qu’a expliqué M. Deleaudans sa conférence*. Dans ce groupe, nous com-mencerons à travailler une histoire, c’est-à-dire un dis-cours, l’organisation du langage sur des messagesbeaucoup plus longs.

Le film que nous allons vous présenter est un travail surla procédure de l’appartenance. L’orthophoniste pré-sente le possessif : “mon, ta, ton, et la mienne” ; on veutmontrer la pluralité des possibilités pour que l’enfantfasse des erreurs, tâtonne et finalement apprenne.

Mme Isabelle LEGENDRE

LE GROUPE DE LANGAGE NIVEAU 2

L’objectif est d’aller vers une maîtrise du langage spon-tané. A ce niveau, on va largement développer le lexiqueet présenter les différents registres de langue. Parexemple, à partir de l’adjectif “content”, nous utiliserons“gai”, “joyeux”, “heureux”, “épanoui”, “satisfait”, etc. Onpropose à l’enfant tout ce qui peut exister. On abordeles structures syntaxiques complexes de la langue. Onva travailler sur les relatives complexes. Il est facile dedire : “L’oiseau qui est sur l’arbre chante”. Il n’y a pasd’ambiguïté. Par contre dire “La voiture sur la table quiest cassé(e)” est plus complexe. Qu’est-ce qui estcassé ? La voiture ou la table ? Nous aborderons la voiepassive, la concordance de temps, l’utilisation du lan-gage déclaratif, injonctif, etc. Nous utiliserons tous lesregistres de la langue et inventerons des situations pourque les enfants commencent à faire des déductions,des suppositions, etc. On n’hésitera pas à leur deman-der leur avis : “Est-ce que tu penses que… ?”, “Est-ce quetu crois que…?”, “Et s’il se passait ça, est-ce que tu aime-rais que… ?”.

L’objectif est d’encourager les échanges spontanésentre enfants. L’orthophoniste s’efface. On va se ser-vir de supports connus, s’inspirer d’histoires vécues, desvacances... Nous aiderons les enfants à donner leur avis,à prendre position, à dire pourquoi ils sont d’accord oupas. Afin d’accéder à l’implicite mais aussi à l’humour,nous travaillerons les histoires drôles et les jeux demots.

Dans le film qui suit, nous verrons que l’orthophonistea appelé tous les enfants en mettant “Monsieur ouMadame” devant leurs prénoms ; une petite fille s’estappropriée le jeu et s’adresse à son voisin : “MonsieurLéo…”.

STRATÉGIES

On valorise la perception auditive car l’imprégnation lan-gagière est efficace à ce niveau-là. On s’en sert commetremplin pour les nouveaux acquis linguistiques.

Les histoires sont lues dans le texte intégral : il n’y a plusde restrictions, tout est proposé tel quel.

Le rapport image/texte est moins important qu’avant.Tout ce qui est dit n’est pas dessiné. L’implicite a doncune large part. La représentation mentale des enfantsse développe également.

On va se servir des contes populaires avec tout ce quecela comporte de lexique spécifique et de syntaxes sou-vent complexes, qui vont permettre de travailler leshypothèses, l’imaginaire. Nous proposerons des his-toires sur le Petit Poucet, Blanche-Neige, Babar… A ceniveau, ce sont les enfants qui vont s’expliquer et com-parer leurs points de vue.

Dans ce dernier film, vous verrez une orthophonistereprendre une histoire de Pikou en s’aidant d’un sup-port d’objet et d’un peu de manipulation. Une autreséquence reprend une histoire de Babar en auditionpure et nous verrons que les enfants vont se souvenirde cette histoire. Nous vous proposerons égalementun exemple d’exercices un peu systématiques où cesont les enfants qui racontent “du vrai et du faux” pen-dant leurs vacances.

Chantal DESCOURTIEUX, Orthophoniste, Directrice de CODALIIsabelle LEGENDRE, Orthophoniste, CODALI

* Voir Connaissances Surdités N°30

Le groupe de langage oralLe groupe de langage oral

Page 10: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 11

Comment les enfants sourds peuvent-Comment les enfants sourds peuvent-ils s’approprier la langue ?ils s’approprier la langue ?PAR CÉCILE RENAULT

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

Par cet exposé illustré de quelques courtes et pertinentes séquences de rééducationsorthophoniques, Cécile Renault nous rappelle à juste titre que l’acquisition d’une languevraiment “vivante” ne peut venir d’apprentissages conditionnés ancrés seulement sur dessituations figées. Lors d’échanges communicatifs interactifs, tout enfant, même sourd, doitavoir l’occasion d’expérimenter et de découvrir les règles et les possibilités créatrices queces-mêmes contraintes linguistiques peuvent lui offrir. Progressivement à partir d’ununivers de turbulences perceptives l’appropriation de la langue lui permettra de seconstruire un univers cohérent et communicable.

SSelon moi, l’enfant doit être acteur de cet appren-tissage. Pour cela, nous devons l’aider à réfléchirpar lui-même, à oser réfléchir par lui-même. En

ce faisant, il va développer son esprit critique et vaconstruire son rapport au monde. Il s’agit d’unapprentissage long et difficile, mais émaillé d’échanges,de rires, de doutes, de complicité. Ce n’est pas unapprentissage forcé.

Cependant, il y a des points essentiels dans cetteconstruction, des points qui réclament la vigilance durééducateur. Je vais en dégager trois, qui sont pour moifondamentaux si l’on veut aider l’enfant à développer unlangage souple, nuancé et non plaqué à des situationsfigées. Ces points seront illustrés par deux séquencesfilmées extraites du film “Parler pour dire” réalisé pourun colloque de l’ARIEDA dont le thème était “Contrainteet liberté”. Voici donc les trois points essentiels.

1. ETABLIR OU RETABLIR LACOMMUNICATION

Le besoin de communiquer est inné… “Une part consi-dérable de l’activité de l’enfant durant la première annéeet demie de sa vie est extraordinairement sociale etaxée sur la communication”, J. Brüner.

Ce besoin naît au sein de l’interaction mère/enfant. Ilfaut valoriser les premières ébauches de communi-cation du bébé dans le cadre familial. Chez le bébésourd, ces tentatives de communication sont parfoispeu lisibles. La remédiation orthophonique sert d’in-terface dans la prise de conscience des parents de cespremières tentatives.

Communiquer, c’est aussi être à l’écoute de l’autre,tenir compte de l’autre. Dans le jeu, l’enfant apprendpeu à peu à attendre son tour comme il le fera dansl’échange verbal. Il apprend le “À moi !”, “À toi !” à pro-pos des tours de jeu. “À moi !”communiquer c’est aussiprendre la parole au bon moment.

Juste un petit exemple, le problème de la question : lesenfants sourds ont tendance dans un premier tempsà répéter les questions posées, sans apporter deréponse. Ce que l’enfant entendant acquiert sponta-nément fait l’objet pour l’enfant sourd d’un travail pré-coce. C’est l’intonation de la voix qui lui indiquera lanature du message et donc l’intention du locuteur.

Je vais vous présenter une première séquence : ce filmd’une durée de 4 mn présente 3 enfants sourds profonds.

Le premier enfant apprend à reconnaître les prénomsdes enfants de sa classe de maternelle.

La deuxième, une petite fille de 4 ans, partage un jeuavec sa mère et l’orthophoniste. Au-delà du jeu, elleapprend à attendre son tour, elle envisage la possibi-lité de gagner ou de perdre avec tout un jeu d’hypo-thèses, elle livre sa déception d’avoir perdu.

La troisième apprend la différence entre l’ordre (!) etl’interrogation (?) autour d’un goûter de chocapic. Aprèsun travail de reconnaissance de l’intonation, elledécouvre le plaisir de poser des questions, le pouvoirde dire “oui” ou “non” et surtout celui de commander…sa mère ! Elle expérimente donc des contraintes quiamènent en fait à une plus grande liberté.

Page 11: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3312

L’appropriation de la langue par les enfants sourdsL’appropriation de la langue par les enfants sourds

2. SURVEILLER LE PASSAGE DE LAPERCEPTION À LA REPRESENTATION

Le bébé est bombardé de sensations visuelles, tactiles…D. Sadek dit dans son cours de langage n°6 : “le bébévoit tout, entend tout, sent tout mais ne perçoit rien….”.Ce monde sensible, le monde des sensations, estvariable, instable, fluctuent, turbulent.

À partir de ce qu’il perçoit, l’enfant se construit ses pre-mières représentations mentales. Il se libère du vécuet peut construire ses premières relations en pensée.Ainsi, il saisit et se représente ses perceptions, ses sen-sations. Et la turbulence diminue. Le rôle de la langueest de réduire cette turbulence.

Cette étape est cruciale. Si l’on n’y prend pas garde, l’en-fant peut rester au stade de la perception et ne riens’approprier. Il y a des enfants pour qui cette étape estdifficile à franchir.

Que signifie “rester en perception” ? Nous le faisons tous dans la vie courante lorsque le

soir, après une dure journée, nous entendons notreconjoint raconter un épisode de sa journée, la dernièrecrise d’autorité du chef ou un accrochage sur la route.Nous entendons, percevons son discours sans êtrecapable de dire après coup ce qui s’est réellementpassé !

Certains sont capables de parcourir un itinéraire maisont des difficultés à indiquer cette route à quelqu’un etpeuvent encore moins la lire sur un plan.

Le rééducateur suscite cela, il aide l’enfant à passer dece qui est perçu à ce qui est représenté. La repré-sentation mentale précise et structure la pensée nais-sante. Au moment précis où celle-ci affleure dans la pen-sée de l’enfant, il doit proposer un signifiant (mot ousigne) afin que le concept ne tombe pas dans l’oubli etafin qu’il se détache du contexte initial dans lequel il aété perçu. L’enfant passe alors d’un univers perçu avecses sens à un univers qu’il se représente en pensée.Dans l’autre sens, il faut prendre du temps, lorsque l’onrencontre un mot pour en extraire le concept et lais-ser le temps à l’enfant de le passer en représentationmentale.

En fait, il faut toujours avoir en tête ce passage de laperception à la représentation mentale. Je propose uncahier qui circule entre les enfants où chacun illustresa représentation d’un sentiment ou d’un trait de carac-tère rencontré lors des lectures, par exemple, la soli-tude, la naïveté, la dévalorisation… Chacun prend letemps d’y fixer son image mentale et chacun estconfronté aux représentations des autres.

Autre exemple : percevoir et se représenter le temps,ce qui constitue un travail important pour l’enfant sourd. Cette représentation se construit à partir des per-ceptions des sons, de leur durée, intensité, continuitéou discontinuité… Cela continue dans le mouvement. Jepense par exemple à des parcours où l’on vit avec lecorps le début, la durée et la fin d’une action, ici d’unmouvement. Cette perception est représentée, sym-bolisée et on aide l’enfant à se la représenter en faisantdes aller-retours perception/représentation/perception…

Cela se poursuit avec la maîtrise des temps de verbeset des modes. Si l’enfant se représente mentalementles trois époques, passé/présent/futur et le fait qu’uneaction a un début/une durée/une fin, il pourra com-prendre et utiliser le système des temps de verbes. Ily a continuité entre les parcours avec le corps et la dif-férence entre passé simple et imparfait.

La phrase : “bébé pleurait, maman entra” n’a pas lamême signification que “maman entrait, bébé pleura”.Vous sentez tout l’intérêt de cette différence. Dans lapremière, maman vient consoler, dans la deuxième, elleréveille le bébé.

Une fois que ces temps de verbes sont acquis, l’enfantest libéré de l’ordre chronologique. Je m’explique :quandon lit : “la principale du collège a admis que des élèvesavaient commis des faits de violence” , on comprend que 1. les élèves ont commis des violences et que 2.la principale l’admet.

On voit ici le cours du temps inversé dans l’intention demettre en lumière la position de la principale.

Cette contrainte des temps de verbe élargit le champde la compréhension et celui de la liberté d’expression.

3. AIDER L’ENFANT A CONSTRUIRE SACOHERENCE

Notre but est d’aider l’enfant à construire son rapportau monde.

Les progrès technologiques des prothèses et implantspermettent de meilleurs gains prothétiques. Lesenfants sourds ont à leur disposition un plus grandnombre d’informations auditives, D. Sadek dirait “plusde pièces du puzzle”. Le danger est l’entassement envrac ou en strates successives, mais aussi que l’enfantcloisonne ces informations plus abondantes.

La parade est de montrer à l’enfant sourd que la langueest un système cohérent dont la trame est composée

Page 12: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 13

L’appropriation de la langue par les enfants sourdsL’appropriation de la langue par les enfants sourds

de quelques opérations de pensée. Ce sont ces mou-vements de pensée qui seront le fil conducteur de larééducation et de la construction par l’enfant de sonrapport au monde. Je pense que ce sont ces mouve-ments de pensée qu’il faut montrer à l’enfant, quel quesoit le mode de communication choisi, pour qu’ildevienne acteur de sa langue et non répétiteur.

Je vais vous présenter l’un d’entre eux, l’analogie,séquence filmée extraite du même film “Parler pourdire” où l’on montre deux mouvements de pensée, lagénéralisation et l’analogie, déclinés à tous les âges.

Le film d’une durée 6 minutes présente une fillette quiclasse les noms selon le critère personne /animal/chose. Une autre range les phonèmes selon lecritère sourd/sonore puis trie les mots selon leurnature. Une adolescente range les documents histo-riques selon deux axes, l’abus du Roi et la protestationdes trois ordres afin de rédiger une synthèse.

On montre un travail sur les expressions imagées et surl’analogie grâce à une publicité où le forfait du portableest comparé à un papier “tue-mouche”. Enfin une élèvede première travaille sur les figures de style notammentsur l’oxymore (“cette obscure clarté”).

Ce travail de classification selon des critères variés estrepris tout au long de la remédiation. C’est un des filsconducteur de la rééducation. Ce travail sur l’analogiepassé en langue peut déboucher sur l’expression demétaphores, de personnification qui pallient le manquede mots du jeune sourd.

Ce travail sur l’analogie conduit l’enfant et l’adolescentsourd à l’écriture de poésies, d’haïkus, petits poèmesoù peu de mots suffisent à exprimer une émotion, unesensation. Ainsi Raphaël écrit à propos d’un escalier encolimaçon de la Sagrada Familia vu de haut :

“L’oreille de l’escalier Ecoute Les voix parlent.”

Pour lui, le colimaçon est celui de l’oreille interne.

CONCLUSION

L’apprentissage du langage, qu’il soit oral ou signé, estsource de contraintes. C’est un travail de longue haleinepour l’enfant sourd. Mais c’est aussi la formidable aven-ture humaine d’une équipe dont il est un membre à partentière dès le départ. Car pourquoi parle-t-on ?

Nous parlons pour DIRE. L’enfant apprend à utiliser cescodes pour communiquer, supposer, argumenter, inter-roger, déduire, protester, séduire, imaginer …et là l’en-fant est LIBRE.

Cécile RENAULT, OrthophonisteARIEDA, Montpellier

Page 13: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3314

JJe vais tenir un rôle que l’on me fait tenir réguliè-rement dans un contexte comme celui-ci où serencontrent des spécialistes de la surdité : celui du

non spécialiste “naïf” (mais pas tant que cela en fait !)convié pour parler des processus cognitifs et des méca-nismes qui sont à l’oeuvre chez les enfants. Je vais pré-senter ce qu’il en est chez l’enfant entendant mais bienentendu, ces mécanismes doivent être réfléchisquant à leur possibilité et conditions de mise en placechez l’enfant sourd.

Je commencerai très en amont par l’évocation de lamise en place des mécanismes qui sont ensuite àl’oeuvre dans la lecture. “Très en amont”, cela signifieque je vais démarrer à la naissance. Je vais essayer devous montrer comment s’enchaînent et se construisentprogressivement les mécanismes en amont de la lec-ture, puis pendant l’apprentissage de la lecture, pouraboutir à l’expertise.

L’objectif est que chacun d’entre vous puisse s’inter-roger sur la façon dont ces mécanismes pourraientêtre affectés et mis en danger lors de leur mise enplace, en fonction des caractéristiques des enfants.Ainsi, il deviendra possible de réfléchir à la manière dontnous pourrions remédier à ces obstacles.

Le point de vue que je développe est très étroit, c’estcelui d’un psychologue cognitiviste. Je parlerai donc uni-quement de cognition, c’est-à-dire d’une interface entredu biologique, de l ’environnemental et du comportement.

L’AMONT DE L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

Je vais d’abord m’intéresser à ce qui existe en amontde l’apprentissage de la lecture (les soubassements),je vais progressivement construire un diagramme(figure 1). Ce schéma a l’air très compliqué dans sa ver-sion finale mais je vais le reconstruire avec vous pas àpas.

Je traiterai donc un ensemble comprenant du biolo-gique, du cognitif, du comportemental et de façon trans-versale à tout cela, de l’environnemental, qui interagitavec chacun de ces niveaux.

Les compétences mobilisées parLes compétences mobilisées parl’apprentissage de la lecture chezl’apprentissage de la lecture chezl’enfantl’enfantPAR LE PR JEAN-EMILE GOMBERT

Figure 1

Tour de force que présenter en quelques pages et deux modestes schémas la complexité etl’interdépendance des mécanismes neuro-psychologiques mis en œuvre lors del’apprentissage de la lecture. Jean-Emile Gombert, se plaçant sous l’angle de lapsychologie cognitive, a réussi ce challenge en pointant quels processus essentielsintervenaient et quelles étaient les conditions indispensables pour que l’enfant parvienneà une lecture experte. Il souligne, entre autres éléments, la nécessaire maîtrise de lalangue orale, pré-requis indispensable, et la valeur d’un enseignement explicite toujoursaccompagné d’exercices pratiques d’activités de lecture qui, par leur aspect répétitif, créentdes automatismes implicites tout à fait efficaces.

JJOURNÉESOURNÉES DD’’ÉTUDESÉTUDES AACFOSCFOS 20092009

Page 14: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 15

Les compétences nécessaires à la lecture chez l’enfantLes compétences nécessaires à la lecture chez l’enfant

Je commencerai ce travail de recomposition des pro-cessus en partant du biologique et d’un point central : lefonctionnement cérébral, lui-même tributaire de fac-teurs génétiques et congénitaux. Le propos est de repé-rer des facteurs pouvant être impliqués dans les fonc-tionnements futurs. Dès ce niveau biologique,l’interaction avec l’environnement est fondamentale,nous avons tendance à l’oublier. Trop souvent, nous fai-sons une dichotomie en nous demandant si les chosesrelèvent du biologique ou de l’environnement enomettant que le biologique dépend en partie de l’envi-ronnement. Des facteurs génétiques et congénitaux quiont une influence sur le fonctionnement cérébral inter-viennent également dans la mise en place desorganes sensoriels. Pour toutes ces raisons, leschéma mentionne l’intervention initiale de ce niveaubiologique.

Au niveau cognitif, cet “équipement” neurobiologique vapermettre la mise en place de ce que l’on appelle lesgrandes fonctions psychologiques : la perception (essen-tielle), l’attention et la mémoire. J’identifie là les famillesde processus ce qui me semblent centrales. Si l’on serapproche des processus indispensables ou très impli-qués dans l’apprentissage de la lecture, il faut citer éga-lement les processus de catégorisation, c’est-à-dire lacapacité à différencier des objets comme appartenantà des catégories différentes. Le langage oral est éga-lement essentiel, bien entendu. Le langage est lui-mêmeen lien étroit avec l’environnement tant il est vrai quele langage (oral ou pas) ne s’installe pas en dehors d’uneinteraction avec un environnement linguistique. Parailleurs, il n’y a pas indépendance entre catégorisationet langage.

Au sein du langage, je différencierai ce qui est de l’ordredes connaissances et ce qui relève des compétences.

Parmi les connaissances linguistiques, j’identifie parti-culièrement les connaissances concernant le lexique,le vocabulaire, et celles qui concernent la ou les langues.Dans la mise en place de mes connaissances linguis-tiques, j’acquière une ou plusieurs langues en fonctionde mon environnement linguistique, de mes interactionset des apprentissages qu’elles me permettent.

Je distingue les compétences linguistiques desconnaissances, bien qu’évidemment elles interagissent.Sur cette dimension “compétences” j’identifie ce quirelève de la syntaxe, ce qui concerne la morphologie(ces mécanismes de construction sémantique desmots, des familles de mots, de dérivations des mots lesuns par rapport aux autres), et ce qui relève de la phonologie.

Nous avons là en quelque sorte l’essentiel de l’outillagecognitif qui sera impliqué dans l’apprentissage de la lecture.

Dans la mise en place des connaissances, dans l’acti-vation puis dans l’évolution des compétences, ilconvient de souligner l’importance de l’exercice : le faitde pratiquer, d’utiliser ses connaissances et de réali-ser les compétences dans des performances. Cettenotion d’exercice a une déclinaison particulière lorsquel’on s’intéresse à l’apprentissage de la lecture et del’écriture, c’est la dimension pédagogique. Lorsque l’ons’intéresse au comportement de l’apprenti lecteur,scripteur, écrivain…, la pédagogie joue un rôle essentiel.

Au niveau comportemental, les capacités de catégo-risation jouent un rôle essentiel. Elles sont notammentutilisées pour le traitement des lettres. Il s’agit dechoses très simples comme connaître les différentesgraphies qui correspondent à la même lettre : parexemple le “a” dans différentes casses : capitales, cur-sive, etc. Ce sont des formes très différentes qui cor-respondent à un même concept : la lettre “a”. Le pro-blème est donc de pouvoir regrouper dans la mêmecatégorie ce qui appartient à la même catégorie.

L’autre problème de la catégorisation est la différen-ciation d’items qui se ressemblent et qui pourtantappartiennent à des catégories différentes. Parexemple, distinguer le “a” du “d”, qui ne diffèrent que parla longueur d’un élément. Ces deux lettres se res-semblent beaucoup plus qu’un “a” minuscule et un “A”majuscule, et pourtant elles appartiennent à deux caté-gories différentes. Ces capacités de catégorisation sontessentielles pour les traitements visuels en lecture.

La catégorisation est également essentielle pour le trai-tement des phonèmes, car ce qui est vrai pour leslettres s’applique de la même manière pour les pho-nèmes. Un [ r ] à l’initiale d’un mot, en milieu de mot oudans un cluster de consonnes n’a pas du tout la mêmeréalisation physique. En terme sonore, c’est complè-tement différent. Pourtant, à un niveau abstrait, on doitles catégoriser comme étant le même phonème. Acontrario, des contrastes plus subtils (par exemple[ b ] / [ p ]) déterminent des phonèmes différents quidoivent être catégorisés comme tels.

Cette question de la catégorisation est souvent insuf-fisamment prise en compte. Quand on parle de com-pétences phonologiques, on ne distingue généralementpas les différentes dimensions de ces compétences. Onparle beaucoup de l’analyse segmentale (être capablede bien séparer dans un mot les phonèmes qui le com-posent) et c’est important, mais la capacité de caté-

Page 15: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3316

Les compétences nécessaires à la lecture chez l’enfantLes compétences nécessaires à la lecture chez l’enfant

gorisation est également indispensable pour utiliser lescompétences phonologiques lors du traitement ana-lytique des composants graphophonologiques.

Le traitement des lettres et des phonèmes est réinvestidans la maîtrise des correspondances graphophono-logiques lors de la lecture et de l’écriture. Il y a eu danscertains milieux pédagogiques des débats très large-ment idéologiques à ce sujet. Une large littérature scien-tifique a désormais prouvé que les traitements pho-nologiques sont à l’oeuvre, tant chez l’apprenti lecteur,que chez le lecteur expert dont la lecture est pourtantlargement automatique. On n’apprend pas à lire sansaucun traitement phonologique.

La correspondance graphophonologique n’est inté-ressante que si elle est au service de la reconnaissancedes mots. Or, je ne reconnais pas un mot à l’écrit si jene le connais pas à l’oral. Donc le lexique que l’on a ins-tallé à l’oral, avant l’apprentissage de la lecture, estessentiel. Pour être compris, les mots que l’ondécode doivent être connus. De plus, ils doivent pouvoirfaire l’objet d’analyse sémantique. Ainsi, les études surl’apprentissage de la lecture montrent que dans les trai-tements à l’oeuvre dans la reconnaissance des motsécrits, il y a certes une importance première de l’ana-lyse phonologique, mais il y a aussi une grande impor-tance des traitements morphologiques. Notamment,pour pouvoir orthographier correctement les mots, ilne suffit pas de transformer les sons en suites delettres, il faut également maîtriser cette dimension mor-phologique qui marque le sens, et qui explique en bonnepartie les difficultés de l’orthographe du français.

L’objectif est bien la reconnaissance des mots en lec-ture, avec une visée claire : celle de la compréhensiondes textes que ces mots composent. Pour cela, il estimportant de maîtriser la langue, qui est la langue del’écrit, mais qui est aussi la langue de l’oral qui cor-respond à cet écrit. Il ne faut pas non plus oublier l’im-portance de la syntaxe qui permet un calcul cognitif dela signification des suites de mots qui composent lesphrases et les textes.

Au-delà du strictement cognitif, les choses se com-plexifient lorsque l’on ajoute un élément qui est peut-êtrecelui que l’on maîtrise le moins : la motivation. Quand ons’occupe de pédagogie, on ne peut pas faire abstrac-tion de la dimension de la motivation. Il ne suffit pas deconcevoir des situations dans lesquelles les méca-nismes vont avoir la possibilité de s’activer et de pou-voir se développer, il faut aussi que l’enfant ait envie dele faire. Pour qu’il ait envie de le faire, il faut se préoc-cuper de l’intérêt pour l’enfant des situations d’ap-prentissage qui lui sont proposées.

Je tenais à faire ce point sur l’amont de l’apprentissage.Je vais maintenant parler du décours de l’apprentissagede la lecture et de l’écriture. Pour ce faire, il convientde distinguer deux types de processus qui sont àl’oeuvre dans les apprentissages.

LE DÉCOURS DE L’APPRENTISSAGE

Comment l’enfant apprend-il à lire ?

Il apprend essentiellement sous l’effet de l’enseigne-ment. On a tous entendu parler de tel ou tel enfant quia appris à lire tout seul, mais ces cas sont extrêmementrares, la règle générale est que l’on enseigne la lectureà l’enfant. Cet enseignement est tout à fait essentiel.On apprend à l’enfant à identifier un certain nombred’unités, à l’écrit et à l’oral. On lui fait appendre desrègles, qu’il doit appliquer dans le traitement de ces uni-tés et on l’exerce à l’application de ces règles. C’est lapart explicite de l’apprentissage. C’est ce que l’on pilotepas à pas dans l’accompagnement de l’enfant.

Mais l’enfant apprend aussi par apprentissage implicitequi renvoie à un ensemble de processus par lesquelsles comportements s’adaptent progressivement auxcaractéristiques structurales des situations, sans quel’individu utilise intentionnellement une connaissanceexplicite de ces caractéristiques (pour une présenta-tion des travaux sur l’apprentissage implicite, voir Nico-las et Perruchet, 19981).

Deux exemples classiques

L’apprentissage de la bicyclette. Quand l’enfantapprend à faire du vélo, on ne lui demande pas de com-prendre et de mémoriser que pour tenir en équilibresur la bicyclette, le centre de gravité doit rester au-des-sus de la surface de sustentation ! Ce n’est pas commeça que ça se passe. On met l’enfant sur une bicyclette,on lui tient la selle, il répète l’activité et il adopte pro-gressivement les réactions posturales adaptées pourtenir en équilibre sur le vélo. En fait, il arrive la premièrefois sur le vélo muni de certains automatismes postu-raux et de mouvements. Dans la répétition de l’activité,ces automatismes évoluent pour s’adapter à la situa-tion particulière de la bicyclette. L’enfant finit ainsi parpouvoir tenir en équilibre sans jamais se demandercomment il fait.

L’acquisition du langage oral chez l’enfant entendant.Sur la base de pré-programmations dont il dispose, l’en-fant a des réactions qui s’adaptent à un environnementlinguistique et progressivement, cela conduit à l’ins-tallation de comportements linguistiques adaptés encompréhension et en production, sans que l’enfant ait

Page 16: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 17

Les compétences nécessaires à la lecture chez l’enfantLes compétences nécessaires à la lecture chez l’enfant

à réfléchir sur les règles qu’il utilise ni même à lesconnaître.

Ces processus d’apprentissage implicite existentaussi dans des apprentissages plus artificiels, commecelui de l’écrit.

J’emprunte un exemple à Sébastien Pacton (Pacton etal., 20012). Il a utilisé une tâche de plausibilité lexicale : ilmontre à l’enfant deux mots écrits qui n’existent pas,deux “pseudomots”. Il lui demande d’entourer celui quiressemble le plus à un “vrai mot”. La figure 2 présentedes exemples de paires de pseudo mots. Dans lacolonne de gauche se retrouvent les pseudomots “pos-sibles” dans la mesure où leur construction correspondà ce qui est plausible pour des mots écrits français. Lacolonne de droite contient des pseudomots impossiblesdans la mesure où ils comprennent certaines confi-gurations qui sont absentes en français, comme ledouble “i”, le double “j”, ou le double “n” en position ini-tiale.

Figure 2 : exemples de pseudomots utilisés par Pactonet al (2001)

Les résultats obtenus par Pacton montrent que dès leCE1 la quasi-totalité des choix (plus de 95 %) se portesur l’item possible. C’est déjà le cas pour plus de 80 %des choix dès le milieu du CP, avec des enfants qui n’ap-prennent à lire que depuis quelques mois. Ce qui estintéressant est que, alors que l’on n’enseigne pas expli-citement aux enfants ce type de règle (par exemple quel’on ne peut pas mettre deux “j” de suite), les enfantsen ont développé l’intuition. Ils ont installé ce type deconnaissance par apprentissage implicite.

Ces connaissances acquises sans intention sont à labase d’une partie importante de nos compétences parrapport à l’écrit. L’ensemble des connaissances quenous mobilisons de façon automatique dans l’utilisationde l’écrit sont de ce type, elles ont été acquises impli-citement par simple adaptation à l’environnement quel’on manipule lors de la lecture et de l’écriture.

Ce type de processus implicites joue un rôle importantdans l’apprentissage de la lecture. Ce constat n’est pasnouveau, comme en témoigne cette citation extraited’un ouvrage publié par l’Observatoire National de laLecture (ONL), malheureusement mis en sommeil cesdernières années : “… si l’acquisition du principe (alpha-bétique) requiert un effort délibéré d’instruction et seréalise moyennant une prise de conscience de la rela-tion (…), certaines règles de correspondance pourraientêtre acquises sans qu’elles soient nécessairement expli-citées”3. Un exemple en est la règle du doublement du“s” entre les voyelles, encore que l’on puisse imaginerqu’on l’enseigne dans certains contextes. En revanche,on n’enseigne pas que le phonème [ o ] ne s’écrit jamais“eau” à l’initiale d’un mot plurisyllabique. Pourtant, si jevous dicte des pseudomots plurisyllabiques, aucund’entre vous n’écrira un [ o ] initial sous la forme ortho-graphique “eau”.

LE DOUBLE PROCESSUSD’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

La figure 3 schématise, de haut en bas, le décours del’apprentissage. Elle développe sur le côté gauche cequi concerne l’apprentissage implicite, qui s’opère àl’insu de l’apprenant, et sur le côté droit ce qui concerneles apprentissages explicites, donc par enseignement,c’est-à-dire en développant la conscience de ce que l’onapprend.

Le double processus, explicite et implicite, d’appren-tissage s’amorce dès les premiers contacts avec l’écrit,dès que l’enfant, dans le contexte familial ou à l’écolematernelle, porte son attention sur l’écrit. Ces premierscontacts installent chez l’enfant des premières connais-sances explicites, ou du moins des hypothèses. EmiliaFerrero a beaucoup écrit il y a une vingtaine d’annéesur ce que les enfants d’école maternelle (donc avant

Mots possibles Mots “impossibles”

tillos tiilos

befful bejjul

nullor nnulor

... ...

Figure 3

Page 17: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3318

l’apprentissage de la lecture), savent sur les systèmesd’écriture et les hypothèses qu’ils élaborent4.

Parallèlement, commencent également à s’installer desapprentissages implicites. Sur ce versant, des collèguesitaliennes ont publié il y a une vingtaine d’années unarticle qui concernait les connaissances précoces del’enfant sur l’écrit5. Elles présentaient aux enfants descartes avec des gribouillages, des dessins, des mots,des lettres… Elles leur demandaient de désigner lescartes où il y avait des mots. La quasi-totalité desenfants de 5 ans a rejeté les cartes sur lesquelles il yavait la répétition de la même lettre, comme parexemple cinq “i” successifs. Ils ont vu que ce n’était pasun mot. Or, personne ne leur a enseigné cela. L’enfant,dans sa faible fréquentation de l’écrit à l’école mater-nelle et dans son milieu familial, avait implicitement ins-tallé la connaissance que la répétition d’une même lettrene pouvait pas constituer un mot. Sur des caractéris-tiques orthographiques plus grossières, c’est le mêmetype de phénomène que celui mis en évidence parSébastien Pacton chez des élèves de primaire.

C’est toutefois l’enseignement qui reste le principaldéclencheur de l’acquisition de l’expertise. A l’école, onva enseigner à l’enfant un certain nombre de codes etde règles de conversion. Cet apprentissage explicite, quipasse par la conscience, est à l’origine de la constitu-tion d’un stock de connaissances, qui permettra la miseen place des traitements intentionnels (c’est-à-dire toutce qui sera contrôlable par l’enfant lui-même dans lagestion de l’écrit).

Les traitements intentionnels sont essentiels dans lapériode d’apprentissage de la lecture, pendant laquelleon confronte l’enfant à des mots nouveaux qu’il doit lire.Pour ce faire, on lui demande de mémoriser et d’ap-pliquer consciemment les règles qu’on lui a enseignées.Ces traitements lui rendent donc la lecture possible et,grâce à eux, il pourra reproduire et multiplier l’activitéde lecture.

Cette multiplication de la manipulation de l’écrit a pourconséquence de “booster” les apprentissages implicites.L’adaptation progressive des comportements à l’envi-ronnement est extrêmement dépendante de la répé-tition de l’activité. Si je manipule beaucoup l’écrit, je faisbeaucoup d’apprentissages implicites, et inverse-ment. Donc, indirectement, l’installation de connais-sances explicites va entraîner l’augmentation de l’ap-prentissage implicite.

La partie minime des connaissances implicites mobi-lisées en tout début de l’apprentissage de la lecturedevient ainsi de plus en plus importante, jusqu’à installerles automatismes de lecture du lecteur expert (qui ne

disqualifient aucunement les traitements intentionnels,dont il a encore besoin pour contrôler les comporte-ments produits de manière automatique).

Voici un exemple tiré d’un article publié il y a quelquesannées6. L’exercice consistait à dicter à des adultes étu-diants, bon lecteurs (ou supposés tels !) des phrasesdu type : “le chien des voisins arrive”. Même les étudiants[rires] orthographient correctement cette phrase (enaccordant “arrive” avec “chien” et non “voisins”), saufsi on les met dans une situation de double tâche. On leura en effet proposé une double tâche du type : on dictela phrase, mais juste avant de l’écrire, on leur faitentendre cinq mots (par exemple : “lumière, fauteuil,micro, souris, ordinateur”) qu’ils doivent mémoriser pourles répéter dès qu’ils auront écrit la phrase dictée. Dansune telle situation les sujets se répètent les mots dansleur tête ce qui occupe leur attention et diminue leurpossibilité de contrôler leur orthographe. Dans cettesituation de double tâche une majorité d’étudiants répé-tait correctement les mots mais… accordait “arrivent”avec “voisins” !

Comment cela s’interprète-t-il ? En fait la réponse auto-matique, celle qui s’est installée par apprentissage impli-cite, correspond aux occurrences les plus fréquentesdans l’environnement. Dans le cas présent, ce qui estle plus fréquent, c’est l’accord du verbe avec le nom quiprécède, cet accord est donc celui qui est automati-quement produit. C’est parce que l’expert dispose detraitements intentionnels qu’il peut corriger la sortieautomatique lorsqu’elle ne correspond pas à la bonneréponse, et donc ici accorder le verbe à son sujet dis-tant. On a donc un système qui, pour être efficace, exigela mise en place des deux types de processus : les pro-cessus automatiques allègent la charge cognitive du lec-teur/scripteur, les connaissances accessibles à laconscience lui permettre de contrôler ses productions.

Il convient de souligner quelques caractéristiques desapprentissages implicites dans la lecture :

A chaque niveau d’expertise de la lecture (du débu-tant au lecteur expert), ce qui est automatique dans lestraitements est la manifestation comportementale duniveau actuel des connaissances implicites.

Les régularités que le système cognitif de l’apprenantperçoit sur les mots écrits, entre mots écrits et motsoraux, et entre les mots écrits et leur contexte, affec-tent progressivement l’organisation de ses connais-sances implicites. Ces régularités qui concernent l’en-semble des dimensions de l’écrit (grapho-phonologie,morphologie, orthographe, syntaxe, sémantique, prag-matique) vont ainsi progressivement prises en comptepar les automatismes de lecture

Les compétences nécessaires à la lecture chez l’enfantLes compétences nécessaires à la lecture chez l’enfant

Page 18: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 19

De ce fait, les réponses automatiquement activéespar la perception des mots écrits ou les chaînes demots écrits évoluent progressivement dans la directionde la lecture experte.

Il n’en reste pas moins que ces apprentissages impli-cites viennent en complément des apprentissages expli-cites. L’enseignement de la lecture (et de l’orthographe)et les hypothèses que l’élève élabore construisent pro-gressivement un ensemble de connaissances explicitesque le lecteur peut utiliser intentionnellement pourcontrôler et compléter le produit des traitements auto-matiques. Tout en étant essentielles à l’évolution desréponses automatiques par apprentissage implicite (carelles permettent la répétition de l’activité chez le débu-tant), ces connaissances ne deviennent pas automa-tiques elles-mêmes.

J’ai ici un point de vue qui n’est pas orthodoxe car, enquelque sorte, je nie l’automatisation, c’est-à-dire latransformation progressive de traitements contrôléspar l’attention en traitements automatiques. Certes larépétition d’une activité entraîne sa procéduralisation(nous faisons les choses de manière de plus en plus éco-nomique en termes de réflexion) mais nous n’avons pasde véritable automatisation : bien que moins conscientel’attention est toujours mobilisée. Pour moi, les auto-matismes dérivent toujours d’automatismes antérieurs,c’est une sorte d’adaptation des automatismes initiauxpar apprentissage implicite7.

Lorsque les circonstances de l’apprentissage font quel’enfant est muni uniquement ou principalement deconnaissances conscientes et de peu d’automa-tismes, souvent par défaut d’une pratique suffisante dela lecture et de l’écriture, il sera contraint de mobiliserde façon importante son attention lorsqu’il manipuleral’écrit. Outre le coût cognitif important que représentecette modalité de lecture et d’écriture, elle constitueraune compétence particulièrement fragile. En effet, Unedifférence fondamentale entre les connaissancesconscientes, construites grâce à l’enseignement, et leshabiletés automatiques, installées implicitement par lapratique et l’évolution des automatismes qu’elle induit,est que les premières, contrairement aux secondes,sont fragiles à l’oubli. J’oublie ce que j’ai appris pour pré-parer un examen par exemple, mais je n’oublie pas monexpertise à faire de la bicyclette.

En conclusion, j’insisterai sur deux éléments :

Pour atteindre l’expertise, il est nécessaire de pos-séder certains pré-requis et d’avoir mis en place desautomatismes linguistiques avant l’apprentissage de lalecture. Les automatismes du lecteur dérivent de cesautomatismes initiaux.

La pratique régulière et importante de la lecture etl’écriture est une des conditions permettant d’atteindreun niveau d’expertise dans ce domaine. On ne devientpas expert de lecture et de l’écriture si on n’écrit paset si on ne lit pas beaucoup.

Pr Jean-Emile GOMBERT Professeur en Psychologie du développement cognitif,Université Rennes II

1. Nicolas, S., Perruchet, P., (Eds. 1998). Mémoire et apprentissageimplicite. Numéro spécial de Psychologie Française, vol 43. Grenoble :PUG.2. Pacton, S., Perruchet, P, Fayol, M, & Cleeremans, A. (2001).Implicit learning out of the lab.: The case of orthographic regularities.Journal of Experimental Psychology: General, 130, 401-426.3. ONL (1998) Apprendre à lire. Paris : Odile Jacob, p.53.4. Ferreiro, E., & Teberosky, A. (1982). Literacy before schooling. NewYork: Heinemann.5. Pontecorvo, C., & Zucchermaglio, C. (1988). Modes of differentiationin children’s writing construction. European Journal of Psychology ofEducation, 3, 371-384.6. Fayol, M., Largy, P., & Lemaire, P. (1994). When cognitive overloadenhances subject-verb agreement errors. A study in French writtenlanguage. Quarterly Journal of Experimental Psychology, 47, 437-464. 7. Gombert, JE (2005). Et si l’automatisation n’existait pas ? L’impliciteet l’explicite dans l’apprentissage de l’écrit et ses troubles. REvue Parole,34/35/36, 245-263.

Les compétences nécessaires à la lecture chez l’enfantLes compétences nécessaires à la lecture chez l’enfant

Page 19: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3320

SSi, dans un environnement favorable (faible réver-bération et faible bruit ambiant), les conditionsrequises pour une audibilité aisée sont réunies,

dans notre quotidien cela est peu fréquent et les per-sonnes sourdes et malentendantes doivent faire faceà différents types de problèmes :

La réverbération : dégradation des repères, discri-mination vocale très perturbée ;

Le bruit ambiant : importance du rapport signal/bruit.Plus la surdité sera importante, plus le rapportsignal/bruit devra être élevé ; ce rapport sera variableen fonction de l’âge du déficient auditif.

La distance : le signal sonore perd 3 dB dans les fré-quences graves et 6 dB dans les fréquences aiguëschaque fois que l’on double la distance !

Le système HF semble donc être une bonne alterna-tive aux difficultés rencontrées à la perception de laparole dans le bruit. En effet cet outil vise à amplifier lesignal sonore qui présente un intérêt (voix du locuteur,communication téléphonique par liaison Bluetooth), àaméliorer l’écoute en réduisant l’effet de la distance eten réduisant aussi la gêne créée par les bruitsambiants.

PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT

L’émetteur capte le son (locuteur, télévision, téléphone,radio, MP3...) de façon directionnelle et privilégie doncle message vocal par rapport aux bruits ambiants etl’envoie vers un (ou deux) récepteur(s) porté(s) par lapersonne sourde ou malentendante. La liaison émet-teur/récepteur se fait par ondes radio (bandes de fré-quences réglementées par le Gouvernement), la por-tée étant d’une quinzaine de mètres environ.

Les récepteurs peuvent s’adapter soit aux appareils decorrection auditive, soit aux implants cochléaires - pro-cesseurs vocaux-, soit par induction magnétique.

UTILISATIONS

Même si nous pensons au système HF pour les enfantscomme un très bon outil d’intégration scolaire il peutaussi servir lors des balades à vélo (sécurité !), mais éga-lement durant un cours collectif de sport (de ski parexemple), la visite de musées ou d’autres lieux “réver-bérants”. Il ne faut pas oublier non plus l’apport de cesystème pour les adultes en situation professionnelle(réunions , formations), lors de voyages ou pour les loi-sirs (spectacles et écoute très améliorée de la télévision).

En ce qui concerne les enfants, le système HF est à cejour le moyen le plus efficace d’améliorer le rapportsignal/bruit dans un milieu bruyant (de 2 à 20 dB). Laperception de la parole est ainsi facilitée, l’enfant vagagner en concentration et sera souvent moins fatigué(ou fatigable).

AU QUOTIDIEN : MISE EN PLACE, SUIVI,DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

1. Enfants et adolescents

Il faudra prendre en compte plusieurs facteurs essen-tiels à une utilisation optimale de cet outil. Ainsi les pointssuivants devront être réfléchis :

Age de l’enfant à la mise en place du système HF :quidde la gestion au quotidien (mise en place des récep-

Le système Haute Fréquence. Usage,Le système Haute Fréquence. Usage,fonction, utilisation... du principe àfonction, utilisation... du principe àl’applicationl’application !!NATHALIE LAFLEUR

SSCIENCESCIENCES ETET TECHNIQUESTECHNIQUES

En cette période de rentrée, Nathalie Lafleur, audioprothésiste, fait le point le systèmeHF, utile pour faciliter la réception et la compréhension de la parole en milieu bruyant(école mais aussi sorties, visites, théâtre...). Pour performant techniquement que soit cetoutil, il n’en reste pas moins soumis à certaines conditions de prescription et d’utilisationsans lesquelles le système seul ne peut rendre les services attendus. L’auteur nous détailledonc les questions à se poser avant d’envisager l’utilisation du HF et les conditions àrespecter pour une utilisation optimale de celui-ci.Nous donnons ensuite la parole à quelques parents d’enfants sourds, que nous remercionsde leur témoignage, qui nous font part de la réalité du passage “du principe àl’application !”.

Page 20: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 21

Le système HFLe système HF

teurs, consommation plus importante de piles …), capa-cité d’autonomie ?

Capacités d’analyse de la perception de la parole(tests prothétiques à associer aux observations et auxtests orthophoniques - type TERMO -). Quelle est la stra-tégie de l’enfant : stratégie visuelle, stratégie auditive oustratégie audio-visuelle ? Recherche des conditions deréceptions les plus favorables.

Capacités de l’enfant à gérer toute une journée decours avec une information riche (la distance n’inter-venant plus, il n’est pas toujours simple pour un enfantd’entendre son enseignant comme si ce dernier se trou-vait à 50 cm de lui), gestion de l’émetteur, informationsauprès de l’enseignant, âge de l’enfant... autant d’élé-ments à analyser de façon cohérente.

Informations aux parents et aux enseignants, adhé-sion au projet et implication de l’équipe multidisciplinaireauprès de l’enfant et au sein de son école (vérificationsur place de l’utilité du système HF). Quid des classesà double niveau ?

Acceptation psychologique par l’enfant, surtout au col-lège lorsqu’il s’agit d’arriver le premier en classe pourconfier son émetteur au professeur.

Maintenance technique importante (changement defréquences, vérification du matériel) et gestion de l’ave-nir quant à la connectivité : ainsi, il sera facile de chan-ger le sabot audio sur un appareil de correction audi-tive en cas de ré-appareillage. Mais la situation estmoins aisée lors de changement de processeur vocauxsur les implants cochléaires (cas du récepteur dédiéFreedom Nucléus), gestion conseillée des bandes de fré-quences pour certains Implants Cochléaires. Il faut pen-ser à s’assurer sur les maps de réglage pour un implantcochléaire, du bon ratio de mixage accessoire.

Présence d’un codeur en classe pas d’utilisationconjointe de HF et codeur.

Présence d’une AVS en classe : gestion du micro, desappareils de correction auditive et/ou du micro de l’im-plant cochléaire.

Témoignage de M. G.,papa de Lucas (12 ans) etLaure (10 ans).

Lucas et Laure ont une surditésévère. Lucas a été appareillé à 3ans et demi, Laure à 18 mois. Ilssuivent leur scolarité en école ordi-naire. Le HF a été mis en place dèsle CP.

Comment le système HF a-t-il étéfinancé?Il y a eu plusieurs financement diffé-rents. Le Centre nous en a prêté un,puis nous avons du en acheter à unmoment donné. L’établissement a éga-lement monté un dossier auprès deHandiscol.

Comment le HF a-t-il été vécu etutilisé par vos enfants? Et par lesenseignants?Le HF a été bien accepté par lesenfants, sans doute parce qu’il a étémis en place très tôt, quand les enfantsétaient encore petits, et que ça leurapportait quelque chose. Bien sûr il ya eu des périodes délicates, notammentquand la technique était plus ancienneet qu’on devait se trimballer des grossabots ! Mais globalement il n’y a paseu de problèmes, ni avec les ensei-

gnants, qui l’ont toujours porté etaccepté, ni avec les petits copains. Nosdeux enfants sont connus dans l’école,tout le monde sait qu’ils portent desappareils auditifs et le HF, et pour-quoi…

Le passage du primaire au collèges’est passé comment?Il n’y a pas eu de gros problèmes, mal-gré la multiplication des enseignants.C’est mon fils qui doit gérer la trans-mission du HF durant les interclassesmais jusque là, ça va. Le prof principala pris les devants et a informé ses col-lègues, et ça se passe plutôt bien. Lapetite est encore en CM2 mais songrand frère a “tracé le sillon” enquelque sorte pour le collège, doncnous espérons que ça se passera bienégalement.

De manière générale, qu’auriez-vous àdire sur le port et l’utilisation desappareils et du HF?Il est certain que c’est très contrai-gnant. Il y a l’entretien, les rendez-vous de contrôle, les pannes… Unexemple : mon fils fait beaucoup desport et il transpire, ce qui rend com-pliqué la gestion des appareils… Celareprésente beaucoup de contraintespour tout le monde, mais on n’a pas lechoix. Si on rajoute les séances d’or-

thophonie, cela prend beaucoup detemps aux enfants et aux parents.

A l’école, nous avons de la chance quetout se passe relativement bien pournos deux enfants. Mais il faut être vigi-lant, toujours : comme nos enfantssont intégrés et qu’ils se débrouillentplutôt bien, on a tendance à “oublier”qu’ils sont sourds. Or l’appareil neremplace pas une oreille qui fonc-tionne. Ils n’entendent pas tout, necomprennent pas tout, il y a des pro-blèmes dans le bruit, que ce soit àl’école ou ailleurs. Il faut rappeler ettoujours réexpliquer aux enseignantsque c’est fatiguant pour les enfants,qu’ils ne reçoivent pas l’intégralité dumessage, qu’ils restent sourd… Quandles profs sont débordés par le nombred’élèves, ils n’ont pas toujours letemps, ça reste compliqué à gérer. Lesclasses de langues posent beaucoup deproblèmes par exemple, surtout la par-tie orale, bien sûr.

Malgré tout, ça pourrait se passer plusmal, nous sommes contents, mais celareprésente quand même de grandescontraintes pour tout le monde.

Propos recueillis par Coraline Coppin

Page 21: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3322

Financement : en SEES ou en SEEFIS certains centresde soins mettent des systèmes HF à disposition desenfants. Certains départements, par le service Han-discol de leur rectorat, financent l’achat d’un tel systèmeavec quelques obligations (scolarité dans le départe-ment). Mais le plus souvent, il va s’agir d’un financementparental via la MDPH (augmentation de l’AEEH).

2. Les adultes

Adaptation plus aisée avec un choix quant à la direc-tivité microphonique sur l’émetteur.

Possibilité de téléphoner avec le système Bluetoothmais consommation importante au niveau de l’appareilde correction auditive qui fournit l’énergie nécessairevia le sabot, au récepteur.

Fragilité et pannes inhérentes à la connectique (adap-tateurs, sabots, connections MP3).

Financement : dossiers MDPH, Agefiph, Fiphip ouemployeur.

Nathalie LAFLEUR, Audioprothésiste DE

Un grand merci à Christian Gauthier, Jean-BaptisteDelande et Max Clavel.

Le système HFLe système HF

BIBLIOGRAPHIEBIBLIOGRAPHIE

Acceptance of the wireless microphone as a hearingaid accessory for adults by David Fabry, Hans Mulderand Evert Dijkstra : The Hearing Jounal N° 11

La relation entre entendre, comprendre et apprendre:Phonak, The link to learn.

Speech perception in noise : directional micro-phones versus Frequency Modulation systems bySamantha Lewis and al (2004).

Access : achieving clear communication emplyingsound solutions -2003-, proceedings of the first inter-national FM conference by David Fabry and CherylDeconde Johnson.

Conférence : FM Devices par Jean-Baptiste Delandein-house audiologist Advanced Bionics (2005).

(A) Conférence : Utilisation du système HF parThierry Renglet, L. Matagne et J. Bissot GéorricRennes Janvier 2010.

(A) Conférence : Evaluation de la réception de laparole dans le bruit : quelques tests et résultats avecdes enfants implantés âgés entre 7 et 11 ans ; ChantalDescourtieux, Françoise Jacob, Géorric Rennes Janvier2010.

Témoignage de Mme G., maman de Julien, 9ans.

Julien est sourd profond 2ème groupe. Il a été appareilléà 2 ans et demi et implanté à l’âge de 5 ans. Il porte saprothèse controlatérale. Son mode de communicationprivilégié est l’oral parfois accompagné de LPC. Il esten intégration avec le soutien d’un établissement spécialisé.

Comment Julien utilise-t-il le HF?Il possède un HF depuis janvier 2009. Il est ravi ! Il n’oubliejamais de le charger. Dès qu’il arrive à l’école il le donne à samaîtresse. Ça apporte un grand confort à l’institutrice quin’est pas obligée de lui faire face tout le temps, et ça permetà Julien de suivre encore mieux les cours. Du coup, il n’a qua-siment plus besoin de codeur. Julien est très extraverti, débrouillard et bien dans la com-munication. Il a fait récemment une sortie en Corrèze avecle centre de loisirs et il s’est débrouillé toute la semaine avecses appareils sans problème. L’animatrice était plus stresséeque lui ! Il aime bien utiliser le HF quand il y a des sorties,des visites : il prend l’appareil et le donne de lui-même auxguides, aux animateurs, etc., pour pouvoir suivre.

Les enseignants ont-il bien accepté le système HF?Il n’y a eu aucun problème : ils accueillent des enfants sourdsdans leurs classes depuis 25 ans et ont l’habitude. Noussommes vraiment privilégiés de ce point de vue.

Rencontrez-vous des difficultés particulières à gérer tousces appareils : prothèses, HF, implant…Le plus contraignant pour nous ce sont plutôt toutes les for-malités administratives, MDPH and Co qui sont presque pluslourdes à gérer que le handicap. Chaque année, il y a lamême paperasse à refaire. Mais l’appareillage ne nous poseaucun souci.

Comment sont perçus ses appareils par l’entourage?Comme Julien communique très bien, qu’il parle, va vers lesautres, les gens ne perçoivent pas qu’il est complètementsourd. Ils remarquent ses appareils par contre.

Comment cela se passe-t-il quand il ne porte pas sesappareils (plage, bain…)?Nous faisons un peu de LPC et il lit un peu sur les lèvres. Ilnous demande de répéter s’il n’a pas bien compris, ça ne luipose pas de soucis particuliers. C’est plutôt moi qui m’in-quiète parce que je me demande comment faire pour l’aver-tir s’il y a un souci, un danger, et qu’il ne porte pas sesappareils.

Auriez-vous des conseils, des trucs et astuces à donner ausujet de l’appareillage, du HF…?Par rapport au plaisir que toutes ces techniques procurent,la contrainte n’est pas énorme. Il faut penser à charger lesappareils de temps en temps, mais c’est intuitif, ça se faitnaturellement, il n’y a rien de particulier à comprendre. Jetrouverais dommage de s’en passer. C’est vrai que les coûtssont élevés mais à part ça, c’est positif, pour Julien en pre-mier lieu.

Propos recueillis par Coraline Coppin

Page 22: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 23

Témoignage de Mme B.,maman de M., 10 ans.

M. a une surdité bilatérale asymé-trique (profonde à gauche et sévèreà droite) diagnostiquée à 14 mois.Elle porte un implant cochléaire àgauche et un appareil numérique àdroite. Actuellement en intégra-tion CM1, son mode de communi-cation privilégié est l’oralisme,auparavant accompagné de LPC.

Comment M. utilise-t-elle son HF enclasse?Il est peu utilisé et je sais pourquoi : lamaîtresse crie et parle très fort et il n’ya aucun filtre dans le micro HF. Quandelle hurle sur les enfants, le bruit enva-hit le cerveau et c’est une douleur. M.m’a dit qu’elle avait eu quelques expé-riences malheureuses et du coup, elleutilise moins le HF...

A-t-il été possible de parler de ceproblème à l’enseignante?Oui mais son comportement n’a pasété modifié. Il y a beaucoup d’enfantsturbulents et il faut faire de la disci-pline. Du coup, la maîtresse a installéM. au fond de la classe… Au quotidien,on voit donc que les outils très pointusniveau technique ne servent à rien sil’humain ne suit pas. Ma fille a trouvésa tranquillité au fond de laclasse : c’est mieux d’un point de vuerelationnel mais pas d’un point de vueperceptif pur. Mais dans la vie, le rela-tionnel passe avant tout. Il n’y a quedans la cabine de l’orthophoniste quel’on peut être dans des conditions opti-males de réception du message !

Ces problèmes sont propres à cetteécole?M. était avant dans un établissementspécialisé où les professionnels étaienttrès attentifs et très soutenants. Maisje ne pense pas que ce soit cette écolequi pose particulièrement problèmecar cela illustre bien la vie ordinaire. Leprincipe de l’intégration est qu’il n’y apas de soutien du tout au sein del’école. Le handicap n’est plus visible.Comme M. a envie de s’intégrer, elle nefait pas non plus répéter 3 fois, elleveut être comme tout le monde, doncc’est encore moins visible ! Le pro-blème est d’avoir au cas par cas desprofessionnels qui soient réceptifs auproblème de la surdité. En soi, l’école

où elle est ne pose pas de difficulté,c’est juste que l’interlocutrice ad’autres soucis à régler que M. L’inté-gration en école ordinaire est très compliquée.

M. réclame-t-elle d’autres aides?Elle se satisfait de la réception avec sesappareils et le HF. Quand elle est enfamille, elle réclame parfois le codepour savoir ce qui se passe. C’est tou-jours compliqué de savoir ce dont ellea besoin car elle a une bonne capacitéd’adaptation. Mais effectivement, ladirectrice de l’établissement spécialiséoù M. était avant me disait de faireattention, car les enfants ont tendanceà se satisfaire du minimum, c’est pour-quoi il faut leur donner beaucoup.

Comment se passe la gestionquotidienne du matériel?M. gère tout toute seule. Elle est arri-vée à 9 ans en école ordinaire donc celane lui pose aucun souci. Avant, elleétait très accompagnée par les profes-sionnels. A 9 ans, elle a eu la maturiténécessaire pour gérer ça toute seule.

Quel est l’apport de toutes cestechniques au quotidien?M. parvient à saisir les apprentissagesfondamentaux grâce au HF, mais ellea très peu tout ce qui fait le “maillage”de la vie de tous les jours. Elle n’a pasle retour des enfants en classe, les“essais-erreurs” avec les copains...Mais elle compense bien intellectuelle-ment. Scolairement, elle se débrouillebien car elle apprend vite. D’un pointde vue relationnel ça s’est dégradé : jevois qu’elle est seule dans la cour derécréation. Une orthophoniste estintervenue en classe pour expliquer lasurdité et ses conséquences mais celan’a rien changé aux comportementsautour. Dans la cour de récréation, lesdialogues sont très furtifs, surtout lespetites filles entre elles : elles se racon-tent des secrets à voix basse et plusc’est intéressant, moins on parle fort !Tout cela échappe complètement à M.Je me bats pour qu’elle ait au moinsune camarade privilégiée avec qui par-ler. Son audition est de trop mauvaisequalité pour avoir une compréhensioncomplète de tout ce qui se dit au quotidien.

Son entourage à l’école n’a donc pascompris ce qu’était la surdité?

Ils n’ont pas compris parce qu’elleparle bien, donc ils induisent qu’elleentend, et qu’elle comprend. Ils nepensent pas que si elle entend, c’estparce qu’elle a des appareils, et que sielle comprend c’est parce qu’elle a ététrès soutenue jusque là. M. ne cachepas ses appareils, elle porte une queuede cheval. Mais dans son mode de com-munication, elle ne montre pas du toutqu’elle cherche l’information. Je saisque c’est compliqué pour elle car c’estmoi qui récupère la frustration le soir,d’une enfant qui ne veut plus aller àl’école.

Avez-vous des conseils utiles, destrucs et astuces à donner aux autresparents/enseignants/utilisateurs ausujet du HF et des appareils? Je tiens à remercier les professionnelsqui nous ont accompagné au débutparce qu’on ne réussit pas seuls, jem’en rends compte maintenant que jesuis en province et hors de l’établisse-ment spécialisé. J’admire beaucoup lesfamilles qui vivent dans des endroitsisolés où il n’y a pas de réseaux, pas destimulations, pas d’interlocuteurs… Ilfaut aussi être conscient que l’efficacitédu HF est tributaire de l’émetteur :est-ce qu’il accepte de porter le HF, deparler distinctement, ni trop bas, nitrop fort... Pour ma fille, ce HF ne sertqu’à l’école, avec un interlocuteurunique. M. l’assimile totalement à laclasse, c’est une utilisation purementscolaire. Elle ne veut pas le porter lorsde sorties ou spectacles. C’est un outilqui reste fragile, ça n’est pas une solu-tion miracle. Mais au demeuranttoutes ces technologies sont très utiles.Je trouve qu’il nous manque des infor-mations régulières sur la manière d’en-tretenir les appareils, comment lesutiliser, les optimiser, quelles sont lesnouveautés, etc. Si l’info n’est pasredonnée régulièrement, on l’oublie.

Je voudrais aussi redire que certes, lachirurgie est très importante pour l’im-plant, mais que s’il n’y a pas une vraierééducation orthophonique adaptéeaprès, il n’est pas forcément utile. Si lesoutien n’est pas constant et de qua-lité, l’enfant peut régresser, et celapeut aller très vite hélas.

Propos recueillis par Coraline Coppin

Le système HFLe système HF

Page 23: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3324

Témoignage de Mme B.,maman de Pierre, 11 ans.

Pierre avait à l’origine une surditésévère/profonde qui s’est aggravée.Il a été implanté à 6 ans et portaitjusque là ses 2 appareils. Son modede communication a toujours étél’oral accompagné de LPC. Il estactuellement en 6ème. Il est suivi arun établissement spécialisé et scola-risé dans un collège de proximité.

Pierre utilise un système HF àl’école :comment cela se passe-t-il ?Quand l’appareil marche, c’est très bien !Nous n’avons pas eu personnellementtrop de problèmes mais nous savons quepar ailleurs il peut y en avoir beaucoup.Nous avons fait face à des pertes derécepteurs, le micro qui tombe en panne,etc. On voit bien l’intérêt du micro HFquand on ne l’a plus car Pierre se trouvede nouveau baigné dans un brouhahaqui ne lui permet pas de percevoir lavoix de sa maîtresse.

Comment réagissent ses camarades, lesenseignants…?Ça n’a jamais posé de problème, il y atoujours eu une acceptation immédiatede la part des enseignants. Mais on voitun peu des limites qui apparaissent auCollège. Par exemple, le cours d’histoire-géographie est très interactif : le profes-seur écrit peu de chose au tableau etc’est beaucoup un ping-pong verbalentre lui et la classe. Et là, Pierre n’en-tend que son enseignant ! Le professeurn’a plus le temps de reprendre in extensoles réponses des autres élèves, donc c’estplus difficile. On atteint là les limitestechnologiques et physiologiques dues àla surdité.

Pierre le vit comment?Parfois il me dit qu’il aimerait bien avoirune codeuse. Il en a déjà eu une enmaternelle. Mais ça dépend des cours.Pour l’histoire, il en a besoin. Pour lefrançais et l’anglais, il est en préceptorat,ce qui évite ce type de problèmes.

Comment se passent les moments où iln’a pas ses appareils?Il n’y a pas de difficultés puisque l’oncode et que lui décode. Le problème estplus qu’il envisage maintenant d’avoirdes activités plus adolescentes, type

canyoning, etc. Nous, parents, auronssans doute un peu de mal à le “lâcher”sur ces activités sans ses appareils. Orsans eux, il est “sourd comme un pot”comme on dit, avec très peu de feed backet de communication facile. Là on voitvraiment les limites imposées parl’oreille et la technologie.

Comment le HF a-t-il été financé?Le premier a été pris en charge par Han-discol et le second était inclus dans untout d’un complément d’AEH.

Si vous aviez des conseils à donner ausujet des appareils, du HF…?Il se trouve que je travaillais dans lemilieu de la surdité avant d’avoir Pierreet que maintenant, je suis codeuse. Pournous, tout s’est toujours bien passé, maisforte de mon expérience professionnelleet des témoignages des autres parentsque je côtoie, j’insisterais sur le fait qu’ilfaut toujours être sur le qui-vive de l’au-dition de son enfant. Il faut être attentifà d’éventuelles baisses de l’audition ou àd’éventuels défauts de l’appareillage,mais ne pas se dire “qu’est-ce qu’il aaujourd’hui, il ne fait pas attention”… Ilne faut pas reporter sur l’enfant la res-ponsabilité du fait qu’il n’entend pasbien. Il ne faut pas hésiter à dire aux pro-fessionnels quand on a la sensation et laconviction que le réglage n’est pas bon,qu’un nouvel essai de prothèse n’est pascorrect, que le HF ne fonctionne pas cor-rectement, etc.

J’estime que c’est nous, les parents, quiavons le mot le plus important à dire carnous sommes les plus à l’écoute de notreenfant. Il faut se faire confiance en tantque parent et par rapport aux observa-tions qu’on peut porter car nous sommesles mieux placés pour voir s’il y a un pro-blème. C’est à nous d’alerter les profes-sionnels pour leur dire que quelque chosene va pas. Et il ne faut pas “lâcher l’af-faire” jusqu’à ce que ce soit résolu.

Propos recueillis par Coraline Coppin

Le système HFLe système HF

Les émetteurs :

Les récepteurs :

Inspiro de Phonak

Scola de Widex , Oticon, Starkey

BAHAConnexion directe

MXM DigisonicConnexion directe

Nucléus FreedomRécepteur dédié

Récepteur My LinkInduction magnétique

Nucléus CP810+ Adaptateur HF

Advanced BionicsAuria + coudeI Connect

Nucléus Esprit 3GEt adaptateur HF

Appareil de correctionauditive avec sabotaudio

Page 24: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 25

PPSYCHOLOGIESYCHOLOGIE

EEn préambule, je tiens pour nécessaire de vousavertir que ce que je m’apprête à déplier ici ne sau-rait prétendre à une quelconque originalité. Pire,

même : je crois devoir totalement assumer ce défauten ce qu’il constitue, me semble-t-il, au-delà de la tech-nicité propre à chacun de nos métiers, ce qui fait déno-minateur commun entre nous tous, professionnels dela surdité, mais également entre tous les profession-nels dont le travail se spécifie de soutenir une dimen-sion de soin.

Le défaut au cœur de cette dimension de soin tient àson objet : l’humain ;comme il tient à son agent : l’humain.

Dès lors que l’on se situe dans ce registre du soin del’humain par l’humain, on doit abandonner cette pré-tention, cet idéal qu’est l’ingénierie, pour assumer ceà quoi C. Lévi-Strauss l’opposait, à savoir le bricolage3.

Je vous parle depuis ma pratique de psychologue cli-nicien, mais on trouve tout autant cette référence aubricolage chez les pédagogues, les éducateurs, en ceque tous ont à faire avec la variabilité, la multiplicité deshistoires, la complexité des modes d’être-au-monde del’humain et de ses manières d’entrer en relation avecl’autre. Prendre cela en compte revient en premier lieuà récuser l’idée qu’il existerait une réponse à toute ques-tion, que l’on pourrait extraire d’un “ensemble-réfé-rentiel-de-moyens” l’outil ou la parole qui constitueraitle traitement ultime d’un problème qui insiste.

Cette idée me semble particulièrement importante pourintroduire ce qui doit fonder notre réflexion communesur le soin dans l’accompagnement des parents, dansla mesure où elle s’oppose diamétralement au projetde clôturer l’humain, lequel projet se trouve contenudans la logique évaluative.

C’est la référence aux sciences humaines, dans les-quelles les modèles psychanalytiques occupent uneplace importante mais non exclusive, qui me soutien-dra dans ce propos. Ces sciences de l’Homme, dansleur opposition aux sciences dites “dures”, ont la par-ticularité - fâcheuse diraient certains - d’être trèsporeuses par rapport au social. En conséquence dequoi, pour s’efforcer de rendre compte de la complexitéde l’humain, la part la plus importante que peut prendrele travail de réflexion, de théorisation, tient du réexamen,de la relecture, de la remise en perspective des idées,des notions et des concepts qui infusent dans le social.

Le bricolage dont je parlais il y a quelques instants, s’ilse distingue de l’ingénierie, s’il se distingue aussi du dog-matisme, ne doit pour autant pas se confondre avecl’éclectisme, l’empirisme ou le pragmatisme comme yincitent nombre de discours contemporains. Tout aucontraire : c’est en vertu de la porosité des objets dessciences humaines par rapport au social que la théo-rie se fait nécessaire, impérieuse même, quand les par-ticipants au travail de la pensée constatent, avec beau-coup d’inquiétudes, combien ce travail se trouveaujourd’hui attaqué, de toutes parts, spécialement parles injonctions d’efficience et de rentabilité.

L’enjeu semble aujourd’hui, plus que jamais, de main-tenir la question du sens et de la direction des pratiquesdu soin à l’autre pour ne pas la réduire à celle du “com-ment faire ?”, pour ne pas la rabattre sur les seulesquestions de méthodes et d’outils.

Ferdinand De Saussure insistait sur le fait que c’est lepoint de vue qui fait l’objet, que les choses ne préexis-tent pas à la façon dont on les pose… Les choses exis-tent selon la représentation que l’on s’en fait, selon lareprésentation que l’on s’en donne, représentation,donc, nécessairement partielle, voire partiale.

La dimension du soin dans le rapportLa dimension du soin dans le rapportaux parents d’enfants déficientsaux parents d’enfants déficientsauditifsauditifs11

PAR GRÉGORY GOASMAT2

Tant dans la pratique de psychologue clinicien que dans celles des pédagogues et deséducateurs, la dimension du soin (soin de l’humain par l’humain) ne peut se réduire àcelle du “comment faire ?”. Cette position de base toujours utile à rappeler considère qu’ils’agit “de prendre soin” et non de “rétablir la santé”. Or, des conduites professionnellespeuvent devenir bien étrangères à cette visée de soin lorsqu’elles cherchent à répondre auplus près et dans l’immédiateté aux demandes explicites des parents.

Dans la deuxième partie de cet article l’auteur poursuivra cette réflexion et abordera plusparticulièrement les fonctions de soin que toute institution, en tant que telle, peutgénérer.

Page 25: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3326

La dimension du soinLa dimension du soin

Cette représentation est inséparable de la langue. Carla langue, avant d’être un outil de communication utileet efficace, est en premier lieu un instrument de repré-sentation de l’expérience humaine, et ses mots sont des“réducteurs de turbulence”, ainsi que le formule Gus-tave Guillaume4. En effet, l’univers expérientiel humainest, en soi, indicible et, par conséquent, inexprimable,incommunicable…

On a donc besoin d’une langue, et spécialement d’unelangue conceptuelle pour distinguer, identifier, décou-per le réel dans sa complexité, une langue pour soutenirle travail de la pensée dans ses opérations de caté-gorisation, de séparation, d’isolation…

Pour le dire encore autrement, il faut d’autant plus dis-poser de modèles pour faire des hypothèses, pourenserrer des réalités que le Réel échappe, toujours…Il faut des lunettes pour voir, sans quoi, on ne voit riendu tout ou, pire, on est ébloui, voire aveuglé par ce Réel.

DES PARENTS D’ENFANTS SOURDSCOMME SUJETS

Les parents d’enfants déficients auditifs : que nous sont-il ? Des personnes, des clients, des patients, des usa-gers, des sujets, des bénéficiaires… D’aucuns se ris-queraient peut-être à dire : des “emmerdeurs” ? Hier,dépossédés de leur choix éducatifs par l’Institution,seraient-ils aujourd’hui nantis, ainsi qu’on le formule fré-quemment, d’une réelle toute-puissance qu’ils oppo-seraient aux professionnels ?

Entre les dénominations sociales et possiblement trèsaffectées, derrière aussi le mouvement de balanciersociétal, sa ratification légale - spécialement par la loidu 11 février 2005 - il importe de tenter de saisir cequi fait réalité clinique. La notion de clinique renvoienotamment au fait que les phénomènes pathologiqueséclairent de manière privilégiée des dimensions consti-tutives de tout être humain, mais ordinairement tropcomplexes à l’observation. L’approche clinique fonc-tionne ainsi à nous rappeler que les incidences de la défi-cience auditive sur la parentalité ne ressortent pasd’autre chose que de l’amplification de dimensions, dedifficultés que peuvent éprouver tous les parents.

Le pas de S. Freud fut d’affirmer, au-delà des spécula-tions philosophiques, que si l’homme ressort bien du bio-logique, ainsi que du social, il ne s’y réduit pas. Mais lapsychanalyse a aussi infligé à l’humanité une troisièmevexation, après Copernic et Darwin, en postulant quel’Homme est gouverné, pour une large part, par une rai-son qui échappe à sa raison consciente ; il est bien unsujet, mais un sujet de l’inconscient - comme on par-lerait des sujets de Sa Majesté -, un sujet divisé par l’in-conscient, essentiellement non transparent, non intel-ligible à lui-même.

Les résistances à cette hypothèse de l’inconscientdemeurent d’une actualité toujours saisissante, à consi-dérer les prétentions gestionnaires et managériales derendre précisément transparentes et chiffrables lespratiques professionnelles, à considérer encore lesréductionnismes opérés par certaines prétendues “psychologies”.

La division du sujet se donne notamment à voir dansles rêves, les actes manqués, les lapsus et les méca-nismes de défense. Ces mécanismes sont à considé-rer comme des processus psychiques inconscients quivisent à réduire ou à annuler les effets désagréablesde dangers réels ou imaginaires, en remaniant les réa-lités interne et/ou externe et dont les manifestations- comportements, idées ou affects - peuvent être incons-cientes ou conscientes5. Ce qu’il faut bien garder entête, c’est que tout un chacun, tout sujet recourt, plusou moins, à de tels mécanismes de défense afin de s’évi-ter des rencontres ou des prises de conscience quiviendraient mettre en danger son intégrité psychiqueen générant un trop-plein d’angoisse.

“NE PAS PRENDRE SOIN DE LAPERSONNE !”

J’en viens à présent plus spécialement à la notion desoin. Le soin réfère fréquemment à la désignation d’untraitement médical ; ce traitement médical n’en estpourtant qu’une modalité. Le soin consiste certes endes actions par lesquelles on conserve ou on rétablitla santé. Mais il est aussi une pensée qui occupe l’es-prit, une pensée concernant un objet auquel on s’in-téresse (on prend soin de quelque chose). Il désigneencore la manière appliquée et exacte de fairequelque chose (on se montre soigneux dans l’exécutiond’un travail). Il est enfin l’attention, la sollicitude, la pré-venance que l’on peut avoir pour quelqu’un (sur lemodèle du parent qui “donne des soins” à son enfant).

C’est bien évidemment ce dernier sens qui va retenirnotre attention, s’agissant du rapport aux parents aveclesquels nous travaillons.

Pour se situer dans cette dimension de soin, il mesemble nécessaire de se référer à cette réalité cliniquenommée sujet et d’opérer une coupure radicale avecd’autres vocables qui paraissent équivalents mais quinous emmènent, en fait, vers des registres bien étran-gers à la visée de soin. Il en va ainsi de la notion de per-sonne. Celle-ci, en effet, référée à son sens étymolo-gique, celui de la persona, du masque, de rôle attribuéà un masque, situe la réalité désignée du côté de laconduite, de la conviction, de ce qui est façonnable,adaptable, bref du côté de l’image que l’on veut pré-senter à l’autre afin qu’il nous la renvoie. On en arrivelà, alors, à des choses bien étrangères au soin.

Page 26: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 27

La dimension du soinLa dimension du soin

Car une première spécificité de la dimension de soin,de soin psychique, donc, se saisit comme le fait d’allerau-delà de ce qui est seulement observable, manifeste,au-delà des seules conduites, des comportements, desparoles, pour produire des hypothèses et s’efforcer d’endégager le sens latent, sous-jacent, implicite, qui lesdétermine.

Cela permet dès lors au professionnel de concevoir lalégitimité, la nécessité même d’opérer une suspension,de ne pas comprendre trop vite, de ne pas prendre avecsoi/pour soi trop vite ce qui se joue ici et maintenant,mais réfère pourtant, d’abord, à ce qu’Octave Mannonidésignait comme une “Autre scène”. Cette Autre scèneconsiste en ce que la psychanalyse a appelé transfertet que tout travailleur du social - au sens le plus largeque peut prendre cette expression - doit prendre encompte pour saisir que ce qui lui est adressé ne lui estpas adressé à lui, en propre. Car le transfert est unescène faite de l’histoire singulière de ce sujet, de ceparent que l’on rencontre au seul motif, pour ce quinous concerne, que son enfant a une surdité.

Avoir en tête que se situer dans le registre du soinconsiste d’abord à s’abstenir, à différer la réponse àl’autre, cela procure de plus, à n’en pas douter, un réelsentiment de sécurité au professionnel qui ne se res-sent pas tenu de répondre dans l’immédiateté, qui nese ressent pas tenu de “dégainer” une réponse qui, deviser l’exactitude, s’expose, immanquablement, à raterla satisfaction qu’elle prétend procurer.

L’APRÈS-COUP DU TRAUMATISME

Les retentissements psychiques - individuels et fami-liaux - de la surdité sont généralement appréhendésdans la référence privilégiée à la période faisant suiteà la révélation du diagnostic.

Cela tient spécialement à la violence que constitue ledire du diagnostic, au fait que l’annonce se fait là par-ticulièrement performative, que la parole médicale créeimaginairement la surdité. Cela est déjà vrai lorsque lediagnostic est posé après de longs mois ayant vu lesparents échanger avec un bébé manifestant clairementses émotions, ses envies, ses refus, avec un bébé com-muniquant comme n’importe quel autre bébé... Cela l’estprobablement encore davantage quand un dépistagenéonatal expose à vicier des liens mère/enfant,parents/enfant pas même encore construits.

On sait que c’est l’enfant chargé par ses parents derelayer leurs rêves, de poursuivre là où ils se sont arrê-tés, de réussir là où ils ont échoué, là où ça leur a man-qué, on sait que c’est cet “enfant merveilleux”, dans l’ex-pression de Serge Leclaire, que le diagnostic vientbrutalement attaquer…

En effet, le diagnostic dénude l’enfant, refuge du nar-cissisme des parents, des habits imaginaires qu’ils luiavaient confectionnés, et cela, en un instant. Sans l’im-position d’une telle marque sur l’enfant, ce qui s’opèrelà dans la fugacité d’une parole - “votre enfant estsourd !” -, se joue ordinairement sur la temporalité éten-due de la période de l’enfance. Cette période de l’en-fance se caractérise en effet, à cet égard, d’amener lesparents à concevoir que leur progéniture ne se réduitpas à un prolongement de leur narcissisme, d’amenerles parents à concevoir que l’enfant de la réalité ne sesuperpose pas à l’enfant qu’ils avaient imaginé et qu’ilsimaginent, toujours…

Mais avec l’énonciation du diagnostic, c’est l’extraor-dinaire qui fait irruption. L’enfant se précipite, au sensquasi-chimique du mot, en de l’altérite. D’emblée, il setrouve séparé, réellement et imaginairement. L’assisenarcissique des parents vacille, les équilibres identifi-catoires sont désorganisés. Les parents se trouventblessés de ce qu’ils ne pourront pas transmettre, dece qu’ils ne pourront pas sauvegarder dans leur enfant.

Rupture violente dans le lien de filiation, la survenue duhandicap retentit aussi sur les registres de la paren-talité et de l’alliance. Il génère un bouleversement de toutle réseau relationnel à l’intérieur de la famille, résonnesur l’équilibre psychique de chaque membre dugroupe familial : les parents, mais aussi les frères etsœurs, les grands-parents...

Ce que j’ai rappelé ici se rapporte généralement à l’ex-périence que l’on désigne du nom de “traumatisme”.Ramener les choses aux sens que véhicule ce mot apour fonction de tenter de réduire, de circonscrire ladésorganisation, la catastrophe induite par l’annoncedu diagnostic dans l’espace et dans le temps, afin quela vie puisse reprendre son cours.

Situer ainsi les choses n’est bien entendu aucunementspécifique aux circonstances disposées par l’annoncedu handicap d’un enfant. C’est ce qu’indique avec élé-gance Milan Kundera : “Quelqu’un qui essaie d’oublierun incident pénible qu’il vient de vivre accélère à son insul’allure de sa marche comme s’il voulait vite s’éloignerde ce qui se trouve, dans le temps, encore trop prochede lui”6. Lien entre lenteur et mémoire d’un côté, lienentre vitesse et oubli de l’autre…

Des options théoriques ont infusé dans les pratiques pro-fessionnelles et laissé croire qu’un événement trauma-tique pourrait, non seulement véritablement existercomme tel, mais aussi être surmonté, “résilié”, moyennantdes aptitudes personnelles particulières ou, le caséchéant, grâce à un “accompagnement psychologique”...

Cela constitue un incroyable réductionnisme de la com-plexité par laquelle le psychisme humain doit en passerpour traiter un tel événement - traumatique ou, plus

Page 27: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3328

La dimension du soinLa dimension du soin

exactement, potentiellement traumatique - en tant que,précisément, il ne se réduit pas à un événement.

Ce n’est pas tant la situation du moment de l’annoncecomme potentiellement traumatique qui pose problèmeque le réductionnisme dans lequel on considère alorsgénéralement le traumatisme. Car un événement n’estpas traumatique en tant que tel. Il l’est en ce qu’il sur-vient sans préparation, parce qu’il dépasse les capacitésde représentation du sujet, imprimant, donc, une expé-rience de sidération comme seule réponse à ce qui l’en-vahit. Il n’en demeure pas moins que cela est irréduc-tiblement subjectif : il n’y a pas d’universalité dutraumatisme ; il n’est pas d’événement inconditionnel-lement traumatique.

Un événement comme celui de l’annonce du diagnos-tic de surdité se fait traumatique quand il vient réson-ner le long de lignes de failles, déjà existantes, desparents. Un événement n’est traumatique que dansl’écho, la réactualisation d’événements, d’expériencesantérieures non symbolisées.

TRAITER L’ANGOISSE

C’est un des apports majeurs de la psychanalyse qued’avoir mis en évidence cette nature d’après-coup dutraumatisme. Cela permet de comprendre pourquoichaque seuil, chaque passage, chaque moment féconddans l’éducation d’un enfant cristallise autant l’angoissede ses parents. Dans les limitations et les empêche-ments qu’ils identifient chez leur enfant et qu’ils réfè-rent tout uniment à son handicap, c’est la violence del’annonce qui, à la fois, se réactualise, ré-émerge danstoute sa fraicheur et se constitue comme telle, rétros-pectivement. Car l’inconscient ignore le temps -comme, par conséquent, il ignore la mort. Il ignore lenombre des années qui passent, comme il ignore ladirection de l’écoulement du temps ; d’où la répétition,la persistance des modes de défense psychiques quetout sujet fait siens pour se protéger de l’angoisse.

Une conséquence majeure que les professionnels doi-vent en déduire est la nécessité de prendre soin de laparentalité au-delà des seules premières années de l’en-fant. Si j’ai fait ci-dessus référence, avec une certainedérision, à l’idée d’un “accompagnement psychologique”conçu comme réponse à un traumatisme prétendu-ment universel de l’annonce du handicap, c’est en tantqu’il n’est pas sans s’apparenter aux “cellules d’aide psy-chologique” dont les pouvoirs publics ne peuvent plusse passer pour attester qu’ils prennent en compte unecatastrophe lorsqu’elle survient… Cela n’est pas rien,bien sûr, mais c’est bien après que la difficulté à pen-ser une telle expérience va durablement se manifester.

Il est essentiel effectivement de pouvoir proposer auxparents ayant appris la surdité de leur enfant un espace

de parole, un espace de pensée, et de pouvoir accueillirleur détresse, leur désespoir, et essayer de les aiderà élaborer, à transformer ces émotions brutes, into-lérables. Mais en raison de la nature d’après-coup dutraumatisme, c’est tout au long de l’éducation de l’en-fant qu’il faut plus encore soutenir de telles conditionsd’élaboration psycho-affective pour ses parents.

L’angoisse n’est pas la manifestation d’un dangerexterne. L’angoisse est l’affect, l’inquiétante étrangetéqui saisit le sujet quand le manque vient à manquer,quand il se ressent tout entier saisi, transparent pourl’Autre. Mais aussi, le sujet ex-siste, se détache d’un fondd’angoisse primordial, archaïque et construit son exis-tence psychique par le traitement qu’il parvient à fairede cette angoisse.

L’angoisse, telle celle qui se révèle aux parents à par-tir de l’annonce de la surdité de leur enfant, ne requiertpas un traitement de l’ordre des compétences à acqué-rir. Car les conseils, l’information, la formation s’adres-sent à la seule raison consciente. A cet égard, on s’ex-pose même, tout au contraire, à un débordement del’angoisse, et donc à une mobilisation accrue desdéfenses psychiques. L’information, les conseils for-mulés sans ajustement à l’état psycho-affectif du sujetpeuvent en effet susciter ce qu’on appelle des effets d’in-terprétation sauvage.

Au sens de la psychanalyse, la formulation d’une inter-prétation se conçoit dans le cadre de la relation trans-férentielle comme communication d’une parole que lesujet, au prix d’un intense travail d’élaboration psychique,se trouve alors presque sur le point de formuler lui-même. L’interprétation sauvage tout au contraire relèvede l’imposition au sujet d’un savoir sur lui-même, d’unsavoir dont il ne veut rien savoir ou, à tout le moins, qu’ilne se trouve pas en mesure de s’approprier, et ne luilaisse, par conséquent, d’autre choix que de s’endéfendre.

Voilà à quoi peuvent s’exposer l’information, lesconseils quand ils prétendent rendre les parents “com-pétents” comme on est en droit de l’attendre, enrevanche, des professionnels.

“Toute demande doit être entendue !”… Cela ne veut sur-tout pas dire : “Toute demande doit être satisfaite !”. Sicela est impossible, il ne s’agit pas même de s’orienterde l’idéal d’une telle improbable satisfaction. Lademande de conseils, d’informations, de formation enprovenance des parents et à l’adresse des profes-sionnels doit, avant de trouver réponse, faire l’objetd’une analyse qui permette de faire des hypothèsesconcernant ce qu’il s’agit de comprendre dans cettedemande. Car toute demande est demande d’autrechose. Une demande ne se réduit pas à son contenumanifeste : elle se dédouble, elle indique, en creux, cequ’il en est du désir du sujet qui la porte.

Page 28: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 29

La dimension du soinLa dimension du soin

On sait que dans la demande de conseils et de conte-nus formatifs, il y a chez les parents le désir de s’ap-proprier les savoirs qu’ils supposent aux professionnels,désir sous-tendu par l’idée qu’ils pourront ainsi bienmieux aider leur enfant. On ne peut nier la part d’exac-titude qu’il y a là-dedans, bien sûr…

Il ne s’agit pas non plus de nier que l’angoisse se trouveeffectivement pour partie capitonnée par une appro-priation raisonnée des incidences du handicap, par unecertaine compréhension des manières de le prendreen compte, l inguistiquement, socialement, familialement…

Mais l’angoisse, en propre, requière un autre traite-ment, un traitement qui en passe par une attention àl’autre, à la complexité de ses mouvements affectifs.L’angoisse ne relevant pas de la logique consciente, laprécision des apports, la qualité des étayages demeu-rent impuissants à l’entamer. C’est ce qui se déduit toutparticulièrement de l’insatisfaction qu’ils suscitent tou-jours, à des degrés bien évidemment variables : ça enappelle toujours plus, ça pourrait être toujours mieux…

A nouveau, c’est quelque chose dont tout un chacunpeut faire l’expérience. Sans nécessairement référerà ce point de haute sensibilité qu’est notre enfant, toutedélivrance de conseils, toute prétention d’apporter unsavoir s’expose à nous décevoir, à ne pas être à la hau-teur de ce que nous en pouvions espérer.

Pour autant, de l’insatisfaction, de l’incompréhensiongénérées par la communication de conseils et desavoirs, on ne doit pas conclure qu’il faudrait y renon-cer. C’est d’ailleurs notamment au regard d’une tellepente au renoncement chez les professionnels ou, àtout le moins, d’un renoncement supposé que s’estconstituée la militance parentale.

Mais il importe de prendre acte que les savoirs ne peu-vent être que mal-entendus, mal compris, parce qu’ilsne peuvent - et heureusement ! - combler le désir decelui qui en attend quelque chose. La communicationde savoirs est impropre au traitement de l’angoisse dusujet, car cette angoisse est consubstantielle de la sin-gularité de son lien à l’autre et de ses expériences.

Prendre en compte l’angoisse des parents, cela passeainsi en premier lieu par le fait de comprendre que laconflictualité qu’ils peuvent susciter dans leur rapportaux professionnels - conflictualité inter-personnelle - res-sort, d’abord, de la projection d’une conflictualité qui estd’abord intra-psychique.

C’est en quoi prendre soin de la parentalité, spéciale-ment lorsqu’elle est mise à mal par le handicap, doits’orienter de traiter avec les parents, au cas par cas,les questions qui sont les leurs et qui concernent leursenfants, au moment où elles se posent, pour eux. Faute

de quoi, on s’expose largement à renforcer lesdéfenses psychiques.

Suite de cet article dans le N°34 de Connais-sances Surdités

Grégory GOASMAT, Psychologue clinicien

1. Réécriture d’une intervention faite à la Journée des SSEFIS du GrandOuest, à Rennes, le 31.03.2010.2. Psychologue clinicien, doctorant au L.I.R.L (LaboratoireInterdisciplinaire de Recherches sur le Langage), Université Rennes 2.3. Lévi-Strauss C. (1962). La pensée sauvage, Paris, Plon, p.27.4. Lowe R., La langue : un système de représentation de l’expériencehumaine, Connaissance surdités, n°26.5. Ionescu S., Jacquet M.-M., Lhote C. (2005). Les mécanismes dedéfense. Théorie et clinique, Paris, Armand Colin, p. 27.6. Kundera M. (1995). La lenteur, Paris, Gallimard, pp. 51-52.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Aulagnier P. (1975). La violence de l’interprétation,Paris, PUF.

Bion W. R. (1962). Aux sources de l’expérience, Paris,PUF, 2004.

Ciccone A. (2005). L’expérience du rythme chez lebébé et dans le soin psychique, Neuropsychiatrie del’enfance et de l’adolescence, vol. 53, n°1-2, pp. 24-31.- (2008). L’archaïque et l’infantile, Spirale, n°45, pp.133-147.

Coum D. (dir.). Revue Les Carnets de Parentel.Freud S. (1914). Pour introduire le narcissisme, in : La

vie sexuelle, Paris, PUF, 1977 / (1926). Inhibition,symptôme et angoisse, Paris, PUF, 2005.

Goasmat G. (2008). L’intégration sociale du sujet défi-cient auditif. Enjeux éducatifs et balises cliniques, Paris,L’Harmattan.

Golse B. (2006). Accompagnement ou psychothéra-pie : qui fait quoi ?, Contrastes, n°24, pp. 289-305

Ionescu S., Jacquet M.-M., Lhote C. (2005). Les méca-nismes de défense. Théorie et clinique, Paris, ArmandColin.

Lacan J. (1962-1953), Le séminaire, livre X : l’an-goisse, Paris, Seuil, 2004.

Lévi-Strauss C. (1962). La pensée sauvage, Paris, PlonLowe R., La langue : un système de représentation de

l’expérience humaine, Connaissance surdités, n°26Mannoni O. (1969). Clefs pour l’imaginaire ou l’Autre

scène, Paris, Editions du Seuil.Ortigues M.-C. (2002). L’accueil, in Ortigues M.-C. et

E. Que cherche l’enfant dans les psychothérapies ?,Toulouse, Erès, pp. 13-18.

Winnicott D. W. (1969). De la pédiatrie à la psycha-nalyse, Paris, Payot.

Page 29: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

IINTERNATIONALNTERNATIONAL

AU CENTRE BRIGITTE VITEAU-MONTOURCY1

André Kounasso, le directeur du centre, souhaitait quenous abordions l’acquisition du langage écrit avec lesenfants sourds. Au cours de l’année 2008-2009, nousavions donc échangé par mail ; il avait déjà travaillé surun acrostiche avec les enfants à partir du mot chien.Un article paru dans le numéro 29 de ConnaissancesSurdités relatait ce travail. Le but de la mission 2009était de poursuivre cette approche du langage écrit.

A ce moment-là dans le centre, deux enseignants seu-lement se partageaient les enfants, avec une classed’initiation (correspondant à la GSM), le CP pour uneclasse et le CE-CM pour l’autre classe.

Dans le groupe d’André (classe CE-CM), nous avons tra-vaillé sur la différenciation du nom et du verbe, du sin-gulier et du pluriel. Nous avons élaboré des tableauxcomme ceux proposés par Denise Sadek-Khalil. Nouspratiquions différents exercices dont des générationsde phrases. Les enfants n’oralisent pas. Le françaissigné est utilisé et ils ont beaucoup de mal dans l’utili-sation de l’écrit, en partie parce que le travail de la gram-maire, de la syntaxe et du vocabulaire n’est pas fait enpartant des difficultés des enfants. En effet, le pro-gramme scolaire revêt une grande importance et lesenseignants essayent de le suivre en utilisant les livresscolaires des entendants. Nous sommes donc partisdu texte de lecture qu’ils avaient à étudier. En réalité,les enfants lisent en signant les mots du texte. Certainsont beaucoup de mal à vraiment donner du sens à cequ’ils lisent. Le plus souvent, ils juxtaposent les motssignés.

Nous avons ensuite travaillé sur un acrostiche avec lemot “MAISON” :M a maison estA moiIl y a un balaiSur la tableOn mange laNourriture.

Nous avons travaillé en collectif avec une dizaine d’en-fants d’âges et de niveaux assez différents (de huit ansà quatorze ans). Nous avons expliqué l’exercice et avonsregroupé les propositions de chacun pour élaborer letexte en insistant sur le sens.

Puis nous avons inventé un animal extraordinaire surle principe des mots-valises : le “Papiton”. Nous avonsélaboré un petit texte : “Le Papiton est un mélange dupapillon et du mouton. Il marche sur la terre. Quand laterre est trop chaude il vole”.

Différents problèmes se sont posés :plusieurs mots onten effet le même signe ; il y a un même signe pour lenom et le verbe : “travail” / “travaille”. Seule l’utilisationdu “le” et du “je” peuvent les distinguer. Or la plupart desenfants ne savent pas lire car la combinatoire n’est pasacquise. Ils oralisent peu et la conscience des syllabeset des sons n’existe pas.

Avec André Kounasso, nous avons ensuite demandéaux enfants de dessiner le fameux Papiton. Certains ontbien compris la consigne et ont dessiné un seul animalavec une tête de papillon et un corps de mouton maisd’autres ont dessiné deux animaux : un papillon et unmouton. Ils n’ont pas compris que l’on inventait un ani-mal extraordinaire avec les caractéristiques des deuxanimaux réunis.

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3330

Hors de l’hexagone, le travailHors de l’hexagone, le travaild’Ortho-Bénind’Ortho-BéninBRIGITTE AUBONNET-CABROLIÉ

En écho direct avec les préoccupations de nos journées d’études de novembre 2009, ladernière mission d’Ortho-Bénin avait pour thème le travail du langage écrit avec lesenfants sourds et l’utilisation de techniques d’atelier d’écriture. Brigitte Aubonnet-Cabrolié nous fait part de son travail avec les enseignants de deux centres pour enfantssourds au Bénin. Bien évidemment, les conditions de vie, de dépistage, de prise en charge,de rééducation et d’enseignement sont très différentes de ce qui existe dans l’hexagone.Pour autant, grâce à l’engagement et la motivation des professionnels sur place, épauléspar les missions d’Ortho-Bénin, ces enfants peuvent eux aussi avoir accès au plaisir dulangage et du jeu avec les mots.

Page 30: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 31

Dans la classe d’Honorine (niveaux classe d’initiation etCP) nous avons travaillé à partir de la leçon de CP qu’elleavait à faire.

Honorine Kounasso est très pédagogue. Elle travaillebeaucoup le début de la lecture en liaison avec la com-préhension. Elle veille à ce que les enfants mettent dusens sur ce qu’elle leur demande.

Nous avons constitué un groupe avec les enfantsinternes présents le samedi. Nous avons d’abord reprisle travail sur les syllabes. Certains enfants ont bien com-pris la démarche et ils étaient ravis de participer, de tra-vailler sur des sons, de les retrouver, de les associerpour constituer des syllabes. Puis nous avons inventéune histoire en commun : à partir du récit du livre “Kiri-kou”, nous avons travaillé l’écoute avec le support dessignes, l’observation des images puis l’écriture d’unephrase : “Dans un village, les hommes et les femmes tra-vaillent la terre”.

AU CENTRE DE PARAKOU2

Avec chaque classe, nous avons travaillé aussi sur lelangage écrit. A partir de la leçon du jour, j’ai adapté desexercices.

Groupe CE2

Travail sur le “Sinson” (mélange du singe et du poisson) :

“Le sinson vit dans la brousse. Il mange des bananeset parfois de la viande. Quand il fait chaud, il s’assoit sousun manguier là où il y a du vent. Quand il pleut beaucoup,il se cache sous les feuilles. Quand l’eau monte trèshaut, le sinson peut se sauver en nageant”.

Nous avons utilisé la lecture labiale, la vocalisation etquelques mouvements de rythme corporel en pour-suivant le travail effectué dans le centre lors d’une mis-sion de l’association “Oreilles pour le monde” avec quinous sommes en relation.

Groupe CI (Classe d’initiation)/CP

Avec le groupe de CP nous sommes partis du texte deleur livre de classe sur la fête. L’écriture du texte s’estfaite à partir de leurs propositions orales. Les enfantsont beaucoup participé. Ils ont même dansé pour memontrer les danses des jours de fête.Voici le texte qu’ils ont inventé :

“La fêteA la fête, on tue les coqs. Les mamans préparent duriz. Les femmes utilisent de l’huile pour faire la sauce.On mange de l’igname pilé pendant la fête. On boit de

l’eau fraîche. On danse et on donne de l’argent. On portede jolis chapeaux”.

J’ai filmé les enfants en train de danser. Les enfantsdonnaient leurs idées et l’on décidait ensemble de laphrase que l’enseignant écrivait au tableau.

Avec le groupe de CI, nous avons pratiqué des exercicesde rythme corporel sur leur leçon de lecture. La théâ-tralisation de la leçon a été difficile car les enfants n’ontpas encore l’habitude du travail de groupe. C’est leurpremière année d’école.

Avec le groupe de CE1

Nous avons cherché des phrases comportant le mot“santé” car c’était le thème de leur texte de lecture dujour :

“La santé c’est bonFaire du sport c’est la santéCourir c’est la santéSur la route Toni et Baké discutent sur la routeIl faut se laver les mains pour rester en bonne santéNous avons lu un texte sur la santéLe maître nous explique le mot santé”.

Puis nous avons cherché des mots avec la lettre “i”. Celaa été très dur à démarrer mais quand les enfants ontbien compris la consigne ils voulaient tous donner unmot. Ils levaient tous le doigt pour donner un mot. L’en-seignant a noté tous les mots au tableau puis il a inventéle texte avec les enfants :

“Avant son départ Toni discute avec ses parents sur l’or-ganisation d’une fête. Il se rend au marché pour desachats. Il achète du poisson, du piment, du riz, du pain,de l’igname et un paquet de macaroni. Il décide ausside faire un rôti à la viande de cabri qui sera accom-pagné de sauce d’arachide. Le soir, son chien Pipo serégale des restes de nourriture”.

Les mots trouvés au départ sont écrits en bleu dansle texte pour bien mettre en évidence les mots conte-nant la lettre “i”.

Dans la classe de CM1

Nous sommes partis sur le thème de la bêtise car leurtexte de lecture parlait des méfaits du tabac avec unebêtise faite par un enfant qui prenait la pipe de son pèrepour la fumer.

Les enfants ont eu beaucoup de mal à établir une listede bêtises. Peut-être avaient-ils peur de révéler une deleurs bêtises en craignant les conséquences ! Nousavons fini par choisir dans ce qu’ils avaient trouvé :

Page 31: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

“Le petit garçon qui mange du savon ;Bio le mangeur de savon.

Bio est un petit garçon de cinq ans. Il vit dans safamille : ses parents, ses grands frères et petites sœurs.Un matin, vers 8 heures, Bio fait sa toilette : il se laveet se brosse les dents. Il s’habille et pendant que samaman cherche à lui donner son petit déjeuner, Bioramasse un gros savon qu’il mange en cachette. Bioa mal au ventre. Il vomit du blanc.

Sa mère sort et constate l’état de son enfant. Elle l’em-mène voir le docteur. Après quelques semaines pas-sées au dispensaire, Bio va retrouver sa famille maistout fatigué et affaibli”.

L’enseignant écrivait le texte au tableau et intervenaitdans la rédaction du texte.

Dans la classe de CM2

Anasthasie est l’enseignante. Elle présente une surditéacquise non appareillée. Leur texte de lecture portaitsur la contamination du VIH. Nous avons donc inventéun village où une jeune femme avait le Sida :

“Dans le village de Ina, Fatia a le Sida. Elle est toute seuleparce que tout le monde est son ennemi. Ses ennemissont les pêcheurs du monde. Momo va venir vers ellepour parler. Momo dit à Fatia qu’elle sera toujours sonamie”.

Certains élèves, bien qu’étant en CM2, ne savent pasécrire un mot même si le signe leur a été donné. Ils n’ontpas acquis le fonctionnement de la lecture et de l’orthographe.

OBJECTIFS DU TRAVAIL DU LANGAGEÉCRIT AVEC L’UTILISATION DESTECHNIQUES D’ATELIER D’ÉCRITURE

Le but est d’aborder et de développer l’imaginaire desenfants et de travailler sur la structure logique et syn-taxique d’un texte. Nous abordons les catégories et levocabulaire, par exemple en cherchant des animaux ter-restres, aquatiques… pour créer un animal extraordi-naire. Nous analysons les syllabes (la première et la der-nière d’un mot), afin d’inventer un animal en associantdeux syllabes. Nous insistons toujours sur l’alliance dusens et de l’écriture, par exemple avec l’acrostiche oùil faut trouver des des phrases autour du mot choisi.Nous essayons de leur faire développer la notion decause, conséquence, condition… quand les caracté-ristiques de l’animal choisi induisent des comporte-ments particuliers. Enfin, nous travaillons sur la com-

binatoire et la phonologie dans la recherche de syllabesou de sons précis. Ecrire un texte à partir de mots trou-vés ensemble est plus facile car cela balise les possibles.L’écriture de textes permet de travailler la grammaireet la syntaxe avec une approche plus concrète et plusproche des enfants et des adolescents.

Les enfants étaient assez réservés au début du travailmais ils se sont pris au jeu et ils étaient ensuite heureuxde faire part de leurs idées pour construire le texte.

LE CERES

Le Cercle d’Etudes et de Réflexion pour l’Epanouisse-ment des Sourds, s’est réuni le samedi 7/11/09, nousavons parlé de l’évolution du CERES en Fédération. Letravail du CERES se poursuit et le suivi audioprothétiquese met en place. Nous avons aussi parlé de la prépa-ration des Etats Généraux de la Surdité prévus pour2011 à Ouagadougou où nous avons évoqué, entreautres, une propositions d’intervention pour présenterle travail du langage écrit réalisé au Bénin avec lesenfants sourds. Une mission aura lieu en novembre2010 pour préparer ce travail.

Nous avons reçu une très bonne nouvelle en juin2010 : le CERES a maintenant un statut juridique et,grâce à la mobilisation et à la persévérance de plusieursde ses membres, le CERES est une fédération recon-nue par l’Etat béninois.

Brigitte AUBONNET-CABROLIÉOrthophonisteVice-présidente d’OBF chargée du dossier surditéCourriel : [email protected]

Mission surdité d’Ortho-Bénin-France, novembre2009.

Vous pouvez consulter le site d’Ortho-Bénin-Francepour avoir plus d’informations sur cette association :Site : sites.google.com/site/orthobeninfrance

1. Plus précisément à Bohicon, une ville située environ à 150 km au nordde Cotonou.

2. Situé à environ 400 kilomètres au nord de Parakou.

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3332

Page 32: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 33

Une sélection de livres pour les jeunes sourdsUne sélection de livres pour les jeunes sourdsà la rentréeà la rentréePAR PHILIPPE GENESTE

LivresLivres

LLa rentrée des classes ne doit surtout pas priverles enfants de la vie ordinaire. Voici une petitesélection de livres parus qui pourraient intéres-

ser les jeunes sourds, en fonction de leur âge.

PRÉHISTOIRE

Pour les 5/8 ans

Ce livre va de - 500 000 ans à - 900 ans,donc du paléolithique à l’âge desmétaux. La lecture s’effectue par lebiais de mots rébus (aspect parasco-laire avoué du livre) avec le jeu destransparents et l’aide d’un glossaire.C’est bien difficile pour un enfant de 5ans et même à 7 ans, quel avantage en

retire un enfant ? Ceci dit, c’est un livre fourni et la pré-sentation est belle comme toujours avec cette collec-tion. Mais à trop embrasser, mal éprend, peut-êtreest-ce là notre réserve.

JOLY, Dominique, Livre rébus, La vie au temps dela préhistoire, illustrations de Donald Grant, Paris,Gallimard, collection Mes premières découvertes, 2005,24 p. + 6 transparents, 9 €.

De 9 à 11 ans

Ce livre coffret d’activités est passionnant. Dans un desscénario, une famille de touristes découvre des resteshumains dans une grotte de la forêt Noire ; on s’aven-ture ensuite avec les scientifiques qui cherchent àreconstituer le squelette, la scène, etc. C’est un appren-tissage archéologique et paléontologique intéressant,avec le coffret qui permet de reproduire le terrain desfouilles. Le livre, qui scande les étapes du travail, donnede précieux renseignements paléo-anthropologiquessur cette période qui s’étale de 120 000 ans à 35 000 ansavant J.C.

SCHATZ Denis, L’homme préhistorique, illustra-tions D. Saccheri & M. Atkinson. Nathan, collectionChantier découvertes, 2009, 36 p. + 14 os à exhumer +1 grattoir + 1 carte des os + 6 cuvettes de fouilles.18,50€.

LA LITTÉRATURE DE JEUNESSE AU PRISMEDE L’ÉPISTÉMOLOGIE

Le titre de cet ouvrage se lit aussi bien voir que noir.Les deux mots sont sensibles au toucher et visibles.

Donc, voir le noir, le noir à voir, avoir lenoir et non le broyer. L’histoire raconte un jeu dans le noiravec deux enfants voyants et un enfantaveugle qui est aussi le narrateur. Ils’agit d’aller d’un endroit à un autredans une maison. Les fausses orienta-tions des enfants voyants, les rires et lestrébuchements des enfants emplissent

les pièces. L’enfant aveugle a un avantage dans ce jeu,évidemment, lui qui est si habitué au noir. Mais au-delà, le récit interroge : est-ce que l’on sait vraimentvoir les choses ? Peut-on voir sans savoir voir ?

Au fond, nous dit l’histoire, on ne sait jamais, vrai-ment. De même, on ne voit jamais vraiment tout, nonplus.

Le livre se lit en français, noir sur blanc (la préface,seule se lit noir sur noir) mais également en braillepour les enfants aveugles. On voit ainsi comment unehistoriette se déploie dans des sens multiples grâce à lalecture. L’acte de lecture se fait immédiatementréflexion.

François DAVID, (N) VOIR, Querqueville, éditionMotus, 2005, 36 p. 11 €

POUR LES TOUT-PETITS

Trois thèmes sont abordés : manger, soigner, dormir. Achaque fois, on part d’une situation quotidienne quifait l’objet d’une explication simple. Ce dictionnaire estun bel ouvrage pour l’échange entre les parents et l’en-fant. Plus qu’un dictionnaire, on pourrait dire qu’ils’agit d’une encyclopédie.

DOLTO Catherine, FAURE POIREE Colline, LeDico des tout-petits, illustrations d’Alex SAN-DERS, Gallimard, collection Giboulées, 2010, 192 p.,12 €

Pour les 2/4 ans

Cet album est un régal pour les petits qui sont ravis desoulever les rabats et de découvrir un animal, crocodile,tigre, perroquet, gorille.

Où se cachent les animaux de la jungle, Nathan,2010, 12 p. 6,90 €

Page 33: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°3334

Sur un texte rythmé avec nombre derimes internes, voici un texte drôle ettendre, une encyclopédie des bisous, àlire aux tout petits pour rire. Les illus-trations reprennent le ton du texte ense jouant du non-sens. Un bon petitlivre.

COUDOL Elisabeth, LE GOFF Hervé, Madou - Monbisou préféré, Père Castor, 24 p. 8 e

De 2 à 5 ans

“Polis, pas polis” se situe dans latradition de cette collection volon-tiers moralisatrice. “Raconte-moiune histoire” est un bel éloge àl’imagination, à la culture et augrandissement de l’enfant par lesavoir. “Dans tous les sens”, consa-cré aux cinq sens, est quelque peu

fat ; enfin, “Les mensonges” est une belle introductionà la distinction du vrai et du faux, du songe et du men-songe.

DOLTO Catherine, FAURE-POIREE Colline, Polispas polis, illustrations de Frédérick MANSOT, Galli-mard jeunesse, collection Mine de rien, 2010, 28 p. 6 €

DOLTO Catherine, FAURE-POIREE Colline,Raconte-moi une histoire, illustrations de Frédé-rick MANSOT, Gallimard jeunesse, collection Minede rien, 2010, 28 p. 6€

DOLTO Catherine, FAURE-POIREE Colline,Dans tous les sens, illustrations de Frédérick MAN-SOT, Gallimard jeunesse, collection Mine de rien,2010, 28 p. 6€

DOLTO Catherine, FAURE-POIREE Colline, LesMensonges, illustrations de Frédérick MANSOT,Gallimard jeunesse, collection Mine de rien, 2010, 28 p. 6€

Deux ouvrages dans la tradition psychanalytique, avecun aspect multiculturel et un message de tolérance.

DOLTO Catherine, FAURE-POIREE Colline, LesMamans, illustrations de Frédérick MANSOT, Gal-limard jeunesse, collection Mine de rien, 2009, 28 p. 6 €

DOLTO Catherine, FAURE-POIREE Colline, LesPapas, illustrations de Frédérick MANSOT, Galli-mard jeunesse, collection Mine de rien, 2009, 28 p. 6 €

Un très bon ouvrage de la collection.

DOLTO Catherine, FAURE-POI-REE Colline, J’ai deux paysdans mon cœur, illustrations deFrédérick MANSOT, Gallimardjeunesse, collection Mine de rien,2007, 28 p. 6€

De 3 à 6 ans

Une série de gags sont attribués àun petit garçon qui s’en défend, àchaque fois, sans nousconvaincre… Cet ouvrage nouspropose une réflexion sur le senti-ment de culpabilité autant quesur la notion de bêtise, à quoiinvite le premier volume. Lesecond, repose sur le même pro-

cédé, sauf, que là, l’erreur est reconnue, mais non assu-mée. Dans les deux cas, cela se finit par un bisou àmaman pour l’un, à papa pour l’autre.

PITTAU & GERVAIS, C’est pas moi, Gallimard,collection Giboulées, 2010, 28 p. 7,50€; PITTAU &GERVAIS, J’ai pas fait exprès, Gallimard, collectionGiboulées, 2010, 28 p. 7,50 €

Un petit ouvrage sur l’expérience del’eau avec le mythe du calamargéant dont les héros vont se faire unami. Un livre surréaliste qui plaîtaux petits à qui on le lira avec beau-coup de possibilités d’interactionsgrâce aux illustrations qui doublentle texte.

PITTAU & GERVAIS, Kakao à la mer, Galli-mard, collection Giboulées, 2009, 32 p. 6,50 €

Philippe GENESTE, Enseignant au CNFEDS(Chambéry) et Professeur de français en collège(Gironde)

Page 34: o CONNAISSANCES SURDITÉS S e oo mm m r … · LIVRES 33 SS oo mm mmaa ii rr S ee o m m m a i S o m m i r e a r e CONNAISSANCES SURDITÉS 11 rue de Clichy 75009 Paris Courriel : contact@acfos.org

CONNAISSANCES SURDITÉS • SEPTEMBRE 2010 • N°33 35

GlossaireAGEFIPH Association de gestion du fondspour l’insertion professionnelle des personneshandicapéesANCE Association nationale descommunautés éducatives AVS Auxiliaire de vie scolaireBEP Brevet d'études professionnellesBEPC Brevet d'études du premier cycle BUCODES Bureau de coordination desassociations de devenus sourds etmalentendantsCAMSP Centre d’action médico-socialeprécoceCAPA-SH Certificat d’aptitudeprofessionnelle pour les aides spécialisées, lesenseignements adaptés et la scolarisation desélèves en situation de handicapCAP Certificat d’aptitude professionnelle CAPEJS Certificat d’aptitude au professoratde l’enseignement des jeunes sourdsCCPE Commissions de circonscriptionpréscolaire et élémentaire CDAPH Commission des droits et del’autonomie des personnes handicapées

CDES Commission départementale del’éducation spécialeCDOS Centre de diagnostic et d’orientationde la surditéCEBES Centre d’éducation bilingue pourenfants sourdsCIS Centre d’information pour la surditéCLIS Classe d’intégration scolaireCMPP Centre médico-psycho-pédagogiqueCNAMTS Caisse nationale d’assurancemaladie des travailleurs salariésCNSA Caisse nationale de solidarité pourl’autonomieCOTOREP Commission techniqued’orientation et de reclassement professionnelCTES Commission territoriale de l’éducationspécialiséeCTNERHI Centre technique nationald’études et de recherches sur les handicaps etles inadaptationsDAP Déficience auditive profondeEN Education nationaleEVS Emploi vie scolaireFNSF Fédération nationale des sourds de

FranceIC Implant cochléaireIJS Institut de jeunes sourdsINJS Institut national de jeunes sourdsINS HEA Institut national supérieur deformation et de recherche pour les jeuneshandicapés et les enseignements adaptésLPC Langue parlée complétéeLSF Langue des signes françaiseMDPH Maison départementale des personneshandicapéesPPS Projet personnalisé de scolarisationRMI Revenu minimum d’insertionSAFEP Service d’accompagnement familialet d’éducation précoceSEHA Section pour enfants avec handicapsassociésSESSAD Service d’éducation spéciale et desoins à domicileSSEFIS Service de soutien à l’éducationfamiliale et à l’intégration scolaireUPI Unité pédagogique d’intégrationURAPEDA Union régionale de parentsd’enfants déficients auditifs

HORS SÉRIE N°4 : les Actes duColloque ACFOS VII

Je commande le Hors Série N°3 deConnaissances Surdités sur les ActesAcfos VII “Scolarisation des jeunes sourds en2008 : des attentes à la mise en oeuvre” auprix de 30 €(32 € pour l’étranger et les Dom-Tom)

Nom/Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Code Postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..

Ci-joint un chèque à l’ordre d’ACFOSJe règle par virement bancaire à ACFOS

Date et signature obligatoire :

A photocopier ou à découper, et à retourner à :ACFOS, 11 rue de Clichy 75009 Paris – FranceCompte bancaire :Société Générale 75009 Paris Trinité30003 03080 00037265044 05

Connaissances SurditésJe m’abonne pour un an au prix de 40 €Je souscris un abonnement de soutien à

Acfos pour un an à partir de 60 €Je commande le N° … au prix de 12 eAbonnement groupé (pour une même adresse)

- 3 abonnements : 25 % de réduction, soit 90 €(au lieu de 120 €)- 5 abonnements : 30 % de réduction soit 140 €(au lieu de 200 €)

Abonnement Adhérents/Parents/Etudiants : 25 €(Faire tamponner le bulletin par un professionnel de la surditéou une association/Photocopie de la carte étudiant)

Tarifs Dom-Tom/Etranger : 47 €

Nom/Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code Postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tél. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ci-joint un chèque à l’ordre d’ACFOSJe règle par virement bancaire à ACFOS

Date et signature obligatoire :

A photocopier ou à découper, et à retourner à :ACFOS, 11 rue de Clichy 75009 Paris – FranceCompte bancaire :Société Générale 75009 Paris Trinité30003 03080 00037265044 05