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1 Laurent Gosselin Université de Rouen CNRS,UMR 6065, DYALANG ad. pers. : 8, rue Bon Pierre 14750, Saint-Aubin sur mer [email protected] Observations linguistiques sur l’irréversibilité du temps 0. Présentation Le langage permet à l’homme de (se) représenter les situations passées et futures d’une façon tout à fait spécifique, qui paraît distinguer radicalement la cognition humaine de la cognition animale, dans la mesure où elle lui permet d’échapper, au moins par le discours et la pensée, à l’emprise de l’irréversibilité du temps. Si l’on prend le concept de représentation au sens de la philosophie de l’esprit actuelle, comme le corrélat de l’intentionnalité (le fait que les états mentaux soient « dirigés sur », « renvoient à » des objets, des situations … 1 ), on peut dire que certains animaux, comme les humains, ont des représentations, dans la mesure où ils ont des souvenirs, des désirs, etc., c’est –à dire que leur esprit n’est pas prisonnier du présent et de l’immédiatement perceptible, mais peut se « diriger sur » des situations et des objets absents, passés ou futurs 2 . Cependant, contrairement à une idée répandue (depuis Searle), le rôle du langage relativement à la représentation ne se limite pas à conférer cette intentionnalité, cette valeur de renvoi, aux mots, qui deviennent « signes de quelque chose ». Il permet de représenter en un sens différent et singulièrement plus complexe, qui s’apparente bien davantage à la conception des relations entre langage et représentation développée par la rhétorique classique (qui prend appui sur l’étymologie du mot représentation : de repraesentare, rendre présent) : un « art de rendre présentes les choses absentes » 3 . Plus précisément, il apparaît que le langage ouvre la possibilité pour le sujet-locuteur de conférer à un moment quelconque, passé ou futur, certaines des propriétés essentielles du présent (du maintenant de l’énonciation). C’est ce point que nous voulons expliquer. 1 Cf. J. R. Searle (1983/1985). 2 Cf. J. Proust (1997). 3 Cf. M. Fumaroli, (1980/1994, 678).

Observations linguistiques sur l’irréversibilité du tempslidifra.free.fr/files/irreversibilite.pdf · (2) « Le procès au subjonctif reste de l’ordre de la virtualité, du

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1

Laurent Gosselin

Université de Rouen

CNRS,UMR 6065, DYALANG

ad. pers. : 8, rue Bon Pierre

14750, Saint-Aubin sur mer [email protected]

Observations linguistiques sur l’irréversibilité du temps

0. Présentation

Le langage permet à l’homme de (se) représenter les situations passées et futures d’une

façon tout à fait spécifique, qui paraît distinguer radicalement la cognition humaine de la

cognition animale, dans la mesure où elle lui permet d’échapper, au moins par le discours et la

pensée, à l’emprise de l’irréversibilité du temps.

Si l’on prend le concept de représentation au sens de la philosophie de l’esprit actuelle,

comme le corrélat de l’intentionnalité (le fait que les états mentaux soient « dirigés sur »,

« renvoient à » des objets, des situations …1), on peut dire que certains animaux, comme les

humains, ont des représentations, dans la mesure où ils ont des souvenirs, des désirs, etc.,

c’est –à dire que leur esprit n’est pas prisonnier du présent et de l’immédiatement perceptible,

mais peut se « diriger sur » des situations et des objets absents, passés ou futurs2. Cependant,

contrairement à une idée répandue (depuis Searle), le rôle du langage relativement à la

représentation ne se limite pas à conférer cette intentionnalité, cette valeur de renvoi, aux

mots, qui deviennent « signes de quelque chose ». Il permet de représenter en un sens

différent et singulièrement plus complexe, qui s’apparente bien davantage à la conception des

relations entre langage et représentation développée par la rhétorique classique (qui prend

appui sur l’étymologie du mot représentation : de repraesentare, rendre présent) : un « art de

rendre présentes les choses absentes »3. Plus précisément, il apparaît que le langage ouvre la

possibilité pour le sujet-locuteur de conférer à un moment quelconque, passé ou futur,

certaines des propriétés essentielles du présent (du maintenant de l’énonciation). C’est ce

point que nous voulons expliquer.

1 Cf. J. R. Searle (1983/1985).

2 Cf. J. Proust (1997).

3 Cf. M. Fumaroli, (1980/1994, 678).

2

Il apparaîtra que

a) contrairement à la conception grammaticale traditionnelle, temporalité et modalité ne sont

pas à penser comme des catégories en relation de disjonction exclusive, mais comme

intrinsèquement articulées (l’irréversibilité du temps étant de nature fondamentalement

modale),

b) le modèle le plus élaboré actuellement pour penser cette articulation entre temporalité et

modalité, celui de R.Langacker (1992), n’est pas acceptable tel quel,

c) il est donc nécessaire de proposer un autre modèle dont nous allons présenter les principes

et quelques unes des conséquences4.

1. Critique de la conception traditionnelle des relations entre temporalité et modalité

Il est une conception traditionnelle des relations entre temporalité (temps et aspect) et

modalité que l’on retrouve, sous une forme ordinairement implicite, aussi bien dans les

grammaires françaises (même les plus récentes et les mieux informées) que dans nombre de

travaux de linguistique actuels, et – vraisemblablement – à venir. Elle se fonde sur une

dichotomie exclusive : ce qui est temporel ne saurait être modal, et réciproquement. C’est, par

exemple, cette dichotomie qui est au principe de l’analyse des temps et des modes : les modes

autres que l’indicatif présentent des valeurs exclusivement modales, non temporelles. Quant

aux temps de l’indicatif, ils prennent, en contexte, soit des valeurs temporelles (non modales),

soit des valeurs modales (non temporelles) :

fig.1 modes

indicatif autres modes

val. temporelles val. modales

TEMPORALITE MODALITE MODALITE

Cette classification repose sur ce qui n’est, à nos yeux, qu’une confusion : l’assimilation

de temporel à réel, certain, ou encore asserté et celle de modal à irréel, incertain, douteux,

non-asserté. D’où la dichotomie : ce qui est réel, certain … ne saurait être irréel, incertain …

4 Un ensemble de conséquences beaucoup plus vaste est exposé dans Gosselin (sous presse).

3

Prenons quelques exemples :

L’imparfait dans les hypothétiques prend des valeurs classiquement répertoriées comme

potentiel ou irréel5. Partant, ces valeurs sont considérées comme modales et non temporelles :

(1) « L’imparfait de l’indicatif dénote un procès situé hors de l’actualité présente du locuteur. Il prend une

valeur temporelle quand le procès est décalé dans le passé et une valeur modale quand le procès est

envisagé comme possible hors de l’univers réel. » (M. Riegel et al., 1994, 305).

Le subjonctif (mode « intemporel » selon Guillaume) ne situe pas le procès dans le temps

parce qu’il exprime une modalité (le possible, le douteux, le non asserté …), et

réciproquement :

(2) « Le procès au subjonctif reste de l’ordre de la virtualité, du possible (…) tandis que le procès à

l’indicatif est de l’ordre de la réalité, puisqu’il est inscrit dans une époque. » (D. Leeman-Bouix, 1994,

85).

L’avenir étant généralement tenu pour incertain (pour des raisons extralinguistiques), le futur

est considéré comme modal et non temporel : plus précisément, le morphème [r] que l’on

retrouve à la fois dans la morphologie du futur et dans celle du conditionnel (qui exprime

l’irréel ou le possible, l ’envisagé …) indique la modalité et exclut toute dimension temporelle

de l’énoncé :

(3) « Si l’on compare maintenant les interprétations sémantiques de /∫ãtie/ et /∫ãtərie/, on constate que la

fonction de la forme conjuguée n’est plus de placer l’énoncé phrastique sur un axe temporel, mais de le

faire fonctionner dans un mode du « possible », que par convention j’appellerai « irrealis » (…). » (L.

Picabia, 1999, 52)6.

Or cette assimilation temporel à réel, certain … et de modal à irréel, incertain … qui

fonde la dichotomie exclusive entre temporalité et modalité nous paraît injustifiable tant au

plan conceptuel que du point de vue empirique. Car ce qui est simplement possible ou

incertain, voire impossible, est tout autant situable dans le temps (comme passé, présent ou

futur) que ce qui est réel. C’est même pour traiter des phénomènes temporels qu’Aristote a

introduit la notion de possible (dynaton) . Et depuis, la question de l’articulation entre

temporalité et modalité est au cœur de la réflexion philosophique sur la logique modale7. Au

plan linguistique, un procès présenté comme possible ou irréel (au moyen d’un temps

morphologique dont la valeur en contexte est classiquement considérée comme modale) est

situé – plus ou moins précisément – dans le temps : il occupe une position définie

relativement au moment de l’énonciation ou à un autre moment de référence. Soit quelques

exemples que nous opposons aux analyses citées plus haut :

5 Sur la sémantique de ces tours, cf. R. Martin (1991), L. Gosselin (1999a).

6 Cf. aussi, dans la même perspective, J.-Y. Pollock (1997, 143).

7 Pour un panorama, cf. J. Vuillemin (1984).

4

[Si + imparfait] (4a) Si j’étais riche, je n’aurais pas besoin de travailler (irréel du présent)

(4b) Si je gagnais au loto, j’arrêterais de travailler (potentiel du futur)8

Subjonctif (5a) Je souhaite qu’il vienne (futur)

(5b) Je regrette qu’il soit malade (présent)

(5c) qu’il rentre le plus vite possible ! (futur)

futur (6) Il viendra la semaine prochaine.

Il est vrai que cette dichotomie exclusive commence à être explicitée et mise en doute par

certains auteurs :

(7) « Le sous-entendu est que ce qui n’est pas temporel est modal. » (L. Lalaire, 1998, 363)

(8) « Mais est-ce bien raisonnable de considérer qu’un sens temporel exclut un sens modal ou

inversement ? » (C. Vetters et E. Skibinska, 1998, 225).

Elle est explicitement abandonnée dans l’étude du système verbal du Wolof de S. Robert

(1991), ainsi que dans la Grammaire critique du français de M. Wilmet :

(9) « Chaque tiroir s’attache une formule qui combine une variable modale avec une variable temporelle et

une variable aspectuelle. » (1997, 329).

Mais elle est encore suffisamment répandue pour qu’il nous semble utile de la dénoncer

(d’autant plus qu’elle reste – rappelons-le – généralement implicite).

Avant d’évoquer des analyses alternatives, risquons quelques hypothèses sur l’origine

de cette dichotomie. Comme on vient de le voir, elle ne saurait provenir de l’observation

linguistique (qui la dément systématiquement), mais d’un point de vue théorique a priori. Elle

nous paraît découler d’une conception atomiste des relations entre sémantique et

morphologie, développée tout particulièrement par le paradigme structuraliste9. Selon cette

perspective, temps, aspect et modalité sont analysés comme des signifiés, nécessairement

associés à des signifiants (des morphèmes) particuliers (selon le modèle du signe saussurien).

Il suit qu’en l’absence dans l’énoncé de signifiant (de morphème) spécifiquement dévolu à

l’expression de telle ou telle dimension sémantique, on admet que cette dernière est absente

de la signification de l’énoncé. En d’autres termes, on ne reconnaît la présence d’une valeur

sémantique dans un énoncé que dans la mesure où l’on est capable d’identifier un marqueur

spécialement consacré à son expression. On est ainsi conduit – pourvu que l’on applique ce

principe de façon systématique (comme Ch. Touratier, 1996) à ne reconnaître ni temps, ni

aspect, ni modalité dans un énoncé comme

8 Voir le calcul de ces valeurs temporelles (Gosselin, 1996a, 217-222) et modales (Gosselin 1999a).

5

(10) Pierre mange

C’est ce même raisonnement qui a si longtemps retardé la prise en compte de l’aspect en

français (langue qui, par opposition aux langues slaves, ne possède pas de marqueurs

exclusivement aspectuels) et qui conduit aujourd’hui encore à considérer qu’il est des langues

dépourvues de temps (uniquement aspectuelles).

Cette conception atomiste (et assurément simpliste) des relations entre morphologie et

sémantique provient elle-même – croyons-nous – de la volonté, certes légitime, de traiter la

sémantique de façon proprement linguistique (i.e. sans projeter des catégories ontologiques ou

psychologiques, voire idéologiques, sur la sémantique des langues). La solution retenue par le

structuralisme consiste à prendre appui directement sur la morphologie : c’est la présence

d’un morphème particulier qui garantirait celle de la valeur sémantique qu’il code, pour

l’analyse sémantique, proprement linguistique, de l’énoncé.

Or on sait que cette conception atomiste des relations entre morphologie et sémantique

échoue à traiter adéquatement de la polysémie, qui constitue un phénomène incontournable (et

irréductible à de la simple homonymie), en particulier lorsqu’il s’agit du temps, de l’aspect et

de la modalité en français. Si l’on reconnaît, à la suite, entre autres, des travaux de B. Victorri

et de C. Fuchs10

, que ces dimensions sémantiques résultent non de morphèmes monosémiques

analysables isolément, mais d’interactions complexes de marqueurs polysémiques (dont nous

avons essayé de rendre compte de manière calculatoire au moyen d’un modèle

compositionnel holiste dans Gosselin,1996a), on est conduit à rejeter, avec la conception

atomiste des relations morphologie/sémantique, la dichotomie exclusive entre temporalité et

modalité qui en procède.

Pour nous, tout énoncé comporte à titre de dimensions sémantiques essentielles, du temps,

de l’aspect et de la modalité, car tout procès linguistiquement exprimé dans un énoncé est

localisé (de façon plus ou moins précise) dans le temps, et présenté sous un certain aspect,

selon un certain mode de validation. Ainsi, même l’énoncé le plus simple, comme (10) est-il

porteur de valeurs temporelle, aspectuelle et modale. Par défaut (hors contexte), il s’agit ici du

présent (i.e. de la coïncidence du moment de référence avec le moment de l’énonciation), de

9 Cf. Gosselin (1996b). Cette perspective atomiste est reprise par la plupart des grammaires formelles, mais elle

est critiquée par les écoles guillaumienne et culiolienne, ainsi que par la grammaire cognitive.

6

l’aspect inaccompli (i.e. de l’inclusion du moment de référence dans l’intervalle du procès), et

d’une valeur modale aléthique (de la vérité objective11

) que nous allons préciser dans les

pages qui suivent. La valeur de présent procède par défaut (en l’absence d’instructions

contraires) du temps morphologique et du type de procès (non ponctuel12

) ; l’aspect

inaccompli découle, en vertu d’une loi très générale13

, de la valeur temporelle de présent ; et

la valeur modale provient conjointement du type de prédicat mis en œuvre (qui n’implique

aucune évaluation subjective) et, comme on va l’expliquer ci-dessous, des valeurs aspectuo-

temporelles déjà calculées. On est donc passé d’un modèle atomiste de type :

fig.2

Signifiés : temps aspect modalité

Signifiants : morphème morphème morphème

temporel aspectuel modal

à un modèle holiste, dans lequel les valeurs sémantiques proviennent à la fois de l’interaction

généralement complexe de marqueurs polysémiques et des valeurs déjà calculées, comme

dans l’exemple ci-dessous :

fig.3

Dimensions sémantiques : temps aspect modalité

Marqueurs : m1 m2 m3 m4 m5 m6 …

Reste, dès lors que l’on abandonne cette dichotomie exclusive, à penser l’articulation

théorique entre ces dimensions sémantiques essentielles, pour en proposer un nouveau

modèle.

10

Cf. Fuchs, Gosselin et Victorri (1991), Victorri et Fuchs (1996). 11

Insistons sur le fait qu’il s’agit là d’une catégorie proprement sémantique (il s’agit de la modalité présentée

par l’énoncé) qui n’implique nul objectivisme au plan philosophique. 12

Un procès ponctuel est incompatible avec l’aspect inaccompli, nécessairement associé à la valeur temporelle

de présent, ce qui conduit à un glissement vers l’état résultant (ex. : Il arrive de Paris) ou vers la phase

préparatoire (ex. : j’arrive tout de suite). Cf. … 13

Cf. Gosselin (1996a).

7

2. Les modèles épistémiques (Langacker, 1992)

Il est remarquable que la dichotomie exclusive ait survécu, dans certaines théories, à

l’abandon de la conception atomiste de la signification, dont pourtant – si notre hypothèse est

juste – elle provient. Ainsi, J.-J. Franckel , dans une perspective culiolienne, admet-il que les

deux dimensions, temporelle et modale, puisse être co-présentes dans l’énoncé, mais il

maintient, au plan conceptuel, la disjonction exclusive :

( 11) « Le principe d’une dissociation radicale entre deux modes possibles de construction des procès, relatifs

à deux types de repères distincts, permettra de mieux comprendre la complexité de leur éventuelle

articulation :

- L’une par laquelle le procès, actuel ou révolu, s’inscrit dans le temps où il relève du factuel. Il se

construit relativement à un repère de nature temporelle.

- L’autre, de nature modale, s’établit relativement à un repère subjectif. Le procès relève de la pure

représentation d’un sujet, indépendamment de tout caractère factuel et de tout ancrage dans le temps : il

peut correspondre à de l’envisagé, du prévu (souhaité ou redouté), de la visée (il fonde une téléonomie )

et de façon plus générale, à du validable. » (J.-J. Franckel, 1989, 7).

R. Langacker, en revanche, tire les conclusions de l’abandon (explicite) de la conception

atomiste de la signification. Puisque temporalité et modalité sont présentes même dans une

phrase qui ne contient aucune marque morphologique spécifique (ex. : « They like her »), il

devient nécessaire de proposer un modèle qui articule précisément ces dimensions

sémantiques.

Ce modèle prend la forme de trois MCI (modèles cognitifs idéalisés) correspondant à trois

aspects complémentaires d’une même représentation linguistico-cognitive de l’évolution des

connaissances du sujet-locuteur (le concepteur). Le « modèle épistémique de base »

s’organise autour d’un cylindre (représentant la réalité connue) qui progresse dans le domaine

de l’irréalité en s’accroissant de façon continue (selon l’axe figuré par la flèche) au contact de

la réalité immédiate (i.e. de la réalité perçue) :

8

fig.4 Basic Epistemic Model

Ce modèle est proprement épistémique au sens où il ne concerne en aucune façon la réalité

objective, mais uniquement la connaissance, réelle ou supposée, du sujet (le concepteur : C) :

ce qu’il sait ou croit savoir, ce qu’il accepte à titre de réalité.

Avec le « modèle épistémique élaboré », Langacker introduit une distinction

supplémentaire, qui scinde l’irréalité en deux régions distinctes :

a) la réalité inconnue (i.e. la réalité ignorée par le sujet, ainsi que la portion de réalité dont il a

connaissance, mais qu’il refuse d’admettre avec certitude),

b) la non-réalité(ce qui n’a pas eu lieu) :

fig.5 Elaborated Epistemic Model

Observons qu’en incorporant cette distinction, le modèle cesse d’être purement épistémique,

car la différence entre réalité ignorée et non-réalité relève d’un jugement aléthique (ou

Non-Reality

(Known) Reality

Irreality

(Known) Reality Immediate

Reality

C

Immediate

Reality

C

Unknown Reality

9

ontique), qui porte sur la réalité objective : la réalité ignorée est cette part de la réalité

objective qui n’est pas connue du sujet. Mais le sujet lui-même, s’il est certes en mesure

d’opérer la distinction conceptuelle entre ce qu’il ignore et ce qui n’a effectivement

(objectivement) pas eu lieu, ne saurait envisager un événement particulier comme ayant eu

lieu, et simultanément comme ne sachant pas qu’il a eu lieu (ex. : ? ? Je ne sais pas que

Pierre est parti) ; il ne peut donc situer linguistiquement un événement dans la zone de la

réalité ignorée.

Enfin, le modèle épistémique de base peut recevoir une interprétation temporelle. L’axe

selon lequel la connaissance évolue est conçu comme l’axe du temps, orienté du passé vers

l’avenir. L’énonciation (l’acte d’énoncer) y occupe une certaine durée (marquée par la ligne

brisée) qui correspond au « présent », ainsi doté d’une certaine « épaisseur ».

fig.6 Time-Line Model

A partir de ces trois représentations, Langacker propose un modèle « simple et élégant »

des marqueurs linguistiques, temporels et modaux de l’anglais :

a) l’absence de marques (modales ou temporelles) indique que l’on a affaire à la réalité

immédiate ;

b) la présence de marques signale une « sorte de séparation » : on quitte la réalité immédiate

pour l’une des trois autres régions : la réalité non-immédiate, l’irréalité immédiate ou

l’irréalité non-immédiate ;

c) un marqueur « modal » renvoie à l’irréalité, immédiate ou non ;

d) un marqueur « distal » indique simplement que l’on quitte le présent (l’immédiateté).

Les conséquences de ces principes se laissent résumer au moyen d’un tableau :

t

Past Present Future

10

fig.7

Plan sémantique

Régions du modèle épistémique de base

Réalité

immédiate

Irréalité

immédiate

Réalité non-

immédiate

Irréalité non-

immédiate

absence de

marqueur

+

marqueur modal

+

marqueur distal

+

Plan

morpho-

logique

m. modal + m.

distal

+

L’absence de marqueur correspond au présent (réalité immédiate) . Un marqueur modal au

présent (ex. : may épistémique) renvoie à l’irréalité immédiate. Un marqueur distal exprimant

la réalité non immédiate ne peut correspondre qu’aux marques du passé (puisque l’avenir

relève de l’irréalité). Enfin, la combinaison d’un marqueur distal avec un marqueur modal

(ex. : might, may au passé) renvoie à l’irréalité non immédiate.

S’il constitue une avancée incontestable par rapport à la dichotomie exclusive

traditionnelle, ce modèle global soulève cependant des difficultés considérables. Nous ne le

critiquerons pas du point de vue de son applicabilité linguistique dans la mesure où il reste à

l’état d’esquisse. En revanche, ce modèle, qui s’inscrit dans le cadre d’une grammaire

cognitive, n’atteint nullement la plausibilité cognitive à laquelle il prétend. Est-il nécessaire

de souligner qu’en réalité :

a) les connaissances du sujet ne s’accroissent pas de façon régulière et continue, qu’elles

n’évoluent même pas nécessairement dans le sens d’un accroissement ;

b) que ces connaissances ne s’enrichissent pas uniquement au contact de la réalité immédiate

(perceptuellement accessible), mais qu’elles proviennent aussi de raisonnements portant sur le

futur, le passé et le présent non perceptible ;

c) que le sujet a des certitudes vis-à-vis de l’avenir – il croit savoir que certains événements ne

manqueront pas d’advenir (par ex. le fait que le soleil se couche) – et donc qu’un modèle

strictement épistémique devrait intégrer un part d’avenir à la réalité connue (correspondant –

rappelons-le – « à ce que le sujet croit savoir ») ;

11

d) enfin, qu’un traitement identique du contrefactuel (irréel du présent et du passé) et du

possible (futur), c’est-à-dire le regroupement indifférencié de « ce qui n’a pas eu lieu » avec

« ce qui n’as pas encore eu lieu » au sein du vaste domaine de l’irréalité (ou de la non-réalité)

ne permet pas de prendre en compte une dimension essentielle du discours : le fait qu’il puisse

avoir un effet sur le monde, par le biais – entre autres – des actes directifs, qui ne peuvent

porter que sur l’avenir en tant qu’il relève du possible (et non du contrefactuel irrévocable) ?

La critique c vaut de façon générale pour les modèles épistémiques comme celui d’A.

Culioli (1978), précisé par J.-P. Desclés (1994, 61) :

fig.8

début - - processus énonciatif - - > T 0

Référentiel énonciatif

< - - - - - - - - PASSE-REALISE - - - - - - > t e FUTUR

< - - - - - - - - - - - CERTAIN - - - - - - - - > < - NON-CERTAIN - >

Référentiel externe

Le recours à un modèle épistémique (portant sur la certitude et l’incertitude, plutôt que sur

la réalité et l’irréalité) est motivé par le désir d’éviter de projeter ce qu’on croit savoir du

monde dans le champ de la sémantique linguistique. Ainsi, au lieu d’admettre que les futurs

sont objectivement indéterminés (ce qui peut apparaître comme une position métaphysique),

on convient qu’ils sont simplement incertains, par où l’on rejoint la conception leibnizienne,

justifiée, elle, par la volonté de préserver le nécessitarisme ontologique, conçu comme le

corrélat nécessaire au dogme de l’omniscience de Dieu14

(si Dieu connaît l’avenir, c’est que

cet avenir est prédéterminé de toute éternité ; si nous l’ignorons, c’est un défaut de notre

entendement). Cependant, considérer que le moment de l’énonciation opère une « coupure

modale » entre le certain (le passé et le présent) et le non-certain (le futur) ne nous paraît pas

recevable, car il est indéniable que des événements présents ou passés peuvent être inconnus

ou incertains, alors que nous éprouvons de très nombreuses certitudes à l’égard de l’avenir

14

Cf. J. Vuillemin (1984, 172). Voir aussi Spinoza : "La possibilité et la contingence ne sont rien que des défauts

de notre entendement" (Pensées métaphysiques, éd. 1954, 256).

12

(comme l’indique l’utilisation courante d’énoncés du type « Je sais qu’il va réussir », « Je

savais qu’il viendrait »15

).

3. Propositions : modalités temporelles et aspectuelles

3.1. Le principe d’irréversibilité modale du temps

La première caractéristique du temps vécu est sans doute son caractère irréversible (voir le

« flux héraclitéen des vécus » comme principe de base de la phénoménologie de Husserl16

).

Or, comme le note Kant, dans la Critique de la raison pure, cette irréversibilité n’est pas

spécifiquement liée au caractère subjectif du temps vécu, mais aussi et d’abord au temps

objectif tel qu’il est appréhendé dans l’expérience :

(12) « L'appréhension du divers dans les phénomènes est toujours successive. (...)

Ainsi, par exemple, l'appréhension de ce qu'il y a de divers dans le phénomène d'une maison placée

devant moi est successive. Or, demande-t-on si les diverses parties de cette maison sont aussi successives

en soi, personne assurément ne s'avisera de répondre que oui. (...)

Dans le précédent exemple d'une maison, mes perceptions pouvaient, dans l'appréhension, commencer

par le faîte de la maison et finir par les fondements, ou bien commencer par le bas et finir par le haut, et

de même elles pouvaient appréhender par la droite ou par la gauche les éléments divers de l'intuition

empirique. Dans la série de ces perceptions, il n'y avait donc pas d'ordre déterminé qui me forçât à

commencer ici ou par là pour lier empiriquement les éléments divers de mon appréhension. Mais cette

règle ne saurait manquer dans la perception de ce qui arrive, et elle rend nécessaire l'ordre des perceptions

successives (dans l'appréhension de ce phénomène).

Je dériverai donc, dans le cas qui m'occupe, la succession subjective de l'appréhension de la succession

objective des phénomènes » (Kant, « Deuxième analogie de l'expérience » dans la Critique de la raison

pure, éd. 1976, 225-228).

C’est d’ailleurs pour rendre compte de cette irréversibilité que l’on représente ordinairement

le temps par une droite orientée, du passé vers l’avenir.

Or nous tenons cette irréversibilité constitutive du temps pour une caractéristique

essentiellement modale : le temps est irréversible en ceci qu’il opère continûment la

conversion du possible en irrévocable, l’irrévocable représentant précisément ce qui ne peut

plus être autrement, ce sur quoi il est impossible de revenir. Cette interprétation modale de

l’irréversibilité du temps ou « principe d’irréversibilité modale du temps » est susceptible

de deux points de vue qu’il importe de distinguer avec soin, sous peine d’inextricables

confusions. Le premier, que l’on peut qualifier d’ontologique, est centré sur le procès

(événement ou état, conçu comme une entité découpant sa forme dans le temps). Un procès

15

Cf. G. H. Von Wright (1984, 52-67). 16

Cf., entre autres, J.-M. Salanskis (1998, 15-38).

13

est possible avant d’avoir lieu, et devient irrévocable dès lors qu’il advient (pendant et après

qu’il a (eu) lieu). C’est ce qu’exprime la problématique aristotélicienne de la puissance et de

l’acte (Métaphysique, livre IX), reprise dans un cadre formel par le « principe de nécessité du

factuel » de Von Wright (1984, 76) :

(13) pt → (t’) (t ≤ t’ → Nt’pt)

(La formule se lit : « si p est le cas à un moment t, alors à tout moment t’ postérieur à t, il est nécessaire

que p ait été le cas à ce moment t »).

Le second point de vue, de nature phénoménologique, suppose le choix d’un moment

d’observation. Tout ce qui est postérieur par rapport à ce point d’observation est simplement

possible (car les procès sont alors envisagés avant qu’ils n’adviennent), tandis que ce qui est

simultané ou antérieur est irrévocable (puisque les procès sont considérés pendant ou après

qu’ils ont (eu) lieu). On peut donc dire que le moment d’observation opère une coupure

modale sur la ligne du temps : ce qui précède ce point est irrévocable, ce qui suit est possible.

Reste évidemment à déterminer le choix de ce moment d’observation des procès.

3.2. Les modalités temporelles

Dans une perspective, que l’on dira logico-discursive, Aristote retient le moment de

l’énonciation, le maintenant, comme opérant cette coupure modale : même si certains d’entre

eux peuvent être tenus pour inéluctables, les événements futurs relèvent massivement du

possible, au sens où les propositions qui les expriment ne sont actuellement ni vraies ni

fausses17

, alors que les faits présents et passés sont désormais nécessaires (au sens

d’irrévocables), ce que résument les citations qui suivent :

(14) « Car il y a une seule chose dont Dieu même est privé,

C’est de faire que ce qui a été fait ne l’ai pas été » (le poète Agathon cité dans l’Ethique à Nicomaque VI,

2, 1139b 10).

(15) « Omnia enim uera in praecteritis necessaria sunt (…) quia sunt immutabilia nec in falsum e uero

praeterita possunt conuertere » (en effet tout ce qui est vrai dans le passé est nécessaire, car le passé est

immuable et ne peut de vrai devenir faux). (Cicéron, Traité du destin, VII 14).

On obtient donc une représentation du type :

fig.9

passé maintenant avenir

17

Cf. De l’interprétation, 9. Nous suivons l’interprétation de J. Vuillemin (1984, 161 sq.) : Aristote admet des

exceptions au principe de bivalence pour sauver la possibilité de la délibération, de la liberté et des la

responsabilité morale, que le nécessitarisme exclut. Voir aussi le Traité du destin d’Alexandre d’Aphrodise,

chap. 8-11.

14

(c’est cette même analyse que l’on retrouve, sous une autre forme, dans le modèle du temps

ramifié en sémantique des mondes possibles).

Deux points paraissent essentiels :

a) la coupure modale, correspondant au maintenant, évolue elle-même de façon continue sur

l’axe du temps ;

b) alors que selon le point de vue ontologique, centré sur les procès, le passé est possible et

l’avenir irrévocable (puisqu’un procès est possible avant d’advenir, et irrévocable ensuite), la

disposition temporelle relative du possible et de l’irrévocable s’inverse avec le point de vue

phénoménologique : l’avenir est possible et le passé irrévocable.

Ce choix du maintenant comme moment d’observation conduit à définir ce que les

philosophes appellent les « modalités temporelles » (ou « modalités réelles ») (par

opposition aux « modalités logiques », qui sont indépendantes du temps). La question pour

nous est de savoir si ces modalités peuvent être reprises telles quelles dans une perspective

proprement linguistique. Notre réponse sera nuancée : les modalités temporelles ainsi définies

sont à l’évidence utiles d’un point de vue pragmatico-discursif, car – comme on l’a signalé –

elles permettent d’expliquer pourquoi les actes directifs – et plus généralement les actes dont

la direction d’ajustement est orientée du monde vers l’énoncé18

- ne peuvent porter que sur

des futurs, comme l’atteste l’anomalie de

(16) ? ? Je t’ordonne d’avoir terminé hier.

te conseille

te promets

Mais elles sont loin de permettre de rendre compte de toutes les possibilités qu’offre la

langue, et en particulier du fait que l’on peut présenter un événement passé ou présent comme

possible et un futur comme irrévocable. C’est pourquoi, à ces modalités temporelles, nous

adjoindrons des « modalités aspectuelles », définies par le choix d’un autre moment

d’observation, susceptible d’opérer la coupure modale : le moment de référence.

18

Cf. J. R. Searle (1979/1982, 39-70), et D. Vernant (1997, 43-58).

15

3.3. Les modalités aspectuelles

A cet endroit de l’exposé, une parenthèse s’impose qui va nous permettre de rappeler – très

sommairement – les principes du modèle du temps et de l’aspect présenté dans (Gosselin,

1996a).

Les structures aspectuo-temporelles utilisées dans ce modèle mettent en œuvre quatre types

d'intervalles disposés sur l'axe temporel : l'intervalle d'énonciation [01,02], l'intervalle du

procès [B1,B2], l'intervalle de référence [I,II], et l'intervalle circonstanciel [ct1,ct2].

L'intervalle d'énonciation ([01,02]) indique les limites temporelles de l'acte physique

d'énonciation, l'intervalle du procès ([B1,B2]) correspond à une opération de catégorisation

(i.e. la subsomption d'une série de changements et/ou de situations sous la détermination d'un

procès). L'intervalle de référence ([I,II]) est lié à une opération de monstration (il correspond à

ce qui est perçu/montré du procès, par exemple ce qui est asserté lorsque l'énoncé est assertif).

Quand à l’intervalle circonstanciel ([ct1,ct2]), il est facultatif (lié à la présence d’un

complément circonstanciel de localisation temporelle) et porte soit sur l’intervalle de

référence soit sur celui du procès, en fonction de la construction syntaxique de la phrase).

L’énoncé :

(17) Ce jour-là, Pierre annonça qu'il était malade

recevra une structure correspondant approximativement19

à :

fig.10

Sub.

Princ.

B1 B2

B2B1

I II

IIIct1 ct2

être malade

annoncer

ce jour-là

01 02

19

Dans ce système, les représentations iconiques sont toujours approximatives (par rapport aux représentations

symboliques), dans la mesure où elles obligent à fixer arbitrairement certaines relations qui ne sont pas

linguistiquement contraintes (comme, par exemple, dans la fig. 10, la relation entre la borne B2 de la

subordonnée et [01,02] : rien ne dit qu’il ait cessé d’être malade).

16

Dans ce cadre, l'aspect grammatical (ou "point de vue aspectuel", au sens de C. Smith,

1991) se trouve défini par la relation entre l'intervalle du procès et l'intervalle de référence. On

distingue quatre aspects de base en français :

a) aspect aoristique (ou global) : [I,II] coïncide avec [B1,B2] : I = B1, II = B2; (ex. : Il

mangea sa soupe) : le procès est vu de façon globale :

B1 B2I II

fig.11

b) aspect inaccompli : [I,II] est inclus dans [B1, B2] : B1 < I, II < B2; (ex. : Il mangeait sa

soupe (depuis 5 min.)) : le procès est perçu/montré dans son déroulement :

I IIB1 B2fig.12

c) aspect accompli : [I,II] est postérieur à [B1,B2] : B2 ≤ I; (ex. : Il a terminé sa soupe

(depuis 5 min.)) : c'est l'état résultant du procès qui est montré :

I IIB1 B2fig.13

d) aspect prospectif : [I,II] est antérieur à [B1,B2] : II ≤ B1; (ex. : Il va pleuvoir (les nuages

s'amoncellent)) : on envisage la phase préparatoire du procès :

I B2II B1fig.14

Par ailleurs, le temps absolu correspond à la relation entre l'intervalle de référence et celui

de l'énonciation :

passé : [I,II] est antérieur à [01,02]

présent : [I,II] et [01,02] coïncident

futur : [I, II] est postérieur à [01,02].

L’hypothèse des « modalités aspectuelles » peut désormais désormais être précisée.

C’est II (la borne finale de l’intervalle de référence) qui opère la coupure modale20

. Appliquée

aux quatre aspects de base, cette hypothèse conduit aux prédictions suivantes :

20

Cette hypothèse est proche – quoique non identique dans ses implications – de l'analyse de C. Vet (1981), qui

admet que le moment de référence, R, constitue le point où le temps se ramifie en une multiplicité de

continuations possibles. Elle n'est pas non plus sans rapport avec l'analyse guillaumienne (cf. Guillaume, éd.

17

Avec l’aspect aoristique et l’aspect accompli, le procès est situé intégralement dans

l’irrévocable :

(18) Luc traversa la rue

B1 B2

I IIfig.15

(19) Luc a traversé la rue (depuis cinq minutes)

I IIB1 B2fig.16

Sous l’aspect inaccompli, le début du procès est irrévocable, mais la fin reste dans le

champ du possible (d’où le « paradoxe imperfectif »21

) :

(20) Luc traversait la rue (quand soudain …)

I IIB1 B2fig.17

Enfin, l’aspect prospectif laisse l’intégralité du procès dans le domaine du possible :

(21) Luc allait traverser la route (quand soudain …)

I B2II B1fig.18

Ce sont les possibilités d’enchaînement indiquant soit que le procès n’est pas allé jusqu’à son

terme (aspect inaccompli), soit qu’il n’a pas eu lieu (aspect prospectif) qui attestent du

caractère simplement possible (et non irrévocable) de la portion considérée. On pourrait aussi

examiner les situations d’énonciation effectives de tels énoncés ; ainsi on énonce

généralement :

(22 ) Attention, tu vas tomber !

1984, 51-75), en particulier dans la version profondément remaniée de R. Martin (1983) et (1987). Mais ces

auteurs ne distinguent pas entre ce que nous appelons modalités aspectuelles et temporelles. 21

Cf. Gosselin (1998).

18

dans l’intention (explicite) d’empêcher la réalisation du procès présenté sous un aspect

prospectif.

3.4. Conflits entre modalités temporelles et aspectuelles

Lorsque l’intervalle de référence est dissocié de l’intervalle d’énonciation, il arrive

fréquemment que modalités temporelles et modalités aspectuelles entrent en conflit. Ainsi

l’énoncé (20) se voit assigner deux représentations contradictoires :

I IIB1 B2

01 02

mod. aspectuelles

mod. temporelles

Luc traversait la rue (quand soudain…)

fig.19

La fin du procès est temporellement irrévocable, mais aspectuellement possible. Ce type de

conflit, qui - en l'occurrence caractérise le « paradoxe imperfectif » - est généralement résolu

par le recours à la dimension épistémique. Quoique objectivement irrévocable, la fin du

procès est linguistiquement présentée comme possible parce qu’elle est provisoirement

inconnue ou cachée.

C’est grâce à ce dispositif aspectuo-modal que l’auteur d’une narration peut faire

« revivre » des aventures à ses lecteurs : les événements , quoique passés, sont présentés

comme se déroulant sous les yeux du lecteur, dans la mesure où la suite est, pour chaque

énoncé, envisagée comme simplement possible22

(parce que postérieure au moment de

référence en cours).

On observe le même type de conflit au futur. Un procès localisé dans l’avenir est

temporellement possible (car postérieur à 02), mais il peut être vu sous un aspect aoristique

(qui constitue la valeur la plus fréquente du futur simple). C’est, là encore, le recours à la

subjectivité qui permet de résoudre le conflit et de produire une interprétation cohérente de

l’énoncé : le procès est considéré comme faisant l’objet d’une certitude subjective (ex. 23) ou

d’une visée intentionnelle de la part du locuteur (ex. 24) :

22

Cf. U. Eco (1979/1985.

19

(23 ) Il pleuvra demain

(24) Je viendrai samedi.

Soit la représentation associée à ces deux énoncés :

II

B2

01 02

IB1

mod. aspectuelles

mod. temporelles

fig.20

On voit ici que notre analyse s’oppose aussi bien à la dichotomie exclusive entre temporalité

et modalité qu’aux modèles épistémiques qui, comme ceux de R. Langacker ou de J.-P.

Desclès, tiennent l’avenir pour le domaine du non-certain, par opposition au présent et au

passé qui relèveraient du certain.

Pour nous, l’opposition entre le possible et l’irrévocable, qui découle du principe

d’irréversibilité modale du temps, se situe en deçà des distinctions entre modalités aléthiques,

épistémiques, appréciatives ou déontiques, car elle concerne la « force de la relation de

validation », qui est indépendante de « l’instance de validation » (cf. Gosselin 2000) ; et les

phénomènes que nous venons de décrire en termes de modalités aspectuelles et temporelles se

retrouvent à l’identique aussi bien avec des prédicats impliquant une évaluation subjective de

la part du locuteur (ex. : réussir un dessin) qu’avec des prédicats purement objectifs (ex. :

traverser la rue).

En revanche, une distinction nous paraît devoir être faite entre modalités linguistiquement

marquées (les modalités aspectuelles), et modalités pragmatiquement inférées (les modalités

temporelles et les modalités épistémiques ou bouliques auxquelles on a recours pour résoudre

les conflits). Comme il va apparaître plus clairement encore à la section suivante, les

modalités aspectuelles sont marquées par l’utilisation des modes et des aspects. Tandis que les

modalités temporelles sont inférées à partir des temps mais aussi, crucialement, de ce que

nous croyons savoir du monde (s’il est ou non régi par un strict déterminisme) et des

conceptions du monde de nos interlocuteurs. Prenons l’exemple du futur simple, généralement

décrit comme exprimant une croyance, un jugement probable (épistémique). Selon notre

analyse, cette valeur ne saurait être que pragmatiquement inférée à partir des conceptions de

20

l’avenir du locuteur et de ses interlocuteurs, mais n’est pas marquée par le futur lui-même.

Que l’on rencontre ce temps dans les propos d’un prophète s’adressant à ses disciples : le

futur y sera interprété comme exprimant une réalité déjà déterminée et non un jugement

épistémique impliquant une évaluation subjective des probabilités.

3.5. Indicatif et subjonctif

Le fait que II constitue la coupure modale, au plan des modalités aspectuelles, est un

phénomène proprement linguistique au sens où il est directement lié à l’utilisation de certains

marqueurs de la langue. Plus précisément, en français, il s’agit d’une propriété spécifique du

mode indicatif (par opposition au subjonctif, par exemple). S’il n’est pas vrai de dire que le

subjonctif marque fondamentalement l’incertain, le virtuel, le douteux, comme l’indiquent les

contre exemples désormais bien connus :

(25a) Je regrette qu'il soit venu

(25b) Je suis heureux qu'il ait réussi son examen

(26) Bien qu'il soit malade, ...

il n’en reste pas moins que l’on peut caractériser différentiellement le sémantisme du

subjonctif par rapport à celui de l’indicatif en observant que seul ce dernier contraint la borne

finale de l’intervalle de référence (II) à opérer une coupure modale (dans le cadre des

modalités aspectuelles). Avec le subjonctif, ce n’est pas l’intervalle de référence associé au

verbe conjugué au subjonctif qui constitue cette coupure modale, mais soit l’intervalle

d’énonciation (dans le cas des indépendantes ; ex. : « Qu’il vienne immédiatement ! »23

), soit

l’intervalle de référence associé au verbe de la principale qui, conjugué à l’indicatif, régit la

subordonnée. La modalité affectant le procès au subjonctif dépend alors de sa position

temporelle relative par rapport à l’intervalle de référence de la principale : situé après, il est

possible ; avant, il est irrévocable ; s’il le recouvre, son début est irrévocable et sa fin

simplement possible :

(27) Je veux qu’il vienne

23

Il y a alors coïncidence entre modalités aspectuelles et temporelles.

21

B1

princ.

B2I II

01 02

I II

B1 B2

sub.

fig.21

(28) Je regrette qu’il soit venu

Remarques sur ces structures :

a) Rappelons que ces représentations iconiques correspondent seulement à certaines

interprétations des structures, car elles obligent à fixer certaines relations qui ne sont pas

linguistiquement contraintes (ainsi les relations entre les bornes initiales et finales des procès

respectifs de la principale et de la subordonnée dans la fig.21).

b) Comme le verbe de la principale est au présent, il y a, dans ces énoncés, coïncidence entre

modalités temporelles et aspectuelles.

c) Lorsque la subordonnée au subjonctif dépend d’une proposition elle-même au subjonctif,

les mêmes principes s’appliquent : ce sera soit l’intervalle d’énonciation (ex. : « Qu’il accepte

que tu viennes ! »), soit l’intervalle de référence d’une principale à l’indicatif qui opère la

coupure modale ; ce qui peut, quand la relation temporelle relative entre les deux procès reste

indéterminée, donner lieu à des ambiguïtés modales virtuelles. Exemple :

(29) Je veux qu’il regrette que Jean soit venu

le procès exprimé par regretter est nécessairement dans le champ du possible, mais la venue

de Jean, antérieure au regret virtuel mais non située relativement à la volonté du locuteur, peut

aussi bien être conçue comme irrévocable (ex. : « Je veux qu’il regrette que Jean soit venu

hier ») que comme possible (ex. : « Je veux qu’il regrette que Jean soit venu , si toutefois il

vient).

C’est encore ce principe qui explique la différence modale entre (30) et (31)

princ.

sub.

B1 I II

I

B1

II

B2

B2 fig.22

22

(22a) Je suis sorti avant qu'il ne revienne (possible)

(22b) Je suis sorti après qu'il soit revenu (irrévocable).

(on comprend ainsi pourquoi la substitution du subjonctif à l’indicatif après la locution après

que est possible, sans différence sémantique notable).

Il s’agit donc là d’un principe simple, mais qui, articulé à un système aspectuo-temporel

complexe, a de nombreuses conséquences don certaines ne sont pas immédiatement

prévisibles (nous renvoyons le lecteur à Gosselin (2001 et sous presse) où sont examinés en

particulier divers effets de sens de l’imparfait et du conditionnel).

4. Les deux flèches du temps

Reste que la conception globale du temps qui sous-tend ces phénomènes est apparemment

paradoxale : le temps se donne à la fois comme une sorte d’espace unidimensionnel

susceptible d’être librement parcouru (puisque le sujet peut choisir n’importe quel moment

pour intervalle de référence) et, simultanément, il est conçu comme un flux irréversible

(opérant la conversion du possible en irrévocable). On retrouve ainsi ce qui, selon Cl. Romano

(1999), constitue l’aporie fondamentale à laquelle se heurte toute métaphysique du temps

depuis Platon : comment penser le temps comme mouvement (comme flux) sinon de façon

intratemporelle (à l’intérieur du temps comme cadre de repérage), ce qui est exclu par

principe ?

(23) « A supposer, par conséquent, que l’on pensât le temps comme un changement, il faudrait supposer à

nouveau un temps dans lequel un tel changement s'opèrerait, c'est-à-dire un temps dans lequel le temps se

déroulerait (...) Nous ne pouvons penser le temps, l'analyser ou le décrire, sans le penser lui-même

comme quelque chose de temporel ; et pourtant il apparaît exclu de le penser de cette manière pour des

raisons de principe.

C’est ce problème, croyons-nous, qui prescrit son horizon herméneutique commun aux différentes

tentatives d’analyse du temps depuis Platon. » (Romano, 1999, 6).

Le langage lui-même paraît offrir à cette question une réponse cohérente, pourvu que,

contrairement à la tradition philosophique (en particulier depuis Bergson) mais conformément

à la voie récemment ouverte par la grammaire cognitive24

, l’on prenne au sérieux les

métaphores qui nous permettent quotidiennement de parler du temps. Selon ce système

métaphorique, le temps se donne sous la forme d’une double dynamique de sens opposé (il y

aurait donc non pas une mais deux flèches du temps) : pour le sujet, le temps court du passé

(qui est « derrière » lui) vers le futur (qui est « devant »), tandis que du point de vue du

24

Cf. G. Lakoff et M. Johnson (1981/1985).

23

procès, de l’événement (qui « arrive »), le temps vient du futur et se dirige vers le passé (ainsi

la semaine qui « vient » est-elle future, et les semaines qui « suivent » lui sont-elles

postérieures). De même, comme la montre appartient à la sphère cognitive du sujet (ce

qu’indique la possibilité de dire « j’avance de cinq minutes »), avancer sa montre, c’est opérer

un mouvement vers le futur, alors qu’avancer un rendez-vous, c’est le déplacer en direction

du passé, etc.25

fig.23

Passé Avenir

C’est à l’intérieur de ce dispositif que les intervalles mis en œuvre par le système

calculatoire prennent leur sens : si l’intervalle d’énonciation et celui du procès représentent la

position du sujet et celle du procès sur leurs axes respectifs, l’intervalle de référence

correspond à une « fenêtre » ouverte par le sujet sur l’axe temporel du procès, fenêtre à

l’intérieur de laquelle les procès vont défiler dans le cadre de la narration, par exemple.

fig.24

ex. : Il allait répondre …

Cette analyse, proche de celles de Koshmieder, de Guillaume, de Bres, ou de Lakoff , s’en

distingue cependant sur un point essentiel : les deux dynamiques de sens opposé n’y sont plus

considérées comme des alternatives conceptuelles, exclusives l’une de l’autre, mais, au

contraire, comme systématiquement conjointes au sein d’une même représentation. De sorte

qu’à la différence des conceptions précédentes, nous n’avons à supposer aucun point de

25

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le passage à l’heure d’hiver ou à l’heure d’été pose tant de

problèmes de communication. Cf. Gosselin (1996a).

procès

sujet

B2 B1 II I

01 02

24

repère statique dans la représentation du temps26

. Dans ce cadre, chacun des deux mouvement

fournit à l’autre un système de repérage : les événements sont repérés par rapport au

maintenant de l’énonciation, comme présents, passés ou futurs, tandis que le maintenant est

lui- même localisé par rapport aux événements et aux dates, sans que ceux-ci soient

aucunement considérés comme statiques (« mardi prochain » est « le mardi qui vient »). S’il

est vrai que « le temps suppose une vue sur le temps »27

, ce point de vue est lui-même situé

dans le temps, non sur une berge statique vis-à-vis de laquelle le temps-fleuve s’écoulerait,

mais sur la dynamique de sens opposé : « sur le fleuve nous sommes le rameur qui lutte à

contre-courant »28

. Et l’on retrouve ainsi les deux points de vue, complémentaires quoique

apparemment contradictoires, sur l’irréversibilité temporelle (les point de vue ontologique et

phénoménologique évoqués plus haut) : sur chacune des deux dynamiques le possible précède

l’irrévocable.

Le dispositif linguistique de représentation ne nous permet ni d’inverser, ni même de

suspendre cette dynamique29

, mais seulement – ce qui est déjà considérable – de choisir notre

moment d’observation (i.e. le moment de référence susceptible d’opérer la coupure modale),

et d’échapper ainsi, en quelque sorte, à l’emprise de l’irréversibilité du temps. Tel nous paraît

être le propre du dispositif de représentation : reproduire les propriétés modales du présent,

mais en les déplaçant.

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26

A l’appui de cette conception, on remarque qu’il existe des expressions mettant simultanément en œuvre les

deux orientations, du type : « ça va venir » (qui résistent à l’approche métaphorique traditionnelle ; cf. Ph.

Bourdin (2000, 304), pour des exemples empruntés à des langues africaines). 27

Cf. Merleau-Ponty, M. (1945, 470). 28

Virgile : Géorgiques I. 29

On montre ainsi que l’imparfait n’est nullement un temps statique (cf. Gosselin, 1999b et c) ; simplement, la

dynamique n’implique pas toujours, en particulier avec l’aspect inaccompli, la succession des procès.

25

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