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https://www.laicite.be/magazine-article/cooperation-de- gestion-migrations/ Accueil > Espace de libertés > Espace de libertés | Avril 2019 (n° 478) > Sans coopération, pas de gestion des migrations Espace de libertés | Avril 2019 (n° 478) Édito o 50 ans d’engagement solidaire Opinion o Antisémitisme : appliquer la loi, une priorité Quoi?! o Pas de bougies pour Vottem o Déni de sexualité o Favoritisme financier Grand entretien o Repenser notre rapport à la vie. Un entretien avec Aurélien Barrau Dossier o Multilatéralisme, la fin d’une époque ? o Dommages multilatéraux o Sans coopération, pas de climat o Sans coopération, pas de gestion des migrations o Nations (et citoyens) pour la paix o Le développement, ça dure énormément o Réguler la mondialisation o Loyaux services Ltd. Libres ensemble o Un mouvement laïque en pleine maturité o Traumas sur les chemins de l’exil o Un monde fini commence. Une rencontre avec Gauthier Chapelle o Série ÉVRAS │ Épisode 4 – Préserver l’intime International o Génération post-révolution o Le blues des ONG o Ariel Sharon ou le monstre humanisé

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Espace de libertés | Avril 2019 (n° 478) Édito

o 50 ans d’engagement solidaire Opinion

o Antisémitisme : appliquer la loi, une priorité Quoi?!

o Pas de bougies pour Vottem o Déni de sexualité o Favoritisme financier

Grand entretien o Repenser notre rapport à la vie. Un entretien avec Aurélien Barrau

Dossier o Multilatéralisme, la fin d’une époque ? o Dommages multilatéraux o Sans coopération, pas de climat o Sans coopération, pas de gestion des migrations o Nations (et citoyens) pour la paix o Le développement, ça dure énormément o Réguler la mondialisation o Loyaux services Ltd.

Libres ensemble o Un mouvement laïque en pleine maturité o Traumas sur les chemins de l’exil o Un monde fini commence. Une rencontre avec Gauthier Chapelle o Série ÉVRAS │ Épisode 4 – Préserver l’intime

International o Génération post-révolution o Le blues des ONG o Ariel Sharon ou le monstre humanisé o Concurrence mémorielle

Culture o N’oublions jamais de nous regarder. Une rencontre avec Jean-Dominique

Burton o L’Afrique de papa o Des rêves ici, et pas ailleurs

Des idées et des mots o Périple à la rencontre de l’Autre o Raconte-moi une histoire o Des radicalités

Coup de pholie o C’est un miracle !

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sommaire

Sans coopération, pas de gestion des migrations par Elodie Hut Partager l'article

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Dossier La question migratoire a constitué un facteur décisif en faveur du « Brexit » en 2016. Les débats internes concernant l’adoption du Pacte global sur les migrations en décembre dernier ont quant à eux provoqué la chute du gouvernement Michel en Belgique1. Quelles leçons en tirer  ?

En Europe et au-delà, de nombreux exemples illustrent l’enjeu que représentent les migrations dans les dynamiques intra et interétatiques. Certains auteurs reconnaissent l’existence d’une « diplomatie migratoire », arguant que les intérêts des États découlent de leur positionnement en tant que pays d’émigration, d’immigration ou de transit2. La notion de gouvernance portant sur l’exercice d’un contrôle sur un territoire et une population, la gestion des flux migratoires constitue a priori une question de souveraineté nationale. Cependant, à l’ère du multilatéralisme et de la globalisation des échanges, les migrations se sont intensifiées et diversifiées, s’imposant progressivement – et inéluctablement – comme un enjeu diplomatique de taille.

Mobilité humaine : flux mixtes, enjeux complexesLa mobilité humaine revêt une multitude de formes et de réalités, ce qui en fait un objet d’étude et de gouvernance complexe. Les facteurs migratoires – sociaux, politiques, économiques, environnementaux, démographiques – s’influencent mutuellement et mobilisent divers instruments à de multiples échelles. Que l’on considère la mobilité volontaire ou forcée, les mouvements à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières, ou encore les différentes aspirations des migrants, il est nécessaire de concevoir les flux humains comme un continuum de parcours mixtes et fragmentés qui sous-entendent une coopération entre pays d’origine, de transit et de destination. À ce titre, le Pacte global pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté par plus de 150 États en décembre 2018, constitue le premier outil destiné à couvrir la gestion des migrations internationales de manière exhaustive. Malgré son caractère non contraignant, cet instrument a fait l’objet de fortes résistances de la part de certains gouvernements, opposés dans leurs discours et leurs pratiques, à des mesures pro-migration et soutenus dans leur vision par leurs électorats respectifs. Bien que l’adoption de cet outil marque un tournant dans la « diplomatie

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migratoire » des États, seule une mise en œuvre audacieuse de ses vingt-trois objectifs lui permettra d’atteindre son plein potentiel.

Ce Pacte s’ajoute ainsi à la panoplie d’outils prévoyant la gestion des flux humains, tels que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ou encore la Convention de l’Union africaine de 2009 relative aux déplacés internes. En plus de soutenir les systèmes nationaux d’asile, les agences onusiennes (HCR et OIM en tête) prévoient trois solutions « durables » visant les personnes reconnues comme réfugiés : l’intégration locale, la réinstallation dans un pays tiers et le retour volontaire. Ces mécanismes sont mis en œuvre en coopération avec les États, par le biais de négociations et d’accords multipartites ou bilatéraux (quotas de réinstallation, accords de retour) reconnaissant ainsi la souveraineté des États en matière d’asile et d’immigration.

L’UE et la « crise des migrants »Depuis l’avènement de la crise de l’accueil des migrants en 2014, les autorités nationales et européennes ont mis en place un nombre de mesures ad hoc, telles qu’un programme de relocalisation temporaire, le système des hotspots en Grèce et en Italie, ou encore des accords bilatéraux avec des pays tiers (comme l’accord UE-Turquie de 2016). En réalité, ces mesures ont contribué à renforcer des pratiques antérieures de sécurisation et d’externalisation des frontières (le « système de Dublin »), de criminalisation et de dissuasion des migrations. La gestion des flux migratoires en Méditerranée est ainsi devenue un symbole de l’échec de la solidarité européenne. Dans ce contexte, ONG et citoyens ont pris le relais pour pallier les manquements des autorités et faire face aux besoins des demandeurs d’asile, finissant souvent par en payer le prix fort (comme le retrait du pavillon de l’Aquarius par Gibraltar et le Panama ou la multiplication des « délits de solidarité »). Malgré une forte réduction du nombre d’arrivées en Méditerranée depuis le pic de 2015, les traversées restent toujours aussi meurtrières, démontrant le caractère insidieux des mesures de reconduite aux frontières et du

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durcissement des conditions de sauvetage en mer. Les élections européennes de mai 2019 constituent à ce titre un enjeu majeur pour les politiques d’asile et de migrations, notamment dans le cadre de la révision du régime d’asile européen commun (RAEC).

Un modèle à réinventerÀ l’instar d’autres phénomènes démographiques tels que le vieillissement de la population, les migrations constituent un phénomène structurel inéluctable qu’il est inconcevable de vouloir freiner. Il devient ainsi urgent de réinventer notre modèle de gouvernance et de coopération vis-à-vis de celles-ci. Il apparaît avant tout nécessaire de dépasser la dichotomie opposant « réfugiés » et « migrants économiques ». À l’ère des flux « mixtes », les migrants forment un groupe diversifié, possédant des besoins et des droits variés, qui coïncident souvent, et qu’il serait injuste de vouloir hiérarchiser. La question du renforcement de voies complémentaires d’accès sûres et légales vise ainsi à élargir les critères d’accueil des migrants par les États tout en affaiblissant l’économie des passeurs3. Parmi ces modes d’accès complémentaires à l’asile figurent l’octroi de visas humanitaires, les systèmes à points, de quotas et de loterie, la simplification des procédures de regroupement familial ou d’octroi de visas d’études, ou encore la mise en place de systèmes de parrainage privé ou communautaire et de programmes de mobilité des travailleurs.

Autre phénomène marquant : les changements environnementaux constituent désormais – devant les conflits et les difficultés socio-économiques – le principal facteur de mobilité à travers le monde. L’IDMC estimait à 18,8 millions le nombre de nouveaux déplacements internes liés aux catastrophes en 2017 (contre 11,8 millions liés aux conflits)4. Malgré cela, les « migrants environnementaux » demeurent souvent écartés des mécanismes de gouvernance des migrations5. La mise en place de solutions intégrées permettrait davantage de cohérence : migrations environnementales et économiques se confondent souvent, notamment lorsqu’un choc environnemental affecte la sécurité alimentaire d’un ménage dépendant des ressources naturelles, ce qui constitue alors un facteur de migration ou de déplacement potentiel.

Pour se départir de l’idée selon laquelle les mouvements de populations constitueraient des « crises » à gérer de manière conjoncturelle et afin d’améliorer la coopération des États en matière de gestion des migrations, ces derniers doivent par conséquent se distancer des approches réactives et promouvoir une vision axée sur le long terme, inclusive et participative. Pour garantir une justice migratoire et initier les réformes de fond requises au sein de leurs systèmes nationaux, ils doivent davantage consulter et intégrer dans le processus décisionnel des acteurs de première ligne, tels que les autorités locales, la communauté scientifique, la société civile et avant tout, les migrants et, les diasporas.

 

1 Vincent Georis, « Fausse crise migratoire, vraie crise politique », dans L’Écho, 5 janvier 2019.2 Fiona B. Adamson, Gerasimos Tsourapas, « Migration Diplomacy in World Politics », dans International Studies Perspectives, n°0, 2018, pp. 1-16.3 François Gemenne, et Pierre Verbeeren, Au-delà des frontières. Pour une justice migratoire, Bruxelles, Centre d’Action Laïque, 2018.4 IDMC, Global Report on Internal Displacement 2018, mai 2018.

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5 Élodie Hut, Migrations environnementales : un phénomène structurel à intégrer dans l’agenda global du développement. L’asile en France et en Europe. État des lieux 2018, juin 2018, Forum Réfugiés-Cosi.