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Observatoire international des prisons : rapport 1994

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Conception graphique : Plan Fixe / Lyon

Cartographie : Latitude / Lyon

Traductions : Observatoire international des prisons

Flashage : CRPS / Caluire

Impression : Lienhart et cie / Aubenas

Diffusion et distribution : auprès de l'OIP et en librairie. Diffuseur et distributeur pour la France, la Belgique et la Suisse : Ulysse/Distique ; pour le Québec : Éditions du Méridien

@ Observatoire international des prisons ISBN : 2-9507599-2-0

Tous droits et reproductions réservés. Toute reproduction, même partielle, ou transmission par tout moyen ou sous toute forme, non autorisée sans accord préalable de l'éditeur.

Photographies : 0 Jane Evelyn Atwood couverture : maison d'arrêt de la 6ème Avenue, Anchorage 62 Alaska USA, août 1993. introduction : prison de femmes, Perm, URSS, septembre 1990. observations : mitard, prison de femmes, Perm, URSS, septembre 1990. annexes : parloir intérieur/^Visot^a^rrêt de femmes, Dijon, France, jdfii", n 1 � )

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r a p p o r t

1 9 9 4

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Il

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L'Observatoire international des prisons rend public son deuxième rapport annuel. Depuis qu'il trace sa route, le chemin parcouru est important. Les résultats demeurent modestes. Ils

commencent par ces états des lieux que nous choisissons de porter à la connaissance du plus grand nombre. Trente-deux descriptions minutieuses des lieux de détentions contre vingt-deux l'an dernier, concrétisent autant de liens établis avec les militants locaux d'organisations non gouvernementales. Mais beaucoup reste à faire : renforcer partout les liens avec les familles de détenus, sources d'informations, qui redoutent parfois de se manifester publiquement. Préciser pour nous-même les alternatives à la prison pour mieux ajuster et affiner nos critiques. Surtout dire et redire partout et sans se lasser ce qui nous indigne et préside à la naissance de l'Observatoire international des prisons. Parlons de l'absurdité d'entasser dans les conditions actuelles des hommes et des

femmes qui sortiront plus révoltés, plus inadaptés que jamais à la vie en société. Parlons de l'injustice à infliger aux détenus en plus de leur peine, des atteintes à leur dignité ou des violations à leurs droits. Parlons des brimades, des humiliations, des difficultés multiples pour maintenir le lien familial, du temps et de l'argent qui manquent, des mauvaises conditions de visite qui marquent les enfants pour la vie.

Parlons de l'aggravation des situations

chaque fois que l'observation, ce regard de la société, se détourne des lieux clos, hors

d'atteinte, où pouvoir et abus de pouvoir se confondent.

Pour nous tous, nous préoccuper des

prisons est non seulement un devoir, mais

aussi l'occasion d'un apprentissage de la démocratie.

Chrisine Daure-Serfaty Présidente de l'Observatoire international

des prisons

m

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Le rapport de l'Observatoire international des prisons est un rapport propre qui parle de tout ce qui est sale, dérangeant, accablant, bouleversant. Remis aux

pouvoirs publics des pays mentionnés et à la presse, il est le témoin ordinaire de détenus ordinaires.

Ce rapport n'est pas un échantillon de pays dont les situations seraient pires qu'ailleurs. États-Unis et Bangladesh, Belgique et Nouvelle-Zélande, Argentine et Soudan, pays industrialisés ou non, la règle est toujours la même : tous les pays du monde ont en commun l'enfermement.

Notre soucis est de restituer, pour le maximum de pays, la réalité du monde carcéral. L'Observatoire n'est pas un comité d'experts qui visiterait les prisons. Il est le fruit du réseau que nous avons mis en place, le résultat de liens noués, de promesses faites, d'engagements tenus. Nous travaillons dans chaque pays avec des militants. Ici, bien organisés, regroupés au sein d'organisations non gouvernementales (ONG), bénéficiant de quelques moyens financiers. Là, simples citoyens, isolés, sans structure et sans financement.

Nous publions certaines informations que d'aucuns trouveront trop descriptives, que d'autres qualifieront d'approximatives. Nous faisons le choix de les publier. La prison est un mur de silence. Nous préférons le cri d'une vérité maladroite à la complicité d'un silence encore plus lourd.

Douze pays présents dans le premier rapport n'apparaissent pas dans cette seconde édition : la Côte d'Ivoire, le

Danemark, la Hongrie, le Japon, Madagascar, le Paraguay, les Philippines, la Russie, le Rwanda, le Salvador, la Suisse et le Zimbabwe.

Pour nombre de nos correspondants, le travail demandé reste un exercice de veille

et de vigilance difficile à maintenir au regard de l'ensemble de leurs activités. Dans la majorité des cas cependant, nous avons reçu des informations. Celles-ci apparaissaient cependant trop partielles pour pouvoir être publiées. Dans deux cas, nous avons perdu tout contact avec nos correspondants. Le Rwanda aurait dû faire partie de ce second rapport. Nous avons reçu de notre correspondant rwandais, Innocent Mazimpaka, président de la Ligue pour la promotion et la défense des droits de l'homme au Rwanda, une première version de ses observations peu avant les évènements tragiques qui ont éclaté.

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Les informations reçues demandaient plusieurs compléments et vérifications qu'il ne nous a pas été possible d'obtenir en raison de la guerre civile. Nous sommes, depuis lors, sans nouvelle de nos amis. Ce second rapport présente, en annexes, des textes de référence sur les mécanismes de

protection des personnes détenues. Nous apprenons alors le vocabulaire spécifique aux familiers du droit, aux organisations internationales, aux administrations et aux

gouvernements. Cependant, ces mots, aux consonnances particulières, servent parfois de masques à la réalité la plus crue. Nous apprendrons alors à ne plus parler de promenade, pour qualifier l'heure ou la demi-heure journalière de sortie de cellule. Une promenade est un moment heureux, d'homme libre. Elle ne peut être une simple marche, dans un espace bétonné et grillagé de quelques mètres carrés. Nous apprendrons à ne plus parler d'incidents pour qualifier les émeutes, les mutineries, les abus, les violences de tous ordres.

Nous apprendrons à ne plus parler de mort naturelle en détention. La mort naturelle arrive en fin de vie. On meurt alors de sa

belle mort. La mort naturelle n'arrive pas en détention, à 30 ans.

Nous apprendrons à ne plus parler de bavures pour qualifier des assassinats lors d'arrestations policières. Derrière chaque détenu, nous continuerons à voir un homme, derrière chaque prisonnière nous verrons une femme et derrière chaque mineur, un enfant. Nous trouverons nos propres mots pour dire ce qu'il en est, comme nous le pensons. Et nous trouverons nos propres moyens d'agir. Nul doute, nous ne ferons plus machine arrière.

P o i n t m é t h o d o l o g i q u e s u r l e s r e p è r e s c h i f f r é s

Les données relatives à la population pénale, au ministère de tutelle, au nombre d'établissements pénitentiaires et à la capacité d'accueil proviennent de nos correspondants. Le chiffre relatif à la population pénale et sa répartition entre prévenus et condamnés rend compte du nombre de détenus à un jour J. Si tous nous ont fait parvenir ces chiffres, nous avons parfois choisi de ne pas les publier. Ce choix a été fait chaque fois qu'il pouvait y avoir réserve sur la population de référence (prévenus, condamnés) et sur le temps de référence (moment T ou incarcération au cours de l'année).

Les autres indicateurs (population globale, capitale, nature du régime, alphabétisation, PNB et peine de mort) ont été établis à partir de :

L'État du monde / Éd. La Découverte 1993

Bilan économique et social 1993 / Le Monde - Dossiers et documents

Les chiffres du monde 1993 / Encyclopaedia Universalis / Éd. 1994

Rapport 1993 / Amnesty International Abolir la peine de mort / Amnesty International / n° 11 avril 1994

La mention NC signifie non communiqué.

ED

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dire

le droi t

Le droit à la liberté et à la sûreté est central dans le mécanisme de protection des droits de l'homme. Son exercice peut néanmoins être légalement soumis à des restrictions. La peine privative de liberté en est un exemple. Dans la réalité, elle s'accompagne souvent de pratiques illégales, de restrictions supplémentaires, de violations ou de manquements aux droits des personnes détenues. Les personnes incarcérées sont entre les mains d'une administration disposant d'un pouvoir de contrôle sur l'ensemble de leurs activités quotidiennes. Le personnel décide du moment où le détenu peut dormir, manger, et parfois même faire ses besoins naturels. Il contrôle l'accès aux soins médicaux, au travail, à la formation. Il décide de la possibilité de rester ou non en contact avec sa famille et ses amis, par visite ou par lettre, de pouvoir accomplir les exigences de sa religion. Les personnes détenues sont particulièrement vulnérables. Habituellement, le droit interne des États prévoit des limites à l'exercice du pouvoir à l'égard des personnes détenues. Ces dispositions, dans la majorité des cas très insuffisantes, sont peu ou pas respectées par l'administration. L'absence de moyen de contrôle et de sanction réelle a incité la communauté internationale à promouvoir la mise en place de mécanismes de protection plus efficaces.

Le respect de la dignité de la personne détenue, la protection contre la torture, les garanties contre l'arbitraire et le droit à une justice indépendante et impartiale sont les principaux piliers de ce système international de protection. Ces textes rappellent, directement ou non, que la prison constitue en elle-même une punition, et que les peines additionnelles doivent être prohibées. La protection de la personne détenue intervient d'abord dans le cadre du système des Nations Unies.

Certains textes garantissent la nécessité de l'application aux personnes détenues des droits existants pour tous les êtres humains, privés ou non de liberté. Ils ont une force obligatoire à l'égard des États. D'autres, déclarations, codes d'éthique, corps de principes ou directives viennent compléter ce dispositif en s'adressant spécifiquement aux détenus. Ce sont des instruments non

contraignants. La protection internationale intervient ensuite au plan régional. Les continents européen, américain et africain sont dotés d'une panoplie de textes touchant de près ou de loin la vie en détention.

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Certains d'entre eux réglementent les différentes phases des procédures pénales depuis la garde à vue jusqu'à l'incarcération. D'autres régissent la vie en détention et organisent des aspects particuliers du régime de détention. Les traités, qu'ils soient universels ou régionaux, engagent la responsabilité directe des États. La surveillance de leur

application est alors dévolue à des organes de contrôle. Ceux-ci reçoivent des plaintes des États et quelquefois des particuliers dont les droits ont été violés ou niés.

Les instruments non contraignants n'ont pas mis en place de procédures de plaintes ou de recours. Ils n'en constituent pas moins des termes de référence importants pour les États qui les ont signés. L'État qui ne respecte pas ses engagements internationaux se discrédite aux yeux de la communauté internationale.

L'administration qui n'applique pas les engagements porte atteinte à l'État qu'elle représente. L'incorporation des normes internationales dans la législation nationale est un processus lent. Mais c'est un pas important pour une bonne administration de la justice pénale. Les militants des droits de l'homme contribuent à faire connaître et à

promouvoir les dispositions relatives aux personnes détenues. C'est un travail essentiel.

Les normes indiquent la voie vers des prisons moins destructrices. C'est non seulement important pour le détenu, mais aussi pour la victime et la société dans sa globalité. Les prisons n'ont pas qu'une fonction punitive, elles visent aussi à réinsérer.

Enfermer des personnes qui ressortent brisées, la haine au cœur, ne peut être que dangereux pour tous.

i H

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observations

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Al lemagne E U R 0 P E

popula t ion : 80 3 0 0 0 0 0 popula t ion pénale : 64 347 au 30 06 93 t aux pour 100 0 0 0 hab i t an t s : 80 prévenu(e)s : 20 600 condamné(e )s : 43 747 é t a b l i s s e m e n t s péni tent ia i res : 2 2 4 capac i t é d 'accuei l : 70 123 minis tère de tu te l le : minis tère de la jus t ice na tu re du rég ime : d é m o c r a t i e par lementa i re peine de mor t : abolie a lphabé t i sa t ion ex-R.F.A. (1989) : 9 9 % PNB par hab i t an t en dollars : 23 030 capi ta le : Berlin

Le n o m b r e d e d é t e n u s e n A l l e m a g n e

conna î t une for te augmenta t ion . Le cl imat

g é n é r a l e s t m a r q u é p a r la p r é s e n c e ,

impor tan te , de m e m b r e s d ' o rgan i s a t i ons

d ' e x t r ê m e - d r o i t e e t p a r le n o m b r e

c r o i s s a n t d ' é t r a n g e r s , v e n u s d e s p a y s

d ' E u r o p e d e l ' e s t . Le r a c i s m e e t la

xénophob ie s o n t la s o u r c e de n o m b r e u x

a f f ron tements .

En juillet, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a publié son premier rapport sur la R.F.A. Il n'a pas fait mention d'allégations de torture dans les établissements visités. En revanche,

il a rapporté des m a u v a i s t r a i t e m e n t s dûs à la police et au personnel pénitentiaire, en Bavière et à Berlin en 1991 et 1992. Ces allégations ont cependant été réfutées par le gouvernement allemand. Dans un rapport de suivi, commandité par l'Association pour la prévention de la torture (APT), d'autres allégations ont été émises. D'octobre 1992 à février 1993, un prévenu de la prison de Hambourg a été placé dans une unité spéciale de sécurité. A cause de canaux d'évacuation défectueux, sa cellule était fréquemment inondée par les eaux usées des étages supérieurs, y compris les eaux d'évacuation des toilettes. Ses plaintes auprès de l'administration pénitentiaire n'ont pas été prises

p

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en compte, ses requêtes auprès des tribunaux locaux n'ont pas abouti. Il a fallu la plus haute cour des juridictions allemandes pour établir, en mars, que ceci constituait un traitement inhumain et que le détenu devait être immédiatement transféré dans une

autre partie du bâtiment. Le 20 mai, plusieurs détenus du centre de détention de Herne (Westphalie), en voie d'expulsion, ont mené une grève de la faim pour protester contre leurs mauvaises conditions de détention. Les

surveillants et des officiers de police ont emmené quatre d'entre eux pour les placer en cellule d'isolement. D'après une description détaillée signée par sept témoins, ces quatre détenus ont été attachés sur leur lit pendant toute la nuit et maltraités. Dans une déclaration sous serment faite par l'un d'entre eux auprès de son avocat, il est fait mention de passage à tabac à coups de bâton. La procédure d'enquête engagée à rencontre des surveillants et officiers de police a été suspendue avec l'expulsion du dernier témoin.

Les fonctionnaires qui libèrent des détenus au motif de conditions de détention inhumaines peuvent être poursuivis. Un tribunal local de Landau (Rheinland-Pfalz) a condamné un officier de police à une amende de 2 000 marks (1 mark = 3,49 FF au 6/8/92) pour avoir libéré d'un commissariat de police un ressortissant angolais menacé d'expulsion. La seule cellule disponible n'était quasiment pas meublée, sans eau courante ni wc, ce que l'officier de police a décrit comme étant une violation de la dignité humaine.

Les l o c a u x ont été dans leur majorité construits au XIXème siècle et organisés sur le modèle panoptique. De nombreuses petites prisons locales ont été fermées au début des années 70, mais dans le

même temps, de petites unités de sécurité maximum furent créées pour les terroristes et intégrées aux plus grands établissements. Plusieurs nouvelles prisons ont été construites dans les années 80, pour faire face à la surpopulation. L'organisation de ces prisons est appelée par euphémisme unité de vie. Le terme

anglo-saxon de self-contained unit module (SCUM) décrit mieux l'ambiguïté de ce concept architectural : la prison est divisée en petites unités de taille variable (15 à 50 cellules), séparées les unes des autres. Les portes des cellules généralement ouvertes pendant la journée permettent plus de communication entre les détenus d'une même unité.

Cependant chaque unité est coupée — plus ou moins complètement — des autres unités de la prison, rendant peu possibles les relations entre les détenus des différentes unités. Progressivement, les prisons plus anciennes sont réaménagées sur ce modèle. La loi stipule que les lits à deux ou trois étages ne doivent être utilisés qu'exceptionnellement en cas de surpopulation. Les dortoirs, qui peuvent contenir jusqu'à huit lits, ne sont autorisés que dans les institutions ouvertes de type camps. Cependant en raison de la surpopulation, seulement un peu plus de la moitié de la population pénale (56 % au 30 juin) est en cellule individuelle ; ce pourcentage a baissé de 8 % par rapport à l'an dernier. Une cellule de prison est généralement équipée d'un lit, d'une table, d'une chaise et d'un placard à vêtements.

La loi prévoit la stricte séparation des hommes et des femmes, des mineurs et des adultes, des prévenus et des condamnés. Des exceptions à cette règle existent, mais elles sont relativement rares. Il y a seulement une prison orientée vers la thérapie, à Hambourg, qui héberge ensemble des hommes et des femmes.

Après une baisse importante au cours des dix dernières années, la p o p u l a t i o n p é n a l e allemande a augmenté brusquement, notamment en raison de l'augmentation des prévenus. Beaucoup de maisons d'arrêt sont surpeuplées. Pour cette raison également, le strict régime de séparation entre prévenus et condamnés a subi quelques entorses. Une part importante de cette augmentation est due à l'immigration récente de ressortissants de l'Europe de l'Est. Cette nouvelle population pénale connaît des problèmes notables de communication avec les

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surveillants et les autres détenus. Par ailleurs, au sein de la population pénale, les militants d'extrême droite et xénophobes sont plus nombreux. Les directeurs de prison constatent également un glissement des détenus vers la droite. Les délinquants déchargés de la responsabilité pénale sont placés en hôpital psychiatrique ou en clinique spécialisée.

La qualité de la nourri ture suscite de nombreuses récriminations, de la part des détenus étrangers en particulier. L'administration prend en compte théoriquement les régimes spécifiques requis par les différentes cultures, mais cela se traduit en pratique par une baisse quantitative. Les trois repas par jour, dont la valeur nutritionnelle est contrôlée par le médecin de la prison, sont généralement pris en cellule. Il n'y a habituellement pas d'aménagement pour que les détenus puissent préparer eux-mêmes leurs repas, sauf quelques exceptions dans les unités de vie. Les familles et amis des détenus ne sont pas autorisés à apporter de la nourriture en détention.

Les conditions d 'hygiène restent sommaires. Presque toutes les cellules sont équipées de wc et d'eau courante froide, mais même dans les cellules occupées par plusieurs détenus, il n'y a généralement pas d'écran de séparation pour préserver l'intimité des détenus se servant des toilettes ou se lavant. Les salles de douches ne sont disponibles qu'à certaines heures de la semaine. Du savon bon marché est distribué gratuitement aux détenus. Les autres articles de toilette ou cosmétiques doivent être achetés par les détenus.

Les problèmes de s a n t é sont quasi-systémati- quement pris en charge par les médecins de la prison, sans que les détenus puissent effectuer un choix. Ce système est source de plaintes constantes de leur part. Environ 200 médecins à plein temps ont la charge de plus de 60 000 détenus, ce qui signifie que toutes les plus grandes prisons ont un praticien à temps plein. Il y a de plus un nombre important de

médecins et de dentistes travaillant à temps partiel. La plupart des prisons disposent d'une infirmerie avec quelques lits. Les cas les plus sérieux sont transférés dans les hôpitaux pénitentiaires. Si l'hôpital pénitentiaire ne peut établir le diagnostic ou les soins nécessaires, le détenu est transporté vers un hôpital civil. La consommation de drogue est un des principaux problèmes de la médecine pénitentiaire. Les programmes de méthadone pour les toxicomanes restent une exception dans les prisons allemandes. Le nombre de détenus séropositifs est estimé à 1 000 environ, dont la plupart ont été infectés au cours de leur incarcération. En octobre, le groupe allemand d'aide aux victimes du sida a annoncé que le partage des seringues parmi les détenus héroïnomanes est la cause principale de l'extension de la maladie. Les appels répétés des experts pour fournir des aiguilles stériles aux toxicomanes incarcérés n'aboutissent pas et ce problème majeur reste irrésolu. Un autre sujet de préoccupation concerne les détenus atteints de maladies chroniques ou en phase terminale. Même les détenus atteints du sida ne sont généralement libérés que très peu de temps avant leur mort. A Munich, le soir de Noël, un détenu de 29 ans atteint du sida a entamé une grève de la faim pour contraindre les autorités à le transporter à l'hôpital. Les autorités avaient en effet refusé ce transfert en dépit des certificats médicaux attestant le caractère mortel de sa maladie.

Pour les condamnés, le travail ou la formation sont obligatoires. Mais dans de nombreuses prisons, il n'y a pas suffisamment de travail pour tous. 10 % seulement des détenus sont autorisés à travailler hors de la prison dans des conditions normales et pour un salaire normal. Les autres détenus travaillent pour seulement 5 % du salaire moyen à l'extérieur. Il n'y a aucune cotisation auprès des caisses de retraite. La R.F.A a signé le traité n029 de l'Organisation internationale du travail qui stipule que le travail

D

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forcé pour des entrepreneurs privés est soumis au consentement du détenu. Ceux-ci sont cependant toujours contraints de travailler pour des employeurs privés sans que leurs souhaits soient pris en compte. Un ex-détenu de la prison de Landsberg (Bavière) a intenté un procès devant la plus haute cour allemande pour violation de ses droits constitutionnels. Il se plaint, entre autres, que dans son cas, l'État de Bavière a retenu environ

25 000 marks du salaire payé par un employeur privé. Le cas est toujours en cours de jugement, et pourrait avoir des conséquences importantes sur le travail en prison et sa rémunération. Du fait de la présomption d'innocence, les prévenus ne peuvent être forcés au travail. Mais ils peuvent y accéder s'il y a des emplois disponibles. La rémunération est aussi faible que celle des condamnés. Des doutes sérieux peuvent être émis sur la conformité de ces pratiques avec la présomption d'innocence.

Généralement, il est possible de pratiquer une a c t i v i t é sportive, comme le football ou le ping-pong. Quelques établissements favorisent des activités artistiques (généralement la sculpture ou la peinture). Celles-ci sont organisées pendant les temps libres, ou à temps complet dans le cadre d'une formation. Dans ce cas, les activités scolaires ou

artistiques sont rémunérées comme le travail pénitentiaire. La plupart des prisons offrent également diverses possibilités de formation. Plus de cinquante journaux de prison sont faits par les détenus. La plupart sont imprimés dans les imprimeries de la prison et distribués gratuitement aux détenus et dans de nombreux cas à des

personnes de l'extérieur également. Ils sont soumis à une censure de l'administration pénitentiaire. Au printemps 1993, un conflit autour de la censure a impliqué l 'un des plus vieux et des meilleurs journaux de prison, Kuckkucksei (Schwerte, Westfalie du Nord). Lorsque celui-ci a critiqué le ministre de la justice de cet État pour avoir mis en place une politique répressive, l'administration a

menacé de supprimer le journal. La publication du journal a été retardée de plusieurs mois, et lors de sa

parution en septembre, ses 18 premières pages, qui devaient contenir les documents sur le conflit, étaient blanches. Ce cas a été repris par les médias nationaux, et l'existence du journal semble être à nouveau garantie, du moins pour quelques temps.

La loi pénitentiaire allemande de 1977 autorise des permissions de sortie pour les condamnés (jusqu'à 21 jours par an). La seule condition prévue par la loi est que le détenu ne soit pas susceptible de s'évader ou de récidiver. En ce sens, de nombreux détenus sont à même de maintenir des contacts

réguliers avec l'extérieur. Certaines catégories de détenus cependant, obtiennent difficilement de telles permissions (longues peines, toxicomanes, délinquants sexuels, étrangers...). La loi pénitentiaire allemande garantit un minimum d'une heure mensuelle de vis i te . Les visites sont

collectives et se tiennent dans une vaste pièce, offrant peu d'intimité. Dans quelques prisons, des séparations en plexiglas sont utilisées pour empêcher tous types de contacts. Ce système a été à l'origine mis en place pour les terroristes, mais est également utilisé pour certains toxicomanes dans quelques Lands.

L'administration pénitentiaire peut cependant refuser certains visiteurs — en dehors des membres de la

famille — pour des raisons de sécurité. Des membres d'une même famille, détenus dans des établissements différents, peuvent être autorisés à se rendre visite en étant transférés, le temps de la visite, d'un établissement à l'autre.

Depuis quelques années, certaines prisons expérimentent les parloirs intimes généralement réservés aux détenus mariés et condamnés à une

longue peine. La correspondance des détenus est à leurs frais et n'est pas limitée quantitativement. Les courriers des prévenus sont généralement ouverts et lus par le juge ou le procureur compétent. Le contrôle n'est pas aussi systématique en ce qui concerne le courrier des

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index

19 Al lemagne 26 Argent ine 30 Bangladesh 33 Belgique 39 Cameroun 42 Canada 45 Colombie 51 Costa Rica

56 Espagne 62 Etats-Unis 68 France 74 Guatémala 77 Irlande 82 Israël e t les terr i toires

o c c u p é s 87 Luxembourg 92 Mexique 96 Namibie

99 Népal 103 Niger 106 Nouvelle-Zélande

110 Ouganda 115 Pays-Bas 118 Por tuga l 120 Roumanie

124 Royaume-Uni 130 Sénéga l 134 Soudan 139 Sri Lanka 142 Tunisie

147 Uruguay 151 Vénézuela 156 Zaïre

39 Cameroun 96 Namibie

103 Niger 110 Ouganda 130 Sénéga l 134 S o u d a n 142 Tunisie 156 Zaïre

26 Argent ine 42 Canada 45 Colombie 51 Cos ta Rica 62 Etats-Unis 74 Gua témala

92 Mexique 147 Uruguay 151 Vénézuela

30 Bangladesh 99 Népal

106 Nouvelle-Zélande 139 Sri Lanka

19 A l l e m a g n e

33 B e l g i q u e

56 E s p a g n e

68 F r a n c e

77 I r l a n d e

87 L u x e m b o u r g

115 P a y s B a s

118 P o r t u g a l

120 R o u m a n i e

124 R o y a u m e - U n i

82 Israël e t les terr i toires

o c c u p é s

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