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 D E G R QUATRIÈME SERIE TOME ONZIEME P ARIS Librairie Saint-Joseph TOLRA, LIBRAIRE  - ÉDITEUR n a bis, ru e de Rennes, 112 bis 1893 Tous droits réservé»

Oeuvres de Mgr de Segur (Tome 11)

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DE

GRQUATRIME SERIE

TOME

ONZIEME

PARIS Librairie Saint-Joseph

TOLRA,

LIBRAIRE - DITEUR

n a bis, r u e d e R e n n e s , 112 bis

1893T o u s droits rserv

Biblio!que Saint Librehttp://www.liberius.net Bibliothque Saint Libre 2010. Toute reproduction but non lucratif est autorise.

BREF DE N. T.-S.A

P . LE PAPE

PIE IX

i/AUTEUR

PIE

IX.

PAPB,

Rien-aim Fils, S a i n t e ! Bndiction Apostolique. Nous vous flicitons de tout c u r do ce que vous n e cessez de r e m p l i r , sur une, si vaste chelle et avec Lant de succs, votre office de h r a u t de l'Evangile. Tout ce que vous publiez se rpand aussitt dans les r a n g s du peuple par milliers d'exemplaires. E v i d e m m e n t , pour que vos crits soient ainsi r e c h e r c h s , il faut qu'ils p l a i s e n t ; et ils ne s a u r a i e n t plaire, s'ils n ' a v a i e n t le don et de se concilier les esprits, et de pntrer jusqu'au fond des curs, et l de produire c h a c u n leurs bienfaisants ell'ets. Mettez donc profit la g r c e que DIKT vous a faite; continuez de travailler avec a r d e u r et de r e m p l i r votre ministre d evanglisation. Quant Nous, Nous vous p r o m e t t o n s de la p a r t de D I E U une l a r g e assistance, a u moyen de laquelle vous pourrez initier aux voies du salut un n o m b r e d'mes chaque j o u r p l u s considrable, et vous tresser ainsi une, magnifique c o u r o n n e de gloire. En a t t e n d a n t , c o m m e gage de cotte cleste faveur et dos autres d o n s du Seigneur, recevez la Bndiction Apostolique que Nous vous d o n n o n s avec g r a n d a m o u r , b i e n aim Fils, pour vous t m o i g n e r Notre paternelle bienveillance. Donn R o m e , prs SainUPierre, le 2 m a r s 1876, renlicme a n n e de Notre Pontifical.PIE IX, PAPE.

L'ENFER

PROLOGUE

C'tait en 1837. Deux j e u n e s sous-lieutenants, r c e m ment sortis de Saint-Cyr, visitaient les m o n u m e n t s et les curiosits de Paris, Ils e n t r r e n t dans l'glise de l'Assomption, prs des Tuileries, et se m i r e n t r e g a r d e r les tableaux, les peintures et les autres dtails artistiques de cette belle rotonde. Ils n e songeaient p o i n t prier. Auprs d ' u n confessionnal, l'un d'eux a p e r e u t u n j e u n e prtre en surplis, qui adorait le Saint-Sacrement. Regarde donc ce c u r e , dit-il son c a m a r a d e ; on dirait qu'il attend quelqu'un. C'est p e u t - t r e toi, rpondit l'autre en riant. Moi ! Et pourquoi faire ? Qui sait ? Pouttre pour Le confesser. P o u r m e confesser ! Eh bien, veux-tu p a r i e r que je vais y aller ? Toi ! Aller t e confesser ! Bah ! Et il se m i t rire, en h a u s s a n t les paules. Que v e u x - t u parier ? r e p r i t le j e u n e officier, d'un

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L'ENFER

air m o q u e u r cl dcid. Parions un bon dner, avec une bouteille de Champagne frapp. Va pour le dner e l l e Champagne. Je te dlie d'aller Le m e t t r e d a n s la bote. A peine avail-il achev que l'autre, allant droit au j e u n e prtre, lui disait u n m o t l'oreille ; et celui-ci se levait, entrait au confessionnal, p e n d a n t que le p n i t e n t improvis jetait sur son c a m a r a d e un regard v a i n q u e u r et s'agenouillait c o m m e pour se confesser. A-L-il du toupet! m u r m u r a l ' a u t r e ; et il s'assit p o u r voir ce qui allait se passer. Il a t t e n d i t e i n q m i n u t e s , dix m i n u t e s , un q u a r t d'heure. Qu'est-ce qu'il fait ? se demandait-il avec u n e curiosit lgrement i m p a t i e n t e . Qu'est-ce qu'il peut dire depuis tout ce temps-l ? ;> Enfin. lt> confessionnal s ' o u v r i t ; l a b b en sortii, le visage a n i m et grave ; et, a p r s avoir savoir salu le j e u n e militaire, il entra, dans la sacristie. L'officier s'tait lev de son ct, rouge c o m m e u n coq, se tirant la m o u s tache d'un air quelque peu a t t r a p , et faisant signe son a m i de le suivre pour sortir de l'glise. Ah ca, dit celui-ci, qu'est-ce qui l'est donc a r r i v ? Sais Lu que tu es rest prs de v i n g t m i n u t e s avec cet abb. Ma parole, j'ai cru un i n s t a n t que tu te confessais tout de bon. T u a s tout de m m e g a g n ton dner. Veux-tu pour ce soir ? * Non, rpondit l'autre de m a u v a i s e h u m e u r ; non, pas a u j o u r d ' h u i . Nous v e r r o n s u n a u t r e j o u r . J a i faire ; il faut que j e t quitte. Et s e r r a n t la m a i n de son c o m p a g n o n , il s'loigna b r u s q u e m e n t , d'un air tout crisp. Que s'lait-il pass, en effet, e n t r e le sous-lieutenant et le confesseur ? Le voici : A peine le p r t r e eut-il ouvert le g u i c h e t du confessionnal, qtVil s'aperut, au ton du jeune h o m m e , qu'il7

S'IL Y E N A U N

t)

s'agissait l d ' u n e mystification. Celui-ci avait pouss l'impertinence j u s q u ' lui dire, en finissant j e ne sais quelle p h r a s e : La religion ! la confession ! j e m'en moque ! Cet abb tait u n h o m m e d'esprit. Tenez, m o n c h e r Monsieur, lui dit-il en l ' i n t e r r o m p a n t avec d o u c e u r ; je vois que ce que vous faites l n'est pas srieux. Laissons de ct la confession, et, si vous le voulez bien, causons un petit i n s t a n t . J'aime beaucoup les militaires Et puis, vous m'avez l'air d'un bon et a i m a b l e g a r o n . Quel est, dites-moi, votre grade ? L'officier c o m m e n a i t sentir qu'il avait fait u n e sottise. Heureux de trouver un moyen de s'en tirer, il rpondit assez poliment : Je ne suis que sous-lieutenant. Je sors de Saint-Cyr. Sous-lieutenant ? Et resterezvous l o n g t e m p s sous-lieulenanl ? Je ne sais pas trop ; deux a n s , trois a n s , quatre a n s peut-tre. Et a p r s ? Aprs ? Je passerai lieutenant. El aprs ? Aprs ? Je serai c a p i t a i n e . Capitaine? A quel ge peut-on tre c a p i t a i n e ? Si j ' a i de la chance,, dit l'autre en s o u r i a n t , je puis tre capitaine v i n g t - h u i t ou vingt-neuf a n s . El aprs ? Oh ! aprs, c'est difficile ; on reste longtemps capitaine. Puis on passe chef de bataillon ; puis, lieutenant-colonel ; puis, colonel. E h b i e n ! v o u s voici colonel, q u a r a n t e ou q u a r a n t e - d e u x a n s . Et aprs c e l a ? A p r s ? Je deviendrai gnral cle b r i g a d e , et puis gnral de division. Et a p r s ? A p r s ? Il n ' y a plus que le bton de m a r c h a l . Mais m e s p r t e n t i o n s ne v o n t pas j u s q u e - l . S o i t ; m a i s est-ce que vous n e vous marierez p a s ? Si fait, si f a i t ; q u a n d j e serai officier suprieur. Eh bien, vous voici m a r i , officier suprieur, gnral, gnral de division, peut-tre m m e m a r c h a l de France, qui sait? El aprs, Monsieur? ajouta

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le prtre avec autorit. Aprs ? a p r s ? rpliqua l'offic i e r u n peu interloque. Oh ! m a foi, j e n e sais pas ce qu'il y a u r a aprs. Voyez comme c'est singulier, dit alors l'abb d ' u n ton de plus en plus g r a v e . Vous savez tout ce qui se passera jusque-l, et vous ne savez pas ce qu'il y a u r a aprs. Eh bien, moi je le sais ; et je vais vous le dire. Aprs, Monsieur, aprs, vous m o u r r e z . Aprs votre mort, vous paratrez d e v a n t D I E U , et vous serez j u g . Et si v o u s continuez l'aire c o m m e vous faites, vous serez d a m n ; vous irez brler ternellement en enfer. Voil ce qui se passera aprs ! EL c o m m e le j e u n e tourdi, e n n u y de cette (in, p a r a i s sait vouloir s'esquiver : Un instant. Monsieur ! ajouta l'abb. J'ai encore u n mot vous dire. Vous avez de l'honneur, n'est-il pas v r a i ? Eh bien, moi aussi j ' e n ai. Vous venez de me m a n q u e r g r a v e m e n t ; et vous m e devez une rparation. Je vous la d e m a n d e , et j e l'exige, au n o m do l'honneur. Elle sera d'ailleurs trs-simple. Vous allez m e d o n n e r votre parole que, p e n d a n t h u i t j o u r s , c h a q u e soir a v a n t de vous coucher, vous vous mettrez g e n o u x , et vous direz tout h a u t : %t Un j o u r , j e m o u r r a i ; m a i s j e m ' e n moque. Aprs m o n j u g e m e n t , je serai d a m n ; m a i s je m'en m o q u e . J'irai brler ternellement en e n f e r ; mais je m ' e n m o q u e . Voil tout. Mais vous allez me donner votre parole d ' h o n n e u r de n'y pas m a n quer, n'est-ce pas ? e plus en plus e n n u y , v o u l a n t tout prix sortir de ce faux pas, le sous-iieutenant avait tout promis, et le b o n abb l'avait congdi avec bont, ajoutant : Je n ' a i p a s besoin, m o n cher a m i , de vous dire que j e vous p a r d o n n e de tout m o n cur. Si j a m a i s vous aviez besoin de m o i , vous m e trouveriez, toujours ici, m o n poste. Seulement

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n'oubliez pas la parole d o n n e . La-dessus, ils s taient quitts, c o m m e nous T a r o n s vu Le jeune officier d n a tout seul. Il tait m a n i f e s t e m e n t vex. Le soir, a u m o m e n t de se c o u c h e r , il hsita un p e u ; mais sa parole tait donne ; et il s'excuta. Je m o u r r a i ; je serai j u g ; j ' i r a i peut-tre en enfer Il n'eut pas le c o u r a g e d'ajouter : Je m ' e n moque. Quelques j o u r s se passrent ainsi. Sa p n i t e n c e lui revenait sans cesse l'esprit, et semblait lui tinter aux oreilles. Au fond, c o m m e les quatre-vingt-dix-neuf c e n times des j e u n e s gens, il tait plus tourdi que m a u v a i s . La huitaine n e s'tait pas coule, qu'il r e t o u r n a i t , seul cette fois, ?i l'glise de l'Assomption, se confessait p o u r tout de bon, et sortait du confessionnal le visage tout baign de l a r m e s et la joie d a n s le cu3ur. Il est rest depuis, m'a-t-on assur-, un digne et fervent chrtien. C'est la cense srieuse de l'enfer qui, avec la grce d e DIKU, avait opr la m t a m o r p h o s e . Or, ce qu'elle a fait sur l'esprit cle ce j e u n e officier, pourquoi ne le ferait-elle pas sur le votre, a m i l e c t e u r ? Il y faut donc rflchir une) bonne fois. Il y font rflchir; c'estune question personnelle, s'il en ft, et, avouez-le, p r o f o n d m e n t redoutable. Elle se dresse devant c h a c u n de nous ; et bon g r mal g r , il y faut une solution positive. . Nous allons donc, si vous le voulez bien, e x a m i n e r ensemble, brivement, m a i s bien c a r r m e n t , deux c h o s e s : l s'il y a v r a i m e n t un enfer ; et 2 ce que c'est que l'enfer. Je fais appel ici u n i q u e m e n t votre b o n n e foi et a votre foi.

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L'ENFER

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S'IL Y V R A I M E N T VK

ENFER.

Il y a un enfer : c'est la croyance de tous les peuples, dans tous les temps

Ce que tous les peuples ont toujours c r u , d a n s tous les t e m p s , constitue ce qu'on appelle u n e vrit do sens c o m m u n , ou, si vous l'aimez m i e u x , de s e n t i m e n t c o m m u n , universel. Quiconque se refuserait a d m e t t r e uni? de ces grandes vrits universelles n ' a u r a i t pas, c o m m e on dit trs-justement, le sens c o m m u n . Il faut tre fou, en effet, pour s'imaginer qu'on peut avoir raison contre tout le m o n d e . Or, dans tous les temps, depuis le c o m m e n c e m e n t du m o n d e j u s q u ' nos j o u r s , tous les peuples ont cru un enfer. Sous un n o m ou sous u n a u t r e , sous des formes plus ou moins altres, ils o n t reu, conserv et proclam la, c r o y a n c e des c h t i m e n t s redoutables, des chtim e n t s sans fin, o le feu a p p a r a t toujours, pour la p u n i tion des m c h a n t s , aprs la m o r t . C'est l u n fait certain, et il a t si' l u m i n e u s e m e n t tabli par nos g r a n d s philosophes c h r t i e n s , qu'il serait superflu pour ainsi dire de se d o n n e r la peine de le prouver.

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DsTorigine, on trouve TexisLenoe d'un eu Fer ternel de feu, c l a i r e m e n t consigne d a n s les plus a n c i e n s livres connus, ceux de Mose. Je ne les cites ici, nolez-le bien, qu'au point de vue p u r e m e n t historique. Le n o m m m e de l enfer s'y trouve en toutes lettres. Ainsi, au seizime chapitre du livre des Nombres, n o u s voyons les trois lvites. Gor, Dathan, et Abiron, qui avaient b l a s p h m D I E U et s'taient rvolts contre Mose, engloutis vivants en enfer, et le texte rpte : Et ils descendirent v i v a n t s en enfer ; descenderuntque irivi ht in/ernum; et le feu, ignis que le Seigneur en fit sortir, dvora deux cent c i n q u a n t e autres rebelles. Or, Mose crivait cela plus de seize cents a n s a v a n t la naissance de Notre-Seigneur, c'est--dire il y a prs de trois mille cinq cents a n s . Au Deutronome, le Seigneur dit, par la bouche de Mose: Le feu a t allum d a n s mafcolre et ses a r d e u r s pntreront j u s q u ' a u x profondeurs de l ' e n f e r , ^ ardebil usque ad irferna novissima. Dans le livre de Job, g a l e m e n t crit p a r Mose, au tmoignage des plus g r a n d s s a v a n t s , les impies, dont la vie regorge de biens, et qui disent D I E U : Nous n ' a v o n s pas besoin de vous, n o u s ne voulons pas de votre loi; quoi b o n v o u s servir et vous prier ! ces impies-l tombent tout coup en enfer, m puncto ad mfema descendant. Job appelle l'enfer la rgion des tnbres, la rgion plonge dans les o m b r e s de la m o r t , la rgion du m a l h e u r et des tnbres, o il n ' y a plus a u c u n ordre, m a i s o rgne l ' h o r r e u r ternelle, sed sempiternus horror inhabitat. Certes, voil des t m o i g n a g e s plus que r e s p e c tables, et qui r e m o n t e n t aux origines historiques les p l u s recules.1

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I- E N F E R

Mille ans avn.nl Pre c h r t i e n n e , alors qu'il n'tait encore question ni. d'histoire grecque n i d'histoire r o m a i n e , David et Salomon parlent f r q u e m m e n t de l'en Ter c o m m e d'une g r a n d e vrit, tellement c o n n u e et r e c o n n u e de tous, qu'il n'est pas m m e besoin de la d m o n t r e r . Dans le livre des p s a u m e s , David dit entre autres en parlant des pcheurs : Qu'il soient j e t s d a n s l'enfer, ranvertanlur perratores in mfernum.QuQ les impies soient confondus et prcipits en enfer, et deducantur in in fernum. Et ailleurs il parle dos douleurs rie l'enfer, dolores inferni. Salomon n'est pas moins formel. En r a p p o r t a n t les propos des impies qui veulent sduire et perdre le juste, il d i t : Dvorons-le tout vivant, c o m m e fait l'enfer, sicut infernus. Et dans ce fameux passage du Livre de la Sagesse, o il dpeint si a d m i r a b l e m e n t le dsespoir des d a m n s , il ajoute: Voil ce que disent d a n s l'enfer, in rnferno. ceux qui ont p c h ; car l'esprance de l'impie s'vanouit comme la fume q u ' e m p o r t e le v e n t . Dans u n autre de ses livres, appel l'Ecclsiastique, il dit e n c o r e : La m u l t i t u d e des pcheurs est c o m m e un paquet d'toupe; et leur fin dernire, c'est la flamme de feu, famma ignh ; ce s o n t les enfers, et les tnbres, et les peines, et in fineillorwn inferi, et tenebr, et pn. >> Deux sicles aprs, p l u s de huit cents a n s a v a n t JsusCHRIST, le grand Prophte Isae disait h son t o u r : Gomm e n t es-tu tomb du h a u t des cieux, Lucifer? Toi qui disais en ton cur : Je monterai j u s q u ' a u ciel, j e serai semblable au Trs Haut, te voici prcipit en enfer, au fond de l'abme, ad infernum detrahern, in profundum lac. Par cet a b m e , p a r ce mystrieux t a n g , nous v e r r o n s plus loin qu'il faut e n t e n d r e cette p o u v a n t a b l e masse liquide de feu qu'enveloppe et que c a c h e la terre.,

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et que l'Eglise elle-mme nous indique c o m m e le lieu proprement dit de l'enfer. Salomon et David parlent, eux aussi, de ce b r l a n t a b m e . Dans un a u t r e passage de ses prophties, Isae parle d u feu, du feu ternel de l'enfer. Les p c h e u r s , dit-il, sont frapps d'pouvante. Lequel d'entre vous p o u r r a h a b i t e r dans le feu dvorant, aim if/ne dvorante, d a n s les flammes ternelles, cumardoribus sempiternis? Le Prophte Daniel, qui vivait deux cents a n s a p r s lsae, dit, en p a r l a n t de la rsurrection dernire et du j u g e m e n t : Et la m u l t i t u d e de ceux q u i d o r m e n t d a n s la poussire s'veilleront, les uns pour la vie ternelle, les autres pour u n opprobre qui n e Unira j a m a i s . Mme t m o i g n a g e de la p a r t des a u t r e s Prophtes, j u s qu'au P r c u r s e u r du Messie, saint Jean-Baptiste, qui, lui aussi, parle au peuple de Jrusalem du feu ternel de l'enfer, c o m m e d'une vrit c o n n u e de tous, et dont p e r s o n n e n'a j a m a i s dout. Voici le Christ qui a p p r o c h e , s'criet-il. 11 v a n n e r a son g r a i n ; il recueillera le froment (les lus) dans ses g r e n i e r s ; q u a n t la paille (les p c h e u r s ) , il les brlera d a n s le feu qui ne s'teint point, in iyne inextinguibili. L an lia ui l p a e n n e , grecque et latine, nous parle g a lement de* l'enfer, et de ses terribles c h t i m e n t s qui n ' a u r o n t .point de fin. Sous des formes plus ou m o i n s exactes, suivant que les peuples s'loignaient plus ou moins des traditions primitives et des e n s e i g n e m e n t s des Patriarches et des Prophtes, on y r e t r o u v e toujours la croyance u n enfer, u n enfer de feu et de t n b r e s . Tel est le T a r t a r e des Grecs et des Latins. Les impies qui ont mpris les lois saintes, sont p r cipits dans le T a r t a r e , pour n'en sortir j a m a i s , et p o u r y souffrir des t o u r m e n t s horribles et ternels, dit Socrate, cit par Platon, son disciple.

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L'ENFER

.

Kt Platon dit encore : On doit ajouter foi a u x traditions anciennes et sacre* qui e n s e i g n e n t q u ' a p r s cette vie Tme sera juge et p u n i e svrement, si elle n ' a pas vcu c o m m e il convient. Arislote, C i o r o i v Snque, parlent de ces mmos traditions, qui se p e r d e n t d a n s la nuit des temps. Homre et Virgile les ont revtues des couleurs de leurs immortelles posies. Qui n'a lu le rcit de la descente d'Ene aux enfers, o, sous le n o m de T a r t a r e , de Pluton, etc., nous r e t r o u v o n s les g r a n d e s vrits p r i m i tives, dfigures mais conserves p a r le p a g a n i s m e ? Les supplices des m c h a n t s y sont ternels ; et l'un d'eux nous est dpeint c o m m e fix, t e r n e l l e m e n t fix dans l'enfer. El cette croyance universelle, i n c o n t e s t a b l e et inconteste, le philosophe sceptique Bayle est le p r e m i e r la constater, la reconnatre.. Son confrre en vollairianisme et en impit, l'anglais Bolingbroke l'avoue avec une gale franchise.il dit f o r m e l l e m e n t : La doctrine il'un tat futur de r c o m p e n s e s et de c h t i m e n t s p a r a t se perdre dans les tcuebres de l'antiquit; elle prcde tout ce que n o u s savons de c e r t a i n . Ds que n o u s c o m m e n ons ii dbrouiller le c h a o s de l'histoire a n c i e n n e , n o u s trouvons cette croyance., de la m a n i r e la p l u s solide, dans l'esprit des premires nations que n o u s c o n n a i s sions. On en rencontre les dbris j u s q u e p a r m i les superstitions informes des sauvages de l'Amrique, de l'Afrique et de TOcanie. Le p a g a n i s m e de l'Inde et de la Perse en garde des vestiges f r a p p a n t s , et enfin le m a h o m t i s m e eompte l'enfer au n o m b r e de ses d o g m e s . Dans le sein du Christianisme, il est superflu de dire que le dogme de l'enfer est enseign h a u t e m e n t , c o m m e une de ces grandes vrits fondamentales qui s e r v e n t de

S'IL Y E N A TJN

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base tout I difice de la Religion. Les protestants e u x mmes, les protestants qui ont tout dtruit avec Icurfolle doctrine du .libre e x a m e n , n ' o n t pas os toucher l'enfer. Chose t r a n g e , inexplicable l au milieu de tant de ruines, Luther, Calvin et les autres ont d laisser debout cette effrayante vrit, q u i devait c e p e n d a n t l e u r tre personnellement si i m p o r t u n e ! Donc, tous les peuples, dans tous les temps, ont c o n n u et reconnu l'existence do l'enfer. Donc, ce dogme terriblefait partie de ce trsor des g r a n d e s vrits universelles, qui constituent la l u m i r e de l ' h u m a n i t . Donc, il n'est pas possible un h o m m e sens de le rvoquer en d o u t e on disant, d a n s la folie d'une orgueilleuse i g n o r a n c e : 11 n'y a point d'enfer ! Donc enfin : 11 y a u n enfer.

Il y a un enfer : l'enfer n'a pas t invent et n'a pas pu l'tre.

Nous v e n o n s de voir que, d a n s tous les temps, tous lespeuples ont cru & l'enfer. Cela seul prouve dj qu'il n'est pas d'invention h u m a i n e . Supposons u n i n s t a n t le m o n d e v i v a n t bien t r a n q u i l l e , au milieu" des plaisirs, et a b a n d o n n sans c r a i n t e toutesles passions. Un beau j o u r un h o m m e , u n philosophe, vient lui dire : Il y a u n enfer, u n lieu de t o u r m e n t s ternels, o D I E U v o u s p u n i r a si vous continuez faire le mal ; un enfer de feu, o vous brlerez sans fin, si v o u s ne changez de vie. Vous figurez-vous reflet q u ' a u r a i t p r o d u i t u n e p a r e i l l e annonce ?

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L'ENFKH

D'abord personne n ' y aurait c r u . Que venez-vous n o u s prcher l? a u r a i t - o n dit cet i n v e n t e u r de l'enfer. O avez-vous pris cela ? Quelles preuves n o u s en apportezvous ? Vous n'tes q u ' u n rveur, u n p r o p h t e de m a l h e u r . Je le rpte, ou ne l'aurait pas c r u . On ne l'aurait pas c r u , parce que tout, d a n s l ' h o m m e c o r r o m p u , se cabre i n s t i n c t i v e m e n t contre l'ide de l'enfer. De m m e que tout coupable repousse t a n t qu'il peut l'ide du chtiment, de m m e , et cent fois plus, l ' h o m m e coupable repousse la perspective de ce feu v e n g e u r , ternel, qui doit p u n i r si i m p i t o y a b l e m e n t toutes ses fautes, m m e ses fautes secrtes. Et surtout dans u n e socit, c o m m e n o u s la supposons un m o m e n t , o p e r s o n n e n ' a u r a i t j a m a i s e n t e n d u parler de l'enfer, la rvolte des prjugs serait v e n u e se joindre h la rvolte des passions. Non-seulement on n ' a u r a i t pas voulu en croire, cet i n v e n t e u r m a l e n c o n t r e u x , m a i s on l'et citasse avec cojrc, on l'et lapid, si bien que l'envie de r e c o m m e n c e r n e serait plus j a m a i s v e n u e personne. Que si, par impossible, on et ajout foi cette trange invention ; si, p a r u n e impossibilit bien plus vidente encore, tous les peuples se fussent m i s croire l'enfer, sur la parole du susdit philosophe, quel v n e m e n t , je vous le demande ! Le n o m de l'inventeur, le sicle, le pays o il aurait vcu eussent-ils pu ne p a s tre consig n s d a n s l'histoire ? Or, rien de tout cela. Quelqu'un a-l-il j a m a i s t signal . c o m m e a y a n t introduit dans le inonde cette doctrine effrayante,, si contraire aux passions les plus enracines de l'esprit h u m a i n , du c u r , des sens ? Donc l'enfer n'a pas t i n v e n t . Il n'a pas t i n v e n t , parce qu'il n'a pas pu l'tre.

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L'ternit des peines de l'enfer est u n dogme que la r a i son ne peut c o m p r e n d r e ; elle p e u t le connatre, m a i s non pas le c o m p r e n d r e , parce qu'il est au-dessus de la raison. Ce que l ' h o m m e ne peut c o m p r e n d r e , c o m m e n t voulez-vous qu'il ait pu l'inventer ? C'est p r c i s m e n t parce que l'enfer, l'enfer-ternel, ne peut tre coxxipris par la raison, que la raison s'insurge contre lui, ds qu'elle n'est point claire et releve p a r les lumires s u r n a t u r e l l e s de la foi. C o m m e nous le v e r rons plus loin, la raison crie l'injustice, la barbarie, et par consquent l'impossibilit. Le dogme de l'enfer est ce que l'on appelle u n e vrit inne, c'est--dire u n e de ces l u m i r e s d'origine divine qui luit en nous m a l g r nous ; qui est au fond de n o t r e conscience, incruste d a n s les profondeurs de n o t r e m e comme un d i a m a n t noir, qui brille d'un s o m b r e clat. Personne n e peut l'en a r r a c h e r , p a r c e que c'est DIBTJ mme qui Ta m i s l. On peut c o u v r i r ce d i a m a n t et ses sombres feux ; ou p e u t en d t o u r n e r ses regards et l'oublier pour u n t e m p s ; on peut le n i e r en paroles ; m a i s on y croit m a l g r soi, et la conscience n e cesse de le proclamer. Les impies.qui se m o q u e n t do l'enfer en ont, au fond, une peur terrible. Ceux qui disent qu'il est d m o n t r pour eux qu'il n ' y a point d'enfer, se m e n t e n t e u x mmes et' m e n t e n t aux autres. C'est u n vu impie du cur, plutt q u ' u n e ngation raisonne de l'esprit. An dernier sicle, u n de ces insolents crivait Voltaire qu'il avait dcouvert la preuve m t a p h y s i q u e de la n o n existence de l'enfer : Vous tes b i e n h e u r e u x , lui r p o n dit le vieux p a t r i a r c h e des incrdules ; moi je suis loin d'en tre l. Non, l ' h o m m e n ' a pas invent l'enfer. Il ne Ta p a s

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invente, et il n a pas pu Tin venter. Le d o g m e d'un enfer ternel de feu r e m o n t e D I E U m m e . 11 fait partie de cette g r a n d e rvlation primitive qui est la base de la Religion et de la vie morale du genre h u m a i n . Donc, il v a u n eufer.

Il y a un enfer : Dieu lui-mme nous en a rvl l'existence

Les quelques passages de l'ncien-Testament que j ' a i cits plus haut, m o n t r e n t dj que le d o g m e de l'enfer a t rvl de D I E U m m e a u x P a t r i a r c h e s , a u x Prophtes et l'ancien Israel. En effet, ce ne sont pas seulement des tmoignages historiques ; ce sont encore et surtout des tmoignages divins, qui c o m m a n d e n t la foi, qui s'imposent notre conscience, avec l'autorit infaillible de vrits rvles. Notre-Seigueur J S U S - C H R I S T a solennellement confirm cette rvlation redoutable ; et quatorze fois dans l'Evangile il nous parle de l'enfer. Nous ne rapporterons point ici toutes ses paroles, pour ne pas nous rpter. Voici les principales. N oubliez p a s , mon bon lecteur, que c'est D I E U m m e qui parle ici, et qu'il a dit : Le riel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.. Peu aprs son a d m i r a b l e transfiguration sur le m o n t Thabor, Notre-Seigneur disait ses disciples et aux m u l titudes qui le suivaieut : Si votre m a i n (c'est--dire coque vous avez de plus prcieux) est pour vous une occasion de pch, coupez-la : il vaut m i e u x e n t r e r dans 1 autre vie avec une seule m a i n , que d aller avec ses deux

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mains dans r e n i e r , dans le feu qui ne s'teint point, o le feu ne cessera j a m a i s . . < Si votre pied ou votre il est pour vous une occasion < de chute, coupez-le, arrachez-le, et jetez-le loin de vous : il vaut mieux e n t r e r dans la vie ternelle avec u n seul pied ou un seul il, q u e d ' t r e jet avec vos d e u x p i e d s o u aveevosdeux yeux, d a n s l a p r i s o n de feu ternel, in gehennam ignis inextinguibilis, o le r e m o r d s n e cesse point et o le feu ne s'teint p a s , et ignis non extingiiitw\ 11 parle de ce qui a r r i v e r a la fin des t e m p s , et dit : Alors le Fils de l ' h o m m e e n v e r r a ses Anges, et ils saisiront ceux qui a u r o n t fait le m a l , pour les j e t e r d a n s la fourraise de feu, in camintnn ignis, o il y a u r a des pleurs et des g r i n c e m e n t s de dents. Que celui qui a des oreilles pour e n t e n d r e , entende. Lorsque le Fils do D I E U prdit le j u g e m e n t dernier, au vingt-cinquime c h a p i t r e de l'vangile de saint Matthieu, il nous lait c o n n a t r e d'avance l u i - m m e les propres termes de la sentence qu'il p r o n o n c e r a contre les r prouvs : Retirez-vous de moi, m a u d i t s , au feu ternel, discedite a me, maledicti, in igne/n wleminn. Et il ajoute: Et ceux-ci iront d a n s le supplice ternel, in siipplicwi lemtnn. Je vous le d e m a n d e , y a-t-il rien de plus formel ? Les Aptres, c h a r g s p a r le Sauveur de dvelopper sa* doctrine et de complter ses rvlations, nous p a r l e n t do l'enfer cL de ses flammes ternelles d ' u n e m a n i r e n o n moins explicite. Pour ne citer que quelques-unes de leurs paroles, n o u s "rappellerons saint Paul qui dit a u x c h r t i e n s de Thessalonique, en leur p r c h a n t le j u g e m e n t dernier, que le Fils de D I E U tirera vengeance dans la flamme du feu, in flamma ignis, des impies qui n ' o n t point voulu recon-

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n a t r e D I E U et qui n'obissent point l'Evangile de NotreSeigneur J S U S - C H R I S T ; ils a u r o n t subir des peines ternelles dans la m o r t , loin de la face du Seigneur, pnas dahimt in interitu lernas. L'Aptre saint Pierre dit que les m c h a n t s p a r t a g e r o n t le c h t i m e n t des m a u v a i s anges, que le Seigneur a p r cipits d a n s les profondeurs de l'enfer, dans les supplices du Tartare, mdentibus inferai detractos in Tartarum iradidit crur.iandos. 11 les appelle des fils de maldiction, maledictionis fUii, qui sont rserves les h o r r e u r s des tnbres. Saint Jean nous parle g a l e m e n t de l'enfer et de ses feux ternels. Au sujet de l'Antchrist et de son faux prophte, il dit : Ils seront jets vivants dans l'abme embras de l'eu et de souffre, in stagmtm ignis ardeniis mlpfwre, pour y tre t o u r m e n t s j o u r et n u i t d a n s tous les sicles des sicles, cruciabimlur die ac nocle in scula $culorum. Enfin, rAptre saint J u d e nous parle h son tour de l'enfer, nous m o n t r a n t les dnions et les rprouvs a enchans pour l'ternit dans les tnbres, et subissant les peines du feu ternel, ignis terni p.nam su&tinentes. Et, d a n s tout le cours de leurs Epi trs inspires, les Aptres reviennent sans cesse sur la c r a i n t e des j u g e m e n t s de D I E U et sur les c h t i m e n t s ternels qui attend e n t les pcheurs i m p n i t e n t s . Aprs des e n s e i g n e m e n t s aussi clairs, faut-il s'tonner que l'Eglise nous prsente l'ternit des peines et du feu de l'enfer c o m m e un d o g m e de foi p r o p r e m e n t dit ? de telle sorte que celui qui oserait le nier, ou en d o u t e r seulement, serait par l m m e hrtique. Donc l'existence de l'enfer est u n article de foi catho-

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lique, et n o u s en s o m m e s aussi srs que de l'existencede DTISU.

Donc, il y a un enfer. En r s u m : le t m o i g n a g e du g e n r e h u m a i n tout en^ t i e r e t d e s e s plus a n t i q u e s traditions ; le t m o i g n a g e de la n a t u r e h u m a i n e , de la droite raison, du c u r et de la conscience, et, par-dessus tout, le tmoignage de l'enseig n e m e n t infaillible de D I E U l u i - m m e et de son Eglise, s'unissent pour n o u s attester, avec une certitude absolue, qu'il y a u n enfer de feu et de t n b r e s , u n enfer ternel, pour le c h t i m e n t des impies et des p c h e u r s impnitents. Je vous le d e m a n d e , cher lecteur, u n e vrit peut-elle tre'tablie d'une m a n i r e plus p r e m p t o i r e ?

S'il y a vraiment un enfer comment personne n'en est-il revenu?

D'abord, l'enfer existe pour p u n i r les r p r o u v s , et n o n pour les laisser revenir sur la terre. Quand on y est, on y reste. Vous dites qu'on n ' e n revient p a s ? C'est vrai d a n s l'ordre habituel de la Providence. Mais est-il bien c e r t a i n que personne n e soit r e v e n u de l'enfer? Etes-vous s u r que, d a n s u n e vue de misricorde et de justice, DIMU n ' a i t jamais p e r m i s u n d a m n d'apparatre sur la t e r r e ? Dans l'criture sainte et dans l'histoire, on fil la preuve du c o n t r a i r e ; et, toute superstitieuse qu'elle est devenue, la c r o y a n c e quasi-gnrale ce qu'on appelle les r e v e n a n t s serait inexplicable si elle ne p r o v e n a i t

L'ENFER

d ' u n fonds de vrit. Laissez-moi vous rapporter ici quelq u e s faits dont l'authenticit semble vidente, et qui prouvent l'existence de l'enfer p a r le redoutable t m o i g n a g e de ceux-l m m e s qui y sont.

Le docteur Raymond

Diocrs.

Dans la vie de saint Bruno, fondateur des C h a r t r e u x , on trouve un fait tudi fond p a r les trs doctes Bollandistes, et qui prsente la critique la plus srieuse tous les caractres historiques de l'authenticit ; u n fait a r r i v Paris, en plein jour, en prsence de plusieurs milliers de tmoins, dont les dtails ont t recueillis p a r des contemporains, et enfin qui a d o n n naissance u n g r a n d Ordre religieux. Un clbre docteur de l'Universit de Paris, n o m m R a y m o n d Diocrs, venait de m o u r i r , e m p o r t a n t l'admiration universelle et les regrets de tous ses lves. C'tait en Tanne I0S2. Un des plus savants docteurs du t e m p s , c o n n u d a n s toute l'Europe p a r s a science, ses talents et ses vertus, et n o m m Bruno, tait alors Paris avec quatre c o m p a g n o n s , et se fit un devoir d'assister aux obsques de l'illustre dfunt. On avait dpos le corps d a n s la g r a n d e salle de la chancellerie, proche de l'glise de Notre-Dame, et u n e foule i m m e n s e entourait le lit de parade o, selon l'usage du temps, le m o r t tait expos, couvert d ' u n simple voile. Au m o m e n t o l'on v i n t lire u n e des leons de l'Office des m o r t s qui c o m m e n c e ainsi : Rponds-moi. Combien grandes et n o m b r e u s e s sont tes iniquits, une voix spulcrale sortit de dessous le voile funbre, et toute

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l'assistance entendit ces p a r o l e s : Par un juste jugement de DIEU, j'ai t accus. On se p r c i p i t e ; on lve le drap m o r t u a i r e : le p a u v r e m o r t tait l, i m m o b i l e , glac, parfaitement m o r t . La crmonie, u n i n s l a n t i n t e r r o m p u e , fut bientt reprise ; tous les assistants taient dans l a stupeur et pntrs de c r a i n t e . On reprend donc l'Office ; on arrive la susdite leon Rponds-moi. Cette fois, la vue de tout le m o n d e , le mort se soulve, et d'une voix plus forte, plus accentue encore, il dit : Par un juste jugement de Dieu, j* ai t jug, et il r e t o m b e . La terreur de l'auditoire est son comble. Des m d e c i n s constatent de nouveau la m o r t . Le cadavre tait froid, rigide. On n'eut pas le courage de continuer, et l'Office fut remis au l e n d e m a i n . Les autorits ecclsiastiques ne savaient que rsoudre. Les u n s d i s a i e n t : C'est u n rprouv ; il est i n d i g n e des prires de l'Eglise. D ' a u t r e s d i s a i e n t : Non, tout cela est sans cloute fort e f f r a y a n t ; m a i s enfin, tous t a n t que nous sommes, ne serons-nous pas accuss d'abord, puis jugs par u n j u s t e j u g e m e n t de D I E U ? L'Evoque fut de cet avis, et, le l e n d e m a i n , le service funbre r e c o m m e n a la m m e h e u r e . Bruno et ses c o m p a g n o n s taient l comme la veille. Toute l'Universit, tout Paris tait accouru Notre-Dame. L'Office r e c o m m e n c e donc. A la m m e leon : Rponds-moi, le corps du docteur R a y m o n d se dresse s u r son sant, et avec u n accent indescriptible qui glace d'pouvante tous les assistants, il s ' c r i e : Par un juste jugement de DIEU, j'ai t condamn, et retombe immobile. Cette fois il n ' y avait plus douter. Le terrible prodige constat j u s q u ' l'vidence n'tait pas m m e discutable. Par ordre de l'Evque et du Chapitre, on dpouille, sance

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tenante, le cadavre des insignes de ses dignits, et on. l'emporte ln voirie de Montfaucon. Au sortir de la g r a n d e salle de la chancellerie, B r u n o , g alors d'environ q u a r a n t e - c i n q ans, se dcida irrvocablement quitter le m o n d e , et alla c h e r c h e r , avec ses c o m p a g n o n s , dans les solitudes de la Grande-Chartreuse, prs de Grenoble, une retraite o il pt faire plus s r e m e n t son salut, et se p r p a r e r ainsi loisir a u x j u s t e s j u g e m e n t s de D I E U . Certes, voil u n rprouv qui revenait de l'enfer, n o n pour en sortir, mais pour en tre le plus irrcusable des tmoins. Le jeune Religieux de saint Anlonin.

Le savant Archevque de Florence, saint A n l o n i n , r a p porte dans ses crits u n fait ijon m o i n s terrible, q u i , vers le milieu du quinzime sicle, avait pouvant tout le nord de l'Italie. Un j e u n e h o m m e de b o n n e famille qui, seize ou dix-sept ans, avait eu le m a l h e u r de c a c h e r u n pch mortel en confession et de c o m m u n i e r en cet tat, avait remis de semaine en s e m a i n e , de mois e n mois, l'aveu si pnible de ses sacrilges, c o n t i n u a n t , du reste, ses confessions et ses c o m m u n i o n s , p a r un misrable respect h u m a i n . Bourrel de r e m o r d s , il c h e r c h a i t s tourdir en faisant de g r a n d e s pnitences, si b i e n qu'il passait pour u n saint. N'y t e n a n t plus, il e n t r a d a n s UA monastre. L, du m o i n s , se disait-il, je dirai tout, et j'expierai srieusement m e s affreux pchs. P o u r son m a l h e u r , il fut accueilli c o m m e u n petit saint p a r les Suprieurs qui le connaissaient de rputation, et sa h o n t e reprit encore le dessus. Il r e m i t ses aveux p l u s t a r d ; il redoubla ses pnitences, et u n a n , deux a n s , trois a n s

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se passrent dans ce dplorable tat, il n'osait j a m a i s rvler le poids horrible et honteux qui l'accablait. Enfin, une maladie mortelle sembla lui en faciliter le m o y e n , u Pour le coup, se dit-il, je vais tout a v o u e r . Je vais faire une confession gnrale, a v a n t de m o u r i r . Mais l ' a m o u r propre d o m i n a n t toujours le repentir, il entortilla si bien l'aveu de ses fautes, que le confesseur n ' y p u t rien c o m prendre. Il avait u n v a g u e dsir de r e v e n i r l-dessus le lendemain ; m a i s u n accs de dlire s u r v i n t , et le m a l heureux m o u r u t ainsi. Dans la C o m m u n a u t , o l'on i g n o r a i t l'affreuse ralit, on se disait : Si celui-l n'est pas au ciel, qui de n o u s y pourra e n t r e r ? Et l'on faisait t o u c h e r ses m a i n s des croix, des chapelets, des mdailles. Le corps fut porte avec unesorLe de vnration dans l'glise du m o n a s t r e HI resta expos d a n s le c h u r j u s q u ' a u l e n d e m a i n m a t i n o devaient se clbrer les funrailles. Quelques i n s t a n t s a v a n t l'heure lixe pour la c r monie, u n des Frres, envoy pour s o n n e r la cloche, aperut tout coup d e v a n t lui, prs de l'autel, le dfunt environn de c h a n e s qui semblaient rougies au feu, et quelque chose d'incandescent apparaissait d a n s toute sa personne. E p o u v a n t , le pauvre Frre tait t o m b genoux, les yeux fixs sur l'effrayante a p p a r i t i o n . Alors le r p r o u v lui d i t : Ne priez point p o u r m o i . Je suis en lnfer pour toute l'lernit. Et il r a c o n t a la l a m e n t a b l e histoire de sa mauvaise honte et de ses sacrilges, a p r s quoi il disparut, laissant d a n s l'glise une odeur infecte, qui se rpandit d a n s tout le monastre, c o m m e pour a t tester la vrit de tout ce que le Frre v e n a i t de voir et d'entendre. Aussitt avertis, les Suprieurs firent enlever le c a davre, le j u g e a n t indigne de la spulture ecclsiastique.t

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L'KNFBR

La courtisane

de

Naples,

Saint Franois de Girolamo, clbre missionnaire de la Compagnie de Jsus a u c o m m e n c e m e n t du d i x - h u i time sicle, avait t c h a r g de diriger les missions clans le r o y a u m e de Naples. U n j o u r qu'il prchait sur u n e place de Naples, quelques f e m m e s de mauvaise vie, que Tune d'entre elles, n o m m e Catherine, avait r u n i e s , s'efforaient de troubler le s e r m o n p a r leurs c h a n t s et' leurs b r u y a n t e s exclamations, p o u r forcer le Pre se retirer ; m a i s il n'en c o n t i n u a pas moins son discours, sans paratre s'apercevoir de leurs insolences. Quelques temps aprs, il r e v i n t p r c h e r sur la m m e place. Voyant la porte de C a t h e r i n e ferme et t o u t e la maison, o r d i n a i r e m e n t si b r u y a n t e , dans un profond silence : Eh bien ! dit le Saint, qu'est-il donc a r r i v Cat h e r i n e , ? Est-ce que le Pre ne sait p a s ? Hier soir la malheureuse est morte, sans pouvoir p r o n o n c e r u n e parole. Catherine est m o r t e ? reprend le Saint ; elle est morte s u b i t e m e n t ? E n t r o n s et voyons. On ouvre la p o r t e ; le Saint m o n t e l'escalier et e n t r e , suivi de la foule, dans la salle o le cadavre tait tendu terre, sur u n drap, avec q u a t r e cierges, suivant l'usage du pays. Il le regarde quelque temps avec des yeux pouvants ; puis il dit d m e voix solennelle : Catherine, o tes-vous m a i n t e n a n t ? Le cadavre reste m u e t . Le Saint reprit encore : Catherine, dites-moi, o tes-vous m a i n tenant ? Je vous c o m m a n d e de m e dire o vous tes. Alors, au grand saisissement de tout le m o n d e , les yeux du cadavre s'ouvrirent, ses lvres s'agitrent convulsivement, et u n e voix c a v e r n e u s e et profonde r p o n d i t : Dans l'enfer! je suis d a n s l'enfer !

v IL Y 1! A U S < . N N ces mots, la foule des assistants s'enfuit pouvante et le Saint redescendit avec eux, en r p t a n t : Dans, l'enfer ! O D I E U terrible ! Dans l'enfer ! L'avez-vous e n tendue? Dans l'enfer ! L'impression de ce prodige fut si vivo, que bon n o m b r e de ceux qui en furent tmoins n'osrent point r e n t r e r chez eux sans avoir t se confesser. L'ami du comte Orloff\

Dans notre sicle, trois faits du m m e g e n r e , plus authentiques les u u s que les autres, sont p a r v e n u s m a c o n naissance. Le p r e m i e r s'est pass presque dans m a famille. C'tait en Russie, Moscou, peu de t e m p s a v a n t l'horrible c a m p a g n e de 1812. Mon g r a n d - p r e maternel, le comte Rostopchine, g o u v e r n e u r militaire de Moscou, tait fort li avec le gnral comte Orloff, clbre p a r sa b r a voure, m a i s aussi impie qu'il tait b r a v e . Un j o u r , la suile d'un souper fin, arros de copieuses libations, le comte OrlofT et un de ses a m i s , le gnral V.. voltairien c o m m e lui, s'taient mis se m o q u e r affreusement de la toligion et surtout de l'enfer. Et si, p a r hasard, dit Orloff, si p a r hasard il y avait quelque chose do l'autre ct du r i d e a u ? . . . Eh bien ! rpartit le gnral V., celui do n o u s deux qui s'en ira le p r e m i e r r e v i e n dra en a v e r t i r l ' a u l r e . Est-ce c o n v e n u ? E x c e l l e n t e ide ! rpondit le comte Orloff, et tous deux, bien qu' moiti gris, ils se d o n n r e n t trs s r i e u s e m e n t leur parole d'honneur de ne pas m a n q u e r leur e n g a g e m e n t . Quelques semaines plus tard, clata u n e de ces grandesguerres c o m m e Napolon avait le don d'en susciter alors ; l'arme russe e n t r a en c a m p a g n e , et le g n r a l V., r e u t

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L'ENFER

l'ordre de p a r t i r i m m d i a t e m e n t pour p r e n d r e u n c o m mandement important. 11 avait quitt Moscou depuis deux ou trois semaines, lorsqu'un m a t i n , de trs-bonne heure, p e n d a n t que mon grand-pre faisait sa toilette, la porte de sa c h a m b r e s'ouvre b r u s q u e m e n t . C'tait le comte OrlolT, en robe de c h a m b r e , en pantouiles, les c h e v e u x hrisss, l'il hagard, ple c o m m e un m o r t . Quoi ! Orloff, c'est vous ? cette h e u r e ? et d a n s u n costume , p a r e i l ? Qu'avez-vous d o n c ? Qu'est-il arriv ? Mon cher, rpond le c o m t e Orloff, je crois que je deviens fou. Je viens de voir le g n ral V. Le gnral V. ? Il est donc*, r e v e n u ? Eh non ! reprend Orloff, en se j e t a n t sur u n canap et en se pren a n t la tte d e u x m a i n s , n o n , il n'est pas r e v e n u ! et c'est l ce qui m ' p o u v a n t e . Mon grand-pre n'y c o m p r e n a i t rien. Il c h e r c h a i t a. le calmer. Racontez-moi d o n c , lui dit-il, ce qui v o u s est arriv et ce que tout cela veut dire. Alors, s'effornt de d o m i n e r son motion, le c o m t e OrlolT raconta ce qui suit : Mon c h e r Rostopchine, il y a quelque t e m p s , V., cl moi, nous n o u s tions j u r m u t u e l l e m e n t que le p r e m i e r de nous qui mourrait v i e n d r a i t dire l'autre s'il y a quelque chose de Vautre cot du rideau. Or, ce m a t i n , il y a une demi-heure peine, j'tais t r a n q u i l l e m e n t d a n s m o n lit, veill depuis longtemps, ne pensant n u l l e m e n t m o n ami, lorsque tout coup les deux r i d e a u x de njou lit se sont b r u s q u e m e n t ouverts, et je vois, deux pas de moi, le gnral Y., debout, pale, la main droite s u r sa poitrine, m e disant : Il y a u n enfer, et j ' y suis ! et il disparut. Je suis venu vous trouver de suite. Ma tte part ! Quelle chose trange ! Je ne sais que penser ! Mon grand-pre le calma c o m m e il put. Ce n'tait pas1

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chose facile- Il parla d'hallucinations, de c a u c h e m a r s ; peut-tre dormait-il. Il y a bien des choses e x t r a o r d i n a i res, inexplicables ; et a u t r e s banalits de ce g e n r e , qui ^font la consolation des esprits forts. Puis, il fit atteler ses ^chevaux et reconduire le comte Orloff son htel. Or, dix ou douze j o u r s aprs cet t r a n g e incident, un courrier de l'arme apportait m o n g r a n d - p r e , e n t r e autres nouvelles, colle , do la m o r t du gnral V. Le m a t i n mme du j o u r o l e . c o m t e Orloff l a v a i t vu et e n t e n d u , la m m e h e u r e o il lui tait apparu Moscou, l'infortun gnral, sorti pour reconnatre la position de l'ennemi, avait eu la poitrine traverse par un boulet et tait tomb raide m o r t ! . . . Il y a u n e n f e r ; et j ' y suis ! Voil les paroles de quelqu'un qui en est r e v e n u . 1

La Dame au bracelet

(for.

En 1859, je rapportais ce fait un prtre fort distingu, Suprieur d'une i m p o r t a n t e C o m m u n a u t . C'est effrayant, me dit-il, m a i s cela ne m ' t o n n e pas extraordinairement. Les faits de ce g e n r e sont m o i n s rares qu'on ne pense ; seulement on a toujours plus ou m o i n s d'intrt les garder secrets, soit pour l ' h o n n e u r du revenu soit pour l ' h o n n e u r de sa famille. Pour m a part, voici ce que j ' a i su de source c e r t a i n e , il y a deux ou trois ans, d'un trs proche p a r e n t d e l p e r s o n n e qui la chose est arrive. Au m o m e n t o j e vous parle (Nol 1859), cette dame vit e n c o r e ; elle a u n peu plus de q u a r a n t e a n s . Elle tait Londres, d a n s l'hiver de 1847 1848. Elle tait veuve, ge d'environ vingt-neuf a n s , fort m o n daine, fort r i c h e et trs-agrable de visage. P a r m i les lgants qui frquentaient son salon, on r e m a r q u a i t u n

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I/KNFKR

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j e u n e lord, dont les assiduits la c o m p r o m e t t a i e n t singulirement et dont la c o n d u i t e , d ailleurs, n'tait rien moins qu'difiante. Un soir, ou plutt u n e n u i t (car il tait plus de minuit), elle lisait d a n s son lit j e ne sais quel r o m a n , on a t t e n d a n t le sommeil. Une h e u r e vint s o n n e r sa pendule ; elle souffla sa bougie. Mlle allait s ' e n d o r m i r quand, son g r a n d t o n n e m e n t , elle r e m a r q u a q u ' u n e lueur blafarde, t r a n g e , qui paraissait venir de la porte du salon, se r p a n d a i t peu peu dans sa chambre? et a u g m e n t a i t d'instants en instant^. Stupfaite, elle ouvrait de g r a n d s yeux, ne s a c h a n t ce que cela voulait dire. Elle c o m m e n a i t s'effrayer, lorsqu'elle vit s'ouvrir lentem e n t la porte du salon et e n t r e r d a n s sa c h a m b r e le j e u n e lord, complice, de ses dsordres. A v a n t q u e l l e n'et pu lui dire un seul m o t , il tait prs d'elle, il lui saisissait le bras g a u c h e au poignet, et, d'une voix stridente, il lui dit en anglais : Il y a u n enfer ! La douleur qu'elle ressentit au bras fut telle, qu'elle en perdit connaissance. Quant elle revint elle, u n e d e m i - h e u r e a p r s , elle sonna sa femme de c h a m b r e . Colle-ci sentit en e n t r a n t une forte odeur de b r l ; s ' a p p r o c h a n t de sa matresse, qui pouvait peine parler, elle constata au poignet une brlure si profonde, que l'os tait dcouvert et les chairs presque consumes; cette b r l u r e avait la l a r g e u r d'une m a i n d ' h o m m e . De plus, elle r e m a r q u a que de la porte du salon j u s q u ' a u lit, et du lit cette m m e porte, le tapis portait l'empreinte do pas d ' h o m m e , qui avaient brl la t r a m e de p a r t en part. P a r l'ordre de sa matresse, elle ouvrit la porte du salon. Plus de traces s u r les tapis. Le lendemain, la m a l h e u r e u s e d a m e apprit, avec une t e r r e u r facile concevoir, que cette n u i t - l m m e , vers

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une heure du m a l i n , son lord avait t trouv ivre-mort sous la table, que ses serviteurs l'avaient rapport d a n s sa c h a m b r e et qu'il y avait expir e n t r e leurs bras. J'ignore, ajouta le Suprieur, si cette terrible leon a converti tout de bon l'infortune; m a i s ce que je sais, c'est qu'elle vit e n c o r e ; seulement, pour drober aux regards les traces de sa sinistre brlure, elle porte au p o i g n e t gauche, en guise de bracelet, u n e large b a n d e d'or, qu'elle ne quitte n i j o u r ni n u i t . Je le rpte, je tiens tous ces dtails de son p r o c h e parent, chrtien srieux, la parole duquel j ' a t t a c h e la foi la plus entire. Dans la famille m m e , on n'en p a r l e j a m a i s ; et m o i - m m e je ne vous les confie q u ' e n taisant tout nom propre. Malgr le voile d o n t cette apparition a t et a du tre enveloppe, il me paraitimpossible d'en rvoquer en doute la redoutable a u t h e n t i c i t . A. coup sur, ce n'est pas la dame au bracelet qui a u r a i t besoin qu'on v i n t lui p r o u v e r qu'il y a v r a i m e n t un enfer. La fille perdue de Home, En l'anne 1873, quelques j o u r s a v a n t l'Assomption, eut lieu Rome u n e de ces terribles apparitions d'o Iretombe qui corroborent si efficacement la vrit de l'enfer. Dans une de ces maisons mal fames que l'invasion sacrilge du d o m a i n e temporel du Pape a fait ouvrir Rome en tant de lieux, u n e m a l h e u r e u s e fille s'tant blesse la m a i n , d u t tre transporte l'hpital de la Consolation. Soit que son s a n g vici p a r l'inconduite et amen u n e dgnrescence de la plaie, soit cause d ' u n e complication i n a t t e n d u e , elle m o u r u t s u b i t e m e n t p e n d a n t la nuit.

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/ENFER

Au m m e moment, une de ses compagnes, qui i g n o r a i t c e r t a i n e m e n t ce qui venait de se passer l'hpital, *s'est mise pousser des cris dsesprs, au point d'veiller les h a b i t a n t s du quartier, de m e t t r e en moi les misrables cratures de cette maison, et de provoquer l'intervention de la police. La morte de l'hpital lui tait a p p a r u e entoure de flammes, et lui avait dit : Je suis d a m n e ; et, si tu ne v e u x pas l'tre c o m m e moi, sors de ce lieu d'infamie, et reviens D I E U que tu as a b a n d o n n . Rien n'a pu calmer le dsespoir .^t la terreur de cette fille qui, ds l'aube du j o u r , s'loigna, laissant toute la maison plonge dans la stupeur ds qu'on y sut la m o r t de celle de l'hpital. Sur ces entrefaites, la matresse du lieu, u n e Garibaldienne exalte, et c o n n u e pour telle parmi ses frres et amis, tomba malade. Elle lit d e m a n d e r bientt le c u r de l'glise voisine, Saint-Julien des Bandti. A v a n t de se rendre dans une pareille maison, le vnrable p r t r e consulta l'autorit ecclsiastique, laquelle dlgua cet effet un digne Prlat, Mgr Sirolli, cur de la paroisse de SaintSauveur in Latf.ro. Celui-ci, m u n i d'instructions spciales, se p r s e n t a et exigea a v a n t tout de la m a l a d e , en prsence-de plusieurs tmoins, la pleine et entire rtraction des scandales de sa vie, de ses blasphmes c o n t r e l'autorit du SouverainPontife, et de tout le mal qu'elle avait fait aux a u t r e s . La m a l h e u r e u s e le fit sans hsiter, se confessa et r e u t le Saint-Viatique avec de g r a n d s s e n t i m e n t s de r e p e n t i r et d'humilit. Se sentant mourir, elle supplia avec larmes le bon c u r de ne pas l'abandonner, pouvante qu'elle tait toujours de ce qui s'tait pass sous ses yeux. Mais la n u i t a p p r o chait, et Mgr Sirolli, partag entre la charit qui lui disait

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de rester et les c o n v e n a n c e s qui lui faisaient un devoir de ne point passer la nuit en un tel lieu, (il d e m a n d e r la -police deux agents, qui vinrent, fermrent la maison, et demeurrent j u s q u ' ce que l'agonisante et r e n d u le dernier soupir. Tout Rome c o n n u t bientt les dtails de ces tragiques vnements. Comme toujours, les impies el. les libertins s'en m o q u r e n t , se g a r d a n t bien d'aller a u x r e n s e i g n e ments; les bons en profitrent pour devenir meilleurs et plus fidles encore leur devoirs. Devant de pareils faits, dont la liste pourrait peut-cUre s'allonger beaucoup, j e d e m a n d e au lecteur de bonne loi s'il est raisonnable de rpter, avec la foule des tourdis, la fameuse phrase strotype : S'il y a v r a i m e n t u n enfer, c o m m e n t se fait-il que p e r s o n n e n'en soit j a m a i s revenu ? Mais lors m m e qu' tort ou raison l'on ne voudrait point admettre les faits, si a u t h e n t i q u e s c e p e n d a n t , que j e viens de rapporter, la certitude absolue de l'existence de l'enfer n'en resterait pas m o i n s i n b r a n l a b l e . En effet, notre foi l'enfer ne repose pas sur ces prodiges, qui n e sont pas de foi, m a i s sur les raisons de bon sens que n o u s exposions tout l'heure, et par-dessus tout, sur le tmoignage divin, infaillible, de J K S U S - G T R I S T , de ses Prophtes et de ses Aptres, ainsi que s u r r e n s e i g n e m e n t formel, invariable, inviolable, do l'Eglise c a t h o l i q u e . Les prodiges peuvent corroborer notre foi et la raviver ; ol voil pourquoi nous avons cru devoir en citer ici qnelquos-uus, trs-capables d f o r m e r la bouche ceux qui osent d i r e : Il n ' y a pas d'enfer : de confirmer dans la foi ceux qui seraient tents de se dire : Y a-t-il un enfer ? et enfin, de consoler et d'clairer d a v a n t a g e

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L'ENFER

encore les bous fidles qui disent avec l'Eglise: 11* y a un enfer.

Pourquoi tant de gens s'efforcent de nier l'existence d'un enfer.

D'abord, c'est que la plupart d'entre e u x y sont trop directement intresss. Les voleurs, s'ils le pouvaient, dtruiraient la g e n d a r merie ; de m m e , tous les g e n s qui s e n t e n t le fagot sont toujours disposs faire le possible et l'impossible pour se persuader qu'il n ' y a pas d'enfer, s u r t o u t pas d'enfer de feu. Ils sentent que, s'il y on a u n , c'est pour eux. Ils font c o m m e les poltrons, qui c h a n t e n t tue-tte d a n s la n u i t noire, afin de s'tourdir et de no pas trop sentir la peur qui les travaille. P o u r se d o n n e r encore plus de courage, ils t a c h e n t de persuader aux autres qu'il n ' y a pas d'enfer ; ils l'crivent dans leurs livres plus ou m o i n s scientifiques et philosophiques ; ils le rptent en h a u t et en bas, s u r tous les tons, se m o n t a n t ainsi les uns les autres ; et, g r c e ce bruyant concert, ils finissent p a r croire que p e r s o n n e n'y croit plus, et que p a r c o n s q u e n t ils ont le droit de n'y plus croire eux-mmes. Tels furent, au dernier sicle, presque tous les chefs de l'incrdulit voltairienne. Ils avaient tabli p a r A plus B qu'il n'y avait ni D I E U , n i P a r a d i s , ni enfer ; ils taient srs de leur fait. Et c e p e n d a n t l'histoire est l qui nous les m o n t r e tous, les u n s a p r s les autres, saisis d'une affreuse panique au m o m e n t de la mort, se r t r a c t a n t , se

S'IL V FiN A 'N

confessant, d e m a n d a n t pardon D I K I ; et aux h o m m e s . L'un d'eux, Diderot, crivait aprs la m o r t de d ' A l e m b e r t : Si je n'avais t l, il a u r a i t fait le plongeon comme tous les autres. Et, m m e pour celui-l, peu s'en tait fallu, car il avait d e m a n d un prtre. Chacun sait c o m m e n t Voltaire, au lit de la mort, avait deux ou trois fois insist pour qu'on allt lui c h e r c h e r le cur de Saint-Sulpice ; ses acolytes l ' e n t o u r r e n t si bien, que le prtre ne p u t p n t r e r jusqu'au vieux m o r i b o n d , qui expira dans u n accs de rage et de dsespoir. On voit encore, P a r i s , la c h a m b r e o se passa cette scne tragique. Ceux qui crient le plus fort contre l'enfer, y croient souvent aussi bien que n o u s . Au m o m e n t de la m o r t le masque tombe, et l'on voit ce qu'il y avait dessous. N'coutons point les r a i s o n n e m e n t s p a r trop intresss que leur dicte la p e u r . Bn second lieu, c'est la corruption du c u r qui fait nier l'existence de l'enfer. Quand on ne v e u t pas quitter la vie mauvaise qui y mne , tout droit, o u e s t toujours port dire, sinon croire, qu'il n'existe p a s . Voici un h o m m e d o n t le cur, l ' i m a g i n a t i o n , les sens, les habitudes de c h a q u e j o u r sont e m p o i g n s , absorbs par un a m o u r coupable. 11 s'y livre tout entier ; il y sacrifie tout : allez d o n c lui parler de l'enfer ! Vous parlez un sourd. Et si parfois, travers les cris de la passion, la voix de la conscience et de la foi se fait e n t e n d r e , aussitt il lui impose silence, ne v o u l a n t pas plus e n t e n d r e la vrit au dedans q u ' a u dehors. Essayez de parler de l'enfer ces j e u n e s libertins q u i peuplent la p l u p a r t de nos lyces, de nos ateliers, de n o s usines, de nos casernes : ils vous r p o u d r o n t p a r des frmissements de colre et des r i c a n e m e n t s diaboliques, p l u s1

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/ttNFKU

puissants chez eux que tous les a r g u m e n t s de la foi et du bon sens. Us ne veulent pas qu'il y ait d'enfer. J ' e n v o y a i s un. n a g u r e , qu'un reste de foi m ' a v a i t ram e n . Je l'exhortais de m o n m i e u x ne pas se dshonorer l u i - m m e c o m m e il le faisait, vivre en c h r t i e n , en h o m m e , et non pas en hte. Tout cela est bel et bon, m e rpondait-il, et peut-tre est-ce vrai ; m a i s ce que j e sais, c'est que, quand cela m e prend, je deviens c o m m e fou ; j e n ' e n t e n d s plus rien, j e ne vois plus r i e n , il n ' y a pas de D I E U ni d'enfer qui tienne. S'il y a u n enfer, eh bien j ' i r a i ; cela m'est gal- Et j e ne l'ai plus revu. Et les avares ? et les u s u r i e r s ? et les voleurs? Que d'arg u m e n t s irrsistibles ils t r o u v e n t dans leurs coffre-forts contre l'existence de l'enfer ! Rendre ce qu'ils ont pris ! lcher leur or et leurs cus ! P l u t t mille m o r t s ; plutt l'enfer, si tant est qu'il y en ait u n . On me citait un vieil usurier n o r m a n d , p r t e u r la petite s e m a i n e , qui, m m e en face de la m o r t , n e p u t se rsoudre l c h e r prise. Il avait consenti, on ne sait c o m m e n t , restituer telles et telles sommes assez r o n d e s ; il ne s'agissait plus que de restituer encore h u i t francs c i n q u a n t e c e n t i m e s : j a m a i s le cur ne p u t l'obtenir. Le m a l h e u r e u x m o u r u t sans s a c r e m e n t s . Pour son c u r d'avare, u n e misrable s o m m e de h u i t francs c i n q u a n t e suffisait pour faire disparatre l'enfer. Il en est de m m e de toutes les passions violentes : ,de la haine, de la vengeance, de l'ambition, de certaines exaltations de l'orgueil. Elles ne veulent pas e n t e n d r e parler de l'enfer. Pour en nier l'existence, elles m e t t e n t tout en jeu et rien ne leur conte. Tous ces gens-l, quand on les met au pied du m u r , au moyen de quelqu'une de ces grosses raisons de bon sens que nous avons rsumes plus h a u t , ils se r e j e t t e n t s u r les

H'IL Y KN A UN

morts, esprant p a r l a c h a p p e r a u x vivants.. Ils s'imaginent et ils disent qu'il croiraient l'enfer si quelque mort ressussitait d e v a n t eux, et leur affirmait qu'il y en a v r a i m e n t u n . P u r e s illusions, que Notre-Seigneur J S U S CHRIST s'est d o n n l u i - m m e la peine de dissiper, c o m m e nous allons le voir.

Que l'on ne croirait pas d'avantage un enfer si les morts revenaient plus souvent.

Un jour, Notre-Seigneur passait J r u s a l e m , non loin d'une maison dont on voit encore a u j o u r d ' h u i les fondements, et oui a v a i t a p p a r t e n u u n j e u n e pharisien, fort riche, n o m m Nicence. Celui-ci tait m o r t depuis pou de temps. Sans le n o m m e r , Notre-Seigneur p r i t occasion de ce qui s'tait pass l pour instruire ses disciples, ainsi que la multitude qui le suivait. Il y avait, dit-il, un h o m m e qui tait r i c h e , qui tait vtu de pourpre et de lin, et qui c h a q u e j o u r faisait de splondides repas. A sa porte gisait un p a u v r e m a u d i a n l appel Lazare,, couvert d'ulcres, qui eut bien voulu se' rassasier des miettes tombes de la table du riche ; niais personne ne les lui dounait. Or, il arriva que le p a u v r e m o u r u t ; et il fui port p a r les Anges dans le sein d'Abraham (c'est--dire d a n s le Paradis). Le riche, m o u r u t son tour ; et il fut enseveli dans Fenfer. Et l, du milieu de ses t o u r m e n t s , a y a n t lev les y e u x , il aperut au loin A b r a h a m , et Lazare d a n s son sein. Et il se m i t a crier, et d i r e : A b r a h a m , m o n pre, ayez

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I/KNFER

piti do moi,el envoyez Lazare t r e m p e r le bout de son doigt dans l'eau, pour qu'il m e rafrachisse, quelque peu la l a n g u e ; car je souffre c r u e l l e m e n t dans cotte l l a m m e . Mon Ris, lui rpondit A b r a h a m , souviens-loi que, p e n d a n t la vie, lu as eu en partage les jouissances, et Lazare, les souffrances. Maintenant il est consol, el toi tu souffres. Du moins, rpliqua l'autre, envoyez-le, j e vous prie, dans la maison de, m o n pre; car j ' a i cinq f r r e s ; et il leur dira ce que Ton souffre ici, afin qu'ils ne t o m b e n t pas, c o m m e moi, dans ce lieu de t o u r m e n t s . El A b r a h a m lui r p o n d i t : Ils ont Mose et les P r o p h t e s ; qu'ils les coutent. Non, mon pre, rpliqua le r p r o u v ; cola no suffit pas. Mais s'ils voient v e n i r quelqu'un d'entre les morts, alors ils feront p n i t e n c e . Et Abraham lui d i t : S'ils n ' c o u t e n t pas Mose et les Prophtes, ils ne croiront pas da.vanla.ge la parole d'un h o m m e qui serait revenu d ' e n t r e les m o r t s . Celle grave parole du Fils de DIKTJ est la rponse anticipe toutes les illusions des gens qui, pour croire l'enfer el pour se convertir, d e m a n d e n t des r s u r r e c t i o n s et des miracles. Ls miracles de toute n a t u r e abonderaient autour d'eux, qu'ils ne croiraient pas d a v a n t a g e . Tmoins les Juifs qui, la vue de tous les m i r a c l e s du Sauveur, et en particulier de la rsurrection de Lazare, Bthauie, ne tirent point de l d'autre conclusion que celle-ci : Que faire? Voici que tout le m o n d e c o u r t aprs lui. Tuons-le. Et, plus tard, d e v a n t les m i r a c l e s quotidiens, publics, a b s o l u m e n t incontestables de saint Pierre et des autres Aptres, ils disent de m m e : Ces h o m m e s font des miracles, et nous ne pouvons les nier. Faisons-les arrter, et dfendons-leur de p r c h e r d a v a n t a g e le nom de J S U S . Voil ce que p r o d u i s e n t d ' h a b i t u d e les mi-

S'IL Y KN A UN

il

racles et les rsurrections de m o r t s chez les gens d o n t l'esprit et le c u r sont c o r r o m p u s . . Combien de fois n'a-l-on pas rpt l'aveu v r i t a b l e m e n t renversant chapp Diderot, l'un des i m p i e s les plus effronts du dernier s i c l e : Lors m m e que tout P a r i s , disait-il un jour, v i e n d r a i t m'affirmer avoir vu ressusciter un mort, j ' a i m e r a i s m i e u x croire que tout P a r i s est devenu fou, plutt que d'admettre un m i r a c l e . Je le sais, m m e p a r m i les plus m a u v a i s , il y en a peu de cette force-l mais, au fond, les t e n d a n c e s sont les mmes ; il y a les m m e s partis pris ; et si un reste de bon sens empoche de profrer de pareilles absurdits, en pratique on n'en fait ni plus ni moins. Savez-vous ce qu'il faut faire pour n ' a v o i r pas de peine . croire , l'enfer? 11 faut vivre de telle sorte qu'on n'ait point trop le craindre-*. Voyez les vrais c h r t i e n s , les chrtiens chastes, consciencieux, fidles A tous leurs devoirs: leur vient-il j a m a i s l'ide de douter de l'enfer? Les doutes v i e n n e n t du cur, bien plus que* de l'intelligence ; et, sauf de trs rares exceptions, dues l'orgueil de la demi-science, l'homme qui m n e u n e vie tant soit peu correcte, n'prouve pas le m o i n d r e besoin de dblatrer contre l'existence d'un enfer.

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IICE QU'EST L'ENFKK

Des ides fausses et superstitieuses au sujet de l'enfer.Avant tout, cartons avec soin les i m a g i n a t i o n s populaires et superstitieuses qui altrent eu tant d'esprits la notion vritable et catholique de r e n i e r . On se forge un enfer de fantaisie, un enfer ridicule, et Von d i t : .Je ne

croirai jamais cela. C'est absurde, impossible. Non,je ne crois pas, je ne puis pas croire Tenter. En effet si l'enfer tait ce que rvent q u a n t i t de bonnes femmes, vous auriez c e n t fois, mille fois raison de n'y point croire. Toutes ces inventions sont dignes de figurer ct de ces contes fantastiques dont on berce trop souvent l'imagination du vulgaire. Ce n'est pas l le moins du monde ce qu'enseigne l'Eglise: et si parfois, afin de frapper d a v a n t a g e , les esprits, quelques a u t e u r s ou prdicateurs ont cru pouvoir les employer, leur bonne

intention n'empche pas qu'ils

aient

eu grand

tort,

vu qu'il n'est permis personne de travestir la vrit et de l'exposer la drision des gens senss, sous prtexte de faire peur aux bonnes gens pour mieux les convertir. Je le sais, o u e s t quelquefois g r a n d e m e n t embarrass lorsqu'il s'agit de faire c o m p r e n d r e aux multitudes les terribles chtiments de l'enfer; et c o m m e la plupart des gens ont besoin de reprsentations matrielles pour

CE

Q U E C'EST

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-concevoir ics choses plus leves, il est quasi ncessaire depurici* de l'enfer ci, du supplico des d a m n s d'une manire figure. Mais il osi fori diifcile de I faire, avec * mesure ; et trs souvent, je le rpte, avec les plus excellentes intentions, on t o m b e dans l'impossible, pour ne pas dire dans le grotesque., Non, l'enfer n'est point cela. 11 est bien a u t r e m e n t grand, bien a u t r e m e n t redoutable. Nous allons le voir.

Que renfer consiste avant tout dans l'pouvantable peine de la damnation.

La damnation est la sparation totale d'avec D I E U . Un damn est une crature totalement et dfinitivement prive de son D I E U . C'est Notre-Seigneur lui-mme qui nous signale la damnation c o m m e la peine, premire et d o m i n a n t e des rprouvs. Vous vous rappelez les ternies de In sentence qu'il prononcera contre eux au j u g e m e n t d e r n i e r et que nous rapportions tout l ' h e u r e : Retirez-vous de moi. maudit s. et allez dans le feu ternel qui a t prpar pour le dmon et pour ses anges, Voyez: la premire parole do la sentence du souverain Juge, qui nous fait c o m p r e n d r e le p r e m i e r caractre de l'eu Ter. c'est la sepa.ra.tion de D I E U , c'est la privation de D I E U , c'est la maldiction de D I E U ; en d'autres termes, la damnation ou rprobation. La lgret de l'esprit et le m a n q u e de foi vive nous empchent de c o m p r e n d r e en cette vie tout ce que la damnation contient d'horreurs, d'pouvantes et de dsespoirs. Nous s o m m e s faits pour le bon D I E U , et pour lui

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U'KNKKR

seul. Nous sommes faits pour D I E U , c o m m e l'il est fait pour la lumire, c o m m e le c u r est fait pour l'amour. Au milieu des mille, proccupations de ce m o n d e , nous ne le sentons pour ainsi dire pas, el nous sommes dtournes de D I K U , notre unique fin dernire, par tout ce qui nous entoure, par Loul. ce que nous voyons, e n t e n d o n s , souffrons et aimons. Mais, aprs la mort, la vrit reprend tous ses droits; c h a c u n de nous se trouve c o m m e seul seul devant son D I E U , devant Celui p a r qui et pour qui il est fait, qui seul doit tre et peut tre sa vie. son b o n h e u r , son repos, sa joie, son amour, son tout, Or, vous figurez-vous ce que peut tre l'tat d'un h o m m e qui m a n q u e tout coup, absolument et totalement, sa vie, sa lumire, son b o n h e u r , son a m o u r , en un mot, ce qui est tout pour lui? Concevez-vous ce. vide subit, absolu, dans lequel s'abme un tre fait pour a i m e r et pour possder Celui-l m m e d o n t il se voit priv? Un Religieux de la c o m p a g n i e de Jsus, le P. Surin, que ses vertus, sa science et ses m a l h e u r s ont rendu clbre au dix-septime sicle, a ressenti p e n d a n t prs de v i n g t a n s les angoisses de cet affreux tat. Pour arracher une pauvre et sainte Religieuse la possession du dmon, lequel avait rsist trois longs mois d'exorcismes, do prires et d'austrits, le charitable Pre avait pouss l'hrosme jusqu' s'offrir lui-mme en v i c t i m e , si la misricorde divine daignait enfin exaucer ses v u x et dlivrer l'infortune crature. Il fut exauce; et Notre-Seigneur p e r m i t , pour la sanctification de son serviteur, que le d m o n prit aussitt possession de son corps et le tourm e n t t p e n d a n t de longues a n n e s . Rien de plus authentique que les faits t r a n g e s , publics, qui s i g n a l r e n t cette possession du pauvre P. Surin, et qu'il serait trop long de

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rapporter ici. Apres sa dlivrance, il recueillit, dans un crit qui nous a L conserv ce qu'il se rappelait de cet tat surnaturel, o le d m o n , s'emparant matriellemeut, pour ainsi dire, d(* ses facults et de ses sens, lui faisait ressentir une partit de ses propres impressions et de son dsespoir de l'prouv. Il me semblait, dit-il. que tout mon tre, que toutes les puissances de m o n Ame et de mon corps se p o r t a i e n t avec une v h m e n c e inexprimable vers le Seigneur mon DIEU, que je voyais tre mon suprme bonheur, mon bien infini, l'unique objet de m o u existence; et en m m e t e m p s je sentais une force irrsistible qui m ' a r r a c h a i t A lui, qui me retenait loin de lui; de sorio que, fait pour vivre, j e me voyais, je m e sentais priv de Celui qui est la V i e ; fait pour la A rit et la lumire, je me voyais absolument repouss par la lumire et la v r i t ; fait pour aimer, j'tais sans a m o u r , j ' t a i s repouss par l'amour ; fait p o u r le bien, j'tais plong d a n s l'abme du m a l . Je ne saurais, ajouta-t-il, c o m p a r e r les angoisses et les dsespoirs de cette inexprimable dtresse qu' l'tal d'une flche v i g o u r e u s e m e n t lance vers un but d'o la repousse i n c e s s a m m e n t une force i n v i n c i b l e : irrsistiblement porte en avant, elle est toujours et i n v i n c i b l e ment repousse en arrire. Et ce n'est l qu'un bien ple symbole de cette affreuse ralit qui s'appelle la. d a m n a t i o n . La damnation est ncessairement a c c o m p a g n e du d sespoir. C'est ce dsespoir que Notre-Seigneur appelle d a n s l'Evangile le ver ; qui ronge les d a m n s . Tout v a u t > mieux, nous rple-l-il. que d'aller d a n s cette prison de feu, o le ver des rprouvs ne m e u r t point, ubi vermis eorum non mon'tur.

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I/KNFER

Ce ver des d a m n s , c'est le remords, c'est le dsespoir. Il est appel ver, parer que. dans l'Ame pcheresse et -damne, il nat de la corruption du pch, c o m m e dans les cadavres les vers corporels naissent de la corruption de la chair. Et. encore ici n o u s ne p o u v o n s n o u s faire qu'une faible ide de ce que sont ce r e m o r d s et ce dsespoir ; en ce monde, o rien n'est parfait, le mal est toujours ml de bien, et le bien ml de quelque m a l ; quelque violents que puissent tre ici-bas nos dsespoirs et nos remords, ils sont toujours temprs par certaines esprances et aussi par l'impossibilit de supporter la soufr a n c e lorsqu'elle dpasse u n e certaine m e s u r e . Mais, dans l'ternit, tout est parfait : si Ton peut parler ainsi, le mal -est c o m m e le bien, parfait, s a n s m l a n g e , s a n s espoir ni possibilit de mitigation, c o m m e nous l'expliquerons plus loin. Le r e m o r d s et le dsespoir des d a m n s seront complets, irrvocables, irrmdiables, sans l'ombre d'un adoucissement, sans la possibilit d'un a d o u c i s s e m e n t ; aussi absolus que possible, c a r le mal absolu n'existe pas. Vous figurez-vous c o q u e peut tre cet tat de dsespoir priv de toute lueur d'esprance? El cette pense si dsolante : .le m e suis perdu plaisir, et perdu tout j a m a i s , pour des riens, pour des bagatelles d'un i n s t a n t ! Il m ' e t t si faeilede m e s a u v e r ternellement, c o m m e t a n t d'autres ! A la vue des Bienheureux, dit l'Ecriture Sainte, les damns seront saisis d'une terreur p o u v a n t a b l e ; et, dans leurs angoisses, ils s'crieront eu g m i s s a n t : Doue, nous nous s o m m e s t r o m p s ! Ergo o.rrammm! Nous avons err hors de la voie vritable. Nous nous s o m m e s puiss dans les voies de l'iniquit et de la perdition; nous a v o n s mconnu la voie du Seigneur. A quoi nous ont servi et notre orgueil, et nos richesses, et nos plaisirs? T o u t a pass comme une o m b r e ; et nous voici perdus, engloutis dans

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notre perversit! Et l'crivain sacr ajoute ce que nous avons rapport plus h a u t : Voil ce que (lisent clans 1-cnfer les pcheurs.rprouvs. Au dsespoir ils j o i n d r o n t Ja haine, cet a u t r e fruit de la maldiction: Retirez-vous de moi, m a u d i t s ! Et quelle haine! La. haine de. DIEU! La, haine parfaite du du Bien infini, de la Vrit infinie, de l'ternel A m o u r , de la Bont, de la Beaut, de la. Paix, de la Sagesse, de Ja Perfection infinie, ternelle! Haine implacable et sata* nique, haine surnaturelle, qui, chez le d a m n , absorbe toutes les puissances de l'esprit et du c u r . Le d a m n ne pourrait h a r sou D I E U s'il lui tait d o n n , coiiunc aux Bienheureux, de le voir en l u i - m m e , avec toutes ses perfections et ses i n n a r r a b l e s splendeurs. Mais ce n'est point ainsi que dans l'enfer on voit D I E U ; les rprouvs ne le voient plus que dans les terribles effets de sa justice, c'est--dire clans leurs c h t i m e n t s ; ils hassent D I E U , c o m m e ils hassent les c h t i m e n t s qu'ils endurent-, c o m m e ils hassent la d a m n a t i o n , c o m m e ils hassent la maldiction. Au dernier sicle, Messine, un saint p r t r e exorcisait un possd et d e m a n d a i t au dmon : Qui e s - t u ? Je suis l'tre qui n ' a i m e point DIEU, r p o n d i t le mauvais Esprit. Et Paris, d a n s u n autre exorcisme, le m i n i s t r e do DIEU d e m a n d a n t au d m o n : O es-tu? celui-ci rpondit avec f u r e u r : Aux enfers, pour toujours! Voudrais-tu tre a n a n t i ? Non, afin de pouvoir har DIEU toujours, D Ainsi p o u r r a i t parler c h a c u n des d a m n s . Ils hassent ternellement Celui-l m m e qu'ils devaient ternellement aimer. Mais, dit-on quelquefois. DIEU est la bont m m e . Comment voulez-vous qu'il me d a m n e ? Aussi n'est-ce

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L'JSNFER

pas D I E U qui d a m n e ; c'est le p c h e u r qui se d a m n e luim m e . Dans le terrible fait de la d a m n a t i o n , ce n'est point la bont do D I E U qui est en cause, mais u n i q u e m e n t sa saintet et sa justice. D I E U est aussi saint qu'il est bon; et sa justice est aussi infinie d a n s l'enfer que sa misricorde et sa bont sont infinies d a n s le Paradis. N'offensez point la saintet de D I E U , et vous tes sur de n ' t r e point d a m n . Le d a m n n'a que ce qu'il a choisi, ce qu'il a choisi l i b r e m e n t et m a l g r toutes les grces de sou D I E U . 11 a choisi le mal : il a le m a l ; or, d a n s l'ternit, le mal s'appelle l'enfer. S'il avait choisi le bien, il a u r a i t le bien, il l'aurait ternellement. Tout cela est parfaitement logique; et ici, c o m m e toujours, la foi s'accorde merveilleusement avec la droite raison et l'quit. Donc, p r e m i e r caractre de l'enfer, p r e m i e r l m e n t de cette horrible ralit qui s'appelle l'enfer: la, d a m n a t i o n , avec la maldiction divine, avec le dsespoir, avec la hainede DIEU.

Que l'enfer consiste en second lieu dans la peine horrible du feu.Il y a du feu en enfer ; ceci est de foi rvle. Rappelez-vous les paroles si claires, si prcises, si formelles du Fils de D I E U : Retirez-vous de moi, m a u d i t s , d a n s le feu, in gnem... Dans la prison de feu, le feu ne s'teindra j a m a i s . . . Le Fils de l ' h o m m e e n v e r r a ses A n g e s , et ils saisiront ceux qui a u r o n t fait le mal, pour les j e t e r dans la fournaise; de feu, in raminum ignis. Paroles divines, infaillibles, qu'ont rptes les Aptres, et qui sont la base d e r e n s e i g n e m e n t d e l'Eglise. Dans l'enfer, les damns souffrent la peine du feu.

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Nous lisons dans l'histoire ecclsiastique que deux j e u n e s gens qui suivaient, au troisime sicle, les cours de la clbre cole d'Alexandrie, en Egypte, t a n t u n j o u r entrs dans une glise o un prtre p r c h a i t s u r le feu d'enfer, l'un d'eux s'en m o q u a , tandis que l'autre, m u de crainte et de repentir, se converti!, et, peu de t e m p s aprs, se fit Religieux pour mieux assurer son salut. A quelque temps de l, le p r e m i e r m o u r u t s u b i t e m e n t . D I E U p e r m i t qu'il apparut son a n c i e n c o m p a g n o n , qui il dit : l'Eglise prche la vrit quand elle p r c h e le feu ternel de l'enfer. Les prtres n ' o n t qu'un tort, c'est d'en dire c e n t fois moins qu'il n ' y en a.

Le feu de Venfer est surnaturel

et

incomprhensible.

Hlas! c o m m e n t , s u r la terre, e x p r i m e r et m m e concevoir les g r a n d e s ralits ternelles ? Les prtres ont beau faire,, leur esprit et leur parole flchissent sous ce poids. S'il est dit du ciel : L'il n'a point vu, l'oreille n ' a p o i n t entendu, l'esprit de l ' h o m m e ne saurait c o m p r e n d r e ce que D I E U rserve ceux qui l'aiment, on peut g a l e ment, et au n o m de la justice infinie, dire de l ' e n f e r : Non, l'il de l ' h o m m e n ' a point vu, son oreille n ' a point entendu, son esprit n'a j a m a i s pu et ne p o u r r a j a m a i s concevoir ce que la justice de D I E U rserve aux p c h e u r s impnitents. Je souffre, je souffre cuelloment d a n s cette flamme ! s'criait du fond de l'enfer le mauvais r i c h e de l'Evangile. Pour saisir la porte de cette p r e m i r e parole du rprouv : Je souffre ! Crucior! il faudrait pouvoir saisir la porte de la seconde : Dans cette flamme, in hac flamma. Le feu de ce m o n d e est imparfait c o m m e tout ce qui est 4

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L'ENFER

de ce m o n d e , et nos flammes matrielles n e sont, m a l g r leur puissance effroyable, q u ' u n misrable symbole de ces flammes ternelles, dont parle l'Evangile. Est-il possible d'exprimer, sans rester bien au-dessous de la vrit, l'horreur de la souffrance q u ' p r o u v e r a i t u n h o m m e qui serait, mmo pour quelques m i n u t e s seulement, j e t dans une fournaise ardente, en supposant qu'il y puisse vivre ? Est-ce possible, je vous le d e m a n d e ? E v i d e m m e n t non. Que dire donc de ce feu tout s u r n a t u r e l , de ce feu ternel, dont les h o r r e u r s ne p e u v e n t se c o m p a r e r rien ? Nanmoins, c o m m e nous s o m m e s d a n s le t e m p s et non dans l'ternit, il nous faut nous servir des petites ralits de ce m o n d e , tout infirmes et imparfaites qu'elles sont, p o u r nous lever un peu a u x ralits invisibles et immenses de l'autre vie. II faut p a r la considration de l'indicible souffrance que fait e n d u r e r ici-bas le feu terrestre, nous pouvanter n o u s - m m e s , afin de ne point tomber d a n s les abmes du feu de r e n i e r .

Le P. de Bussy

et le jeune

libertin.

C'est ce que voulut u n j o u r faire t o u c h e r du doigt un j e u n e libertin u n saint m i s s i o n n a i r e du c o m m e n c e m e n t de ce sicle, clbre d a n s toute la F r a n c e p a r son zle d'aptre, son loquence et ses vertus, et un peu aussi par ses originalits. Le P. de Bussy donnait, d a n s je ne sais quelle grande ville du Midi, une i m p o r t a n t e mission, qui b r a n l a i t toute la population. C'tait au c u r de l'hiver; on a p p r o c h a i t de Nol, et il faisait grand froid. Dans la c h a m b r e o le Pre recevait les h o m m e s , il y a v a i t u n pole avec u n bon feu. Un jour, le Pre vit a r r i v e r u n j e u n e h o m m e qu'on lui

CB Q U E C'EST

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avait r e c o m m a n d cause de ses dsordres et de ses fanfaronnades d'impit. Lu P. de Bussy s'aperut bientt qu'il n'y avait rien faire a vue lui. Venez , m o n bon ami, lui dit-il g a i e m e n t , n'ayez pas peur, j e ne confesse pas les gens m a l g r eux. Tenez, asseyez-vous l, et faisons un peu la causette en nous cha/uffant. 11 o u v r i t l c pole et s'aparcevaul que le bois allait bientt tre c o n s u m e : Avant de vous asseoir, apportez-moi d o n c u n e ou deux bches, dit-il au j e u n e h o m m e . Celui-ci, un peu t o n n , fit cependant ce que le Pre d e m a n d a i t . M a i n t e n a n t , ajouta celui-ci, mettez-moi a dans In pole, l, bien a u fond. Et c o m m e l'autre entrait le bois d a n s la porte du pole, le. P. de Bussy lui prit tout c o u p le b r a s et le lui enfona jusqu'au fond. Le j e u n e h o m m e poussa un cri et sauta en arrire. Ah a ! s'crie-t-il, est-ce que vous tes fou ? Vous alliez m e brler ! ( J u a v e z - v o n s donc, m o u c h e r ? reprit le P r e t r a n q u i l l e m e n t , est-ce qu'il n e faut pas vous y h a b i t u e r ? Dans l'enfer, o vous irez si vous continuez vivre c o m m e vous vivez, ce ne sera p a s seulement le bout des doigts qui brlera d a n s le feu, m a i s tout votre corps ; et ce petit feu n'est rien en c o m p a r a i s o n de l'autre. Allons, allons, m o n bon a m i , du couraere ; il faut s'habituer tout. Et il A'oulul lui r e p r e n d r e le bras. L'autre rsista, c o m m e ou le pense bien. Mon p a u v r e enfant, lui dit alors le P. de Bussy en c h a n g e a n t de ton, richissez-y donc un peu ; tout ne vaut-il pas m i e u x que d'aller brler t e r n e l l e m e n t en e n f e r ? Et les sacrifices que le bon D I K U V O U S d e m a n d e pour vous faire viter un si effroyable supplice, ne sont-ils pas eu ralit bien peu de chose ? Le j e u n e libertin s'en alla pensif. Il rflchit en effet ; il rflchit si bien qu'il ne larda pas de r e v e n i r a u p r s du missionnaire, qui l'aida se d c h a r g e r de ses fautes et rentrer dans la b o n n e voie.

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I.'KNFKH

Je mets en l'ail que sur mille, dix mille, h o m m e s qui vivent loin de DIKL", et p a r eonsquent sur le c h e m i n de l'enfer, il n'y en Murait peut-tre pas un qui rsisterait l'preuve du fou. Il n'y en a pas un qui serait assez, fou pour accepter le m a r c h s u i v a n t : P e n d a n t toute l'anne, tu pourras t ' a b a n d o n n e r i m p u n m e n t tous les plaisirs, te saturer de volupts, satisfaire tous tes caprices, la seule condition de passer un j o u r , s e u l e m e n t un jour, ou m m e une heure, d a n s le feu. Je le rpte, pas un, pas un seul n'accepterait le m a r c h . lfin voulez-vous u n e p r e u v e ? Keoutez

Les trois /Us d'un

rip.it

usurier.

Un pre de famille qui ne s'tait enrichi que p a r des injustices criantes, tait t o m b d a n g e r e u s e m e n t malade. Tl savait que la g a n g r n e tait dj ses plaies, et n a n moins on ne pouvait le dcider restituer. Si je restitue, disait-il, que d e v i e n d r o n t mes enfants ? Son cur, h o m m e d'esprit, eut recours, pour sauver cette pauvre me, h u n c u r i e u x s t r a t a g m e . 11 lui dit que, s'il voulait gurir, il allait lui indiquer un r e m d e extrm e m e n t simple, mais c h e r , trs-cher. Devrait-il couler mille, deux mille, dix mille francs m m e , q u ' i m p o r t e ! rpondit vivement le v i e i l l a r d ; en quoi consiste-t-il? Tl consiste faire fondre sur les endroits g a n g r e n s , de la graisse d'une p e r s o n n e vivante. Il n ' e n faut pas beaucoup : si vous trouvez quelqu'un qui, p o u r dix mille francs, veuille se laisser b r l e r une m a i n p e n d a n t un q u a r t d'heure peine, il y en a u r a assez. Hlas! dit le p a u v r e h o m m e en s o u p i r a n t , j e crains bien de ne trouver p e r s o n n e qui le veuille. Voici un

et de ses surs. De l, les m i n i s t r e s hrtiques et, a p r s eux, tous les c o n t e m p t e u r s de la Sainte-Vierge se sont empresss de tirer la consquence : d o n c M A R I E n est point demeure vierge, c o m m e r e n s e i g n e l'glise c a t h o lique ; elle a eu d'autres enfants. Lisez plutt l'Evangile, qui donne leurs n o m s en toutes lettres : Celui-ci ( J S U S ) ri est-il pas le fils d'un charpentier? se disaient les Juifs. Sa Mre ne s'appelle-t-elle point Marie* et ses frres, Jacques et Joseph, et Simon, et Jude ? Et ses surs ne sont-elles point toutes au milieu de nous (St-Matthieu xm). N'estce point l J S U S le charpentier, le fis de M A R I E , le frre de Jacques, et de Joseph, et de Jude, et de Simon ? et ses surs ne sont-elles point ici parmi nous? (St-Marc, v i ) . Certes, ajoutent nos gens, voil qui est bien formel : M A R I E a eu plusieurs enfants, puisque J S U S a eu des frres et des surs. Pas le moins du m o n d e . En Orient, de toute antiquit,1

DES LUS

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et encore a u j o u r d ' h u i , tous les proches p a r e n t s ne s'appellent pas a u t r e m e n t que f r r e s et snmrs. 11 en est de mme eu Russie. Pour distinguer les frres et les surs p r o p r e m e n t dits des autres parents qui p o r t e n t galement ce n o m , on dit frres de pre, sur de pre, ou frre, s u r de m r e . Et cette objection nanglique, si prcmptoire, t o m b e ainsi d'elle-mme devant la connaissance la plus vulgaire des faits. En outre, on sait parfaitement quels taient les n o m s des parents des trois Aptres, saint Jacques (le Mineur), saint Simon et saint Jude, dont il est ici question ; ils taient s i m p l e m e n t les cousins de Notrc-Seigneur. Les raisonnements des e n n e m i s modernes de la SainteVierge sont de la m m e force que ceux des a n c i e n s ennemis de son divin Fils, les Pharisiens de Nazareth : ce JSUS qui nous enseigne et qui fait des miracles, disaient ceux-ci, n'est-ce point le Fils du c h a r p e n t i e r Joseph ? Non, mes p a u v r e s a m i s : c'est le Fils de D I E U , et n o n le fils de Joseph. Nous connaissons son pre et sa m r e ! ajoutaient-ils. Non, vous n e connaissez n i son Pre ni sa Mre. Son Pre, c'est la premire personne de l'adorable Trinit, (fui, avec lui, ne fait q u ' u n seul D I E U , en l'unit du Saint-Esprit. Voil ce qu'est son Pre. Vous ne connaissez pas d a v a n t a g e sa Mre. Sa Mre, dont vous ne savez que le n o m , sa Mre, que vous prenez pour une f e m m e ordinaire, c'est la plus auguste, la p l u s sainte de toutes les cratures de D I E U ; c'est c la F e m m e < prophtise d s T E d e n , salue d ' a v a n c e et a n n o n c e , avec le Messie, p a r vos saints Prophtes, par les Justes de l'ncien-Testament, c o m m e la Mre du Sauveur. Elle est

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L E S TROIS R O S E S

I m m a c u l e , absolument I m m a c u l e ; et vous n'en savez r i e n . Elle est Vierge et Mre tout ensemble ; et vous n'en savez rien. Non, vous ne la connaissez pas ; ou d u m o i n s vous ne connaissez, en elle et e n Joseph, c o m m e en J S U S luim m e , que ce qu'il i m p o r t e peu de c o n n a t r e ; et n'ayant point la foi, vous ignorez d e u x ce qu'il i m p o r t e de connatre, souverainement, u n i q u e m e n t . . Quant ses frres, ses surs de Nazareth, c'est--dire ses proches parents, vous les connaissez, il est vrai; m a i s qu'est-ce que cela fait sa divinit, laquelle vous refusez de croire? cela prouve u n i q u e m e n t que JsusG H R I S T est v r a i m e n t h o m m e , puisqu'il a, c o m m e nous, une v r a i e famille sur la t e r r e . Donc, en tout cela, rien qui, de prs ou de loin, touche l ' h o n n e u r de la Sainte-Vierge, sa perptuelle virginit, a u c u n des e n s e i g n e m e n t s de la foi r e l a t i v e m e n t MARIE.

Ce n e sont pas du reste les hrsiarques du seizime sicle qui ont t les p r e m i e r s b l a s p h m e r ainsi le mystre de la virginit perptuelle de la Mre de D I E U : dans les dernires annes du q u a t r i m e sicle, un misrable m o i n e apostat, n o m m Jovinien, osa profrer pour la prem i r e fois cette insulte grossire. Sa voix fut touffe aussitt par un cri universel d ' h o r r e u r et d'indignation. Saint Jr