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ceo* Le magazine des décideurs. Septembre 2009 Visions d’avenir. Thomas Schmidheiny et les investissements en valeurs durables. Responsabilité. Le Professeur Ernst Fehr ou comment agir avec fair-play. Stratégie. Martin Senn et la valeur de la discipline et des processus structurés.

optimisme et réalisme - PwC

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Page 1: optimisme et réalisme - PwC

ceo*Le magazine des décideurs. Septembre 2009

Visions d’avenir. Thomas Schmidheiny et les investissements en valeurs durables. Responsabilité. Le Professeur Ernst Fehr ou comment agir avec fair-play.Stratégie. Martin Senn et la valeur de la discipline et des processus structurés.

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Éditeur: PricewaterhouseCoopers SA, magazine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich

Rédacteurs en chef: Alexander Fleischer, [email protected], Franziska Zydek, [email protected]

Directeur de la création: Dario Benassa, [email protected]

Concept, rédaction et conception: purpur ag, publishing and communication, Zurich, [email protected]

Copyright: magazine ceo PricewaterhouseCoopers.

Les opinions exprimées par les différents auteurs ne correspondent pas forcément à celles de l’éditeur.

Le magazine ceo paraît trois fois par an en français, en allemand et en anglais. Tirage: 26 000 exemplaires

Commande d’abonnements gratuits et changements d’adresse: [email protected]

Lithographie, impression: ud-print AG, Lucerne. Papier: Magno Satin FSC, sans bois, couché deux côtés, demi-mat, extra-blanc

Page 3: optimisme et réalisme - PwC

ceo/éditorial 03

La crise montre son affreux visage. Aprèsune longue période pendant laquelle la crisefinancière, puis la crise économique, sontrestées floues pour la majeure partie de lapopulation suisse, la dépression,aujourd’hui, devient douloureusement tangi-ble. Les entreprises se restructurent oudoivent être assainies, les gens perdent leuremploi, les salaires des cadres diminuent…La peur, l’inquiétude mais aussi la colères’installent. Les émotions, restées secrètesjusqu’à présent, se montrent au grand jour.L’économie ne peut pas non plus se sous-traire aux émotions. Et cela est mieux ainsi.Il vaut mieux, en effet, exprimer et communi-quer clairement ses sentiments, en particu-lier lorsque d’importantes décisions doiventêtre prises: restructurations, suppressionsd’emplois, licenciements… Mais, mêmedans un sens plus large, le monde économi-que reconnaît et accepte de plus en plusl’importance des émotions.La remise enquestion par Ernst Fehr, professeur desciences économiques et chercheur à l’Uni-versité de Zurich, de l’homo œconomicus –l’homme pratique, pensant et agissant demanière purement rationnelle – est une desmarques de cette évolution.

Le monde est régi par les émotionsLes bouleversements actuels ont reposi-tionné l’homme, ses émotions, ses motiva-tions et ses principes éthiques parmi lesprincipaux éléments de la pensée et de l’ac-tion entrepreneuriales. Nous découvrons,avec la crise financière, que les modèlespurement rationnels ou mathématiquesappliqués à des domaines complexescomme la finance sont limités. Nous consta-tons également que les modèles d'incitationvisant uniquement le profit personnel nevont pas dans le sens d’une économie dura-ble. Quelle conclusion peut-on en tirer?Plutôt que de refouler ou de rationaliser lesimpressions et les émotions individuelles, ilvaut mieux les prendre en compte. Lesfacteurs «mous», associés aux indicateurs«durs», constituent une base fiable pour lamise en œuvre des stratégies d’entreprise etle contrôle de la productivité. Dans un articlede notre rubrique Expertise, Thomas Schei-willer montre comment PwC, en collabora-tion avec la petite mais ingénieuse ISG,s’écarte des sentiers battus pour recenserles moteurs émotionnels des agissementshumains.Les émotions sont fortes. Les émotionspositives tout particulièrement, et bienheureusement. Cette édition du magazineceo* offre plusieurs exemples des résultatsmonumentaux qu’elles peuvent engendrer.L’entrepreneur Thomas Schmidheiny nous

Les bouleversements actuels ont repositionnél’homme, ses émotions, ses motivations et ses prin-cipes éthiques parmi les principaux éléments de lapensée et de l’action entrepreneuriales. L’économiene peut pas non plus se soustraire aux émotions.

Markus R. Neuhaus, administrateur délégué, PricewaterhouseCoopers

expose les raisons pour lesquelles il ainvesti, en toute confiance, 160 millions de CHF dans l’hôtellerie de luxe de la régionde Sargans. Le CEO du Grand Resort BadRagaz, Peter P. Tschirky, révèle qu’on nepeut pas diriger une entreprise de cetteenvergure sans se fier à ses sentiments.Nous pouvons être submergés par desémotions positives ou négatives: celadépend souvent de l’angle sous lequel nousnous plaçons. Nous connaissons tous lecélèbre verre qu’on peut voir soit à moitiéplein, soit à moitié vide. Notre angle de vuejoue souvent un rôle décisif. Quatre person-nalités s’expriment sur ce sujet, au début denotre magazine. Elles expliquent commentelles parviennent à maintenir un équilibreentre optimisme et pessimisme.

Je vous souhaite une stimulante lecture.

Markus R. Neuhaus

Page 4: optimisme et réalisme - PwC

04 ceo/sommaire

ceo2/09. sommaire

Le Professeur Susanne Suter, présidente duConseil suisse de la science et de la techno-logie, écrit dans le forum ceo*: «En politiqueéducative, il faut avoir de l’optimisme et lesens des réalités.»

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Jean-Marc Bolinger, directeur générald’Eden Springs Suisse, écrit dans le forumceo*: «Le boniment marketing doit laisser laplace à un optimisme pragmatique et à desentreprises dont les services font le poids.»

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Maja Storch, directrice de l’Institut de self-management et de motivation de Zurich,écrit dans le forum ceo*: «Un chef d’entre-prise doit pouvoir accepter d’être embarras-séx et aussi l’exprimer.»

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Andy Schmid, handballeur professionnel,écrit dans le forum ceo*: «J’ai confiance ennos points forts et je crois en une finheureuse. Cela peut paraître optimiste maisc’est réaliste.»

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expertise pwc

La place fiscale Suisse. La Suisse doitréorienter sa politique fiscale pour en faire une politique du lieu d’implantation. Parallèlement, notre système fiscal ne doit pas prêter le flanc à des mesuresd’exclusion ou de rétorsion. .15Valeurs non financières. L’individualisationest une tendance à long terme de l’écono-mie. Une nouvelle méthode permet derecenser les perceptions et les émotionsindividuelles de manière fiable. .18Compliance durable. Si elle fait partie de la conformité aux règles, la compliancedoit également être comprise comme unepartie de la gestion des opportunités,comme une chance d’ancrer une culturede l’intégrité dans l’entreprise..20Gestion d’entreprise. La crise financière a fourni l’occasion de soumettre les pratiques de gestion des banques à uneanalyse critique et de dégager trois règlesde comportement fondamentales: resterproche du marché, pratiquer une cultured’entreprise ouverte et critique et remettreen question la qualité des données et des hypothèses.

23Service. Evénements, études et analyses.Abonnements et adresses.

25Photo de couverture: Cédric Widmer

«Ulysses», le programme de développement du leadership de PwC. Une école d’agriculture pour 50 pays.

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Le Professeur Ernst Mohr, recteur de l’Uni-versité de St-Gall, témoigne des effets de lacrise économique sur son établissement etde la valeur de la responsabilité sociale.

47ceo/sommaire 05

dossier valeurs

Adrian Pfenniger, CEO de Trisa AG, Triengen, s’exprime sur le fait de cultiverdes valeurs telles que l’humanité, le fair-play, le savoir-vivre et le respect.

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Martin Senn, Group Chief Investment Officer (et futur Chief Executive Officer),Zurich Financial Services, parle de la valeurde la discipline.

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Le Professeur Ernst Fehr, directeur «Institute for Empirical Research in Econo-mics» à l’Université de Zurich, effectue desrecherches sur la valeur des émotions.

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Peter P. Tschirky, CEO du Grand Resort BadRagaz, s’exprime sur le véritable luxe et l’artd’élaborer une culture d’entreprise axée surla valeur.

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Thomas Schmidheiny, entrepreneur,parle de son engagement personnel enfaveur de ses investissements à long termeet de la conservation des valeurs.

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Les développements actuels ont renforcé le besoin de valeurs durables. On voitressurgir des questions telles que: qu’est-ce qui est important? Qu’est-ce qui s’ins-crira dans la durée? Des personnalités de la vie économique suisse répondent.

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forum1. optimisme/réalisme

Susanne Suter. En politique éducative, il fautavoir non seulement de l’optimisme mais aussi le sens des réalités. Le plus simple estde trouver un compromis entre les deux.

Le Professeur Susanne Suter a été méde-cin-chef responsable de tous les servicesdu Département de pédiatrie des HôpitauxUniversitaires de Genève de 1994 à 2008.Depuis 2004, elle est présidente du Conseilsuisse de la science et de la technologie etconsultante du Conseil fédéral en matièrede recherche et d’éducation.

Pour gérer sa carrière, avoir une famille,élever trois enfants et s’imposer dans unesociété masculine, il faut beaucoup d’opti-misme. J’en ai, pas de doute. Et il arrive qued’autres femmes me demandent:«Comment as-tu fait?» Je leur réponds: «Jene veux plus le savoir.» Je n’ai plus la mêmepression, maintenant: depuis un an, je suisretraitée de l’hôpital des enfants de Genève.Referais-je le même parcours si tout était àrefaire? Oui, sûrement. Travailler avec desenfants rend optimiste également:comprendre et développer la personnalitédes enfants, sains ou malades, mobiliserleurs forces positives, c’est épanouissant.Avec les adultes aussi, j’ai tendance àrechercher d’abord le côté positif. Chacund’entre nous doit pouvoir vivre sa vie dumieux qu’il peut. La pédiatrie, une disciplinechoisie surtout par les femmes, est particu-lièrement apte à promouvoir ces dernières:

06 ceo/forum

dans ce domaine, à Genève, le pourcentagede femmes professeurs a augmenté demanière significative.Mon mandat de présidente du Conseilsuisse de la science et de la technologie me permet de travailler à la frontière entre lemonde universitaire et le monde politique,toutes branches scientifiques confondues.Le Conseil est indépendant, il ne représenteaucun groupe d’intérêts particulier et nedistribue aucune aide financière.En politique éducative, dépendante dusystème fédéraliste, il faut avoir non seule-ment de l’optimisme mais aussi le sens desréalités: le plus simple est de trouver uncompromis entre les deux. La nouvelle Loisur les hautes écoles est actuellement encours de consultation. Certes, les avisconcernant le futur paysage universitairesont partagés. Cependant, j’espère que leconcept directeur de cette loi, à savoir laplus grande autonomie possible pour leshautes écoles, s’imposera.En Suisse, le niveau de l’éducation et de larecherche est qualitativement bon maisquantitativement insuffisant. La Suisse n’apas le droit de se reposer sur ses lauriers;d’autres pays sont en train de la rattraper.Sans conteste, nous avons besoin de plusen plus de scientifiques universitaires, et laSuisse est dépendante d’une main-d’œuvreétrangère qualifiée, par exemple à la têted’entreprises, dans le corps enseignant deshautes écoles ou parmi les médecins denos hôpitaux.Je suis favorable à l’échange des connais-sances entre pays, à la libre circulation dusavoir et de l’esprit. Dans ce domaine, la

situation de la Suisse est ambivalente:d’une part, certains cercles politiquesrestent fidèles au particularisme helvétiqueSonderfall Suisse; d’autre part, la Suisse aouvert ses frontières à la main-d’œuvrehautement qualifiée – et pourrait s’ouvrirdavantage encore.Si j’avais trois vœux à faire, j’aimerais,premièrement, que nous puissions offrir àchacun le même accès à l’éducation.Deuxièmement, je souhaite que soit mieuxreconnue l’importance des trois à quatrepremières années de la vie pour l’avenird’un individu. Jusqu’au milieu du XXème

siècle, la science a honteusement négligél’étude de la petite enfance; mais,aujourd’hui, une recherche adaptée nous apermis d’acquérir d’importantes connais-sances. C’est l’objet de mon troisième vœu:le débat public concernant la promotion desenfants en bas âge doit être basé sur lesrésultats de la recherche moderne; nousdevons nous débarrasser des vieux clichés,et aussi arrêter de croire que nous augmen-terons ainsi le nombre des prix Nobel. Enrevanche, nous pouvons améliorer l’accès àla formation des enfants issus des milieuxdéfavorisés. C’est une des lacunes de notresystème éducatif. //

Photo: Bertrand Cottet

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08 ceo/forum

forum2. optimisme/réalisme

Jean-Marc Bolinger. Le boniment marketingdoit laisser la place à un optimisme pragmatique et à des entreprises dont les services font lepoids. Les opportunités sont alors énormes.

Jean-Marc Bolinger est directeur générald’Eden Springs Suisse depuis 2006. EdenSprings fournit des systèmes de distributiond’eau aux entreprises et aux particuliers,emploie 2650 personnes dans toute l’Eu-rope et réalise un chiffre d’affaires de quel-que 300 millions d’euros.

Pour réussir dans notre branche, il faut del’optimisme et du réalisme. Dans le secteurde l’eau minérale, les prix ont diminué demoitié en dix ans, alors que les coûts detransport et de matières ont fortementaugmenté. Nous vendons avant tout unservice et apportons de l’eau aux gens. EnSuisse, où la qualité de l’eau courante estgénéralement excellente, ce n’est déjà paschose facile. Notre produit n’est pas unenécessité absolue, nos clients attendentsurtout confort et efficacité.Comment fonctionne notre modèle d’entre-prise? Nous apportons aux entreprises nosfontaines à eau – en général des bonbonnesde 19 litres d’eau minérale issue de notresource en Valais; nous reprenons les distri-buteurs vides et nous chargeons égalementde l’entretien. Nos clients ne passent paraucun intermédiaire. En général, les livrai-sons ne se font pas sur commande, mais àintervalles prédéfinis. Cela nous permet demettre en place une logistique efficace et deréduire le nombre de kilomètres parcourus.Ce système est écologique et indispensableà notre survie économique. Notre eauparcourt au maximum 300 kilomètres, carchaque kilomètre supplémentaire diminue larentabilité. Nous exploitons en outre des

distributeurs d’eau fraîche qui sont directe-ment raccordés à l’eau potable, laquellepeut également être enrichie en gaz carbo-nique. Avec 25 000 fontaines à eau dans12 000 entreprises et foyers privés, noussommes le leader du marché suisse. Notre chiffre d’affaires ne subit pas encoreles effets de la crise, mais nous ne sommespas immunisés. En cas d’économies sur lesservices secondaires, nous serons touchés.Mais si nous continuons à bien faire notretravail, je reste optimiste. Certaines entrepri-ses revoient leur budget à la baisse etremplacent les bouteilles d’eau minérale pardes fontaines à eau ou des distributeursd’eau fraîche. Ce sont de nouveaux clientspotentiels pour nous. L’alternative à l’«èredu moins» n’est pas l’«ère du rien». Ce n’estpas encore la fin du monde, il n’y aura pasde scénario du pire avec des résiliationsmassives de nos contrats. Nos services représentent des budgetsdérisoires pour nos clients, mais c’est unequestion capitale pour leurs employés.Lorsqu’une firme «coupe» l’eau à sonpersonnel, le mécontentement peut durerdes semaines. Les entreprises sous-esti-ment en partie cet effet avertisseur. La miseà disposition d’eau potable sur le lieu detravail a une valeur affective, comme lamachine à café ou le parking privé. Nous relevons toutefois des glissementsdans la liste des priorités. Ainsi, l’écologieoccupait le premier rang il y a six mois. Encollaboration avec une spin-off de l’EPFLausanne et quelques entreprises partenai-res, nous avons développé un logiciel per-mettant de mesurer en temps réel le bilanécologique d’une entreprise. Le rejet deCO2 en serait un indicateur-clé. Aujourd’hui

pourtant, les clients ne recherchent plus lesystème de distribution d’eau le plus écolo-gique, mais surtout le produit le plus écono-mique. L’écologie n’est plus qu’un argu-ment de vente lorsque les prix sont bas. Unsurcoût de 3% suffit à entraîner le refus desacheteurs. Personnellement, je trouve celaregrettable, mais c’est une réalité commer-ciale. Il est impossible de privilégier l’envi-ronnement à la rentabilité. Je suis toutefoisconvaincu que les entreprises qui placentécologie et économie sur un pied d’égalitéseront gagnantes à long terme. Ce qui merend particulièrement optimiste est la sensi-bilité de la prochaine génération: les enfantsréagissent déjà lorsqu’on laisse l’eau coulerinutilement pendant le brossage des dents. Le boniment marketing doit faire place à unoptimisme pragmatique et à des entreprisesdont les services font réellement le poids.La crise actuelle est surtout le fait d’indivi-dus qui vendaient du vent et avaient perdule sens de l’économie réelle. Les crisesexigent que l’on restructure les entrepriseset qu’on se pose des questions qui nel’avaient pas été jusqu’alors. Les dirigeants devraient jouer cartes surtable avec leurs salariés. Ceux-ci ontsouvent conscience de la nécessité d’unerestructuration. Un excès d’optimisme et debelles paroles font perdre en crédibilité.Application dans notre secteur: lorsquel’eau minérale en bouteille devient trop cher,tous les clients ne se tournent pas versl’eau du robinet. C’est là que résident nosopportunités. //

Photo: Andri Pol

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10 ceo/forum

forum3. optimisme/réalisme

Maja Storch. Dans les situations difficiles, un chef d’entreprise doit pouvoir accepterd’être embarrassé et aussi l’exprimer.

Maja Storch, psychologue diplômée etdirectrice de l’Institut de self-managementet de motivation de Zurich ISMZ, a déve-loppé, avec Frank Krause, un «Modèle deressources zurichois» pour permettre auxintéressés d’agir plus souvent comme ils lesouhaitent.

Il existe deux formes d’optimisme. Lapremière, qui consiste à voir le monde enrose, ne cadre pas avec la réalité et nepermet pas d’atteindre un but. On ne peutpas diriger une entreprise avec un opti-misme irréaliste – encore moins en périodede crise. Les collaborateurs le sententinstinctivement et le considèrent, à justetitre, comme de l’enjolivement.La deuxième forme d’optimisme est unoptimisme sain et fonctionnel. Ceux qui ensont dotés sont des personnalités résolu-ment réalistes. Le cerveau humain traite lesémotions positives et négatives dans deuxsystèmes séparés, lesquels font partie, pourainsi dire, de notre équipement biologiquede base. Les personnes dotées d’un opti-misme sain et fonctionnel sont capablesd’amplifier les émotions positives et d’atté-nuer les émotions négatives comme s’il leursuffisait de tourner un bouton.Comment, concrètement, cette capacitéaide-t-elle un directeur qui doit annoncerune mauvaise nouvelle à son personnel?Elle le rend authentique! Car la sincérité estprimordiale: de nombreux dirigeants d’entreprise sont convaincus qu’il ne fautpas exprimer son inquiétude. Pourtant,personne n’exige d’un chef d’entreprise,

après une chute de 30% du chiffre d’affai-res, de dire que tout va s’arranger. Dans lessituations difficiles, il doit pouvoir accepterd’être embarrassé et aussi l’exprimer.C’est une erreur de ne pas communiqueravec transparence et rapidité. Cela donnelibre cours aux rumeurs, à l’incertitude, carde nombreux chefs d’entreprise craignentd’annoncer les décisions difficiles. Leprocessus de licenciement, par exemple,est souvent blessant pour les personnesconcernées. Il serait plus adéquat d’expli-quer en toute honnêteté pourquoi les licen-ciements sont devenus nécessaires et decommuniquer chaque décision dans le plusgrand respect de la dignité de l’individu.En général, ce sont les personnes que j’ap-pelle familièrement des «rhinocéros» quiparviennent à grimper les échelons de lahiérarchie. Ce sont de véritables pachyder-mes, résistants au stress et capables deminimiser considérablement les émotionsnégatives. Mais il arrive souvent à cespersonnes de surestimer leurs capacités,car elles n’ont pas la faculté de s’auto-aler-ter. C’est comme si elles étaient en maillotde bain dans la neige sans sentir le froid.Au contraire, les personnes dotées d’unoptimisme sain et fonctionnel sont aptes àl’auto-inquiétude: leurs émotions négativesjouent le rôle d’un système d’alarme interneles invitant à réfléchir et à comprendre lesraisons de leur inquiétude. Nous avonsbesoin de ces deux facultés: pouvoirs’auto-alarmer et s’auto-tranquilliser.L’inquiétude engendre des modificationshormonales dans l’organisme. Toutefois,nous ne sommes pas faits pour supporterlongtemps un tel état! Nous risquons, parexemple, le burn-out. Pour pouvoir régulerles émotions pénibles, il faut maîtriser l’art

de la gestion de soi, ou self-management,ce que nous enseignons dans le cadre denotre Modèle de ressources, par des courset accompagnements professionnels. Leself-management nous est indispensablepour atteindre nos buts et nous adapter auxchangements constants de l’environne-ment.Pendant les cours, j’entends souvent direqu’aujourd’hui on n’a plus le temps de bienréfléchir avant d’agir et que l’intuition semêle à la raison. Les chefs d’entreprisedoivent prendre leurs décisions très vite. Jepense que ceux qui croient trouver instanta-nément la «bonne» réponse aux questionscomplexes se trompent. En cas de problè-mes difficiles, nous sommes seulementcapables de réagir le plus judicieusementpossible. Cela nécessite du temps etsouvent plusieurs boucles de réactions. Il faut donc bien réfléchir avant d’agir tropvite.Mais les crises sont aussi des occasions. Làencore, le chef d’entreprise doit défendreson optimisme de façon crédible. Seule l’at-titude peut engendrer un bon climat debase, car c’est elle qui permet d’atteindre lesystème limbique – l’unité fonctionnelle ducerveau qui régule l’humeur et le désir d’en-gagement. Prenons, par exemple, BarackObama et son «Yes, we can». Concrète-ment, cette phrase est sans substance;mais l’attitude qu’elle véhicule accroît laconfiance en soi. //

Photo: Helmut Wachter

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12 ceo/forum

forum4. optimisme/réalisme

Andy Schmid. J’ai confiance en nos pointsforts et je crois en une fin heureuse. Cela peutparaître optimiste, mais c’est réaliste.

Handballeur professionnel, Andy Schmid acontribué activement aux titres de cham-pion de suisse conquis par le ZMC AmicitiaZurich ces deux dernières années. Depuiscet été, il évolue dans le grand club danoisde Bjerringbro-Silkeborg.

Je suis réaliste. C’est aussi un réflexe d’au-toprotection. Si les attentes sont trop opti-mistes, la déception est assurée. Beaucoupde personnes affirment être optimistes.Mais le sont-elles vraiment? Peut-on êtrerésolument optimiste? J’ai parfois l’impres-sion que ces personnes vivent dans unmonde imaginaire. Elles se convainquentque tout ce qu’elles entreprennent ira bienet tombent des nues lorsque ce n’est pas lecas. Je préfère, quant à moi, garder lespieds sur terre.Dans le sport de haut niveau, une bonnepréparation est décisive. Si, par exemple, jene me rends pas trois fois par semaine ensalle de musculation, je ne me sens passuffisamment en forme le jour du match. Lapréparation mentale est évidemment trèsimportante elle aussi. Avant un match, nousanalysons la tâche qui nous attend, lesadversaires, je visualise dans mon espritcertaines situations de match, l’entraîneur

et le capitaine réfléchissent à la tactique àadopter, par exemple si rien n’est encoredécidé à cinq minutes de la fin. Si la prépa-ration est adéquate, je peux aborder unmatch en toute sérénité. Je sais quel’équipe adverse devra être vraiment bonnepour nous battre. J’ai confiance en nospoints forts et je crois en une fin heureuse.Cela peut paraître optimiste, mais c’estréaliste.Le handball est un sport d’équipe. Ongagne ou on perd ensemble. Si l’équipe sesent forte et prête, il y a comme une auraparticulière qui nous rend presque invinci-bles. L’entraîneur a une influence particu-lière dans ce domaine. Certains sceptiquesdans l’équipe peuvent également bénéficierd’une atmosphère optimiste. C’est indis-pensable pour pouvoir être compétitif sur leplan international. En Suisse, un seul club apu rivaliser avec nous ces deux dernièresannées. Mais certains clubs étrangers,espagnols ou allemands par exemple, nousauraient sans doute battus neuf fois sur dix.Pour tenir tête à ces clubs, il faut renoncerexceptionnellement à une attitude tropréaliste. Se montrer résolument optimistepeut s’avérer très utile dans certainescirconstances. Cela a bien fonctionné lorsdu match aller de la demi-finale de la Coupe d’Europe contre le grand club espa-gnol de Valladolid. Amicitia avait gagné parquatre buts d’écart. Pour le match retour,nous avions par contre été trop optimistes.En réalité, Valladolid avait très mal joué au match aller – et malgré tout perdu dejustesse. L’optimisme qui était le nôtre

avant le match retour en Espagne nousavait surtout été insufflé de l’extérieur.«Vous les aurez», disaient les supporters –et les médias parlaient déjà de finale. Nousavons perdu le match retour avec six butsd’écart et manqué la qualification pour lafinale. C’était la réalité.Pour le moment, je me fixe plutôt desobjectifs à court et moyen terme. J’aimeraisjouer un jour pour une équipe de pointe enAllemagne, c’est un objectif réaliste.Certains clubs du milieu de classement duchampionnat allemand m’ont déjà appro-ché, mais je veux d’abord continuer à meperfectionner. C’est pourquoi je pars pour leDanemark, dans la troisième ligue d’Europe.J’apprécie la mentalité des Scandinaves et leur manière de jouer au handball. Rapide et exigeante sur le plan technique.Si je m’impose à Silkeborg – et je peux yarriver –, j’aurais mon transfert dans ungrand club allemand. À condition bienentendu que je sois épargné par les blessu-res. À ce propos-là, je ne suis ni optimiste ni réaliste, mais plutôt fataliste. //

Photo: Markus Bärtschi

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ceo2/09. expertise pwc

La Suisse. Place fiscale entre attrait et reconnaissance internationale. Page 15

Valeurs non financières. L’entreprise qui identifie et tient compte des préférences individuelles accroît ses chances de succès. Page 18

Compliance durable. Le premier pas vers la gestion de l’intégrité. Page 20

Gestion d’entreprise. Les leçons de la crise financière. Page 23

Service. Evénements, études et analyses. Page 25

14 ceo/expertise pwc

Page 15: optimisme et réalisme - PwC

La Suisse. Place fiscale entre attrait et reconnaissance internationale. Si le système fiscal suisse est dans le collimateur de la critique internationale, une chose au moins est claire: la Suisse doit réorienter sa politique fiscale pour en faire une politique du lieu d’implantation afin de relancer sa compétitivité. Parallèlement, notre système fiscal ne doit pas prêter le flanc à des mesures derétorsion ou d’exclusion. Il doit être internationalement compatible.

[email protected]

La pression exercée sur la Suisse par diversEtats et organisations internationales s’estaccrue. Certes, le secret bancaire a de touttemps été une pierre d’achoppement pourles autorités fiscales étrangères, pour desraisons fondamentalement éthiques maisaussi fiscales. Toutefois, la crise économi-que et financière menace de faire exploserles déficits des budgets des Etats, lesraisons budgétaires dominent – même sielles s’accompagnent souvent de l’argu-ment de l’équité fiscale. En effet, les aidespubliques aux entreprises et les program-mes conjoncturels contraignent les minis-tres des finances à mobiliser tous lesmoyens pour réaliser des recettes fiscales,ce qui renforce simultanément la compétiti-vité fiscale internationale. Tels sont les faits; la Suisse doit développerune stratégie pour adapter son systèmefiscal à la nouvelle situation qui en résulte,ce qui la place devant un dilemme: d’unepart, préserver l’attrait de la Suisse commelieu d’implantation, de l’autre, remanier lesréglementations donnant lieu à des mesuresde rétorsion ou d’exclusion. En d’autrestermes, la Suisse doit trouver l’équilibreentre attrait du lieu d’implantation et confor-mité aux principes et régimes fiscaux recon-nus au plan international. Elle devra, pour y

parvenir, pratiquer une politique activeorientée sur des objectifs stratégiques clairset une communication efficace.

Echange d’informations, oui – échangeautomatique d’informations, nonLe communiqué publié par le G-20 lors desa réunion de début avril est sans ambi-guïté: «Les temps du secret bancaire sontrévolus.» Avant l’ouverture du sommet duG-20, la Suisse avait déclaré son attache-ment au secret bancaire tout en semontrant disposée à accepter l’article 26 dumodèle de convention de l’OCDE en vued’éviter la double imposition. L’objectif étaitde ne pas figurer sur une «liste noire» del’OCDE pour éviter de ternir l’image de laSuisse. Le modèle de convention del’OCDE comprend des directives et desnormes pour l’imposition transfrontalièrevalables à l’échelle mondiale comme basede conventions de double imposition (CDI)entre les Etats. L’article 26 règle l’échanged’informations entre les autorités fiscalesdes Etats de l’OCDE. Concrètement, ladécision du Conseil fédéral du 13 mars decette année confirme que la Suisse estdésormais prête à étendre d’une manière

générale l’entraide administrative aux ques-tions fiscales pour autant qu’il existe, dansle cas d’espèce, une demande concrète etjustifiée. En pratique, cela signifie qu’ilfaudra renégocier certaines CDI en matièred’échange d’informations. Ces négociationsont abouti dans l’intervalle et on disposemaintenant de CDI remaniées et paraphées.D’autres suivront dans un avenir proche.La Suisse fait ainsi clairement savoir qu’elleadhère à la volonté de transparence fiscaleaccrue et qu’elle procédera à l’échanged’informations selon les principes del’OCDE. Cette attitude est correcte dans lecontexte actuel. L’Autriche et le Luxem-bourg adoptent des positions similaires enEurope. La Suisse ne se trouve donc pas ensituation défavorable. Toutefois, elle exclutun échange automatique d’informations(que le modèle de convention ne requiertpas). Les «Fishing Expeditions», c’est-à-direles demandes générales d’un pays concer-nant les comptes d’un de ses ressortis-sants, ne doivent pas être autorisées, carelles violent la protection de la sphèreprivée, largement consensuelle en Suisse. La position de la Suisse est donc lasuivante: conformité absolue aux règles del’OCDE, accompagnée d’un non tout aussiabsolu à l’échange automatique d’informa-tions. Notons à ce propos que les contro-verses sur l’échange d’informations neconcernent que des personnes physiques.Compte tenu des prescriptions liées à ladocumentation de transfert pricing, lesentreprises sont soumises à une obligationde communication plus large et acceptentl’échange d’informations total dans une

SuisseFiscalitéRéputation

Andreas Staubli, responsable Conseil juridique et fiscal

ceo/expertise pwc 15

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procédure fiscale depuis quelque tempsdéjà. Pourtant, le débat autour de l’échanged’informations a égratigné la réputation detoute la place fiscale Suisse. Le différend fiscal qui oppose l’UE à laSuisse depuis des années se situe à unautre niveau. L’UE reproche à la Suissed’octroyer à certaines formes de sociétésdes réductions fiscales injustifiées par lebiais de ses régimes fiscaux, ce qui revien-drait à une subvention anticoncurrentiellepar les pouvoirs publics et violerait doncl’accord de libre-échange de 1972. Concrè-tement, il s’agit de l’imposition desholdings, des sociétés de domicile et dessociétés dites mixtes.

Préserver le principe d’équitéLa Suisse s’inscrit résolument en fauxcontre cette interprétation et estime quel’accord de libre-échange n’offre pas unebase suffisante permettant d’apprécier l’im-position des entreprises en Suisse. Une telleattitude de sa part ne peut être remise encause car elle est connue de tous les parte-naires contractuels depuis 1972. Même si l’argumentation de l’UE estfondée, la question de l’imposition différen-ciée des contribuables demeure. Et c’estprécisément à cause de la préférenceaccordée à certaines catégories de contri-buables que le bât blesse. En effet, les régi-mes fiscaux sont considérés commeproblématiques lorsqu’ils appliquent descritères différents. Si une société de gestiontirant ses revenus de sources étrangères estmoins imposée qu’une société dont lesrevenus proviennent de sources nationales,il faut justifier la différence de traitement. Dans le cadre de la Réforme de l’impositiondes entreprises III, le Conseil fédéral lancele débat sur la manière de faire évoluer cesrégimes fiscaux, voire de les remplacer pard’autres. La discussion doit porter sur l’in-terdiction générale de l’activité des holdings(pas seulement en Suisse, mais aussi àl’étranger), une certaine imposition desrevenus annexes des sociétés holding, desadaptations lors de l’imposition des socié-tés mixtes par le biais d’un taux d’imposi-tion minimum et la suppression du statut desociétés de domicile. En agissant ainsi, laSuisse répondrait aux exigences de l’UE.Par ailleurs, il convient de tenir compted’une concurrence fiscale accrue. D’autrespays européens tentent, par l’intermédiaire

de concepts fiscaux particuliers, d’attirerdes fonctions de groupe mobiles (voir enca-dré). La Suisse doit donc trouver desformes d’imposition à la fois concurrentiel-les et justifiables dans l’optique de l’égalitéfiscale.Pour survivre dans la concurrence interna-tionale, il faut trouver de nouveaux modèles,des modèles capables à la fois d’accroîtrel’attrait de la Suisse et d’invalider les réti-cences d’Etats tiers. L’abolition de certainsimpôts et de certaines taxes fait partied’une telle stratégie. On pense par exempleau droit de timbre d’émission; ce droit, quifrappe l’émission de titres, entrave l’inves-tissement de capital-risque dans la créationde nouvelles entreprises. La Suisse est l’undes derniers pays à connaître ce type de

taxe; le Luxembourg l’a abolie au début decette année. Il en est de même dans lesecteur du financement des groupes où lesrègles d’imposition défavorables aux affai-res au niveau de l’impôt anticipé et desdroits de timbre doivent être éliminéescompte tenu de leur impact défavorablepour la place Suisse.Une réforme de l’imposition des entreprisesvisant une rénovation d’une telle ampleurdoit absolument trouver un large soutienpolitique. Dans le contexte actuel, les avan-tages accordés aux entreprises et aux parti-culiers fortunés ne trouvent toutefois quepeu d’écho politique alors que, précisément

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Etat

Belgique

Irlande

Luxembourg

Pays-Bas

Portugal

Espagne

Mesure

«Excess profits»

80% de déduction fiscale sur lesproduits de brevets

«Notional interest deduction»

«Non-trading branch»

80% de déduction fiscale sur lesproduits de brevets

Amortissement sur goodwill

Traitement fiscal des intérêts

«Excess profits»

Structures CV/BV

Madère

Amortissement sur goodwill

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à un moment où ils servent au renforcementde la place Suisse, ils sont nécessaires pourle bénéfice de tous. La solution réside dansune combinaison avec d’autres allègementsfiscaux comme dans le domaine de l’impo-sition de la famille, en liaison avec une poli-tique de communication convaincante. L’at-trait de la place Suisse n’est pas une notionabstraite, il encourage la création de valeuréconomique. La Suisse a besoin de condi-tions-cadres permettant aux entreprises quiy sont domiciliées de continuer à y produireet à y réaliser des bénéfices, ainsi que d’at-tirer de nouvelles entreprises. La propen-sion à délocaliser la production vers despays à bas salaires ne donne aucun signede relâchement; quant à la concurrence deslieux d’implantation, elle bat son plein. Y

renoncer unilatéralement serait désastreux,aucun autre pays ne s’y risquerait. Quels principes suivre, dès lors, pour unestratégie de politique fiscale suisse? Deuxprincipes devraient guider la réorientation:l’attrait du lieu d’implantation et la préven-tion de mesures de rétorsion ou d’exclu-sion. La Suisse ne doit pas céder à la pres-sion internationale mais y répondre demanière active. Et sans perdre de temps,car la pression mondiale, liée à des exigen-ces accrues de transparence fiscale etd’imposition équitable, conduira à descontraintes toujours nouvelles.

CONCLUSIONLe débat public autour du systèmefiscal suisse a porté atteinte à labonne réputation de la place finan-cière Suisse. Pour la rétablir, laSuisse doit se montrer convain-cante, développer de nouveauxconcepts et les «vendre» efficace-ment. Elle doit intensifier lacommunication tant avec le publicqu’avec les autres Etats, nonseulement en faisant preuve d’as-surance et de compréhension pourles nouvelles réalités, mais ausside volonté de mettre en œuvre lesmesures nécessaires et possibles.

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Bref descriptif

Les autorités fiscales belges accordent dans certains cas une exonération d’impôt sur les bénéfices qu’une société a pu réaliser par le seul fait de sa position au sein d’un groupe. Ces bénéfices ne sont pas «at arm’s length» ou n’auraient pas pu être réalisés par dessociétés en raison individuelle. Ils ne correspondent donc pas à ceux qui seraient retenus entre tiers et ne sont pas imposés.

80% des produits de brevets sont déductibles pour autant qu’ils soient calculés «at arm’s length». Cela conduit à une imposition effectivede 6,8% de ce type de produits.

La déduction d’un paiement fictif d’intérêts sur les fonds propres est possible.

Les activités de financement au sein d’une succursale ne seront pas imposées pour autant que cette dernière affiche un profil suffisam-ment «bas» (c’est-à-dire que cette succursale ne peut généralement avoir qu’un prêt actif dans les livres).

80% des produits de brevets sont déductibles, ce qui conduit à une imposition effective de 5,7% de ce type de produits.

Structure «principal»: en cas de transfert au Luxembourg, il est possible de faire valoir fiscalement un goodwill et de l’amortir (valeurvénale fixée par le biais d’un ruling; non pris en considération par le droit commercial). Il en résulte une imposition effective de 2% à 8%.

Les Pays-Bas s’efforcent d’exclure fiscalement les paiements d’intérêts intragroupe ou de les alléger sensiblement. Les projets actuelsdans ce sens doivent encore être approuvés par la Commission de l’UE.

Comme en Belgique.

Les sociétés qui ne sont en principe pas imposables elles-mêmes sont malgré tout traitées comme des sociétés imposées, à des fins deCDI avec les Etats-Unis, dans la mesure où elles exercent de véritables activités commerciales aux Pays-Bas. Cette réglementation estfavorable aux holdings.

Les sociétés enregistrées à l’International Business Centre of Madeira et créatrices d’emplois paient un impôt réduit sur le bénéfice surles transactions transfrontalières.

Après des acquisitions, une société peut fiscalement faire valoir un amortissement sur goodwill pendant 20 ans. Le régime doit encorerecevoir l’aval de la Commission de l’UE.

Concurrence entre les places économiques: incitations fiscales dans d’autres Etats européens.*

* Cette liste ne prétend pas être exhaustive mais entend donner uniquement un aperçu des régimes fiscaux avantageux existants.

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Facteurs mousFacteurs dursControlling

Thomas Scheiwiller, Global Sustainability Leader

Valeurs non financières. L’entreprise qui identi-fie et prend en considération les préférencesindividuelles accroît ses chances de succès.L’individualisation est une tendance à long terme de l’économie. Une nouvelleméthode permet de recenser les perceptions et les émotions individuelles de manière fiable. Associés à des ratios financiers «durs», ces facteurs «mous»fournissent une base sûre pour la mise en œuvre de la stratégie d’entreprise et le pilotage des prestations.

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«L’être humain est au centre de notre orga-nisation», tel est aujourd’hui le leitmotiv detoute communication d’entreprise qui,toutefois, n’en reste plus au stade desbelles paroles. De nombreuses sociétés ontpris conscience que l’être humain – lesclients, les collaborateurs ou d’autresparties prenantes – est le véritable moteurde valeur et que la performance financièren’est que le résultat de sa création devaleur. Les contrôleurs aussi ont comprisque la réussite économique dépend avanttout de la relation émotionnelle qui existeentre les êtres humains au sein de l’entre-prise et de celle qu’ils entretiennent avecelle. Pour Roman Kurmann, chef des finances dela banque privée zurichoise Clariden Leu,«les émotions sont des indicateurs-clés quinous aident à estimer l’évolution futured’une entreprise, y compris sa performancefinancière. En d’autres termes, comprendrece que les clients veulent et ce que sontleurs besoins au-delà des simples produitset être capable de piloter des moteursémotionnels revêtent, pour cette raison, une

importance stratégique dans une économiede plus en plus orientée sur le service.»

Evolution de la perception de l’êtrehumain dans l’économieParallèlement aux enseignements tirés de lapratique entrepreneuriale, on relève unchangement fondamental de la perceptionde l’être humain dans les sciences écono-miques. L’économie empirique, avec à satête le directeur de l’Institut de rechercheempirique en économie de l’Université deZurich, le professeur Ernst Fehr (voir entre-tien page 37), s’appuie aujourd’hui sur desêtres humains existant réellement, dont lesdécisions ne sont pas guidées uniquementpar la raison mais aussi par le ressenti. Letitre du livre de Uwe Jean Heuser: «Huma-nomics: Die Entdeckung des Menschen inder Wirtschaft» (Humanomics: la décou-

verte de l’homme dans l’économie) estreprésentatif de cette tendance. On sait aujourd’hui que toute entreprisedispose de sources non physiques pour sonsuccès futur. Ces valeurs dites intangiblessont avant tout les connaissances descollaborateurs, la loyauté des clients ouencore le fonctionnement de l’organisationinterne. Collaborateurs: les employeurs sont muspar des motivations diverses, dont l’uneconsiste à gagner le plus d’argent possible.Le contenu du travail, la formation continue,l’intégration dans l’équipe, les perspectivesde carrière sont d’autres facteurs d’in-fluence importants sur la loyauté, la volontéde s’investir et l’engagement d’un collabo-rateur. Une entreprise qui a compris cegenre de préférences individuelles pourramettre en place des incitations ciblées dontle résultat sera d’accroître encore la motiva-tion des collaborateurs, la performance del’entreprise et donc les chances de réussiteface à la concurrence. Clients: il existe des clients orientés prix,d’autres orientés qualité, certains accordantde la valeur à une marque particulière, d’au-tres à la relation personnelle avec leurconseiller. Les clients guidés par les coûtssont peu ouverts aux solutions innovantes;en revanche, ceux qui accordent la priorité

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à la qualité ne se laisseront pas éblouir pardes rabais de prix. Par ailleurs, il faut garderà l’esprit que l’utilisateur n’a pas les mêmespréférences dans tous les segments deproduits, en particulier dans le secteur Busi-ness-to-Customer. Des études indépendan-tes soulignent l’importance du contexte surle comportement d’achat: alors qu’ils fontpreuve d’une extrême conscience descoûts au quotidien, certains consomma-teurs en font fi devant des produits affichantune valeur de prestige socio-émotionnelleélevée.

Mesure cohérente des perceptions individuelles Les entreprises doivent identifier et contrô-ler les valeurs intangibles pour accroîtredurablement leur performance. Mais pourcontrôler, il faut pouvoir cerner et identifierl’objet du contrôle. Or, on ne peut pas appli-quer aux valeurs intangibles les mêmesunités de mesure qu’aux chiffres financiers.Les indicateurs développés à cet effet sontorientés sur les groupes-cibles et leur saisiedonne toujours des ratios agrégés.Jusqu’ici, il n’existait pas de méthodepermettant de ramener systématiquementles indicateurs de performance au niveaudes individus plutôt qu’à celui des groupes. L’Institut ISG (ISG), spécialisé dans larecherche sociale et l’intelligence économi-que (informatique décisionnelle) a déve-loppé une méthode performante decompréhension des perceptions individuel-les. Il se fonde sur ses propres études quiattestent que le comportement deshommes est largement guidé par desfacteurs complexes touchant à la psycholo-gie de la motivation tels que les systèmesde valeurs, les motivations et les mentalités. Avec PricewaterhouseCoopers, l’ISGadapte cette solide méthode de mesure auxexigences entrepreneuriales spécifiques etla met en œuvre sur le terrain. Cettenouvelle approche permet de cerner les

perceptions individuelles de manière cohé-rente et fiable. Elle se distingue par troisaspects essentiels:– la méthode est solide car elle appliquesystématiquement des techniques baséessur le web;– les mesures portent sur des perceptionssubjectives, indépendamment de leur exac-titude objective;– l’information porte sur des valeurs indivi-duelles et non sur des valeurs moyennesqui n’ont pas d’existence réelle. Grâce aux techniques basées sur le web,les entreprises enquêtrices et le publicsondé disposent d’une grande souplessedans le temps et d’une bonne convivialitéd’utilisation. Ainsi, l’entreprise peut planifierle sondage dans l’intention précise depréparer un entretien avec le client. A sontour, le client peut remplir le questionnaireen ligne quand et où bon lui semble. Cetteliberté accroît le taux de réponse.En identifiant la perception individuelle desclients, des collaborateurs ou d’autresparties prenantes, la méthode participe à lasource de création de valeur. L’observationcomporte deux dimensions: elle souligne oùse trouvent les préférences et dans quellemesure l’entreprise en tient compte au seinde sa gestion des valeurs.

Congruence entre les types de collaborateurs et de clientsLa connaissance des préférences indivi-duelles ouvre de nouvelles perspectivespour la gestion de l’entreprise et le pilotagedes moteurs de valeur. En effet, la méthodeISG permet de mettre en rapport différentstypes de préférences entre les collabora-teurs et les clients, ce qui permet de géné-rer une congruence entre les types de colla-borateurs et de clients. Il s’agit ici,précisément dans les secteurs où le conseiloccupe une place importante, d’une condi-tion idéale pour accroître la fidélité desclients et la loyauté des collaborateurs. Lesinformations sur les préférences individuel-les sont visualisées dans un cockpit deratios et combinées aux ratios financiers, cequi permet au controlling stratégique et auxresponsables de ligne de disposer d’un outilréellement valable pour prendre en considé-ration les moteurs de valeur dans leurglobalité.

La méthode ISG est également applicable àla recherche d’autres parties prenantestelles que les partenaires commerciaux etles fournisseurs. Elle fournit au départementInvestor Relations un instrument de saisie etde classification des objectifs visés par lesactionnaires. La connaissance différenciéedes intérêts des propriétaires peut ainsi êtreintégrée dans la formulation des objectifsstratégiques de taille ainsi que de celle desrendements des capitaux propres ou de lapolitique des dividendes.La nouvelle approche permet donc à uneentreprise d’avoir réellement la haute mainsur les causes et non de se contenter d’ob-server les conséquences. Elle apprend, parexemple, comment est généré le chiffred’affaires et quels sont les motifs d’achatdes différents clients. Elle sait commentpiloter les marges et les coûts, et elle identi-fie les incitations capables de motiver aumieux les différents collaborateurs. Cesconnaissances ouvrent des avantagesconcurrentiels décisifs.

CONCLUSION Les nouvelles techniques demesure des valeurs intangibles,basées sur le web, permettentdésormais de saisir de manièrecohérente des informations sur lesperceptions individuelles plutôtque juste des moyennes. L’indi-vidu se trouve alors au centre dupilotage de performance. Cetteméthode est étayée par la nouvelleperception de l’être humain dansl’économie empirique: les indivi-dus décident de manière nonseulement rationnelle, mais aussiémotionnelle.

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Les principaux risques stratégiques consis-tent aujourd’hui à enfreindre les prescrip-tions réglementaires ou les directives inter-nes. Des groupes internationaux en vue ontdéjà fait la une des médias pour avoir appli-qué des pratiques déloyales lors de l’acqui-sition de mandats ou violé la protection desdonnées. D’après les enquêtes conduitesauprès des dirigeants d’entreprises, laconformité aux règles vient en premièreplace des risques commerciaux, et ce àjuste titre, car les conflits avec les lois et lesprescriptions font souvent l’objet de sanc-tions draconiennes et peuvent détruire laréputation d’une entreprise en un rien detemps. On constate dès lors une prise deconscience accrue de la compliance dansde nombreuses entreprises. Par ailleurs, lathématique est aussi complexe que lanotion même de «compliance». Il n’existepas de définition universellement valable –une recherche sur Google fait en effet appa-raître plusieurs millions d’occurrences. LaCommission fédérale des banques (CFB)donnait, dans sa circulaire du 27 septembre

2006, la définition suivante: «On entend parcompliance la conformité aux prescriptionslégales, réglementaires et internes ainsi quele respect des normes et règles déontologi-ques en usage sur le marché concerné.»Cette définition est très large et la formula-tion «en usage sur le marché concerné»ouvre notamment la porte à bien des inter-prétations. Bien que la compliance puisse être envisa-gée sous différents aspects, son acceptionla plus fréquente correspond à celle de ladéfinition de la CFB, à savoir l’optique degestion des risques d’où découlent notam-ment les thèmes suivants: la législation anti-corruption, le droit de la concurrence (anti-trust) et, de plus en plus, les questionsd’environnement, de santé et de sécurité.

Des violations qui coûtent cherEn matière de législation anti-corruption,l’UE et surtout les Etats-Unis ont arrêté desnormes: le «Foreign Corrupt Practices Act(FCPA)» entré en vigueur en 1977 déjà,

interdit la corruption dans tous les pays quila punissent, exige une documentationcomplète et détaillée sur toutes les transac-tions ainsi qu’un système de contrôle effi-cace. La peine encourue, qui tient comptedes mesures de prévention mises en placeet de la gravité de la violation, peut, dansdes cas extrêmes, se chiffrer à plusieurscentaines de millions de dollars – sansparler des risques de peines de prison pourla direction. Les amendes anti-trust de l’UE varientgénéralement entre 500 millions et unmilliard d’euros. En mai 2009, la Commis-sion de l’UE a condamné le fabricant depuces Intel à la peine la plus lourde enregis-trée à ce jour: 1,06 milliard d’euros pourabus de position dominante du marché.Mais la plus lourde peine de tous les tempspour violation du droit de la concurrence afrappé Microsoft: en mars 2004, l’entrepriseaméricaine s’est vu condamner à 497millions d’euros; en février 2008, laCommission de l’UE a condamné unenouvelle fois Microsoft à une amende de899 millions d’euros pour non-respect descontraintes de la décision de 2004.Les entreprises suisses ont toujoursaccordé une grande importance à la confor-mité avec la législation européenne anti-trust – ne serait-ce qu’en raison des peinestrès lourdes. En revanche, de nombreusesentreprises n’ont accordé ces dernièresannées qu’une attention limitée à la législa-

Compliance durable. Le premier pas vers la gestion de l’intégrité.Le plus souvent, le terme de compliance est considéré dans l’optique de la gestion des risques. Pourtant, si elle fait partie de la conformité aux règles, lacompliance doit également être comprise comme une partie de la gestion des opportunités, comme une chance d’ancrer une culture de l’intégrité dansl’entreprise et, partant, de se profiler sur le marché.

RèglesRisqueRéputation

Jürg Wyser, responsable Compliance

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tion anti-corruption, et ce pour deux raisonsessentielles: d’une part, des sanctions rela-tivement modérées, d’autre part, le senti-ment de sécurité par rapport aux autoritésaméricaines; n’étant pas cotées à unebourse américaine, elles se pensaient àl’abri d’une intervention des autorités judi-ciaires. Mais ces deux arguments sont faci-lement réfutables: la corruption est un délitau sens du droit pénal; elle ne peut pas êtreassurée ni ne dépend de la bourse àlaquelle les actions sont éventuellement

négociées. Une plainte pour corruption peutavoir lieu partout et en tout temps. De plus,une tendance se dessine aux Etats-Unis,consistant à augmenter les peines encou-rues et à tirer des conséquences graves deces manquements. C’est ainsi qu’Hallibur-ton a été condamné, début février 2009, àune amende de 560 millions de dollars. Il est également erroné de croire que seulsles groupes internationaux seraient concer-nés par des amendes aussi considérables.La somme à laquelle Intel, par exemple, aété condamné correspond à 4% au moinsde son chiffre d’affaires (l’UE peut infligerdes amendes allant jusqu’à 10% du chiffre

d’affaires). Pour les entreprises de taille plusmodeste, les peines peuvent être encoreplus douloureuses, à l’instar de celles pourqui les amendes pour corruption et ledommage opérationnel ont pu atteindre descentaines de millions.Le défaut de compliance peut coûter cher àune entreprise. Le dommage ne se limitepas seulement aux amendes, mais entraîneaussi une perte de réputation. A cela s’ajou-

Avantages

• Clarification des divergences d’opinion• Gestion a posteriori de risques sérieux• Réaction au non-respect ou à la violation

de règles

Avantages

• Prévention• Gestion globale des risques de

compliance • Protection des responsables

Avantages

• Effets positifs sur la réputation de l’entreprise

• Stratégie de différenciation sur le marché• Satisfaction des attentes du public

Les entreprises qui se concentrent exclusivement sur les questions de compliance dans la gestion des risques ont toujours un comportement réactif. En revanche, une gestion globale de l’intégrité offre l’opportunité de se profiler sur le marché. Intégrer durablement la compliance dans la culture d’entreprise seraun premier pas dans ce sens.

De la gestion des risques à la gestion de l’intégrité.

Moteurs

• Risques de compliance • Fidélisation des clients, des fournisseurs

et des partenaires commerciaux

Moteurs

• Pression exercée par des entreprises similaires

• Attentes du public

Moteurs

• Exploitation des opportunités• Influence positive des relations clientèle/

marketing de produit

GESTION DES RISQUES

GESTION DE L’INTÉGRITÉ

Compliance Compliance durable

Durabilité

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tent d’autres menaces telles que la perte delicence puisque l’entreprise se voit excluede certains marchés et des peines de prisonpour les responsables. Le seul fait qu’uneentreprise soit impliquée dans une procé-dure peut conduire à un effondrement dumarché car les clients et les fournisseursprennent leurs distances. De même, lesautorités ont la possibilité de contraindreune entreprise à élaborer et à mettre enœuvre durablement un programme decompliance dont la qualité sera contrôléepar les instances compétentes. L’intégration de la compliance dans lagestion des risques au niveau de l’entre-prise est aujourd’hui incontournable pourtoutes les sociétés. L’importance desrisques de compliance dépend cependantmoins de la nature de l’activité que dudegré d’ouverture de la chaîne de créationde valeur à l’international. Ce n’est pas unhasard si le Secrétariat d’état à l’économie(SECO) s’est appuyé, pour rédiger songuide «Prévenir la corruption – Conseils auxentreprises suisses actives à l’étranger», surles entreprises fortement exposées àl’étranger.

Des règles de comportement internesqui comptentUne seconde optique (outre la perspectivedu risque) fait que la compliance n’est passeulement une question de conformitéformelle aux règles, mais aussi une partiede la gestion des opportunités. Vue souscet angle, la compliance est une affaire dementalité, d’authenticité et de culture d’en-treprise. Ce n’est qu’en recevant unecomposante de durabilité et en se dévelop-pant en une gestion de l’intégrité que lacompliance pourra non seulement éviter lesdommages mais aussi créer durablementde la valeur.

L’approche réside à cet égard dans uneoptique intégrée de la compliance, de laculture d’entreprise et de la durabilité. Dansle cadre de leur gouvernance, mais aussi deleur politique de marque, presque toutes lesentreprises se fixent des valeurs qui expri-meront la culture d’entreprise. Ces valeurssont traduites dans un Code de conduite(Code of Conduct) qui définit des règles decomportement pour divers secteurs. Le plussouvent, le Code de conduite couvre unlarge spectre qui s’étend de la manière detraiter des questions telles que la corruptionou le travail des enfants à des questionsd’environnement. De ces lignes de conduiteémanent des processus de gestion quidoivent garantir le respect des règles decomportement par le biais de mécanismesde contrôle et de correction. Quant à savoirsi les valeurs et règles de comportementsont réellement intégrées, la question resteouverte. Les prescriptions du Sarbanes-Oxley Actquant au Code of Conduct n’ont pas néces-sairement profité à la conformité aux règlesinternes: lorsque des cadres dirigeants sontcontraints d’attester par leur signature qu’ilsont compris le code et informé leurs colla-borateurs en conséquence, les chosesdeviennent vite une pure formalité – alorsque le code devrait être «vécu» dans l’entre-prise. La compliance durable, non seule-ment envers les prescriptions réglementai-res et législatives externes, mais aussi àl’égard des règles de comportement inter-nes est le pas décisif vers une gestion del’intégrité. Aujourd’hui, certaines entreprises préfèrentdéjà la notion d’intégrité à celle decompliance. Mais il ne s’agit pas seulementd’un changement de vocables: la gestionde l’intégrité signifie vivre les valeurs del’entreprise de manière authentique et agirde manière intègre. De ce point de vueaussi, le «tone at the top», la fonction demodèle de la direction de l’entreprise,montre le chemin. Les entreprises qui sontou ont été impliquées dans une procédurene devraient être en mesure de mettre enœuvre une gestion de l’intégrité que si ellestirent toutes les conséquences de leurségarements. Dans le pire des cas, en sanc-tionnant sans compromis le comportementfautif des décideurs.

Une gestion de l’intégrité systématiquepermet aux entreprises de se démarquerstratégiquement, de satisfaire aux attentesde leurs parties prenantes et, partant,d’exercer une influence positive sur leurréputation. Ce type de culture réduit lesrisques de compliance de manière systémi-que. Par ailleurs, il est rarement avantageuxde vouloir gagner des parts de marché parle biais de pratiques déloyales. L’expériencede PwC montre que la majorité des transac-tions liées à la corruption n’apportent, aufinal, aucun avantage financier.

CONCLUSIONLa compliance recèle denombreux risques, mais aussi desopportunités. Les infractions à lalégislation anti-corruption, au droitde la concurrence et aux contrain-tes environnementales notammentpeuvent entraîner des peines trèslourdes. Le dommage issu deviolations de la loi et des règlesn’est que difficilement réparablepour une entreprise et ses admi-nistrateurs. En revanche, onrecommandera aux entreprises quiveulent être capables de faire faceà ces défis, d’ancrer durablementla compliance, de développer uneculture d’entreprise orientée surl’intégrité et de vivre les valeurs demanière authentique. Quiconqueagit ainsi dispose d’un importantfacteur de différenciation sur lemarché.

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GouvernanceCultureAvantage

Matthias Memminger, Associé conseil économique,Financial Services

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Les causes de la crise financière sont multi-ples: des facteurs systémiques tels qu’uneréglementation déficiente ou une politiquemonétaire de l’argent facile en sont à l’ori-gine. Mais les facteurs déterminants dudéséquilibre de nombreuses banques ontaussi été des motifs particuliers aux établis-sements, à l’instar de décisions fondées surdes hypothèses erronées ou une gestiondes risques insuffisante. Or, ce sont préci-sément ces lacunes internes qui devraientservir de leçon aux entreprises car, contrai-rement aux facteurs systémiques, elles sontdirectement influençables. Si l’on examinece qui a effectivement mal tourné, on abou-tit à trois pièges de décision bien connus:l’hybris (auto-surestimation), le groupthink(pensée de groupe) et la confiance aveugledans la qualité des informations et deshypothèses (manque d’esprit critique).

Hybris: le syndrome d’IcareIl est frappant de voir que des entreprisesqui comptaient précisément parmi les plusflorissantes se sont effondrées avec uneviolence particulière. Royal Bank of Scot-

land, UBS, AIG faisaient certainement partiedes représentants les plus prestigieux deleur secteur. Euphorisées par le succès,elles s’imposaient des objectifs de crois-sance toujours plus ambitieux qu’ellesallaient nécessairement chercher dans desdomaines dépassant leurs compétences-clés. Ainsi, nombre d’entreprises sont deve-nues incapables d’apprécier de manièreréaliste les risques des nouveaux domainesd’activité et sont, comme Icare poussé parsa folie ascensionnelle, retombées d’autantplus violemment. Les dirigeants qui connaissent un succèsde longue date savent comment éviter le«point Icare» et contrecarrent la mégaloma-nie: ils s’attachent un groupe de personnesde confiance aussi indépendantes quepossible pour prendre des décisions, despersonnes qui leur donnent un feedbackdirect et ouvert, préservant ainsi le lien avecla réalité du marché. Des banques prospè-

res prennent leurs décisions stratégiques enoutre avec un grand «business sense» et enpesant soigneusement les risques. JamieDimon, CEO de J.P. Morgan, en est un bonexemple. Dimon et son équipe prennentleurs décisions sur la base de rapports degestion détaillés couvrant chaque secteurd’activité. Leur devise est: si les donnéesrévèlent qu’une affaire est plus risquée queles marges ne le justifient, abandonne! Lors-que, fin 2006, les coûts de Credit DefaultSwaps (un instrument que, ironie du sort,J.P. Morgan avait inventé et une sorte deprime d’assurance contre les défauts depaiement) prirent l’ascenseur, les donnéesont envoyé le signal de sortie de l’opérationpar des Collateralized Debt Obligations(CDO) de moindre valeur. Dimon donna l’or-dre de vendre malgré les railleries de sesconcurrents pour cette décision et le départde quelques-uns de ses «meilleurs lieute-nants» en investissement qui ne compre-naient pas son attitude.

Pensée de groupe: le danger de laconformitéAprès la décision désastreuse de débarquerdans la baie des Cochons, l’ancien Prési-dent des Etats-Unis, John F. Kennedy, char-gea le psychologue Irving Janis d’analyserles motifs de cette erreur de jugement.Janis parvint au résultat que la personnalitéde Kennedy dominait à tel point ses

Gestion d’entreprise. Les leçons de la crisefinancière. La crise financière a fourni l’occasion de soumettre les pratiques de gestion des banques à une analyse poussée et critique et de dégager trois règles decomportement fondamentales devant conduire à de bonnes décisions: rester proche du marché, pratiquer une culture d’entreprise ouverte et critique etremettre en question la qualité des données et des hypothèses.

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pour tous les établissements analysés queles informations exactes soient parvenuesen temps utile à la direction. Les banques sont toutes confrontées à laqualité des données, des hypothèses et desinformations. Les banques bien gérées sonttoutefois conscientes du fait que lesdonnées présentent des faiblesses. Ellesréagissent à cette situation en recherchantdes solutions créatrices et pour certainestrès onéreuses afin d’améliorer la qualitédes données. Par ailleurs, elles calibrent lesdécisions afin de compenser la moindrequalité des données. La situation est à peu près identique en cequi concerne les hypothèses. C’est ainsique les banques qui ont mal résisté à lacrise n’ont majoritairement appliqué qu’unseul modèle de risque, à savoir le «Value atRisk» (VaR). En la matière, deux pointsfaibles en sont ressortis. D’une part, lemodèle VaR n’inclut pas les positionsgaranties ou assurées par le biais duhedging. Etant donné que deux tiers aumaximum des positions étaient garanties etque la plus grande partie de ces garantiesn’a pas résisté à la crise, la banque concer-née n’a jamais vu que la pointe de l’icebergde ses risques. D’autre part, le VaR nécessite des sérieschronologiques de 20 à 30 ans au minimumpour que l’extrapolation du modèle tiennesuffisamment compte des hausses et desbaisses. Or, les séries chronologiques n’ontété que de 4 à 6 ans pour les subprimes etn’ont, de plus, couvert qu’une seule hausseet pas de baisse. Les prévisions du modèleétaient donc beaucoup trop optimistes.Certaines banques ont compris ces faibles-ses des hypothèses et les ont déjouées enappliquant, en plus, des modèles qui analy-saient toutes les positions (même celles quiétaient garanties) et simulaient en outre desbaisses à l’aide de stress tests. Ces exem-ples sont valables pour toutes les décisionsde gestion, au-delà des modèles derisques: on doit comprendre et remettre enquestion la qualité des informations et deshypothèses. Et, d’une manière générale, ilconviendrait d’éviter de s’en remettre à uneseule source, mais d’en utiliser plusieurs etde connecter les résultats entre eux. La qualité d’un modèle est indissociable decelle des données et des hypothèses qu’ilcontient. Si ces dernières sont insuffisantes,

le résultat ne pourra qu’être insuffisant, cequi est parfaitement illustré par la célèbreformule du monde des IT «garbage in,garbage out» (faux en entrée – faux ensortie, autrement dit la qualité des donnéesà la sortie est fonction de la qualité desdonnées à l’entrée).Les études mentionnées, mais aussi lesentretiens que PwC conduit avec lesconseils d’administration et les directionsmontrent que les établissements financierspeuvent prendre des mesures structurelleset culturelles pour maîtriser de futurescrises. Des systèmes d’information dumanagement matures, des modèles derisques conformes au marché et des struc-tures de gouvernance équilibrées offrent labase d’une gestion d’entreprise réussie. Ils’y ajoute une culture permettant l’échangede différentes opinions, que ce soit au seinde l’entreprise ou avec des spécialistesexternes.

CONCLUSIONSi l’on veut profiter des enseigne-ments des turbulences de l’annéepassée, il vaut la peine de consi-dérer les actions entrepreneurialesréussies et moins réussies. Cetteobservation permet en effet detirer des leçons essentielles: lagouvernance et les dirigeantsmarquent la culture d’entreprise;des données importantes et quali-tativement bien préparées, combi-nées aux flux d’informationsissues de toute l’organisation, faci-litent la prise de décision autantqu’une culture de discussion argu-mentatrice.

conseillers les plus qualifiés («the best andthe brightest») qu’aucun d’eux n’osait expri-mer de critique lors des prises de décisions.Janis qualifia ce phénomène de «group-think», c’est-à-dire de pression à la penséeconforme dans les organisations. Pouréviter de telles situations, il recommanda denommer un «avocat du diable» (conceptinventé des siècles auparavant par le Vati-can) pour casser la conformité dans la prisede décision. C’est encore Jamie Dimon qui illustre unexemple positif de la manière d’animer acti-vement le groupthink: le CEO de J.P.Morgan s’appuie sur une équipe de direc-tion composée de fidèles compagnons deroute, de collaborateurs expérimentés de labanque et d’experts nouvellement recrutés.Il encourage les managers à la contradictionet les pousse à présenter des argumentsconvaincants. En réunion, Dimon accepte ledébat et discute sur des optiques divergen-tes. Pour sa part, Goldman Sachs est connupour la vitesse extrême à laquelle lesannonces de problèmes se répandentjusqu’à l’étage de la direction. Un flux d’in-formation aussi rapide est possible parceque la culture d’entreprise ne sanctionnepas les collaborateurs qui identifient desproblèmes, mais plutôt ceux qui les occul-tent sciemment.

Qualité des données et des hypothèses:«garbage in, garbage out»Le Senior Supervisory Group a publié, avant la crise, un rapport sur la gestion desrisques de onze banques leaders dans lemonde. Le groupe, composé de différentesautorités de surveillance, constate notam-ment que la qualité des données et deshypothèses sur lesquelles se fondaient lesmodèles de risque, ne correspondait pastoujours aux situations du marché. Demême, le flux d’informations est un facteurdéterminant du mode de fonctionnement dela gestion des risques. Il n’est pas garanti

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Retail & Consumer Worlds.

«Retail & Consumer Worlds» est une info-lettre électronique internationale éditée parPwC Suisse qui fait la lumière, deux fois paran, sur les développements et les thèmesactuels du commerce de détail et de l’in-dustrie des biens de consommation. Elleaborde non seulement des aspectsmondiaux, mais aussi des thèmes spécifi-ques aux différents pays et s’adresse auxdécideurs de sociétés nationales et interna-tionales actives dans le secteur ducommerce de détail et des biens deconsommation. Pour plus ample informa-tion, voir sous www.pwc.ch/r&cworlds, où il est également possible de s’abonner àl’infolettre.

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Evénements, études et analyses.

Evénements

Forum PwC de l’énergie 2009Le forum PwC de l’énergie de cette année offrira l’occasion de débattre des enjeux dumarché de l’énergie suisse. Seront à l’ordre du jour: la réglementation des incitations etdes réseaux ainsi que les résultats de la dernière étude PwC sur le marché de l’énergie en Suisse. Zurich Oerlikon, mercredi 23 septembre 2009Information et inscription: [email protected], tél. 058 792 18 30

Total Tax Contribution – Quelle est la contribution des grandes entreprises au financement de la Suisse? Les résultats de l’enquête conduite conjointement par economiesuisse et PwC sur la Total Tax Contribution (TTC) des plus grandes entreprises suisses seront présentés lorsde cette manifestation gratuite. La TTC saisit non seulement les impôts sur les bénéficesmais également l’ensemble des impôts payés par une entreprise. La manifestation fournira l’occasion de présenter les résultats de la première enquêteconduite selon la méthodologie TTC en Suisse. Zurich, mardi 27 octobre 2009Information et inscription: [email protected], tél. 058 792 44 96

Managing Through the DownturnA survey of how Swiss companies are facing the current crisis

www.pwc.ch/confidence

Brazil’s retail and consumer sector well set to ride out the economic crisis

Service lecteurs:Si vous souhaitez davantage de détails, lesauteurs des thèmes techniques sont à votredisposition pour un entretien (l’adresse e-mail est toujours indiquée). Vous trouve-rez une liste complète des publications dePricewaterhouseCoopers souswww.pwc.ch. Commande des publicationsde PwC auprès de [email protected] fax 058 792 20 52.

Abonnements:ceo, le magazine des décideurs publié par PricewaterhouseCoopers, paraît troisfois par an (français, allemand, anglais).Abonnement gratuit. Indiquer la languesouhaitée: [email protected]. Adresse: PricewaterhouseCoopers, maga-zine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich.

Crise économique.

Les entreprises suisses se préparent à larécession: maîtrise des coûts dans lesecteur du personnel par un gel desembauches ou licenciements, mais aussiréduction des coûts fixes et recours à desstratégies alternatives, par exemple. Lesplus petites d’entre elles ressentent moinsla pression accrue des banques que lesgrandes, mais toutes observent une dégra-dation de la morale de paiement. Tels sontles principaux résultats de l’étude «Impactof the economic crisis on Swiss companies/Managing Through the Downturn» de PwC, qui a analysé les réponses de 91 entreprises suisses. www.pwc.ch/centre_de_presse

Juin 2009

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Présentation des comptes et audit.

«Disclose», publication régulière de Price-waterhouseCoopers, présente dans unlangage clair et compréhensible les princi-paux aspects de questions complexes deprésentation des comptes et d’audit. Lapublication entend donner aux décideursune vue d’ensemble de cet environnementtrès dynamique. La dernière édition traitenotamment de la crise financière et de sesrépercussions sur les conseils d’administra-tion, sur les caisses de pension et sur lescomptes annuels. Vous trouverez«Disclose» sous www.pwc.ch/disclose. Possibilité de commander des exemplairessur papier auprès [email protected].

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dossier + + + + + + + + + valeurs

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Ce sont lesvaleurs durablesqui comptent.Les développements récents ontrenforcé le besoin de valeurs durables.On voit ressurgir à l’avant-plan desquestions telles que: qu’est-ce qui estréellement important? Qu’est-ce quis’inscrira dans la durée? Certainesentreprises et institutions optent pourun changement de cap – beaucoupd’entre elles se sentent toutefoisconfortées dans leurs choix antérieurs.

En investissant 160 millions de CHFdans le Grand Resort Bad Ragaz,Thomas Schmidheiny a misé sur lesummum de la qualité. Il est convaincuque «ce qui est intéressant, c’est laconservation des valeurs».

Ernst Fehr, directeur «Institute forEmpirical Research in Economics» àl’Université de Zurich, effectue desrecherches sur la valeur des émotions.

Martin Senn, Group Chief InvestmentOfficer (et futur Chief Executive Officer),Zurich Financial Services, a fait siennesdes valeurs telles que la discipline, laphilosophie clairement définie et lesprocessus systématiques, et il enrécolte les fruits.

Pour Adrian Pfenniger, directeur dufabricant de brosses Trisa à Triengen,cultiver des valeurs comme l’humanité,le fair-play, le savoir-vivre et le respectest un gage de stabilité pour l’entre-prise – particulièrement en période decrise.

Et pour Ernst Mohr, recteur de l’Uni-versité de Saint-Gall, la responsabilitésociale a une valeur particulière.Texte: Corinne Amacher, René Bortolani, Samuel Dubno, IrisKuhn-Spogat, Franziska Zydek

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«C’est génial!»L’entrepreneur Thomas Schmidheiny nousparle de son engagement personnel en faveurdu Grand Resort Bad Ragaz, de ses investis-sements à long terme et de la conservationdes valeurs. Photos: Cédric Widmer

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Monsieur Schmidheiny, votre père vous alégué notamment les Grands Hôtels BadRagaz. Vous aviez 46 ans à son décès, en1991. Qu’avez-vous ressenti lorsque vousavez hérité de l’une des entreprises hôte-lières les plus renommées de Suisse?J’avais déjà commencé bien avant à travail-ler à Bad Ragaz, depuis ma 28e année pourêtre exact. Le conseil d’administration deshôtels a été le premier auquel mon père m’adélégué. C’était en 1973; je revenais toutjuste d’Amérique centrale, de l’entrepriseApasco, filiale mexicaine d’Holcim, oùj’avais gagné mes galons.

Les hôtels à Bad Ragaz occupaient-ilsune place particulière au sein de votrefamille?Oui, on peut le dire. Vers le milieu desannées 1950, des familles d’entrepreneursde Suisse orientale s’étaient associées pourrouvrir les thermes de Bad Ragaz, dont l’hôtel principal, le Quellenhof, avait partiel-

lement brûlé. Ces familles voulaient aider lecanton et la région. Il régnait alors une sortede marasme dans la région de Sargans. Denombreuses entreprises partaient oufermaient. Le désir de contribuer à la repriseéconomique de la région a déterminé notreengagement. Une grande affinité était là,depuis le début. Mais, bien sûr, il aurait étéimpossible d’aller à l’encontre des désirsdes clients ou du marché.

Votre atout était la source?Pas seulement. Évidemment, il faut pouvoirse démarquer pour soutenir la concurrencedes autres grands ensembles hôteliers.Dans notre cas, c’était l’eau. La source deBad Ragaz appartient au canton, et nous ensommes les exploitants. Nous avons uncontrat qui, je crois, expire en 2067. Mais larégion tout entière, la Bündner Herrschaft,avec ses vignobles, complète le tableau.Elle n’est pas urbanisée mais elle estattrayante pour ce que nous voulons y offrir:repos, cure, rééducation. Cependant, àl’époque, les hôtels étaient vétustes, et lesthermes n’avaient rien d’un établissementde cure moderne.

Afin d’améliorer la qualité de votre offre,vous avez dû investir.Il y a une quinzaine d’années, nous avonsrénové l’essentiel en trois phases: l’hôtelHof Ragaz, le spa et les bains thermauxpublics. Il était prévu de rénover égalementle Quellenhof. Mais l’hôtel, tout comme leHof Ragaz, était classé monument histori-que à un tiers. Après plus de 100 ans, ils’était délabré. Les effets du temps ontfortement éprouvé les structures. Nousavons donc décidé de le démolir et de lereconstruire.

Comment les travaux ont-ils été finan-cés?Nous avons proposé une augmentation ducapital aux actionnaires. Seule une partie

d’entre eux a participé. Notre part estpassée à environ 50% en raison de notreengagement financier. Le Quellenhof aensuite été reconstruit en un temps record:démolition en 1995, et réouverture le 31octobre 1996, après seulement 22 mois detravaux! Un véritable tour de force!

Vous avez reconstruit l’hôtel dans le styleoriginal. Pourquoi?Nous avons pensé, bien sûr, à créer quel-que chose d’entièrement nouveau – parexemple un bâtiment en verre. Mais finale-ment nous avons décidé, notamment pourprotéger le monument historique, dereconstruire dans le style classique. Lesuccès nous a donné raison: la qualité,l’aménagement intérieur, l’infrastructure...Tout était parfait. Nos clients étaient ravis.C’est de cette motivation qu’est née lavision de devenir un leader européen.

Étape franchie ces deux dernièresannées, avec l’extension des GrandsHôtels Bad Ragaz en un Grand ResortBad Ragaz…Nous avons d’abord posé notre candidaturepour un casino B et obtenu la licence. Ainsi,Bad Ragaz possédait l’un des premierscasinos de Suisse. Ce casino a remporté unsuccès incroyable! Les recettes des jeuxcontribuent aujourd’hui à financer la pour-suite des travaux...

«Le cœur et l’engagementfont aussi partie de notrefortune. Et, pour qu’unestratégie réussisse à longterme, il faut y ajouterl’efficacité, la stabilité et la réputation. Ce sont desvaleurs que je souhaiteégalement transmettre àmes enfants.»

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… dont le coût a été estimé à 160millions de CHF. C’est un importantinvestissement pour l’avenir. Quelle estvotre stratégie?Réfléchissant à une manière de développerdavantage notre établissement, nous noussommes aperçus que le Quellenhof possé-dait de vastes surfaces de communicationet de restauration mais trop peu de cham-bres vraiment spacieuses. Nous avons doncconstruit une tour de 36 m de hauteur, abri-tant exclusivement des suites.

Les thermes Tamina ont eux aussi étéentièrement reconstruits.Comme nous avions de moins en moins devisiteurs à la station thermale, nous noussommes retrouvés le dos au mur. Aprèsavoir visité une vingtaine d’établissementsconcurrents en Europe, nous avonscomplètement reconstruit nos thermes.Avec la solution actuelle, nous sommes, àmon avis, à nouveau leader. Notre architec-ture devrait, je pense, entrer dans l’histoire.

Quel a été votre engagement personnelpendant les travaux?J’étais sur place une à deux fois par mois.C’est un temps agréablement investi. Laconstruction d’un hôtel a quelque chose defascinant; on le voit grandir, se structurer, etl’on est toujours personnellement impliqué –on se surprend même à réfléchir à lacouleur des rideaux.

Et votre engagement financier?La société Grand Resort Bad Ragaz SAcompte aujourd’hui quelque 700 actionnai-res. Nos parts, en tant que principal action-naire, sont passées à environ 75%.

Quelles sont vos motivations?Je suis un autochtone, le canton de Saint-Gall est ma région natale, et notre famille adécidé, comme je l’ai dit, de promouvoirBad Ragaz. Nous nous sentons redevablesà la vallée dans laquelle nous avons grandi.J’ai même restructuré les vignobles fami-liaux, à Heerbrugg. Aujourd’hui, nous yproduisons des vins de qualité reconnue.

Le Grand Resort Bad Ragaz a été ouverten juin, en période de crise économique.Cela vous rend-il nerveux?Il en faut plus pour me rendre nerveux! Maisj’ai deux raisons d’être confiant: première-ment, notre équipe de management ainsique tous nos collaborateurs font un excel-lent travail; deuxièmement, nos offres et nosgroupes-cibles sont très diversifiés. Entre40 et 50% de nos clients sont suisses, envi-ron 30% viennent d’Allemagne, les autresproviennent de nations diverses. Nousavons une clientèle relativement forte issuedu golf – et le centre médical propose d’ex-cellentes prestations dans le domainethérapeutique. Ainsi, nous répondons auxbesoins et aux exigences d’une sociétévieillissante – avec le Swiss Olympic Medi-cal Center – mais aussi à la grande modedu sport et de la remise en forme. Nousserons certainement touchés aussi par lacrise économique. Mais, finalement, nousnous présentons sur le marché avec unproduit qui est... tout simplement génial!C’est un gros avantage concurrentiel.

Vous possédez des hôtels, cultivez desvignes, collectionnez des œuvres d’art.Vous aimez, apparemment, les belleschoses de la vie?Oui et non. C’est agréable, bien sûr, deposséder des œuvres d’art. Je profite de ceprivilège. Mais ce qui est fascinant, avec levin et l’hôtellerie, plus qu’avec tout autrechose, c’est qu’ils sont liés à un engage-ment personnel. Dans tout ce que je fais,cependant, le côté intellectuel et le côtééconomique doivent s’équilibrer. Ce qui estintéressant, c’est la conservation de lavaleur. Pour nous, la Grand Resort BadRagaz SA est une entité commerciale diri-gée selon des règles économiques.

Que représente l’argent pour vous?En principe, c’est pour moi une échelle demesure des performances. J’ai eu la chancede recevoir de mon père les parts de notrefamille à la société Holcim et d’avoir pu diri-ger l’entreprise pendant plus de 20 ansavec succès. La fortune de la famille estinvestie encore en majeure partie dansHolcim. Le cœur et l’engagement font aussipartie de notre fortune. Et, pour qu’une stra-tégie réussisse à long terme, il faut y ajouterl’efficacité, la stabilité et la réputation. Cesont des valeurs que je souhaite égalementtransmettre à mes enfants. //

«Dans tout ce que je fais,cependant, le côté intellectuel et le côtééconomique doivents’équilibrer. Pour nous, la Grand ResortBad Ragaz SA est une entité commercialedirigée selon des règles économiques.»

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Le luxe en tant quemarchandise face auvéritable luxe.La transformation et l’extension du GrandResort Bad Ragaz ont coûté 160 millions deCHF – un véritable investissement dans l’avenir. Mais les moyens financiers ne sontpas à eux seuls une garantie de succès,rappelle le CEO, Peter P. Tschirky.

Photos: Cédric Widmer

Dans la nouvelle tour du Grand Resort BadRagaz, le Penthouse Floor, avec ses 560mètres carrés, est aussi vaste qu’une sallede danse. Le décor est constitué de tout cequ’il y a de plus beau et de plus cher: desparquets en noyer dans les chambres, deslits gigantesques, des draps de satin et desduvets somptueux, des cristaux Swarovskiqui reflètent la lumière dans les salles debains, un bain à remous, un sauna finlan-dais et une télévision à écran plat dissimu-lée dans le plafond, au-dessus du lit. Ceque le client s’offre ici, pour 12 000 CHF lanuit, c’est du luxe à l’état pur.L’objet le plus luxueux qui vous enveloppecomme un manteau de cachemire dès lorsque vous pénétrez dans le domaine, c’est lecalme. Écouter le silence, assis sur unechaise longue à l’ombre d’un arbre cente-naire, est un vrai bonheur. Cette oasis avecvue sur la chaîne des Alpes, au pied de laBündner Herrschaft, a un effet littéralementthérapeutique: loin de l’agitation de la ville

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«d’où tous les Tschirky sont issus»; c’est làqu’il a grandi, dans la ferme de son père. Audébut des années 1980, Peter P. Tschirky adirigé un hôtel du groupe Sheraton dans leroyaume de Bahreïn, situé sur un archipeldu golfe Persique. Là, il a gagné laconfiance du souverain, l’émir Isa, qui l’achargé de la rénovation de son palais. Ainsi,Peter P. Tschirky est devenu expert en bâti-ment.C’est justement cette double compétenceen matière de gastronomie et d’architecturequi a joué un rôle capital à Bad Ragaz, pourla transformation et l’extension du GrandHôtel (voir aussi l’interview de ThomasSchmidheiny, actionnaire majoritaire).Depuis, 160 millions de CHF ont été investisdans la construction d’une tour comprenant56 suites avec spas, dans la transformationet la rénovation des deux hôtels Quellenhofet Hof Ragaz, dans le nouveau centre médi-cal et dans les thermes Tamina. Le nouveauMedical Health Center, auquel est rattaché

le Swiss Olympic Medical Center, proposedes prestations de rééducation et deprévention de très haut niveau. Il est ouvertégalement aux patients ne logeant pas àl’hôtel; ceux-ci représentent la moitié duchiffre d’affaires. Environ 30% des clientsde l’hôtel sont ici pour des raisons théra-peutiques et médicales. La moyenne d’âgeest de 59,6 ans – et l’établissement envi-sage de cibler une clientèle plus jeune. Surce thème, Peter P. Tschirky défend un pointde vue pragmatique: «La démographiepromet un taux de croissance considérablepour ce groupe; en outre, le nombre depersonnes âgées ne cesse de s’accroître.»6

Un voyage dans le futurPour Peter P. Tschirky, la transformation«interne» des Grands Hôtels Bad Ragaz enGrand Resort Bad Ragaz pour la génération

et pourtant si proche puisqu’elle se trouve àune heure de route de Zurich, à deux heureset demie de Munich et à trois heures deMilan. «Le luxe», explique Peter P. Tschirky,«est là où l’on se sent bien. Dans un hôtel,c’est lorsque le client trouve ce qu’il cher-che.»Peter P. Tschirky, 57 ans, est CEO de lasociété Grand Resort Bad Ragaz SA depuisjuin 2006. Après avoir vécu 30 ans à l’étran-ger, il est revenu s’installer du côté duWeisstannental, au pays de Sargans, région

«La plus belle desbrochures ne sert à rien si l’atmosphère du lieun’est pas bonne. La meilleure publicité, pourun établissement comme le nôtre, c’est lebouche-à-oreille.»

dossier + + + + + + + + + visions d’avenir

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des plus de 55 ans était une sorte de«voyage vers l’avenir», qu’il a entrepris avecson équipe de 62 dirigeants. Des séminairesà plein temps les ont préparés à leur futurobjectif: devenir un leader européen. «Ilfallait élaborer une culture globale», racontePeter P. Tschirky, «placée sous le signe del’amour.» Il s’agit non seulement de l’amourdu détail, mais aussi de la faculté d’éprou-ver de la compassion pour autrui. «Nousvoulons que les actes de nos collaborateurssoient motivés par la sollicitude, la préve-nance et le respect, et non par l’indifférenceou l’égoïsme.»Chaque membre de l’équipe de direction

est tenu de transmettre à ses collaborateursles résultats du «voyage vers l’avenir»acquis au cours des séminaires. Le dépar-tement «Business Excellence» analyse lesréactions des clients et vérifie, au moyen dedivers outils, si cette nouvelle culture porteses fruits. «Votre établissement a une âme»,a écrit un client. Un autre a noté: «Mafemme et moi voyageons beaucoup. Nousne connaissons pas d’autre hôtel cinq étoi-les où l’accueil est si agréable.» Ces témoi-gnages indiquent à Peter P. Tschirky queson équipe et lui sont sur la bonne voie.Au cours des travaux, Peter P. Tschirky aconformé l’exploitation à un système degestion certifié ISO. Il s’agit, là aussi, d’uneétape vers les futures dimensions ducomplexe: «Nous savions que notre entre-prise ne serait plus la même après lestravaux», explique Peter P. Tschirky. «Onpeut toujours se dire que l’on fera les

choses autrement à l’avenir. Mais on risquealors de piétiner, parce que les habitudessont les plus fortes.» Avec la mise auxnormes ISO, l’ordre des choses a irrévoca-blement été modifié. «Cette démarche anécessité de la volonté, du courage et del’humilité. Elle a été très enrichissante, maiselle nous a aussi coûté beaucoup d’éner-gie.»

Un bond en avantAujourd’hui, le complexe peut accueillir 550personnes. Les clients sont encadrés par682 collaborateurs. L’entreprise est dirigéepar un comité directeur, présidé par Peter P.Tschirky et comprenant les quatre gérantsdes domaines «Grands Hôtels», «To B. Well-being & Medical Health», «Business &Events» et «Golf» ainsi que le directeur

«Nous voulons que les actes de nos collaborateurssoient motivés par la sollicitude, la prévenance et lerespect, et non par l’indifférence ou l’égoïsme.»

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financier, le directeur du marketing et desventes et le responsable de l’infrastructure.Le comité directeur se réunit une fois parmois; Tschirky et les différents dirigeants serencontrent à des jours fixes, chaquesemaine ou tous les 15 jours. L’équipe dedirection se réunit également une fois parmois. Le conseil d’administration, avec pourprésident l’industriel Willy Kissling et pourvice-président Thomas Schmidheiny, estresponsable de la stratégie.«En réalisant ce projet, nous avons fait unbond en avant, vers une position de leadereuropéen dans le domaine du bien-être etdes soins médicaux», a déclaré le présidentdu conseil d’administration W. Kissling, aumoment de l’inauguration. Pourtant, la criseéconomique n’épargne pas non plus BadRagaz, toutefois plus au niveau de lafréquentation des restaurants que de l’oc-

cupation des chambres. «Les clientsconsomment moins», explique Peter P.Tschirky, «nous enregistrons une baisse de18% du chiffre d’affaires par place assise.»Cette tendance s’est dessinée très tôt en2008, avant même que la crise financièren’éclate. En adaptant les cartes des menuset des vins, on cherche, notamment, àrelancer le chiffre d’affaires. «Ce travailsubtil est de la psychologie pure», ditTschirky. D’une manière générale, la gestion d’uncomplexe de cette dimension et de ceniveau nécessite non seulement du savoir-faire mais aussi beaucoup d’intuition. «Ilfaut flairer les choses qui ont besoin d’êtrechangées», dit Tschirky. Au cours de sesinterminables rondes à travers le complexe,le chef d’entreprise analyse ses sensations.Lorsqu’une situation l’irrite, c’est le signequ’il lui faut redoubler d’efforts. Car leressenti est ce qui amène les clients à BadRagaz: «La plus belle des brochures en

papier glacé ne sert à rien si l’atmosphèredu lieu n’est pas bonne. La meilleure publi-cité, pour un établissement comme le nôtre,c’est le bouche-à-oreille», explique Tschirky.«C’est lorsqu’un client raconte autour de luique son bien-être était total chez nous.»Le patron s’est fixé trois objectifs: «Premiè-rement, je souhaite pouvoir amortir les 160millions investis. Deuxièmement, je veuxque notre hôtel soit le meilleur du mondepour nos clients. Et troisièmement, jesouhaiterais que mon nom, à Bad Ragaz,soit une garantie d’excellence.» Le délaipour atteindre ces objectifs: 2011. //

Ce qu’il y a de mieux: 160 millions de CHF ont été investis pour rénover leshôtels Quellenhof et Hof Ragaz et construire une tour comprenant des suitesavec spas, le nouveau centre médical et les nouveaux thermes Tamina.

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«Les gens ont un profond besoin d’attribuer aux autres de bonnes ou de

mauvaises intentions»,

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affirme le Professeur Ernst Fehr, directeur «Institute for Empirical Research in Economics» à l’Université de Zurich, et premier économistelauréat du très renommé Prix Marcel Benoist.

Professeur Fehr, une question toute simple: qu’étudiez-vous? Nous explorons toutes sortes de questions: comment fonctionnentles marchés du travail, comment conçoit-on des incitations opti-males à l’intention des collaborateurs et des managers, commentnaissent les hiérarchies dans les entreprises, quel rôle joue la répu-tation dans le mode de fonctionnement des marchés? Outre cesquestions d’ordre économique, nous étudions aussi l’influence desfacteurs non économiques sur la vie économique et ses acteurs,tels que la loyauté et les normes sociales. S’agit-il de facteursbiologiques ou de facteurs culturels et, s’il s’agit de facteurs cultu-rels, quels sont les aspects concernés? Ce programme de recher-che a beaucoup de succès aujourd’hui. L’Université de Zurich estl’un des principaux centres de recherche du monde dans ledomaine des sciences économiques expérimentales et de laneuroéconomie.

Sur quoi se porte votre attention actuellement?Depuis peu, nous nous intéressons aux fondements biologiquesdes comportements économiques. Nous réalisons des étudesgénétiques ou bien nous étudions les processus cérébraux impli-qués dans les comportements altruistes ou égoïstes.

Comment procédez-vous?Les participants à l’expérience communiquent de manière interac-tive dans notre laboratoire informatisé et sont confrontés à des

situations économiques. Ils doivent prendre des décisions enrespectant des règles claires. Il peut s’agir d’expériences trèssimples, comme le jeu de l’ultimatum, ou d’expériences compli-quées impliquant des trading rules complexes.

Qu’est-ce que le jeu de l’ultimatum?Un participant – nommons-le participant A – reçoit une certainesomme d’argent et doit décider combien il veut en offrir à B. A faitdonc une offre, et B peut soit accepter, soit refuser. Les deuxpersonnes ne négocient pas. Si B accepte, chacun reçoit sasomme; si B refuse, ils n’ont plus rien.

Quels sont les résultats?Nombreux sont ceux qui proposent la moitié de la somme, esti-mant que l’offre est loyale et qu’elle sera acceptée. Les plus auda-cieux tentent de mieux s’en tirer par des offres plus agressives,c’est-à-dire plus basses. Toutefois, plus l’offre de A est déséquili-brée, plus la probabilité que B la refuse augmente. La tendance deB à refuser les partages déloyaux même en sachant qu’il n’aurarien discipline A et l’incite à faire des offres plus loyales. L’expé-rience montre que les participants B sont d’autant plus disposés àaccepter les montants plus bas que la répartition des rôles n’estpas le fruit du hasard mais le résultat d’un test de performance, ouqu’un mécanisme de hasard prescrit à A le montant qu’il doit offrirà B.

dossier + + + + + + + + + responsabilité/confiance

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Ce jeu montre donc que les sujets de l’expérience ne secomportent pas comme homo œconomicus?C’est vrai. L’hypothèse d’homo œconomicus est démentie dès lorsque B est prêt à renoncer à tout montant d’argent pour punir leparticipant A de son offre trop faible. Ce n’est ni rationnel ni profita-ble. Homo œconomicus n’agirait pas ainsi. Le résultat de cetteexpérience a surpris les économistes. Mais ils sont probablementles seuls: il suffit d’un peu d’intuition sociale et de bon sens poursavoir qu’un joueur n’acceptera pas n’importe quelle somme ridi-cule si un autre joueur reçoit, en contrepartie, un montant beau-coup plus élevé.

Quel type, à votre avis, prend la relève d’homo œconomicus?Un type plus hétéroclite. Quelqu’un de rationnel, certes, mais aussiguidé par des émotions pas toujours idéales pour les processus dedécision. Cette personne peut aussi avoir des comportements irra-tionnels. Il peut donc lui arriver de choisir la loyauté et la coopéra-tion, même si celles-ci ont leur prix et ne lui procurent aucun avan-tage matériel. Je ne dis pas que l’homme est un saint, un parfaitaltruiste. Au contraire. L’intérêt personnel joue un rôle importantmais ce n’est pas l’unique motivation.

Dans quelles circonstances les gens sont-ils corrects, altruis-tes ou calculateurs, dans le monde économique et dans la vieprofessionnelle?On peut considérer la réalisation d’objectifs équitables ou altruistescomme un bien. Une personne qui attache beaucoup d’importanceà l’équité «achète» cette équité en se comportant de façoncorrecte et en renonçant le cas échéant à des avantages matériels.Lorsque l’équité coûte trop cher, plus personne «n’achète» ce bien.Mais cela ne change rien au fait que la préférence va aux compor-tements corrects. Quand le prix du chocolat augmente, si les gensen achètent moins, ce n’est pas parce qu’ils ont moins envie dechocolat mais, justement, parce que le chocolat est devenu pluscher. La distinction, d’ailleurs, n’est pas toujours facile: lorsqu’unentrepreneur donne de son plein gré une participation aux bénéfi-ces à son directeur, il peut avoir des motifs altruistes mais aussiagir par intérêt, s’il souhaite encourager ainsi son directeur.

À votre avis, les systèmes d’incitation sont-ils vraiment néces-saires pour motiver les gens?La question se pose toujours de savoir quels sont les objectifs d’unsystème d’incitation. Souvent, l’incitation ne porte pas sur le bon

objet. En outre, les gens sont disposés aussi à faire quelque chosesans rétribution supplémentaire. Les incitations matérielles peuventdétruire une coopération volontaire. Un travail se compose généra-lement de nombreuses tâches différentes. Lorsque la réalisationdes objectifs ne peut se mesurer qu’à un petit nombre de tâches, ilpeut être préférable de renoncer aux incitations. Lorsqu’une entre-prise propose des incitations pour des tâches dont la réalisationest mesurable, les collaborateurs se concentrent principalementsur ces tâches et négligent les autres. C’est le problème bienconnu du multitasking. La rémunération du management selon lecours absolu des actions en est un exemple. Il s’agit, à mon avis,d’un mauvais système d’incitation.

Pourquoi?Le niveau absolu du cours boursier est un mauvais indicateur deperformance. Il dépend de facteurs sur lesquels le manager n’aaucune influence. Pourquoi le management devrait-il profiter d’uneplus-value de l’entreprise qui résulte d’une conjoncture florissante?Ce n’est pas le mérite du manager. De la même manière, pourquoiun manager devrait-il être sanctionné en période de récession?Cela n’a pas de sens. Le cours des actions serait une meilleureéchelle de mesure s’il était associé à un index de référence. Lemécanisme d’incitation devrait être aménagé de façon que leséléments hors du contrôle du manager n’entrent pas en ligne decompte dans sa rémunération.

À ce sujet, quel rôle la responsabilité joue-t-elle dans ledomaine économique?La notion de responsabilité dépend étroitement de jugementsmoraux. Il est intéressant de constater que cette notion est incon-nue en sciences économiques. Vous ne la trouverez dans aucunmanuel. Pourtant, dans une économie de marché idéale, la respon-sabilité joue un rôle central. Dans le jeu de l’ultimatum, par exem-ple, la manière dont est répartie la somme d’argent est définie soit

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«Lorsqu’une entreprise propose des incitations pour des tâches dont la réalisation est mesurable, les collaborateurs se concentrent principalement sur ces tâches et négligent les autres. C’est le problèmebien connu du multitasking.»

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par le joueur A, soit par le hasard. Les réactions du joueur B diffè-rent d’un cas à l’autre. Lorsque le joueur A fait une propositiondéloyale, B refuse plus souvent que lorsque la même propositiondéloyale résulte d’un mécanisme aléatoire. Cela prouve que leshumains ont un profond besoin d’attribuer aux autres de bonnesou de mauvaises intentions et de les rendre responsables de cesintentions. Cette particularité semble moins répandue dans lesclasses sociales peu instruites que dans les classes cultivées.

En laboratoire, le sujet de l’expérience sait si la répartition esteffectuée par une personne ou par le «système». Cette distinc-tion n’est-elle pas beaucoup plus difficile dans la réalité?Oui, en pratique les deux cas de figure sont souvent confondus.Lorsqu’un manager souhaite empêcher une augmentation desalaire, il dit: «Je n’ai pas le choix, les résultats de l’entreprise ne lepermettent pas.» «Je n’ai pas le choix» signifie que je ne suis pasresponsable de mes décisions. Si j’avais le choix, je serais respon-sable. Il y a une différence lorsque le responsable est une personneou le marché. Si un partenaire commercial ne règle pas ses factu-res, il est facile de savoir à qui en attribuer la responsabilité. Lors-que le cours d’une action diminue, on ne peut pas simplementrendre responsables les autres participants du marché des capi-taux. Cela rend souvent difficile l’étude scientifique des processuspsychologiques dans le monde réel.

Dans de telles circonstances, une confiance perdue peut-elleêtre restaurée? Et si oui, comment?Les marchés et les acteurs du marché peuvent eux-mêmes instau-rer la confiance. C’est toujours le cas lorsqu’il s’agit de confianceentre individus. Je sais si mon cocontractant est fiable ou pas.C’est réglementé dans une large mesure par le marché. Certainsacteurs du marché ont instauré la confiance en assumant uneresponsabilité et en remboursant une partie de leurs indemnités.Mais il n’y a pas de régulation par le marché lorsqu’il s’agit de laconfiance qu’on a dans le système. Il doit alors y avoir un acte poli-tique. L’intervention de l’État en faveur de l’UBS était très impor-tante pour le système financier suisse. D’après la récente évolutionde la bourse, les investisseurs semblent avoir retrouvé une certaineconfiance.

La théorie classique n’avance-t-elle pas que l’intérêt généralest optimisé lorsque les marchés sont libres et que chacunœuvre selon son propre intérêt?C’est l’idéologie qu’on attribue à la théorie classique. Mais elle necorrespond ni aux faits réels ni au savoir dominant diffusé par les

manuels. L’économie politique indique clairement dans quellesconditions les marchés sont performants et dans quelles condi-tions ils ne le sont pas. Lorsqu’il existe des facteurs externes, parexemple dans le cas de nombreux biens environnementaux telsque la pureté de l’air et la propreté des lacs, les marchés libresdécentralisés ne sont plus performants. Si, par mes activités deproduction, je salis l’eau de la rivière ou pollue l’atmosphère, levéritable coût est inconnu. La législation suisse sur l’environnementest un exemple d’intervention de l’État parce que ces marchés nesont pas performants. L’économie politique traditionnelle a unaccès très scientifique et nonidéologique à ce problème. Il y a descirconstances dans lesquelles le marché est préférable et d’autresdans lesquelles une réglementation est nécessaire.

De quelles circonstances s’agit-il par exemple?Les marchés financiers sont un bon exemple. Il y règne d’énormesasymétries dans l’information. Ainsi, une partie du marché estsouvent mieux informée que l’autre. Certains acteurs risquent doncd’être désavantagés. Il est dès lors indispensable et judicieux quel’État propose des instruments lorsque règnent d’importantesasymétries dans l’information. Mais l’État intervient déjà au niveaude l’exécution des contrats! Ainsi, je peux réclamer l’exécution demon contrat devant un tribunal. Il s’agit d’une condition juridiqueélémentaire, indispensable au bon fonctionnement des marchés.

Vous voulez parler de la sécurité juridique comme forme derégulation?Le fait que des particuliers parviennent à mieux faire exécuter lescontrats qu’ils signent de leur plein gré est une forme positive derégulation. Elle permet aux particuliers de mieux exploiter les gainsd’échanges. L’idée que les marchés fonctionnent efficacementlorsqu’ils sont complètement libres ne s’est jamais vérifiée. //

dossier + + + + + + + + + responsabilité/confiance

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«Pour être performant sur le long terme, il faut se sentir bien»,

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dossier + + + + + + + + + entrepreneuriat social

déclare Adrian Pfenniger, directeur du fabricant de brosses Trisa à Triengen. Il estconvaincu que cultiver des valeurs comme l’humanité, le fair-play, le savoir-vivreet le respect est un gage de stabilité pour l’entreprise – particulièrement enpériode de crise. Photo: Tom Haller

Chaque année, après l’assemblée générale,le patron de Trisa effectue une visite un peuparticulière de son entreprise. Accompagnéde l’équipe de direction, Adrian Pfennigerse rend dans les ateliers et les bureaux et ydistribue des enveloppes au contenuprécieux. Elles renferment de l’argent, enespèces calculées au centime près, que lepatron remet personnellement aux salariés.Il représente la participation aux bénéficesde l’exercice écoulé. En 2008, cette parts’élevait à 6,5% du salaire de base de tousles travailleurs, du machiniste au membredu conseil d’administration. A l’ère despaiements électroniques, Pfenniger n’a passouhaité mettre un terme à ce rituel. Laremise en mains propres lui donne l’occa-sion de remercier les employés et de pren-dre le pouls de ses troupes.Il évite volontairement la notion de «bonus»,car Trisa a introduit des incitations financiè-res bien avant qu’elles ne deviennent à lamode, puis tombent en discrédit. Depuis1964, le fabricant de brosses verse unepartie de ses profits annuels à ses salariés.Si les dirigeants ont été affublés à l’époque

du sobriquet de «communistes», Pfennigerenseigne aujourd’hui à l’université sonmodèle de gestion participative, qu’il quali-fie de «principal facteur de succès» de l’en-treprise. Chaque mois, les salariés sontinformés de la marche des affaires et de laparticipation aux bénéfices qui en décou-lera. «C’est un bon instrument de gestion»,déclare Pfenniger, «tout le monde peut voirsi la direction empruntée est la bonne.»

Inciter à un engagement maximalCette méthode a été introduite par néces-sité. Au début des années 60, Ernst Pfenni-ger, le père d’Adrian, a expérimenté denouveaux modèles de management afin desauver la société de la faillite. Le patron ainvesti dans de nouveaux ateliers et mis aupoint un système visant à inciter son équipeà se surpasser. Outre la participation auxbénéfices, il a donné à ses employés lestatut d’actionnaires et, partant, d’entrepre-neurs. 30% des actions de Trisa appartien-nent aux salariés, 70% à la famille Pfenni-ger. Au bout d’un an de service, lesnouvelles recrues reçoivent en cadeau uneaction Trisa qui, selon Pfenniger, «n’est pasconçue comme un véhicule d’investisse-ment, mais comme un billet donnant voix auchapitre lors de l’assemblée générale et auconseil d’administration». Les personnesqui quittent l’entreprise voient leur actionrachetée à la valeur fiscale. Aussi l’assemblée générale du fabricant debrosses attire-t-elle une foule bien plus

nombreuse que la réunion annuelle decertains groupes cotés en bourse. Aprèsune nette phase d’expansion, le groupecompte aujourd’hui plus de mille salariés,dont 750 au siège social de Triengen. Indé-pendamment de la croissance, les valeursde jadis y règnent toujours, à la seule diffé-rence qu’elles sont à présent couchées surpapier. Entré dans l’entreprise en 1989 etdirecteur opérationnel depuis 2005, AdrianPfenniger voulait s’assurer que la cultureévolue parallèlement à l’entreprise. Pour ce faire, il n’a pas décrété une charteex cathedra, mais il a établi avec le conseild’administration et la centaine de cadresdirigeants une liste de lignes directricesbaptisée «Trisa Spirit», que tous lesemployés ont signée personnellement.Chez Trisa, les rapports doivent êtreempreints d’humanité, de fair-play, desavoir-vivre et de respect, ce qui n’exclutpas l’engagement et la capacité de travail.«Pour être performant sur le long terme, ilfaut se sentir bien», affirme Pfenniger avecconviction. Ces formules permettent aux collaborateursde longue date de se remémorer les valeurs

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de l’entreprise et aux nouveaux arrivantsd’intégrer rapidement l’«esprit Trisa». Lacollaboration au quotidien est consolidéepar l’organisation de séminaires intitulés«Félicitations et encouragements»,«Comment améliorer sa qualité de vie» ou«Travailler en équipe». Là où certains précurseurs néolibérauxdénigreraient ces mesures comme roman-tisme social, Pfenniger considère qu’il s’agitd’un «avantage stratégique évident». Laculture d’entreprise forte expliquerait pour-quoi Trisa parvient encore à être compétitifen produisant dans une région aussicoûteuse que celle de Triengen. Elle doit eneffet rivaliser avec des fournisseurs implan-tés dans des marchés émergents comme la

Chine ou l’Inde, des pays où les coûts sala-riaux sont nettement inférieurs. Mais Pfenni-ger n’entend pas quitter Triengen et a mêmeinvesti plus de 100 millions de CHF cesdernières années dans de nouvelles instal-lations de production. Une délocalisationvers des pays à bas salaires n’est pas d’ac-tualité.Pfenniger ne voit qu’un seul moyen decontinuer à exister au sein de cette concur-rence mondiale: l’innovation. Le manage-ment des idées a le vent en poupe à Trien-gen; la part dans le chiffre d’affaires desproduits commercialisés au cours des troisdernières années est passée de 5 à 35% en

dix ans. Dans plusieurs cercles d’innova-tion, les collaborateurs de divers départe-ments et des experts extérieurs se réunis-sent au sein d’une «maison des idées» pourdévelopper de nouveaux produits. Lesidées et les connaissances en matière debrevets et de technologies sont systémati-quement intégrées dans une base dedonnées. Tous les salariés de Trisa dispo-sent en outre d’un «passeport à idées» surlequel est inscrite chaque idée émise et quipeut donner droit à des récompenses. L’en-treprise désigne en effet en fin d’année les«Trisa-Champions». C’est par ce biais, parexemple, que la brosse à dents à ultrasonsSonicpower est arrivée sur le marché.Quatre ans de recherche ont été nécessai-res à une équipe pour trouver commentintégrer un moteur dans la tête étroite de labrosse à dents.La crise économique met également àl’épreuve la résistance de Trisa. Pfenniger

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Tous les salariés de Trisa disposent en outre d’un «passeport à idées» sur lequel est inscrite chaque idéeémise et qui peut donner droit à desrécompenses.

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Faits et chiffresFondée en 1887, Trisa figure parmi les cinqplus grands fabricants de brosses dumonde. Lors de l’exercice écoulé, cetteentreprise employant un millier de person-nes a réalisé un chiffre d’affaires de 236millions de CHF et un bénéfice net de 16,5millions de CHF. Chaque jour, près d’unmillion de brosses à dents quittent l’usine,dont 97% à des fins d’exportation dansplus de 80 pays. La coiffure et le ménagesont d’autres secteurs d’activité. 30% des actions de Trisa SA appartiennent aux salariés, 70% à la famille Pfenniger.

veut montrer que l’entrepreneuriat socialn’est pas un système qui ne fonctionnequ’en temps de prospérité, mais qu’ilpermet aussi à l’entreprise de sortirindemne des périodes de récession. Avecune part à l’exportation de 97% dans lesecteur des brosses à dents, Trisa a subil’an dernier les conséquences de l’effondre-ment monétaire. Les coûts ont grimpé euxaussi en raison de la hausse des prix desmatières premières. Au cours des premiersmois de cette année, le rendement a dimi-nué. Réaliser des économies à court termene serait toutefois pas conforme à la straté-gie sociale. Chez Trisa, la réduction descoûts est un processus permanent. «Lemanagement des idées n’implique passeulement l’élaboration de nouveauxproduits, il concerne aussi l’ensemble duprocessus de fabrication, la logistique et

l’administration», déclare Adrian Pfenniger.«Chez nous, les procédures internes sontoptimisées et rationalisées en permanence,pas uniquement en temps de crise.» Lagestion des commandes est actuellementpassée au crible. Le patron de Trisa anticipe deux à troisannées de stagnation suivies d’un lent réta-blissement. L’objectif d’augmenter à 10% laparticipation aux bénéfices des salariés adonc du plomb dans l’aile, mais Pfennigerestime peu probable qu’aucun surplus nepuisse être versé, comme ce fut le cas lorsde la crise économique des années 70. Ilest convaincu que c’est précisément enpériode de crise que la culture des valeursassure à l’entreprise la stabilité internenécessaire. «Nos valeurs sont comme uneancre dans un environnement tourbillon-nant», conclut Pfenniger, «grâce à elles, àune pincée de chance et à la bénédictiondivine, nous survivrons à nouveau à cettepériode difficile.» //

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dossier + + + + + + + + + entrepreneuriat social

Durant les premiers mois de cette année, le rendement a diminué. Réaliser deséconomies à court terme ne serait toutefois pas conforme à la stratégie sociale.Chez Trisa, la réduction des coûts est un processus permanent.

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Le plus grand défi: la discipline.

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Monsieur Senn, vous occupez une fonction-clé en tant queChief Investment Officer d’un important groupe d’assurances.Quel est votre rôle?La division chargée de la gestion des investissements a pour tâchede réaliser un bénéfice sur les placements de capitaux par rapportà nos obligations, ce bénéfice devant être supérieur à la moyenneet ajusté au risque. Cela signifie que mon équipe et moi nous effor-çons de créer, avec les revenus des assurances, une plus-valuedurable, autant pour nos assurés que pour nos actionnaires.

Vous visez des bénéfices supérieurs à la moyenne. À quoi vousmesurez-vous?Nous nous comparons régulièrement à nos 30 principaux concur-rents mondiaux. Ces trois dernières années, nous nous sommesplacés parmi les cinq premiers, aussi bien en termes de rendementglobal que de «rendement relatif», c’est-à-dire d’après nos bénéfi-ces par rapport à nos obligations. Cela corrobore notre démarche.

Sur quels montants veillez-vous?Avec notre activité principale, à savoir l’administration des capitauxd’assurance, la somme tourne autour de 174 milliards d’USD. Lagestion de ces actifs est complétée par diverses activités de

conseil au sein du groupe – pour environ 100 milliards d’USDsupplémentaires. En outre, nous faisons fonction de conseiller pournos caisses de retraite; le groupe Zurich gère une quarantaine deplans de retraite, pour un volume de 11 milliards d’USD. Noussommes également experts en matière d’immobilier à usage privé.Nous avons une expertise confirmée dans ce domaine, puisquel’immobilier représente une part importante de notre portefeuille etque notre équipe inclut des spécialistes du secteur.

Combien de collaborateurs employez-vous au sein de votredivision?Nous avons une structure très sobre: la gestion des investisse-ments occupe environ 300 collaborateurs répartis dans le monde.À cela s’ajoute un réseau externe d’entreprises de gestion finan-cière pour les investisseurs institutionnels, avec lesquelles noustravaillons par mandat. Cette répartition offre divers avantages:ainsi, nous engageons, partout dans le monde, les meilleursgestionnaires financiers dont nous pouvons nous séparer à toutmoment lorsqu’ils ne répondent pas à nos attentes.

Quelle est votre marge de manœuvre?Elle peut être importante, parce que nous mettons en jeu desmoyens considérables, qui nous permettent d’accroître notreinfluence. Mais elle est aussi limitée par nos obligations, par notrecapital et les contraintes réglementaires auxquelles sont soumis lesdifférents pays où nous travaillons. Le capital et les obligationssont nos principales restrictions. Ils forment le cadre de notre stra-tégie d’investissement. En tant qu’assureur, nous devons garantir àtout moment la couverture des obligations de notre entreprise afin

dossier + + + + + + + + + conserver les valeurs

Pour Martin Senn, Group Chief Investment Officer (et futur Chief Executive Officer), Zurich Financial Services, le succès dépend de processus d’investisse-ment explicitement structurés et d’une stratégie d’investissement clairement définie. Sa règle d’or: s’en tenir strictement aux termes de la mission.

Martin Senn, 52 ans, CEO de Zurich Financial Services à partir du 1er janvier 2010, est membre de la direction et Group Chief Investment Officer, ZurichFinancial Services, depuis 2006. Au cours de sacarrière, il a occupé diverses fonctions de direction au sein de l'ancienne Société de Banque Suisse et du Crédit Suisse, et a été Group Chief Investment Officer, Swiss Life de 2003 à 2006.

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de ne pas être obligés d’entamer le capital du groupe lorsque lesconditions des marchés financiers sont défavorables. La récentecrise nous a donné de nombreux exemples de ce qui se passelorsqu’un assureur n’y prend pas garde: certains de nos concur-rents ont rencontré des difficultés telles qu’ils se sont vus dansl’obligation d’augmenter leur capital ou même de demander lesoutien de l’État.

Que vous apprend la crise actuelle?Ce n’est pas la première crise que je traverse. La crise financièremondiale a, une fois de plus, montré clairement l’importance d’unepolitique d’investissement transparente et de processus d’investis-sement systématiques, clairement structurés. Nous avons constatéque notre stratégie d’investissement était solide et robuste. Toute-fois, nous avons été surpris, nous aussi, par l’ampleur de la crise;nous avons subi des changements de valeurs, parfois plus impor-tants que ceux que nous avions prévus. Maintenant, nous nousinterrogeons bien sûr sur les leçons à en tirer.

Pouvez-vous concrétiser?Difficilement, car beaucoup de choses sont encore en pleine évolu-tion. Mais, en principe, rien de fondamental ne devrait changerpour nous; dans notre activité principale, il n’y a pas urgence.Notre philosophie sera toujours la même: réaliser un bénéficemaximal, ajusté au risque pendant la période florissante, et limiterles pertes au maximum pendant les périodes difficiles… Et nous nemettrons pas en danger la pérennité de notre entreprise. Notreobjectif sous-jacent est clair: nous voulons un bilan solide.

Qu’est-ce qui vous pose le plus de difficultés?La discipline. Nous avons une stratégie d’investissement claire-ment définie, des processus d’investissement explicitement struc-turés, et nous devons garantir que chacun d’entre nous s’en tien-dra à ces objectifs, quelles que soient les tentations du marché.Ces tentations sont énormes – et le risque d’y succomber estimportant, car nous sommes des hommes, non des machines. Lepassé récent nous prouve que nous avons raison de nous en teniraux termes stricts de la mission: sans ce système rigide, nousserions à la merci du marché. Nous serions peut-être, commed’autres, mus par l’avidité, en route vers les sommets, et par lapanique au moment de la chute. Grâce à notre discipline, nousavons obtenu, fin 2008, un taux de rendement d’un peu plus d’unpour cent – c’est un gros succès, qui nous confirme que noussommes sur la bonne voie.

Dans votre métier, quel rôle jouent le savoir-faire et la perfor-mance, la chance et l’intuition?Chez nous, tout dépend du niveau d’expertise et, justement, de ladiscipline de nos collaborateurs. Nous devons donc absolumentgarantir que chaque fonction sera remplie par les plus performants.La diversité est également importante. Ici au siège principal dugroupe, nous employons, à la gestion des investissements, 53personnes issues de 25 pays. C’est non seulement une règle maisaussi un facteur de succès décisif: si nous voulons conclure uneaffaire en Chine, nous avons besoin d’un collaborateur chinoisexpérimenté, ayant aussi bien assimilé la culture et les coutumesde son pays que les valeurs de notre entreprise. Je suis très fier duprofessionnalisme et de l’engagement de mes collaboratrices etcollaborateurs. La chance, quant à elle, n’a pas sa place ici! Nousne jouons pas au loto. Notre succès est basé sur des modèlesempiriques et des processus clairement définis. L’intuition peutjouer un rôle, dans une certaine mesure, mais ce n’est pas unmoteur. Les informations résultant d’une recherche étendue,interne et externe, sont bien plus importantes.

Le marché des capitaux est très agile et inventif. Commentinvestissez-vous?Nous avons un principe clair: investir uniquement lorsque nouscomprenons les risques. Il ne s’agit pas d’une compréhension d’or-dre technique, car la structure des produits nous est familière. Ils’agit, bien plus, de comprendre l’importance et l’influence desdivers produits sur notre bilan, notamment en période de crise.Certains produits sont trop complexes pour être correctementanalysés, modélisés et représentés au sein de nos systèmes derisque. Notre expérience nous montre que les produits hautementcomplexes, dans le milieu des assurances, ne réussissent quemarginalement. Le passé récent nous donne raison.

À quand un redressement de la situation économique, d’aprèsvous?Nous voyons déjà poindre les premiers signes de reprise, mais ilssont très faibles. Je pense que le chômage va continuer à augmen-ter dans de nombreux pays, et que les consommateurs aurontbesoin de temps pour reprendre confiance. Cette lueur d’espoirn’est donc pas encore un véritable revirement de tendance. Il nousfaudra attendre encore avant d’assister à un revirement detendance durable.

Quelles relations entretenez-vous personnellement avec lerisque?Le risque est un moteur du rendement. Je tiens toujours compte dece lien, dans ma vie professionnelle comme dans le privé. Je me-sure le rapport entre risque et bénéfice avant chaque décision. //

dossier + + + + + + + + + conserver les valeurs

«Notre philosophie sera toujours lamême: réaliser un bénéfice maximal,ajusté au risque pendant la périodeflorissante, et limiter les pertes au maxi-mum pendant les périodes difficiles.»

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dossier + + + + + + + + + formation/développement de la personnalité

«Élever des collines d’où l’on peutavoir une vue d’ensemble.»

Le recteur Ernst Mohr sur les effets de la crise économique à l’Université de Saint-Gall, les faiblesses humaines et la

responsabilité sociale.Photo: Tom Haller

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Monsieur Mohr, HSG est qualifiée de«forge à cadres» de l’économie suisse.Vous êtes d’accord?Forge me plaît moins que cadre. La forgeévoque l’acier modelé et usiné à discrétion.Cette image ne reflète pas le travail d’uneuniversité. Il est vrai en revanche qu’HSGforme des cadres.

Des cadres qui doivent servir les intérêtsde l’économie.Pas uniquement. HSG n’est pas exclusive-ment une Business School. Son offre esttrès large. Je conçois HSG comme uneuniversité de sciences sociales avec uncentre de gravité dans les sciences écono-miques et en particulier dans le manage-ment. Nous proposons également des filiè-res juridiques et deux formations enpolitique économique, ainsi que des cursus«Law and Economics» et «InternationalAffairs». Toutes ces orientations façonnentle profil d’HSG. Environ la moitié seulementde nos diplômés étudient la gestion au sensstrict du terme.

L’un des principes d’HSG postule: «Nousvoulons former des étudiants qui enga-gent leur talent et leur efficacité nonseulement pour leur réussite person-nelle, mais aussi dans un souci deresponsabilité sociale.» La crise finan-cière et économique a montré que beau-coup de managers occupant des fonc-tions de cadre avaient surtout recherchéle succès personnel. Ont-ils été malformés?15 à 20 ans s’écoulent entre la sortie del’université et l’accession à des fonctionsdirigeantes. Les diplômés de notre univer-sité qui occupent actuellement des posi-tions dirigeantes ont étudié à HSG à uneépoque où elle était très différente. Ce n’estpas un jugement de valeur; je constateseulement que l’université ouvre auxétudiants des modes de pensée qui agis-sent toujours avec un temps de retard.C’est pourquoi HSG est en évolutionpermanente. Le monde financier a égale-ment subi de profonds changements aucours des 20 dernières années. Il s’estproduit une révolution technologique qui aouvert la voie à des concepts et des métho-des d’évaluation sur lesquels on a manifes-tement perdu tout contrôle. La crise finan-cière est née d’une combinaison d’erreursprofessionnelles et de faiblesses humaines.

Comment expliquez-vous ces faiblesseshumaines?Elles ont diverses raisons, dont l’une, laspécialisation qui, si elle n’est pas mauvaiseen soi, comporte certains dangers. Elle peutrétrécir l’horizon et la vue d’ensemble. Lespécialiste a en outre tendance à dire: «Jemaintiens l’ordre dans mon domaine, et siles autres spécialistes en font de même,tout ira pour le mieux.» Comme la crise ledémontre, cette manière de penser ne tientpas la route.

Les faiblesses humaines peuvent égale-ment découler de certains traits decaractère. Une université peut-elle agirsur le développement de la personnalité?Des études pédagogiques révèlent que lapetite enfance, le foyer familial, l’environne-

ment et la jeunesse ont une influence bienplus grande que celle que peuvent exercerl’école et l’université. Ce serait toutefois unaveu d’incapacité pour une université dedire: «Nous proposons une formation scien-tifique – le reste ne nous intéresse pas.» Lespossibilités dont nous disposons pour agirsur le développement de la personnalité desétudiants sont limitées, comme c’est le caspar exemple dans une entreprise. Maisnous devons prendre conscience qu’ellesexistent.

La formation du caractère est-elle deve-nue un sujet de discussion au sein devotre université dans le contexte de lacrise financière et économique?Le débat sur les leçons à tirer de la crise esten cours à HSG. On m’interroge souventsur les mesures que nous prenons, leschangements que nous apportons. Il esttrop tôt pour donner des réponses. L’un desthèmes abordés est le rapport entre cursusgénéral et cursus spécialisé. Cette questionest induite principalement par les risques dela spécialisation.

Dans le cadre d’un cursus général, lesétudiants suivent des matières et descours qui n’ont pas un rapport directavec leur orientation et visent à élargirleur horizon, par exemple sur le planculturel.Oui, et cela pose la question de l’intégrationdes différentes disciplines. La science sespécialise toujours plus, car c’est dans sanature. Il nous appartient, d’une part, d’offrirune formation scientifique et, d’autre part,

dossier + + + + + + + + + formation/développement de la personnalité

«Je conçois HSG commeune université de scien-ces sociales avec uncentre de gravité dans lessciences économiques et en particulier dans lemanagement.»

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de promouvoir des éléments de liaison, parexemple dans le cadre d’un cursus général.C’est un aspect important et nous n’avonspas attendu la crise financière et économi-que pour nous y intéresser. La criseconfirme qu’une discipline unique nepermet pas de résoudre les problèmes.Ceux-ci doivent faire l’objet d’une approcheglobale.

Le débat sur l’avenir des universités est-il mené sur la scène internationale?En raison de la crise, HSG est actuellementsous haute surveillance – à l’instar de toutesles universités d’économie. Nous avonsrallié la Community of European Manage-ment Schools et constatons que toutes lesuniversités partenaires font face aux mêmesdéfis. Comment répondre aux questions etexigences de la société? À cet égard, noussommes mieux armés que les pures Busi-ness Schools. Notre large éventail decursus facilite les échanges entre étudiantset professeurs d’orientations différentes.Cela nous procure également un avantagevis-à-vis des autres universités. Tout n’estcependant pas parfait. Nous devons recon-sidérer la situation, en particulier en ce quiconcerne l’interaction entre cursus généralet cursus spécialisé.

Vous demandez aux étudiants de fairepreuve de responsabilité sociale. Qu’en-tendez-vous par-là?La responsabilité sociale consiste à témoi-gner de l’intérêt pour la communauté. Celle-ci se compose d’individus différents ayantune histoire différente et des intérêts, desperceptions et des besoins différents. Lors-que les esprits sont ouverts, une bonnepartie du chemin est déjà accomplie. Ausein d’organisations estudiantines, les

étudiants peuvent faire en sorte que leurengagement ne profite pas uniquement àd’autres membres du groupe, mais aussi àl’ensemble des étudiants.

Vous-même êtes professeur d’économiepolitique «avec un intérêt particulier pourles rapports entre l’économie et l’écolo-gie». Entreprendre tout en se souciant del’environnement, c’est aussi faire preuvede responsabilité sociale.Il s’agit surtout de se poser la question desfondements du bien-être humain. L’environ-nement y joue un rôle considérable – d’où laquestion suivante: «Vaut-il la peine de privi-légier une perspective à long terme plutôtqu’à court terme?» Il va de soi que nousavons une obligation envers les générationsfutures; mais une entreprise doit aussi obéirà des considérations économiques, et ledéfi consiste à concilier ces deux objectifs.

La politique et l’économie sont encoretoujours dominées par les hommes. HSGconsent-elle suffisamment d’efforts pourpromouvoir le rôle des femmes?Le nombre d’étudiantes est en hausseconstante, mais il reste en-deçà de lamoyenne en raison des spécificités de notreoffre. La gente féminine représenteaujourd’hui environ 38% des étudiants; cechiffre était encore de 28% il y a dix ans.Notre potentiel reste toutefois considérablepar rapport à d’autres universités, qui affi-chent une proportion de femmes de plus de50%, mais aussi un spectre de cours diffé-rent. Nous sommes très soucieux de lapromotion des femmes. Depuis 2008, lecours de perfectionnement «Women Backto Business» est destiné aux femmes quienvisagent de réintégrer le monde dutravail.

Peut-on envisager une rectrice à la têted’HSG?Oui, naturellement.

Quels enseignements tirez-vous de vosdouze derniers mois en tant que recteurde l’Université de Saint-Gall?L’enseignement universitaire s’appuie sur larecherche, qui en constitue l’élément essen-tiel. La recherche ne cesse de se spéciali-ser, c’est une évolution inévitable. Le déficonsiste à ce que les chercheurs de plus enplus spécialisés ne se contentent pas decreuser des trous profonds dans le cadre deleur recherche, mais élèvent également descollines d’où l’on peut avoir une vue d’en-semble.

Comme vous l’avez dit, HSG est soushaute surveillance. La crise économiquevous a-t-elle porté préjudice?Non, nous voyons cela comme un défi quinous permettra de mieux préparer l’avenir.Je ne suis pas un adepte du débat sur lesresponsabilités. Il est plus intéressant de sedire que les dimensions, les multiples facet-tes et les retombées de la crise financière etéconomique offrent un potentiel énorme entermes de leçons à tirer et de recyclage, deréaffirmation ou de remplacement deconceptions anciennes. Nous devons saisircette opportunité, car les cartes sont égale-ment redistribuées au sein des établisse-ments d’enseignement supérieur. //

«Je ne suis pas un adeptedu débat sur les respon-sabilités. Il est plus intéressant de se dire queles dimensions de la crisefinancière et économiqueoffrent un potentielénorme en termes deleçons à tirer.»

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«Ulysses»: Une école d’agriculture pour 50 pays.

Il y a un an exactement que PhilipposSoseilos, directeur du département Exper-tise comptable et de l’équipe People &Change chez PwC à Chypre, s’est rendu enAmérique latine dans le cadre duprogramme «Ulysses». Il avait choisi departiciper à un projet complexe qui consis-tait – en résumé – à élaborer une stratégiepour l’implantation d’une école d’agriculturedans 50 pays. L’école devait permettre àdes personnes habitant des régions ruralesdéfavorisées de s’en sortir seules au moyende microcrédits. «Notre mission consistait àétudier en détail l’école existante au Para-guay et à développer un modèle, en colla-boration avec d’autres équipes internatio-nales, que l’on pourrait ensuite appliquer àd’autres pays», explique Philippos Soseilos.«Ce fut une leçon incroyablement intenseen termes de diversité!»Mais aussi un processus d’apprentissagepersonnel. Philippos Soseilos reconnaît qu’iln’avait jamais autant réfléchi sur lui-mêmequ’à l’occasion des mois qu’il a consacrésau projet «Ulysses»: «Mes forces et mes

faiblesses, mes valeurs, la source de monénergie, tout a été mis à l’épreuve», sesouvient-il. «Cet énorme travail d’équipeavec des personnes de cultures différentesm’a fait comprendre que nous avions tousun rôle à jouer dans la société, sur cetteplanète; et que nous avions la responsabi-lité de mettre en place un développementdurable à l’échelle mondiale.»Philippos Soseilos a commencé à regarderle monde, et sa propre personne, avecd’autres yeux. «Les voyages que j’ai réali-sés dans le cadre du projet m’ont confrontéà une extrême pauvreté. Ça m’a renduhumble. Surtout après avoir vu à quel pointces gens, qui selon notre conception deschoses ne possèdent rien, étaient généreux,altruistes et même heureux. L’un d’eux m’a

dit: «Vous avez les montres, nous avons letemps.» C’est un bon mot, bien entendu,mais il renferme une vérité qui mérite quel’on y réfléchisse.»Grâce à «Ulysses», Philippos Soseilos aappris à écouter très attentivement. «Je suisbeaucoup plus attentif aujourd’hui dansmon travail mais aussi dans le privé. J’es-saie de créer une base de confiance surlaquelle peut reposer une vraie communica-tion. Il est aujourd’hui extrêmement impor-tant pour moi de comprendre la significationprofonde d’un message – et non plus seule-ment de réagir à ce que mon interlocuteurvient de dire.» À 43 ans, il est convaincuqu’apprendre et changer est le processusde toute une vie. Un processus qui permetde vivre des valeurs au quotidien et d’abor-der autrui avec patience et ouverture d’es-prit. «Pour pouvoir faire face aux problèmesde notre époque, nous devrions tousmarcher dans la même direction. Ce n’estpossible que si nous nous efforçons sincè-rement de mieux nous comprendre.» //

Des expériences marquantes: le collaborateur de PwC, Philippos Soseilos (au centre), au Paraguay.

«Ulysses» est un programme de développement de PricewaterhouseCoopers visant à favoriser leleadership. Les associés de PwC qui y participentfont preuve d’un potentiel pour une carrière dedirection et sont désignés par leurs organisationsnationales. Pendant deux mois, ils collaborent dansdes Etats du Tiers Monde avec des acteurs sociaux,des ONG ou des organisations internationales ausein d’équipes multiculturelles (3 à 4 personnes).Les projets sélectionnés représentent un défi et leuroffrent la possibilité d’utiliser leurs compétencesprofessionnelles dans un environnement complète-ment différent.

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Le succès d’une entreprise est une question de rentabilité durable, qui exige elle-même de l’ouverture et de la crédibilité. Expression d’une gouvernance moderne, la transparence est indispensable au développement de la confiance. PricewaterhouseCoopers vous aide à renforcer la position de votre entreprise sur les marchés financiers et dans l’opinion publique. Et à lui assurer un maximum de succès. Quelle est la question qui vous interpelle?

Le secret est-il la clé du succès?Sandra Böhm, PricewaterhouseCoopers Zurich

www.pwc.ch

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ceo* optimisme/réalisme

Andy Schmid:«J’ai confiance dans nospoints forts.»

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Maja Storch: «Dans les situations diffi-ciles, un chef d’entreprisedoit pouvoir accepterd’être embarrassé.»

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Susanne Suter:«Compromis entre optimisme et sens desréalités.»

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Jean-Marc Bolinger:«Remplacer le boniment marketing parde la substance.»

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*connectedthinking CO

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