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Médecine des maladies Métaboliques - Novembre 2012 - Vol. 6 - N°5 442 Brèves Cellule β : défaut de sécrétion d’insuline ou résistance à l’insuline ? La physiopathologie du diabète de type 2 est complexe. L’on sait que les deux défauts majeurs de cette patho- logie sont : − un défaut de sécrétion d’insuline ; − une réduction de la sensibilité à l’insuline. Mais les événements initiateurs de la pathologie restent obscurs. En parti- culier, l’on assiste régulièrement à une discussion entre les tenants d’un défaut primaire de la cellule β et ceux pour qui l’insulinorésistance est le processus pathologique majeur. C.-J. Schofield et C. Sutherland récapi- tulent, dans une revue très intéressante, les deux points de vue et tentent de les réconcilier. En effet, après une revue exhaustive des arguments des deux tendances, les auteurs apportent des arguments qui suggèrent que des défauts subtils de la sécrétion d’insu- line (altération de sa pulsatilité, réduction de la phase précoce, même modeste…) provoquent une réduction de la sensibi- lité à l’insuline dans les tissus cibles. Les deux phénomènes seraient donc étroite- ment liés et interdépendants, permettant de réconcilier chacune des parties. F.A. Schofield CJ, Sutherland C. Disordered insulin secretion in the development of insulin resistance and Type 2 diabetes. Diabet Med 2012;29:972-9. Nutrition Influence de l’allaitement sur certains paramètres métaboliques Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est, le plus souvent, suivi d’un rebond pondéral dans la période post- natale qui peut être délétère sur le plan métabolique. L’on ne sait pas encore précisément comment l’alimenta- tion post-natale joue un rôle dans ce processus de rebond pondéral. Par ailleurs, l’allaitement est recommandé, chaque fois que cela est possible, par rapport à l’alimentation artificielle. Francis de Zegher et al. ont, logique- ment, comparé les effets respectifs de ces deux types de nutrition chez 72 enfants sans RCIU allaités et 102 enfants avec RCIU (ces derniers étant randomisés, en allaitement pour 46 d’entre eux, ou en alimentation artifi- cielle pour les 56 autres). L’étude a duré 4 mois. Elle a comporté l’analyse de la composition corporelle par absorptio- métrie biphotonique (Dual-energy X-ray absorptiometry, DEXA). Les auteurs montrent que la prise de poids des enfants avec RCIU a surtout concerné la masse maigre, qu’ils soient allaités ou non. En revanche, l’alimenta- tion artificielle augmentait d’autant plus l’insulin-like growth factor-1 (IGF-1) et le taux circulant d’adiponectine de haut poids moléculaire que les nouveau-nés avec RCIU étaient nourris avec des préparations riches en protéines. Ainsi, pour les enfants atteints de RCIU, le type d’alimentation modifie, à 4 mois, certains paramètres endocriniens, mais sans affecter la composition corporelle. Un suivi longitudinal est donc nécessaire, afin de savoir si ces modifications pré- coces pourraient avoir des conséquences néfastes à long terme sur le plan méta- bolique (comme les risques de survenue d’une obésité ou d’un diabète de type 2). F.A. De Zegher F, Sebastiani G, Diaz M, et al. Body composition and circulating high-molecular- weight adiponectin and IGF-I in infants born small for gestational age: breast- versus formula- feeding. Diabetes 2012;61:1969-73. On prend du poids, on en perd : mais où est-ce que ça se passe ? Prendre et perdre du poids en fonction des conditions nutritionnelles et d’ac- tivité physique montrent la capacité de l’organisme à emmagasiner des calories excédentaires, puis à les uti- liser. Néanmoins, l’on ne sait pas très bien quels secteurs corporels sont le plus impliqués dans ces mouvements pondéraux : − la masse grasse sous-cutanée ? − ou la masse grasse viscérale ? − ou les deux (mais dans quelle proportion) ? − ou la masse maigre ? Afin d’en savoir plus, Prachi Singh et al. ont proposé à 23 sujets de poids normal (dont 15 hommes) de partici- per à une étude de sur-nutrition suivie par une restriction calorique. Chaque phase nutritionnelle durait 8 semaines. Durant l’étude, le poids, la composi- tion corporelle (par dual-energy X-ray absorptiometry, DEXA), la distribution de la masse grasse abdominale (sous-cuta- née/viscérale, par tomodensitométrie) et la taille des adipocytes (biopsies de tissu adipeux sous-cutané abdominal et glu- téo-fémoral) ont été déterminés. La masse grasse totale a augmenté de 3,1 ± 2,1 kg pendant la sur-nutrition, et a diminué de 2,4 ± 1,7 kg pendant la phase restrictive. Pendant cette dernière phase, tous les sujets ont perdu l’intégralité de l’excès de masse grasse viscérale et sous- cutanée abdominale, alors que la masse grasse glutéo-fémoral a diminué, mais est restée excédentaire. Pour les deux dépôts sous-cutanés, l’excès calorique a entraîné une augmentation du nombre et de la taille des adipocytes. Pendant la phase restric- tive, la taille des adipocytes a diminué, mais pas le nombre d’adipocytes. Les auteurs concluent que l’excès de masse grasse est totalement réversible pour les dépôts viscéral et sous-cutané abdominal. En revanche, l’excès de masse grasse glutéo-fémoral a persisté et, surtout, le nombre d’adipocytes n’a pas diminué, suggérant la mise en place d’un mécanisme facilitant la reprise pon- dérale lors d’un excès calorique ultérieur. Les auteurs suggèrent ainsi que chaque excès calorique laisse des séquelles prédisposant à la reprise pondérale ultérieure et à l’augmentation pondérale progressive au cours du temps. F.A. Singh P, Somers VK, Romero-Corral A, et al. Effects of weight gain and weight loss on regional fat distribution. Am J Clin Nutr 2012;96:229-33.

On prend du poids, on en perd : mais où est-ce que ça se passe ?

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Médecine des maladies Métaboliques - Novembre 2012 - Vol. 6 - N°5

442 Brèves

Cellule β : défaut de sécrétion d’insuline ou résistance à l’insuline ?

La physiopathologie du diabète de type 2 est complexe. L’on sait que les deux défauts majeurs de cette patho-logie sont :− un défaut de sécrétion d’insuline ;− une réduction de la sensibilité à l’insuline.Mais les événements initiateurs de la pathologie restent obscurs. En parti-culier, l’on assiste régulièrement à une discussion entre les tenants d’un défaut primaire de la cellule β et ceux pour qui l’insulinorésistance est le processus pathologique majeur.C.-J. Schofield et C. Sutherland récapi-tulent, dans une revue très intéressante, les deux points de vue et tentent de les réconcilier. En effet, après une revue exhaustive des arguments des deux tendances, les auteurs apportent des arguments qui suggèrent que des défauts subtils de la sécrétion d’insu-line (altération de sa pulsatilité, réduction de la phase précoce, même modeste…) provoquent une réduction de la sensibi-lité à l’insuline dans les tissus cibles. Les deux phénomènes seraient donc étroite-ment liés et interdépendants, permettant de réconcilier chacune des parties.

F.A.

Schofield CJ, Sutherland C. Disordered insulin secretion in the development of insulin resistance and Type 2 diabetes. Diabet Med 2012;29:972-9.

Nutrition

Influence de l’allaitement sur certains paramètres métaboliques

Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est, le plus souvent, suivi d’un rebond pondéral dans la période post-natale qui peut être délétère sur le plan métabolique. L’on ne sait pas encore précisément comment l’alimenta-tion post-natale joue un rôle dans ce

processus de rebond pondéral. Par ailleurs, l’allaitement est recommandé, chaque fois que cela est possible, par rapport à l’alimentation artificielle.Francis de Zegher et al. ont, logique-ment, comparé les effets respectifs de ces deux types de nutrition chez 72  enfants sans RCIU allaités et 102 enfants avec RCIU (ces derniers étant randomisés, en allaitement pour 46 d’entre eux, ou en alimentation artifi-cielle pour les 56 autres). L’étude a duré 4 mois. Elle a comporté l’analyse de la composition corporelle par absorptio-métrie biphotonique (Dual-energy X-ray absorptiometry, DEXA).Les auteurs montrent que la prise de poids des enfants avec RCIU a surtout concerné la masse maigre, qu’ils soient allaités ou non. En revanche, l’alimenta-tion artificielle augmentait d’autant plus l’insulin-like growth factor-1 (IGF-1) et le taux circulant d’adiponectine de haut poids moléculaire que les nouveau-nés avec RCIU étaient nourris avec des préparations riches en protéines. Ainsi, pour les enfants atteints de RCIU, le type d’alimentation modifie, à 4 mois, certains paramètres endocriniens, mais sans affecter la composition corporelle.Un suivi longitudinal est donc nécessaire, afin de savoir si ces modifications pré-coces pourraient avoir des conséquences néfastes à long terme sur le plan méta-bolique (comme les risques de survenue d’une obésité ou d’un diabète de type 2).

F.A.

De Zegher F, Sebastiani G, Diaz M, et al. Body composition and circulating high-molecular-weight adiponectin and IGF-I in infants born small for gestational age: breast- versus formula-feeding. Diabetes 2012;61:1969-73.

On prend du poids, on en perd : mais où est-ce que ça se passe ?

Prendre et perdre du poids en fonction des conditions nutritionnelles et d’ac-tivité physique montrent la capacité de l’organisme à emmagasiner des calories excédentaires, puis à les uti-liser. Néanmoins, l’on ne sait pas très

bien quels secteurs corporels sont le plus impliqués dans ces mouvements pondéraux :− la masse grasse sous-cutanée ?− ou la masse grasse viscérale ?− ou les deux (mais dans quelle proportion) ?− ou la masse maigre ?Afin d’en savoir plus, Prachi Singh et al. ont proposé à 23 sujets de poids normal (dont 15 hommes) de partici-per à une étude de sur-nutrition suivie par une restriction calorique. Chaque phase nutritionnelle durait 8 semaines. Durant l’étude, le poids, la composi-tion corporelle (par dual-energy X-ray absorptiometry, DEXA), la distribution de la masse grasse abdominale (sous-cuta-née/viscérale, par tomodensitométrie) et la taille des adipocytes (biopsies de tissu adipeux sous-cutané abdominal et glu-téo-fémoral) ont été déterminés.La masse grasse totale a augmenté de 3,1 ± 2,1 kg pendant la sur-nutrition, et a diminué de 2,4 ± 1,7 kg pendant la phase restrictive. Pendant cette dernière phase, tous les sujets ont perdu l’intégralité de l’excès de masse grasse viscérale et sous-cutanée abdominale, alors que la masse grasse glutéo-fémoral a diminué, mais est restée excédentaire. Pour les deux dépôts sous-cutanés, l’excès calorique a entraîné une augmentation du nombre et de la taille des adipocytes. Pendant la phase restric-tive, la taille des adipocytes a diminué, mais pas le nombre d’adipocytes.Les auteurs concluent que l’excès de masse grasse est totalement réversible pour les dépôts viscéral et sous-cutané abdominal. En revanche, l’excès de masse grasse glutéo-fémoral a persisté et, surtout, le nombre d’adipocytes n’a pas diminué, suggérant la mise en place d’un mécanisme facilitant la reprise pon-dérale lors d’un excès calorique ultérieur. Les auteurs suggèrent ainsi que chaque excès calorique laisse des séquelles prédisposant à la reprise pondérale ultérieure et à l’augmentation pondérale progressive au cours du temps.

F.A.

Singh P, Somers VK, Romero-Corral A, et al. Effects of weight gain and weight loss on regional fat distribution. Am J Clin Nutr 2012;96:229-33.