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Fiche de lectureDocument rédigé par Aurore Touya
Oliver TwistCharles Dickens
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Oliver TwistCharles Dickens
(Université Paris IV – Sorbonne)docteure en littérature comparée
Document rédigé par Aurore Touya
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RÉSUMÉ 6
ÉTUDE DES PERSONNAGES 11Oliver Twist
Les personnages secondaires
CLÉS DE LECTURE 17Un roman social : émouvoir pour dénoncer
L’humour et l’ironie
Le rôle de la ville de Londres
PISTES DE RÉFLEXION 21
POUR ALLER PLUS LOIN 22
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Charles DickensRomancier anglais
• Né en 1812 à Portsmouth (Angleterre)• Décédé en 1870 près de Rochester• Quelques- unes de ses œuvres :
ʟ Contes de Noël (1843-1848), roman ʟ David Copperfield (1849), roman ʟ Les Grandes Espérances (1861), roman
Né en 1812, Charles Dickens est un romancier britannique. Ses romans, qui sont aujourd’hui des classiques, donnent à voir la société de son époque et dénoncent les injustices dont sont victimes les pauvres et les faibles. Ils suivent souvent un personnage à l’enfance malheureuse qui, à force de ténacité, parvient à échapper à cette existence misérable et à devenir un adulte respectable, comme dans David Copperfield (1849) et Les Grandes Espérances (1861).
Il a influencé de nombreux romanciers français des xixe et xxe siècles, d’Anatole France à François Mauriac.
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Oliver TwistUn classique de la littérature
britannique
• Genre : roman• Édition de référence : Oliver Twist, Paris, Le Livre de
Poche, coll. « Les Classiques de Poche », 2005, 736 p.• 1re édition : 1837• Thématiques : orphelin, délinquance, injustice, ironie,
pauvreté, Londres
D’abord paru sous la forme d’un feuilleton, Oliver Twist est publié en 1837. Il s’agit du deuxième roman de Charles Dickens, qui relate les aventures du héros du même nom, orphelin de naissance, maltraité durant son enfance, qui rejoint un groupe de jeunes voleurs londoniens. Le récit prend des airs d’enquête au fur et à mesure que l’on découvre qu’Oliver est maintenu dans la misère par un groupe de personnages mal intentionnés qui veulent le spolier de son héritage.
Oliver Twist est aujourd’hui considéré comme un classique de la littérature britannique et est lu dans le monde entier.
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RÉSUMÉ
PRÉFACE DE L’AUTEUR
Charles Dickens explique ses intentions : il souhaite « rendre service à la société » et dire dans son roman « la dure vérité » : en montrant l’horreur de la vie d’un voleur, il veut dépasser les apparences et montrer que ce type d’existence ne dépend pas d’un caractère, mais bien de la façon dont la société traite les plus faibles.
Le roman est divisé en 53 chapitres, qui sont ici regroupés, par souci de clarté, selon les étapes de la vie d’Oliver.
N.B. : chaque chapitre est précédé d’une courte phrase de présentation de l’action qui y est relatée, dans la tradition héritée des romanciers anglais du xviiie siècle.
PREMIÈRE ÉTAPE − L’ENFANCE MALHEUREUSE ET LA FUITE (CHAPITRES 1‑8)
On assiste à la naissance d’Oliver Twist, un orphelin. Il passe une enfance malheureuse, successivement chez Mme Mann puis chez M. Sowerberry. Il finit par s’enfuir après une bagarre provoquée par Noé Claypole. À son arri-vée à Londres, il rencontre Jack Dawkins, alias le Renard, qui le présente à Fagin.
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DEUXIÈME ÉTAPE − LONDRES OU LA LUTTE ENTRE LA MISÈRE ET LA BONTÉ HUMAINES (CHAPITRES 9‑36)
Oliver fait connaissance avec Fagin et sa bande. Il sou-haite naïvement travailler avec eux et fait les frais d’un vol qu’il n’a pas commis. Oliver est, pour la première fois, de sa vie choyé chez M. Brownlow qui l’a recueilli après l’affaire du vol. Fagin et sa bande veulent le récupérer et envoient Nancy l’enlever. Oliver réintègre à contrecœur le groupe des voleurs. Fagin l’envoie chez Sikes. Ils rejoignent Toby Crackit et Barney qui font pénétrer le jeune garçon dans une grande maison pour la cambrioler. Mais l’action tourne court : deux hommes tirent sur Oliver. Bumble s’entretient avec Mme Corney, la vieille intendante de l’hospice, et fait valoir l’intérêt qu’ils auraient à se marier ; elle accepte. Mme Corney assiste à l’agonie d’une employée de l’hospice, qui lui confie avoir volé un bijou à une jeune femme en couches.
De leur côté, Sikes et Toby racontent l’échec de leur opé-ration : en fuite, ils ont abandonné Oliver dans un fossé. Fagin tente alors de le retrouver : il se renseigne auprès de Monks, un autre truand.
Oliver se réveille dans un fossé le lendemain matin. Il se présente devant la maison, où il avait dû pénétrer la veille et est recueilli par une jeune fille, Rose Maylie. Pendant qu’Oliver est alité et soigné, les habitants se demandent ce qu’il faut faire de lui et appellent la police. Mais Oliver est mis hors de cause et se rétablit lentement.
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Il est emmené en convalescence à la campagne avec Rose, où il reste trois mois, pour son plus grand bonheur. Rose, très malade, triomphe finalement de la maladie.
Harry Maylie, le fils de Mme Maylie, souhaite épouser Rose, mais sa mère lui rappelle que son nom a été entaché et que ce mariage pourrait en souffrir. Harry se déclare à Rose, qui l’aime, mais celle- ci l’éconduit en raison de son passé et de son absence de dot.
Oliver, de son côté, croit avoir été espionné par Fagin et un de ses hommes.
TROISIÈME ÉTAPE − MYSTÈRES, MANIGANCES ET MANIPULATION (CHAPITRES 37‑48)
Bumble, devenu maitre surveillant de l’hospice, reçoit la visite d’un homme étrange (Monks) qui souhaite obtenir des renseignements sur la naissance d’un enfant à l’hospice. Monks rachète aux Bumble un médaillon qui appartenait à la mère d’Oliver, portant la mention « Agnès », et s’en débarrasse. Il le raconte à Fagin et Nancy part à la recherche de Rose Maylie.
Nancy révèle à Rose le projet de Monks, qui serait le frère d’Oliver et qui compte le spolier. Rose va trouver Brownlow ; avec ce dernier, le Dr Losberne et Mme Maylie, ils décident de tout faire pour aider Oliver.
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Noé Claypole et Charlotte arrivent à Londres. Noé est chargé d’aller prendre des nouvelles du Renard qui a été arrêté, puis de filer Nancy. Il assiste à la rencontre noc-turne entre Nancy, Brownlow et Rose : Nancy leur décrit Monks, ce qui ravive certains souvenirs de Brownlow.
Se sentant trahi, Sikes tue Nancy et s’enfuit après le meurtre.
QUATRIÈME ÉTAPE − RÉVÉLATIONS ET DÉNOUEMENT (CHAPITRES 49 À 53)
Brownlow a fait capturer Monks : de son vrai nom Edouard Leeford, il est le demi- frère d’Oliver Twist. Leur père était l’ami de Brownlow.
Oliver apprend qu’il est le fils d’Edwin Leeford et d’Agnès Fleming, sa jeune maitresse. Monks a été chargé par sa mère mourante de poursuivre le des-cendant illégitime de Leeford et de s’assurer qu’il ne touche jamais son héritage. Rose, quant à elle, est la jeune sœur d’Agnès. Toutes ces révélations conduisent au mariage de Rose avec Harry. Ces bonnes nouvelles sont interrompues par l’annonce de la mort de Dick, ami d’enfance d’Oliver.
Les coupables sont punis : Sikes meurt en tentant de s’échapper et Fagin est condamné à la pendaison.
Cet épilogue présente la situation des personnages après le dénouement : l’héritage, somme toute modeste, est partagé entre Oliver et Monks, qui le dilapide et
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meurt quelque part en Amérique. Oliver est adopté par Brownlow ; Grimwig et Losberne deviennent amis, Noé Claypole devient informateur pour la police et les Bumble sont démis de leurs fonctions.
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ÉTUDE DES PERSONNAGES
OLIVER TWIST
Il est le héros éponyme du roman. Orphelin de naissance, il grandit chez Mme Mann, logeuse d’enfants qui le mal-traite et le sous- alimente. À 9 ans, Bumble l’en retire pour le placer à l’hospice, puis chez les Sowerberry.
Oliver s’enfuit et arrive à Londres, où il tombe entre les mains de la bande de Fagin : c’est un jeune garçon naïf et bon, dont le tendre visage reflète la générosité de carac-tère, qui ne se méfie pas assez vite des personnages qu’il rencontre. Ce n’est qu’à partir de l’épisode du cambriolage chez les Maylie qu’il mesure la gravité des activités de la bande.
Oliver représente la figure de l’innocent : les aléas de la vie ont fait de lui un souffre- douleur et une victime de la méchanceté des hommes, alors que sa naissance le destinait à une situation confortable. Il incarne l’en-fance maltraitée, thème récurrent dans les romans de Dickens. Tout le roman est construit autour d’une quête de justice pour ce personnage, qui permet à terme de rétablir l’ordre et de rendre à Oliver le bonheur qui lui revient. Son nom (twist signifie en anglais « le coude », « le virage ») symbolise l’inversion entre la situation initiale (la misère et le malheur) et la situation finale (l’aisance et le bonheur).
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LES PERSONNAGES SECONDAIRES
Ils peuvent être répartis en deux groupes : d’une part, les opposants à la quête d’Oliver, qui sont les personnages mal intentionnés qui entendent profiter du jeune garçon ; d’autre part, les adjuvants qui au contraire l’aident à sortir de la misère et à progresser d’épisode en épisode vers une meilleure situation.
Le groupe des opposants
• Bumble. « Gros homme, de caractère irascible » (p. 29), il est bedeau de justice, chargé de faire exécuter les décisions et d’arrêter les délinquants. Son nom évoque en anglais les substantifs bumblebee, qui désigne un bourdon et bumbler qui s’applique à quelqu’un d’empoté, de maladroit : l’onomastique signale immédiatement que Bumble est un personnage peu recommandable. Cruel, méprisant et hypocrite, il déve-loppe des théories selon lesquelles il ne faut pas trop nourrir les pauvres si l’on veut qu’ils restent calmes ; pour lui, les indigents n’ont qu’un corps, mais pas d’âme ni d’esprit. Homme au « cœur imperméable » (p. 339), il épouse Mme Corney par pur intérêt et ment à Brownlow en disant ne pas avoir vendu le médaillon à Monks. Lorsque la justice est rétablie, il est démis de ses fonctions et enfin placé hors d’état de nuire.
• Sowerberry. Entrepreneur de pompes funèbres de la paroisse, son nom évoque en anglais le substantif sourberry, c’est- à- dire une baie acide. Oliver a 10 ans lorsqu’il est placé chez lui comme « garçon à tout
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faire » (p. 52) : Sowerberry l’exploite sans scrupule. Comme Bumble, il incarne la méchanceté et l’absence de scrupules.
• Noé Claypole. Jeune garçon qui travaille aussi chez Sowerberry, il malmène Oliver et le pousse à fuir. C’est en ce sens qu’il joue un rôle de pivot dans la vie du héros qui vit désormais à Londres. Opportuniste, il dénonce Fagin après avoir travaillé pour lui et devient informateur pour la police. Mais Noé peut davan-tage être pardonné que Bumble et Sowerberry, car, par exemple : il a connu comme Oliver une enfance difficile, pendant laquelle on a surement profité de lui.
• Jack Dawkins. Pickpocket, surnommé « le Renard » en raison de sa ruse, recrute Oliver pour Fagin. Il est décrit comme un personnage étrange, ce qui n’éveille cependant pas la méfiance d’Oliver : « C’était un garçon au nez camard, au front bas et à la figure commune, aussi sale certes qu’on pouvait s’y attendre de la part d’un adolescent de ce genre ; mais pourtant on voyait chez lui tous les airs et toutes les manières d’un homme fait. », (p. 85) Il est un personnage- pivot, car il fait basculer Oliver dans le monde des voleurs au chapitre 8.
• Fagin. Il est d’abord présenté comme « un très vieux Juif tout ratatiné, dont la vilaine et repoussante figure disparaissait à demi sous des touffes de cheveux roux » (p. 90). Vieillard autoritaire et manipulateur, il dirige la bande des voleurs et parvient à convaincre Oliver qu’il en fait désormais partie : « Après avoir, par la solitude et la tristesse, préparé l’esprit de l’enfant à préférer, dans un lieu aussi lugubre, n’importe quelle compagnie à celle de ses propres pensées si mornes, il instillait à
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présent avec lenteur le poison qui, il l’espérait, allait la noircir et en changer la teinte à jamais. » (p. 181) Fagin cumule tous les vices que peut connaitre l’homme : voleur, menteur, il ne pense qu’à son intérêt et est prêt à tout pour parvenir à ses fins. Son châtiment par pendaison, au chapitre 52, symbolise la justice qui organise le retour à un monde apaisé.
• Monks. Truand qui se révèle être le demi- frère du héros. Si son action est impardonnable (il fait tout pour spo-lier Oliver de son héritage), on comprend tardivement qu’elle obéit à une logique de vengeance familiale, après une promesse faite à sa mère agonisante. Sa mort, rela-tée dans l’épilogue au chapitre 53, est à l’image de son existence minable et impossible à racheter.
• Charley Bates. Acolyte du Renard, il travaille pour Fagin.
• William (Bill) Sikes. Amant de Nancy, William Silves présente « une large face aux traits lourds » et aux « yeux torves » (p. 124) qui sont l’image de sa violence et de sa méchanceté. Après avoir tué Nancy qui l’a trahi pour sauver Oliver, il meurt lors d’une scène terrible, pensant échapper à ses poursuivants : le hasard de la vie lui réserve un sort à la mesure de la gravité de ses actes.
Le groupe des adjuvants
• M. Brownlow. Victime d’un vol de la bande, il recueille Oliver qui a été arrêté à tort. C’est un vieux monsieur respectable, qui s’attache durablement à Oliver et ne peut croire en sa culpabilité. Il devient une figure paternelle de substitution et finit par adopter Oliver. Il forme avec Rose la tête du groupe des adjuvants :
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il n’a de cesse de protéger et de défendre Oliver, et joue un rôle crucial dans la révélation de la vérité. Il est secondé par Mme Bedwin, sa gouvernante, dame âgée et attentionnée, qui s’occupe d’Oliver.
• Rose Maylie. Vivant dans la maison qu’Oliver est chargé de cambrioler pour Sikes, elle est un personnage uni-quement positif et est présentée comme un ange par le narrateur : « Si jamais les justes desseins de Dieu font revêtir aux anges une apparence mortelle, l’on pour-rait sans nulle impiété leur prêter pareil âge et pareille forme. » (p. 271) Grâce à Nancy et aidée de Brownlow, elle parvient à déjouer le complot monté par Monks contre Oliver. Rose permet narrativement le développe-ment d’une deuxième intrigue : se présentant elle- même comme porteuse d’un nom entaché, elle se refuse à épouser Harry Maylie qu’elle aime pourtant. Les révé-lations de Monks lui permettent de faire la lumière sur sa situation et de mener sa vie comme elle le mérite.
• Dr Losberne. Il est le médecin des Maylie. Homme de confiance, il aide Rose et Brownlow à déjouer le complot.
• Mme Maylie. Tutrice de Rose, elle s’occupe également d’Oliver après la tentative de cambriolage.
• Harry Maylie. Il est le fils de Mme Maylie. C’est un jeune homme respectable et bien intentionné, dont la quête personnelle est d’épouser Rose.
Personnages à la frontière entre les deux groupes des « bons » et des « méchants »
• Nancy. Travaillant pour la bande de Fagin (elle se prostitue tout en étant la maitresse de Sikes), elle va tantôt desservir et tantôt aider Oliver, ce qui en fait un
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personnage complexe. C’est elle qui l’enlève, mais elle va trouver Rose pour lui révéler le plan conçu par Monks pour qu’Oliver ne touche jamais son héritage. C’est alors qu’elle bascule du côté des « bons » : elle est victime de son soutien, tardif mais décisif et elle prouve que la bonté peut coexister avec la misère.
• M. Grimwig. Ami de M. Brownlow, il ne croit pas en la sincérité d’Oliver et refuse de lui accorder sa confiance. Néanmoins, il n’est pas mal intentionné. Sa mauvaise humeur habituelle et sa tendance à répéter les mêmes expressions (comme « manger ma propre tête ») sont gentiment tournées en dérision par le narrateur.
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CLÉS DE LECTURE
UN ROMAN SOCIAL : ÉMOUVOIR POUR DÉNONCER
Le roman est tout entier construit sur la trajectoire de la vie d’Oliver Twist : orphelin de naissance, maltraité pen-dant son enfance, il ne connait que la misère et tombe dans la délinquance. L’auteur montre ainsi comment cer-taines existences sont socialement déterminées, ce qui s’oppose aux notions de justice et d’équité : Oliver ne mérite pas le sort qui lui est réservé et quiconque connai-trait de tels déboires tomberait dans le crime. Dickens fait clairement passer dans le roman cette vision qui est la sienne, en plaçant dans la bouche de certains person-nages adjuvants des propos qui soutiennent cette idée (à titre d’exemple, Rose, dont la clairvoyance éclate au chapitre 30 : « Même s’il s’est montré pervers […] pen-sez à sa jeunesse ; pensez qu’il a pu ne jamais connaître l’amour d’une mère ni le confort d’un foyer, que les mau-vais traitements et les coups ou le manque de pain ont pu le mener à s’associer à des hommes qui l’ont forcé à des actes coupables », p. 276.).
Dickens décrit avec minutie les basfonds londoniens dans lesquels le personnage évolue et la mesquinerie de ceux qui l’exploitent, qui constituent le décor de cette trajectoire. Il utilise les procédés du réalisme (abondance de noms de lieux, de détails sur la vie à Londres) pour composer un univers précis, reproduisant par exemple
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dans les dialogues le parler populaire et les expressions familières employées par les Londoniens pauvres (tels que l’argot qui émaille les dialogues de Jack Dawkins et Bill Sikes). Par contraste avec cet univers cruel et violent, il rappelle régulièrement la bonté d’Oliver, héros innocent qui n’a que le tort d’être né du mauvais côté, appelant le lecteur à s’émouvoir de son sort : « Il était seul dans un lieu bien étranger, et nous savons tous combien, dans cette situation, le plus courageux d’entre nous peut se sentir abandonné et glacé. » (p. 57) Le récit invite ainsi à l’empathie et à la compassion envers ce personnage, en particulier lors de scènes pathétiques (par exemple, à la fin du chapitre 7, lorsqu’Oliver est une fois de plus injustement puni).
Mais le narrateur omniscient (qui connait tous les détails de l’histoire qu’il raconte) peut aussi se faire porte- parole de l’auteur, notamment en dénonçant les injustices sociales. Par exemple, au chapitre 4, il invite les philo-sophes à se mettre à la place du personnage malmené par l’existence. C’est donc une véritable prise de position de l’auteur : l’histoire, pleine de rebondissements et de péripéties, distrait, certes, mais elle délivre également un message sur la société du temps de l’auteur et appelle à la justice.
On a pu reprocher à Dickens d’avoir fait preuve de sen-siblerie : certaines scènes du roman, surtout au moment du dénouement, reposent uniquement sur la sensibilité et la compassion, comme par exemple au chapitre 51 (« Respectons les larmes répandues et les paroles entre-coupées qu’échangèrent, durant leur longue étreinte,
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les deux orphelins. Ils avaient retrouvé un père, une sœur et une mère pour les reperdre dans l’instant. Joie et tristesse se mêlaient dans la même coupe ; mais leurs larmes n’étaient pas amères, car le chagrin lui- même se présentait sous des dehors tellement adoucis […] », p. 495). Mais ces recours à l’émotion servent le projet de dénonciation des injustices sociales, qui a été défini dans la préface par l’auteur.
L’HUMOUR ET L’IRONIE
L’un des traits caractéristiques de l’écriture de Dickens est la place qu’il accorde à l’humour et à l’ironie. Il emploie notamment de nombreuses antiphrases : cette figure de style revient à dire une chose pour signifier son contraire, ce qui lui permet de dénoncer certaines injustices. Par exemple, au chapitre 4, il désigne le fait qu’ Oliver demande une nouvelle portion de brouet, sorte de bouillie qui est la seule nourriture donnée aux orphelins, par l’expression « la perpétration du crime scandaleux et inique qui consistait à en redemander ». Il est clair que le narrateur est du côté du jeune héros affamé ; l’injustice de la situation est soulignée par cette antiphrase, qui épouse un instant la perspective des membres du conseil de l’hos-pice et dénonce au passage leur bassesse et leur égoïsme.
L’humour permet également d’alléger certains aspects du récit, qui est souvent marqué par la cruauté et la violence. Le personnage de Grimwig par exemple, vieil homme méfiant et maladroit, est régulièrement tourné en déri-sion, ce qui permet une alternance entre des notations comiques et la tournure tragique de certains évènements.
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LE RÔLE DE LA VILLE DE LONDRES
C’est avant tout la garantie d’un lieu sûr pour Oliver qui s’est enfui de chez les Sowerberry : « Londres ! – ce grand et vaste lieu ! – personne, pas même M. Bumble, ne pour-rait jamais l’y découvrir ! » (chapitre 8) Pourtant, Londres est le cadre du crime, incarné par tous les membres de la bande de Fagin. La ville est décrite comme un labyrinthe sombre et tortueux, qui permet les trafics les plus louches.
Mais la ville moderne est un microcosme qui fait coexister plusieurs types de personnages : la présence de Brownlow et de Rose compense finalement celle des truands auprès d’Oliver. Ainsi, un même cadre réunit à la fois les vices et les vertus humaines et Londres apparait dès lors comme l’image complexe de la nature de l’homme.
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PISTES DE RÉFLEXION
QUELQUES QUESTIONS POUR APPROFONDIR SA RÉFLEXION…
• Peut- on dire qu’Oliver Twist est un roman de formation ?
• Pourquoi peut- on dire qu’Oliver Twist est un roman réaliste ?
• Quelle est la vision de l’homme que Dickens développe dans ce roman ?
• Quelle image de l’enfance Dickens donne- t-il à voir dans ce roman ?
• Comment Dickens utilise- t-il la notion de détermi-nisme social ?
• Comparez l’utilisation du déterminisme social dans Oliver Twist et dans un roman de Zola (écrivain français, 1840-1902) issu de la série des Rougon- Macquart.
• Comparez l’image de l’enfance dans Oliver Twist et dans le poème Melancholia de Victor Hugo (écrivain français, 1802-1885).
• Le cinéaste Roman Polanski a déclaré : « Oliver Twist comporte plusieurs niveaux de lecture. C’est à la fois un parcours initiatique, l’apprentissage de la vie, une saga romanesque se déroulant au cœur d’une époque fas-cinante où le pire côtoyait le meilleur. Comme dans tous ses romans, Dickens y mêle humour et tristesse. » Commentez cette citation de façon argumentée.
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POUR ALLER PLUS LOIN
ÉDITION DE RÉFÉRENCE
• Dickens C., Oliver Twist, Paris, Le Livre de Poche, 2005.
ADAPTATIONS
• Dauvillier L. (scénario) et Deloye O., Oliver Twist, de Charles Dickens, bande dessinée en cinq tomes, Paris, Delcourt, coll. « Ex- Libris », 2007-2011.
• Oliver Twist, film de David Lean, avec Alec Guinness, Robert Newton et John Howard Davies, 1947.
• Oliver Twist, film de Roman Polanski, avec Barney Clark, Ben Kingsley et Jeremy Swift, 2005.
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