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OEUVRES SACERDOTALES DU CHOIX DE SERMONS ET D'INSTRUCTIONS DE 1839 A 1849 TOME II PARIS 9, rue Soufflot, 9 LIBRAIRIE H. OUDIN, ÉDITEUR 9, rue du Chaudron-d' Or, 9 POITIERS CARDINAL PIE

OEuvres Sacerdotales Du Cardinal Pie (Tome 2)

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  • UVRES SACERDOTALES D U

    C H O I X

    DE SERMONS ET D'INSTRUCTIONS

    D E 1 8 3 9 A 1 8 4 9

    TOME I I

    P A R I S 9, rue Soufflot, 9

    LIBRAIRIE H. OUDIN, DITEUR 9, rue du Chaudron-d' Or, 9

    P O I T I E R S

    CARDINAL PIE

  • bslBSL 2010

  • OEUVRES SACERDOTALES

    DU

    C A R D I N A L PIE

  • PREMIER PRONE SUR L E SATNT SACRIFICE, POUR L E X t a D I M A N C H E A P R S LA

    PENTECTE : N A T U R E D U S A C R I F I C E .

    (31 juillet 1842)

    impossibile est sanguine tanrornm et Mrco-rum aufarri peccata ; ideo ingrdients mun-dum dixit : hostiam et oblationcm noluisti, corpus autem aptasti mil ; halacautomata non tibi placuerunt ; tune dix i ; Ecce venio.

    Il est impossible qui IP sang des taureaux nt des boucs cfl'acc les pcolls ; c'est pourquoi le Fils de Dieu, entrant dans ce mnnrle, dil : Vous n'avez point voulu d'hostie ni d'ohlation, mois vous m'avez form un corps ; vous n'avez point agr les holocaustes et les pacrificos, alors j'ai dit : Me voici.

    (S . Paul aux Hbr., ch. X, 4-7.)

    Il faut sur la terre un culte extrieur et solennel ; le temple est le lieu du culte ; le dimanche est le jour du culte : voil, M. F . , comment s'enchanent Tune l 'autre les diffrentes questions que nous avons traites jusqu'ici. Le sacrifice est la grande et essentielle action du culte : voil ce qui va nous occuper aujourd'hui. Matire releve, la sublimit de laquelle le grand Paul lui-mme dsesprait d'galer la hauteur de ses paroles ; car quel vocabulaire humain pourrait fournir ici des termes qui rpondissent aux

    P I E , T. I L 1

  • 2

    choses? De quo nobis grandis sermo, et ininterpretabilis ad dicendnm..

    Le sacrifice des autels , M. T. C. F . , c'est le cenlre de tout le culte catholique. Faites cesser le sacrifice : le temple devient triste et solitaire comme un tombeau ; c'est une maison vide et inhabite, cai le sacrifice qui se clbre sur l'autel est toute la vie du temple. Faites cesser le sacrifice: le dimanche devient muet et insignifiant; c'est une frialion ennuyeuse et sans but, car le sacrifice qui se clbre le matin eet toute l 'me du dimanche. Faites cesser le sacrifice : et la pompe solennelle des crmonies, la posie mlodieuse du chant, et la grave et pieuse lenteur des offices s'effacent et disparaissent ; la liturgie, refroidie et glace, se rduit une psalmodie sche, courte et mono-tone^ car le sacrifice est tout le motif et toute l'inspiration de la liturgie. Mais que dis-je ? Le sacrifice des autels est comme le soleil de la religion tout entire ; c'est le foyer d'o partent les rayons tincelants de la vrit et les chaleureuses influences de la g rce ; c'est la source d'o jaillissent et dcoulent toutes les inspirations de la tendre pit. Et comme, dans nos corps, la fonction du cur est d'purer sans cesse et de renouveler le sang que par un double mouvement il attire d'abord et repousse ensuite dans nos veines; ainsi l 'auguste sacrifice, condensant en quelque sorte tous les jours sur l 'autel le sang de Jsus, entretient et rafrachit sa vertu et le fait rentrer ensuite dans nos mes plus vivifiant et plus salutaire.

    Mais je n'ai pas dit assez encore. Le sacrifice des autels est le seul hommage digne de Dieu : sans lui, la terre n'aurait rien offrir au ciel ; le Trs-Haut n'abaisserait jamais les yeux sur cet univers impuissant l 'honorer, et la cration, uvre dsormais inutile la gloire de Dieu, retomberait dans les abmes du nant. De l ces magnifiques mais justes expressions des Pres de l'Eglise et des saints

  • Docteurs. La messe, dit saint Odon de Cluny, est l 'uvre laquelle est attach le salut du monde. C'est par la messe, ajoute saint Timothe de Jrusalem, que Punivers subsiste ; sans elle il y a longtemps qu'il serait anant i : Per quam terrarum orbis consistit. Mais n'anticipons pas sur des considrations qui devront tre dveloppes plus tard.

    Le saint concile de Trente, aprs avoir dfini, avec une nettet et une prcision admirables, les points de la foi catholique concernant le sacrifice auguste des au te l s , exhorte les pasteurs des mes prendre souvent et de prfrence cet adorable mystre pour matire de leurs instructions de la messe paroissiale : Ut frquenter inter mUsarum celebrationem... inter ctera sanctissimi hajus sacrifiai mys-terium aliquocl dclarent. Ministre obissant de cette sainte Eglise notre More, dont toutes les lois sont si sages, dont toutes les volonts nous sont si chres, dont nous avons appris prvenir tous les dsirs, nous essaierons, M. P . , de remplir ses intentions et de vous exposer dans plusieurs instructions conscutives les richesses inestimables et les ineffables grandeurs de notre sacrifice chrtien.

    Prludons aujourd'hui par quelques notions lmentaires sur la nature et l'existence du saint sacrifice ; ces paroles simples et familires seront plutt un expos qu'un dveloppement de la question.

    Le sacrifice est l 'acte essentiel et indispensable de la religion. Depuis les premiers jours du monde, partout o il y a eu un culte, il y a eu un autel, un prtre, un sacrifice. Et dans les ides reues de toute l 'humanit, la rel i gion ne peut pas plus se concevoir sans le sacrifice qu'une chose ne peut tre conue sans son attribut dterminant et constitutif.

    La loi du sacrifice est universelle, dirons-nous ici

  • encore; donc elle est primitive, donc elle est divine. Mais cette loi rsulte-t-elle de la nature mme des choses ou bien de la volont positive de Dieu ? Est-elle crite dans le fond des curs parmi les premiers principes de la raison, ou bien a-t-elle eu besoin d'tre rvle par le Crateur? La loi du sacrifice, qui est la loi de notre condition actuelle, tait-elle aussi la loi de l 'homme innocent? Est-elle la loi de l'Ange, la loi de l 'homme batifi dans les cieux? Autant de questions qui vont s'claircir par une dfinition exacte du sacrifice et par la distinction de ses diverses parties. Prtez-moi, mes Frres, toute votre attention : ces abstractions, qui semblent du domaine de la haute thologie, finiront par se rsoudre en des conclusions pratiques pour votre foi. La pit dpend plus qu'on ne le croit de la science, sa sur. C'est dans la mditation que le feu de la dvotion s'anime, et le rayon de lumire enfante la chaleur.

    Le sacrifice, c'est l'offrande qu'on fait Dieu d'une chose qu'on immole en son honneur . Deux choses donc constituent principalement le sacrifice: oblation, immolation; et, comme au sacrifice extrieur doit se joindre la disposition intrieure, cette double condition du sacrifice visible doit correspondre le double sentiment de l'offrande et de l'anantissement de soi-mme qui constitue le sacrifice invisible. Mais ces deux choses et ces deux sentiments, oblation et immolation, peuvent se rapporter , dans le sacrifice, quatre fins diffrentes. Le sacrifice tend honorer Dieu, reconnatre son souverain domaine, et sous ce rapport l 'ancienne loi le nommait holocauste et la thologie le nomme latreutique, parce qu'il constitue le culte suprme d'adoration ou de latrie qui n 'appartient qu ' Dieu seul. Le sacrifice tend rendre grces Dieu de tous les bienfaits qu'il a rpandus sur nous, et ce titre l 'ancienne loi le nommait sacrifice pacifique et la thologie le nomme

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    eucharistique ou sacrifice de reconnaissance. Le sacrifice tend apaiser le ciel irrit et obtenir le pardon, et sous ce rapport l'ancienne loi le nommait sacrifice pour le pch et la thologie le nomme expiatoire ou propitiatoire. Enfin le sacrifice tend demander au Seigneur de nouvelles grces, de nouvelles faveurs, et pour cela le langage de l'ancienne loi comme de la nouvelle le nomme imptra-toire. '

    Or, ces notions tant bien comprises, le sacrifice envisag dans cette dernire fin d'imptration ou de prire ne peut convenir ni l 'ange, ni l 'homme dans l 'tat bienheureux de la gloire o tous leurs vux sont satisfaits, tous leurs dsirs remplis, o, par consquent, ils n 'ont plus rien demander. Le sacrifice d'expiation, qui suppose le pch, ne pouvait tre offert par Adam, quand il jouissait encore de la puret et de l'innocence o il avait t cr. Mais le sacrifice, envisag dans ses deux premires fins d'adoration et d'action de grces, convient toute c ra ture intelligente et raisonnable, soit innocente ou dchue, soit dans la voie du mrite, soit dans le terme de la jouissance, parce que, dans tout tat, la crature doit adorer son pr incipe et lui rapporter la gloire de tout ce qu'elle a reu de lui. Voil comment la loi du sacrifice est la loi du ciel aussi bien que de la terre, la loi de l'Eden aussi bien que de notre exil. Voil comment nous pourrons parler avec l 'Eglise, avec Pierre le prince des Aptres et avec Jean le bien-aim, de ce sublime autel qui est dans les cieux et sur lequel les vieillards sacrifient, en mme temps que les Anges offrent Dieu des victimes spirituelles qui lui sont agrables, par Jsus-Christ, par lequel, comme chante l 'Eglise, les Anges louent la majest de Dieu, les Dominations l 'adorent et les Puissances clestes tremblent en sa p r sence. Voil comment nous pourrons croire, avec saint Jean Chrysostome et avec un grand nombre de docteurs, que

  • les troupes angliques descendent des cieux pour assister et participer au sacrifice de nos autels.

    Mais qui donc a rvl l 'homme lamystrieusepuissance du sacrifice? Oblation, immolation, est-ce dans son propre fonds que l'esprit humain a trouv r ide de ces deux choses constitutives du sacrifice? Offrira Dieu les prmices de ses dons, prlever sur ses bienfaits des prsents et les lui consacrer par un acte d 'hommage et de reconnaissance, je conois que cette premire ide et pu sortir de la raison naturelle de l 'homme ; mais ce n'est l que le prlude du sacrifice ; le cur mme du sacrifice, c'est l ' immolation. Reconnatre et honorer le souverain domaine de Dieu sur l'tre cr par la destruction de cet t re ; tmoigner de sa dpendance envers celui qui est le principe de l'tre et de la vie, en dposant en quelque sorte cet tre et cette vie entre ses mains ; s'immoler en esprit et par reprsentation, et, si j 'ose ainsi parler , s'anantir en effigie devant celui qui a tir toutes choses du nant : voil, encore une fois, l'essence du sacrifice, tel que tous les temps et tous les lieux l'ont vu prat iquer.

    Or je dis que cette ide, fonde sans doute sur la nature et sur la raison, n 'a pu clore nanmoins que par suite d'une rvlation primitive, rvlation incontestable qui apprit au premier homme et par lui tous ses descendants, sans distinction de temps ni de lieux, faire acte de vasse-lage envers la souverainet divine en dtruisant sous ses yeux, autant que la puissance humaine peut permettre de la dtruire, une des cratures sorlies de ses mains . Car si dans le sacrifice tout n 'est pas dtruit et consum, cela vient de la faiblesse humaine , aussi impuissante dtruire qu' crer. La mort, tant ce qui approche le plus d'une destruction absolue, est une loi ordinaire du sacrifice, mais elle n'en est pas une loi essentielle ; tout sacrifice demande bien la destruction, mais non pas ncessairement

  • la mort de la victime. Ainsi dans la loi de Mose les victimes et les hosties des sacrifices taient dtruites les unes par le feu, les autres par la mort , les autres par la man-ducation et par le feu naturel de l 'estomac. Dans l ' tat de puret originelle, il y aurait eu des sacrifices, puisqu'il y aurait eu une religion, mais non pas des sacrifices s a n glants. La mort n'y pouvait intervenir, puisque la mor t n'est entre dans le monde que par le pch.

    L'homme, devenu prvaricateur, commena d'offrir au Seigneur des sacrifices sanglants , et il en dut tre ainsi, car l'effusion du sang tait devenue ncessaire sur la te r re . Il ne lui suffisait plus d 'emprunter la destruction telle quelle d'un tre cr un symbole reprsentatif de sa dpendance envers Dieu, son bienfaiteur misricordieux ; adorateur coupable, il avait un autre devoir que celui de dpendance ou de reconnaissance remplir, le devoir de l 'expiation. Ecoutons un grand philosophe chrtien de ces temps modernes : Les Dieux sont bons et nous tenons d'eux les biens dont nous jouissons ; nous leur devons la louange et l'action de grces. Mais les Dieux sont justes, et nous sommes coupables ; il faut les apaiser , il faut expier nos crimes, et pour y parvenir, le moyen le plus puissant, c'est le sacrifice et l'effusion du sang. Telle fut la croyance ant i que, et telle est encore, sous diffrentes formes, la croyance de l 'univers.

    C'tait une opinion aussi ancienne que le monde, que le ciel, irrit contre la chair et le sang, ne pouvait tre apais que par le sang, et aucun peuple n'a dout qu'il n'y et dans l'effusion du sang une vertu expiatoire. Et comme ni la raison ni la folie n'ont pu inventer et propager cette ide, elle a sa racine dans les dernires profondeurs de l'histoire d e l nature humaine. Dieu lui-mme a enseign aux hommes coupables le mrite des sacrifices sanglants, e t i l leur a dit : Pa r votre crime vous avez mrit de mou-

  • rir, je veux que vous le reconnaissiez. Vous immolerez donc des victimes, et vous avouerez que c'est vous qui deviez tre immols ; la place de votre sang, j 'accepterai le leur, cardans le cri de leur sang j 'entendrai la voix d'un autre sang qui sera rpandu un jour et qui lavera tous les pchs du monde.

    C'est ainsi, mes Frcres, que dans la pratique universelle et constante des sacrifices rsidait le dogme de la rdemption future des hommes par le sang de Jsus-Christ : dogme de substitution et de rversibilit, d'aprs lequel la chair innocente devait souffrir et expier la place de la chair coupable. Mais hlas I combien ne fut-il pas altr et corrompu ce dogme, par les erreurs et les passions des hommes! Fcrai-je passer sous vos yeux toutes les atrocits des mystres paens? Vous dirai-je que l'horrible superstition des sacrifices humains a fait le tour du globe et dshonor les deux hmisphres ? abominables attentats qui, au lieu d'apaiser le ciel, provoquaient sa juste colre.

    Je vous pargnerai ces descriptions hideuses; aprs tout, mes Frcres, c'taient l des abus ; et quelle institution louable en elle-mme n'a pas enfant d'abus ? Le sacrifice n'en tait pas moins une loi religieuse de l 'humanit, une loi qui ne cessa un seul instant de s'accomplir sur la terre au sein de la religion du Dieu vritable. Quand ce fut par des mains pures comme celles d'Abel, de No, d'Abraham, de Melchisdech parmi les chefs des familles patriarcales, ou comme celles d'Aaron, de Samuel, et de tant d 'autres saints prtres parmi les enfants de Lvi, le Seigneur se plaisait odorer la suave odeur des victimes ; cette fume tait un encens qu'il a imait respirer : Odoralus est Dominas odorem saavitatis. Ilolocaustum in odorem suavissimam Domino,

    Cependant, il faut le dire, combien tous ces sacrifices

  • taient imparfaits, ou plutt comme ils taient inefficaces en eux-mmes! Et quand la foi du sacrificateur cessait de d o n n e r a ces immolations figuratives une vertu emprunte de la grande immolation venir, comme le Seigneur les p rena i t . dgot I Je suis las, leur dit-il par son prophte, de tous vos holocaustes, de vos hosties et de vos sacrifices. Le sang des animaux n'a-t-il pas assez rougi le parvis de mes temples, et mes autels n'ont-ils pas assez longtemps t encombrs de chairs et de graisses ? J'ai pris en horreur tous ces apprts qui font de mon sanctuaire une sorte de boucherie . . . . Je ne veux plus de vous, ajoute le Seigneur par la bouche de Malachie, et j e ne recevrai plus d'offrande de votre main. Voici que depuis le lever du soleil j u s q u e son coucher, mon nom est grand parmi les nations ; en tous lieux une victime pure est offerte et sacrifie la gloire de mon nom, parce que mon nom est grand parmi les nations.

    Et le Seigneur pourtant attendit encore cinq cents ans aprs la prophtie de Malachie. Puis, quand il eut dissimul pendant quarante sicles, enfin Theure de la grande expiation sonna pour l 'humanit. Et voici que dans la plnitude des temps, l 'Agneau de Dieu, Tauguste et sainte Victime attendue par le ciel et la terre avec tant d'impatience, descendit parmi nous. Immolations, hosties pacifiques, holocaustes, sacrifices de tout genre, ombres vaines, disparaissez : voici la ralit qui vient. Le genre humain n'a pas besoin de vous : un sacrifice unique va vous remplacer ; seul il satisfera toutes les exigences du Crateur, tous les besoins de la cration. Entendez le Fils de Dieu, le Prtre catholique du Pre, comme parle Tertullien, qui, en entrant clans ce monde, annonce la fin de votre rgne. 0 mon Pre, dit-il, vous n'avez point voulu ries hosties ni des oblations, mais vous m'avez form un corps ; vous n'avez point agr les holocaustes ni les sacrifices

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    pour le pch ; alors j ' a i dit : voici que j e viens (1). Et la sainte Victime a t immole, et nous connaissons

    le lieu, le jour, l 'heure et l'efficacit de son sacrifice. L'autel fut Jrusalem, dit Origne ; mais le sang de la victime baigna l 'univers. Victime infinie, car c'tait un Dieu, la voix de son sang poussa vers le ciel un hommage infini d'adoration, un hymne d'infinie reconnaissance, un soupir d'expiation infinie, un cri infini de prire. cette voix, Dieu et l 'homme, le ciel et la terre , les esprits clestes et toutes les cratures tressaillirent la fois de douleur et de joie. Ce sang fut utile tous. A Dieu il rendit sa gloire, l 'homme l'innocence ; car il a plu Dieu, dit saint Paul, de rconcilier toutes choses par celui qui est le principe de la vie et le premier-n d'entre les morts, ayant pacifi par son sang et ce qui est en la terre et ce qui est au ciel.

    Mais o me laiss-je entraner, mes Frres ? Est-ce du sacrifice de la croix ou du sacrifice des autels que je viens vous entretenir? Ah! vous le comprenez, mes Frres, l'un s'enchane tellement l 'autre que, si le sacrifice des autels est nul sans celui de la croix, le sacrifice de la croix est incomplet sans celui des autels.

    Le sacrifice de la croix est incomplet sans celui des autels ! A ces mots, l 'hrtique crie au blasphme et i lm'ac-cuse de restreindre la vertu du sang de Jsus rpandu sur le Calvaire. Je n'en persiste pas moins, et je dis, avec l 'Ecriture, avec la tradition, avec l'Eglise, que l 'autel est le complment ncessaire de la croix, et j ' en donne deux raisons: 1 c'est le sacrifice des autels qui applique ; 2 c'est lui qui continue le sacrifice de la croix.

    Et ici, mes Frres, sans cesser de considrer l 'Eucharistie

    (1) Gaume : Catchisme de Persvrance, t . v u , p. 184. (Note de M. l'abb Pie.)

  • u comme sacrifice, mon sujet me force prononcer le mot de communion, car la communion n'est pas seulement un sacrement, mais elle est aussi une partie intgrante du sacrifice. Dans tous les sacrifices anciens, le prtre etle peuple devaient participer, communier la victime on en mangeant une par t ie . Cette communion, comme l'a remarqu un clbre protestant qui a fait abjuration dans cette glise, Plisson, dans son beau Trait de l 'Eucharistie ; cette communion ou manducation tait tellement essentielle que s'il y avait certains sacrifices, comme les holocaustes, o la victime tait entirement brle, on les accompagnait de quelque autre offrande, afin qu'en ces sacrifices mme il y et quelque chose manger pour l 'homme, et que par l la vertu du sacrifice lui ft applique.

    Or, mes Frres, au sacrifice de la croix, il n'y a pas eu, il n'y avait pas de communion et de manducation possible. Car quel homme, mes Frres, ne sentirait sa nature se soulever et ne se rcrierait comme les Aptres l'ide dmanger la chair naturelle de Jsus ? Au Calvaire donc il y eut oblatinn, il y eut immolation ; il n'y eut pas communion. Le sacrifice par consquent fut incomplet ; j e me trompe, il ne le fut pas, car l 'instant o le sacrifice de la croix se consommait, dj le sacrifice de l 'autel, son complment ncessaire, existait. Jsus-Christ, dit saint Grgoire de Naxianze, avait prvenu la veille par son amour la cruaut des Juifs, et la manducation d e l victime, loin de manquer et d'tre diffre au Calvaire, existait dj au contraire par anticipation, dit saint Jean Chrysostome ; en sorte que ces deux choses jointes l'une l 'autre, la Cne e t le Calvaire, formrent un seul et trs parfait sacrifice. Voil dj, mes Frres, comment l'autel complte la croix. A la croix, dit saint Augustin, la victime n'est qu'offerte, mais l'autel elle est offerte et distribue. Au Calvaire Jsus paya le prix de notre ranon 4 l'autel il nous apph-

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    que le fruit de ce paiement. L'ohlation, l'immolation la croix; la communion l'autel : c'est l tout le sacrifice de Jsus. Et voil comment le sacrifice de la messe est vraiment ncessaire, c'est que nous devons ncessairement participer l'oblation que Jsus-Christ a faite de lui-mme, et communiera la victime immole pour nous.

    En s'ofirant et en s'immolant au Calvaire, Jsus-Christ a expi le pch et mrit le salut du monde ; mais cette offrande, cette mort n'a point appliqu l'expiation et la grce nos mes ; il faut pour cela les sacrements, et surtout l'Eucharistie qui est la vertu et la perfection de tous les autres. Le sacrifice de la croix est donc le sacrifice de rdemption et de mri te , mais il ne donne et n 'applique rien ; et le sacrifice de la messe est le sacrifice d'application et de sanctification, car il donne et applique tout. Le sacrifice de la croix est la source gnrale et universelle de la grce ; le sacrifice de l'autel est le canal par lequel la grce arrive et, si j 'ose ainsi parler , s'individualise au cur de chacun de nous en particulier. Le sacrifice de l'autel complte celui de la croix en l 'appliquant ; il le complte encore en le continuant.

    Le sacrifice de l croix n'a t et ne pouvait tre, offert qu'une fois, et pourtant il fallait dans la religion autre chose qu'un sacrifice transitoire. Car, nous l'avons dit, le sacrifice est l'acte essentiel et indispensable de la religion; et d'ailleurs le sacrifice de la croix a t offert pour nous, mais non pas par nous ; les hommes qui y ont pris part ne furent pas des sacrificateurs, mais des bourreaux. Voil donc que ce sacrifice de la croix, si parfait qu'il soit en lui-mme, devient insuffisant encore par ce ct, c'est qu'il n'est pas notre disposition de l'offrir, et il nous faut cependant un sacrifice de tous les jours offrir au Seigneur. Seigneur, vous tes mort une fois sur la croix. Votre sacri fi ce a t immense, infini, parfait, mais pourtant il a

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    t transitoire. Je voudrais n'en demander pas d'autre que le vtre, mais enfin il m'en faut un offrir tous les jours . Reviendrons-nous au sang des boucs et des taureaux ?ah ! nousn 'en aurons plus le courage, aprs que votre sang pur et immacul a t rpandu. Votre sacrifice donc je voudrais qu 'en demeurant unique il durt , il se continut toujours .

    Les prophtes, parlant du sacrifice et du sacerdoce de Jsus-Christ, en avaient dsign trois qualits : l 'ordre, T-tendue, la dure- Ils ont dit qu'il serait prtre selonl 'ordre de Melchisdech : Sacerdossecundm ordinem Melchisdech ; que son sacrifice serait perptuel : In ternum juge sacrifi-cium; universel : Ab ort solis usque ad occasum in omni loco sacrificatur et offertur nomini meo oblatio munda. Or, j e ne vois au Calvaire aucune de ces trois choses. Jsus-Christ, victime sanglante, y est plutt prtre selon l 'ordre d'Aaron que selon l 'ordre de Melchisdech ; son sacrifice n'y dure que quelques heures , e t i l n'est offert qu 'une fois, que sur un seul point du monde. Seigneur Jsus, o est donc votre sacerdoce ? o est donc votre sacrifice? Vos prophtes se sont-ils tromps ? Je voudrais le Calvaire en permanence sur la terre, le Calvaire moins son appareil sanglant et tragique. Je cherche le sacrifice non sanglant, le sacrifice perptuel, le sacrifice u n i v e r s e l . J e le cherche, et du haut de la croix vous me montrez l 'autel ; du Calvaire, vous me rappelez la Cne. L je trouve le sacrifice selon Tordre de Melchisdech, car j e vois du pain et du vin ; l j e trouve le sacrifice perptuel, car depuis dix-huiteents ans il ne cesse d'tre offert; l j e trouve le sacrifice universel, car de Tau-r o r e a u couchant il se renouvelle chaque instant sur la terre . Seigneur Jsus, oui, Dieu Ta jur e t i l n e s'en repentira pas, vous tes prtre pour l'ternit selon Tordre de Melchisdech; et, depuis Taurore jusqu 'au couchant, par toutela terre on sacrifie et Ton offre votre nom une victime pure .

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    Je m'arrte ici, mes Frres . Nous parlerons prochainement des grands fruits du sacrifice chrtien ; c'est assez que nous en ayons aujourd'hui tabli la ncessit et l 'existence. Comprenez-vous, maintenant, comment saint Jean a pu dire que l'Agneau a t immol ds l'origine du monde : Agni occisi ab origine mundi?

    Oui, mes Frres, Jsus-Christ est la victime ternelle. C'tait lui qui dj tait offert et immol en figure par les mains d'Abel, de Melchisdech et d 'Abraham ; c'tait lui qui tait offert et immol par les fils de Lvi et d'Aaron ; c'est lui, mais dfigur et mconnaissable, qui tait offert et immol sur les autels idoltres et jusque sous le couteau homicide ; c'est lui qui a t offert et immol plus par son amour que par la cruaut des hommes sur la croix ; c'est lui qui s'est offert et immol au Cnacle ; c'est lui que nous offrons et que nous immolons tous les jours , que nous offrirons et que nous immolerons jusqu' la fin des sicles sur les autels; c'est lui qui s'offre et s'immole, qui s'offrira et s ' immolera ternellement sur le sublime autel des cieux, o le bien-aim Ta vu dans l 'attitude de sacrificateur et de victime: Agni stantis anquam occisi. En sorte qu'il n'y a eu, qu'il n'y a, qu'il n 'y aura jamais , au ciel et sur la terre, dans le temps et dans l 'ternit, qu'un seul autel , qu 'un seul prtre, qu'une seule victime, qu'un seul sacrifice, Jsus-Christ Notre-Seigneur, qui soit honneur, gloire et amour dans tous les sicles des sicles. Amen (1) !

    (1) Cf. Appendice / , A, 58 ; AB, 43, 49 bis ; p . 20, n. 6 bis, 6 ter ; p. 23, n. 22 quater ; p. 24, n . 24,8 ; p . 31, n. 62, 3. Avertissement p. x x i v .

  • I I

    MES CHERS AMIS,

    D'autres mains que les miennes devaient vous couronner, et vos couronnes eussent t plus prcieuses, embellies par les suaves et encourageantes paroles de celui qui aime tant s'associer aux joies de vos triomphes (2). Cette anne surtout, il et t heureux de vous fliciter de toutes les esprances que vous nous avez donnes. Oui, mes chers amis, Tanne scolaire qui s'achve aujourd'hui a t r e marquable ; et si, comme je n'en puis douter, votre travail et votre conduite dans l 'intrieur de la maison ont rpondu au sentiment de pit que vous avez manifest dans des circonstances solennelles, l a plupart de vous rempor te ront en ce jour, avec leurs lauriers, l 'applaudissement de la bonne conscience.

    Soyez toujours, mes chers amis, ce que vous avez t . Soyez, dans la famille o vous allez rentrer pour quelque

    (1) Voir Histoire du Cardinal Pie, t. it p . 17. (2) M. l'abb Lecomte, cur de la cathdrale de Chartres, tait alors

    malade.

    ALLOCUTION POUR LA D I S T R I B U T I O N D E S P R I X CHEZ M . BROU (1).

    (13 aot 1842)

  • 16

    temps, ce que vous avez t sous les yeux de vos matres . Ne rougissez point de porter dans le sanctuaire du foyer domestique des vertus qui, pour n'tre pas pratiques de tous dans les jours malheureux o nous vivons, n'en sont pas moins admires en secret, et souvent prconises par -ceux mmes qui n 'ont pas le courage de les imiter.

    Mes chers amis, Dieu et les hommes, la religion et la patrie attendent beaucoup de la gnration qui s'lve. Les jours qui nous ont prcds ont t bien mauva i s . La terre n^estpas encore remise de ses longues secousses. La socit vivra-t-elle ? prira-t-elle ? Toute la rponse cette question dpend d'une autre quest ion: la jeunesse rentrera-t-elle dans le noble sentier de la pit et de la vertu? Une autre gnration surgira-t-elle, faonne de bonne heure par les mains de la religion, de l'Evangile et de l'Eglise?

    Oui, chers amis, nous aimons concevoir cette esprance, nous saluons avec bonheur ces jours meilleurs. Mais ce que nous attendrons longtemps encore peut-tre, il nous est bien doux de le voir dj se raliser parmi vous.

    Mes chers amis, je retarde votre bonheur. Venez, jeunes vainqueurs, prsenter vos fronts aux couronnes que vous avez conquises. La religion aime distribuer les palmes de ia science et de la vertu.

  • IN

    DEUXIME PRONE SUR L E SAINT SACRIFICE, POUR L E X X I I e DM A N C H E A P R S LA PEN

    TECTE: G R A N D E U R S D U SAINT SACRIFICE (1).

    (16 octobre 1842).

    Alaria tva Domino ! Vos autels, Seigneur I

    Exorde. Cri de David : Introibo ad allare. Gircwndabo altare tuunij Domine. J 'admire cet lan du cur de David, mais je ne lui envie pas l'autel objet de son culte et de son amour, autel rougi du sang des boucs et des taureaux, autel o Dieu ne rsidait que par une prsence vague et incertaine comme le nuage dont il s'enveloppait, etc. Car nous aussi, enfants d e l nouvelle alliance, nous avons un autel. Saint Paul le dit avec un noble orgueil , avec une* sainte emphase: Habemus altare, nous avons un autel . Nous avons un autel , et sur cet autel se consomme chaque jour le plus grand des sacrifices ; nous avons un autel, et, en songeant aux merveilles qui s'y oprent, notre me,

    (1) En tte du manuscrit, nous lisons cette note de M. l'abb Pie : a Croquis du deuxime prne sur le saint sacrifice, dont le texte est perdu. Bien que nous ne donnions, dans les uvres sacerdotales, que les discours compltement crits, nous avons cru utile de faire une exception pour le prsent croquis. Nous aurons ainsi une ide d'en semble des prnes sur le saint sacrifice.

    UV, SACERD, X, II 2

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    blesse d'amour, languissante de dsir, laisse chapper ce cri de son a rdeur : ltaria tua, Domine! Vos autels, Seigneur, vos autels! J 'approcherai de votre autel, 6 Seigneur, j ' en tourera i , j 'assigerai, j 'embrasserai votre autel : Introi-bo, circumdabo altare.

    Grandeur du sacrifice des autels. 1 Sacrifice rel. Si quelqu'un dit que le sacrifice de la messe, etc. (Concile de Trente) (i). Et en effet, dirai-je l 'hrtique, le sacrifice est l'acte ncessaire, essentiel de la religion. Or, si l'obla-tion eucharistique n'est pas un vritable sacrifice, il faut donc dire que la religion chrtienne n'a pas de sacrifice, par consquent n'est pas une religion. Car je cherche vainement o est le sacrifice du Christ. Les sacrifices des animaux., ils sont abolis. Le sacrifice de la croix, il n'a t offert qu'une fois. Ce n'est pas l un sacrifice ordinaire, un sacrifice quotidien. Or si Toblation de l 'autel n'est qu'une ombre, qu'un souvenir, comme un souvenir, une figure ne sont pas la matire d'un sacrifice rel et vritable, il faut dire que l'Eglise de Jsus-Christ n'a pas de sacrifice. Les Juifs, par consquent, taient plus riches que nous, puisque nous voyons chez eux des sacrifices rels, des immolations vritables. Le culte des paens eux-mmes obtenait plus juste t i tre que nous le nom de religion, puisqu'ils avaient des sacrifices tels quels, plus ou moins dfigurs. Mais le christianisme n'est pas mme un cuite, puisqu'il manque du caractre constitutif de tout culte. C'est ainsi que le protestantisme, en niant le sacrifice de la messe, a cess d'tre une socit religieuse, et n'est plus devenu qu'une socit de raisonneurs, dont il faut relguer les doctrines parmi les utopies et les systmes.

    (1) Si quis dixerit, in missa non offerri Deo verum et proprium sacrificiura, aut quod offerri non sit aliud, quam Christum nobis ad manducandum dari, an at hem a sit .

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    Comment la messe est un sacrifice... Bossuet, lvations : sacrifice des autels, sacrifice re l ; seulement les ralits sont caches, parce que nos yeux n'en pourraient soutenir l'clat.

    2 Sacrifice des autels, sacrifice infini. Ici. mes Frres, de quelque ct que je me tourne, partout je trouve l'infini. Distinguerai-je, avec saint Augustin, quatre choses dans le sacrifice : ce qui est offert, celui qui l'offre, celui qui il est offert, ceux pour qui il est offert? L'infini me presse de toutes parts . Ce qui est offert dans le sacrifice eucharistique, c'est une victime infinie, c'est un Dieu. Celui qui l'offre, c'est un prtre infini, c'est un Dieu. Le prtre secondaire n'est l qu'un instrument, qu 'une espce rivante. Dans le moment solennel, voyez comme il s'efface, comme il disparat, comme il est absorb dans le Prtre souverain auquel il prte sa voix: Hoc est corpus mmm... Calix san-gninis mei... Celui qui le sacrifice est offert, c'est l'infini par excellence, c'est le Dieu suprme ; lui seul appartient ce culte souverain. Il y a longtemps quesaint Augustin a fait cet gard la profession de foi catholique... Nous sacrifions sur ce tombeau des Saints, mais nous ne sacrifions pas aux Saints. Qui de nous a jamais d i t : Pierre, Paul, je t'offre ce sacrifice? Enfin si je considre le sacrifice du ct de ceux pour qui il est offert, je trouve que par l encore il touche l'infini. Car le sacrifice eucharistique est offert avant tout pour l'glise, c'est--dire pour tous les membres de Notre-Seigneur Jsus-Christ qui, par l'effet mme de ce sacrifice, sont incorpors leur chef.

    Entendez le texte de saint Augustin, il est admirable: Et qaoniam quatuor in omni sacrificio considrant nr, quis offerat, quid offerat, cui offerat, pro quibus offerat, idem ipset et qui offert et quoi offert, unum esset cum eo cui offe-rebat, in unum fareret pro quilms offerebat. Et comme dans tout sacrifice il faut considrer quatre choses: celui qui

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    offre, ce qui est offert, celui qui il est offert, ceux pour qui il est offert, je trouve que tout cela se rencontre en Jsus-Christ, lequel, tant la fois victime et prtre du sacrifice, ne faitqu'.un en nature avec celui auquel le sacrifice est offert, et s'incorpore, s'identifie lui-mme ceux pour qui il est offert. Ainsi tout est divin dans ce sacrifice. La victime est divine ; le prtre est divin ; celui pour qui il est offert est Dieu; ceux pour lesquels il est offert sont difis par la vertu mme de ce sacrifice. Rcapitulation immense, synthse infinie, qui rsume tout sur l'autel eucharistique, le ciel et la ter re , Dieu e tHiomme. Et si nous descendons de ces hautes considrations thologiques, si nous considrons le sacrifice des autels dans les quatre fins ordinaires du sacrifice, l partout encore nous re t rouverons l'infini.

    Sacrifice des autels, sacrifice d'adoration infinie. Celui qui s'abaisse est infini comme la majest devant laquelle il s'abaisse. L'hommage rendu est gal la dignit de celui auquel il s'adresse. Dieu grand, Dieu puissant, Roi des rois, vous, seul ncessaire, seul indpendant, seul ternel, toutes les perfections sont en vous, tous les droits vous appartiennent. Etres imperceptibles, humbles atomes sortis de vos mains, nous ne sommes devant vous qu'un nant , mais un nant q u i a une intelligence, un cur, et qui doit incessamment s'en servir pour crier : Gloire Dieu! Oui, toutes les facults, toutes les parcelles de notre tre devraient prendre une voix pour cr ier ; Gloire Dieu ! Si humblement que nous nous prosternions, quand nous nous abaisserions jusque dans la poussire, quand nous nous immolerions tout entiers et chaque instant, ce ne serait point encore un hommage suffisant, un tribut gal aux droits de voire gloire. Et pourtant il vous le faut, ce tribut, mon Dieu ; vous n'avez cr le monde que pour cela. U le faut, eh bien ! vous l 'aurez, 6 mon Dieu, abondamment,

  • 21 surabondamment ; nous paierons notre dette tout entire. Respice in faciem Christi tui: Abaissez, Seigneur, abaissez vos yeux sur l'autel eucharistique, regardez le front de votre Christ. Celui qui est la splendeur de votre gloire, celui qui n'a point cru commettre une usurpation en se disant gal vous, voyez-le, devenu le chef auguste de l 'humanit pour vous rendre l 'hommage infini qui vous appartient, qui s'humilie, qui s'anantit devant vous sur l'autel o il perd jusqu ' cette apparence telle quelle de son tre sacramentel. Rpondez, Seigneur : par un tel hommage, la terre avoue-t-elle assez hautement votre souverain domaine, et se proclame-t-elle assez authentique-ment l 'humble vassale de votre majest infinie?

    Sacrifice des autels, sacrifice de reconnaissance infinie. Celui qui remercie est infini comme celui qui donne. L'action de grces gale le bienfait. Dieu bon, Dieu libral, nous sommes entours, accabls de vos dons, de vos faveurs. Nous tenons tout de vous. Comment vous payer j a mais le tribut de reconnaissance? Quid rtribuant Domino pro omnibus qu relribuil mihi? Et pourtant , il vous le faut, Seigneur, ce tribut de reconnaissance. Il le faut, eh b ien! vous l 'aurez quivalcmment, surabondamment : Calicem salutaris accipiam. Abaissez, Seigneur, abaissez vos yeux sur Tau tel eucharistique: Respice in faciem Christi tui. Voyez ce calice de salut que le prtre lve vers vous. C'est un Dieu qui nous comble de ses dons ; c'est un Dieu qui csl offert en retour. Rpondez, Seigneur: la terre qui vous paie avec un tel froment, avec un tel vin, est-elle une terre ingrate et strile, et par un si noble retour ne se montre-t-elle pas assez reconnaissante envers votre libralit infinie ?

    Sacrifice des autels, sacrifice d'expiation infinie. La dignit de celui qui rpare l'offense est infinie comme la majest de celui qui Ta reue. Le paiement gale la dette. Seigneur trs saint, nous avons pch, nous fous avons

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    offens Qui rparera jamais un tel mal? La gravit de la faute se mesure sur la dignit de la personne offense, et la rparation n'a qu'une vertu proportionne l 'importance de celui qui la fait. La crature a outrag un Dieu ; o trouver dans la crature une rparation infinie pour effacer une faute infinie? EV ^.-o-Jant, il vous la faut, cette rparation, mon Dieu, votre justice l 'exige. Il la faut, eh bienl vous l'aurez, mon Dieu; nous ne demandons pas de grce, nous vous paierons toute la dette quivalemment, surabondamment. Respice in faciem Christi tui : Abaissez, Seigneur, abaissez vos yeux sur l'autel eucharistique. Voyez, Seigneur, voyez celui qui s'immole. Pour rparer l 'outrage fait Dieu, il fallait la rparation d'un Dieu. Le voil, reconnaissez-le travers les voiles du sacrifice qui cachent son visage: Respice in faciem Christi tni. Voyez ce sang qui coule jusqu' la dernire goutte. Voyez ces plaies. Rpondez, Seigneur: la terre, par une telle victime, expie-t-elle assez gnreusement sa faute et s'acquitte-t-elle assez rigoureusement de sa dette envers votre justice infinie ?

    Enfin, sacrifice des autels, sacrifice d'imptration infinie. La voix qui demande les grces est infinie comme la main quiles distribue. La valeur de la prire est gale au prix de la faveur demande. Dieu trs indulgent, trs misricordieux, nous vous avions offens ; vous avez pardonn. Mais nous sommes indignes de recevoir de vous de nouvelles faveurs, nous avons perdu tout droit votre amour, nous ne saurions mriter votre grce. Et pourtant il nous la faut, 6 mon Dieu, votre g r c e ; sans elle, nous ne pouvons faire un pas. Qui donc nous l 'obtiendra, nous la mritera? Il nous la faut, eh bien ! vous nous la donnerez, mon Dieu; nous la mriterons abondamment, surabondamment . Respice in faciem Christi tui : Abaissez, Seigneur, abaissez les yeux sur l'autel eucharistique. Reconnaissez celui qui se fait suppliant devant vous. C'est votreFils , gal,

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    coternel vous-mme, et qui, revtu des livres de l 'humanit, implore pour elle votre grce. Il prie, mais sa prire a des rlroits, elle doit tre exauce : Exauditus est pro sud reverenti.W se fait suppliant ; mais faut-il traiter avec vous d'gal gal, de couronne couronne ? Rpondez, Seigneur : la ter re , par une prire si efficace, ne mr i t e -t-elle pas vos faveurs, et peut-il tre rien refus une telle cliente par votre misricorde infinie ?

    Mes Frres, et quand je songe que ce sacrifice dont le prtre est infini, la victime infinie, infini du ct de celui auquel il est offert, infini du ct de ceux pour qui il est offert ; quand je songe que ce sacrifice d'adoration infinie, d'action de grces infinies, d'expiation infinie, d'implration infinie; quand je songe, dis-je, que ce sacrifice est encore infini par l 'tendue, infini par la dure, qu'il n'est pas un instant dansle jour , pas une contre sur le globe oce sacrifice ne soit offert, que le soleil ne porte successivement sa lumire aux diverses rgions du monde que pour clairer l 'autel de ce sacrifice, oh! alors j e comprends la magnifique expression du concile de Trente qui rcapitule dans le sacrifice de l 'autel toute l 'uvre de Dieu, opus Dei, puisque lui seul explique pourquoi Dieu est sorti de son ternel repos et justifie la cration en la ra t tachant incessamment son auteur par le seul lien d igne de lui. De l ces assertions des Pres et des docteurs, etc.

    Je pourrais dire encore, sacrifice des autels, sacrifice infini en ce qu'il renferme et reno uvelle tous les autres mystres religieux, l 'Incarnation, la Passion, la Rsurrection, l'Ascension de Notre-Seigneur,

    Qui de nous, mes Frres, ne s'est pas surpris quelquefois, comme Augustin, comme Bernard, regretter de n 'avoir pas t tmoin de la naissance du Sauveur, de n'avoir pas t du nombre des heureux bergers appels recueillir ses premires bndictions, son premier sourire? Or, mes

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    Frres, il ne tient qu' nous de nous ddommager. Le Fils de Marie natchaquc jour parminous . Voici le signe auquel vous le reconnatrez : vous le trouverez envelopp des langes du sacrement, et couch sur la pierre de l 'autel. Mes Frcres, Bethlem, la crche sont au milieu de nous ; vous les trouverez l'autel eucharistique.

    Parfois enfin peut-tre, mes Frres, vous vous repentirez de n'avoir pas t tmoins du spectacle, terrible et consolant en mme temps, du Calvaire, de n'avoir pu contempler ce prodige d'amour, un Dieu dposant sa vie pour ses cratures. M. F., Jsus-Christ meurt tous les jours parmi nous; les prodiges de sa naissance et de sa Passion se renouvellent la fois : Et renascens perptua moriendovivit ; voyez ce sang spar de son corps. Vous le reconnatrez ce signe : il est envelopp du linceul des saintes espces et pos sur le tombeau de l 'autel. Le Calvaire, M. F . , le Calvaire, le spulcre sont au milieu de nous ; vous les t rouverez l'autel eucharist ique.

    Pieuse Madeleine, il vous apparut, votre matre rcs* suscit ; disciples heureux, vous le vtes de vos yeux, et vous ne le quitttes que lorsqu'il disparut dans la nue , laissant sur la resntagne la trace de ses pieds. M. F . , Jsus-Christ ressuscite, Jsus-Christ triomphe tous les jours au milieu de nous : In memoriam resurrectionis, ascensionis Domini noslri Jesu Christi. Voyez cette parcelle sacre que le prtre runit au sang du calice, emblme de la runion de l'me de Jsus son corps. Voyez, entendez l'Eglise qui suit de ses yeux et de sa prire l'Agneau de l'autel remontant au sublime autel des cieux. Ame chrtienne, qui revenez du sacrifice, de quel prodige avez-vous t tmoin ? Die nobis, quid vidisti in via? J'ai vu le spulcre du Dieu vivant et la gloire du Dieu ressuscit : Sepulcmm Christi viventis. M. F . , le monument de la rsurrection, le mont des Olives avec l'empreinte des pieds de Jsus sont au milieu

  • de nous ; vous les trouverez l 'autel eucharistique. Sacrifice des autels, sacrifice infini en ce qu'il contient la

    vertu de tous les sacrements. Je ne puis qu'effleurer cette considration. Saint Thomas a solidement tabli cette vrit, savoir, que le sacrement d'Eucharistie renferme le Verbe et la perfection de tous les sacrements, qu'il en est le principe et le complment. Or le sacrement d'Eucharistie lui -mme n 'a d'existence que par le sacrifice eucharistique. Donc c'est du calice eucharistique que dcoulent, que s'choppent tous les autres canaux de la grace. Si l'autel disparat, fermez cette piscine dsormais sans vertu et dont l'eau n'est salutaire que par l'efficacit secrte qu'elle emprunte au sang rdempteur du sacrifice ; enlevez ces tribunaux dsormais inutiles et mme dangereux ; pour toucher, pour traiter les plaies de mon cur, il me faut une main purifie, sanctifie p a r l e contact quotidien du Dieu de pure t .

    Ministres de la Rforme, vous vous tes rendu justice en supprimant la confession, le jour o vous avez reni le sacrifice. Il fallait descendre de l 'autel , comme Mose de la montagne, le front ceint d'une aurole divine, pour aller siger au tr ibunal de la rconciliation. Abattez cette chaire, car si le sacrificateur disparat, j e rcuse l 'aptre; pour me parler avec fruit, avec onction, pour toucher mon me, il faut des lvres leintes du sang d'un Dieu. Enfin, si l 'autel disparat, supprimez le tabernacle et teignez la lampe, faites cesser les chants et la psalmodie des heures d e l nuit etdu jour, abolissez la liturgie, faites du temple une solitude ; car si le corps du Sauveur n 'y est pas, les aigles, c'est--dire les mes ferventes, ne s'y assembleront plus. Aptres del Rforme, vous avez raison rouvrez les monastres qui ne sont plus que des prisons vulgaires. Et quant vous, jetez au feu le brviaire, fardeau dsormais superflu. Sentinelles inutiles, vous n'avez plus de fonction

  • faire, puisque le temple est vide, la maison dserte. Sacrifice des autels, sacrifice infini en ce qu'il est le cen

    tre de toute la religion,de tout le culte, de toute la l i turgie .

    Mais il est temps de nous arrter, M. F . , et de considrer quelques-uns de nos devoirs envers le saint Sacrifice : Se-denti in throno et Agno, benedictio et honor, et claritas et sa-pientia, et gratiarum actio, honor et virtus,et fortitudo Deo nostro, in scula sculorum. Salus Deo nostro et Agno* Amen (1).

    (1 ) Cf. Appendice 1. A, 59, 91.

  • I V

    Voluntarie tacrificabo tibi. Domine. Je vous offrirai, Seigneur,un sacrifice volontaire (i%

    Le sacrifice de la messe, nous l'avons montre', M. T. C, F . , est par lui-mme un sacrifice d'une valeur infinie. Yainement on chercherait , dans les limites du possible, une adoration et une reconnaissance plus profondes, une expiation plus mritoire, une prire plus efficace. Si grande que soit la toute-puissance divine, elle ne pourrait rien ajouter l a grandeur du sacrifice eucharistique. Le sacrifice en lui-mme et dans ce qui le constitue essentiellement est parfait; du ct d e l victime, du ct du prtre, il n 'y manque r ien ; indpendamment de la vertu du mrite humain et de la pit des fidles, il a toute son intgrit r igoureuse.

    Mais pourtant, M. F . , le sacrifice de la messe, pas plus que celui du Calvaire, ne nous est pas appliqu malgr nous

    (1) Variante : le sacrifice que je TOUS offrirai, Seigneur, sera le fruit de ma volont .

    TROISIME PRONE SUR LE SAINT SACRIFICE D E LA MESSE, POUR L E X X I I I e D I M A N C H E

    A P R S L A PENTECOTE : ASSISTANCE A U SACRIFICE.

    (23 octobre 1842)

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    ii sans nous. Nous n'y participons qu'autant que nous le voulons et que nous en prenons les moyens. Jsus-Glirist s'immole sur l 'autel, et cela suffit Dieu. Mais pour que cette immolation nous profite, il faut, par la part que nous y prenons, qu'elle se consomme en mme temps dans le sanctuaire de notre me, et que l 'autel vivant et intelligent de notre volont reflte, comme un miroir fidle, tout ce qui se passe sur la froide pierre de l'autel inanim : Voluntarie sacrificabotibi: Je vous offrirai, Seigneur, un sacrifice volontaire . En sorte, M. F . , que les anges de l 'autel, comme ceux de Bethlem, en chantant : Gloire Dieu au plus haut des cieux! ne peuvent ajouter la paix que pour les hommes de bonne volont : In terra pax hominibus bonce volunatis.

    Donc, M. F. , le saint sacrifice d e l messe nous impose des devoirs; pendant qu'un Dieu s'immole pour nous, il ne nous est pas loisible de nous endormir dans une confiance insoucieuse enla vertu de son immolation. U n'entend pas faire tout lui tout seul, et le sang qu'il verse l'autel ne rejaillit que sur ceux qui s'associent volontairement son sacrifice en qualit de tmoins, de ministres et de victimes. Suivez attentivement ces trois considrations. La faon trs imparfaite dont je vais traiter cette matire importante , sur laquelle j e ne devais pas vous parler aujourd'hui, exigera que vos mditations particulires y supplent. Je reviendrai moi-mme, dans une prochaine instruction, sur les choses que j ' aura is omises aujourd'hui.

    I. Quand Jsus offrit son sacrifice de la croix, saint Jean Chrysostomeremarque que ce ne fut point ensecre tdans un temple, ni sous un toit, main hors la ville et sur une montagne; afin, dit-il, que l'on connt que c'tait le sacrifice universel et que la nature entire pt tre tmoin de la mort de son Rdempteur: ldcirco extra urbemet mnia Et aussi, la

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    veilledesa mori, quand Jsus-Christ donna ses ordres pour les prparatifs d e l Paque nouvelle, c'est--dire de l'institution du sacrifice eucharistique, il insista sur l'tendu* 1 et la magnificence qu'il fallait au cnacle: Cnacalnm grande, stratum. Et, conformment ce type primitif et divin du cnacle eucharistique, sitt que l'Eglise put respirer aprs la perscution, elle se plut donner les plus vastes proportions et les formes les plus magnifiques aux temples destins abriter l'autel du sacrifice. M. P. , ces nefs si larges et si profondes ne vous disent-elles pas assez que Jsus* Christ ne veut pas tre immol solitaire sur son au te l? Et si l'glise chrtienne, par la voix qui sort de toutes les pierres de cet difice, ne vous parle pas encore assez hau t , entendez-la qui vous appelle chaque semaine,par le langage formel et obligatoire de son prcepte: Les dimanches la messe ouras et ftes de commandement ; entendez-la qui vous prie, qui vous conjure, par les insinuations de ses conseils^ de ne ngliger aucune occasion d'assister au sacrifice: il n'y a pas, vous dit la formule du prne paroissial, d 'autre fte d'obligation cette semaine; nanmoins, nous vous exhortons de venir chaque jour l'glise pour y entendre la sainte messe.

    Et en effet, mes Frres, le sacrifice, nous l'avons dit, est la grande et indispensable action du culte ;c erl l'acte propre et unique par lequel l 'adoration suprme soit extrieurcmen t et aufchentiquement rendue Dieu au nom de toutes les cratures ; c'est la seule protestation juridique et solennelle de son absolue domination et de notre humble dpendance. Donc il est rigoureusement ncessaire, quiconque n'a pas renonc rendre tout devoir Dieu, de venir, au moins certains jours , assister au sacrifice ; nulle puissance divine ni humaine ne l'en peut dispenser, car personne ne peut dispenser de religion, et le sacrifice est l'exercice essentiel du culte religieux. Donc encore le premier pas faire pour

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    quiconque aspire la perfection de la vie chrtienne, c'est d'assister chaque jour, autant que possible, au saint sacrifice ; nulle autre pratique ne peut suppler celle-l, car le saint sacrifice de la messe, comme dit saint Franois de Sales, est, entre les autres exercices de la pit, ce qu'est le soleil entre les astres.

    Or, mes Frres, sur ce point o en sommes-nous par r ap port au prcepte ? o en sommes-nous par rapport au conseil? L'aurore du septime jour vient de briller. Les portes du temple sont ouvertes. L'autel du sacrifice est dress ; le sacrificateur est prt. Mais je cherche les assistants, j 'attends les tmoins. La divine victime est impatiente de descendre des cieux ; elle se charge elle seule de presque tous les frais du sacrifice ; mais elle demande au moins que la multitude ne proteste pas par son absence. Vainement l'airain sacr a retenti trois fois sur la cit et sur la contre tout entire, annonant par tout l 'heure du sacrifice : la majeure partie de la population reste sourde cet appel. Le riche mdite de nouveaux plaisirs pour faire diversion aux plaisirs de la veille ; le commerant demeure opinitrement assis son comptoir, supputant et calculant toujours ; le publiciste reste enferm dans son cabinet, gravement occup peut-tre crire sur la moralisation du peuple ; et si l 'ouvrier a quitt l 'atelier, c'est pour aller la taverne. Et cependant, mes Frres, le sang de Jsus coule sur l'autel, dans letemplequasi-dsert i

    Avcz-vous remarqu quelquefois, mes Frres, dans Je coin d'un tableau du crucifiement de Jsus, ces soldats romains qui, dansleur brutalit stupide, tournant lejdos la grande scne de la mort d 'un Dieu, tirent au sort, en je tan t le d, un pauvre vtement, objet de leur cupidit? Divi-dents vero vestimenta ejus, miserunt sortes. Mes Frres , ce contraste pnible et dgotant n'appartient pas au pass; il est de tous les jours . Ces soldats reprsentaient

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    toute une portion de l 'humanit. Tout AThcure un Dieu va descendre des cieux, s'immoler sur l 'autel ; et presque toute la cit, trangre cette grande action, ne fera pas un seul instant trve aux proccupations des affaires ou des plaisirs. Non, mes Frres, nous ne saurions dire combien cette pense est amre pour nous. Et quand parfois il nous arrive, le dimanche, l 'heure du sacrifice, d'tre appels auprs de quelque moribond et de traverser les rues de la ville, en voyant nos frres oublier presque tous, ne pas sembler souponner ce qui, cet instant-l mme, se passe dans le temple, nos yeux se remplissent de larmes, et notre cur se serre de douleur.

    Encore si tous ceux qui viennent dans le temple taient rellement des tmoins du sacrifice! Mais, hlas! aux messes moins solennelles surtout, combien dont le corps est prsent, mais dont l'esprit et le cur sont si loin ! Saint Luc nous dit encore que pendant que Jsus tait en croix, le peuple se tenait debout et regardait : Stabat populu* spectans ; c'tait pour eux un spectacle, et voil tout. Mes Frres, pourrait-on mieux rendre l'attitude d'un certain nombre d'hommes qu'un reste d'habitude amne encore au sacrifice ? Stabat populus spectans : ils sont l debout qui regardent. Ne cherchez pas en eux des tmoins intelligents et attentifs, des spectateurs touchs et at tendris. Non, ils sont debout, et ils regardent ; c'est tout ce qu'on en peut dire : Stabat populus spectans. Puis saint Luc ajoute : Et de-ridebant eum principes cum eis. Le dirai-je, mes Frres? c'est ce qui se renouvelle encore en face des autels. Si les grands et les riches du sicle, pour payer tr ibut aux prjugs vulgaires, accordent parfois une demi-heure au Dieu qui s'immole pour eux, ils semblent craindre que le peuple ne prenne au srieux cet acte de religion ; et par leurs causeries lgres, par leur maintien trop facile, ils enseignent leurs infrieurs, dj si dpourvus de foi,

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    sortir des bornes de la dcence et traiter drisorcment et sacrilogemenl les plus augustes mystres, au point que parfois, comme le disaient les Pres, le temple devient un lieu dangereux, o le luxe tale toutes ses pompes, o la passion tend tous ses piges, o le vice vient invoquer le bienfait du refuge l'ombre des autels : El deridebanl eum principes cum eis.

    Mes Frcres, l'Eglise ordonne d'assister au saint sacrifice chaque dimanche, et un grand nombre d'hommesn'}' assistent pas, et beaucoup d'autres y assistent mal : c'est l un dsordre qu'il faudrait pleurer avec des larmes de s a n g ; car sans la messe pas -de dimanche, sans le dimanche pas de religion ; et sans la religion quel bonheur, quelle paix possibles sur la terre ?

    Mais si le prcepte que l'Eglise impose tous est mconnu, le conseil qu'elle adresse quelques-uns en particulier est-il mieux observ? Ce serait le vu de l'Eglise, mes Frres, que tous les chrtiens assistassent chaque jour et mme communiassent au saint sacrifice; mais si cela est impossible au grand nombre, du moins il est des personnes privilgies qui leur position le permet, et qui n 'ont pas de prtextes ni de compensations qui les excusent. L'homme chrtien qu'un labeur pnible retient loin du temple, s'il ne s'associe pas au sacrifice comme tmoin, y participe au moins comme victime, ainsi que je le dirai. Mais vous, mon frre, vous, ma sur, dont la Providence a prvenu tous les dsirs, vous dont souvent la plus grande et peut-tre la seule inquitude est de savoir quoi vous occuperez votre journe, ah ! ne vous souviendrez-vous pas que votre Dieu s'immole pour vous l 'autel, qu'il vous attend les mains pleines de grces et de consolations? Vous avez encore tant de dfauts ! vous tes entours de tant de dangers ! votre pit est si froide, si languissante! Allezdonc, allez au temple. C'est pour vous, disait saint Jean de Jrusalem,

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    c'est pour vous que le sacrifice est offert, c'est bien le moins que vous y assistiez quand vous le pouvez.

    Mais que dis-jo? vous n'tes pas seulement les tmoins du sacrifice, vous en tes encore les ministres

    II. Sans doute, mes Frres, le prtre seul, revtu d'un caractre sacr, a le droit de monter l'autel pour immoler la Victime sainte, et ceux-l ont t condamns comme hrtiques qui ont voulu tendre tous les chrtiens ce qui est le privilge du sacerdoce. Cependant le prtre n'tant que le dput de l'glise, on peut dire, on doit dire que tous les fidles lui sont associs pour l ' importante fonction du sacrifice. Voil pourquoi le prtre ne parle point, l 'autel, en son nom propre et singulier, mais toujours en union avec tous les assistants qui conclbrent avec lui : Orate, fratres, ut meum ac vestrum sacrificium.

    Saint Pierre, numran t lcs titres de noblesse du peuple chrtien, l'appelle un sacerdoce royal, regale sacerdotium, un sacerdoce saint, destin offrir des victimes spirituelles. Or, M. F . , si chacun de vous pour sa part est ici prtre et sacrificateur, quelle haute ide ne faut-il pas concevoir de l 'attention, du respect, de la pit avec lesquels vous devez participer au sacrifice ? Pendant la clbration des mystres paens, une voix rptait sans cesse au sacrificateur : Age guod agis, faites ce que vous faites ; c'est--dire, en langage commun, soyez votre affaire, n'oubliez pas votre devoir: Ageqttod agis. M. F. , le prtre divin de l 'autel, prtre et victime, Jsus-Christ, celui-l ne s'endormira point, il ne sera point distrait, il fera son devoir, il n'oubliera rien : Ecce non dormitabtf neqtte dormiet, qui custodit Isral, etc. Mais vous, les coadjuteurs de son sacrifice, ne perdez-vous point de vue votre ministre? Songez-vous offrir Jsus son Pre dans les mmes fins pour lesquelles il s'offre lui-mme : adoration, action de grces, expiation, prire ?

    CBTJV. SACERD. T I I . 3

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    Hlas ! que vois-je ? Le ministre doit tre attentif ne pas omettre une syllabe des prires du sacrifice ; et vous n'avez point de livre entre les mains, et vous ne suivez pas les oraisons du prtre qui offre en votre nom, et vous ne rpondez pas mme Amen sa prire ! Le ministre doit observer minutieusement les crmonies du sacrifice ; et vous savez peine quand il faut se lever, se prosterner ou s'asseoir, et vous n'avez jamais tudi le motif de ces rites sacrs dont la mystrieuse signification est pour vous une nigme ! Est-ce donc ce point, chrtiens, que vous ddaignez cette participation du sacerdoce de Jsus-Christ dont vous tes investis ? Ah ! de grce, mditez davantage les fonctions saintes que vous exercez, et sachez dsormais comprendre ce que vous faites : Agnoscite quod agitis. Pour cela, M. F. , la meilleure mthode pendant l'audition de la sainte messe, c'est de s'unir aux prires et aux crmonies de l'glise, ainsi que je vous le dirai dans une prochaine instruction. Par l, vous entrez dans la pense du sacrifice, vous sacrifiez rellement avec Jsus et avec le prtre. Oui, M. F . , ce sacrifice est vous, vous en tes les ministres. Ce sacrifice est vous, il est vtre : Vesirum sacrificium. Ne soyez donc pas trangers votre ouvrage et votre proprit.

    Mais il est une faon plus particulire de rendre ce sacrifice vtre : c'est de le faire offrir quelquefois directement pour vous, pour ce qui vous intresse, pour les membres vivants ou morts de votre famille. E t ic i , M. F . , je vous prie de bien comprendre la doctr inedel 'gliseet les enseignements de la thologie. Sur l'autel sans doute, toutautantque sur le Calvaire, le sacrifice est offert pour tous les hommes. Cependant, comme nous l 'avons remarqu, le sacrifice de l'autel tend appliquer aux individus les grces dont le sacrifice de la croix a t la source universelle. Voil pourquoi le sacrifice de la messe, outre le bien qu'il cause

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    toute l'glise et surtout aux fidles qui sont prsents, possde encore une vertu propre, un fruit spcial, applicable telle ou telle me qui le fait clbrer son intention. Le sang de Jsus sur la croix a t vers pour tous ; au sang de Jsus coulant sur l'autel il faut une me en par t i culier qu'il sanctifie. Le fruit principal du sacrifice appartient cette personne, elle peut dire : Meum sacrificium. Le prtre le lui doit titre de justice, quoique ce qu'il a reu d'elle en change ne puisse et ne doive tre appel qu'une offrande, une aumne, sans aucune proportion avec la chose acquise.

    E t ic i , M. P. , quel pouvantable indice de l'affaiblisse -ment de la foi ! Jusqu' ces derniers temps, les 6acrifica teurs avaient toujours t trop peu nombreux au gr de la pit des fidles qui se disputaient avec une sainte jalousie le sang de Jsus. Mais aujourd'hui, le sang divin qui coule l'autel cherche une me qui il s'applique, et personne ne se prsente. Le monde est plein de paralytiques gurir, le purgatoire est plein de prisonniers dlivrer, et pas un malade n'est venu demander tre descendu dans la piscine, et pas un fils n'est venu demander la dlivrance de son pre ! Le sacrifice est termin : Dieu en a odor avec complaisance la suave odeur, il n'en a rien laiss perdre ; mais les hommes en ont laiss chapper une partie importante, et le but spcial du sacrifice, qui est d'individualiser lagrce, est manqu! Seigneur Jsus, enchanez donc l'lan trop gnreux de votre amour ; resserrez vos veines trop largement ouvertes, tarissez la source dj si diminue des vocations ecclsiastiques. Pour le ciel il n'y aura jamais assez de sacrificateurs ; mais pour la terre il y en a t rop . Car si mutile, si amondrie que soit votre tribu sacerdotale, le sang de Jsus-Christ coule trop abondamment encore pour une gnration qui n'en comprend plus la valeur, qui .n'en sent plus le besoin.

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    III. Enfin, M. F. , nous devons assister au sacrifice de l 'autel comme victimes. Car, comprenez cette doctrine de saint Augustin. Jsus-Christ tant la tte de l'glise, l'glise tant le corps de Jsus-Christ, il faut qu'en mme temps qu'il est offert par elle, elle soit offerte par lui. Jsus-Christ s'immole sur l'autel, mais ce n'est que la tte de la victime; les membres doivent suivre le chef. Or M. F . , en nous, tant que nous sommes, la matire du sacrifice ne manque pas. Qu'est-ce que l 'humanit tout entire, sinon une grande victime? Lisez ce qu'on appelle l 'histoire: qu'est-ce autre chose qu'une boucherie perptuelle, souvent une terrible succession de guerres , de pestes, de meurtres , toujours une suite de souffrances et de morts? Regardez bien l 'humanit des pieds la t te : l'empreinte de la douleur est partout, partout le couteau du sacrifice a laiss sa trace. Dans ce vaste corps, il n y a pas une seule partie saine : A planta pedis usque ad verticem non est in eo saniias. Jsus-Christ a trouv cela sur la terre quand il y est venu : la souffrance est l'invitable condition de notre nature coupable. Bon gr mal g r , l 'humanit n'est qu 'une victime.

    Jsus-Christ a trouv cela sur la terre, et il a d i t : sanctifions, ennoblissons, divinisons ce grand troupeau de victimes; changeons cette boucherie en un sacrifice; de cet chafaud faisons un autel. Et lui-mme, chef auguste de l 'humanit, s'immola le premier sur la croix, s'immole chaque jour au cnacle eucharis t ique: et de l il appelle lui tous ceux qui souffrent, il prend, il identifie leur expiation avec la sienne ; d'eux et de lui, il ne fait qu 'une seule et mme victime, qu'une seule et mme oblation; l 'univers n'est plus un thtre de carnage, c'est le temple d'un sacrifice; l 'humanit n'est plus un patient vulgaire, c'est une hostie sainte; la terre n'est plus un chafaud, c'est un autel.

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    Mes Frres, celle considration ne vous semble-t-elle pas bien consolante? O vous qui chaque matin apporte une douleur, recuoillez-la prcieusement, et allez ladposersur l'autel comme votre offrande pour le sacrifice. Oui, c'est une loi de notre condition actuelle, loi terrible et dsolante pour la nature , qu'il faut souffrir. Tous tant que nous sommes, nous sommes un froment broy sous la meule, un vin foul sous le pressoir. Mais du moins, comme saint Ignace,M. P. , soyons le froment de Jsus-Christ : Frumen-tum Christi. Ce divin Sauveur, sur l'autel, emprunta la substance du froment pour matire de son sacrifice ; allons, nous aussi, lui porter nos corps et nos curs broys et ptris par la souffrance ; toute douleur est un froment rece-vable l'autel eucharistique.

    Que Jsus ne se plaigne pas l'autel, comme autrefois par son prophte, de fouler tout seul le pressoir : Torcular calcavi solus ! Au sang de la vigne, offert dans le calice, melons le sang de nos douleurs; de cette sorte le sacrifice sera complet. Jsus-Christ ne l'offrira pas seulement ses dpens, mais aussi aux ntres. Les membres seront immols avec le chef. Cette socit de souffrance adoucira, divinisera toute douleur. Et comme l'Agneau sacr remonte chaque jour, glorieux et impassible, de l 'autel de la terre au sublime autel des cieux ; un jour viendra o notre me, longtemps associe son sacrifice d'ici-bas, prendra son essor avec lui et ira parmi les Anges et les vieillards contempler et bnir son sacrifice ternel. C'est, M. F . , la grce que je vous souhaite (1).

    (1) Cf. Appendice I : A, 60.

  • V

    PRNE STO LES OFFICES D E L'GLISE , PRCHE L E III D I M A N C H E

    D E L'A V E N T .

    (11 dcembre 1842)

    Per ipsum ergo offeramus kastiam Inudis semper Deo, id estt fruetum labiorum caufiten-lium nomini ejus.

    Offrons donc incessamment Dieu pat* Jsus* Christ un sacrifice de louange, c'est--dire le fruit de nos lvres qui glorifient son nom.

    (Saint Paul aux Hbr., ch. xill , v. 15.)-

    MES TRS CHERS FRRES,

    Nos trois instructions prcdentes ont t consacres & vous exposer les grandeurs merveilleuses du sacrifice des autels, de ce sacrifice que le prcurseur de tous les thologiens, saint Denys l 'Aropagite, appelait avec tant de raison la plus divine de toutes les choses divines : Divi-norum omnium divinissimum.

    J'aurais pu, j ' aura is d peut- t re , avant de qui t ter cette matire, mditer avec vous les prires et les crmonies sacres qui accompagnent cette action par excellence ; soit qu'elle se consomme avec un appareil plus silencieux sur un autel clair de deux simples flambeaux et autour

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    duquel quelques rares fidles s'associent intrieurement la voix enfantine du nophyte qui rpond Amen; soit qu'on la clbre avec toute cette pompe auguste dont Jean le bien-aim a surpris le modle dans la Jrusalem des cieux, alors qu'au fond d'un sanctuaire, couronn de mille feux, embaum du plus doux encens, le sacrificateur apparai t entour d'un clerg nombreux revtu d 'ornements o l 'or et les pierreries tincellent, et que le temple retenti t des mles voix des choristes et des dlicieuses harmonies de l'orgue chantant et soupirant la trois fois triple invocation du Sauveur et du Christ, la grande doxologie des Anges, le t r iomphant symbole de la croyance chrtienne et le Trisagion drob aux lyres ternelles, et qu 'une multi tude immense, de tout ge, de tout sexe, s'incline et se prosterne la descente de la Victime salutaire qui ouvre la porte des cicux.

    L'explication dtaille de tout ce qui se rapporte la clbration de la sainte messe sera plus convenablement peut-tre la matire de nos instructions familires du Rosaire. Aujourd'hui je passe un autre sujet que saint Paul lui-mme me reprsente comme un corollaire et une consquence du prcdent. Aprs avoir parl du sacrifice rel qui se consomme sur l 'autel, je vais vous entretenir du sacrifice des lvres qui se consomme incessamment autour de l'autel, en union avec le sacrifice du matin : Per ipsam ergo offeramus hostiam lundis semper Deo, id est, fructum labiorum confitentium nomini ejus. Les fidles ne savent pas assez quelle est la valeur de la prire publique de l'glise, quelle en est l 'ant iquit , la beaut , la varit, l'efficacit. Tchons, mes Frres, d 'aborder au moins les points pr incipaux de cette belle thologie, et peut-tre dsormais ne vous contenterez-vous plus d'assister au saint sacrifice et serez-vous moins indiffrents aux autres offices solennels de l'glise.

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    La prire publique ou l i turgique, que nous nommons office divin, heures canoniales, ne doit pas tro, considre comme une prire vulgaire; elle a u n e valeur, une vertu toute spciale, qui n'est infrieure qu' celle du sacrifice, avec lequel du reste elle est t roi tement unie. La pr ire liturgique n'est point simplement une prire individuelle, faite dans un nom individuel ; ce n'est pas mme seulement cette prire commune, faite de concert, laquelle Jsus-Christ a promis une assistance si particulire. Non; la prire liturgique n'est pas la prire de l 'individu, la prire de la famille ou de la communaut quelconque; c'est la prire de l'glise elle-mme, de l'glise tout entire, prire authcnl iqucmenl et officiellement offerte Dieu par des hommes qui ont reu dlgation jur idique cet effet. Car, dit Suarez, si Dieu a donn directement et immdiatement au prtre , par l'effet mme de son ordination, le droit et le pouvoir d ' immoler le corps rel de Jsus-Christ p a r l e sacrifice, et de sanctifier son corps mystique, qui est le peuple chrtien, par l 'instruction et les sacrements, l'glise son tour charge le prtre d'offrir incessamment Dieu par Jsus, pour elle et pour tous ses enfants, le sacrifice de ses louanges et de son amour.

    La prire publique, mes Frres, c'est donc la prire de l'glise ; et par consquent au tan t l'glise est plus sainte et plus assure de l 'amour de Dieu que ne saurait l 'tre aucun individu, aucune communaut particulire, au tan t la prire ecclsiastique est plus excellente et plus efficace que toute prire individuelle ou commune. La pr ire prive d'un individu, d'une famille, peut n 'tre que la prire d'un pcheur ou d'une runion de pcheurs, et dans tous les cas son efficacit est en proportion du mritp-fini de ceux qui prient. La prire l i turgique est la prire de l'glise, qui est essentiellement sainte et toujours digno d'tre exauce. La prire de l'glise, c'est la prire de l'-

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    poiise, et d'une pouse tendrement chrie qui exerce une sorte de sduction sur le cur du monarque qui l'a couronne. Que dis-je? la priore de l'glise, c'est lapr ire de Jsus-Christ lui-mmo; car l 'pouse ne fait qu'un avec son poux. C'est en lui, c'est par lui qu'elle confesse, qu'elle espre qu'elle aime, par lui qu'elle loue, qu'elle soupire, qu'elle demande : Per Dorninumnostrum. Jesum Cliristum. Jsus, rsidant sur l'autel des cieux et dans les tabernacles de la terre, rpte mot mot Dieu son Porc toute prire que prononce l'glise ; il s'identifie la prire de son pouse, et un saint docteur rappel le Tunique supplant de Tglise.

    C'est l, mes Frres, un principe qu'il ne faut pas oublier, et sans lequel on ne comprendrai t rien la valeur de l'office divin, d e l prire l i turgique. Et comme lesa iu l sac r i fice de la messe, lors mme qu'il est clbr solitairement et sans autre tmoin que le pr t re et l'enfant de chur, n'en est pas moins le sacrifice de toute Tglise, au nom de laquelle seul le pr t re a le privilge d'immoler le corps rel de Jsus-Christ ; ainsi l'office divin, rcit mme en part i culier par les ministres des autels, n'en est pas moins la prire do toute Tglise dont ils sont les dputs auprs cle Dieu, pour lui offrir sans cesse par Jsus-Christ ce second sacrifice que le psalmiste royal et le prophte Ose avec le grand Aptre appelaient dj le sacrifice des lvres, une hostie de cantique : Vitulos labiorum, hostiam vocifra-tionis, sacrificium laudis, id est, fructum labiortwi. L'glise voudrait, autant que possible, que tous ses ministres accomplissent solennellement chaque jour l'acte liturgique de l'office divin. Cependant, comme il est un autre sacrifice non moins agrable Dieu que celui des lvres, je veux dire le sacrifice des uvres, le sacrifice de la charit : Qui facitmisericordiam, offert sacrificium, TEglise restreint aux membres des Ordres religieux et du Chapitre l'obligation de la psalmodie publique, et o\\o autorise le*1

  • autres prtres rciter eu particulier leur office pour vaquer plus l ibremeut aux uvres du zle et de la misricorde envers leurs frres. Toutefois, jo le rpte , la rcitat ion prive de l'office n'en est pas moins un acte li turgique, c'est--dire, de prire sociale et non individuel le ; et toute faute commise par le prtre dans l 'accomplissement de ce devoir est moins une faute personnelle qu 'une faute contre l'glise.

    Maintenant, mes Frres, de quand date cette prire publique et quotidienne que l'glise catholique ne cesse de redire et la nuit et le jour? ces Nocturnes sacrs de la premire, de la deuxime et de la troisime veil le; ce& Laudes de l 'aurore ; ces chants mystiques de la premire, de la troisime, de la sixime et de la neuvime heure du> j o u r ; ces Vpres du crpuscule que compltent les mlancoliques soupirs d'une voix qui s 'endort? Depuis quand l'pouse de Jsus-Christ rpte-t-elle tout cet ensemble de prires?

    Mes Frres, une ternelle psalmodie, et, si j ' o se ainsi par ler , une liturgie infinie se clbrait avant les sicles-dans le sein mme de la divinit et dans l 'adorable socit-des trois Personnes se contemplant , se louant, se glorifiant sans cesse. L il n 'y avait point les chants de la nui t et les chants du j o u r ; car l ' immuable ternit ne distingue point de matin, de midi ni de soir. Le soleil ne se couche point sur la Jrusalem des cieux. Puis, au jour de leur cration, les churs des An ges,placs comme de saintes constellations autour du trne divin, commencrent de mler les accents de leurs lyres aux perptuelles harmonies de la Trinit sainte. L'homme lui-mme, roi du monde visible, fut admis joindre ici-bas son culte au culte suprme des cieux, offrant le sacrifice et chantant au nom de la cration entire l 'hymne liturgique la gloire du Trs-Haut.

  • 43 La socit humaine s 'augmoniant, le culte public,

    rduit d'abord aux proportions de la famille, revtit des formes sociales plus solennelles. Enos, dit l 'criture, commena d'invoquer le nom du Seigneur ; et les traditions liturgiques de cette poque antdiluvienne si riche de communication divine, No les sauva de cet abme o furent englouties tan t d 'autres sciences et tan t d'autres traditions. Abraham accomplissait les lois et les crmonies; Mose lui-mme les observa, jusqu ' ce que, sous la dicte de Dieu, il crivit pour le peuple choisi un nouveau rituel, code sacr de la liturgie judaque dans laquelle, outre les sacrifices du matin et du soir, nous savons p a r l e Psalmiste royal qu'il faut encore comprendre la psalmodie sept fois le jour et au milieu de la nuit : Septies m die laudem dixi tibi : mdia nocte surgebam ad confitendum tibi.

    Ainsi priait le monde, ainsi psalmodiait la synagogue, quand le Verbe, descendu des cieux, apporta un nouveau sacrifice la terre : sacrifice qui, en fixant au milieu des hommes le Dieu incarn, dsormais corporellemcnt prsent nuit et jour dans les tabernacles, exigeait une l i turgie plus solennelle encore, une psalmodie plus continuelle ; car impossible que le Dieu vivant et vritable demeurt solitaire et sans culte sur ses autels, pendant les longues heures qui sparent le sacrifice du jour du sacrifice du lendemain. Nous avons, dit saint Paul, un autel o Notre-Seigneur s'immole chaque matin, et rside touj o u r s : Habemus altare. Donc venons toute heure , et le jour et la nuit, saluer cette auguste Victime, et joindre son sacrifice d' immolation le sacrifice de nos lvres et de nos louanges : Per ipsum erg offeramus hostiam laudis sem-pet Deo, id est, fructum labiorum confitentiumnomini ejus.

    Et nous voyons que les premiers chrtiens, fidles la voix de l 'Aptre, au plus fort mme de la perscution, ne ngligeaient pas plus la psalmodie [que le sacrifice : Can-

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    tantes et psallentcs Deo in hymnis et canticis spiritualibus. Pline, dans son rapport rlbre Trajan, l 'informait de ces runions avant l 'aurore, dans lesquelles on pr ludai t aux mystres par des chants en l 'honneur du Christ. Tertul-lien parle presque chaque page du chant des psaumes, des assembles du mat in : Ctus antehicanos. Et le thologien de ces premiers ges d e l foi, initi si profondment par la doctrine apostolique aux mystres et aux sacrements de l'glise chrtienne, Denysl 'Aropagite, ne cra int pas de dire que la psalmodie est essentielle et en quelque sorte consubstantielle au sacrifice, et qu'on ne .peut en aucune faon l'en sparer : sent iment qui est bien celui de l'glise, puisqu'aujourd'hui encore elle veut que tout prt re prpare et sanctifie sa bouche par le sacrifice des lvres avant d'immoler, par le glaive de la parole, la Victime eucharistique. E t i l est remarquer que cette union, cette connexion du sacrifice et de la psalmodie, de la pni tence relle et du brviaire, a t justifie mme par nos ennemis, les hrtiques, lesquels ont fait cesser les heures canoniales sitt qu'ils ont ni l 'Eucharistie dont elles ta ient la glorieuse aurole. Et il en devait tre ainsi.

    Vous savez, mes Frres, que, chez les anciens, la nuit comme le jour se divisaient on quat re part ies, de chacune trois heures. La quatr ime veille de la nuit tait de six heures du soir neuf heures , ta deuxime de neuf heures minuit , la troisime de minuit trois heures , la quatrime de trois heures six heures du matin. Cette dernire heure tait la premire du jour qui se divisait aussi en quatre , de prime tierce, de tierce sexte, de sexte none. Aprs none commenait le soir, vespere. Chacune des parties de la nuit s 'appelait veille ou faction, d'un terme emprunt la langue mili taire, parce que les soldats veillaient ou faisaient faction chacun pendant trois heures. Or, ds le commencement du christianisme, l 'glise,

  • cette arme range en bataille, a voulu placer auprs de son royal poux une garde d'honneur. Voil pourquoi eut office de la nuit, compos de trois Nocturnes qui rpondent la premire, la deuxime et la troisime veille, est termin par les Laudes qui saluent les premiers feux de l'aurore la quatrime veille. Voil pourquoi ces heures canoniales de Prime, de Tierce, de Scxte, de None et du Soir qui rpondent l 'ancienne division des jours . Sentinelle aimante et attentive, l'glise, en la personne de ses ministres, fait ainsi cortge depuis dix huit cents ans, rend ainsi hommage au Dieu du tabernacle.

    Mais toi, enfant de l 'erreur, qui nies la prsence continuelle de Jsus dans son Sacrement, tu n'as plus de garde faire autour des autels . Pour toi, le temple est vide, le palais est inhabit, la maison est dserte. Factionnaire dsormais inutile, mets bas les armes. Fils de Luther ou de Calvin, jet te au feu ce Brviaire, fardeau dsormais superflu, car le sacrifice des lvres, qui s'offrait la nuit et le jour, convergeait dans toutes ses parties vers le Dieu fix dans le tabernacle par le sacrifice du matin. Prtre de Genve, de Berlin ou de Londres, aprs une journe donne la famille et aux affaires, va passer gaiement la nuit dans les brillantes et mondaines assembles de la cit, et dors tranquille au re tour . Nous, pretres catholiques, qui croyons au Dieu du tabernacle, et qui pour cela avons pous la douce obligation de la prire continuelle, nous sanctifierons les veilles de la nui t et les heures du jour, et nos lvres aussi bien que notre cur paieront incessamment tribut au Dieu de l 'autel, comme Paul nous l'ordonne : Per ipstim ergo offeramus hostiam laudis semper Deo, idest, fructum labiorum confitentiam nominiejus.

    Au reste, mes Frres, il y a d 'autres raisons encore donner de la division de l'office en diverses heures de la nuit et du jour : raisons tires les unes de l'ordre de la cration

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    et de la nature, les autres de l 'ordre de la religion, de ses faits cl de ses mystres, d 'autres enfin, de Tordre de nos besoins et de nos devoirs. Je trai terai fond cette mat ire , c'est--dire ce qui caractrise chacune des heures myst i ques de l'office divin, dans une instruction spciale s u r i s journe du chrtien sanctifie par l'glise. Avanons.

    Mais qu'est-ce donc, mes Frres, que cette pr ire liturgique de l'glise de la nouvelle loi? Ces offices divins, ces heures canoniales, qui donc en a fourni la substance? Ici, mes Frres, nouvelle merveille. La prire de l'glise-, c'est la prire de l'pouse ; mais c'est l 'poux lui-mme qui s'est charg de faire la prire de l 'pouse, de composer ces saintes requtes, ces divines formules, ces chants de louange et d'amour qu'il veut entendre de sa bouche. L'office de l'glise, mes Frres, est bien justement appel brviaire, c'est-a-dire abrg, rsum, breviarium; car c'est un compos merveilleux dont les diverses parties ramenes les unes chaque jour, les autres chaque semaine, d 'autres enfin chaque anne, forment entre elles un rpertoire divin et vari d'histoire religieuse, d'instructions dogmatiques, de prceptes moraux, et surtout un manuel d 'admirables prires. Avec ma Bible, je suis chrtien ; avec mon brviaire ou mon eucologe,je suis catholique. L Jsus complte Mose ; Paul interprte Mose et Jsus ; les conciles dfinissent et les docteurs commentent la parole de Mose, de Jsus et de Paul. Le dveloppement successif du cycle chrtien droule m e s yeux tous les mystres de la foi. Les exemples des Saints et la lgende de leur vie m'enseignent comment tous les sicles ont compris la pra t ique de la perfection vanglique.

    L surtout, je le rpte, l 'esprit et le cur apprennent prier. Toute l'glise emprunte l 'ancienne loi ses chants et ses psaumes : tantt elle demande Zacharie, Simon et h Marie k u r s cant iques; tantt , se souvenant qu'elle

  • aussi a r ecu la t rompette et la harpe , elle cde l 'Esprit qui l'inspire, et la source intarissable de posie, de prire et d'amour qui est au dedans d'elle, s'panche en rythmes mlodieux, en hymnes, en rpons, en antiennes et surtout en oraisons : formules, pr ires, les unes si simples, les autres si solennelles, dans lesquelles apparat tantt la douce confiance d'une royale pouse envers le monarque qui Ta choisie et couronne, t an t t la sollicitude empresse d'un cur de mre qui s 'alarme pour des enfants bien-aims, mais toujours cette science des choses d'une autre vie, si profonde et si distincte, soit qu'elle confesse la vrit, soit qu'elle dsire en goter les fruits, que nul sent iment ne saurait tre compar au sien, nul langage rapproch de son langage (1). Les protestants sont forcs de l 'avouer. Personne ne prie comme l'glise catholique ; elle seule a le don, le sens et l 'organe de la prire.

    Mais ce qui domine dans la prire de l'glise, ce qui en fait le fonds, ce qui en est toujours, dit saint Jean Ghrysos-tome, le commencement, le milieu et la fin, ce sont les psaumes : El primns, et mdius, et novissimus David. Les psaum e s ^ ! . F. , je me garde d'en dire un seul mot ; car je ne saurais plus finir, et j ' espre , s'il plat & Dieu, faire encore de ce sujet la matire d'une instruction tout entire. Malheur celui qui ne goterait pas la lecture et surtout le chant des psaumes ! Je lui conteste tout sentiment du beau, du grand, du sublime, du grac ieux; mais sur tout j 'ose dire que le sens religieux n'existe pas chez lui.

    Quantum flevi inhymniset canticis tuis} suave sonantis Eccle-si tuce vocibits commotus acriter. Mon Dieu, que j ' a i pleur au son de tes hymnes et de tes cantiques, et que j ' ta i s profondment mu des suaves accents de ton glise, nous dit saint Augustin en parlant du chant ecclsiatique ! Car, M. F . f

    (1) Voir dom Guranger. (Note de M. l'abb Pie . )

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    la priore de l'glise ne se parle pas, elle se chante. Le chant est A, la parole ce que la posie est A, la prose, ce que la danse es ta la marche ; toutes les grandes impressions de Tine ne se parlent pas , mais se chantent ; tout sent iment fond sur Tordre se rsout en harmonie. Lchant , c'est Ten-thousiasine de la pa ro le ; le chant, les livres sacrs nous l 'apprennent, c'est la langue du ciel. La Jrusalem de la terre doit donc naturel lement chanter ; et Tesprit divin, qui lui a inspir ses formules de prire, lui a aussi inspir ses chants , des chants dignes d'elle, des chants tels que la terre n'en connat pas de semblables, des chants qui ne sont pas de composition humaine. Non, personne ne prie , mais aussi personne ne chante comme l'glise catholique. Que tout le reste est froid et mesquin ct do la voix de Tglise 1 Avez-vous remarqu , ce matin, par exemple, M. F., ce Christe eleison par lequel Tglise invoque la venue du Messie dans les dimanches de TAvent? C'est une des mille sublimits des harmonies grgoriennes. Ce n'est pas seulement l 'oreille, mais c'est le cur qui manquent ceux pour qui ces chants clestes ne disent r ien. Sainte glise, oh ! que j ' a i pleur au son de vos hymnes et de vos psaumes, et que vos suaves mlodies m'ont profondment mu : Quantum flevi inhymnis et canticis fuis, suave sonantis Ecclesi tu vocibus commotns acriterl C'est le chant des offices divins qui a converti Augustin.

    M. F., oh ! qu'il doit tre agrable Dieu ce concert de louanges que la sainte glise fait monter vers les cieux, fait retent ir autour des tabernacles et la nuit et le j o u r ! Ces voix mles et fortes des fils du clotre, ces soupirs et ces accents plus doux des vierges consacres, ces chants mlodieux dont retentissent les basil iques, ces deux cent mille prt res chrtiens qui se prsentent sept fois le jour au nom de l 'pouse devant le trne du Roi, ces voix de l 'Orient qui prient quand les voix de

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    rOccidcntsc taisent, ces voix du Midi qui chantent quand les voix de l'Aquilon se reposent ; encore une fois, qu'il doit tre agrable Dieu ce concert de louanges que l'glise fait rsonner sans cesse, et combien de grces et de bndictions ne doit-il pas faire couler sur la terre !

    Cependant, M. F., cette prire de l'glise ne profite au peuple chrtien qu 'autant qu'il s'y associe, quelquefois par sa prsence, toujours par le dsir de son cur. M. F. , ce que je vous ai dit du sacrifice, je puis le dire aussi des offices de l'glise. L'glise offre pour vous ln sacrifice tous les jou r s ; mais elle veut que vous veniez l'offrir avec elle une fois chaque semaine. De mme, l'glise prie pour vous sans cesse, et le jour et la nuit ; mais elle vous demande que vous veniez prier avec elle, au moins le dimanche. Oh! M. T. C. F. , que nous sommes dsols de voir que les vpres du dimanche, cette portion de l'office pour laquelle les fidles taient venus jusqu'ici s'associer l a prire quotidienne et perptuelle de l'glise, sont presque compltement abandonnes, mme des personnes les plus rel igieuses! Vos pres dans la foi ne laissaient point ainsi l'glise prier seule Au sixime sicle, saint Augustin exigeait encore que tous les fidles, aux ftes solennelles surtout, assistassent aux veilles sacres de la nui t , et aux heures de Tierce, de Sexto et de None. Nous n'en demandons pas au tan t de vous, mais du moins le dimanche venez donc faire compagnie l'glise dans l'office du soir. Ce jour doit tre sanctifi tout entier ; aprs le sacrifice rel du matin, venez donc le soir offrir le sacrifice des lvres : Sacrificium vesperlinum.

    M. F. , cet abandon des offices divins qui nous dsole, tient ce que les fidles de nos jours n 'a iment plus assez, n 'estiment pas assez l'pouse de Jsus-Christ, la sainte glise leur mre. Il est un grand nombre de personnes qui la prire publique do l'glise ne dit r ien, et qui lui prfrent des recueils de formules plus ou moins pieuses

    U V SACfi&), T . H . A

  • sans doute, mais clans lesquelles, aprs tout, il n'y a que la pense de l 'homme. Ahl M. F. , ne commettez donc pas ce dsordre que de substi tuer ainsi la prire individuelle la prire publique. Chanter avec l'glise ce que l'glise chante, c'est le plus bel hommage que vous puissiez rendre Dieu ; il n'y a point de mditat ion ni de lecture qui vaille cela. Ce que vous ferez de mieux, c'est ce que vous ferez avec l'glise. Que vos Pasteurs seraient heureux s'ils voyaient ceux d'entre vous qui en ont le loisir et le got s 'appliquer aux choses saintes, s'initier aux mystres de l'office public,et assister,au moins aux ftes solennelles,aux Matines de la veille et aux Heures du jour ! Nous ne voyons jamais une personne prier , lire ou mditer devant quelque autel pendant les saints offices, sans regret ter que sa pit ne lui inspire pas plutt de joindre sa voix celle du chur.

    Mais enfin, du moins, je le rpte , n 'abandonnez pas l