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198 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Ann Pathol 2007 ; 27 : 198-203 Histoséminaire SFP Accepté pour publication le 30 mai 2007 Tirés à part : M.C. Copin, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected] Observation n° 1 Marie-Christine Copin Pôle de Pathologie, Centre de Biologie-Pathologie, CHRU, Avenue Oscar Lambert, 59037 Lille Cedex. Renseignements cliniques Homme de 69 ans. Suivi et indemnisé pour des plaques pleurales bilatérales depuis 2003. Amaigrissement associé à une dyspnée et à des douleurs thora- ciques depuis trois semaines. Épan- chement pleural gauche récidivant. Biopsie pleurale chirurgicale. Diagnostic proposé Mésothéliome malin épithélioïde. Description macroscopique Plèvre épaisse, mamelonnée, de consis- tance ferme Description histologique Prolifération tumorale d’architecture massive ou acineuse constituée de cellules de morphologie épithélioïde, au cytoplasme abondant, éosinophile, au noyau rond à chromatine claire contenant un nucléole bien visible (figure 1). Rares vacuoles alcianophiles intracytoplasmiques. Nombreuses mito- ses (figure 2). Stroma abondant, fibreux. Infiltration tumorale de la graisse pleu- rale pariétale. Infiltrat lymphocytaire dense en regard. Présence d’une pla- que fibreuse entre la graisse pleurale pariétale et la tumeur. Expression immunohistochimique par les cellules tumorales, nucléaire et cyto- plasmique intense de la calrétinine (figure 3), cytoplasmique intense de la cytokérati ne 5 (figure 4). Absence de marquage des cellules tumorales avec les anticorps anti-TTF-1 et Ber-EP4. Commentaires Ce texte reprend certaines des recom- mandations faites par la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) sur le mésothéliome pleural accessibles sur le site de la SPLF http://www.splf. org/rmr/pdfNR/Reco_SPLF_MPM_texte_ court_23Jan06.pdf Épidémiologie Selon les données du Groupe Mesopath (Groupe anatomopathologique d’aide au diagnostic du Mésothéliome), la plèvre est la localisation la plus fré- quente (90 %), les localisations périto- néale et de la vaginale testiculaire étant plus rares respectivement 6 % et 3 % des cas et moins de 1 % des cas pour la localisation péricardique. La grande majorité des mésothéliomes pleuraux (environ 90 %) sont directement la conséquence d’une exposition antérieure à l’amiante contre 60 % des cas pour le mésothéliome péritonéal. En France, la mortalité par mésothéliome chez les hommes entre 50 et 79 ans va continuer à augmenter pour atteindre un pic de 1 140 décès en 2030 à 1 300 en 2040. Le délai entre le début de l’exposition à l’amiante et le diagnostic de mésothé- liome est de 20 à 40 ans. D’autres facteurs sont incriminés dans la survenue du mésothéliome tels que l’érionite dans certains villages de Turquie, les radia- tions ionisantes et enfin plus contro- versé, le virus SV40 (simian virus 40) chez des patients ayant reçu un vaccin anti-polyomyélitique contaminé.

Observation n° 1

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Histoséminaire SFP

© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

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Accepté pour publication le 30 mai 2007

Tirés à part : M.C. Copin, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected]

Observation n° 1

Marie-Christine Copin

Pôle de Pathologie, Centre de Biologie-Pathologie, CHRU, Avenue Oscar Lambert, 59037 Lille Cedex.

Renseignements cliniques

Homme de 69 ans. Suivi et indemnisépour des plaques pleurales bilatéralesdepuis 2003. Amaigrissement associé àune dyspnée et à des douleurs thora-ciques depuis trois semaines. Épan-chement pleural gauche récidivant.Biopsie pleurale chirurgicale.

Diagnostic proposé

Mésothéliome malin épithélioïde.

Description macroscopique

Plèvre épaisse, mamelonnée, de consis-tance ferme

Description histologique

Prolifération tumorale d’architecturemassive ou acineuse constituée decellules de morphologie épithélioïde,au cytoplasme abondant, éosinophile,au noyau rond à chromatine clairecontenant un nucléole bien visible(figure 1). Rares vacuoles alcianophilesintracytoplasmiques. Nombreuses mito-ses (figure 2). Stroma abondant, fibreux.Infiltration tumorale de la graisse pleu-rale pariétale. Infiltrat lymphocytairedense en regard. Présence d’une pla-que fibreuse entre la graisse pleuralepariétale et la tumeur.Expression immunohistochimique parles cellules tumorales, nucléaire et cyto-plasmique intense de la calrétinine(figure 3), cytoplasmique intense de

la cytokératine 5 (figure 4). Absencede marquage des cellules tumoralesavec les anticorps anti-TTF-1 et Ber-EP4.

Commentaires

Ce texte reprend certaines des recom-mandations faites par la Société dePneumologie de Langue Française (SPLF)sur le mésothéliome pleural accessiblessur le site de la SPLF http://www.splf.org/rmr/pdfNR/Reco_SPLF_MPM_texte_court_23Jan06.pdf

Épidémiologie

Selon les données du Groupe Mesopath(Groupe anatomopathologique d’aideau diagnostic du Mésothéliome), laplèvre est la localisation la plus fré-quente (90 %), les localisations périto-néale et de la vaginale testiculaire étantplus rares respectivement 6 % et 3 %des cas et moins de 1 % des cas pourla localisation péricardique. La grandemajorité des mésothéliomes pleuraux(environ 90 %) sont directement laconséquence d’une exposition antérieureà l’amiante contre 60 % des cas pour lemésothéliome péritonéal. En France, lamortalité par mésothéliome chez leshommes entre 50 et 79 ans va continuerà augmenter pour atteindre un pic de1 140 décès en 2030 à 1 300 en 2040. Ledélai entre le début de l’exposition àl’amiante et le diagnostic de mésothé-liome est de 20 à 40 ans. D’autres facteurssont incriminés dans la survenue dumésothéliome tels que l’érionite danscertains villages de Turquie, les radia-tions ionisantes et enfin plus contro-versé, le virus SV40 (simian virus 40)chez des patients ayant reçu un vaccinanti-polyomyélitique contaminé.

Observation n° 1

FIG. 1. — Mésothéliome épithélioïde. Coexistence d’une prolifé-ration tumorale d’architecture massive et d’une plaque fibrohya-line (HES × 25).

FIG. 1. — Epithelioid mesothelioma. Diffuse proliferation of tumoral cells coexisting with a fibrohyaline plaque (HES×25).

FIG. 2. — Mésothéliome épithélioïde. Tumeur maligne de mor-phologie épithélioïde. Quelques mitoses (HES × 400).

FIG. 2. — Epithelioid mesothelioma. Malignant tumor of epi-thelioid morphology. A few mitotic figures (HES×400).

FIG. 3. — Mésothéliome épithélioïde. Marquage intense et diffus, nucléaire et cytoplasmique, par l’anticorps anti-calrétinine (IHC × 200).

FIG. 3. — Epithelioid mesothelioma. Strong and diffuse, nuclear and cytoplasmic, immunostaining with anti-calretinin antibody (IHC×200).

FIG. 4. — Mésothéliome épithélioïde. Marquage intense et diffus, cytoplasmique, par l’anticorps anti-cytokératine 5/6 (IHC × 200).

FIG. 4. — Epithelioid mesothelioma. Strong and diffuse cytoplas-mic immunostaining with anti-cytokeratin 5/6 antibody (IHC×200).

FIG. 5. — Mésothéliome épithélioïde. Marquage intense, mem-branaire, par l’anticorps anti-EMA (IHC × 400).

FIG. 5. — Epithelioid mesothelioma. Strong membranous immuno-staining with anti-EMA antibody (IHC×400)

FIG. 6. — Adénocarcinome pseudomésothéliomateux. Infiltration tumorale diffuse de la plèvre (HES × 25). Marquage nucléaire intense des cellules tumorales par l’anticorps anti-TTF-1 (IHC × 200 encart).

FIG. 6. — Pseudomesotheliomatous adenocarcinoma. Diffuse pleural spread of adenocarcinoma (HES×25). Strong nuclear immunostaining with anti-TTF-1 antibody (IHC×200 insert).

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Caractéristiques cliniques

Les signes cliniques les plus fréquents sontune dyspnée et une douleur thoracique,éventuellement associées à un amaigrisse-ment. La dyspnée est liée à un épanchementpleural typiquement unilatéral, récidivant,exsudatif et hémorragique. Un pneumothoraxest rarement révélateur. Les signes radio-logiques sont un épaississement pleural, unépanchement ou des masses pleurales. Desplaques pleurales sont mises en évidencedans l’hémithorax controlatéral dans 1/3 descas parfois associées à une fibrose inter-stitielle des lobes inférieurs et moyen. Plusrarement un carcinome pulmonaire primitifest détecté concomitamment.

Macroscopie

À un stade précoce, l’épanchement pleuralest associé à de minimes granulations de lataille d’une tête d’épingle ou à des nodulesisolés ou disséminés sur la surface de la plèvrepariétale et/ou viscérale. Ces nodules devien-nent peu à peu coalescents jusqu’à engainerle poumon. Le mésothéliome a généralementun aspect discrètement mamelonné en surfacede la plèvre. À la coupe, il est de consistancecharnue, de teinte blanche et peut avoir uneconsistance visqueuse s’il produit de grandesquantités d’acide hyaluronique.Il n’envahit pas initialement le poumon, latumeur se développant le long des septainter lobaires et lobulaires. À terme, il peutenvahir les structures médiastinales. Lemésothéliome métastase dans plus de 50 %des cas, par voie lymphatique vers les gan-glions du hile et du médiastin, au niveau dela plèvre viscérale et du poumon controlaté-ral, vers le péritoine directement au traversdu diaphragme et à distance (cerveau, os,foie, surrénales).Une forme rare de cancer primitif du poumona un mode d’extension analogue au méso-théliome, l’adénocarcinome pseudoméso-théliomateux, également de pronostic trèsdéfavorable (figure 6). D’autres types tumo-raux tels que les hémangioendothéliomesépithélioïdes, les thymomes, les mélanomeset les lymphomes peuvent mimer macrosco-piquement le mésothéliome.

Moyens diagnostiques

L’épanchement pleural étant au premier plandu tableau clinique, la cytologie est souventle premier examen réalisé dans la démarche

diagnostique. L’épanchement pleural est detype exsudatif et de consistance visqueuses’il y a production de grandes quantitésd’acide hyaluronique. Le diagnostic de cer-titude est exceptionnellement apporté parl’examen cytologique seul. En effet, lorsqueles cellules malignes mésothéliales sont trèsbien différenciées, il est très difficile de lesdistinguer de cellules mésothéliales réaction-nelles. D’autre part, les cellules du mésothé-liome malin peuvent revêtir un aspect pseudocarcinomateux. Néanmoins dans la moitiédes cas, le liquide pleural contient de nom-breux amas tumoraux massifs ou tubulo-papillaires. L’étude immunohistochimiqueréalisée à partir du culot inclus en paraffinepermet alors un diagnostic plus précis sousréserve d’un contexte clinique et radiologiqueapproprié. La recommandation de la confé-rence d’experts sur le Mésothéliome (SPLF,janvier 2006) est de ne pas certifier un dia-gnostic de mésothéliome, sur une cytologieseule, en raison d’un risque trop importantd’erreur diagnostique.De la même façon, le diagnostic de certitudene peut être posé sur biopsie à l’aiguille fine(aiguilles d’Abrams ou de Castelain) que sile matériel est représentatif de la tumeur eten quantité suffisante pour permettre uneanalyse immunohistochimique complète.Le diagnostic de mésothéliome et le diagnos-tic différentiel avec d’autres cancers ou deslésions réactionnelles nécessitent un matérieltissulaire suffisant obtenu par thoracoscopieou biopsie chirurgicale. En présence de pla-ques fibrohyalines, des biopsies en bordurede la plaque sont indispensables. La seuleindication de l’examen extemporané est dejuger, si nécessaire, de la représentativité duprélèvement pour le diagnostic.

Aspects histopathologiques

La nouvelle classification de l’OMS 2004 [1]identifie deux groupes de mésothéliomemalin conventionnel : une forme diffuse etune forme localisée [2], d’une part, et lestumeurs d’origine mésothéliale, d’autrepart. Les mésothéliomes pleuraux malins dif-fus ou localisés, ces derniers étant beaucoupplus rares, sont subdivisés en quatre types his-tologiques : la forme d’aspect épithélial diteépithélioïde, la forme d’aspect sarcomateuxdite sarcomatoïde, la forme desmoplastiquetrès fibreuse, pauvre en cellules fusiformes etla forme biphasique comportant à la fois desaspects épithélioïdes et des aspects sarcoma-toïdes. Pour porter le diagnostic de méso-théliome malin biphasique, il est nécessaire

Observation n° 1

que chaque composante représente au mini-mum 10 % de la tumeur.Le mésothéliome de type épithélioïde estconstitué de cellules de morphologie épithé-lioïde, à cytoplasme éosinophile, agencées entubes, en acini, en papilles ou en cordons. Lesmitoses sont habituellement peu nombreu-ses. La variabilité morphologique est granded’une tumeur à l’autre et au sein d’une mêmetumeur, représentée par les formes tubulopa-pillaires et les formes acineuses morphologi-quement très proches des adénocarcinomesétendus à la plèvre. Les variantes inhabituellesne sont pas intégrées dans la nouvelle classifi-cation de l’OMS, en l’absence de consensus etde preuve de leur pertinence clinique. Dans laforme histiocytoïde, les cellules tumorales res-semblent à des macrophages et dans la formedéciduoïde à des cellules endométriales déci-duales. Certains mésothéliomes comportentdes remaniements kystiques ou des flaquesalcianophiles d’acide hyaluronique dans les-quelles baignent les cellules tumorales ;d’autres contiennent des vacuoles cytoplasmi-ques conférant à la cellule une morphologieen chaton de bague ou sont au contraire peudifférenciés, parfois à cellules géantes. Le dia-gnostic positif de mésothéliome épithélioïdenécessite une analyse immunohistochimiquesystématique qui a considérablement amé-lioré la qualité de ce diagnostic. Elle est abor-dée dans le chapitre « diagnostic différentiel ».La microscopie électronique est un examenonéreux, exceptionnellement réalisé pourvalider le diagnostic de mésothéliome. Elleconserve toute sa valeur dans les tumeursd’aspect épithélial quand l’analyse immuno-histochimique n’est pas contributive et danscertaines tumeurs d’aspect sarcomatoïde. Laprésence de microvillosités longues et finesest un argument fort en faveur du diagnosticde mésothéliome.Il n’y a pas d’indication à congeler du tissupleural tumoral à des fins sanitaires (diagnos-tique et thérapeutique). En revanche, il estrecommandé de congeler du matériel tissu-laire au titre de la recherche pour l’amélio-ration de la connaissance (marqueurs deprogression tumorale, marqueurs de résis-tance à la chimiothérapie, mise en place dethérapies ciblées).

Diagnostic différentiel

L’étude immunohistochimique est indispen-sable pour différencier un mésothéliomed’une métastase d’un adénocarcinome qu’ilsoit d’origine pulmonaire, mammaire, rénale,pancréatique, ovarienne ou vésicale [3]. LePanel International des Mésothéliomes a

mis en place des recommandations reprisespar la conférence d’experts SPLF 2006 [4]. Cel-les ci sont d’utiliser deux marqueurs de valeurdiagnostique positive pour le diagnostic demésothéliome, tels que l’anti-calrétinine(signal nucléaire et cytoplasmique mais seul lesignal nucléaire a une valeur diagnostique),anti-WT1 (signal nucléaire), anti-EMA (signalmembranaire) (figure 5), anti CK5/6 (signalcytoplasmique) et deux marqueurs de valeurdiagnostique négative dits marqueurs de car-cinomes : Ber-EP4 (signal membranaire), anti-TTF1 (signal nucléaire), anti-RO/RP (signalnucléaire), anti-ACE monoclonal (marquagecytoplasmique), B72-3 (marquage cytoplasmi-que), anti-EMA (marquage cytoplasmique).Parmi tous les anticorps identifiant des antigè-nes exprimés par la cellule mésothéliale, l’anti-calrétinine est le plus spécifique montrant unmarquage nucléaire et cytoplasmique de lagrande majorité des cellules tumorales(70 %), bien que de façon hétérogène.Comme pour tous les antigènes nucléaires,un démasquage antigénique prolongé estnécessaire (tel que 15 min. en autocuiseur)pour éviter des faux négatifs. Un signal moinsintense et plus focal peut être observé avec cetanticorps dans de nombreux cancers, justi-fiant dans les cas douteux d’augmenter lenombre d’anticorps utilisés par rapport à labatterie minimale préconisée. Ainsi, chez unefemme, en cas de doute diagnostique, a for-tiori s’il existe des antécédents de carcinomemammaire, un immunomarquage par l’anti-corps anti-récepteur aux oestrogènes est sys-tématiquement réalisé, les carcinomesmammaires pouvant exprimer la calrétinine.De même, 30 % des adénocarcinomes pulmo-naires primitifs expriment la calrétinine, maisaussi et pour 80 % d’entre eux l’antigène TTF-1 de très grande spécificité. Les carcinomesurothéliaux de haut grade, bien que métasta-sant rarement à la plèvre, ont le même profilimmunohistochimique que les mésothélio-mes épithélioïdes (expression forte de lacalrétinine et des cytokératines 5/6) [5-7].En dehors de l’adénocarcinome, le méso-théliome de type épithélioïde peut êtremorphologiquement proche de la métastasepleurale d’un mélanome malin, d’un thy-mome ou de la localisation pleurale d’unhémangioendothéliome épithélioïde nécessi-tant le recours à des immunomarquagescomplémentaires adaptés. Les variantes mor-phologiques inhabituelles peuvent êtresource de difficultés diagnostiques particuliè-res, ainsi la variante lymphohistiocytoïde peutmimer un lymphome non hodgkinien, lavariante à cellules claires la métastase d’uncarcinome à cellules rénales, la forme micro-kystique une exceptionnelle localisation pleu-

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rale de tumeur adénomatoïde ou encore laforme à cellules géantes un carcinome pléïo-morphe.La connaissance par le pathologiste de laprésentation clinique, des antécédents dupatient (notamment de carcinome), d’uncontexte d’exposition à l’amiante et desdonnées de l’imagerie, est indispensable, toutparticulièrement dans ces variantes de dia-gnostic délicat.Le mésothéliome papillaire superficiel biendifférencié est une forme rare, à distinguer dumésothéliome conventionnel de type épithé-lioïde d’architecture papillaire. À l’examenendoscopique, elle se présente comme unsemis de fines granulations millimétriques (1 à2 mm). Histologiquement, il s’agit d’une proli-fération mésothéliale superficielle d’architec-ture papillaire, comportant très peu d’atypiescytonucléaires, caractérisée par sa propen-sion à diffuser à la surface de la plèvre sansinfiltrer le tissu pleural sous jacent. Cettelésion est associée à une longue survie et cor-respond à une maladie indolente de la plèvre.Cette lésion doit être interprétée comme uneprolifération de malignité intermédiaire.Cependant, à terme, on assiste à la survenued’une infiltration des structures sous jacentes,alors associée à une évolution clinique plusagressive [8].

Anomalies génétiques

Le délai particulièrement long de dévelop-pement du mésothéliome suggère que demultiples altérations génétiques sont néces-saires à la transformation d’une cellulemésothéliale normale en une cellule maligne.Des études expérimentales montrent queles fibres d’amiante ont une action directesur la ségrégation de la chromatine au coursde la mitose aboutissant à une aneuploïdie.La plupart des mésothéliomes ont plus dedix anomalies chromosomiques clonales, enparticulier des délétions intéressant les brascourts des chromosomes 1, 3, 9 et du braslong du chromosome 6. L’anomalie la plusfréquente est une perte d’une copie entièredu chromosome 22. Actuellement, l’implica-tion des gènes suppresseurs de tumeursP16INK4A, P53 et NF2 a été montrée [9].

Évolution et pronostic

Quelque soit le type histopathologique, laplupart des patients décèdent dans l’année

qui suit le diagnostic. Les facteurs de meilleurpronostic sont le type histologique épithé-lioïde, le jeune âge, un stade localisé au dia-gnostic, l’absence de douleur thoracique etle sexe féminin avant 50 ans.Aucun traitement curatif n’existe actuellement.Lorsque la maladie est localisée à la cavité pleu-rale, la pleuropneumonectomie reste le seultraitement de référence.La France a mis en place dans le cadre de sonprogramme national de surveillance desmésothéliomes (PNSM 1998-2007) sous l’égidede l’Institut National de Veille Sanitaire uneprocédure de validation du diagnostic par leGroupe Mesopath [10]. Le groupe Mesopath aglobalement confirmé le diagnostic de méso-théliome fait par le pathologiste initial dans69 % des cas et définitivement rejeté ce dia-gnostic dans 13 % des cas. Le diagnostic estresté incertain (aucun élément fiable permet-tant d’affirmer définitivement le diagnostic oude le réfuter) dans environ 17 % des cas. Il estrecommandé de demander une relecture parle groupe Mesopath pour les patients inclusdans des essais thérapeutiques randomisés ouen cas de doute diagnostique, compte tenu dela déclaration en maladie professionnelle etde l’indemnisation qui en découlent. ■

Points importants à retenir

• Le mode d’infiltration qui s’effectue sous forme d’un épaississement pleural diffus et mamelonné caracté-ristique mais non spécifique (observé également dans d’autres cancers : adénocarcinome pseudo-mésothéliomateux, sarcomes…).

• Il est recommandé de ne pas certifier un diagnostic de mésothéliome, sur une cytologie seule, en raison d’un risque trop important d’erreur diagnostique.

• La nécessité d’un matériel tissulaire biopsique suffisant obtenu par thoracoscopie ou biopsie chirurgicale (chaque fragment doit être soigneusement inclus sur la tranche pour apprécier au mieux l’invasion).

• La grande variabilité morphologique du mésothéliome épithélioïde.

• La nécessité incontournable d’une étude immuno-histochimique pour différencier un mésothéliome d’une localisation pleurale d’adénocarcinome en utilisant au minimum deux marqueurs de valeur dia-gnostique positive pour le diagnostic de mésothéliome et deux marqueurs de valeur diagnostique négative dits marqueurs de carcinomes.

• Avoir connaissance du mésothéliome papillaire superficiel bien différencié à distinguer du méso-théliome conventionnel de type épithélioïde d’archi-tecture papillaire, car de bon pronostic.

• La connaissance indispensable par le pathologiste de la présentation clinique et radiologique et des anté-cédents oncologiques éventuels du patient au moment du diagnostic anatomopathologique.

Observation n° 1

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