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Olivier Réal« A ma Sainte Catherine »

Ferdinand Bernhard

« A tous ceux qui m’aiment et aussi a tous ceux qui ne m’aiment pas... »

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Avant-propos de l’auteur

L’un de nos plus brillants auteurs contemporains, Jean d’Ormesson, débute l’un de ses livres en affirmant : « ce que j’ai le plus aimé au monde, je crois que c’était la vie. La mienne d’abord… ». Pour Ferdinand Bernhard, on se-rait tenté d’ajouter : « améliorer celle des autres, surtout s’ils sont Sanaryens… ». S’agissant d’un homme élu et réélu maire depuis près d’un quart de siècle dans une commune de 17 000 âmes qui demeure familiale, avec son exigence de proximité, on peut avoir la faiblesse de penser que l’appréciation est réciproque.

Avant de se pencher sur « comment » le maire de Sanary aime ses concitoyens, cet avant-propos a pour dessein de poser la question quasi existentielle du « pourquoi ».

L’une des vertus de Ferdinand Bernhard étant l’humour, option autodérision, à condition que ce ne soit « ni vul-gaire, ni grossier, ni méchant », le plaisir de l’auteur a rejoint la tentation de l’éprouver et de le mettre au défi de ne pas le censurer. Ce qu’il a bien volontiers accepté,

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au même titre que l’ensemble des écrits de cet ouvrage, appliquant à la lettre - la moindre des choses pour un abécédaire - ses principes revendiqués de liberté et de liberté d’expression.

Humour et autodérision, donc.

Il y a quelques années, dans la lointaine galaxie Web, des internautes d’origine anglaise ont lancé une plaisanterie en forme de jeu permettant d’apporter à une question simple des réponses parodiant des personnalités à tra-vers le temps. Ce qui confine souvent à l’absurde, mais peut se décliner facilement et presque sans limite. Ici, l’amusement a consisté à imaginer les mêmes réponses de personnages historiques appliquées à la question qui nous taraude (certes sans nous traumatiser) : « pour-quoi le maire, Ferdinand Bernhard, aime-t-il Sanary et les Sanaryens » ?

Aristote : « c’est dans sa nature de maire »Martin Luther King : « j’ai la vision d’un monde où Fer-dinand Bernhard serait libre d’aimer Sanary et les Sana-ryens sans avoir à expliquer son acte »Antoine de Saint-Exupéry : « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »Karl Marx : « c’était historiquement inévitable »Gandhi : « les aimer est une aspiration de son âme »Platon : « pour son bien, de l’autre côté de l’amour est le vrai »Nicolas Machiavel : « l’élément important est que Ferdi-nand Bernhard aime Sanary. On se fiche de savoir pour-quoi. La fin en soi d’aimer Sanary justifie tout motif quel qu’il soit »

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Sigmund Freud : « le fait que vous vous préoccupiez tous de savoir pourquoi le maire aime Sanary révèle votre fort sentiment d’insécurité sexuelle latente »Bouddha : « poser cette question renie votre propre na-ture de Sanaryen »Marcel Pagnol : « il aime tellement que cela nous fend le cœur »Richard Nixon : « il n’est jamais allé à Sanary, je répète, il n’est jamais allé à Sanary »Tomás de Torquemada : « tout Ferdinand Bernhard ayant aimé Sanary et qui reviendra en arrière sera remis entre les mains de la Sainte Inquisition »Jean Alesi : « je ne comprends pas, théoriquement à Ban-dol il avait le temps de freiner »Galileo Galilei : « et pourtant, il aime... »Ernest Hemingway : « pour mourir, sous la pluie »Winston Churchill : « parce qu’il se satisfait aisément du meilleur »Zen : « le maire peut vainement aimer Sanary, seul le maître connaît le bruit de son ombre derrière le mur »Eric Cantona : « Ferdinand Bernhard, c’est un homme libre, les Sanaryens, quand il veut il les aime »Eric et Ramzi : « tant d’amour nous rend presque aussi heureux que lorsque le premier trompettiste a marché sur la lune »Un opposant : « je l’aurai un jour, je l’aurai ! »Un pilote d’Air France : « pour prendre les Sanaryens sous son aile »A la toulonnaise : « parce que Sanary »A la marseillaise : « parce qu’il craint dégun Ferdinand »A la varoise : « Ferdinand, Sanary, pas pareil »

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A la Ferdinand Bernhard : « Ma plus belle histoire d’amour c’est vous (mais cela ne m’empêche pas d’être vigilant sur le bruit, la vitesse, la circulation, la propreté…) »

Caricaturale, comme les autres, cette dernière pensée méritait d’être étayée, étoffée, relayée. C’est l’objet de ce livre d’entretiens autour d’histoires vécues - et pas toujours sues - par un maire de Sanary nommé Ferdi-nand Bernhard. Autour de son ressenti également vis-à-vis des Sanaryennes et des Sanaryens. Du vécu pas toujours su non plus, car le rôle de maire peut dériver au quotidien sur celui de gendarme et il arrive plus souvent de dire aux citoyens ce qui ne va pas plutôt que « je vous aime ».

Puisé dans l’envers du décor de la politique, ces témoi-gnages sous la forme d’un « Abécédaire amoureux » sont en fait une déclaration, d’amour, d’amitié, de ten-dresse. Nous y avons pris beaucoup de plaisir, en espé-rant qu’il sera partagé par les lecteurs (en deux mots s’il vous plaît).

Attention : ne surtout pas confondre un délire d’auteur avec l’ego du maire qui n’a ni la prétention, ni l’envie, ni le temps de se prendre pour Aristote, Platon, Hemin-gway, Zen ou Jean Alesi (mais uniquement parce qu’il n’aime pas la vitesse…).

Olivier Réal

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Artiste(s)

On ne gagne pas une élection par la culture, mais une politique culturelle digne de ce nom permet de rencon-trer et de faire rencontrer des personnes qui gagnent… à être connues, y compris quand elles sont de l’autre côté de la scène. Le Théâtre Galli offre cette magie de l’échange avec des artistes qui paraissent intouchables, à tort. Quand Ferdinand Bernhard et son équipe sont arrivés pour la première fois en mairie après l’élection victorieuse de mars 1989, le Théâtre n’était pas une ins-titution comme aujourd’hui, c’était même un lieu qui ne fonctionnait pratiquement pas, avec un budget annuel de l’ordre de 300 000 francs...

« Au-delà de la rénovation progressive des lieux, nous avons pris le pari d’investir dans une programmation et cela a été l’occasion de côtoyer beaucoup d’artistes, des personnes que je n’aurais jamais imaginé approcher. J’ai été très touché par le fait que plus ils sont grands, plus ils sont célèbres, plus ils ont du talent, et plus ils sont modestes et d’un accès facile, tellement facile que cela

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en est déroutant. Je me souviens d’un moment avec Ro-bert Manuel, alors que l’on offrait à la fin du spectacle une coupe de champagne à la troupe, artistes et tech-niciens. Quand il est sorti de sa loge, je suis allé vers lui et je l’ai remercié d’accepter de partager un verre avec nous. Il m’a pris au dépourvu en me disant : « mais non, Monsieur le maire, c’est un honneur pour nous ». Il me l’a dit avec beaucoup de gentillesse et de sincérité et nos conversations ont montré qu’effectivement c’était quelqu’un de très simple, que le talent n’était pas obli-gatoirement synonyme d’éloignement.

Les vrais artistes ont cette capacité à aller vers le public après un spectacle qui force l’admiration car c’est une autre forme de performance. Je ne me prends pas pour un artiste, mais je m’exprime souvent en public dans le cadre de mes fonctions de maire. Lorsque vous sortez de scène après une heure et demie d’intervention, vous êtes lessivé.

Cette faculté des artistes à consacrer parfois autant de temps que leur spectacle aux gens qui sont venus les voir est une preuve de grande intelligence, de grande humilité. Cela veut dire aussi qu’ils savent très bien qu’ils doivent la reconnaissance de leur talent au public. Du moins les meilleurs d’entre eux.

J’ai le souvenir extraordinaire de Michel Galabru et Marthe Mercadier qui continuaient le spectacle en ré-pondant aux spectateurs chacun de leur côté suffisam-ment fort pour que l’autre entende les « exocets » qui lui étaient envoyés. Incroyablement drôle.

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J’ai été aussi marqué par Raymond Devos qui m’a re-mercié de l’accueil avec beaucoup de gentillesse. Alors que je lui signifiais que c’était bien normal, il m’a raconté qu’il lui était arrivé de trouver son cachet dans une en-veloppe glissée sous la porte de sa loge, et même, une autre fois, on l’a oublié et enfermé… « Quand on nous prête attention, cela nous touche », avait-il ajouté. J’ai toujours voulu en tenir compte. Au-delà de la qualité de notre public de connaisseurs et de celle de Galli, c’est peut-être un petit peu pour cela que les artistes aiment y venir, ont envie d’y revenir et deviennent souvent des ambassadeurs de la ville de Sanary ».

Avenir

« Un présent sans passé n’a pas d’avenir », disait l’his-torien des civilisations méditerranéennes Fernand Brau-del, mais aussi cette phrase culte qui doit interpeller tout élu en charge de responsabilités : « On ne connaît pas l’avenir, mais il faut s’y préparer ». Ce qui apparaît de moins en moins facile alors que les accélérations se multiplient dans un monde déjà lancé à grande vitesse.

« Il est certain qu’il faut regarder le passé, ne serait-ce que pour se donner des repères, car si on ignore d’où l’on vient, on ne risque pas de savoir clairement où l’on va, ou plutôt où l’on doit aller. Dans tous les cas, il est probable que l’on se trompera souvent et que l’on perdra en route une partie de son identité. Mais, pour autant, il ne faut pas confondre la prise en compte du passé et de son histoire avec le passéisme que certains,

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parfois, cultivent pour créer une espèce de nostalgie. Je pense que lorsque l’on est nostalgique, par exemple, à l’idée que l’école que l’on a fréquentée enfant va être détruite, parce que vétuste, ce n’est pas l’école que l’on regrette, c’est plutôt l’âge que l’on avait à ce moment-là…

On peut toujours en faire un art ou un pseudo art de vivre, néanmoins il faut aller de l’avant parce que le re-gard que porteront sur nous les générations futures sera pire que le regret du temps qui passe si nous n’avons pas fait ce qui était de notre devoir, d’élu et d’homme.

Il ne s’agit pas de vouloir aller plus vite que la musique, mais simplement d’essayer de mettre les choses en ordre de marche, en harmonie, soit pour préserver l’avenir, soit pour l’anticiper, soit pour le préparer. Ce n’est pas simple, parce qu’il y a une telle accélération des techniques, des échanges, de la notion de temps, de l’impatience de l’opinion, que l’on a quand même au-jourd’hui un peu de mal à prévenir l’essentiel.

Même si l’on passe beaucoup de temps à réfléchir, une multitude de choses nous échappe et nous échappera toujours. A ce propos, je trouve dramatique que l’on ait condamné à de la prison, en Italie, des scientifiques qui n’avaient pas su prévoir un tremblement de terre. Je pense qu’il va falloir créer une nouvelle école, que l’on pourrait appeler école de la sagesse et du bon sens, car l’homme est en train de perdre toute sa raison. A force de vouloir prévoir l’imprévisible, il finira tout simple-ment par recevoir sur le coin de la figure ce qu’il aurait dû prévoir ! ».

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Baux

Les baux ne sont pas les ennemis du bien, en tout cas du bien gérer la ville selon le modèle théorisé depuis long-temps par Ferdinand Bernhard et décliné à Sanary sur de bien beaux… projets.

« Le concept des baux à construction avec loyers capita-lisés, comme la ville les pratique aujourd’hui, m’est venu lors de mon premier mandat (1989-1995), alors que je voulais construire la caserne des pompiers. Un jour, je décide d’appeler la préfecture pour demander si l’on pouvait imaginer donner en location un terrain commu-nal à une société de logements HLM, et qu’au lieu de nous payer le loyer (en francs à l’époque) elle nous réa-lise au rez-de-chaussée une caserne des pompiers. La directrice du contrôle de légalité m’a répondu : « cela me semble être une bonne idée, je vais me renseigner auprès du ministère ». Quelque temps après, elle m’a donné son feu vert et, ainsi, a été réalisé le premier pro-

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jet sur Sanary via un bail à construction avec loyers capi-talisés en m2.

Le principe de cette méthode est le suivant : le bailleur rémunère immédiatement à la ville le montant global de la durée du bail en m2 d’ouvrage public. S’il porte sur 50 ans, par exemple, nous recevons tout de suite la totalité du loyer d’un demi-siècle. Non seulement nous gardons notre patrimoine foncier, mais nous bénéficions égale-ment d’un équipement réalisé au profit de la commune sans que nous n’ayons eu à le financer, en contrepartie d’une opération de logements qui répond, elle aussi, à des besoins. En outre, nous évitons les impayés, nous garantissons le maintien de la destination initiale du pro-jet et, au bout du bail, nous récupérons les logements construits et entretenus, donc à nouveau des loyers.

Un peu plus tard, j’ai imaginé faire payer les loyers ca-pitalisés en euros. Cependant, je pensais que jamais les banques ne prêteraient au preneur l’argent correspon-dant à ces loyers soldés à l’avance. J’ai quand même avancé l’idée et, finalement, je me suis rendu compte du contraire. Cela a ouvert un nouvel horizon. Je me suis dit que quand nous avions du foncier, nous pou-vions le mettre en valeur en faisant réaliser des projets intéressants pour la commune, un hôtel, un institut médico-éducatif, des logements sociaux, des bureaux, une maison de retraite, une poste, un commissariat… Autres attraits du dispositif : nous recevons de l’argent sans rien devoir rembourser, sur lequel nous n’avons pas d’intérêt d’emprunt non plus et que nous pouvons réinvestir tout de suite !

Baux

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Quand j’ai imaginé cela, je ne pouvais pas savoir qu’arri-verait un temps où les banques ne voudraient plus - ou moins - prêter, comme maintenant. Par conséquent, cette technique est d’autant plus la bienvenue qu’elle nous permet de compenser ce manque. Une bonne nou-velle n’arrivant jamais seule, elle a même été reconnue innovante par la Direction Générale des Finances Pu-bliques. C’est une véritable source de progression du pa-trimoine communal et de gestion optimale des intérêts de la population ».

Beau

En philosophie, la culture désigne ce qui est de l’ordre de l’acquis et non de l’inné. En sociologie, elle est défi-nie comme ce qui est commun à un groupe d’individus, ce qui le soude également. En mairie de Sanary, elle est mise en partage pour permettre à tous d’y accéder, même les plus réfractaires, ou censés l’être…

« Quelquefois, des personnes m’interrogent sur l’am-pleur du budget culturel de la commune de Sanary. Il ap-paraît effectivement tout à fait exceptionnel, si l’on se compare à ce qui se pratique ailleurs en France, qu’une ville consacre une telle proportion de ses moyens à ce domaine. J’en revendique la volonté, l’exigence même. Sans être psychanalyste, il faut néanmoins remonter à mon année de terminale pour comprendre mon chemi-nement en la matière. Un jour, mon professeur de phi-losophie fit un cours sur le thème du beau. Au bout d’un moment, un peu exaspéré du propos que je trouvais

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très arbitraire, mon côté taquin l’emporta, au point de lui demander qu’est ce qu’il trouvait beau, précisément. Il se lança dans une longue énumération de choses qu’il considérait comme belles d’une façon vérité absolue, tandis qu’à chaque fois je lui répondais : « moi non ! ». Ce petit épisode m’a valu sur mon livret scolaire l’appré-ciation suivante : « élève sérieux, mais réfractaire à la culture ».

Depuis, je m’efforce de démontrer que personne n’a à définir ce que sont les canons de la beauté, et encore moins les élus. Notre rôle est d’organiser la rencontre entre le public et les artistes, de la manière la plus large possible. Pour cela, il faut créer des lieux et des occa-sions de convivialité. Cette idée de rencontre étant im-portante dès le plus jeune âge.

Dans une ville, programmer la diversité de ces échanges culturels fait partie des actions qui méritent le plus grand soin. Comme je sais que, concernant les spectacles vi-vants, il est impossible - ou quasiment impossible - pour certaines personnes d’y accéder, pour des raisons finan-cières, nous avons pris le parti avec mon équipe munici-pale d’offrir tous les spectacles d’été à la fois aux habi-tants de Sanary et aux visiteurs. L’accès à la culture ne doit pas être, et ne sera pas ici, un privilège réservé à ceux qui en ont les moyens. Je me rappelle qu’au début de ma vie publique on parlait du Var en disant que c’était un désert culturel. Je suis content et fier de compter parmi ceux qui ont gagné du terrain sur ce désert… ».

Beau

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Bedos

Ce qui est surprenant avec les artistes, c’est cette grande différence entre le personnage qu’ils jouent et ce qu’ils sont après, en aparté, notamment les humoristes. Le maire l’a découvert en particulier avec Guy Bedos, avec lequel il a eu une longue conversation à propos du mé-morial d’Izieu, superbe hommage aux enfants juifs ex-terminés durant la seconde guerre mondiale par les nazis. Ayant été à l’origine de ce mémorial, Guy Bedos a désiré rencontrer Ferdinand Bernhard après un spec-tacle à Galli, et surtout après avoir appris que le maire avait fait baptiser à Sanary un Jardin de la mémoire des enfants d’Izieu.

« J’ai pu échanger à cette occasion avec un homme d’une grande sensibilité et d’une belle écoute… Pour-tant, tout avait commencé par un « malentendu » orga-nisé par mes opposants qui lui avaient remis des tracts pas très sympathiques à mon encontre. Deux soirées étaient programmées. A la première, Guy Bedos s’en est pris à moi en plein spectacle. Nous nous sommes ensuite vus sur l’initiative du directeur de l’époque du Théâtre Galli pour évoquer Izieu, donc, et parler longue-ment. Le deuxième soir, il avait porté un autre regard sur moi et l’a dit. J’ai été très touché. Il n’était pas obligé. D’une part il y a des choses qu’il sait apprécier, mais je n’en doutais pas, d’autre part il n’avait apparemment pas apprécié - justement - l’instrumentalisation d’oppo-sants qui, pour le coup, ont eu mal aux gencives. Et je m’y connais…C’est la preuve aussi qu’au-delà du per-sonnage de la scène, il peut y avoir une belle humanité chez tout le monde ».

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Casino

Nombre d’affaires dans les années 70 et 80 ont défrayé la chronique dans le Sud, la Côte d’Azur surtout, autour de la réputation des casinos et du milieu qui les fréquen-tait. Au fil du temps, cela s’est estompé, mais l’image est demeurée controversée. Pourtant, à condition de bien les encadrer, ils sont devenus des lieux de divertis-sement très appréciés de la population, y compris sana-ryenne.

« Un jour, juste après que le maire de Six-Fours ait renon-cé à faire un casino sur la plage de Bonnegrâce, à proxi-mité immédiate de Sanary, je déjeune en compagnie du directeur des renseignements généraux dans notre département, avec lequel une relation sympathique s’est nouée, et il me demande pourquoi je ne fais pas un casino à Sanary. Je bondis et lui réponds que je ne suis pas là pour enrichir le milieu ! Surpris à son tour, il me rétorque que mon propos est dépassé, que nombre de groupes de casino sont aujourd’hui côtés en Bourse et

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qu’ils ne peuvent plus se permettre des comportements mafieux, tout en m’incitant à y réfléchir.

J’ai réfléchi longtemps effectivement avant de lancer la lourde procédure, je me suis renseigné, j’ai été rassuré et j’y ai vu un certain nombre d’avantages pour la ville et les habitants, sans nuisance en centre-ville compte tenu de la localisation un peu excentrée du terrain pres-senti, en tout cas beaucoup plus éloignée que le projet de Bonnegrâce qui était à 400 mètres de la mairie. Pour bien me rendre compte des réalisations des différents candidats au projet de Sanary, je me suis rendu à Cassis, au casino Barrière, lieu à une certaine distance de Sana-ry, et j’ai été étonné de voir le nombre de Sanaryens qui me saluaient et me demandaient ce que je faisais là… Demain ils pourront, s’ils le désirent, jouer aussi dans leur ville. En outre, et bien que les sommes dépensées soient assez peu de choses comparées à celles consa-crées au PMU et aux diverses autres formes de jeux, j’ai demandé au groupe Viking, qui doit opérer au casino de Sanary, de faire mieux que ce que la loi impose pour pro-téger les gens d’une éventuelle addiction.

Un casino est aussi un endroit de loisirs, de convivialité, et cela doit rester un lieu où il fait bon vivre, en harmonie avec le reste de la ville. En outre, cela élargit le champ culturel avec une nouvelle salle de spectacles et joue un rôle non négligeable de locomotive pour le tourisme lo-cal. Et puis, n’oublions pas que le législateur a créé des obligations d’implication dans la vie de la cité pour les casinotiers. Il faut que cela renforce l’image de Sanary et non le contraire ».

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Changement

« Le changement c’est maintenant », résonne encore le slogan gagnant des dernières élections présidentielles. « Il faut que tout change pour que rien ne change », écrit aussi le Prince Giuseppe Tomasi dit Lampedusa dans son célèbre roman « Le Guépard », sublimé au cinéma par Luchino Visconti. En fait, la notion de changement est permanente dans le quotidien de la vie, y compris muni-cipale, dès lors que l’on passe d’un état à un autre. En-core faut-il ne pas changer uniquement pour changer, ni pour donner le change…

« Auparavant, le traditionnel marché de Sanary se dé-roulait conjointement sur l’allée d’Estienne d’Orves et sur le parking de l’Esplanade. Donc, le mercredi, inva-riablement, les rues de la ville étaient désertes puisque les habitants et les visiteurs allaient massivement là-bas, compte tenu du succès et de l’aura de ce marché. Par conséquent, afin de mieux organiser ce grand rendez-vous hebdomadaire en même temps que la continuité de la vie des gens au sein de la commune, nous avons décidé de l’installer sur le port. Ce qui, évidemment, a provoqué un tollé général. Cependant, je savais que cela aurait deux avantages essentiels : d’une part, cela ra-mènerait l’animation vers le centre-ville et d’autre part plusieurs centaines de places de parking seraient ainsi libérées, favorisant le stationnement ordonné.

Au final, tout le monde a été gagnant et, aujourd’hui, si l’on revenait en arrière, ce serait l’émeute…

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A propos de changement d’habitudes, je me rappelle souvent avec amusement une anecdote. J’ai, à mon cabinet dentaire, l’une de mes fidèles patientes qui est commerçante dans la commune d’à côté. Un jour, mani-festement exaspérée, elle se mit à me raconter, avant que je lui prodigue mes soins, toute sa souffrance en rai-son des bouleversements générés par les travaux qui se déroulaient devant son établissement.

J’ai bien essayé de lui expliquer que tout changement, à Sanary ou ailleurs, troublait forcément les habitudes. Mais, comme elle ne semblait - ou ne voulait - pas bien comprendre, je lui ai alors demandé d’imaginer qu’en ar-rivant devant chez elle, sur le pas de la porte, elle trouve son mari qui lui déclare : « chérie, je viens de changer les meubles de place ». « Sans avoir vu le résultat, quelle sera votre réaction ? », ai-je ajouté. Dans un grand éclat de rire et écartant les bras, elle a répondu : « je le tue ! ».

La messe était dite… ».

Classe

La première rentrée des classes coïncide souvent avec des moments « terribles » enfants-parents et vice-versa. De vraies larmes, de vraies souffrances qui, pour les pe-tits bouts, sont, sur le moment, LE drame de leur courte existence. Et pourtant, ce n’est pas une fatalité. En tout cas pas à Sanary…

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« Je me souviens du déchirement, et le mot n’est pas trop fort, de ma première rentrée des classes, et quand il m’arrive d’aller dans l’école maternelle d’Ollioules, je m’arrête toujours devant la descente de gouttière à laquelle je suis resté accroché toute la journée en pleu-rant, en hurlant et j’en passe. Depuis que je suis élu, je me suis demandé comment faire pour que le jour de leur première rentrée il n’y ait plus d’enfants qui pleurent. J’ai ainsi imaginé que pour ces tout-petits on pouvait or-ganiser un accueil avec des animateurs joyeux, leur of-frir une peluche, les faire rentrer dans l’école avec beau-coup moins d’appréhension et regarder leurs parents un peu plus rassurés aussi. Cela est mis en place depuis quelques années et l’enfant qui pleure à la rentrée des classes à Sanary est devenu une exception.

Quand on est élu, il est utile de se souvenir de ces choses que l’on n’aurait pas voulu vivre, voir ou entendre, et es-sayer d’apporter une contribution qui bonifie la vie, ou la sécurise, un petit rien qui met du baume au coeur ».

Commerçants

« Le commerce unit les hommes, tout ce qui les unit les coalise, le commerce est donc essentiellement nuisible à l’autorité », disait Napoléon Bonaparte. Ces propos ont toujours une certaine résonnance dans les communes, nées d’ailleurs de son imagination et de sa volonté. En définitive, tout dépend de la façon dont cette autorité est exercée, de la justesse des décisions et, facteur plus aléatoire, de l’humeur de chacun…

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« Souvent, en France, et donc à Sanary bien sûr, les com-merçants râlent parce que le stationnement est payant. A deux reprises dans ma vie d’élu, j’ai vu des commer-çants venir me voir quand les horodateurs étaient en panne pour me demander quand ils seraient réparés. Et lorsque je leur ai demandé à chaque fois pourquoi ils me posaient cette question, les réponses ont été identiques : « parce que depuis qu’ils ne marchent plus nous tra-vaillons beaucoup moins ! ». Pour moi, cela a été deux moments de grande satisfaction car, implicitement, ils venaient de reconnaître que le stationnement payant avait aussi pour fonction de favoriser le turn-over des voitures, en évitant que ce soient les propres véhicules des commerçants, de leurs employés et des riverains qui prennent les places de leurs clients.

A propos des commerçants, je me souviens quand je me suis présenté la première fois aux élections municipales, alors que je faisais le tour de Sanary durant la campagne, ils me confiaient tous leurs espoirs que la ville soit plus propre si je devenais maire. Je leur ai répondu : « oui, elle le sera, mais vous râlerez parce que ceux qui nettoient les rues saliront vos vitrines… ». Ainsi furent les choses.

Au-delà de ces anecdotes sympathiques, notre rôle d’élu est de créer les conditions pour que les clients viennent à Sanary et que les commerçants puissent bien travailler. Cela relève de l’esthétique des lieux, de la propreté, des animations, de l’amélioration de la notoriété de la ville, de l’offre de stationnement…

Dans ce domaine là, nous avons bien avancé, avec eux, puisque, dans une petite commune de 17 000 habitants comme la nôtre, c’est un exploit d’avoir plus de 500

C0mmerçants

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commerces. De plus, à chaque fois que l’on aménage une rue piétonnière, très rapidement les commerçants s’y installent, les chalands prennent leur(s) marque(s) et, au final, tout le monde trouve son compte.

Et puis, une ville sans voiture est une ville qui apaise ».

Communauté

Le mot communauté est dérivé du mot communal en tant qu’état ou caractère de ce qui est commun. C’est tout à fait dans cet esprit que le maire organise tous les ans sur le parvis de l’église, au moment d’allumer les lu-mières de Noël, une manifestation très appréciée si l’on en juge par la densité de la foule. Le maire, donc, le chef de corps des pompiers, le commissaire de police, le curé et le pasteur (qui est actuellement une femme) adres-sent à cette occasion un court message à la population.

« On sent qu’il se passe quelque chose, cette magie du moment largement partagé. C’est fabuleux qu’ils accep-tent tous les quatre de faire cela, car cela démontre que quand on recherche ce qui nous rapproche on fait du bien à tout le monde. Cela se passe en toute simplicité, à tour de rôle, sans hiérarchie et avec l’interdiction de lire un texte écrit. Je suis particulièrement fier de cela. C’est à Sanary et nulle part ailleurs.

Pour Hanouka, la fête des lumières juive également cé-lébrée en décembre, cet esprit se poursuit sur l’allée

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d’Estienne d’Orves, et la communauté juive est toujours très touchée lorsque le maire, le curé et le pasteur ré-pondent à l’invitation du rabbin. Cela leur fait du bien et nous fait du bien à tous. Chacun pense ce qu’il veut, mais ce sentiment d’appartenir à ce même ensemble est fondamental. La dimension de la communauté au sens large dépasse largement les contours de l’administra-tion ».

Convivialité

Chaque ville a son lieu particulier de convivialité, chargé d’histoire, de souvenirs, de symboles. Quand bien même il a évolué au fil du temps, cela reste souvent un espace d’équilibre et de plaisir du partage, à l’image d’un repas que l’on qualifie de convivial. Concernant la Cité de la Jeunesse de Sanary, devenue aujourd’hui Théâtre Galli, il s’agit en l’occurrence de festin…

« C’est l’endroit où j’ai commencé à jouer au basket-ball, puisqu’avant il y avait un terrain au pied de la scène et des tribunes. Pour d’autres, cela rappelle des moments différents, collectifs ou personnels… C’est un lieu très important pour les Sanaryens et le slogan actuel du Théâtre, « la scène de toutes les émotions », n’est pas un hasard. On raconte beaucoup d’anecdotes sur le curé Galli, grand homme de la commune de l’après-guerre jusqu’au début des années quatre-vingt (cf lettre G), mais il ne faut pas oublier sa capacité à entreprendre et surtout sa force de caractère hors du commun. Il avait réussi l’exploit de créer un endroit où devaient se re-

C0mmunauté

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trouver à la fois des artistes avec un public, un prêtre avec des paroissiens, des sportifs avec leurs supporters.

Un véritable lieu de convivialité pour multiplier les occa-sions de convivialité, dans l’échange, le recueillement, le bonheur, le plaisir. Cela contribue à forger l’âme d’une cité. Vous pouvez être catholique ou protestant et aimer le basket, de droite ou de gauche et prier le même dieu, catholique ou protestant de droite ou de gauche et ap-précier le même chanteur ou le même acteur…

Paul Valéry a dit un jour : « enrichissons-nous de nos mu-tuelles différences ». Je partage cette belle ouverture et je me sens un héritier de la démarche de Georges Galli ».

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Déchèterie

La problématique de traitement des déchets est au cœur des enjeux environnementaux et des notions nou-velles d’éco-citoyenneté. Alors que notre région semble en déficit culturel en la matière, les bons résultats de la déchèterie de Sanary ont agréablement surpris le maire.

« Quand on m’a proposé de faire une déchèterie, je ne croyais pas que cela pourrait fonctionner car je pensais, à tort, que l’indiscipline et le laisser-aller seraient difficiles à circonscrire. Mais, contrairement à ce que certains di-sent, j’écoute et j’entends. Nous avons finalement réa-lisé cette déchèterie, récemment agrandie d’ailleurs, et il est impressionnant de constater les volumes déposés et le poids que cela représente. Je le compare souvent, par année, à celui de la Tour Eiffel, qui fait 10 100 tonnes, contre 5 791 tonnes enregistrées à la déchèterie en 2011, soit plus d’une Tour Eiffel tous les deux ans ! Cela donne une idée de l’impact et des nuisances évitées, sachant que tout cela allait autrefois dans les containeurs à or-

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dures ménagères et surtout sur le bord des chemins de l’arrière-pays, dans la Reppe ou le massif du Gros Cer-veau.

Ma satisfaction est de voir qu’aujourd’hui il n’y a plus de dépôts sauvages sur Sanary. Et quand cela se pro-duit, il faut immédiatement les enlever. C’est aussi la preuve qu’il est nécessaire d’améliorer les choses avec le concours actif des habitants. On peut en effet décré-ter, décider tout ce que l’on veut, mais s’il n’y a pas une part active prise par la population ou des groupes re-présentatifs de personnes, c’est voué à l’échec. Dans ce cadre, il est agréable de constater que la démarche en-vironnementale gagne l’esprit des habitants de Sanary qui est l’une des villes de la région toulonnaise la plus performante en la matière ».

Délais

Alors qu’il inaugurait le 21 septembre 2012 le Clos Véro-nique, résidence de 42 logements sociaux, Ferdinand Bernhard se tourna vers le panneau descriptif de l’opé-ration et lut à voix haute : « date d’acquisition : 2 janvier 2008 ». Il s’empressa de préciser - ce qui n’est pas dénué d’arrière-pensée quand le préfet à la ville représentant l’Etat déconcentré est présent - qu’avec « la meilleure volonté du monde il existe des délais incompressibles » et qu’il « faut assurément un certain temps pour faire les choses ». Et de rajouter, dans l’hilarité générale, à l’at-tention de la population venue en masse, ciblant délibé-rément la gent féminine, « c’est comme une femme qui

Déchèterie

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demande à son mari de refaire une pièce de la maison. Il faut du temps… ».

Démocratie

A défaut d’être l’anagramme de démagogie, la démocra-tie court souvent le risque d’en subir l’amalgame, sauf qu’en politique, la démagogie fait reculer la société en la bernant et la démocratie permet de la faire avancer dans la transparence, tout du moins en règle générale. Si le bonheur n’est pas dans le pré carré, la tentation de s’y fourvoyer est grande, surtout en période électorale municipale.

« L’exercice de la démocratie est compliqué parce que la nature humaine est ainsi faite que chacun, trop souvent, voit midi à sa porte, et voudrait que les édiles - c’est-à-dire les élus « en petit sanaryen » - s’occupent de leurs problèmes en priorité. Or, la démocratie consiste, en ré-sumé, à se faire désigner par l’élection pour régler les problèmes présents, du plus grand nombre, et prépa-rer l’avenir, sans pour autant oublier qu’il y a des sou-cis ponctuels et factuels qui doivent être aussi résolus, gérés, administrés. Et sans renier le passé non plus, bien évidemment.

L’opinion a quelquefois du mal à comprendre, lorsqu’un projet sort de terre, qu’il a fallu une très longue phase de réflexion, d’études, de concertation, de maturation, d’hésitation aussi, avant que les décisions soient prises. Cela relève de la responsabilité des élus de décider en

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connaissance de cause. Sachant qu’aux yeux de la ma-jorité des habitants nous devons pouvoir être - et agir - conjointement dans l’instantanéité et la projection, la problématique vient du fait qu’au moment où l’on tranche, la communication ne permet pas d’expliquer à chacun ce qui a guidé notre choix et tout le sens que nous donnons à ce que nous faisons. C’est quand le temps a fait son œuvre, que les choses se sont installées, qu’elles finissent par être comprises, ou mieux comprises, dans leur contexte général.

En matière d’élection, ce n’est pas simplement le bilan que l’on présente et le projet que l’on imagine collecti-vement qui font, seuls, l’adhésion des électeurs. Il est affligeant de constater à chaque fois lors de l’élection municipale, et quasiment uniquement dans ce scrutin précis compte tenu de sa proximité directe avec les administrés, les très nombreuses promesses qui sont faites individuellement aux gens. Certains n’hésitent pas à promettre, en effet, de donner un emploi à la mairie, de réserver un anneau pour le bateau dans le port, d’at-tribuer un emplacement pour vendre sur le marché, de rendre un terrain constructible, d’octroyer un logement HLM… Et toutes ces personnes à qui il est tant promis deviennent, malheureusement pour de mauvaises rai-sons, des convaincus, des militants, et, à 99% des déçus potentiels. Forcément. La démocratie ne devrait pas être cela, mais les hommes sont les hommes.

C’est pour cela que je m’efforce lors des campagnes électorales de rester modeste dans ce que je propose de réaliser, ce qui n’empêche pas d’être ambitieux pour la ville. D’ailleurs, à la fin de chaque mandat, chacun peut mesurer que nous avons fait beaucoup plus que ce que

Démocratie

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nous avions prévu, et ce même si certains projets n’ont pu encore être réalisés.

Mais, il n’en reste pas moins que la pratique de la dé-mocratie est une remise en question programmée, contrairement à ce que disait un vieil homme politique sur le nombre de mains serrées et le nombre de marches montées permettant de savoir si l’on est élu ou non. Je crois toujours que la sagesse est un facteur primordial et donc que le travail finit par porter ses fruits. Pour qu’un champ produise beaucoup, il faut le cultiver longtemps, longtemps… ».

Destin

Tout jeune déjà (le terme « petit » serait inapproprié compte tenu de sa taille), Ferdinand Bernhard le sentait, le savait, le disait, il voulait être maire. La volonté et les circonstances ont forgé son destin pour savoir du cœur de quels habitants il serait l’élu.

« La première fois que j’ai dit à quelqu’un que je voulais être maire, je devais avoir 17 ou 18 ans. C’était au père d’un de mes copains de classe qui a tout bonnement haussé les épaules. Cela m’a vexé parce que cette atti-tude était un peu méprisante. Or, j’ai cette vieille envie - tout à fait honorable me semble-t-il - de vouloir façonner le monde dans lequel je vis. Je compare souvent le rôle de maire à celui du père de famille. Quand vous êtes le père de famille, vous désirez donner la meilleure édu-cation à vos enfants ; quand vous êtes le maire, vous

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voulez offrir un maximum de chances aux enfants de la commune. Quand vous êtes le père de famille, vous sou-haitez avoir un beau jardin ; quand vous êtes le maire, vous faites en sorte que l’on puisse se promener dans les jardins de la ville. Quand vous êtes le père de famille, vous faites des choix entre les dépenses de nourriture, d’habillement, de voiture, de vacances ; quand vous êtes le maire, vous arbitrez entre les dépenses pour les écoles, pour les routes, pour le sport, pour la culture… Il y a une réelle similitude entre les deux rôles que l’on pourrait décliner plus largement.

Quand je serai vieux et que je me promènerai dans les rues de Sanary, il serait terrible pour moi de croiser un habitant qui me dirait : « tu ne m’as pas donné ma chance de faire ou de découvrir quelque chose ». C’est pour cela que j’essaie de diversifier l’offre aux jeunes de la com-mune et de les prendre en compte le plus tôt possible. Et si j’ai la conviction d’avoir simplement sauvé dans ma vie un jeune de la drogue, cela participera grandement à mon bonheur.

Outre cette envie d’être élu, maire et acteur du destin de ma ville, pourquoi avoir choisi Sanary quand on est un enfant de la commune voisine d’Ollioules ? Pour être tout à fait honnête, je rêvais effectivement d’être maire d’Ollioules. J’en ai été le premier adjoint et quand je suis devenu conseiller général du canton comprenant Ol-lioules, Sanary, Bandol et Evenos, aussitôt la rumeur a couru que je serai le futur maire de Sanary, alors que cela ne m’avait même pas effleuré l’esprit. C’est une rumeur qui a pris une ampleur démesurée. J’ai beaucoup d’at-tachement pour la ville d’Ollioules et j’étais en train de me préparer pour les municipales. J’avais déjà un local

Destin

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pour ma permanence, j’avais commencé une ébauche de liste, et cela a été extrêmement difficile de prendre une décision. Au moment de trancher, l’attirance pour Sanary a été plus forte.

Aujourd’hui, plus de vingt ans après, on me dit parfois que c’est mieux d’être le maire de Sanary que le maire d’Ollioules. Je réponds que ce n’est pas mieux, ce n’est pas pareil. Mais assurément formidable ».

Dette

La solitude de l’élu face à l’ingratitude de certains de ses administrés n’est certes pas une vue de l’esprit, à moins que ce ne soit une question de point de vue. Conversant avec le curé de la paroisse qui venait de finir la lecture de la série d’ouvrages sur le Général de Gaulle de Max Gallo, et qui l’invitait à faire de même, le maire eut, à dé-faut d’illumination, un autre éclairage.

« Répondant à sa remarque sur l’ingratitude dont avait fait preuve beaucoup de monde à l’encontre du Géné-ral, je lui ai expliqué qu’à la fin de mon premier mandat, si toutes les personnes à qui nous avions rendu service dans le cadre de la gestion municipale avaient voté pour nous, nous aurions été élus au premier tour. Or, nous l’avons été au deuxième et de 138 voix !

Je lui ai fait part de cette impression que les gens, quel-quefois, quand on leur a rendu service, votent contre

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nous comme pour effacer la dette… « Vous n’avez rien découvert, me rétorqua le curé, Saint-Vincent de Paul, lorsqu’il créa la Congrégation de la Mission, dit aux re-ligieuses alors qu’elles partaient en mission : « il faudra vous faire pardonner le pain que vous avez donné aux pauvres… ». Cela a changé ma vision. Quand on rend service aux gens, ils en sont généralement reconnais-sants, et cela arrive qu’ils apportent des bonbons, du chocolat, des fleurs, du vin, un pull over, une chemise, une cravate… Auparavant cela me gênait, maintenant j’en suis heureux et rassuré, je me dis : il ou elle a payé sa dette, il ou elle votera pour moi !

Plus sérieusement, on n’attend rien, rendre service, être utile, est notre mission première, on l’accomplit parce que l’on pense devoir le faire. Et puis, même si c’est un privilège pour un maire de recevoir des fleurs offertes par des femmes…, ce qui est plutôt rare dans la vie cou-rante d’un homme, le plus important est de sentir que l’on donne du bien et du bonheur ».

Différence

Afin de ne pas confondre la différence et l’indifférence, mieux vaut considérer et accepter que chaque personne ne réagit pas de la même façon qu’une autre et ne com-prend pas forcément les mêmes choses au même mo-ment. Et s’il est de coutume d’affirmer que l’on s’enrichit de nos différences, cela ne coûte parfois pas plus cher… de les ignorer.

Dette

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« A la grande question existentielle quotidienne « est ce que cela va bien ? », ou sa variante « comment ça va ? », les réponses diffèrent en fonction de nos cultures, de nos tempéraments, de nos humeurs. Mais, je pense néan-moins que l’on vit tous dans une société où l’on se re-garde un peu trop, on s’écoute un peu trop, on se plaint un peu trop, et j’en passe...

Un jour, alors que je descendais la rue dite du commis-sariat à Sanary, je croise plusieurs personnes en posant cette fameuse question traditionnelle lorsque l’on se dit bonjour. A ce moment là, l’un se plaint du temps, un autre râle parce qu’il n’a pas assez de monde dans son commerce, un autre encore geint qu’il a mal au bras, un quatrième évoque une douleur au pied… Bref, chacun avait ses maux, son petit souci. Et puis, j’aperçois, au bas de la rue, deux femmes en pleine conversation. Je leur dis également bonjour et leur demande, autre variante : « comment allez-vous mesdames ? ». Ce à quoi, toutes les deux, avec un grand sourire et une réelle bonne hu-meur, me répondent : « cela va bien, Monsieur le maire, merci ». J’ai, à compter de ce moment, et grâce à elles, compris et décidé qu’il ne fallait plus se plaindre de nos bobos à l’âme et divers problèmes, dans la mesure où ces dames, qui avaient comme point commun drama-tique d’avoir chacune perdu un jeune fils, n’en n’éprou-vaient pas elles-mêmes le besoin. Au regard de leur exemple, il n’est pas décent de passer notre temps en jérémiades… Ce sont des témoignages comme celui-là qui nous resituent dans la réalité de la vie et nous inci-tent à un peu de retenue.

Une autre fois, une femme vient au cabinet dentaire pour se faire retoucher une prothèse et quand je lui de-

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mande comment elle va, elle me répond le plus sérieu-sement du monde : « ça va, à part que ma fille a disparu depuis trois jours ! ». Ce jour là, j’ai également compris une autre chose importante, ou plutôt j’ai eu la confir-mation que nous ne sommes pas tous pareils. Je me suis dit, en effet, que si ma fille avait disparu depuis trois jours, je ne sais pas ce que je ferai, mais je pense que je n’irai certainement pas chez le dentiste me faire rectifier ma prothèse ! C’est tellement invraisemblable quand j’y repense que je n’en reviens toujours pas.

En guise de leçon à tirer de ces histoires, cela permet de mieux prendre en compte que, lorsque l’on s’adresse à l’opinion, tout le monde n’entend pas et ne perçoit pas la même chose. Cela fait partie des grands problèmes de communication et, en corollaire, de société ».

Discrétion

Quand on est, depuis la plus tendre enfance, d’un na-turel discret par pudeur et timidité, ce n’est ni naturel, justement, ni aisé de se découvrir en photo sur les murs de la ville, en quatre mètres par trois mètres, passage obligé pour être en haut de l’affiche. Contrairement à la chanson d’Aznavour, le nom de Ferdinand Bernhard ne s’est pas étalé en dix fois plus gros que n’importe qui, il ne s’est jamais vu non plus adulé et riche, signant des photos aux admirateurs qui se bousculaient, mais s’est efforcé de se plier avec tenue et même retenue au rituel électoral, faisant rimer discrétion avec son synonyme cir-conspection. A ne pas confondre avec circonscription…

Différence

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« Quand on est enfant, ensuite adolescent, et jeune adulte, on peut avoir du mal, comme cela m’est arrivé, à porter certaines choses, que ce soit ma grande taille, mes grandes oreilles, mon prénom, Ferdinand, avec tout ce que cela a pu générer comme quolibets, mon héré-dité autrichienne, avec tout ce que cela a pu générer de malveillance. Et puis, parfois, il ne faut pas grand chose pour que tout s’arrange, ou presque…

Quelques mois avant de m’installer en tant que dentiste, je rencontre une amie de ma mère avec sa fille, et la dis-cussion s’instaure. Je ne sais plus comment la conver-sation est venue sur les prénoms, mais j’évoquais avec elles la difficulté que j’avais à imaginer mon nom sur une plaque à la porte de mon futur cabinet dentaire, quand la fille de l’amie de ma mère m’affirma : « mais non, moi je trouve que c’est bien « Dr Ferdinand Bernhard », très bien même ! ». Je ne sais pas non plus si c’est le ton em-ployé pour l’exprimer ainsi que j’ai apprécié ou si c’est parce que c’était une belle femme qui le disait, mais cela a fait l’effet d’une thérapie brève. Depuis ce jour-là, j’as-sume en effet beaucoup mieux mon prénom.

A contrario, quelques années plus tard, lors de ma pre-mière campagne pour les élections cantonales, j’avais, comme tout candidat, loué des panneaux de quatre mètres par trois mètres pour y apposer ma binette, mon nom et mon prénom. Il est vrai que le jour où j’ai vu le premier panneau sur le bord de la route, cela m’a fait un choc ! Et le choc a été encore plus violent quand, deux ou trois jours après, j’ai retrouvé ma mère chez elle alors qu’elle venait de découvrir les immenses affiches. Je n’ai même pas eu le temps de lui demander quoi que ce soit

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qu’elle a décroché un cinglant : « tu n’as pas honte ! ». Sa réaction était liée au fait que la famille vivait depuis tou-jours discrètement et que, connaissant ma timidité ma-ladive, cela représentait subitement une modification radicale de notre règle de vie. Mais, au final, je pense, même si elle ne me l’a jamais dit, qu’elle devait être fière que son fils soit d’abord premier adjoint à Ollioules, puis conseiller général et maire de Sanary ».

Discrétion

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Ecoute

Peut-on laisser une trace utile en qualité d’élu tout en restant à côté de la plaque… ? Le maire de Sanary a de-puis longtemps tranché cette question.

« Depuis un quart de siècle ou presque, nous avons inau-guré à Sanary un certain nombre de réalisations et on ne trouve qu’une seule plaque portant mon nom en tant que maire de la commune, celle du collège, au côté de celui du président du Conseil général du Var, collectivi-té en charge de ces bâtiments d’enseignement dans le cadre de la décentralisation. Hormis cette exception, il s’agit d’un choix délibéré, car si je devais émettre le vœu que l’on se souvienne de moi, j’aimerais que ce soit non pas pour ce que j’ai fait mais pourquoi je l’ai fait. Inaugu-rer pour inaugurer n’a pas beaucoup d’intérêt, c’est le sens que l’on donne à l’action qui importe. Néanmoins, cela me rend heureux de rencontrer quelqu’un qui ap-précie telle réalisation ou telle démarche mise en œuvre et qui m’explique le pourquoi de son contentement.

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Peut-être aussi parce que cela donne du sens au propos et permet l’échange. C’est fondamental.

J’essaie d’être toujours très attentif aux remarques et aux gens qui me font des suggestions. Je les écoute parce que, je le répète souvent, les élus n’ont pas le monopole des bonnes idées. Je suis né avec de grandes oreilles, je l’ai déjà dit, et j’essaie de m’en servir. Quel-quefois, ces suggestions ne nous interpellent pas de prime abord, mais je pense que dans notre esprit, de façon consciente et inconsciente, elles nous amènent à une espèce de maturation, de liaison entre les neurones et nos moteurs de recherche cérébraux. Ainsi, il est ar-rivé fréquemment qu’à partir d’idées un peu saugrenues on aboutisse à des projets intéressants, passionnants même. C’est rassurant, à la fois pour le citoyen et pour l’élu ».

Enfants

C’est une évidence de dire - et d’écrire - que l’enfance conditionne le reste d’une vie, mais quand cette vie est publique et au service du citoyen, les joies ou les trauma-tismes de cette période charnière peuvent revêtir une importance particulière. Nombre de désirs de maire de Ferdinand Bernhard ont ainsi pris leur source il y a un certain temps...

« J’ai été fan de Rabelais dès la 3è. Je trouvais - je trouve toujours - merveilleuse cette idée de permettre à l’esprit et au corps de se développer, s’enrichir, de se renforcer,

Ecoute

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et j’en ai fait un peu une façon de vivre la politique. Je dis souvent pour plaisanter que je rêve que les enfants de Sanary sachent faire tout ce que le maire ne sait pas faire, c’est dire l’immensité du travail qui les attend… Il est nécessaire pour cela de créer les conditions afin qu’ils aient les moyens de se découvrir eux-mêmes, concernant à la fois leurs capacités, leurs talents, leurs envies.

Pour se conforter dans cette démarche, il faut se de-mander quand on regarde les enfants, quels que soient le quartier, la ville, le pays dans lesquels ils vivent, si on est sûr que parmi eux il n’y a pas celui qui va trouver le traitement contre le cancer. C’est important d’avoir un regard positif sur notre jeunesse. Elle est belle, capable d’efforts et riche de talent. Elle mérite toute notre at-tention.

Un jour, alors que l’on équipait les écoles de la ville d’in-formatique et bien d’autres choses encore, une inspec-trice de l’Education Nationale m’a dit : « Sanary, ce n’est plus l’école de la République mais celle du maire ». Je lui ai rétorqué que tous les maires de France levaient l’im-pôt, qu’à Sanary on le levait plutôt moins qu’ailleurs, que chaque conseil municipal décidait de l’usage de deniers publics, et qu’ici les enfants passaient avant les routes. « La jeunesse n’a pas le temps d’attendre », m’a dit une fois un ancien ministre, ce qui ne signifiait pas qu’il faut servir les enfants tout de suite, mais qu’il vaut mieux s’empresser d’agir car à chaque fois qu’on perd de ce temps tellement éphémère, on laisse malheureusement beaucoup trop de personnes au bord du chemin… ».

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Ensemble

Les mathématiques servent à tout dans la vie, répètent souvent au collège les professeurs à leurs élèves afin de capter un manque d’attention ou d’intérêt, le début du cycle secondaire étant décisif pour l’avenir de ces jeunes adolescents. A l’aube de son premier mandat, le maire s’est souvenu d’un concept mathématique appris par le jeune Ferdinand Bernhard qui n’était pourtant pas spécialement doué pour cette matière, expliquant en substance qu’un « ensemble est composé de sous-en-sembles qui se superposent… ».

« Ayant toujours trouvé assez surprenant que dans des villes comme la nôtre la mairie et la paroisse, qui vivent à côté l’une de l’autre, s’ignorent gentiment, je me suis dit qu’il fallait regarder ce que l’on avait à mettre en com-mun, à partager. Sans pour autant qu’il y ait mélange des genres et sans que personne empiète sur la parole de l’autre, j’ai considéré qu’il fallait associer les représen-tants des communautés religieuses - curé et pasteur en l’occurrence - à chaque fois que cela était possible, tout comme on associe le chef de corps des pompiers ou le commissaire de police. Il s’agit là de personnes sources ou ressources pour la population.

Vivre en harmonie, travailler ensemble, montrer que nous sommes en situation de compréhension consti-tuent à mon sens des vertus et des signaux forts de cette approche de partage. J’ai eu le privilège que cela se passe bien dès les premières affirmations de cette vo-lonté et que tout le monde le perçoive ainsi. Chacun à sa

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place s’occupe des gens, avec cette mission commune d’être à la fois des supports, des repères et même des refuges parfois. Cela fait du bien à l’âme. Y compris à la nôtre ».

Equipements sportifs

Si la culture compte beaucoup à Sanary, la culture du sport également, pour petits et grands. Quant à la pro-preté, elle est érigée ici en credo. Par une alchimie lo-cale entre ces vertus, il ne s’agit pas de transformer du plomb en (médaille d’) or, mais bien d’éviter de « plom-ber » les vocations sportives des Sanaryens et les envies des visiteurs de revenir dans la commune.

« Je me bats depuis longtemps pour que les équipe-ments sportifs soient accessibles aux jeunes de Sanary (ce qui n’exclut pas les moins jeunes bien entendu), même s’ils ne rentrent pas dans le cadre d’une activité organisée. Il me paraît fondamental qu’ils puissent avoir des lieux où se poser, surtout si c’est pour y pratiquer du sport. Cela s’appuie sur un principe simple : nous leur fai-sons confiance, ils doivent respecter les lieux et les faire respecter. J’ai toujours veillé, pour avoir connu dans ma vie sportive une multitude d’endroits à travers toute la France, à ce que les gymnases, les stades, les vestiaires, les douches, les WC de Sanary soient propres, qu’il y ait de l’eau chaude, du chauffage, et tout ce qui doit être nécessaire pour que tout le monde soit bien accueilli. Je suis content du résultat et des remontées que nous en avons de la part de jeunes qui, au sortir des vestiaires

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dans des villes où ils se déplacent avec les équipes de Sanary, se rendent compte de la différence et le disent, à leurs entraîneurs, à leurs parents, à leurs amis, voire à leurs adversaires. Cela leur fait encore plus apprécier les efforts consacrés par la commune à leurs équipements, même si cela peut paraître normal d’avoir des locaux propres et fonctionnels où l’on peut se doucher norma-lement.

A l’usage, on s’aperçoit parfois que cette normalité théorique est devenue l’exception. Si c’est important pour eux, ça l’est aussi pour moi, car j’ai le souvenir de vestiaires tellement douteux le plus souvent que cela en était rebutant. J’avais d’ailleurs pris l’habitude de prendre ma douche avec des tongs, et, lors d’un de mes derniers déplacements avec l’équipe de basket, dans une commune pas très éloignée d’ici, les installa-tions étaient dans un tel état que même si j’avais eu des bottes je ne serais pas allé me laver !

Cette propreté, cette qualité des lieux de rencontres, de convivialité, que nous essayons d’imposer, contri-buent largement au bien-être des gens dans leur ville. Inconsciemment, quand quelqu’un va dans un vestiaire prendre sa douche, qu’il voit que les installations sont propres, que l’eau est chaude…, il sait que l’on a pensé à lui, il se sent pris en considération et son comportement est en général influencé par cet environnement.

Dans ce domaine du sens civique, il appartient égale-ment aux dirigeants de faire leur part du travail pédago-gique. Je me souviens qu’au début de ma vie publique, j’assistais à un tournoi de foot au stade et le club était présidé par un élu sanaryen. Alors que je discutais avec

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lui, je vis deux jeunes footballeurs aux couleurs de Sana-ry aller uriner sur la palissade. Je dis au président : « es-tu bien d’accord avec moi que ce sont deux Sanaryens qui sont en train de pisser là-bas ? ». Il me répondit : « oui, je suis d’accord ». J’ajoutai alors : « cela te coûtera deux fois 1 000 francs de subventions en moins pour le club ! ». Il me demanda : « pour quelle raison ? ». Mon explication fut la suivante, et elle reste toujours d’actualité : « pour la simple raison que puisqu’ils sont Sanaryens, ils doivent donner l’exemple et toi aussi ».

Cela étant, je sais que les sportifs de la commune sont très fiers quand les visiteurs leur disent qu’ils ont de la chance d’avoir de tels équipements, ce qui les rend eux aussi encore plus attentifs à la préservation de cette qualité. Le respect appelle le respect ».

Ethique

Science de la morale et des mœurs censée servir de guide aux humains pour leur indiquer comment agir au mieux, à défaut de mieux agir, l’éthique est en quelque sorte un référent de valeurs pour évoluer dans la socié-té. Après la théorie, il y a généralement la pratique, ou l’éthique appliquée, permettant à chacun de se situer dans le temps et l’espace. « Les grands hommes sont soucieux d’éthique, les petits d’étiquette », a écrit dans l’un de ses livres Claude Frisoni, artiste contemporain luxembourgeois. La formule est drôle et pas totalement dénuée de référence pratique.

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« J’ai eu la chance que l’on m’offre un jour un livre inti-tulé « L’éthique à l’usage de mon fils », du philosophe espagnol Fernando Savater, et surtout de le lire. Le pro-pos, édité il y a une vingtaine d’années, est passionnant. Ce n’est ni un manuel d’éthique ni un catalogue de ré-ponses moralisatrices aux problèmes que nous rencon-trons, prévient l’écrivain en préambule, mais plutôt la stimulation d’une « pensée libre » sur la base d’une rela-tion père-fils qu’il qualifie lui-même d’ordinaire et d’uni-verselle. Pour faire passer ses messages et provoquer la réflexion, l’auteur raconte plusieurs anecdotes à son enfant, dont celle, inspirée d’Aristote, d’un capitaine de bateau qui part pour une traversée avec un lourd char-gement. Au cours du voyage, le bateau essuie une très grosse tempête. Le capitaine se pose alors la question de savoir s’il doit jeter la cargaison par dessus bord pour arriver à bon port et sauver l’équipage, sachant qu’il sera inévitablement sanctionné pour avoir perdu les marchandises, ou s’il doit continuer ainsi avec son char-gement en prenant le risque de couler le navire et de perdre son équipage. Un vrai dilemme.

Le bon capitaine est, selon ma conception des choses et de la vie, celui qui arrive à traverser la tempête et à ramener l’équipage à destination en ayant gardé la car-gaison. Celui qui n’a pas essuyé de véritable tempête et qui n’a pas eu à se poser ces questions ne pourra jamais prétendre, ni savoir, et on ne pourra jamais dire de lui, qu’il est un bon capitaine.

Je voudrais remercier sincèrement toutes celles et tous ceux qui, en créant des tempêtes autour de moi, m’ont permis de toujours ramener l’équipage et la cargaison à bon port… ».

Ethique

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Fierté

Propreté bien ordonnée commence par soi-même. Un petit peu obsessionnel sur le sujet, Ferdinand Bernhard ressent une grande fierté d’être le maire d’une ville exemplaire dans ce domaine, avec le soutien actif de la population.

« Il y a quelques années, je recevais dans la même se-maine deux personnalités internationales bien diffé-rentes en mairie. L’une était l’attaché naval en France de l’Arabie Saoudite et l’autre le Gouverneur de l’Oregon (USA). Les deux, à quelques jours d’intervalles, m’ont dit à quel point ils appréciaient la propreté de la ville. Ce n’est pas courant de recevoir ce type de remarques agréables et cela fait particulièrement plaisir quand on sait tous les efforts consentis - et à consentir car ce n’est jamais acquis - pour atteindre un tel résultat. Une autre fois, c’est une Suissesse qui a tenu le même discours, et, venant d’une habitante d’un pays qui fait référence sur ce plan, c’était un très beau compliment.

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Par cette appréciation, ils (ces trois témoins et bien d’autres encore) sont les meilleurs ambassadeurs de la commune, dont le cœur d’activité économique et social demeure touristique et qui doit par conséquent soigner son image. Ce n’est pas négligeable (et pas négligé), outre le plaisir de vivre dans un environnement propre. Ceci est tout à l’honneur de ceux qui travaillent à la pro-preté de la ville, avec l’apport essentiel des habitants qui, dans leur immense majorité, participent à ce niveau élevé de qualité. C’est une belle fierté collective ».

Flaque

Au même titre que ses souvenirs d’enfance, certains avatars d’adolescence ont eu de l’influence sur l’élu qu’est devenu Ferdinand Bernhard et sur sa propension à se mouiller…

« Quand j’allais au lycée Beaussier à La Seyne avec ma mobylette, en partant de la gare d’Ollioules où j’habi-tais, il y avait les jours de pluie une énorme flaque à hau-teur de l’ancien bâtiment de Var Matin, et évidemment, comme tout le monde, je tombais en panne. Lorsque j’ai été élu conseiller général, bien que n’ayant plus de mobylette depuis longtemps, je suis intervenu pour faire réaliser les travaux nécessaires afin que le risque d’inondation de ce lieu soit réduit à sa plus simple ex-pression. C’est cela aussi les problèmes du quotidien qui embêtent les gens parfois durablement et que l’on doit régler, au besoin avec des gros tuyaux. Comme l’eau qui s’accumule et devient flaque, l’exaspération de nos

Fierté

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concitoyens peut naître de petites négligences qui font tâche d’huile… ».

Fleurs

« Toutes les fleurs de l’avenir sont dans les semences d’aujourd’hui », prétend un proverbe chinois. Pour avoir dit avec des fleurs, et depuis longtemps, combien il est nécessaire d’accompagner de soins et d’attentions les atouts naturels d’une commune touristique comme Sa-nary, le maire a semé tant et plus les bonnes graines qui font pousser par bouquets les retombées positives. Cela contribue à voir l’avenir en rose…, et du même coup à chasser les mauvaises herbes.

« Il y a, selon moi, très peu de personnes sur la planète qui n’aiment pas les fleurs, encore que, je me souviens d’une vedette internationale qui était venue à Sanary et avait fait son cinéma, avant son show, en disant qu’elle les détestait. Cela avait jeté un froid, pour le moins, dans la ville des floralies... Mais, passons sur ce moment d’égarement. Promouvoir sa ville à travers les fleurs et un fleurissement diffus est la meilleure façon de séduire le visiteur, comme l’habitant d’ailleurs. Derrière cette belle vitrine, il doit y avoir un vrai travail de fond, du concret, de la réalité et de la suite dans les idées.

Je suis né dans une famille d’horticulteurs depuis plu-sieurs générations, côté maternel. Cette préoccupa-tion en faveur d’une ville en fleurs est donc liée à mes gènes, en même temps que mon souci (…) permanent

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du beau. Néanmoins, le résultat que l’on peut consta-ter sur l’ensemble de la commune aujourd’hui n’était pas gagné d’avance dans la mesure où, quand je suis arrivé à Sanary, la ville n’avait pas de label. Au bout de quelques années, je me suis dit qu’on allait peut-être essayer d’avoir au moins « une fleur », c’est-à-dire le premier niveau de reconnaissance pour une commune en la matière. Nous avons donc postulé avec succès et même obtenu le premier prix du jury départemental. Ensuite, nous avons concouru auprès du jury régional qui décerne la deuxième fleur et là, fait rarissime et ex-ceptionnel, nous avons reçu la deuxième et la troisième fleurs en même temps. Et puis, événement tout autant rarissime et exceptionnel, quand nous avons fait acte de candidature pour la première fois auprès du jury natio-nal en vue d’une quatrième fleur, elle nous a été attri-buée du premier coup ! Une récompense que nous nous efforçons depuis d’entretenir et de conserver.

Les fleurs, et on le voit bien au moment des floralies, outre l’enchantement, l’émerveillement et tout ce que l’on peut ressentir face à leur beauté et au travail des ar-tistes fleuristes, ont un côté apaisant sur l’âme des pas-sants. Je pense que le fleurissement de Sanary contri-bue à en faire une ville paisible et apaisée ».

Fonctionnaires

Si la fonction publique française trouve ses origines dans l’Ancien Régime, à Sanary le « régime » imposé par Ferdinand Bernhard est celui de travailleurs au service

Fleurs

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du public. Exigeant au quotidien, il n’en est pas moins reconnaissant vis-à-vis de fonctionnaires qui sont ainsi à l’origine de la qualité de la ville.

« Traditionnellement, après chaque élection gagnée, mu-nicipale ou cantonale, le lundi soir je réunis l’ensemble des personnels pour leur offrir le champagne. C’est ma façon de leur dire que la victoire est aussi la résultante de leur implication, de leur travail et de mettre leur mé-rite à l’honneur. Grâce à eux et parce que là où il faut un agent, ici il n’y en a pas deux, Sanary est aujourd’hui l’une des villes où les dépenses de personnels sont les plus faibles de France. C’est l’un des « secrets » d’une fiscalité basse comme la nôtre.

Cet état d’esprit au service du public, et de la bonne uti-lisation des deniers de la collectivité, rejaillit incontes-tablement sur la qualité de vie reconnue de notre cité. Et si lors des spectacles des Chevaliers du Fiel les fonc-tionnaires - et les élus - sont largement critiqués, avec beaucoup d’humour d’ailleurs, il faut savoir que cela ne s’applique pas à la mairie de Sanary ! Il me paraît impor-tant que cela soit clairement énoncé, car un maire sans ses collaborateurs - et ses élus - ne peut pas faire grand chose ».

Force

« Tout pouvoir sans contrôle rend fou », écrivait il y a déjà un siècle le philosophe français Alain. C’est pour cela qu’il est encadré, même si les meilleurs garants sont

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la probité et la force de caractère de ceux qui l’exer-cent. « Pour dire oui il faut pouvoir dire non », prônait le Président François Mitterrand sur le sujet. Tout un pro-gramme.

« Que vous soyez préfet, magistrat, élu, policier, voire journaliste, vous avez un pouvoir et vous avez la possi-bilité de l’exercer de différentes façons, d’autant qu’il se transforme vite en pouvoir absolu. Même sur un instant très court, il est capable d’être dévastateur. Soit, quand on a le pouvoir, on s’en sert pour faire avancer les dos-siers, les relations humaines, la prospérité collective, pour lutter contre les injustices…, ou alors on est un faible, un petit, un minable, et on l’utilise pour faire du mal aux autres, pour essayer d’exister et pour justifier de sa présence. J’ai toujours eu un profond mépris pour cela bien que je sache que, parfois, l’envie d’abuser de notre petit pouvoir puisse nous gagner. L’intelligence est de s’en rendre compte et de savoir lutter pour que la raison l’emporte sur nous-mêmes ».

Forme

A l’ère actuelle de la judiciarisation de la société, la forme prime souvent sur le fond et les observations-ob-servateurs du monde administratif ne sont pas à l’abri d’erreurs d’appréciation vis-à-vis des collectivités, sous toutes ses formes. Le maire en a fait l’expérience et s’en est amusé.

Force

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« Un jour relativement récent, je reçois en mairie une lettre du Tribunal Administratif de Toulon qui m’an-nonce un recours contre un permis de construire à Sa-nary, mais je n’arrive pas à situer le lieu sur le territoire de la commune. Et pour cause, il était à La Seyne ! Le TA avait commis une erreur de forme. Je l’ai alors signifié à la présidente du Tribunal en lui disant en substance : « Madame la présidente, la France est un Etat de droit, la forme prime sur le fond. Ma longue vie publique m’a appris combien il était difficile de respecter la forme. En recevant aujourd’hui ce courrier qui ne m’était pas des-tiné, je me rends compte, et cela me rassure, que même les magistrats ont du mal à la respecter. J’espère, ma-dame la présidente, qu’en lisant cette lettre vous aurez le même humour que mon vieux professeur de mathé-matiques à qui je rappelais une « interro » juste avant de lui extraire une dent… ».

J’ai une tendresse particulière pour cette histoire, et pour l’homme, car, une fois qu’il était bien installé dans mon cabinet dentaire, je lui ai montré la pince que je te-nais au-dessus de sa tête en lui disant : « Monsieur, est-ce que vous vous rappelez l’interro ? ». Je me suis fait gentiment traité de « salaud », mais ce n’était pas im-portant, j’avais vengé des générations entières d’élèves paniqués devant leur interrogation de maths » !

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Galli

Au cours du siècle dernier (1902 - 1982) Georges Galli fut un brillant avocat, puis acteur vedette, et enfin prêtre de Sanary. La Cité de la Jeunesse qu’il fit construire et offrit à la ville fut rebaptisée Théâtre Galli à sa disparition.

« Je ne l’ai jamais côtoyé, tout au plus aperçu une fois, mais j’ai deux fiertés par rapport à ce grand Sanaryen : faire vivre ardemment la Cité de la Jeunesse dans sa version contemporaine qu’est le Théâtre Galli ; et avoir retrouvé « L’homme à l’Hispano », film dramatique fran-çais de Julien Duvivier, dont Georges Galli, star du ciné-ma à l’époque, était l’acteur vedette, avant, quelques années plus tard, de rentrer dans les ordres. J’ai obtenu que cette œuvre de 1926 soit restaurée puis présentée aux Sanaryens. Il faut remercier les ayants droits du film qui ont accepté de partager cette difficile et longue dé-couverte, reconquête, restauration, sachant qu’il a fallu d’abord authentifier la bonne version. Nous avons beau-coup échangé sur le sujet avec la famille de Georges Galli

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que j’ai le plaisir de connaître, qui vit sur les bords du Lac Majeur et vient de temps en temps à Sanary.

Enfin, en hommage à ce grand homme, tous les ans à la Toussaint, la ville dépose un vase rempli de chrysan-thèmes sur sa tombe. Un petit signe pour lui dire qu’on ne l’oublie pas et lui offrir un peu de cette chaleur convi-viale qui lui va si bien… ».

Générosité

On estime à plus d’1,3 million le nombre d’associations en France et à plus de 16 millions le nombre de béné-voles actifs, rassemblés dans un autre but que de parta-ger des bénéfices. La société en général et les Sanaryens en particulier, qui prennent toute leur part de générosi-té, récoltent en revanche fréquemment et dans nombre de domaines les… bénéfices de cette grande richesse du monde associatif.

« Le 11 novembre est le jour où, chaque année, je propose aux enfants de Sanary et aux enseignants de préparer des dessins, des messages, des colis, pour nos militaires qui sont engagés loin de chez nous, en Afghanistan ou ailleurs. Nous faisons ensuite le nécessaire pour que tout cela leur arrive au moment de Noël, parce qu’ils sont à ce moment là loin de leur famille, loin de tout, et qu’ils doivent peut-être se dire que le peuple de France fait la fête et ne pense pas à eux. Cet éloignement doit être forcément très douloureux à vivre. J’ai ainsi imaginé, avec l’assentiment unanime de l’équipe municipale, que

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ces gestes pouvaient leur mettre du baume au cœur.

Quand, pour la première fois, j’ai vu les messages écrits et envoyés par les enfants, j’en ai découvert d’une ex-trême beauté et d’une grande sincérité, d’autant que nombre d’entre eux ont été rédigés en classe et non sous une éventuelle dictée des parents. Puis, quand j’ai lu les réponses des militaires, j’y ai trouvé beaucoup de tendresse, d’affection et une réelle émotion égale-ment. Et ce plaisir est renouvelé à chaque fois. Je suis content de ce résultat, de ces échanges bienveillants, mais surtout heureux que dans cette démarche là les enseignants, les parents et les enfants s’impliquent avec beaucoup de cœur.

Cela fait partie des belles choses qui se produisent dans une cité. Cela prouve bien aussi que vous pouvez avoir les plus belles idées, des moyens financiers, des moyens techniques, rien ne peut remplacer l’engagement indi-viduel ou collectif, l’amour de son prochain, l’envie de bien faire… Rassemblés, tous ces éléments font qu’une idée lancée devient magique.

C’est le bénévolat et la générosité du monde associatif qui permettent cela, qui font vivre la cité et lui donnent toute son âme. C’est également une belle leçon d’humi-lité pour nous, élus, et à la fois un encouragement à s’en-gager dans la vie publique sous toutes ses formes, car on se rend compte avec grand plaisir que tous ceux-là ont beaucoup d’importance dans le rayonnement de la ville et dans la qualité de vie d’une commune ».

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Gouverner

Un administré est par définition quelqu’un dépendant d’une autorité administrative et qui peut être interpel-lé en « bande » ou en réunion selon la formule consa-crée : « mes chers administrés…». Mais, au même titre que « gouverner ne consiste pas à aider les grenouilles à administrer leur mare », pour reprendre le dialogue inimitable de Michel Audiard, administrer une ville né-cessite aussi d’écouter, de considérer et de gouverner l’administré dans son entité collective, tout en gérant les affaires publiques. Dans ce contexte, l’apprentissage de la citoyenneté n’est pas une mince affaire...

« Un administré ne se résume pas à celui qui paie ses impôts, car ceci est un devoir qui n’ouvre pas de droits particuliers. Ce qui ouvre des droits, à l’inverse, c’est d’être un citoyen. Je trouve toujours affligeant que des personnes, pour justifier des revendications, voire des actes parfois répréhensibles contre le bien public, ou pour se donner bonne conscience ensuite, se sentent obligées de préciser qu’elles paient leurs impôts... L’ad-ministré est un citoyen que l’on doit respecter, écouter, entendre, considérer, mais pour autant on ne peut pas toujours répondre à ses attentes pour de multiples rai-sons. Il est aussi un électeur, mais quand bien même il se-rait potentiellement partisan de notre ligne de conduite, il n’a pas à revendiquer ou bénéficier de prérogatives particulières.

Pour appliquer et préserver cela, il faut essayer d’être juste quand il s’agit de gouverner la ville et ne jamais dé-

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roger au principe que tous, y compris les opposants bien évidemment, doivent bénéficier à niveau comparable de toutes les attentions. Je fais néanmoins un blocage contre les personnes capables d’attaques personnelles car cela me désespère !

Le rôle du maire est de chercher tous les dénominateurs communs pour bien vivre ensemble et bien vivre sa ville. Outre le fait d’éponger tant bien que mal les attaques en question, il est aussi indispensable, et responsable, de mettre tout en œuvre pour lisser les conflits qu’il peut y avoir dans la commune entre les uns et les autres, les jeunes et les vieux, les vacanciers et les sédentaires…

Pour arriver à progresser sur cette voie, il faut aimer pro-fondément sa ville, ses habitants, ce que je fais avec pas-sion, et s’efforcer de trouver la bonne mesure en tout et entre tous, ce que je tente d’accomplir en permanence et en équipe. Par contre, je suis convaincu que le maire, quand il est élu, est considéré comme étant respectable par 95% de la population, peut-être même plus. C’est donc dommage - mais c’est la démocratie - que les élec-tions soient des moments où les différences sont exa-cerbées. C’est ainsi et c’est aussi cela la vie municipale ».

Gros Cerveau

Arête rocheuse de 443 mètres de hauteur entre Sana-ry et Ollioules, délimitant le littoral et l’arrière-pays, le massif du Gros Cerveau est à la fois chargé d’histoire et d’émotions pour Ferdinand Bernhard. En s’évertuant à

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le faire découvrir aux enfants, il a favorisé la transmis-sion transgénérationnelle de la faune, de la flore, de la tradition culturelle et de la belle âme des lieux. Pour le plus grand bonheur de tous. « Le Gros Cerveau est l’un des rares lieux où j’ai des sou-venirs partagés avec mon père qui est décédé quand j’avais 8 ans. C’est un endroit de balade dominicale. J’en ai aussi le souvenir terrorisant, lorsque j’étais tout jeune, de l’incendie qui l’a dévasté. Il y a trop peu de Sa-naryens qui connaissent ce massif et je suis très heureux que dans le cadre de l’école de la forêt on puisse le faire découvrir à tous les enfants de Sanary. C’est beau, on s’y sent bien, c’est un site hors du commun. Je suis très touché que les enfants se l’approprient et que, pour les aider, chacun participe à son niveau, les enseignants, les élus, le Comité communal des feux de forêt, les randon-neurs, les chasseurs…

Je me souviens quand j’ai annoncé aux chasseurs, il y a longtemps, que l’école de la forêt se déroulerait ici, j’ai senti, entendu même, des grincements de dents, car ils pensaient de prime abord qu’il y aurait incompatibi-lité entre leur présence et celles des enfants. Et puis, ils ont été impliqués dans le projet et ce sont eux qui leur montrent les perdreaux, les faisans, les lapins. Ils leur font même des lâchers. Le jour où je les ai vus pour la première fois à l’œuvre, je me suis aperçu avec plaisir et tendresse que c’était les chasseurs qui étaient pris au piège… Ramener à la maison le souvenir de l’attention et du regard des enfants est au moins aussi beau que les Bartavelles de Marcel Pagnol ! ».

Gros Cerveau

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Handicap

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, voulue par le Président Jacques Chirac, fait honneur à la République car elle permet de chan-ger de regard sur le handicap en même temps qu’elle structure la société afin de mieux prendre en compte les différences. S’il reste encore beaucoup à faire pour se conformer à la loi, et, parfois, à la décence, tout le monde n’a pas attendu le législateur pour agir. A l’image de Sanary, depuis fort longtemps d’ailleurs.

« Sur le handicap, je reviens à une notion qui m’importe beaucoup, à savoir ne pas laisser d’enfants, ni d’adultes bien entendu, sur le bord du chemin. C’est quelque chose qui doit être conjugué en particulier avec les personnes en situation de handicap, parce que tout le monde n’a pas la chance d’être valide ou de le rester tout le temps. L’allongement de la durée de vie ayant pour revers de la médaille d’accentuer les problématiques de dépen-

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dance. En dehors des questions d’accessibilité, qui ont été traitées en permanence dans tous les lieux publics de la commune au fur et à mesure des travaux, et qui le seront toujours régulièrement, je pense qu’il « faut donner leur chance à ceux qui sont différents », pour reprendre l’ex-pression d’un parent d’enfant différent.

C’est pour cette raison que, dès que j’ai été élu maire de Sanary, il y a donc près de 25 ans, j’ai souhaité travailler avec le CAT, c’est-à-dire le Centre d’Aide par le Travail pour l’insertion professionnelle des personnes handica-pées. Ce sont eux qui entretiennent les espaces verts de la maison de retraite, qui font une partie du ménage, qui assurent le portage des repas à domicile, qui s’occupent aussi des espaces verts de la ville, jusqu’à la Cride.

Lors du traditionnel déjeuner de Noël des agents munici-paux, ils sont invités à partager le repas avec l’ensemble des personnels de la commune. C’est pour eux, comme pour nous, très important, car il s’agit d’un moment de reconnaissance officielle du travail qu’ils effectuent et surtout, il ne faut pas l’oublier, de la grande qualité de ce travail. C’est véritablement très agréable de les sentir heureux à cette occasion. Je dis toujours aux habitants de Sanary, lorsqu’ils les aperçoivent en train d’oeuvrer dans les jardins publics de la commune, de prendre un instant pour les encourager et les féliciter, car cela leur fait tellement de bien !

A côté de ces choses positives, deux moments m’ont particulièrement affecté autour de ce sujet qui exige la plus grande fermeté sur les valeurs que l’on affirme et que l’on veut transmettre. L’un de ces désagré-ments s’est produit lorsque l’on a annoncé le projet de

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construction d’une maison de retraite, sur un terrain qui était boisé. Des riverains ont alors créé une association de défense des pins… J’ai trouvé cela lâche et imbécile. Lâche, car ils n’avaient pas le courage de dire qu’ils ne voulaient pas d’un bâtiment à côté de chez eux, et im-bécile parce que c’était prétentieux de croire qu’un jour, pour eux-mêmes ou pour un proche, ils n’auraient pas besoin d’un lieu d’accueil pour personnes dépendantes, à fortiori atteintes de la maladie d’Alzheimer.

L’autre moment que j’ai mal vécu à propos du handicap s’est déroulé durant mon premier mandat. J’arrive un jour en réunion de la majorité et j’annonce à mes élus, avec une vraie fierté, que nous allons avoir sur le terrain de Pierredon un institut médico-éducatif, donc un lieu d’accueil pour enfants différents. Là, à ma grande sur-prise, deux élus se sont élevés avec véhémence contre ce projet qui risquait de faire fuir les touristes ! J’ai trouvé ce comportement absurde, bête et méchant. Ab-surde, car dénué de tout fondement. Bête, car chacun a le droit à une petite place dans la société. Méchant, parce que deux de leurs collègues présents avaient des enfants différents…

Mais, comme je suis un peu têtu et obstiné, même s’il aura fallu du temps, aujourd’hui cet institut médico-édu-catif est ouvert et a trouvé sa juste place, lui aussi, dans la ville de Sanary. Cette prise en compte du handicap fait partie pour moi des questions de dignité humaine sur lesquelles il ne faut pas transiger ».

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Héritage

La ville de Sanary reçoit souvent des témoignages d’amour en héritage qui se traduisent en dons et legs surprenants par leurs valeurs, financières et humaines. De bien belles histoires, au pays généreux de Georges Galli.

« Depuis que je suis maire de la commune, Sanary a reçu beaucoup de biens et d’argent en héritage. Je suis tou-jours très ému quand des personnes qui demandent à me voir proposent de léguer à la ville, parce que j’y vois une incommensurable confiance dans l’équipe munici-pale et j’ai parfaitement conscience que ce qu’ils don-nent n’est pas rien. C’est le fruit de leur travail d’une vie, des héritages qu’ils ont pu avoir. C’est vraiment très émouvant, car outre la beauté du geste, il y a cette af-fection personnelle qui se sent ou dont ils font tout sim-plement part.

Parmi les nombreux exemples pouvant illustrer ces si-tuations un petit peu particulières, je me rappelle d’une fois où nous étions chez le notaire pour signer l’acte de donation d’un citoyen sanaryen. Quand le notaire de-manda au donateur s’il y avait des conditions à assortir à sa décision, il répondit « oui, que le maire se représente aux prochaines élections ! ». Comme cette personne est un communiste historique, je lui ai alors dit : « c’est bien gentil, mais vous-même ne votez pas pour moi… ». Il m’a alors rétorqué cette phrase inoubliable : « au premier tour je vote historique et au deuxième je fais ce que je veux ! ».

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Une autre fois, une dame demande à me voir rapide-ment pour prendre le café chez elle et me remettre en même temps un chèque pour la commune. Quand nous sommes arrivés, elle était sincèrement navrée d’annon-cer en préambule : « Monsieur le maire, je n’ai plus de café ». Le manque de café a largement été compensé par le chèque d’un million de francs qu’elle m’a remis. Extraordinaire. Cette personne avait aussi donné sa pro-priété de 4,5 hectares avec sa maison, qui était à cheval sur Ollioules et La Seyne.

A ce propos, le maire de l’époque de cette dernière com-mune m’avait demandé, très intrigué, pourquoi ce don a été fait à la ville de Sanary et pas à la sienne. « Veux-tu vraiment savoir », l’ai-je mis en garde. « Oui », m’a-t-il affirmé. « Vraiment ? ». « Oui ». « Alors c’est simple, ai-je avoué, elle avait sollicité un rendez-vous avec toi et elle n’a pas été reçue… ».

Une autre dame encore dit un jour au notaire qu’elle veut me rencontrer avec lui rapidement et nous fixe rendez-vous dès le lendemain midi. Nous y allons et il y avait sur la table trois petits verres, une bouteille de Porto et un petit bout de papier. Très contente de nous voir arriver, elle s’empresse de servir l’apéro et de nous informer qu’elle a décidé de léguer sa maison à la ville de Sanary. Puis, elle se tourne vers le notaire et commence à parler de ses affaires qu’elle veut régler, avant de reve-nir vers moi à nouveau pour me déclarer : « à ma mort vous aurez une bonne surprise ». Je me suis bien gardé de lui poser plus de questions, mais je n’aurais jamais imaginé que cette femme qui vivait chichement chez elle, en plus de sa maison, laisserait un chèque de 2,750 millions de francs !

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Je raconte souvent les dernières donations et les der-niers legs au profit de la ville, et j’invite toujours ceux qui m’écoutent, s’ils en ont envie, à faire de même, en rajoutant pour les rassurer, « ne vous inquiétez pas, cela ne vous coûtera rien, on s’occupe de tout… ».

Humour

Celui qui se moque le plus du maire de Sanary est peut-être Ferdinand Bernhard. A un préfet qui lui demandait quels étaient les problèmes de sa ville, il répondit : « en premier le bruit, en deuxième la vitesse, en troisième la circulation, en quatrième la propreté et en cinquième le maire… ». Une autodérision largement éprouvée au gré des spectacles d’humoristes au Théâtre Galli.

« Quand j’écoute, je regarde les Chevaliers du Fiel, qui comptent parmi les fidèles de Galli, j’éprouve beaucoup de bonheur ; cela me détend énormément. Ils s’amusent et ils nous amusent avec ce qu’est la société en réalité et, évidemment, comme ils ont souvent l’occasion de parler des employés de mairie et des élus, c’est un beau miroir. Généralement, quand on se regarde dedans on n’a pas trop envie de rire, avec eux oui, entre autres avec la Brigade des Feuilles.

Je pense également à la leçon que nous donnent sou-vent les chansonniers. Il est rare que j’émette des volon-tés ou des vœux pour demander que tel ou tel artiste vienne, mais je l’ai fait pour Jean Amadou, Maurice Hor-gues et Jacques Mailhot. J’ai partagé un verre avec eux

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après le spectacle et je leur ai dit « merci », car pendant une heure et demie, chacun une demi-heure, ils ont fait rire de tout et de son contraire. Il y en avait pour tous les goûts et ils sont certainement arrivés à faire oublier nombre de tracas aux spectateurs. Je leur ai dit merci aussi d’avoir démontré que l’on pouvait faire rire les gens sans être grossier ou vulgaire, et Jean Amadou a rajouté : « et sans être méchant ». Il avait bien raison. C’est là que l’on voit le vrai talent, le vrai humour. Mau-rice Horgues faisait son numéro en alexandrins, et une demi-heure en alexandrins à parler de la politique, du sexe et de tout ce qu’on peut imaginer, c’est quand même une preuve qu’il y a une vraie capacité à produire avec talent en se donnant un cadre et du respect ».

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Insertion

De plus en plus de personnes restent au bord du chemin dans une société moderne où tout s’accélère, y compris la vitesse de dégradation de ceux, de plus en plus nom-breux, qui connaissent des difficultés. Les démarches d’insertion sont par conséquent devenues essentielles, pour, petit à petit, réintroduire de l’espoir et des pers-pectives dans leur vie. Le maire y est particulièrement attaché.

« Nous organisons au Jardin des Oliviers des chantiers d’insertion et, dans ce cadre, nous recevons des per-sonnes qui sont dans des situations noires, voire très noires. Nous essayons de mettre un peu de ciel bleu dans leur existence. Certains arrivent à s’accrocher et nous en avons même embauché trois. Le premier nous a dit au bout de quelques mois qu’il partait de la mai-rie car il n’était pas assez payé. Il a créé son entreprise. Les deux autres sont toujours sur le chantier et l’un a connu le fond du fond. Si vous allez au Jardins des Oli-

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viers, vous verrez ce que ces hommes sont capables de faire de leurs mains, l’énergie qu’ils mettent au travail, c’est incroyable. Ils ont redonné du sens à leur vie et, en plus, ils suscitent une admiration générale. Ils apportent la preuve que dans la vie rien n’est forcément perdu et qu’il faut savoir se pencher le plus souvent possible sur ceux qui sont dans la vraie difficulté.

Ces exemples sont aussi un moyen de faire comprendre une partie de l’action sociale à des personnes qui pour-raient douter de sa nécessité ou de son efficacité. J’ai toujours demandé à ceux qui travaillent avec moi de faire le social d’abord dans la plus grande discrétion, partant du principe que les gens qui en bénéficient n’ont pas à subir le regard des autres, ce qui pourrait les gêner. Ra-conter ces belles histoires contribue aussi à rendre hom-mage à celles et ceux qui, par leurs actions, profession-nelles et personnelles, embellissent la vie des autres. J’ai une profonde admiration pour elles, pour eux et pour leur abnégation totale sans rien en attendre en retour. Je pense que leur récompense est tout simplement de pouvoir donner ».

Intercommunalité

La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a lancé une nouvelle vague d’intercommunalité en France, à laquelle le maire Sanary a longtemps résisté, préférant être seul que mal mutualisé, estimant aussi que les Sa-naryens n’y trouveraient pas leur compte dans les condi-

Insertion

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tions qui étaient présentées. Etant désormais, compte tenu des dernières réformes, dans l’obligation de faire un choix, c’est Sud Sainte-Baume que Sanary vient de rallier, devenant la ville la plus importante de cette com-munauté de communes de l’Ouest Var. Ayant toujours refusé d’être une petite ville parmi les grandes, en rai-son de la tentation d’hégémonie des grandes, quelles qu’elles soient, voilà donc Sanary grande parmi les pe-tites et Ferdinand Bernhard en situation de mettre en application ce qu’il a longtemps théorisé. Joli pied de nez du destin.

« Je pense que l’intercommunalité nie le besoin de proxi-mité des habitants des villes et villages avec leur maire. De toutes les élections, ce sont les municipales et les présidentielles qui obtiennent le plus de fréquentation. C’est la preuve que dans la tête des gens il y a en prio-rité le maire et le Président de la République. Comme ce dernier n’est pas facilement accessible, tout le monde se rabat sur le maire. Un jour, un collègue élu déjà ex-périmenté m’avait dit, avant que je me présente aux élections municipales et alors que j’étais déjà conseiller général du Var : « maire et conseiller général ce n’est pas la même chose, le maire c’est le chef de la tribu ». C’est vrai, on le ressent en permanence, les gens viennent se confier dès qu’ils ont des difficultés, ce qui nous posi-tionne comme des espèces de patriarches, avec ou sans cheveux blancs d’ailleurs. Dans ce contexte, les mêmes qui nous expliquent, à gauche et à droite, que nous vi-vons dans un pays où il y a trop d’échelons administra-tifs, ont ajouté naguère la Région et rajoutent à nouveau l’intercommunalité.

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C’est un peu désolant que l’on ne tire pas les enseigne-ments de tout cela. Tous les ministres de l’Intérieur suc-cessifs, de droite comme de gauche toujours, ainsi que les deux derniers présidents de la Cour des Comptes, issus de chaque « camp » également, ont apporté la preuve que l’intercommunalité a coûté plus cher aux contribuables alors que l’on nous sert l’inverse comme une évidence. On est loin aujourd’hui des économies d’échelle annoncées. Quand bien même l’intercommu-nalité a toujours existé à travers les syndicats intercom-munaux et leur démarche de projet, la dernière mou-ture est différente puisque portée par l’administratif et aiguillonnée par le volet financier, sans que l’on ait plus de résultats en termes de qualité de vie de la population.

Par conséquent, je reste convaincu qu’il vaut mieux être grand parmi les petits que l’inverse, ce qui ne veut pas dire que la ville la plus importante que nous sommes désormais dans Sud Sainte-Baume doit capter tous les crédits, au contraire. C’est par une caisse commune que nous devons gérer l’équité et faire en sorte que les petits puissent bénéficier de la solidarité. C’est fondamental. La ville centre se portera bien si c’est le cas également des communes environnantes, et réciproquement. L’in-tercommunalité ne doit pas se bâtir autour d’une ville mais autour d’un territoire.

Quand on a une idée de projet, une idée d’équité et une idée de territoire, on réunit, me semble-t-il, tous les atouts pour avancer dans l’intérêt général ».

Intercommunalité

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Intermédiaire

L’inaccessibilité des grands de ce monde n’est peut-être pas si évidente. Ferdinand Bernhard en a eu la révélation le jour où une personne lui a expliqué, et démontré, que tout individu peut faire passer un message à l’homme le plus puissant de la planète en sept intermédiaires maxi-mum. Invraisemblable ? Pas si sûr en y regardant de plus près.

« A l’époque, le Président des Etats-Unis était Bill Clinton et il me paraissait très loin. Or, en mettant en application la théorie de mon interlocuteur, je me suis rendu compte qu’entre lui et moi il n’y avait en fait qu’une seule per-sonne pour lui remettre un message. Et une personne que je connaissais bien puisqu’il s’agissait de l’épouse du Gouverneur de l’Oregon qui faisait de temps en temps son footing avec le Président.

Pendant plusieurs années, ils sont venus à Sanary en juin et nous avons accueilli à ces occasions leur fils dans nos écoles car ils souhaitaient qu’il parle couramment le français. Je me suis mis ensuite à gamberger sur le même mode avec le Pape et bien d’autres personnes... Mais, si un seul intermédiaire existait entre Bill Clinton et moi, cela voulait dire qu’entre un habitant de Sanary et lui il y en avait deux. Cette démonstration rend certains problèmes tout d’un coup moins insolubles.

C’est ainsi que lorsque nous étions dans l’épisode d’au-torisation ou non du casino, j’apprends que le ministre de l’Intérieur va refuser Sanary. Que me restait-il pour

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inverser la tendance ? Le Président de la République ou le Premier Ministre. Au final, le ministre a changé d’avis, grâce à une seule personne. Merci François Trucy, séna-teur varois, expert dans le domaine des jeux et ancien maire de Toulon, à qui les casinos de La Seyne et Fréjus doivent aussi beaucoup... ».

Internement

Lorsque qu’une personne est atteinte de troubles men-taux la rendant dangereuse pour elle-même et pour au-trui, et que son état nécessite une hospitalisation d’of-fice d’urgence, le maire de la commune doit signer un arrêté d’internement sur la base d’un certificat médical. C’est la loi et c’est aussi la dure réalité de la fonction. Une vraie question de conscience et de niveau de com-pétence pense Ferdinand Bernhard.

« Quand quelqu’un présente des critères de perturba-tions mentales et de dangerosité, le commissariat de Police, sur un avis et un certificat médical d’un médecin, demande au maire de la commune de signer un arrêté d’internement. Cela permet d’amener la personne en psychiatrie dans un hôpital. C’est la loi qui a mis en place ce dispositif, lequel a été modifié désormais puisque le médecin qui signe ce certificat ne doit plus être ce-lui de l’hôpital. Donc, cela fait deux regards. Je trouve néanmoins que cette mission qui nous incombe n’est pas saine à plus d’un titre. D’abord parce que c’est sur un simple certificat médical, sans la voir la plupart du temps, que l’on fait interner la personne. Ensuite, même

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si l’on sait que la durée de vie de l’arrêté est courte, ce n’est pas un acte anodin de mettre en route ce proces-sus, relayé ensuite éventuellement par le préfet. Lequel ne connaît lui-même rien d’autre de la situation que le certificat qui lui sera soumis également.

Quand le sujet interné ressort, ce qui est le cas le plus souvent, il sait bien que celui qui a signé l’arrêté est le maire de la commune. Un jour, j’ai vu débarquer une personne avec à la main la copie du document, me de-mandant pourquoi je l’avais signé. Cela s’est passé pai-siblement et simplement, mais on peut imaginer aussi que les choses pourraient être exacerbées par le passif médical du patient.

La première fois que j’ai signé un arrêté, c’était au tout début de ma vie l’élu, et je l’ai fait sans réfléchir sur l’ins-tant. C’est avec le recul que je me suis interrogé. Une autre fois, j’ai refusé de le faire, car après avoir discu-té avec l’officier de Police, nous avons convenu que ce n’était pas judicieux. Une autre fois encore, j’ai deman-dé un deuxième avis médical.

Ce qui me choque, c’est qu’il s’agit d’un acte qui relève trop de l’arbitraire. Malgré toute la confiance que l’on peut avoir dans un médecin et son diagnostic, je pense que cela mériterait des examens plus approfondis au-près d’autres personnes que le maire. J’ai l’impression de signer une lettre de cachet, ce qui permettait sous l’Ancien Régime d’interner sans jugement. C’est terrible. Même si, heureusement et malheureusement à la fois, ce sont fréquemment les mêmes qui reviennent après leur sortie, j’en ai signé trop, beaucoup trop… ».

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Ite missa est (la messe est dite)

« Les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas ». Conformément au proverbe français, Ferdinand Bernhard ne s’avoue pas facilement vaincu, laissant à d’autres les victoires à la Pyrrhus, c’est-à-dire éphémères et affaiblissantes, pour mieux emporter la décision finale. Surtout si la cause lui paraît juste, comme celle en faveur de l’Ecole catholique Saint-Jean qu’il fal-lait reloger car ses locaux devaient fermer en raison de leur état avancé de vétusté. Situation paradoxale, c’est contre la paroisse que le maire a bataillé afin de perpé-tuer son propre lieu d’enseignement…

« Je me suis beaucoup battu, il y a de nombreuses années, pour que l’Ecole catholique Saint-Jean soit construite où elle est aujourd’hui, à savoir sur le terrain de la paroisse. Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai dû d’abord livrer combat contre le conseil paroissial de Sanary, qui ne voulait pas en entendre parler. C’était probablement la résurgence d’un vieux ressentiment remontant au don par le chanoine Galli de la Cité de la Jeunesse (devenue Théâtre Galli) qui avait été bâtie en partie avec ses deniers personnels, en partie avec ceux de généreux donateurs, comme Paul Ricard, et en partie aussi avec l’argent des paroissiens. Or, ce don a bien été fait en faveur de la ville et non de la paroisse. Je pensais que c’était accepté depuis longtemps, mais « l’affaire » pesait apparemment toujours dans les consciences, voire inconsciemment dans le meilleur des cas.

Un jour, au cours d’une rencontre avec ce conseil, il y a

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bien eu discussion sur l’Ecole, mais elle fut un peu ten-due, pour le moins. En sortant de réunion, un monsieur, qui faisait partie de ses membres engagés, me dit en souriant : « excusez-moi, Monsieur le maire, j’ai mis des cailloux sur votre chemin… », pour bien me signifier son opposition. Quelque temps plus tard, je l’aperçois dans la rue, je le salue et il me présente sa femme, qui mar-chait avec des béquilles, en me précisant : « elle a fait une mauvaise chute ». La tentation étant trop grande, et la dame n’ayant rien de grave, je me suis alors amu-sé à lui répondre : « voyez-vous monsieur, vous mettez des pierres sur mon chemin et c’est votre épouse qui tombe… ». Ite missa est, comme on dit en latin ecclé-siastique.

Cela étant, la messe n’était pas dite au sujet de l’Ecole Saint-Jean. Le problème fut réglé grâce au père Michel Montcault, que je remercie encore pour sa bonté, et qui m’a donné la solution pour sortir de l’enlisement. « Il faut que tu ailles voir Monseigneur l’Evêque, me conseilla-t-il, sinon tu n’y arriveras jamais… ». Dans la plus grande dis-crétion, j’ai ainsi rencontré Monseigneur Joseph Madec, Evêque émérite de Fréjus-Toulon à l’époque, le samedi, et le lundi suivant sa décision s’exécutait ! J’avais en fait la responsabilité d’agir et de faire appliquer, pour des rai-sons de sécurité, la fermeture de cette école catholique, dont l’implantation était séparée en deux parties, tout en essayant de trouver une solution, en l’occurrence lo-calisée sur un lieu propriété de la paroisse, contre l’avis de cette dernière.

Ce fut long et compliqué, mais l’histoire s’est bien terminée pour tout le monde, à commencer par les enfants qui béné-ficient de l’enseignement dispensé dans l’établissement ».

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Izieu

Les batailles politiques, au-delà de la conquête du pou-voir, de la lutte pour le conserver et des nécessaires ex-plications lors de son exercice, ont aussi pour vertu de faire réfléchir à la façon dont on porte les messages, et aux conséquences parfois inverses de l’effet recherché de certaines postures. Ferdinand Bernard en a fait le constat et tiré les enseignements.

« A un moment donné, quand je livrais bataille contre le Front National, je le faisais par des actes, comme l’inter-diction de l’accès au Théâtre à Jean-Marie Le Pen, ou par des mots très durs, traitant un opposant du FN de fas-ciste, de menteur et de honte de la commune. Et puis, j’ai eu le sentiment que cela servait leurs intérêts plutôt que la cause que je défendais et qui était en moi. J’ai décidé de changer de façon de faire et je me suis dit qu’il fallait sensibiliser les enfants à ce qu’ont pu engendrer le nazisme, le fascisme, les extrémismes, en éveillant en même temps leur conscience. C’est à ce moment là que j’ai décidé de faire des parcours de mémoire. Je voulais aussi que Sanary ait un lieu où il y aurait un monument pour marquer cette horreur de l’histoire, mais je ne trou-vais pas quoi faire. L’inspiration m’est venue en allant rejoindre les enfants des écoles de Sanary qui étaient à Izieu dans le cadre d’un voyage dans les villes symboles des atrocités de la guerre. Au retour, j’ai décidé de bap-tiser en centre-ville, lieu de passage fréquent équipé de jeux pour les petits, un Jardin de la mémoire des enfants d’Izieu. Dans l’horreur de l’horreur, il y a eu la déporta-tion d’enfants encore plus innocents que l’innocence et c’est un devoir de le rappeler ».

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Jugement

Par ignorance, mauvaise information ou intention, il y a toujours eu des gens pour porter des jugements hâtifs, en général négatifs, sur les élus qui dirigent, qui gouver-nent. C’est même devenu un « sport » national d’une élection à l’autre. Les conséquences ont parfois été dra-matiques, ne l’oublions pas.

« Quand j’ai été élu maire en 1989, Barthélémy Rotger, his-torien de Sanary, est venu me voir en me disant : « il faut que je vous parle du premier maire de Sanary ! ». Surpre-nante démarche mais passionnant rappel. Lors du siège de Toulon (décembre 1793), il avait été accusé par les Sa-naryens d’avoir aidé les Anglais et fut guillotiné. Un peu plus tard, ils se sont aperçus qu’ils s’étaient trompés et sont allés sur sa tombe pour lui présenter des excuses !

J’ai cru que c’était simplement une anecdote qu’il me racontait, mais en fait c’était un avertissement. Certains

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Sanaryens, à l’image de certains Français, ont tendance à porter des jugements un peu vite, et lorsque l’on en-treprend quelque chose, chaque fois, il y a des gens qui s’y opposent sans se poser la question de la finalité du projet. Quand je regarde derrière moi toutes ces dé-marches, ces réalisations qui ont suscité tant de passion, si aujourd’hui on revenait à l’état antérieur cela déclen-cherait une véritable révolution. On n’imagine pas, ou pas assez, qu’avant d’arriver à la validation d’un projet, il y a eu des phases d’études, de réflexion, de concerta-tion…, et qu’au bout il y a une décision qui doit toujours être marquée par une idée simple : l’intérêt général n’est pas l’addition des intérêts particuliers. C’est dans l’intérêt général que le plus grand nombre trouve son intérêt ».

Jumelage

Formidable initiative permettant d’associer deux villes, le plus souvent de pays différents, dans un bel élan d’échanges socio-culturels, le jumelage est une porte ouverte sur d’autres expériences, même si cette frater-nité mène parfois jusqu’à la prison ! Pas d’inquiétude, c’était carnaval…

« La première fois que je me suis rendu dans notre ville jumelle d’Allemagne, Bad-Säckingen, commune située dans le Bade-Wurtemberg et dont le nombre d’habi-tants est sensiblement égal à celui de Sanary, c’était le 11 novembre 1989. Ce jour-là, à 11 heures 11 minutes pré-cisément, commencent les festivités du carnaval d’une

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manière assez inédite puisque les festivaliers viennent, costumés, arrêter le maire de la ville et l’amènent à la prison pour le juger. Comme j’étais présent, ils ont dé-cidé d’arrêter aussi le maire de Sanary. Difficile de faire plus original pour un « baptême » de jumelage…

Nous avons par conséquent traversé toute la ville pour aller à la prison, en musique et dans la bonne humeur. Là, le chef des festivaliers fit le réquisitoire à l’encontre du maire de la commune. Après celui de mon homolo-gue allemand, ce fut mon tour d’entendre les reproches qui m’étaient faits, ou plutôt le reproche : une jeune Alle-mande avait en effet épousé un Sanaryen, le second de la capitainerie du port, et je n’avais pas officié personnel-lement lors de ce mariage. La faute était suffisamment grave pour que je sois condamné à payer mon poids en vins de Bandol. J’avais pourtant plaidé les circonstances atténuantes puisqu’ils s’étaient mariés au moment où le conseil municipal m’élisait maire de Sanary pour la première fois… Rien ne put néanmoins atténuer la sen-tence, exécutée bien évidemment avec grand plaisir. Pour conclure cette sympathique manifestation, nous nous sommes retrouvés à table, tous ensemble, devant une soupe de lentilles brûlées et du pain rassis. C’est un beau souvenir d’amitié franco-allemande.

Au-delà de cette histoire plaisante, je trouve intéressante l’idée qu’un jour donné de l’année, la population ait un moment pour faire, avec beaucoup d’humour s’agissant de la façon dont procèdent nos jumeaux d’Outre-Rhin, des reproches au maire de la ville. Lequel n’a d’autre alternative que de les écouter et de les entendre. C’est une forme d’exutoire psychanalytique qui rapproche au final les uns et les autres. A méditer ».

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Kiosque

La musique adoucit les mœurs et permet d’offrir de jolis moments de partage collectif, comme on en voit sou-vent à Sanary, que ce soit dans les rues pour accueillir des croisières, le jour de l’été lorsque la fête de la mu-sique prend ici des allures de 14 juillet, ou au kiosque, reconstruit par la ville.

« Autrefois, il y avait un kiosque à musique en béton sur l’allée d’Estienne d’Orves, détruit par mon prédéces-seur parce qu’il avait vieilli et était devenu obsolète. Les habitants en désiraient un autre. J’ai décidé de le faire mais de l’inaugurer lors d’un événement particulier pour que la population s’en imprègne encore mieux. Il a été ouvert ainsi le 31 décembre 1999 pour le passage à l’an 2000, ce qui était notre façon de poser une borne pour marquer ce moment planétaire.

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Je voulais leur rappeler aussi, comme je le fais sur le Mo-nument de la Victoire, sous une autre forme, que c’était une occasion de penser aux générations qui nous ont précédés depuis la nuit des temps, aux combats me-nés, aux richesses laissées, à la liberté léguée au prix de beaucoup de souffrances, de tragédies, et d’apprécier notre chance de vivre en paix et en harmonie autour de ce nouveau lieu de convivialité. De temps en temps, c’est bien de se rappeler collectivement que nous de-vons embellir à notre tour la vie de ceux qui viendront après nous ».

Kiosque

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Larmes

Si le Général de Gaulle et Konrad Adenauer ont écrit la grande histoire internationale de la réconciliation fran-co-allemande, d’autres, plus anonymes, ont signé par leurs actions de bien belles histoires sur le plan local. C’est toujours les larmes aux yeux que Ferdinand Bern-hard évoque celle de Sanary.

« Le port, qui était un lieu stratégique, et la ville de Sa-nary ont été sauvés de la destruction totale à la fin de la seconde guerre mondiale grâce à trois hommes. Tout d’abord deux personnes d’origine suisse qui parlaient allemand, Messieurs Roethlisberger et Muhlethaler. A l’arrivée des troupes alliées, ils sont allés négocier la reddition des batteries allemandes qui s’apprêtaient à bombarder la ville. Grâce à leur diplomatie, Sanary a été épargnée. Cependant, au moment de partir, les oc-cupants ont miné la totalité du port. Heureusement, un sous-officier allemand, le lieutenant Oswald Hartmann, a prévenu les français et évité ainsi un carnage. Pour

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avoir une idée du volume de bombes déployé, il faut sa-voir que la première fois que l’on a fait des travaux sur les quais, au niveau du Chantier des Baux, 31 mines ont été sorties sur 50 mètres ! En fait, et cela explique que l’on en retrouve encore à chaque fois que l’on intervient pour des aménagements, les Français n’ont pas extrait les mines à l’époque, mais juste coupé les fils.

Bien des années plus tard, lors du 30è anniversaire du jumelage entre Sanary et la ville allemande de Bad-Säc-kingen, j’ai demandé à la famille Cavet (ancien maire de Sanary avant la guerre et après la Libération) qui est devenue amie avec Oswald Hartmann, de le faire venir. Le soir du repas de gala j’avais prévu de lui remettre la médaille de la ville. Nous étions dans le gymnase, il y avait 350 Français et 350 Allemands, et je ne trouvais pas les mots (je n’écris jamais mes discours) qu’il fallait pour présenter cet homme, car quelque part il avait tra-hi les ordres de l’autorité allemande, et de l’autre côté, pour les Français, il avait été un occupant. Je suis allé voir Marcelle Cavet, qui était présente bien sûr, et je lui ai demandé comment faire. Naturellement elle m’a ré-pondu : « c’est facile, vous n’avez qu’à dire que c’est le premier homme de la réconciliation ». Je suis allé à mon micro, j’ai raconté l’histoire de ce sous-officier allemand sans dire qu’il était celui qui se tenait à côté de moi, et j’ai repris les mots de Madame Cavet en disant : « je vous présente le premier homme de la réconciliation ».

Ce fut extraordinaire. Les 700 personnes se sont levées comme un seul homme, ont applaudi très longtemps, pendant que lui pleurait. Et je crois que moi aussi… ».

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Leurre

Un leurre est une illusion destinée à tromper. Parmi ses synonymes officiels du dictionnaire, on trouve « artifice, attrape-nigaud, duperie, feinte, imposture, sournoise-rie… » et, également, dans le langage du maire de Sa-nary, un mot et un verbe : « gratuit » et « attendre ».

« J’ai interdit l’usage du mot gratuit dans mon entou-rage. C’est un leurre, car dans la vie publique il n’y a rien qui est gratuit. C’est soit l’usager soit le contribuable qui paie, soit les deux, mais il n’y a pas de manne céleste qui tombe du ciel. Je me souviens d’une réunion avec le maire d’Ollioules sur l’échangeur autoroutier. Après la présentation du projet, la parole a été donnée à la salle et la première question a porté sur le sujet du jour, à sa-voir « sera-t-il gratuit ou à péage ? ». J’ai rappelé à la per-sonne cette précision à propos de l’usager et du contri-buable avant de lui redemander quelle était sa question. Il n’en n’avait plus. Cela fait partie de notre rôle de sen-sibiliser l’opinion à cette réalité incontournable et de ne surtout pas duper le citoyen. C’est un mensonge de dire ou de laisser dire qu’il peut y avoir des choses gratuites.

J’ai banni également le verbe attendre parce que je me suis rendu compte, en mairie, que c’était une façon de me signifier : « je n’ai pas avancé sur ce dossier ou je ne l’ai pas travaillé ». Alors, certains ont imaginé qu’ils pouvaient trouver des palliatifs, du genre « c’est en cours… ». On est dans un pays où les choses vont extrêmement lente-ment. J’ai été très fier lorsque l’on a présenté le projet de réhabilitation du Fort de la Cride, quand le représen-

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tant de la société qui a la responsabilité de la restaura-tion a affirmé, manifestement ravi, que ce dossier est « allé très vite, plus vite qu’ailleurs ».

Il y a mille et une choses qui font que l’on avance ou pas, dont une incontournable : ne jamais se quitter sans avoir fixé avec précision la date, l’heure, le lieu et les objectifs de la réunion suivante. Si j’ai un compte-rendu de réu-nion qui me revient, je regarde d’abord si ces points là figurent au document, sinon je refuse de le traiter. Cela n’empêche pas certains de faire les devoirs à la dernière minute, mais par expérience, je peux avancer… que c’est efficace ».

Loi

Nul n’est censé ignorer la loi, dit le célèbre adage fran-çais qui sous-entend que chacun doit connaître les di-zaines de milliers de textes législatifs en vigueur, y com-pris et surtout ceux qui exercent le pouvoir, sachant que le mille-feuilles grossit en permanence. De là à penser que trop de sécurité juridique tue la sécurité juridique…

« Récemment, un magistrat de grande qualité, avec qui j’ai beaucoup apprécié échanger, me disait : « quoi que l’on fasse, on est dans l’illégalité ! ». Je crois qu’il a rai-son. L’intelligence de son raisonnement, et de son com-portement, vient du fait qu’il a posé ce principe avec cette capacité de discernement pour faire la part des choses entre ce qui relève de l’intention délibérée, de la maladresse, ou de la méconnaissance de tous les textes

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qui peuvent régir la vie de notre pays. C’est toujours fa-cile à postériori de venir affirmer « vous n’auriez pas dû faire ceci ou cela, il fallait faire comme ceci ou cela ». Gé-néralement, la caractéristique première de ceux qui se comportent ainsi est de ne jamais avoir rien fait ! ».

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Maire

Le mot « maire » est un archaïsme lexical issu du diction-naire de l’ancien français, signifiant littéralement « le plus grand », de la ville en l’occurrence. C’était donc écrit : Ferdinand Bernhard est de taille pour représenter l’au-torité municipale et diriger l’exécutif local.

« Ce qui me comble dans ce rôle de capitaine réside dans le fait que l’on trouve des collègues élus qui sont très im-pliqués et qui savent manœuvrer leur part de travail et de responsabilité avec beaucoup de conviction, de vo-lonté, de sensibilité, sans compter leur temps. Cela per-met d’avoir encore plus de volume à la voilure, d’avancer plus vite, et dans un bien plus large panel de directions.

Sans cette richesse et cette diversité, cela ne serait pas possible d’aller aussi loin. J’ai donné des délégations pleines et entières à tous les élus de la majorité mu-nicipale, même si très régulièrement et à tour de rôle

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j’ai des entretiens avec eux au cours desquels on dé-taille tout ce qui relève de leurs compétences, et il y en a des choses ! Je regarde ce qu’ils font et j’aime bien ne rien avoir à rajouter, si ce n’est échanger avec eux. C’est mieux que de donner des ordres, qui n’est pas le meilleur du rôle du maire. Quand on échange, on est dans la passion, le partage, c’est un vrai privilège. Cela nous enrichit, cela apporte aussi de l’émulation, du pi-ment, et, au final, les projets sont bonifiés. Quelquefois, les gens pensent que c’est le maire qui décide tout. Ils se trompent. La référence de nos actions, même à minima, est le programme électoral.

J’ai le besoin impératif de sentir que ce qui est proposé est partagé. Donc, tous les premiers et troisièmes mer-credis de chaque mois, je réunis tous les élus de la ma-jorité. C’est un moment où je sens en quelque sorte leur état collectif. C’est différent du tête à tête, on est dans la cohésion, la complémentarité, la solidarité, ce qui n’em-pêche pas aussi les frictions, parfois. C’est important de savoir régulièrement où l’on en est, individuellement et ensemble. Tout est effectué dans la transparence, sachant que pour chaque délégation une liste de ce qui devrait être fait a été établie et augmentée de nou-veaux éléments au fil du mandat. Tout cela est consigné et permet de suivre précisément ce qui avance ou non. Si certains projets stagnent, on sait pourquoi et on les a toujours forcément en mémoire. C’est une question de respect des engagements et des citoyens ».

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Malentendu

Un petit peu comme chez le coiffeur, mais un petit peu seulement, les gens aiment bien parler chez le dentiste, sauf au moment du soin (et pour cause) et peut-être d’ailleurs pour se rassurer avant…

Au début de son premier mandat de maire, Ferdinand Bernhard a déménagé son cabinet dentaire d’Ollioules à Sanary et il n’était pas encore totalement identifié par l’ensemble de la population. Alors que la ville était sens dessus dessous par le lancement des travaux des rues piétonnes, arrive un nouveau patient qui marchait avec des béquilles, donc forcément gêné par les aména-gements. En bon coiffeur, pardon, dentiste, Ferdinand Bernhard lui demande ce qu’il a, pourquoi il est là, l’ins-talle sur le fauteuil, et, inévitable tentation (humain mais aussi malin), lui demande s’il n’est pas trop en colère après le maire qui ne lui facilite pas la vie avec tous ces travaux et son handicap du moment. Et là, surprise. « Il me dit de ne pas lui parler de ce c.. de maire. Je lui réponds « stop ». Il enchaîne « et pourquoi je m’arrêterai ? ». « Tout simplement parce que je suis le maire », ai-je ajouté. En fait, nous nous sommes revus durant plusieurs séances et j’ai compris ce qui le gênait. Il pensait que je mentais quand j’annonçais que tous les travaux entrepris le se-raient sans augmenter les impôts. Ce que nous avons fait. Mais cela lui paraissait invraisemblable. Ce malen-tendu nous a été utile à tous les deux ».

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Mariage

Parmi les activités de maire les plus gratifiantes, à condi-tion que la mariée soit à l’heure (certaines se reconnaî-tront…), figurent en bonne place les célébrations de mariage. Ferdinand Bernhard y accorde une importance particulière, une sensibilité personnelle qui se voit, qui se sait et qui fait l’objet de remarques à longueur d’an-nées de la part d’administrés unis par ses bons offices.

« On a des vidéos, des photos à vous montrer, vous nous avez émus, fait rire aussi, on a été touchés, c’était inoubliable… », tous ces témoignages, et bien d’autres, font ainsi partie des retours récurrents sur mariage dont je ne me lasse jamais. La cérémonie civile est quelque chose de très austère, de très rapide, et ceux qui se pré-sentent devant nous pour se marier viennent simple-ment dire qu’ils veulent partager leur vie ensemble. A travers le maire, ils le disent à la population, à la société. Donc c’est un acte qui, au-delà de la fête et de l’émotion, est solennel. Après la cérémonie officielle, je m’adresse à eux pour une deuxième partie, moins solennelle, que j’appelle « les conseils au marié ». C’est un choix délibéré. Cela donne à ces jeunes, et moins jeunes, le sentiment d’avoir vécu un moment qui n’est pas une formalité et qui mérite bien plus que cinq minutes. C’est ce que j’en-tends à la sortie dans un premier temps, puis longtemps après, et cela me fait chaud au cœur. Et puis, c’est tou-jours des instants où l’on rencontre des personnes qui sont dans la joie. On contribue à les rendre plus joyeux encore. Que demander de plus ? ».

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Ces trois conseils que le maire ne veut pas dévoiler (« venez vous marier ou assister à des mariages à Sanary pour les connaître… », précise-t-il l’œil malin) ne sont pas neutres même s’ils sont formulés avec humour et créent l’hilarité dans une assistance naturellement bon public ce jour-là.

« Rien n’est neutre effectivement dans ces messages. J’en ai été convaincu le jour où une dame est venue vers moi dans la rue en me déclarant : « Monsieur le maire, je voulais simplement vous dire que vous avez marié nos enfants. Le jour du mariage je n’ai pas tout à fait compris vos propos, aujourd’hui je les comprends ». Et puis elle a commencé à avoir les larmes et elle est partie. Je pense que c’est un moment au cours duquel il faut inviter les personnes qui sont là à savoir apprécier les chances qui nous sont données de vivre dans un pays en paix, d’avoir un toit, de quoi manger, et, privilège incommensurable, d’être en bonne santé. Et là je leur dis que quand ils ont tout cela, chaque jour qui passe il faut savoir remercier le ciel parce qu’ils ne sont pas bien loin du bonheur… ».

Mécénat

Dans A comme artiste(s), le maire explique avoir « été très touché par le fait que plus ils sont grands, plus ils sont célèbres, plus ils ont du talent, et plus ils sont mo-destes et d’un accès facile ». S’agissant d’un mécène comme Paul Ricard, derrière (ou sous) la partie émergée de son empire, on peut rajouter « discret ».

« Ceux qui ont connu l’abbé Galli et Paul Ricard disent,

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et je suis convaincu que c’est vrai, que Paul Ricard a lar-gement contribué au financement de la Cité de la Jeu-nesse, et que les liens étaient très forts entre eux. Il l’a fait suffisamment discrètement pour que cela n’appa-raisse nulle part et a ainsi aidé Georges Galli à laisser un beau patrimoine aux habitants de Sanary. C’est un lien qui est partagé aussi avec la paroisse puisque, dans le legs des lieux effectué par l’abbé au profit de la ville, elle a l’usage du Théâtre Galli un certain nombre de jours par an, à Noël, pour les Rameaux, à Pâques, des dimanches d’été, quand l’église a une capacité insuffisante pour ac-cueillir tous les paroissiens ».

Mémoire

Depuis 1995, afin d’entretenir un devoir de mémoire au-près des enfants et des jeunes adolescents de Sanary, la municipalité organise des voyages avec les écoles dans des villes symboles de l’horreur de la guerre. Ces parcours de mémoire les conduisent sur les lieux des af-frontements, à Izieu donc, déjà évoqué, mais aussi dans les camps de concentration et d’extermination, à Aus-chwitz, au Struthof, à Verdun, sur la Côte Normande, au mémorial Jean Moulin, à Oradour... Une démarche initia-tique qui a pu voir le jour grâce à une belle implication de tous et un exemple de solidarité au profit des enfants.

« J’ai eu et j’ai toujours le privilège d’avoir à Sanary des équipes pédagogiques d’enseignants qui ont tout à fait adhéré au projet. C’est pour moi un grand bonheur, la vie étant faite de petits bonheurs qui sont perfectibles

Mécénat

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et qui touchent beaucoup. Ils ont non seulement adhé-ré, mais réalisent un travail formidable avant, pendant, après les déplacements. Tous ensemble, nous contri-buons à faire de nos enfants des êtres qui ont une ré-flexion sur l’histoire.

Parmi les moments hors du commun vécus dans le cadre de ces actions, il y a notamment eu cette rencontre ex-ceptionnelle à Oradour avec l’un des rares survivants. Cela m’a marqué, ainsi que ceux et celles qui étaient pré-sents. « A ce vieux monsieur, un enfant a posé la ques-tion : « est-ce que vous en voulez à ceux qui ont fait ça ? ». Il a répondu : « mon petit, il ne faut pas oublier mais il faut savoir pardonner ». Quelqu’un qui est capable de cela, sachant qu’en fait il n’est pas mort parce qu’il a eu la « chance » d’être enseveli sous d’autres cadavres, constitue un exemple de tolérance et de réflexion sur l’humanité pour les enfants.

C’est aussi pour nous une façon de leur faire percevoir que la guerre qu’ils n’ont pas connue, heureusement, est quelque chose de très grave, que ce n’est pas un jeu vidéo ni un film à la télé, et surtout, concernant la der-nière guerre mondiale, de leur expliquer que parmi ceux qui sont venus défendre, libérer notre patrie, beaucoup étaient des étrangers, venus de tous pays. C’est grâce à leur bravoure que nous vivons aujourd’hui dans une démocratie et en république. Il faut donc, lorsque l’on parle de l’étranger, des étrangers, qu’ils soient vigilants, ce n’est pas rien de donner sa jeunesse, sa vie, à la li-berté d’un pays que l’on n’a jamais vu, à des milliers de kilomètres de son quotidien.

Ces messages sont d’autant plus nécessaires à trans-

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mettre tôt que les enfants ont, à mon avis, une capacité de perception et de compréhension très importante, la première relevant de l’âme et la seconde du cerveau, en supposant que cela ne soit pas la même chose… ».

Moyens

Avoir les moyens de ses ambitions est un vieux proverbe français. Avoir tout d’abord ceux de ses missions est un vieux combat de l’administration policière française. Ferdinand Bernhard s’en est aperçu très tôt en tant que maire de Sanary.

« Il y a une vingtaine d’années, au début de mon pre-mier mandat, il y avait un tagueur qui sévissait dans les grandes largeurs de mur sur le territoire de la com-mune et, devant la tournure excessive que cela prenait, j’avais demandé au commissariat de Police d’intervenir. Comme il ne se passait rien, j’ai pris l’initiative de m’en mêler, mais d’en avertir au préalable le commandant : « je vais vous montrer comment on fait ! ». « Et qu’est-ce que vous allez faire ! », m’a-t-il répondu aussi sec. « Vous verrez bien ! », ai-je conclu notre dialogue somme toute très méridional d’hommes fiers…

J’ai choisi un lieu avec des murs propices au taggage, qui avaient d’ailleurs déjà été tagués, puis repeints. J’ai de-mandé qu’on les repeigne à nouveau, j’ai fait installer un algeco avec des vitres sans tain et j’ai attendu quelques jours. J’ai dit alors au commandant de police qu’il ne lui restait plus qu’à placer un homme le soir dans l’algeco

Mémoire

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car le tagueur passera, et même rapidement, trop tenté par ces surfaces bien belles. Il me donna alors son accord pour commencer le lendemain. Impatient de connaître la suite des opérations, le lendemain donc, vers 23 heures, je décidai d’aller voir si on « sentait » ou non la présence policière et, ô surprise, une voiture de police était garée à côté de l’algeco et les policiers fumaient une cigarette ! Au petit matin, notre échange avec le commandant a re-pris sur un ton quelque peu tendu compte tenu de mon humeur et des circonstances.

Le soir, tout s’enchaîna très vite. Un policier laissa son collègue dans l’algeco avec une radio et s’éloigna avec son véhicule. Une heure après, le tagueur arriva et dé-buta son œuvre sur un premier mur. Le policier essaya vainement d’appeler son collègue à la radio, avant de s’apercevoir que son matériel était défectueux... Il déci-da alors d’agir tout seul et se fit agresser non seulement par le tagueur mais également par un abruti qui passait par là en voiture ! Heureusement, il avait son arme de service, sinon les choses auraient été beaucoup plus compliquées pour lui.

Cet épisode m’a aussi un peu plus ouvert les yeux sur le peu de moyens dont disposent parfois, souvent, nos représentants de l’ordre. Si les Français avaient connais-sance des mauvaises conditions de travail des policiers, ils seraient désespérés. A l’image de l’agent d’accueil du commissariat qui est une employée détachée par la mai-rie, j’ai toujours essayé d’apporter des moyens complé-mentaires à la Police car il me paraît important, quand cela est nécessaire, que les collectivités publiques soient présentes. Même si ce n’est pas forcément leur rôle ».

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Noël

Au-delà d’un rassemblement familial au cours duquel on offre des cadeaux (au grand bonheur des enfants sur-tout), autour d’un ou plusieurs bons repas (au grand plaisir des adultes surtout), Noël demeure une fête chré-tienne célébrant, le 25 décembre, la naissance de Jésus. C’est en tout cas la réalité d’une majorité de la popu-lation française, et sanaryenne, quand bien même elle semble de plus en plus discrète cultuellement parlant. Trop discrète, selon Ferdinand Bernhard.

« J’attache beaucoup d’importance à ce que les choses aient un sens. Lorsque nous inaugurons les fêtes et les lumières de Noël, je rappelle souvent à la population qu’au-delà de toutes les festivités, cette fête marque un moment fondamental de notre civilisation judéo-chré-tienne qui, n’en déplaise à certains, est le point de dé-part de notre horloge sociale mondiale. Donc, ces fêtes sont d’abord chrétiennes, et si chacun a sa liberté de penser, j’estime que l’on n’a pas le droit de renier ce qui

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appartient à notre histoire. J’invite par conséquent les chrétiens à ne pas avoir honte de ce patrimoine qui nous a été légué et à occuper l’espace public, non pas pour y faire du prosélytisme, mais pour afficher avec une fierté de bon aloi une grande partie des racines de notre civi-lisation.

Je me rappelle avoir reçu à ce sujet un courrier d’une habitante de Nice, chrétienne protestante, qui me re-prochait d’avoir autorisé le curé de la paroisse à mettre une banderole annonçant les horaires du catéchisme… Je n’avais pas encore pris le temps de répondre à cette dame qu’un jour, au cours d’un apéritif, venant vers moi, elle se présente comme étant l’auteur de cette lettre dont le contenu m’avait un peu perturbé. Comme c’était au moment où, à Nice, se posait la question de la construction d’une mosquée, je lui ai dit : « Madame, merci de me donner l’occasion de vous répondre de vive voix. Je pense que si vous étiez, vous, les chrétiens, ca-tholiques et protestants, moins frileux, si vous occupiez mieux l’espace et votre juste place alors que votre re-ligion est majoritaire dans ce pays, vous ne seriez pas en train de vous poser la question à Nice s’il faut faire ou non une mosquée, et, plus largement, vous n’auriez peur ni des minorités ni des mosquées en question… ».

C’est d’ailleurs un Pape qui a affirmé un jour : « n’ayez pas peur », s’adressant aux jeunes chrétiens. Je suis d’accord avec cela et avec le fait que notre civilisation n’a certainement pas à rougir non plus de ce qu’elle est. Je le dis d’autant plus aisément, et sans risque que l’on puisse me faire des reproches à ce propos, que je ne suis pas moi-même engagé religieusement ».

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Noël (père)

« L’adulte ne croit pas au Père Noël, il vote », disait Pierre Desproges… A Sanary, Ferdinand Bernhard essaie de faire en sorte que les deux ne soient pas incompatibles. Il a commencé par régler depuis quelques années l’éven-tuel problème du partage de « rênes » à cette époque de l’année, puisqu’il incarne en même temps, le 23 dé-cembre à 15 heures, les fonctions de maire et de Père Noël, pour le plus grand plaisir des petits, et assurément le sien…

« Après une manifestation importante qui se déroule dans la ville, nous faisons toujours une réunion de dé-briefing afin de regarder comment se sont déroulées les choses, ce qui était bien ou moins bien, pour les amé-liorer et progresser. Il y a trois/quatre ans, consécuti-vement aux fêtes de Noël, au cours d’une de ces réu-nions, nous étions sept ou huit autour de la table, élus et collaborateurs. Quand nous avons évoqué l’arrivée du Père Noël à Sanary, que nous organisons tous les 23 décembre à 15 heures précises sur le port, devant une foule toujours dense, je me suis gentiment agacé que ce soit systématiquement un homme de petite taille qui incarne le personnage, avec pour conséquence gênante que seuls les premiers rangs le voient. Dans mon empor-tement, je leur ai dit : « vous ne pourriez pas trouver un Père Noël un peu plus grand, cela ne me semble pas si com-pliqué ? ». Là, j’ai senti toutes les paires d’yeux se poser sur moi. J’ai compris alors qu’à partir de ce moment-là je n’y couperais pas, le Père Noël de Sanary mesurerait dorénavant 1,98 mètres…

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Au final, c’est un vrai bonheur de faire le Père Noël. Sauf que, la première fois, en arrivant du bateau sur les quais, je me suis trouvé ridicule en me voyant dans le mi-roir, grotesque même, avec mon habit rouge tradition-nel, ma barbe blanche, le coussin pour faire le ventre... J’ai pensé sincèrement que l’idée de me déguiser ainsi n’était pas bonne du tout, car le décalage entre ce qu’il y avait dans ma tête et ce que je voyais était trop impor-tant. Quand j’ai débarqué, ce sentiment s’est accentué et le moment de solitude a été terrible. Mais, cela n’a pas duré, et, au bout de quelques dizaines de secondes, j’ai été tout à fait convaincu du contraire, car il y avait là un autre miroir qui était fabuleux, à savoir le regard des enfants. Grâce à eux, je me suis senti Père Noël, j’étais le Père Noël. Et si j’avais chaud sous le déguisement, cela m’a réchauffé le cœur en même temps.

Ce sont des cadeaux de vie qui comptent dans celle d’un maire, dans celle d’un homme. Des instants irrem-plaçables au cours desquels on est en communion avec les enfants et les parents. J’ai d’ailleurs été le premier malheureux quand, malade, je n’ai pu tenir le rôle l’an dernier ».

Nuire

La vie ordinaire d’élu n’est pas un long fleuve tranquille, loin s’en faut, surtout lorsqu’on est attaqué sur tout et son contraire, et que les attaques prennent une forme pour le moins inhabituelle. Le maire de Sanary en a fait l’expérience, mais sans en faire les frais.

Noël (père)

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« Je me souviens d’un préfet corse qui avait dit à l’un de mes anciens adjoints qui lui rendait visite : « ah, le maire de Sanary, il a bien dû mettre un petit peu ses doigts dans la confiture… ». Et cet homme, représentant l’Etat déconcentré, a passé un temps fou à essayer de mon-ter des faux dossiers pour me nuire, saisissant régulière-ment le parquet pour des enquêtes préliminaires. Cette histoire me fait penser au proverbe chinois très connu, « assieds-toi au bord du fleuve, prends patience et tu finiras par voir passer le corps de ton ennemi », car ledit préfet a fini sa carrière en prison… ».

Nurserie

La politique, au sens vie de la cité, est une chose trop sérieuse pour la laisser aux seuls élus, aurait pu dire Georges Clémenceau, illustre Varois et homme politique lui-même. Raison de plus pour créer un climat de dia-logue avec les habitants, dans un souci d’amélioration concertée de la vie quotidienne.

« Certaines suggestions de la population peuvent prendre des allures de fulgurances. Un jour, au cours d’un repas, une dame me dit qu’elle regrette que dans les villes il n’y ait pas de nurserie pour que les mamans qui ont un bébé puissent langer leur enfant, leur don-ner le biberon ou allaiter tranquillement. J’ai trouvé l’idée géniale, à plus d’un titre. Quand bien même cela ne servirait qu’à peu de mamans, il faut le faire (en l’oc-currence cela est mis en place dans la commune à côté des jeux d’enfants) car c’est également une façon de

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leur déclarer : « vous voyez, à Sanary, vous êtes prises en considération ! ». Cette attention importe peut-être plus encore que la finalité de l’action ».

Nurserie

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Obligation

Les décisions d’élus ne sont pas toujours populaires ni acceptées, loin s’en faut, quand bien même elles sont prises dans l’intérêt des populations. La route principale de Sanary à Bandol en est la parfaite illustration.

« Lorsque j’ai demandé que l’on fasse des travaux sur la route de Bandol (cheminement piétonnier, stationne-ment organisé, rétrécissement de la chaussée pour ra-lentir la vitesse des véhicules…), je n’ai pas été compris par certaines personnes, injustement.

Je savais que sur cette route mon dentiste s’était tué au niveau de la Roche Taillée, où il avait basculé avec sa voi-ture. Un peu plus tard, c’est le fils de mon associé qui à son tour a péri sur cette route, et quelques temps après, une petite voisine de cinq ans qui remontait de la plage, tenue par la main par un de ses proches, a été fauchée par une moto. Elle est morte également. C’était une

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obligation morale, citoyenne, responsable, d’essayer de faire en sorte que ce genre d’horreurs ne se reprodui-sent plus ».

Olivier

Après chaque célébration de mariage à Sanary, un olivier est offert aux « novis » et un oranger ou un citronnier leur est promis pour chaque naissance. Explications.

« Avant on offrait un livre, des stylos, et puis dans le cadre de la réflexion conduite par la municipalité sur le paysage, sur le patrimoine, on s’est rappelé que par le passé les collines de Sanary n’étaient pas plantées de pins, qui est le chiendent de la Provence, mais d’oli-viers et d’orangers. C’est donc une façon de faire un clin d’œil à ce passé arboricole ou agricole. Cela rejoint une démarche que l’on mène maintenant avec le Jardin des Oliviers, notamment ».

Ouattara

Tous les mariages sont uniques et exceptionnels, mais certaines circonstances leur donnent un cachet un petit peu différent. Surtout quand un Premier Ministre, futur Président de la République, compte parmi les membres de la famille.

Obligation

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« Il y a une vingtaine d’années, j’ai marié un jeune homme avec une jeune femme dont la sœur était l’épouse d’Alas-sane Ouattara, alors Premier Ministre de Côte d’Ivoire. Il avait d’ailleurs une résidence à Sanary, comme les pa-rents des deux sœurs qui habitaient la commune. J’ai demandé à la belle-mère de Ouattara si je pouvais faire « travailler » son beau-fils. Avec son approbation nous avons célébré le mariage ensemble, ce qui était d’ailleurs une première pour lui. Nous nous sommes revus il y a quelques mois et le Président qu’il est devenu m’a rap-pelé ce bon moment. Je me souviens aussi qu’il s’était marié lui-même quelque temps avant à Paris et que sa femme, ravie de la cérémonie de sa soeur, m’avait dit : « si j’avais su, je me serais mariée moi aussi à Sanary »…

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Pacha

Sanary partage avec La Seyne-sur-mer un grand person-nage public, qui était à la fois bâtisseur et visionnaire : Mi-chel Marius Pacha. Une source d’inspiration pour beau-coup et des valeurs dans lesquelles le maire se reconnaît.

« Michel Pacha est l’homme qui a construit les phares et balises de l’Empire Ottoman et les quais de Constan-tinople, ce qui a fait sa fortune. Puis, il a marqué son temps et pour longtemps le territoire de Tamaris et de Sanary, dont il a été maire à deux reprises. Il était ambi-tieux pour ce territoire, avait un sens du beau et du dé-tail, ainsi que les moyens financiers de mise en œuvre de ses ambitions. A Sanary, on lui doit un certain nombre de constructions réalisées en effet sur ses fonds propres, dont une sur la montée de Pitié, le Château de Pierre-don, l’église Saint-Nazaire et la maison devant l’église. C’est un petit peu dommage d’ailleurs que son patri-moine ait été vendu pour partie et que pour le reste il ne soit pas mis en valeur, à tel point que c’est la ville qui

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entretient régulièrement les abords de son tombeau. Michel Pacha a démissionné au cours de son dernier mandat car, d’après ce que m’a dit l’historien Barthélé-my Rotger, il était lassé de toutes les entraves qu’on lui mettait chaque fois qu’il avait un projet.

Ce qui est marquant, c’est aussi l’ensemble des mal-heurs qui l’ont accablé, avec la mort de sa fille, l’assas-sinat de sa femme. Malgré cela, il a toujours eu la foi en ce qu’il faisait et il était une icône dans la région quand il est mort. Un tableau en mairie illustre son sens du détail. On y voit l’église actuelle, mais cette toile a été réalisée avant que l’édifice religieux soit refait par Michel Pacha. Intrigué, Barthélémy Rotger avait demandé à mon pré-décesseur l’autorisation de gratter légèrement la toile au niveau du clocher. Dessous, il a découvert l’église du XVIè siècle qu’il avait fait détruire. Michel Pacha avait aussi fait rectifier le tableau… ».

Paradis

A l’époque où la commune accueillait les Floralies, un homme dit un jour au maire : « Sanary c’est le paradis, sauf que c’est mieux parce qu’on est sûr d’y être ». Après l’avoir chaleureusement remercié, Ferdinand Bernhard décida aussitôt d’en faire sa devise et s’empressa de porter la bonne nouvelle au curé de la paroisse.

« Il est resté dubitatif, m’a trouvé bien bronzé, tout en me glissant que je ne devais pas passer beaucoup de temps sur les bancs de l’église pour avoir un tel teint.

Pacha

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Nous étions devant la porte d’entrée de Saint-Nazaire qui était fort bien fleurie car l’église faisait partie des lieux de visite des Floralies, et je lui ai répondu : peut-être ne suis-je pas souvent dans l’église, mais regardez le nombre de brebis égarées que je fais rentrer, ajou-tant, avec un plaisir malicieux, et vous, que faites-vous pour les garder ?…».

Mais, au petit jeu de l’humour on ne gagne pas toujours. C’est d’ailleurs cela qui est le plus drôle. Sur le chemin du retour de la synagogue de la ville voisine de La Seyne, où le maire s’était rendu pour le nouvel an juif à l’invitation de la communauté, il s’amusa avec le curé de Sanary et lui envoya comme message taquin : « je sors de la sy-nagogue et j’ai reçu la bénédiction du rabbin… ». La ré-ponse du curé a fusé : « et pour la circoncision, vous en êtes où ? » !

Digne de Don Camillo, revu et corrigé à Sanary !

Patrimoine

Le mot patrimoine vient du latin « patrimonium » qui si-gnifie « héritage du père ». C’est en bon père - et maire en même temps - que Ferdinand Bernhard s’efforce de veiller sur celui de Sanary, afin de le transmettre bonifié aux générations suivantes.

« On dit communément que les emprunts sont les im-pôts de demain. Il me semble que c’est un raccourci

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absurde, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si on n’empruntait pas, que ce soit dans la vie personnelle ou publique, on pourrait réaliser en définitive assez peu de projets. Ensuite, au lieu d’emprunter il faudrait autofinancer, ce qui veut dire que l’on ferait payer sur un ou deux ans une réalisation qui est destinée à servir pendant des dizaines d’années. Certains disent qu’il faut épargner pour autofinancer, ce qui signifie que, l’argent perdant de sa valeur au fil du temps puisqu’il n’est pas possible pour les communes de le placer et d’en avoir un rapport, il serait nécessaire d’économiser pendant très très longtemps pour arriver à réaliser un projet utile. Si l’emprunt coûte plus cher car il a des intérêts, il convient aussi d’admettre qu’une partie de ces intérêts est anni-hilée par l’inflation. Somme toute, il est important de savoir si l’on a la capacité de rembourser les emprunts que l’on contracte. Ce qui est le cas pour Sanary qui a une des fiscalités les plus basses de France et qui a su la garder tout en remboursant ses emprunts.

Je crois surtout que le maire d’une ville doit faire comme le chef de famille : mettre si possible - et le plus possible - à l’abri les générations futures. Le patrimoine, foncier ou immobilier, reste pour cela une valeur sûre, surtout sur la côte méditerranéenne française, Sanary étant une des trois villes de l’hexagone où le prix de l’immobilier a le plus progressé. Si constituer un patrimoine impor-tant n’est pas électoralement visible, ceux qui le voient, le perçoivent, l’entendent, doivent apprécier cette poli-tique de la ville que je prône parce qu’ils retrouvent un peu ou beaucoup de ce qu’ils s’efforcent de faire dans leur propre vie ».

Patrimoine

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Péchère (histoire d’en rire…)

« La vie est une pièce de théâtre : ce qui compte ce n’est pas qu’elle soit longue, mais qu’elle soit bien jouée », di-sait Sénèque. En la matière, le théâtre de la vie possède l’immense vertu de la spontanéité, en plus du talent, de ses habitants-acteurs. Alors qu’il terminait une lon-gue série de soins avec prothèse auprès d’une dame au grand âge, au fort accent italien et au mari du nom de Pietro, le maire dentiste s’amusa affectueusement à lui faire un compliment coquin : « belle comme vous êtes, ce soir avec Pietro, ça va être la fête… ». La réponse fusa : « hé, péchère, péchère, dit-elle avec son bel ac-cent chantant, et sur le même mode, il faudrait d’abord changer lo stylo… ». La scène était effectivement très bien jouée.

Plongée

L’expression « noyé dans un verre d’eau » peut s’appli-quer au maire de Sanary, ou plutôt pouvait s’appliquer tant il s’est appliqué, justement, à combattre sa phobie de l’eau en soignant le mal par le mal dans le cadre de ses activités publiques. La fonction peut créer l’organe, dit-on. En l’occurrence respiratoire…

« Ma phobie de l’eau était telle que regarder vers le large dans 50 cm avec un masque et un tuba me donnait des angoisses et envie de partir en courant vers la plage… Ces dernières années j’ai fait beaucoup d’efforts sur moi-

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même dans ce domaine et un déclic est survenu alors que nous étions à plusieurs en délégation en Pologne. J’ai eu la possibilité de prendre un bain dans un bassin en surélévation dont la partie basse était vitrée, ce qui lui ôtait l’effet trou noir. J’ai pris mon courage à deux mains, franchi le cap, mis les bouteilles et le masque, je suis entré dans l’eau sous la surveillance d’un moniteur polonais et du major des pompiers, Daniel Automarchi. A 5 mètres de profondeur, j’étais au même niveau que les personnes qui étaient au bord de la piscine, dont quelques Sanaryens qui se sont bien amusés à immorta-liser l’instant en photos.

J’ai trouvé très agréable ce sentiment d’apesanteur et en rentrant à Sanary je me suis fait violence. Aidé par Marc Cisterna, le patron de l’école de plongée de la commune, j’ai fait mon baptême dans la baie, à côté des Embiez. Le plus dur étant de me jeter à l’eau, mais au sens premier, depuis le bateau. Et puis, j’ai persévéré en passant mon premier niveau de plongée, ce qui n’est pas rien quand on suit mon cheminement, car on doit se passer nos embouts avec le moniteur, sans se noyer bien sûr, sous une forte épaisseur d’eau.

C’est pour cela que j’ai été très fier lorsque Sanary, cité historique de la plongée, a parrainé l’Ecole militaire de plongée de Saint-Mandrier. J’ai plongé avec le comman-dant et sous 10 mètres d’eau nous avons signé le pacte de parrainage. Cela a été un grand moment. J’ai voulu le partager avec Jean-Michel Cousteau, qui m’avait dit qu’un jour il me ferait plonger et à qui j’avais répondu : « impossible ! ». Je lui ai envoyé un message pour l’en in-former et j’ai reçu en retour un formidable « bienvenue parmi nous ».

Plongée

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Plonger

Un baptême de plongée est organisé certaines années pour tous les élèves de 6è et le plus grand bonheur du maire est de constater que quasiment tous osent plon-ger.

« La première fois, trois ne l’ont pas fait, deux pour des raisons médicales et un troisième qui devait être mon clone car il avait trop peur. Le fait de plonger en groupe rassure et crée de l’émulation. C’est une belle initiation pour les enfants et en même temps nous perpétuons la tradition locale de capitale historique de la plongée. Au début nous faisions cela durant l’heure de gym, et puis l’Education Nationale a changé d’avis alors que les professeurs étaient à « fond ». En définitive, nous sommes… plongés dans l’expectative tout en recher-chant des solutions adéquates pour contenter tout le monde. Surtout les petits ».

Poignée (de main)

Du temps des chevaliers, qui étaient formés pour être droitiers, tendre la main droite signifiait que l’on n’allait pas dégainer son épée. La poignée de main servait aus-si naguère à vérifier que chacune des deux personnes n’avait pas d’arme cachée dans le poing. Il s’agit au-jourd’hui d’un geste courant de salutation particulière-ment usité dans la vie publique, à condition de vaincre une timidité qui peut parfois être… désarmante.

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« Grâce à ma mère, j’ai découvert le regard que beau-coup d’habitants posent sur nous en tant qu’élus. Quand, au retour d’un après-midi récréatif à Ollioules, alors que j’étais déjà maire de Sanary, je lui ai demandé si cela s’était bien passé et ce qu’elle avait fait, elle m’a raconté s’être retrouvée en présence d’une élue qu’elle connaissait bien, celle-ci étant employée dans la pharma-cie où nous nous servions depuis la nuit des temps. Elle me dit, toute contente : « tu te rends compte, elle est venue me serrer la main ». Trouvant cela normal, je lui ai répondu, « oui et alors ? ». « Et alors ? enchaîna-t-elle, elle est quand même conseillère municipale ! ». Ce jour-là, j’ai saisi à quel point nous étions vus complètement différemment de ce que nous pouvions imaginer, tout du moins de ce que je pouvais imaginer, à savoir être tout simplement un parmi tous avec, certes, quelques responsabilités publiques en plus.

En fait, ce n’est pas simple de savoir comment se com-porter dans la vie publique. Je suis un timide qui se soigne, et même si lorsque je le fais c’est toujours du fond du cœur, j’ai néanmoins une sorte d’hésitation na-turelle à aller vers les gens. C’est un défaut que j’essaie de corriger, car beaucoup de personnes sont touchées par ce geste amical et franc incarné par la poignée de main et à travers laquelle beaucoup de choses passent.

Mais, il faut aussi reconnaître que ce n’est pas évident d’avoir la réaction la mieux adaptée à la situation quand des gens discutent entre eux et vous disent bonjour au moment où vous passez. Faut-il s’arrêter et discuter ou s’en tenir à un bonjour à votre tour ? Ce peut-être de l’ir-respect aussi de venir troubler leur discussion person-

Poignée (de main)

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nelle. Je sais que, même si cet aveu de timidité paraît surprenant venant d’un maire, cette retenue peut être prise quelquefois pour de la fierté, ou de la distance. En définitive, il n’en n’est rien du tout et je serais navré que cela soit mal perçu ».

Portissol

L’érosion côtière est l’une des conséquences des chan-gements climatiques couplés à d’autres facteurs sa-vants qui, non seulement bouleversent les écosystèmes lacustres, mais perturbent aussi fortement l’économie des stations balnéaires. Ce fut le cas de la plage de Por-tissol qui s’est sortie des sables mouvants grâce au gé-nie côtier, en l’occurrence celui de l’un de ses habitants.

« Portissol est la plage mythique des Sanaryens. Elle se désensablait de façon dramatique jusqu’au jour où j’ai eu la chance de rencontrer le professeur Eric Chasse-fière, éminent expert international en génie côtier et habitant de Portissol. Au fil du temps, j’ai toujours beau-coup écouté ses conseils parce que l’on n’est sûrement pas compétent en tout lorsque l’on est élu et quand un tel puits de sciences (de la terre) vous met à disposition bénévolement ses connaissances, il faut savoir les ap-précier. C’est ce que nous avons fait.

A un moment donné, nous avons décidé de réensabler les abords de la plage et une réunion a été organisée dans l’un des restaurants de Portissol pour informer la population, comme avant chaque projet de la muni-

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cipalité. Le public était très important. Je commence mon exposé, je réponds à quelques questions, et puis, comme souvent, surgit un spécialiste en tout qui ex-plique que, évidemment, ce que l’on fait n’est pas bien et que ce n’est pas comme cela, ou tout simplement pas cela qu’il faut faire… J’étais un peu gêné parce qu’il fal-lait répondre de façon très technique et là, je me suis dit, « mais pourquoi Monsieur Chassefière n’est pas là au-jourd’hui, quelle imbécilité de ne pas l’avoir relancé pour être certain qu’il viendrait, et j’en passe et des meilleurs dans les reproches que je me suis fait durant quelques instants interminables de solitude. Quand l’empêcheur de tourner en rond du jour eut terminé son intervention, j’ai baissé les yeux pour chercher de l’inspiration, et, au premier rang, ô joie, j’ai découvert la présence du pro-fesseur Chassefière ! J’ai pensé que le ciel m’envoyait quelqu’un pour me sauver des eaux, j’ai béni les dieux et, surtout, je lui ai donné le micro.

Ce fut un vrai moment de bonheur - amplifié certaine-ment par le soulagement - de l’écouter, avec beaucoup d’humilité, expliquer la réalité des mouvements du sable, de sa granulométrie, des courants de Portissol... Ne vou-lant pas être en reste, mon « questionneur » commença à vouloir prendre un exemple d’une plage au Mexique, puis en Corse, pour étayer sa controverse. Toujours aus-si calme et pédagogue, le professeur lui a alors expliqué qu’il connaissait également parfaitement ces deux lieux et lui a donné une nouvelle leçon de modestie.

Dans la vie publique, il nous arrive de rencontrer des gens exceptionnels, par leurs qualités, quelle que soit leur nature, et c’est vraiment très enrichissant, très pré-cieux, pour la collectivité comme pour soi-même. Cela

Portissol

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donne beaucoup d’épices et relève l’envie de mieux connaître le goût des autres. Eric Chassefière a fait par-tager le sien au bénéfice de la ville et de ses habitants en nous accompagnant et en nous faisant ajuster le pro-jet au fur et à mesure. Aujourd’hui, tout le monde peut constater que jamais il y a eu autant de sable sur la plage de Portissol… ».

Progrès

Le progrès peut se définir par l’action d’avancer et cor-respond, d’un point de vue qualitatif, à l’amélioration de quelque chose. La conjugaison des deux constituant un pas de géant dans l’évolution de l’humain vers le mieux. Cela étant, « croire au progrès ne signifie pas qu’un pro-grès ait déjà eu lieu », disait l’écrivain tchèque Franz Kafka. Il est justement question de croyance dans cette anecdote un petit peu kafkaïenne…

« Fin novembre 2012, lors de la dernière cérémonie qui marquait l’installation du nouveau prêtre de la paroisse de Sanary, je lui ai souhaité publiquement la bienvenue et lui ai remis les clés de l’église. A la sortie, quelques personnes m’ont dit cette phrase qu’il m’est déjà arrivé d’entendre à plusieurs reprises : « vous auriez fait un bon curé ! ». J’en ai déduit que mon discours était en adéquation avec le lieu et la cérémonie.

Cela m’a rappelé qu’un jour, en sortant d’une réunion publique, un pasteur qui avait assisté à la manifestation et vivait à Sanary m’avait déclaré : « Monsieur le maire,

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vous auriez fait un bon pasteur ! ». Je m’étais empres-sé de lui signifier que l’on m’avait déjà fait la même re-marque dans le rôle du curé. Il m’avait alors rétorqué avec un grand sourire : « c’est bien la preuve que vous êtes en progrès… ». J’ai trouvé la répartie bien belle et je savais que j’arriverais à la replacer. Cela s’est effecti-vement produit il n’y a pas très longtemps, lorsqu’une amie socialiste m’a commenté l’une de mes interven-tions publiques en précisant qu’elle trouvait des ressem-blances avec les discours de son courant politique. Ce qui m’a permis de lui répondre à mon tour et avec grand plaisir : « c’est bien la preuve que vous, les socialistes, êtes en progrès… ! ».

Progrès

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Qualité

La ville de Sanary est engagée depuis des années dans un processus global de qualité, de l’accueil à la propre-té en passant par un engagement fort dans un Agenda 21 (outil moderne de mise en application des principes de développement durable) qui se veut exemplaire. Cette démarche vers un horizon meilleur est sans fin si l’on considère que l’horizon en question est cette ligne imaginaire qui recule lorsque l’on avance. Qu’à cela ne tienne, cela force aussi l’humilité et rassemble tout le monde, élus et population, vers un objectif commun, qui de toutes les façons, sera positif, non seulement pour les habitants de la ville, mais également pour la planète.

« Déployer une démarche de qualité nécessite de bien comprendre qu’il faut - et qu’il faudra - toujours s’amé-liorer, considérant que l’on n’est jamais au bout de ce que l’on peut faire. Il faut surtout avoir la capacité de se remettre toujours en question, l’œil critique, même quand tout va bien. Ce n’est pas forcément synonyme

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de tout casser et de tout défaire, heureusement, mais c’est surtout essayer de trouver des petits détails pour s’améliorer. J’utilise souvent le verbe essayer parce que je suis convaincu que c’est un mot qui est juste, permet-tant de rester modeste. Un de mes professeurs à la Fa-culté dentaire m’a dit un jour : « heureusement que la na-ture nous aide, sinon on ne guérirait pas grand monde, restons humbles ».

La qualité est donc un combat permanent et les gens la perçoivent d’une façon ou d’une autre. A travers la lec-ture des fiches « votre avis nous intéresse », présentes dans tous les lieux municipaux, que je vois une par une comme je lis tous les courriers qui me sont envoyés en mairie, on se rend compte, alors que l’on pourrait pen-ser que seuls les mécontents s’expriment, que les ef-forts sont effectivement perçus, que les habitants sont satisfaits des agents municipaux et le disent, qu’ils sont touchés par des petites choses, surpris même, entre autres de la propreté dans les toilettes publiques, sur les parkings... Ils notent des détails que l’on pensait être seuls à voir.

Cette politique du « beau et du détail » me convient car je pense qu’on ne peut pas révolutionner une ville bru-talement et qu’il est nécessaire de procéder par touches successives. On n’a jamais fini, certes, et je compare sou-vent le rôle du maire à ces jongleurs de cirque qui font tourner les assiettes. Quand arrive la dernière, on pour-rait être contents et se dire que l’on arrive au bout, mais non, on doit vite revenir vers la première qui a commen-cé à perdre de la vitesse et ainsi de suite. Je le compare aussi à la vie des femmes au foyer. Quand elles pensent avoir tout fini, il est quatre heures et demie, les enfants

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arrivent et refont des miettes. Un peu plus tard, c’est le mari qui rentre et le lendemain il faut tout recommen-cer.

L’exemple est certes un peu caricatural, mais la mairie est le reflet de la vie. Il est important également de rester vi-gilant sur le niveau d’appréciation des choses car on court le risque de ne plus jamais être satisfaits, de focaliser sur ce qui ne va pas plutôt que sur ce qui est bien ».

Quiproquo

Les voies des nouvelles technologies de l’information sont parfois impénétrables, mystérieuses et drôles. Elles peuvent même provoquer des situations particulière-ment insolites.

« Un jour pas très lointain, pour toute réponse à un texto envoyé à mon responsable informatique à la mai-rie, Pierre Rey, je reçois : « qui êtes-vous ? ». Cela m’in-trigue qu’il ne m’identifie pas et je réalise d’un coup que dans mes contacts il y a un deuxième Rey qui n’est autre que l’Evêque de Fréjus-Toulon (dont le prénom est Dominique) ! Je réponds, un peu gêné, « excusez-moi Monseigneur, je voulais envoyer un message à un colla-borateur qui porte le même nom que vous ». Et là mon interlocuteur m’a répondu à son tour quelque chose qui m’a tout de suite fait comprendre que Monseigneur Rey avait changé de numéro de téléphone. Je m’adressais donc à un inconnu qui a dû se demander quelle mouche a piqué le maire de la commune de Sanary... ».

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Recommandation

Il fut un temps (totalement révolu ?) où le démarchage de publicité pour des supports locaux d’informations ou d’associations n’était pas forcément régulé ni vertueux. Selon les méthodes, ce n’était pas bien méchant non plus mais un recadrage s’imposait parfois, voire s’impo-sait de lui-même devant le cocasse de la situation.

« Au début de mon mandat de maire, un commercial frappa un jour à la porte de mon cabinet dentaire pour me vendre de la publicité dans le magazine des pom-piers. Lorsque je le reçus entre deux patients, il m’expli-qua avec aplomb qu’il avait deux lettres de recomman-dation, l’une du chef de corps des pompiers, l’autre du maire. Un semi dialogue de sourds s’installa alors entre nous : « montrez-les moi », lui dis-je avec impatience. « Je ne voudrais pas abuser de votre temps », me répondit-il. « Mais abusez donc mon brave », insistai-je ». Il retourna à sa voiture et me ramena une lettre de recommanda-tion du président de l’Amicale des pompiers, à défaut de

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chef de corps en exercice, ce que je ne manquais pas de lui signaler, réclamant la seconde lettre, celle du maire que j’aimerais bien lire. « Elle est chez moi », m’affirma-t-il, ajoutant, plus ou moins faussement énervé, « mais vous êtes bien soupçonneux, vous ». « Ce n’est pas que je suis soupçonneux, répondis-je, mais le maire de Sana-ry c’est moi ! ». Là, j’ai bien cru qu’il allait faire une syn-cope et que j’allais devoir appeler les pompiers... Inquiet de la suite que j’allais donner à cette histoire, il reprit as-sez rapidement des couleurs quand je lui ai signifié qu’il n’y en aurait aucune s’il arrêtait à son tour de raconter des histoires ».

Réconciliation

Cette anecdote drôle et tendre à la fois, illustrant à sa façon les fluctuations relationnelles possibles entre un maire et ses concitoyens, débute à la maison de retraite, à proximité de laquelle était lancé un projet de loge-ments sociaux (construits et inaugurés depuis). Alors qu’il explique aux habitants environnants le déroulé et le contenu des opérations, Ferdinand Bernhard se fait prendre à partie assez vivement par un monsieur mani-festement mécontent.

« Le ton employé, ajouté à ses arguments empreints de colère, m’a particulièrement énervé et il a eu droit à une riposte appropriée. Puis le temps a passé et, alors que je me rendais à la médiathèque un monsieur me dit bon-jour. Lorsque je lui serre la main, il s’empresse d’ajouter, « Monsieur le maire, j’ai compris, c’est terminé, c’est une

Recommandation

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affaire qui est réglée ». Surpris et, de plus n’étant pas du tout physionomiste, ce qui, j’en conviens, peut être handicapant dans la vie publique, je lui demande de quoi il veut parler. Il me rappelle alors son interpellation et nous discutons gentiment de choses et d’autres. A nou-veau le temps passe et un autre jour arrive à mon ca-binet dentaire un nouveau patient. Je l’installe, il m’ex-plique pourquoi médicalement il est là, et au moment où je prends mes instruments pour intervenir, il lève les deux mains en disant : « n’oubliez pas que l’on a fait la paix ! ».

Je l’ai alors (enfin) reconnu et nous en avons beaucoup ri. Cette histoire est belle parce que cela montre qu’au-delà de son inquiétude du départ, il a pris acte avec le temps de mes arguments de maire dans l’intérêt col-lectif et a fait preuve de bon sens. C’est à la fois encou-rageant parce que c’est la preuve que l’on peut faire changer d’avis les gens, et touchant parce qu’il est venu spontanément me le dire, et me le redire même en al-lant jusqu’à se faire soigner chez moi. Je suis très fier de cette réconciliation et de ce Sanaryen ».

Regrets

Mieux vaut avoir des regrets que des remords, dit-on communément. Si Ferdinand Bernhard a l’habitude d’al-ler jusqu’au bout de ses idées, et pour cela de se donner les moyens de les mener à bien, tout n’est pas toujours réalisable. Dans ce champ des possibles qui n’ont pu voir le jour, le regret dominant est celui du projet Spoerry,

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du nom du célèbre architecte François Spoerry, concep-teur visionnaire d’un nouvel urbanisme et notamment de cités lacustres. Cet échec sanaryen est lié essentielle-ment, selon le maire, à un mauvais procès d’intention, laissant à d’autres les remords, c’est-à-dire la mauvaise conscience.

« Mon plus grand regret est de ne pas avoir mené à bon port le projet Spoerry, parce que c’était une très très belle ambition, qui aurait conforté l’âme de Sanary. Il ne s’est pas fait d’abord parce que cela touchait des posi-donies et c’était devenu prohibé de leur porter atteinte, mais aussi car l’opinion publique a été manipulée par des opposants malhonnêtes. Il s’agissait non pas d’une marina puisqu’aucun logement n’était prévu, contraire-ment aux ragots entretenus et relayés, mais cela consis-tait à gagner sur le parking actuel pour agrandir un petit peu le port, à enterrer ledit parking et à faire en surface un immense espace pour les piétons, les promeneurs, les parents, les enfants et tous les gens qui avaient envie de profiter d’une vue magnifique sur la mer.

Il a d’une part été dénaturé et d’autre part surévalué alors qu’au final il n’aurait pas coûté grand chose aux contribuables. François Spoerry avait à mon sens mis beaucoup d’humanité dans son concept. C’est ma dé-ception, mais je me console en constatant que je ne suis pas le seul, puisqu’aujourd’hui encore des personnes viennent régulièrement me dire qu’il est dommage qu’on ne l’ait pas fait… ».

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Respect

« Ce qui nous rend malheureux quand on obtient ce dont on a rêvé, c’est que l’on oublie l’avoir rêvé ». Le maire a appliqué cette phrase entendue à la télévision quelques jours plus tôt à la réalité du terrain lors de l’inauguration de la résidence de logements sociaux Clos Véronique. Une splendide réalisation, rendant même « vieillot » le reste du quartier, et pour laquelle il s’est beaucoup bat-tu, expliquant le projet et rassurant les voisins les plus récalcitrants au logement social.

« En raison d’une vision trop galvaudée du logement social, les gens ont souvent peur par ignorance, d’où la nécessité de bien les informer sur ce qu’il est possible de faire, à condition d’en créer les conditions, avec comme ici une qualité architecturale, des équipements, des pro-priétés thermiques ou acoustiques que beaucoup aime-raient avoir. Par ailleurs, 70% des Varois sont éligibles au logement social, dont bien évidemment nombre de Sa-naryens. Cette exigence de qualité impose une exigence de comportement. C’est un privilège de pouvoir habiter dans ces logements et je demande à ceux qui en béné-ficient de les apprécier à leur juste valeur, de respec-ter les lieux, de payer les loyers, de bien se comporter avec les habitants des copropriétés autour. Dans le cas contraire, je consacrerai la même énergie qu’il m’a fallu pour les faire venir à les mettre dehors… ».

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Ricard

Parmi les grands hommes de l’ouest Var du vingtième siècle, et dont l’aura fut et demeure internationale, fi-gure en très bonne place Paul Ricard. Au-delà de la bois-son alcoolisée et du circuit automobile, ce grand capi-taine d’industrie et ancien maire de Signes était aussi un grand visionnaire sur le plan environnemental, comme en témoignent la présence et les travaux de l’Institut océanographique qui porte son nom sur son île des Em-biez, située au large de la commune, mais sur le terri-toire de Six-Fours. Le maire n’a rencontré Paul Ricard qu’une fois.

« Cela se passait sur l’île des Embiez, au cours d’un déjeu-ner. Pendant tout le repas nous avons parlé de choses et d’autres, tant et si bien que je me suis demandé pour-quoi il m’avait invité. J’attendais. Au café, toujours rien. Je lui ai alors demandé quand il allait mettre un bateau pour faire la liaison entre les Embiez et Sanary ? Et là, il a levé les bras au ciel en disant : « ah, enfin, nous y sommes ! ». Je crois qu’il avait prévu ce repas pour cela mais il ne voulait pas être le demandeur.

Depuis, il y a une liaison durant la saison estivale et du coup Sanary est raccrochée aux îles. C’est une bonne chose également, car en tant que station balnéaire on « vend » un produit tourisme et ce lien ajoute bien évidemment au rêve. Tout le monde y trouve par consé-quent son compte. La société Ricard a d’ailleurs accepté intelligemment que notre documentation inclut les îles ».

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Risque

Il y a parfois dans la vie d’élu des situations qui ne sont pas racontables sur le moment car pour le moins « bor-derline » et trop compliquées à expliquer sans créer l’émoi général. Avec le temps et les événements, cela devient plus facile et… beaucoup moins risqué.

« A une époque, j’avais affaire à un dossier difficile sur Sanary et des gens dits du « milieu » étaient plus qu’im-pliqués. Alors qu’une rumeur de menaces à mon en-contre planait dans l’air, j’en ai fait venir un dans mon bureau, contre l’avis de mes proches collaborateurs qui hallucinaient, pour lui signifier de vive voix ce que j’en pensais : « on me dit qu’à faire ce que je fais je risque ma vie. Deux choses : tout d’abord je ne le crois pas et en-suite quand bien même ce serait vrai, cela ne changera rien à mon comportement ». Il m’a répondu avec son air bonhomme et son accent très marseillais : « mais non, Monsieur le maire, vous ne risquez rien, conneries tout ça… ». En revanche lui, dans sa vie de malfrat, devait risquer beaucoup puisque depuis il a été éliminé de plu-sieurs balles…

Ce jour-là, il m’avait dit également deux choses à son tour. A savoir : « avec la vie que j’ai eue je devrais être mort depuis longtemps ». Cela a fini par arriver, donc. Et cette phrase extraordinaire : « moi, je devais être plom-bier, mais je suis né dans le même immeuble que Francis le Belge. Cela vous forge un destin ! ».

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Sanary-Beau-Port

Le nom des villes ou des territoires est souvent lié à une histoire ou à une situation géographique. Entre Côte d’Azur et Provence, Sanary est au cœur de la Côte Provençale, avec sa façade mer et une connexion vers l’arrière-pays qui s’articule autour d’une centralité iden-titaire : son port. A tel point que son nom a failli en être changé.

« Je ne sais pas si la commune fait partie de la belle Côte d’Azur, mais je sais en revanche qu’il a été question à plusieurs reprises, à la fin des 17è et 18è siècles, qu’elle se nomme Sanary-Beau-Port plutôt que Sanary-sur-mer, sachant que l’on dit plus communément Sanary. Son image et la beauté sont effectivement forgées par ce port qui rentre dans la ville. D’ailleurs, quand on re-garde toutes les cartes postales et photos diverses de notre cité, cette direction est toujours photographiée en priorité de la mer vers les habitations, c’est-à-dire du Sud-Est vers le Nord-Ouest. Une orientation qui fait la

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magie des matins sanaryens, car le soleil levant envoie ses premiers rayons, offrant une mosaïque de couleurs flamboyantes, alors que le soir se caractérise plus spé-cifiquement par un jeu d’ombres et de lumières. C’est donc la mer qui rentre dans la ville et cette dernière qui l’accueille en tendant les bras vers le port.

J’invite tous ceux qui ne sont pas convaincus de cette explication à faire une promenade en mer et à regarder Sanary quand le bateau rentre vers le quai. C’est abso-lument fabuleux, avec en fond de toile l’harmonieuse découpe du Gros Cerveau. On peut aussi considérer que Sanary-sur-mer est une indication géographique alors que Sanary-Beau-Port est une réalité. Cela étant, il n’est surtout pas question de débaptiser la ville, dont le simple nom, sans attribut derrière, se suffit à lui-même compte tenu de sa notoriété ».

Sas

Un sas est un dispositif permettant de passer d’un en-vironnement à un autre. A Sanary, que ce soit à la mai-rie ou sur le terrain dédié aux mobil-homes, rien n’est laissé au hasard pour toute personne ayant besoin de se mettre à l’abri, en attendant d’être à l’abri du besoin.

« Nous avons équipé un terrain avec des mobil-homes pour y accueillir des SDF, parce que je ne veux pas qu’il y ait le moindre être humain qui dorme la nuit dehors. Chacun le sait, durant la période hivernale, je laisse éga-lement le sas de la mairie ouvert au cas où passerait un

Sanary Beau-Port

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SDF qui souhaiterait être à l’abri, et il nous arrive d’en trouver là, le matin. Parfois, on se demande si mettre en place une organisation avec des bénévoles pour aider les gens sert à quelque chose de façon durable. Heureu-sement, la vie nous apporte des réponses.

Un jour, je sortais de voiture devant la mairie, et passe devant moi un jeune homme avec un bébé aux bras. Nous nous échangeons des « bonjour » et il s’approche en me remerciant. Je l’interroge alors sur le motif de son compliment et il me raconte son histoire : « grâce à la base SDF, j’ai pu avoir un toit, j’ai commencé à me re-construire, et aujourd’hui j’ai un travail, je suis serveur dans un bar ».

« Et vous avez un bien beau bébé », ai-je rajouté, en lui disant merci à mon tour de m’apporter la preuve que ce que l’on fait est utile. Quand bien même cela n’aurait servi qu’une fois, ça suffit à mon bonheur. Cela fait par-tie des petites choses qui rendent belle la vie d’élu. Et d’homme ».

Sens

« Il faut vivre les yeux, les oreilles et le cœur grand ou-verts, car il ne suffit pas de regarder, il faut être capable de voir, il ne s’agit pas simplement d’écouter, il faut en-tendre et savoir laisser parler son cœur… ». Le maire a érigé en credo cette jolie pensée et s’en est notamment servi pour essayer d’expliquer à ses administrés, dans le magazine « Mieux vivre à Sanary » de juin 2012, com-

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ment il ressent sa mission au quotidien et combien cela lui procure le sens de l’équilibre. Une notion devenue essentielle dans la culture chinoise et qui gagne petit à petit le monde occidental.

« Quelquefois, souvent, certains d’entre vous me de-mandent comment le maire peut supporter les diffi-cultés de la vie d’élu ! Je réponds toujours qu’outre la patience, il faut savoir apprécier les petits moments qui nous mettent du baume au cœur. La liste est longue, mais regardez simplement les enfants des écoles aller dans les maisons de retraite chanter pour les résidents et ceux-ci partager un goûter ou un repas avec eux et vous verrez combien vous vous sentez utile. Prenez la mesure de la présence des enfants aux cérémonies pa-triotiques accompagnés des parents et des enseignants ; déposer une gerbe de fleurs à leur côté donne une fierté à nulle autre pareille.

Dans d’autres domaines aussi, les satisfactions parsè-ment votre chemin. Voyez la millionième voiture qui entre au parking Arnaldi, près de la Poste, outre son utilité, vous aurez un beau sentiment de victoire sur les détracteurs dudit parking. Achetez du poisson aux couples de jeunes pêcheurs installés sur le port de Sa-nary, alors que toute la législation était faite pour qu’ils disparaissent, et vous mesurerez une belle conséquence des actions de la ville qui reste ainsi enracinée dans ses traditions. Ecoutez les visiteurs nous encourager dans la démarche de propreté de la ville et vous serez satis-faits du travail accompli par des collaborateurs, parfois sans grande qualification, mais pas sans grandes com-pétences et surtout ayant la volonté d’accomplir avec sérieux leur mission pour être fiers, à juste titre, de la

Sens

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qualité de vie sanaryenne. Allez au Jardin des Oliviers, regardez le résultat d’une démarche aux multiples fa-cettes : réinsérer des hommes, préserver notre patri-moine, développer une agriculture bio, sauver des es-pèces végétales, partagez tout cela avec des enfants des écoles et vous serez guéris de bien de mauvais maux (mots aussi !).

Et, aux plus pessimistes qui pensent que notre pays ne se relèvera pas de la crise, je leur dis, regardez les pho-tos de la France au lendemain de la guerre ; des hommes et des femmes courageux l’ont reconstruite, relancée à force de courage et d’espérance. Aujourd’hui, soyez convaincus que dans notre jeunesse la capacité d’effort est incommensurable, l’envie de bien faire ne demande qu’à éclore, la générosité est une culture. Alors regar-dons et voyons, écoutons et entendons, n’ayons pas peur ! ».

Silence

On a perçu il y a déjà longtemps, grâce à Simon & Gar-funkel, la beauté du son du silence (Sound of Silence). En politique, ou plus simplement dans la conduite d’une ville comme Sanary, savoir écouter les silences et surtout les entendre est une pratique qui, même si l’on connaît bien la musique, implique beaucoup de modestie et un profond respect de son prochain. D’autant que ceux qui contestent tout, partout et pour tout, le font souvent très bruyamment !

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« Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire, et surtout la grande ar-mée des gens beaucoup plus sévères qui ne font rien ». Quand il dit cela, Jules Clarétie, écrivain français du 19è siècle et du début du 20è siècle, a parfaitement raison et son propos est toujours d’une grande actualité. D’au-tant que ceux qui sont contre quelque chose font beau-coup de bruit pour occuper l’espace, occulter la réalité et faire croire que leur avis est général.

Je m’en suis d’ailleurs rendu compte il y a près d’un quart de siècle, quand, fin 1988, j’ai pris la décision de me présenter pour la première fois aux élections mu-nicipales à Sanary. Le président du Conseil général de l’époque, dont j’étais l’un des conseillers généraux, de-manda à me voir à ce sujet. J’étais à peine arrivé qu’il m’affirma, paisiblement assis derrière son bureau : « je ne sais pas si tu dois te présenter, tout le monde me dit que tu vas être battu ! ». Comme les rendez-vous avec lui ne s’éternisaient jamais, je lui ai alors demandé s’il avait trente secondes à m’accorder. Sur sa réponse positive, j’ai embrayé en lui disant à mon tour : « Monsieur le pré-sident, tout le monde c’est qui ? ». Et j’ai cité cinq noms. Réponse : « oui, tu as raison ». J’ai embrayé à nouveau en réclamant encore trente secondes durant lesquelles je lui ai expliqué qui avait dit quoi à qui pour que cela arrive jusqu’à lui… Sa dernière intervention a alors été la suivante : « tu as raison, vas-y, je te soutiens ! ». Ain-si vont les choses. Et parmi les cinq en question, deux m’ont soutenu à leur tour.

Silence

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On a un peu tendance, lorsque quelques personnes vous ont dit la même chose, à considérer que c’est tout le monde qui le pense et l’affirme. Il s’agit d’une grande erreur, surtout quand on sait que, fréquemment, dans la vie publique, les choses ne sont pas le fruit du hasard mais bien organisées par les uns ou par les autres. Il faut par conséquent savoir écouter les silences de ceux qui ne parlent pas. La fameuse majorité silencieuse. La for-mule est curieuse, mais c’est un impératif ».

Sous-marin

La première épreuve du maire « aquaphobe » était l’inauguration du sentier sous-marin de Sanary, que l’on fait avec une combinaison, un masque, un tuba, mais sans plonger, heureusement. Surmonter son angoisse est parfois une question d’honneur, de fierté et… d’en-traînement.

« Cette inauguration était pour moi une perspective très difficile. Je suis par conséquent allé discrètement aupa-ravant, en compagnie efficace et rassurante du respon-sable de ce parcours à Sanary, dans la calanque de Port d’Alon, pratiquer des exercices pour me préparer. Ses paroles, ses conseils ont eu un effet apaisant sur moi. Le jour J, sous l’œil de Jean-Michel Cousteau, j’ai inauguré dignement le sentier sous-marin alors que la mer était particulièrement agitée. Quand je suis entré dans l’eau, j’ai vu que des opposants étaient là sur le bord du rivage, mais quand j’en suis sorti ils étaient partis. De là à dire qu’ils ont été déçus que je m’en (res)sorte aussi bien… ».

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Suite (et pas fin)

Une suite est ce qui vient après ou qui prolonge quelque chose. En mathématiques, lorsque la suite va toujours en s’approchant de plus en plus de quelque quantité fi-nie, on l’appelle suite convergente et si on la continue à l’infini, elle devient égale à cette quantité. S’il a incontes-tablement de la suite convergente dans les idées, Ferdi-nand Bernhard a aussi une idée de ce que pourrait être la suite de son engagement public sanaryen. Sans pour autant prétendre continuer à l’infini, il espère que la fin de l’aventure ne sera pas pour tout de suite. Un souhait également partagé et évoqué par « quantité » de ses concitoyens. « Le difficile est ce qui peut être fait tout de suite, l’impossible est ce qui prend un peu plus de temps ». Le propos du philosophe américain George Santayana lui laisse de la marge pour poursuivre son œuvre…

« On me dit souvent qu’il faut que je continue, ou « est-ce que vous allez continuer ? » ? A ceux-là je réponds que dans ma tête j’ai admis l’idée que je puisse m’arrêter de ma propre décision. Mais, je pense que ma tâche n’est pas tout à fait terminée, en tous cas ne le sera pas à la fin de ce mandat. Si je prends la décision de me repré-senter, si Dieu me prête vie, si les électeurs aussi s’agis-sant de ma vie politique, je ferai encore un mandat avec grand plaisir.

Au bout de ce mandat, je sais qu’il restera toujours des choses à réaliser, mais l’essentiel de ce que j’aurais pu accomplir durant tout ce temps passé à servir les Sana-ryens sera en place.

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Peut-être pourrais-je consacrer mon nouveau temps libre à d’autres utilités, publiques et privées, et profiter de la ville dans laquelle je me serai totalement investi, ce que j’ai peu le loisir de faire aujourd’hui. Il faut se dire - et je me le dis - que l’on aura durant toutes ces années accumulé un patrimoine pour Sanary, une ri-chesse pour les Sanaryens et préparé l’avenir des géné-rations futures. Ce qui m’inquiète est applicable dans la vie publique comme dans le privé, et rejoint en cela mon comparatif entre un maire et un père de famille respon-sables : j’ai hérité d’un patrimoine, je l’ai fait fructifier et j’ai peur que ceux qui me suivront le dilapident… C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai envie de conti-nuer ma vie d’élu à Sanary, en plus de la tâche qui me passionne et des habitants que j’affectionne.

D’autant que, globalement, la population voit le travail fourni, les résultats, elle sait apprécier ce qu’il lui est of-fert dans cette ville, y compris la faiblesse des impôts, et se rend bien compte que nous sommes à plus de 100% mobilisés pour que cette commune soit belle, agréable à vivre. Quant à ceux qui ne le voient plus, ils doivent en-tendre l’écho des gens qui viennent à Sanary et le disent tant et tant de fois.

Même si rien n’est jamais parfait dans ce que l’on réa-lise, lorsque l’on a la capacité physique, intellectuelle, de l’enthousiasme, de l’envie, des idées, des projets, on peut se présenter sereinement devant les électeurs ».

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Suspect

Lorsque Michel Pacha, illustre maire de Sanary (voir Pa-cha), a fait raser l’église vieillissante du XVIè siècle pour faire construire à la place la très belle église Saint-Na-zaire actuelle, cela avait fait un tollé. « Je n’ose imagi-ner les levées de boucliers contre un maire faisant pareil aujourd’hui, même avec l’accord de l’Eglise », analyse Ferdinand Bernhard. « Beaucoup plus tard, quand mon prédécesseur avant et après la guerre, Jean Cavet, a fait planter les platanes sur l’allée d’Estienne d’Orves, il a essuyé toutes sortes de sarcasmes. Ces deux exemples, parmi tant d’autres au fil du temps, m’incitent à penser que quoi que l’on fasse on est critiqué, c’est la règle, à tel point que ne pas l’être en devient presque suspect… ».

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Tag

Le tag de rue est inspiré du mouvement de l’art urbain né dans les années 60 aux Etats-Unis et développé en France depuis la décennie 80, notamment via les fresques de graffitis dans les Catacombes de Paris. Le principe de cet art est d’être éphémère, ce qui tombe plutôt bien à Sanary…

« A un moment donné, pour lutter contre les tags sau-vages, j’avais imaginé faire construire un mur de tags pour que cela puisse profiter à ceux qui voulaient prati-quer et exprimer ainsi leur créativité. Lorsque j’ai expli-qué cela publiquement, un journaliste a écrit que je ne comprenais rien à l’art underground. J’avoue que c’est sûrement vrai. Je ne peux pas comprendre un art qui consiste à aller barbouiller la maison d’un citoyen dont la façade vient d’être repeinte. Donc, chaque fois qu’il y a un tag à Sanary, une équipe est chargée d’abord de le photographier (pour éventuellement identifier un jour les auteurs) et ensuite de le recouvrir de peinture. Par-

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fois, ce sont d’ailleurs les tagueurs eux-mêmes qui repei-gnent.

Je me rappelle à ce propos d’une histoire amusante. Un soir je rentrais chez moi un petit peu tard après un re-pas et au bout d’une ligne droite, dans la lumière des phares, j’ai l’impression de voir deux ombres se déplacer près d’un transformateur. Arrivé à hauteur, je distingue parfaitement deux individus qui s’enfuient et surtout de la couleur qui me paraît bien fraîche sur les murs du transformateur en question. Je m’arrête, je descends de la voiture et j’aperçois, abandonné, le sac des tagueurs dans lequel il y a avait 17 bombes (!) et un beau carnet qui contenait toute une série de modèles de tag. Je l’ai ramené au commissariat, et il se trouve qu’il y avait aussi la carte de bus de l’une des deux personnes. Le lende-main matin, l’individu a été convoqué. Quand on lui a de-mandé au commissariat si c’était bien son sac, il a répon-du « oui », en ajoutant, « hier soir il y a un grand qui me l’a volé… ! ». Il était accompagné de son papa qui lui a dit : « mon fils, arrête tes salades ! ». Pendant plus d’une semaine, le jeune mineur a été chargé de repeindre les murs communaux, pour marquer le coup ».

Temps

Le temps est une donnée incontournable sur laquelle on a assez peu de prise. « Il faut laisser le temps au temps » avait déclaré dans une formule restée célèbre un jeune ministre de la Culture dénommé Jack Lang, au début du premier septennat de François Mitterrand. « Ne laissez

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jamais le temps au temps. Il en profite » disait pour sa part le chansonnier Jean Amadou… Ferdinand Bern-hard a été marqué par cette autre phrase du Président Mitterrand qui déclara en substance « qu’il s’écoulait tellement de temps entre le moment où il demandait quelque chose et celui où c’était fait… quand cela se faisait ». C’est dire s’il faut parfois s’inscrire dans une dé-marche de grande patience, même au plus haut niveau.

« J’ai pu mesurer la signification réelle de cette confi-dence du Président à un journaliste à propos de l’orgue de l’église de Sanary qui avait besoin d’être remplacé. Nous avons délibéré en 1990 pour demander une sub-vention à l’Etat qui, une fois obtenue, permettait de commencer les travaux et conjointement d’obtenir les aides complémentaires de la Région et du Département. Des années de relances et d’attente se sont écoulées, en vain.

Au bout de 14 ans (!) de patience, la mienne a eu quelques limites. J’avais eu le nom de la personne idoine - en théo-rie - au ministère de la Culture, et alors que pour toute réponse à ma sollicitation elle m’expliquait au téléphone qu’elle était débordée et combien les choses étaient dif-ficiles, je lui ai dit que je ne connaissais pas beaucoup de monde au gouvernement, sauf son ministre de la Culture du moment, qui était Renaud Donnedieu de Vabres, et qu’il m’était possible de l’appeler pour les simplifier, à commencer par mon interminable histoire d’orgue. « Surtout ne faites rien, m’a-t-elle aussitôt ré-torqué, cela ne ferait que compliquer la situation ». Plus compliqué qu’inexistant depuis tant de temps, que cela pouvait-il être ? Une semaine après, sans que je ne sois en rien intervenu, j’ai reçu l’arrêté salvateur d’attri-

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bution de la subvention. Ce jour-là, j’ai eu le sentiment que j’avais accompli un miracle ».

Terroir

Un terroir est, selon la définition validée par l’Unesco, « un espace géographique délimité, défini à partir d’une communauté humaine qui construit au cours de son histoire un ensemble de traits culturels distinc-tifs, de savoirs, et de pratiques fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains ». Dans la Provence de Marcel Pagnol, le ter-roir incarne « l’authentique ». L’image est belle et la définition plus simple à retenir...

« Authenticité et terroir sont des mots qui vont très bien ensemble. Les gens ont besoin de retrouver des lieux où ils vont découvrir un paysage qui a gardé des marques fortes de son histoire, où ils vont pouvoir acheter des produits qui reposent sur un savoir-faire authentique. C’est à ce propos ce qui fait la force de l’agriculture biologique, car la population, locale et de passage, a le sentiment que les produits sont cultivés par de bons paysans, au sens noble. En terme de racines, j’observe avec satisfaction à quel point les gens sont attachés à tout ce qui évoque la manière d’exploiter notre forêt, nos terres agricoles, nos pratiques historiques, combien ils sont admiratifs également devant les petits pêcheurs qui reviennent avec leurs pointus et leur pêche quoti-dienne. Cela leur fait du bien à l’esprit et conjointement à nous-mêmes d’ailleurs.

Temps

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Il est primordial d’essayer de conserver ces terroirs et ces traditions qui font partie intégrante de notre patri-moine. C’est un peu comme ces objets que l’on garde chez soi de générations en générations et qui nous lient à nos origines les plus anciennes. C’est d’autant plus im-portant qu’il y a de moins en moins d’agriculteurs dans la région et en France en général.

La question agricole se pose aussi souvent dans nos villes, et surtout nos villages, à travers une autre problé-matique. Un nombre croissant de familles propriétaires de terrain espèrent ou attendent que leurs terres soient rendues constructibles, car cela représente une valeur phénoménale, surtout à Sanary, compte tenu du prix du foncier et de la flambée de celui-ci. C’est humainement tout à fait compréhensible et légitime. Il faut accepter cette attente et cette revendication. Néanmoins, la loi nous impose depuis quelques années de ne plus épar-piller les habitations à travers le territoire, d’éviter le mi-tage et de favoriser la densité. En résumé, elle oblige à construire plus là où il y a déjà des constructions. C’est par conséquent pour ces propriétaires une grande frus-tration. Ils ont du mal à comprendre qu’un trait puisse séparer des terrains constructibles de terrains non constructibles, surtout quand ceux-ci ne sont plus du tout exploités, le plus souvent faute de candidats à la poursuite ou à la reprise de l’activité, à l’intérieur ou à l’extérieur des familles. Les départs massifs en retraite de la génération du baby-boom, devenue papy-boom, sont d’ailleurs en première ligne des préoccupations dans le milieu agricole. En corollaire, la société dans son ensemble est concernée. Beau et sérieux sujet de ré-flexion pour nous tous ».

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Tirailleurs Sénégalais

Les Tirailleurs Sénégalais étaient un corps de militaires appartenant à l’Armée coloniale française. Nombre d’entre eux ont été héroïques et sont morts pour la pa-trie au fil des guerres, y compris en métropole. Sanary a une histoire particulière avec deux d’entre eux issus du treizième Régiment, à la fois au moment de la libération et puis bien longtemps après, lors d’une commémora-tion surprenante. Et triste.

« A l’occasion du 23 août qui suit chaque élection munici-pale, date anniversaire de la libération de notre ville, j’ai pris l’habitude, en signe de reconnaissance, de citer les noms et prénoms des Sanaryens morts pour la France, au Monument de la Victoire, et je fais ensuite mon dis-cours de maire. Une année, j’ai rappelé à la population ce que venait de m’apprendre Barthélémy Rotger, l’his-torien de la commune, à savoir le nom de deux Sénéga-lais tués durant la seconde guerre mondiale alors qu’ils approchaient de la ville de Sanary pour contribuer à la sauver de l’occupation ennemie. Assistait à la cérémo-nie une douzaine d’anciens du treizième Régiment de Tirailleurs Sénégalais, et j’en ai profité pour rendre hom-mage à leurs corps d’armée, entre autres citations de combattants. J’ai donc évoqué la tragédie de ces deux Sénégalais en expliquant la façon dont ils ont été tués, c’est à dire non pas par des Allemands mais par méprise, consécutivement à des tirs de troupes de libération. De-puis cette date, leur nom est inscrit sur le Monument aux morts de Sanary.

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Lorsque j’ai fini mon discours, et alors que je rangeais mon écharpe, un ancien du treizième Régiment, avec sa tenue traditionnelle, s’est approché de moi et m’a dit : « je voudrais vous parler, Monsieur le maire. Celui qui a tué les deux Sénégalais, c’est moi ! J’ai vu passer dans le lointain deux ombres, j’ai cru que c’était des Allemands, j’ai tiré et ils sont morts… ». C’était à la fois de sa part un aveu, une confidence, une confession, et en tous les cas un grand moment de tristesse.

Cette histoire est un terrible drame et une terrible in-justice pour ces deux étrangers qui venaient libérer la France. Raison de plus pour que la ville n’oublie pas Soro Katienefero et Kema Sounri ».

Tourisme

Il était une fois dans l’ouest Var, une station balnéaire majeure, située dans le premier département et la pre-mière région touristiques de France, pays le plus visité au monde ! Ce qui constitue quelques atouts fonda-teurs non négligeables. Pour conserver et élargir encore son rayonnement naturel, Ferdinand Bernhard prône l’exemplarité et l’excellence. A défaut, et compte tenu de la concurrence internationale, les touristes risque-raient d’être rangés au rayon des souvenirs…

« De mon expérience à la présidence du Comité départe-mental du tourisme du Var, au début des années quatre-vingt-dix, j’ai tiré beaucoup d’enseignements. Parmi ceux-ci, j’ai pu constater aux côtés des professionnels, et

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avec beaucoup d’inquiétude, que notre tourisme s’était endormi sur des acquis et qu’il fallait impérativement le remettre en question. Pour ce faire, il était nécessaire de développer un certain nombre de choses, en parti-culier corriger le sous-dimensionnement de l’offre hôte-lière, mais également sa qualité globalement médiocre, même si tout le monde n’était pas à loger à la même en-seigne, sachant que toutes les professions liées au tou-risme devaient commencer par améliorer la qualité de l’accueil. J’avais tenté d’instaurer une charte de la qua-lité de l’accueil, justement, au plan départemental, sans arriver vraiment au bout de ce que je désirais.

Par contre, en tant que maire de Sanary, j’ai pu mettre en concertation et en application mes idées et je pense que dans ce domaine nous avons fait beaucoup de pro-grès. Aujourd’hui, l’offre planétaire à bon prix est tel-lement forte que si on ne propose pas des produits et services de qualité, dans un cadre qui reste exceptionnel mais qui ne suffit plus, on n’y arrivera pas, on perdra la partie et les touristes iront majoritairement ailleurs. Une grande partie de la réussite - ou non - de notre tourisme passe, entre autres exigences majeures, par le chemine-ment de la culture, de l’animation, de l’authenticité, du terroir et une plus grande modestie dans les prix pen-dant les périodes estivales ».

Tourisme

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USA

Sanary renoue depuis quelques années avec une vieille tradition d’accueil de bateaux de croisières qui, désor-mais, mouillent au large, dans la rade, et viennent pro-fiter des beaux atouts et autres atours de la ville, tout en contribuant localement à la richesse économique, so-ciale, commerciale, bref, touristique. Cette ère moderne a été précédée d’une autre époque pas si lointaine qui, en quelque sorte, a servi de répétition générale. Les pre-mières personnes accueillies il y a une vingtaine d’an-nées descendant de gros bateaux étaient en effet des marins et militaires américains, se rappelle, amusé, le maire.

« J’avais obtenu du Consul général alors en poste à Mar-seille de faire bénéficier la ville de la présence des ba-teaux de la flotte américaine et nous avions organisé des fêtes en l’honneur des équipages. Pour la première, il y avait eu au Théâtre Galli un spectacle genre French Cancan et la salle était « chaude ». J’avais à mes côtés le

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commandant et le médecin du bateau qui se sont mis la main devant les yeux quand, à la fin de la représentation, les danseuses ont invité des marins à danser avec elles, car sont montés sur scène uniquement ceux qui étaient réputés malades… Depuis, le commandant est devenu amiral, il y a eu deux guerres du Golfe et les Américains n’ont plus fait d’escales.

Outre la belle casquette qui m’avait été offerte, j’en ai gardé un enseignement, renforcé d’ailleurs par le fait que l’attaché naval de l’ambassade des Etats-Unis à Pa-ris m’avait dit que la meilleure escale de la Méditerranée était Sanary : toujours soigner l’accueil ! Quand les pre-miers croisiéristes civils sont arrivés, j’ai ainsi proposé à l’organisateur d’offrir un pot d’accueil à chaque fois. Que ce soient les commandants de bateaux, les hommes d’équipage, les passagers, tout le monde est ravi qu’il y ait du rosé, de la musique, de l’animation. Il n’en faut parfois pas beaucoup pour améliorer les choses, mais ces petites attentions rendent la ville plus accueillante et plus agréable à découvrir. A vivre aussi… ».

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Veritas

La municipalité affiche la norme qualité Iso 9001 certifiée par une structure nationale officielle de référence en la matière, le Bureau Veritas. Si la perfection n’existe pas, le perfectionnisme oui, avec son corollaire d’exigences au regard de l’ampleur de la tâche (voir également Q comme Qualité).

« La certification Iso 9001 de la commune se traduit, outre la propreté qui est le domaine peut-être le plus facilement identifiable de l’extérieur, sous plusieurs formes nécessitant une vigilance et une amélioration qui doivent être permanentes. Cela s’applique par exemple au niveau de l’accueil en mairie. Mieux accueillir se dé-cline à la fois sur le plan physique, en face à face, au téléphone, à travers le courrier... Ce sont des choses simples, comme dire « bonjour, au revoir, merci ». C’est aussi le sourire que l’on fait ressentir au téléphone, c’est également mettre en place une charte graphique pour la documentation, fleurir les locaux, faire en sorte qu’ils

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soient propres. C’est mesurer, à travers diverses tech-niques, une indispensable progression, avec des objec-tifs ambitieux que l’on n’atteindra jamais à 100%, mais il est important qu’ils existent. Cela reste très difficile à organiser car complètement lié à l’apport de chaque in-dividu.

Sur la sécurité, l’ambition est de faire mieux que ce que la loi impose, apporter plus de contrôles sur les édifices publics, même si l’on sait déjà que les lois et normes ont leurs limites. Quand j’ai demandé à appliquer une certi-fication sur la sécurité, l’auditeur du Bureau Veritas m’a dit : « imaginez que vous soyez certifié et qu’il y ait un accident grave ensuite, la situation sera difficile à gérer ». Je lui ai répondu qu’au contraire je pourrai apporter la preuve de notre engagement qualitatif. Le juge appréciera. Cela étant, je suis persuadé que l’impré-visible est ce qui arrive quand on pense avoir tout prévu. Le risque zéro étant une ineptie, on peut toujours tendre vers plus de sécurité en agissant collectivement et indi-viduellement. Le responsable de l’exécutif communal ou d’une entreprise ne pouvant tout vérifier, la respon-sabilité de chacun à son poste est dans ce contexte primordiale. Il y a des guides de bonnes pratiques, des procédures à suivre, mais il s’agit là d’une chaîne de res-ponsabilité, de solidarité et de volonté.

Sur le volet finances publiques, l’idée de la certification est également simple. Rien n’est secret, ni mystérieux, ni caché, sauf ce qui peut l’être dans le cadre de cette chaîne, justement. La transparence dans les finances est une exigence qui nécessite de l’application et de la mé-thodologie. Il est évident que l’on aime de préférence publier de bons résultats.

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J’ai par conséquent très mal vécu ce que nous avons dé-couvert nous-mêmes il y a trois ans, à savoir un certain nombre d’erreurs graves bien dissimulées en interne, très bien même, et heureusement corrigées désormais. Bien avant ces démarches de certification et ce regret-table épisode, la bonne gestion des deniers publics a toujours été une priorité, illustrée par une satisfaction collective : depuis 23 ans que je suis maire nous sommes toujours restés, au-delà des investissements colossaux et des services innombrables que l’on a pu mettre en place, l’une des villes de France de plus de 10 000 ha-bitants les moins imposées de France. Cela ne s’est pas fait tout seul ni sans cette volonté commune ».

Ville

Qu’est-ce que la ville ou de quoi la ville est-elle le nom ? Héritée des cités grecques, elle demeure le creuset de la vie sociale, économique, culturelle, spirituelle, démocra-tique, politique, conflictuelle… En résumé, de l’œuvre collective de la vie en société. Elle est aussi le lieu urbain de progrès humain - et vice versa - où résident plus de la moitié des hommes sur la terre. Située à la frontière entre ville et village, Sanary se contente pour sa part de 17 000 âmes, hors période estivale.

« Sanary n’est pas tout à fait une ville et n’est plus com-plètement un village. C’est une cité dont la taille reste à une échelle perceptible, palpable, humaine. C’est aussi une commune dont on peut encore connaître, lorsque l’on est maire, toutes les rues, tous les chemins, mais

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dont on n’arrive plus à reconnaître tous les habitants, surtout lorsque l’on est, comme moi, pas très physiono-miste...

Le centre ancien et le port ont une vraie force attractive et identitaire, qui dépasse les frontières administratives. A tel point que même ceux qui habitent à l’extérieur, y compris les habitants des Lônes, dans la commune voi-sine de Six-Fours, éprouvent une appartenance à notre ville ou à notre village. Chaque habitant a l’impression d’exister également dans la collectivité, car ce n’est pas un détail de sentir que l’on est membre d’une commu-nauté. C’est même rassembleur.

Le centre ancien a une vraie densité émotionnelle, un rôle historique de cœur de ville dépassant largement le fait qu’il n’est pas très riche en patrimoine bâti. Dans ce cadre, les personnes qui résident ici considèrent que c’est leur chez eux partagé, même si, ensuite, elles se retirent dans leur maison ou leur appartement. Il en va de même concernant la plage de Portissol, autre atout patrimonial sensible, qui est leur plage.

D’autre part, si Sanary est une des rares cités de Pro-vence à ne pas avoir sa traditionnelle place de village, avec son jeu de boules et ses platanes, le port, en par-ticulier le quai du port, est à la fois l’endroit où on se retrouve, où on se pose, où on se promène en déam-bulant, sans se lasser. C’est, je crois, le lieu majeur dans lequel les gens puisent leur fierté d’être Sanaryens ».

Ville

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Violence

« La violence se donne toujours pour une contre-vio-lence, c’est-à-dire pour une riposte à la violence de l’autre », écrivait Jean-Paul Sartre dans sa Critique de la raison dialectique. Ferdinand Bernhard a pu mesurer physiquement la force du propos à la fin d’un long week-end d’automne où les feuilles n’ont pas été les seules à tomber…

« Je me tenais près du kiosque à musique et je bavardais avec les représentants de la Croix-Rouge qui faisaient leur vente de bienfaisance. Il y avait beaucoup de monde et à un moment donné j’ai été légèrement bousculé dans le dos. J’ai alors pensé que c’était une connaissance qui voulait me signaler sa présence. Je me suis retourné et le même homme m’a frappé une deuxième fois, puis a essayé de m’attraper par le cou. Je ne suis ni spécialiste des arts martiaux ni de la bagarre, mais bien qu’il soit presque aussi grand que moi j’ai réussi à le neutraliser rapidement en le basculant sur l’étal de la Croix-Rouge. J’ai surtout eu la chance que quatre autres personnes contribuent à le maintenir parce qu’il était devenu en-core plus violent. Je n’ai rien compris à ce qu’il disait et j’ai pensé qu’il était soit malade mental soit en état de manque. Quand les policiers sont arrivés pour l’évacuer je ne voulais pas porter plainte, mais ils m’ont répondu qu’il fallait le faire pour qu’il soit interné en psychiatrie et soigné, sinon ils étaient obligés de le relâcher.

J’ai été choqué car je ne pensais pas que cela puisse m’arriver d’être agressé de la sorte. S’il était venu avec

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un couteau et me l’avait planté dans le dos je n’aurai rien vu venir. Au final, il n’avait aucun problème avec moi ni avec la mairie, il avait « juste » envie de s’en prendre à l’autorité. Cette mésaventure montre bien que la vie d’élu n’est pas toujours simple. Je suis interpellé aussi par le fait que quelques jours ou quelques semaines plus tard, il est rendu à la liberté, et ni moi ni mon entourage, familial et municipal, ne sommes à l’abri de quoi que ce soit. Par les temps qui courent, alors que l’on jette faci-lement la pierre aux élus, cela illustre une petite partie des problématiques que nous sommes amenés à ren-contrer, y compris quelquefois avec des gens capables de telles violences.

Depuis longtemps je me suis forgé une conviction en la matière : même si l’on est inquiet, il ne faut pas avoir peur. La peur est un sentiment de faiblesse qui est perçu de toutes les façons, y compris sans signes extérieurs. Par conséquent, cela vous fragilise ».

Volonté

« Là où il y a une volonté, il y a un chemin », disait Lénine. « En vérité, le chemin importe peu, la volonté d’arriver suffit à tout », prônait pour sa part Albert Camus. En fait, parfois le chemin est long et le désir partagé permet cer-tainement d’atteindre plus vite et mieux la destination que l’on s’est fixée.

« Il ne peut y avoir de résultats dans la durée sans vo-lonté, et si elle n’était pas poussée parfois jusqu’à l’ab-

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négation nombre de dossiers n’aboutiraient jamais. Je ne suis pas de nature à renoncer, mais je sais qu’il faut mettre quelquefois certains sujets de côté pour qu’ils arrivent à maturité. C’est-à-dire soit les laisser décanter pour les aborder autrement, même si la finalité reste la même, soit y consacrer d’autres moyens. Pour ce qui me concerne, je prends une décision lorsque je suis convain-cu de sa bonne utilité pour l’intérêt général. Donc, je n’ai pas trop de mal à remettre l’ouvrage sur le métier.

La volonté est d’abord personnelle. Quand elle est sin-cère, elle est perçue par le plus grand nombre et com-prise. Cela aide à faire avancer Sanary, comme le reste du monde d’ailleurs.

La volonté est aussi collective car les gens savent que cet intérêt général conduit à bousculer des idées reçues, à surmonter des obstacles. Quand on perçoit soi-même que dans cette façon d’agir on est compris par la majori-té des habitants de la commune, on accepte alors de ne pas être compris par tout le monde immédiatement… ».

Voyages

En revenant d’Oradour et du parcours de mémoire avec les enfants, le maire de Sanary a posé sa réflexion sur la notion de voyages, tout en se disant que s’ils forment la jeunesse comme le dit l’adage, il n’est pas question que cela se résume à une prise de conscience de ce qu’a été l’horreur. Parmi les formes plus ludiques et sympa-thiques de voyage, le choix s’est porté sur Paris, tous les

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ans durant trois jours, pour les élèves de 5è de la com-mune.

« Ce voyage est d’abord pour beaucoup l’occasion de prendre le TGV pour la première fois, de vivre dans des lieux d’hébergement agréables et inhabituels, de découvrir la capitale, ce que je n’ai pu faire moi-même qu’à l’âge de 30 ans. Tous ces voyages sont l’occasion de rapprochements assez extraordinaires, pour ne pas dire magnifiques, entre les élèves et leurs enseignants. C’est beau à voir et cela m’a permis aussi de constater une chose en tant que parent : quand nos enfants s’éloi-gnent nous sommes toujours inquiets, nous pensons qu’ils vont se languir, c’est normal et c’est en partie vrai, mais j’ai découvert l’autre partie, à savoir qu’il ne faut pas trop s’en faire non plus, ils s’en sortent très bien !

J’ai constaté aussi la différence de comportement entre les filles, souvent plus mûres, et les garçons qui ont tou-jours tendance à se regrouper autour d’un enseignant et surtout d’une enseignante, pour se rassurer, se sécu-riser, tout en étant assez joyeux de l’aventure. J’ai des souvenirs de garçons agglutinés autour de l’enseignante me donnant l’impression d’une poule avec ses poussins. C’était très mignon, très tendre… ».

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Wagon

On a coutume de dire que dans la vie il y a ceux qui res-tent à quai et ceux qui montent dans le train. Parfois, se rajoutent ceux qui ratent le bon wagon, quand bien même ils sont censés poser les rails. Histoire du cordon-nier mal chaussé revisité par la SNCF.

« Il y a une quinzaine d’années, je reçois des représen-tants de la SNCF qui viennent me demander de faire vo-ter par le conseil municipal une surtaxe sur les billets de train qui permettrait de financer les travaux de rénova-tion de la gare d’Ollioules-Sanary. Il fallait bien entendu qu’Ollioules vote la même taxe, sachant que la gare est à 99% sur son territoire, ce qui n’a posé aucun pro-blème avec le maire et ses collègues élus. Cela s’est fait par conséquent rapidement. J’étais particulièrement heureux de cette rénovation parce que la gare est un lieu par définition d’accueil et de départ, mais aussi de première et de dernière impressions. Dans une région touristique comme la nôtre, cela lui confère un statut

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de site stratégique au centre de bien des enjeux. Même le plus beau pays du monde peut laisser le souvenir de choses navrantes ou désespérantes si, au moment de repartir, c’est la pagaille.

En fait, la gare a d’abord été mon « centre du monde » puisque lorsque j’étais enfant, elle constituait mon ter-rain de jeu favori. Mes amis étaient d’ailleurs les fils du chef de gare et les wagons en stationnement autant de lieux où nous pouvions jouer, d’abord aux cow-boys et aux indiens, et puis, comme l’esprit des enfants est riche en imagination, à toutes sortes d’amusements que nous seuls pouvions comprendre. Les aiguillages, les horaires de train, les pièces écrasées sur les rails… et la vie de la gare n’avaient aucun mystère pour nous. J’ai même appris comment arrêter un train, quel qu’il soit. Par prudence je ne dévoilerai pas le secret pour éviter que d’autres s’en servent, mais l’employé de la gare qui nous a fait la démonstration a été baptisé de plusieurs noms d’oiseaux par le conducteur de la locomotive…

J’ai eu largement le temps de me remémorer ces bons souvenirs d’enfance, car la rénovation a pour le moins tardé. 7 ans après la première visite, arrivent de nouveau dans mon bureau deux représentants de la SNCF qui me demandent de faire voter une taxe pour… rénover la gare. Je leur ai alors dit que c’était fait depuis 7 ans et quelle n’a pas été leur surprise de constater que leurs collègues étaient venus il y a longtemps et avaient im-médiatement obtenu satisfaction. De là à penser qu’ils ont été victimes d’une erreur d’aiguillage…

C’est le reflet de la France, de sa gestion et des dysfonc-tionnements parfois de son administration. Cela manque

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de cohérence, d’harmonie, de phasage et d’échanges, ce qui provoque des retards, des erreurs et des malfa-çons. De telles absurdités me mettent en rogne en tant qu’élu et en qualité de citoyen ».

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Xavier

Une « banale » conversation en Israël à propos d’Abra-ham, communément présenté comme l’ancêtre des peuples hébreu et arabe, a permis à Ferdinand Bernhard de prendre la mesure d’une incompréhension millénaire. Et de renforcer sa vision de la tolérance.

« Lorsque je suis parti en voyage de groupe en Israël à l’invitation du curé de la paroisse de Sanary, il y avait un guide passionnant du nom de Xavier, qui était juif israé-lien. Un jour, nous bavardions tous les trois avec le chauf-feur de notre car qui, lui, était arabe israélien, et le sujet de notre conversation a porté sur la fête de l’Aïd el-kebir. Je leur ai dit que je ne comprenais pas pourquoi les juifs ne fêtaient pas cet événement, c’est à dire ce geste de Dieu qui empêche Abraham d’immoler son fils après lui avoir demandé son sacrifice afin de le soumettre. Et là, j’ai réalisé que tout était resté figé depuis la « genèse » de la problématique entre ces deux religions : les uns pensent toujours que le fils qui était sur l’autel prêt à

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être tué était Ismaël, fils d’Abraham et de sa servante, et les autres que c’était Isaac, fils du même Abraham et de sa femme. Cette divergence devenue profonde dure depuis des siècles et des siècles et, à les entendre, on est bien loin d’en voir la fin, car l’histoire et les guerres ont amplifié et largement débordé tout cela…

Par la suite, j’ai mieux connu Xavier, avec qui je suis tou-jours en contact. C’est un homme très attachant, très croyant certes, tout en étant capable d’écouter les autres et d’essayer de les comprendre. Nos échanges ont renforcé ma conviction que dans toutes les religions, si chacun ne fait pas sa part du chemin pour dire qu’il ne détient pas forcément toute la vérité et que l’autre peut être porteur d’une part de vérité également, on n’en sortira jamais. Ce sont les dogmes qui font le malheur de l’humanité dans ce domaine, car ils véhiculent des pos-tulats qui laissent penser aux uns et aux autres que ce sont des vérités absolues. Il est important de le savoir et d’en tenir compte, y compris dans la gestion de la vie publique ».

Xavier

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Youyou

Entre yacht et youyou, le maire de Sanary a choisi depuis longtemps son camp et son accent, il sera provençal et « pointu » en même temps, au point que le port est de-venu une référence nationale et internationale dans l’ac-cueil de cette catégorie de bateaux.

« Quand je suis arrivé à Sanary, de nombreuses per-sonnes m’ont dit qu’il fallait approfondir le port le long des quais pour faire venir des yachts comme à Saint-Tro-pez. Sans que cela soit péjoratif pour la cité du Bailli et pour les options prises par ses élus, j’ai répondu que je voulais faire un anti Saint-Tropez. Aujourd’hui, des célé-brités vivent à Sanary parce qu’elles ont choisi la discré-tion, et si les pointus et bateaux d’intérêt patrimonial sont là où d’autres auraient vu des yachts, c’est parce qu’il fallait renforcer l’âme provençale de notre ville. Mais cela n’est possible que par touches successives.

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Ce que nous avons réalisé en nous appuyant sur l’exis-tant a contribué à faire de Sanary une ville connue et reconnue pour son esthétisme et sa qualité de vie. Cela ne se fait pas tout seul, il faut prendre du temps, aller chercher dans l’histoire de la ville, dans les anecdotes, des idées qui vont fortifier ce qui est entrepris et per-mettre aux habitants de s’approprier les projets. C’est une démarche identitaire qui se prolonge. En avançant ainsi, on s’aperçoit que l’on accomplit de belles choses, que l’on n’osait même pas imaginer au départ.

Dans ce cadre, Sanary est aujourd’hui le port français qui compte le plus de bateaux d’intérêt patrimonial, iden-tifiés officiellement pour leurs qualités remarquables par le ministère de la Culture ! Désormais, à chaque fois qu’une petite brise agite les fanions en haut des mâts de ces pointus, c’est un souffle d’histoire et d’humanité qui envahit la ville… ».

Youyou

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Zen

L’exercice des responsabilités est un savant dosage entre fermeté et ouverture, mais il faut savoir aussi « laisser un peu mesurer les autres », comme faisait dire Marcel Pa-gnol à Raimu dans sa célèbre trilogie. Dans l’affaire du Val d’Aran, il s’agissait en l’occurrence, dans l’intérêt géné-ral, de rester zen et de laisser l’Etat assumer sa tâche puisqu’il avait été décidé par arrêté préfectoral l’évacua-tion du camping éponyme.

« Il y a quelques années, j’étais en vacances à Vars durant les fêtes de Noël et je jouais aux cartes en famille quand mon directeur de cabinet me passe un coup de fil pour m’avertir que l’église est occupée par des gens du cam-ping du Val d’Aran. Apprenant que le curé de la paroisse n’est pas informé et sachant qu’il était parti lui aussi en vacances, mais très loin, en Nouvelle-Calédonie, je l’ap-pelle. Il décroche en me disant « Ferdinand quelle joie de vous entendre, je descends juste de l’avion ». Je lui réponds que sa joie « va être de courte durée car l’église

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est occupée ». Interloqué, il me demande, désemparé, ce qu’il doit faire et s’il doit remonter dans l’avion. Je lui ai conseillé de faire comme moi et de rester où il était.

C’était un moment pénible car la manipulation de l’opi-nion a été d’une indécence incommensurable, pour protéger des intérêts privés, dont on a encore du mal à imaginer le montant aujourd’hui. Par arrêté préfectoral, le camping avait été fermé et après des décisions nom-breuses purgées du recours des tiers, et notamment un arrêt de la Cour d’Appel, il fallait qu’il soit évacué.

C’était une affaire dont la responsabilité n’incombait en rien à la commune mais à l’Etat. Comme ils (le proprié-taire, des résidents, des sympathisants…) ne pouvaient pas s’en prendre à l’Etat, ils s’en prenaient au maire et comme il n’arrivaient pas à me toucher, ils se sont atta-qués à l’église. Je suis resté à Vars, car je ne voulais pas leur accorder le moindre crédit et me jeter dans cette mêlée, au risque de faire monter encore les tensions. Au regard des comportements irrationnels, des propos mensongers et de l’huile que certains se sont empres-sés de jeter sur le feu, il était primordial de garder son calme.

J’ai suivi les événements, bien entendu, en relations avec les autorités, qui ont fini par les faire partir. Je sais, car nous en avons souvent parlé ensemble, que le curé a été très affecté par cette violence dans notre église. Les lieux de culte, de tous les cultes, doivent être respectés. Rien ne peut justifier d’y porter atteinte ».

Zen

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Zoo

Il existe plusieurs milliers de zoos dans le monde, dont un à Sanary, créé par un couple d’amoureux des animaux, de la nature et du genre humain. Ferdinand Bernhard est particulièrement fier de ce lieu partagé avec Bandol, où petits et grands partagent de beaux moments de dé-couverte et d’émotions. Un vrai nid douillé pour générer du bonheur.

« C’est un endroit magique de Sanary, parce que l’on y retrouve toute l’âme, la gentillesse, la bonté de ceux qui l’ont créé, Odile et Maurice Clément. Ce sont des per-sonnes qui, presque par hasard, ont fait naître ce bel es-pace à la fois simple, reposant, accueillant. C’est un petit royaume pour les enfants et les adultes. Je suis content d’un autre aspect également qui illustre l’évolution po-sitive de la ville : avant, le lieu s’appelait Jardin Exotique - Zoo de Bandol-Sanary, désormais il se nomme Jardin Exotique - Zoo de Sanary-Bandol…

Il y a deux explications essentielles à cela. D’une part, il est effectivement situé sur le territoire de notre com-mune, mais, surtout, Bandol avait naguère une telle no-toriété et Sanary était tellement inexistante à côté, que cela semblait logique. Aujourd’hui, le nom de Sanary est au moins autant porteur, si ce n’est plus. Ce site est aussi au diapason de la vie sanaryenne. Il faut remercier pour cela Madame et Monsieur Clément d’avoir su trans-mettre à leurs successeurs, qui ont la même passion, ce fruit de leur investissement, de leur travail, de leur bon goût ».

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Zoom

Pour la dernière tranche de vie de cet ouvrage, Ferdi-nand Bernhard a voulu faire un zoom sur deux ensei-gnants auxquels il voue une affection particulière et globalement sur l’Education Nationale, dont le rôle est déterminant pour le reste de notre existence. « Si vous croyez que l’éducation coûte cher, essayer l’ignorance », disait Derek Bok, ex-président de Harvard (de 1971 à 1991). Vaste programme…

« Au lycée, notamment en première et en terminale, nous avions avec mes camarades un professeur de physique et sa collègue de biologie qui nous portaient à bout de bras, car ils étaient non seulement bons pé-dagogues, mais aussi très attentifs à nos difficultés. Ils nous ont beaucoup encouragés à cette époque, c’est-à-dire au début des années 70.

En 1998, au lendemain d’une élection cantonale, alors que je déjeunais avec des amis bandolais qui m’avaient soutenu, je vis un couple à une table un peu plus loin. Le visage de la dame assise m’a alors interpellé et je me suis posé la question si elle était bien ce professeur de biolo-gie tant apprécié. Après moultes hésitations, la timidité étant toujours là, je suis allé vers eux, je les ai priés de bien vouloir m’excuser de les déranger et j’ai demandé à la personne si elle était bien Madame Bevan. Elle m’a répondu : « oui, et vous ne seriez-vous pas Monsieur Bernhard ? ». A mon tour, j’ai ajouté : « oui, je voulais simplement vous dire, Madame, que si aujourd’hui j’ai ce métier et cette place dans la société c’est grâce à des

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personnes comme vous ». Elle a enchainé : « et moi je vous cite souvent en exemple à mes élèves ». Cela valait la peine d’attendre près de 30 ans.

Quant au professeur de physique, Jean-René Etienne, bien après cette période d’enseignement, il a été élu maire d’une commune de l’est Var. Lorsqu’il a pris sa re-traite, je lui ai envoyé ce petit message : « Monsieur, si vous avez été aussi bon maire qu’enseignant, vos admi-nistrés peuvent être fiers de vous ».

Je pourrais raconter une multitude de belles histoires avec d’autres enseignants et avec d’autres personnes. Cela fera peut-être l’objet d’un prochain ouvrage… ».

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Index

Avant-propos 3

A 9Artiste(s) 9

Avenir 11

B 13Baux 13

Beau 15

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Bedos 17

C 19Casino 19

Changement 21

Classe 22

Commerçants 23

Communauté 25

Convivialité 26

D 29Déchèterie 29 Délais 30

Démocratie 31

Destin 33

Dette 35

Différence 36

Discrétion 38

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E 41 Ecoute 41

Enfants 42

Ensemble 44

Equipements sportifs 45

Ethique 47

F 49Fierté 49

Flaque 50

Fleurs 51

Fonctionnaires 52

Force 53

Forme 54

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G 57Galli 57

Générosité 58

Gouverner 60

Gros Cerveau 61

H 63Handicap 63

Héritage 66

Humour 68

I 71Insertion 71

Intercommunalité 72

Intermédiaire 75

Internement 76

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Ite missa est (la messe est dite) 78

Izieu 80

J 81Jugement 81

Jumelage 82

K 85Kiosque 85

L 87Larmes 87

Leurre 89

Loi 90

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M 93Maire 93

Malentendu 95

Mariage 96

Mécénat 97

Mémoire 98

Moyens 100

N 103Noël 103

Noël (père) 105

Nuire 106

Nurserie 107

O 109Obligation 109

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Olivier 110

Ouattara 110

P 113Pacha 113

Paradis 114

Patrimoine 115

Péchère (histoire d’en rire…) 117

Plongée 117

Plonger 119 Poignée (de main) 119

Portissol 121

Progrès 123

Q 125Qualité 125

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Quiproquo 127

R 129Recommandation 129

Réconciliation 130

Regrets 131

Respect 133

Ricard 134

Risque 135

S 137Sanary-Beau-Port 137

Sas 138

Sens 139

Silence 141

Sous-marin 143

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Suite (et pas fin) 144

Suspect 146

T 147Tag 147

Temps 148

Terroir 150

Tirailleurs Sénégalais 152

Tourisme 153

U 155USA 155

V 157Veritas 157

Ville 159

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Violence 161

Volonté 162

Voyages 163

W 165Wagon 165

X 169Xavier 169

Y 171Youyou 171

Z 173Zen 173

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Zoo 175

Zoom 176

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