Origine Cultes

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Abrg de l'origine de tous les cultes

par Charles-Franois Dupuis

Prface Chapitre premier De lUnivers-Dieu et de son culte. Chapitre II Universalit du culte rendu la nature, prouve par lhistoire et par les monuments politiques et religieux. Chapitre III De lunivers anim et intelligent. Chapitre IV Des grandes divisions de la nature en causes active et passive, et en principes, lumire et tnbres. Chapitre V Explication de lhraclide ou du pome sacr, sur les douze mois et sur le soleil, honor sous le nom dHercule. Chapitre VI Explication des voyages dIsis ou de la lune, honore sous ce nom en gypte. Chapitre VII Explication des Dionysiaques, ou du pome de Nonnus sur le soleil, ador sous le nom de Bacchus. Chapitre VIII Chapitre IX Explication de la fable faite sur le Soleil, ador sous le nom de Christ. Chapitre X Du culte et des opinions relgieuses, considrs dans leurs rapports avec les devoirs de lhomme et avec ses besoins. Chapitre XI Des mystres. Chapitre XII Explication abrge dun ouvrage apocalyptique des initis aux mystres de la Lumire, et du Soleil, ador sous le symbole de lAgneau du printemps ou du Blier cleste. Prface

Plusieurs personnes ayant paru dsirer que je donnasse au public labrg de mon grand ouvrage sur lorigine des cultes, jai cru ne devoir pas diffrer plus longtemps remplir leur attente. Je lai analys de manire prsenter le prcis des principes sur lesquels ma thorie est tablie, et donner un extrait de ses plus importants rsultats, sans mappesantir sur les dtails, que lon trouvera toujours dans le grand ouvrage. Ce second ne sera point inutile ceux qui ont dj le premier, puisqu'il les dirigera dans la lecture de plusieurs volumes qui, par la nature mme du travail, placent le commun des lecteurs au-del du cercle des connaissances ordinairement requises, pour lire avec fruit et sans trop deffort un ouvrage drudition. Ils y trouveront un rsultat succinct de leur lecture, et prcisment ce qui doit rester dans la mmoire de ceux qui ne veulent pas se jeter dans ltude approfondie de lantiquit, et qui dsirent nanmoins connatre son esprit religieux. Quant ceux qui nont pas acquis la grande dition, ils auront dans cet abrg un extrait des principes du nouveau systme dexplications, et un tableau assez dtaill des dcouvertes auxquelles il a conduit, et une ide de celles auxquelles il peut mener encore ceux qui suivront la route nouvellement ouverte ltude de lantiquit. Il offrira aux uns et aux autres des morceaux neufs qui ne sont point dans le grand ouvrage. Je lai dpouill, autant que la matire la permis, de la haute rudition, afin de le mettre la porte du plus grand nombre dhommes quil serait possible ; car linstruction et le bonheur de mes semblables ont t et seront toujours le but de mes travaux.

Chapitre premier. De lUnivers-Dieu et de son culte.Le mot Dieu parat destin exprimer lide de la force universelle et ternellement active, qui imprime le mouvement tout dans la nature, suivant les lois dune harmonie constante et admirable, qui se dveloppe dans les diverses formes que prend la matire organise, qui se mle tout, anime tout, et qui semble tre une dans ses modifications infiniment varies, et nappartenir qu elle-mme. Telle est la force vive que renferme en lui lunivers ou cet assemblage rgulier de tous les corps, quune chane ternelle lie entre eux, et quun mouvement perptuel roule majestueusement au sein de lespace et du temps sans bornes. Cest dans ce vaste et merveilleux ensemble que lhomme, du moment quil a voulu raisonner sur les causes de son existence et de sa conservation, ainsi que sur celles des effets varis qui naissent et se dtruisent autour de lui, a d placer dabord cette cause souverainement puissante qui fait tout clore, et dans le sein de laquelle tout rentre pour en sortir encore par une succession de gnrations nouvelles et sous des formes diffrentes. Cette force tant celle du Monde lui-mme, le Monde fut regard comme Dieu ou comme cause suprme et universelle de tous les effets quil produit, et dont lhomme fait partie. Voil le grand dieu, le premier ou plutt lunique dieu, qui sest manifest lhomme travers le voile de la matire quil anime, et qui forme limmense corps de la Divinit. Tel est le sens de la sublime inscription du temple de Sas1 : Je suis tout ce qui a t, tout ce qui est, tout ce qui sera, et nul mortel na encore lev le voile qui me couvre2. Quoique ce dieu ft partout, et ft tout ce qui porte un caractre de grandeur et de perptuit dans ce Monde ternel, lhomme le chercha de prfrence dans ces rgions leves, o semble voyager lastre puissant et radieux qui inonde lunivers des flots de sa lumire, et par lequel sexerce sur la terre, la plus belle comme la plus bienfaisante action de la Divinit. Cest sur la vote azure, seme de feux brillants, que le Trs-Haut paraissait avoir tabli son trne ; ctait du sommet des cieux quil tenait les rnes du Monde, quil dirigeait les mouvements de son vaste corps, et quil se contemplait lui-mme dans les formes aussi varies quadmirables sous lesquelles il se modifiait sans cesse. Le Monde, dit Pline3, ou ce que nous appelons autrement le Ciel, qui dans ses vastes flancs embrasse tous les tres, est un Dieu ternel, immense, qui na jamais t produit et ne sera jamais dtruit. Chercher quelque chose au-del est un travail inutile lhomme et hors de sa porte. Voil ltre vritablement sacr, ltre ternel, immense, qui renferme tout en lui ; il est tout en tout, ou plutt il est lui-mme tout. Il est louvrage de la Nature et la Nature elle-mme. Ainsi parle le plus philosophe comme le plus savant des naturalistes anciens. Il croit devoir donner au Monde et au ciel le nom de cause suprme et de Dieu. Suivant lui, le Monde travaille ternellement en lui-mme et sur lui-mme ; il est en mme temps, et louvrier, et louvrage. Il est la cause universelle de tous les effets quil renferme. Rien nexiste hors de lui : il est tout ce qui a t, tout ce qui est, tout ce qui sera, cest--dire, la nature elle-mme ou Dieu ; car par Dieu nous entendons ltre ternel, immense et sacr, qui, comme cause, contient en1 De Iside, p. 354 2 Platon, in Tim., p. 31, parlant de lunit du monde, appelle le Ciel : Cet tre unique qui a t, qui

est et qui sera. 3 Histoires naturelles, II, 1.

lui tout ce qui est produit. Tel est le caractre que Pline donne au Monde, quil appelle le grand dieu, hors duquel on ne doit pas en chercher dautre. Cette doctrine remonte la plus haute antiquit chez les gyptiens et chez les indiens. Les premiers avaient leur grand Pan, qui runissait tous les caractres de la nature universelle, et qui originairement ntait quune expression symbolique de sa force fconde. Les seconds ont leur dieu Vishnou, quils confondent souvent avec le Monde luimme, quoique quelquefois ils nen fassent quune fraction de la triple force dont se compose la force universelle. Ils disent que lunivers nest autre chose que la forme de Vishnou ; quil le porte dans son sein ; que tout ce qui a t, tout ce qui est, tout ce qui sera, est en lui ; quil est le principe et la fin de toutes choses, quil est tout, quil est un tre unique et suprme, qui se produit nos yeux sous mille formes. Cest un tre infini, ajoute le Bagawadam, qui ne doit pas tre spar de lunivers, qui est essentiellement un avec lui. Car, disent les Indiens, Vishnou est tout, et tout est en lui ; expression parfaitement semblable celle dont Pline se sert pour caractriser lUnivers-Dieu ou le Monde, cause suprme de tous les effets produits. Dans lopinion des Brahmes, comme dans celle de Pline, louvrier ou le grand Demiourgos nest pas spar ni distingu de son ouvrage. Le Monde nest pas une machine trangre la Divinit, cre et mue par elle et hors delle ; cest le dveloppement de la substance divine ; cest une des formes sous laquelle Dieu se produit nos regards. Lessence du Monde est une et indivisible avec celle de Brama qui lorganise. Qui voit le Monde voit Dieu, autant que lhomme peut le voir ; comme celui qui voit le corps de lhomme et ses mouvements, voit lhomme autant quil peut tre vu, quoique le principe de ses mouvements, de sa vie et de son intelligence reste cach sous lenveloppe que la main touche et que lil aperoit. Il en est e mme du corps sacr de la Divinit ou de lUniversDieu. Rien nexiste quen lui et que par lui : hors de lui tout est nant ou abstraction. Sa force est celle de la Divinit mme. Ses mouvements sont ceux du Grand-tre, principe de tous les autres ; et son ordre admirable, lorganisation de sa substance visible, et de la partie de lui-mme que Dieu montre lhomme. Cest dans ce magnifique spectacle que la Divinit nous donne delle-mme, que nous avons puis les premires ides de Dieu ou de la cause suprme ; cest sur lui que se sont attachs les regards de tous ceux qui ont cherch les sources de la vie de tous les tres. Ce sont les membres divers de ce corps sacr du Monde quont ador les premiers hommes ; et non pas de faibles mortels que le torrent des sicles emporte dans son courant. Et quel homme en effet et jamais pu soutenir le parallle quon et voulu tablir entre lui et la nature ? Si lon prtend que cest la force que lon a lev dabor des autels, quel est le mortel dont la force ait pu tre compare cette force incalculable rpandue dans toutes les parties du Monde, qui sy dveloppe sous tant de formes et par tant de degrs varis ; qui produit tant deffets merveilleux, qui tient en quilibre le soleil au centre du systme plantaire, qui pousse les plantes et les retient dans leurs orbites, qui dchane les vents, soulve les mers ou calme les temptes, lance la foudre, dplace et bouleverse les montagnes par les explosions volcaniques, et tient dans une activit ternelle tout lunivers ? Croyons-nous que ladmiration que cette force produit aujourdhui sur nous ait

pas galement saisi les premiers mortels qui contemplrent en silence le spectacle du Monde, et qui cherchrent deviner la cause puissante qui faisait jouer tant de ressorts ? Que le fils dAlcmne ait remplac lUnivers-Dieu et lait fait oublier, nest-il pas plus simple de croire que lhomme, ne pouvant peindre la force de la nature que par des images aussi faibles que lui, a cherch dans celle du lion ou dans celle dun homme robuste lexpression figure, quil destinait rveiller lide de la force du Monde ? Ce nest point lhomme ou Hercule qui sest lev la hauteur de la Divinit ; cest la Divinit qui a t abaisse au niveau de lhomme, qui manquait de moyens pour la peindre. Ce ne fut donc point lapothose des hommes, mais la dgradation de la Divinit par les symboles et les images, qui a sembl dplacer tout dans le culte rendu la cause suprme et ses parties, et dans les ftes destines chanter ses plus grandes oprations. Si cest la reconnaissance des hommes pour les bienfaits quils avaient reus, que lon croit devoir attribuer linstitution des crmonies religieuses et des mystres les plus augustes de lantiquit, peut-on penser que des mortels, soit Crs, soit Bacchus, aient mieux mrit de lhomme, que cette terre qui de son sein fcond fait clore les moissons et les fruits que le ciel alimente de ses eaux, et que le soleil chauffe et mri de ses feux ? Que la nature qui nous prodigue ses biens, ait t oublie, et quon ne se soit souvenu que de quelques mortels qui auraient enseign en faire usage ? Penser ainsi, cest bien peu connatre lempire que la nature a toujours exerc sur lhomme, dont elle tient sans cesse les regards tourns vers elle, par leffet du sentiment de sa dpendance et de ses besoins. Il est vrai que quelquefois des mortels audacieux ont voulu disputer aux vrais dieux leur encens, et le partager avec eux ; mais ce culte forc ne dura quautant de temps que la flatterie ou la crainte eut intrt de le perptuer. Domitien ntait dj plus quun monstre sous Trajan ; Auguste lui-mme fut bientt oubli ; mais Jupiter resta en possession du capitole. Le vieux Saturne fut toujours respect des descendants des antiques peuplades dItalie, qui rvraient en lui le dieu du temps, ainsi que Janus ou le gnie qui lui ouvre la carrire des saisons ; Pomone et Flore conservrent leurs autels ; et les diffrents astres continurent dannoncer les ftes du calendrier sacr, parce quelles taient celles de la nature. La raison des obstacles qua toujours trouvs le culte dun homme stablir et se soutenir parmi ses semblables, est tire de lhomme mme, compar au Grand-tre que nous appelons lunivers. Tout est faiblesse dans lhomme ; dans lunivers, tout est grandeur, tout est force, tout est puissance. Lhomme nat, crot et meurt, et partage peine un instant la dure ternelle du Monde, dont il occupe un point infiniment petit. Sorti de la poussire, il y rentre aussitt tout entier, tandis que la nature seule reste avec ses formes et sa puissance, et des dbris des tres mortels elle recompose de nouveaux tres. Elle ne connat point de vieillesse ni daltration dans ses forces. Nos pres ne lont point vue natre ; nos arrires neveux ne la verront point finir. En descendant au tombeau, nous la laisserons aussi jeune quelle ltait lorsque nous sommes sortis de son sein. La postrit la plus recule verra le soleil se lever aussi brillant que nous le voyons, et que lont vu nos pres. Natre, crotre, vieillir et mourir expriment des ides qui sont trangres la nature universelle, et qui nappartiennent qu lhomme et aux autres effets quelle produit. LUnivers, dit Ocellus de Lucanie (c. 1, 6), considr dans sa totalit, ne nous annonce rien qui dcle une origine ou prsage une destruction : on ne la pas vu natre, ni crotre, ni samliorer ; il est toujours le mme, de la mme manire, toujours gal et semblable lui-mme.

Ainsi parlait un des plus anciens philosophes dont les crits soient parvenus jusqu nous, et depuis lui nos observations ne nous en ont pas appris davantage. LUnivers nous parat tel encore quil lui paraissait tre alors. Ce caractre de perptuit sans altration, nest-il pas celui de la Divinit ou de la cause suprme ? Que serait donc Dieu, sil ntait pas tout ce que nous paraissent tre la nature et la force interne qui la meut ? Irons-nous chercher hors du Monde cet tre ternel et improduit, dont rien ne nous atteste lexistence ? Placerons-nous dans la classe des effets produits cette immense cause au-del de laquelle nous ne voyons rien que les fantmes quil plat notre imagination de crer ? Je sais que lesprit de lhomme, que rien narrte dans ses carts, sest lanc au-del de ce que son il voit, et a franchi la barrire sacre que la Nature avait pose devant son sanctuaire. Il a substitu la cause quil voyait agir, une cause quil ne voyait pas hors delle et suprieure elle, sans sinquiter des moyens den prouver la ralit. Il a demand qui a fait le Monde, comme sil et t prouv que le Monde et t fait, et il na pas demand qui a fait son dieu, tranger au Monde, bien persuad quon pouvait exister sans avoir t fait ; ce que les philosophes ont pens effectivement du Monde ou de la cause universelle et visible. Lhomme, parce quil nest quun effet, a voulu que le Monde en ft aussi un, et dans le dlire de sa mtaphysique il a imagin un tre abstrait appel Dieu, spar du Monde et cause du Monde, plac au dessus de la sphre immense qui circonscrit le systme de lunivers, et lui seul sest trouv garant de lexistence de cette nouvelle cause ; cest ainsi que lhomme a cr Dieu. Mais cette conjecture audacieuse nest point le premier pas quil a fait. Lempire quexerce sur lui la cause visible, est trop fort pour quil ait song sitt sy soustraire. Il a cru longtemps au tmoignage de ses yeux avant de se livrer aux illusions de son imagination, et de se perdre dans les routes inconnues dun Monde invisible. Il a vu Dieu ou la grande cause dans lunivers, avant de le chercher au-del, et il a circonscrit son culte dans la sphre du Monde quil voyait, avant dimaginer un dieu abstrait dans un Monde quil ne voyait pas. Cet abus de lesprit, ce raffinement de la mtaphysique est dune date trs rcente dans lhistoire des opinions religieuses, et peut tre regard comme une exception la religion universelle, qui a eu pour objet la nature visible et a pour objet la nature visible et la force active et intelligente qui parat rpandue dans toutes ses parties, comme il nous est facile de nous en assurer par le tmoignage des historiens et par les monuments politiques et religieux de tous les peuples anciens.

Chapitre II. Universalit du culte rendu la nature, prouve par lhistoire et par les monuments politiques et religieux.Ce nest plus par des raisonnements que nous chercherons prouver que lUnivers et ses parties, considrs comme autant de portions de la grande cause ou du Grand-tre, ont d attirer les regards et les hommages des mortels. Cest par des faits et par un prcis de lhistoire religieuse de tous les peuples, que nous pouvons dmontrer que ce qui a d tre a t effectivement, et que tous les hommes de tous les pays, ds la plus haute antiquit, nont eu dautres dieux que les dieux naturels, cest--dire, le Monde et ses parties les plus actives et les plus brillantes, le ciel, la terre, le soleil, la lune, les plantes, les astres fixes, les lments, et en gnral tout ce qui porte le caractre de cause et de perptuit dans la nature. Peindre et chanter le Monde et ses oprations, ctait autrefois peindre et chanter la divinit. De quelque ct que nous jetions nos regards (dans lancien comme dans le nouveau continent), partout la nature et ses principaux agents ont eu des autels. Cest son corps auguste, ce sont ses membres sacrs qui ont t lobjet de la vnration des peuples. Chrmon et les plus savants prtres de lgypte taient persuads, comme Pline, quon ne devait admettre rien hors le Monde, ou hors la cause visible, et ils appuyaient leur opinion de celle des plus anciens gyptiens, qui ne reconnaissaient, disent-ils, pour dieux, que le soleil, la lune, les plantes, les astres qui composent le zodiaque, et tous ceux qui, par leur lever ou leur coucher, marquent les divisions des signes, leurs sous divisions en dcans, lhoroscope et les astres qui y prsident, et que lon nomme chefs puissants du ciel. Ils assuraient que les gyptiens, regardant le soleil comme un grand dieu, architecte et modrateur de lUnivers, expliquaient non seulement la fable dOsiris, mais encore toutes leurs fables religieuses gnralement par les astres et par le jeu de leurs mouvements, par leur apparition, leur disparition, par les phases de la lune, par les accroissements ou la diminution de sa lumire, par la marche progressive du soleil, par les divisions du ciel et du temps dans leurs deux grandes parties, lune affecte au jour et lautre la nuit ; par le Nil ; enfin, par laction des causes physiques. Ce sont l, disaient-ils, les dieux arbitres souverains de la fatalit que nos pres ont honors par des sacrifices, et qui ils ont lev des images. Effectivement, nous avons fait voir dans notre grand ouvrage, que les animaux mmes, consacrs dans les temples de lgypte, et honors par un culte, reprsentaient les diverses fonctions de la grande cause, et se rapportaient au ciel, au soleil, la lune et aux diffrentes constellations, comme la trs bien aperu Lucien. Ainsi la belle toile Sirius ou la canicule fut honore sous le nom dAnubis, et sous la forme dun chien sacr, nourri dans les temples. Lpervier reprsenta le soleil, libis la lune, et lastronomie fut lme de tout le systme religieux des gyptiens. Cest au soleil et la lune, adors sous les noms dOsiris et dIsis, quils attribuaient le gouvernement du Monde, comme deux divinits premires et ternelles, dont dpendait tout le grand ouvrage de la gnration et de la vgtation dans notre Monde sublunaire. Ils btirent, en lhonneur de lastre qui nous distribue la lumire, la ville du soleil ou dHliopolis, et un temple dans lequel ils placrent la statue de ce dieu. Elle tait dore, et reprsentait un jeune homme sans barbe, dont le bras tait lev, et qui tenait en main un fouet, dans lattitude dun conducteur de chars ; dans sa main

gauche tait la foudre et un faisceau dpis. Cest ainsi quils dsignrent la puissance et tout ensemble la bienfaisance du dieu qui allume les feux de la foudre, et qui verse ceux qui font crotre et mrir les moissons. Le fleuve du Nil, dont le dbordement priodique vient tous les ans fconder par son limon les campagnes de lgypte, fut aussi honor comme dieu ou comme une des causes bienfaisantes de la nature. Il eut des autels et des temples Nilopolis ou dans la ville du Nil. Prs des cataractes, au dessus dlphantine, il y avait un collge de prtres attachs son culte. On clbrait les ftes les plus pompeuses en son honneur, au moment surtout o il allait pancher dans la plaine les eaux qui tous les ans venaient la fertiliser. On promenait dans les campagnes sa statue en grande crmonie ; on se rendait ensuite au thtre ; on assistait des repas publics ; on clbrait des danses et lon entonnait des hymnes semblables celles quon adressait Jupiter, dont le Nil faisait la fonction sur le sol dgypte. Toutes les autres parties actives de la nature reurent les hommages des gyptiens. On lisait sur une ancienne colonne une inscription en lhonneur des dieux immortels, et les dieux qui y sont nomms, sont le Souffle ou lAir, le Ciel, la Terre, le Soleil, la Lune, la Nuit et le Jour. Enfin le monde, dans le systme gyptien, tait regard comme une grande divinit, compos de lassemblage dune foule de dieux ou de causes partielles, qui ntaient autre chose que les divers membres du grand corps appel Monde ou de lUnivers-Dieu. Les Phniciens, qui avec les gyptiens ont le plus influ sur la religion des autres peuples, et qui ont rpondu dans lUnivers leurs thogonies, attribuaient la divinit au soleil, la lune, aux toiles, et ils les regardaient comme les seules causes de la production et de la destruction de tous les tres. Le soleil, sous le nom dHercule, tait leur grande divinit. Les thiopiens, pres des gyptiens, placs sous un climat brlant, nen adoraient pas moins la divinit du soleil, et surtout celle de la lune, qui prsidait aux nuits, dont la douce fracheur faisait oublier les ardeurs du jour. Tous les africains sacrifiaient ces deux grandes divinits. Cest en thiopie que lon trouvait la fameuse table du soleil. Ceux des thiopiens qui habitaient au dessus de Mro, admettaient des dieux ternels et dune nature incorruptible, nous dit Diodore, tels que le soleil, la lune, et tout lUnivers ou le Monde. Semblables aux Incas du Prou, ils se disaient enfants du soleil, quils regardaient comme leur premier pre ; Persina tait prtresse de la lune, et le roi son poux, prtre du Soleil. Les Troglodytes avaient ddi une fontaine lastre du jour : prs du temple dAmmon on voyait un rocher consacr au vent du midi, et une fontaine du Soleil. Les Blemmyes, situs sur les confins de lgypte et de lthiopie, immolaient des victimes humaines au soleil ; la roche Bagia et lle Nasala, situes au-del du territoire des Ichthyophages, taient consacres cet astre. Aucun homme nosait approcher de cette le, et des rcits effrayants en cartaient le mortel assez hardi pour y porter un pied profane. Cest ainsi que, dans lancienne Cyrnaque, il y avait un rocher, sur lequel personne ne pouvait sans crime porter la main ; il tait consacr auvent dOrient. Les divinits invoques comme tmoins, dans le trait des Carthaginois avec Philippe, fils de Dmtrius, sont le Soleil, la Lune, la Terre, les Rivires, les

Prairies et les Eaux. Massinissa, remerciant les dieux de larrive de Scipion dans son empire, sadresse au soleil. Encore aujourdhui, les habitants de lle Socotora et les hottentots conservent lancien respect que les africains eurent toujours pour la lune, quils regardaient comme le principe de la vgtation sublunaire ; ils sadressent elle pour obtenir de la pluie, du beau temps et de bonnes rcoltes. Elle est pour eux une divinit bienfaisante, telle que ltait Isis chez les gyptiens. Tous les Africains qui habitent la cte dAngola et du Congo, rvraient le soleil et la lune. Les insulaires de lle de Tnriffe les adoraient aussi, ainsi que les plantes et les autres astres, lorsque les espagnols y arrivrent. La Lune tait la grande divinit des Arabes. Les sarrasins lui donnaient lpithte de Cabar ou de Grande ; son croissant orne encore les monuments religieux des turcs. Son exaltation sous le signe du taureau, fut une des principales ftes des sarrasins et des Arabes sabens. Chacune des tribus Arabes tait sous linvocation dun astre ; la tribu Hamyaz tait consacre au soleil. La tribu Cennah ltait la lune ; la tribu Misa tait sous la protection de ltoile Aldebaran ; la tribu Ta sous celle de Canopus ; la tribu Kas, sous celle de Sirius ; les tribus Lachamus et Idamus honoraient la plante de Jupiter ; la tribu Asad celle de Mercure, et ainsi des autres. Chacune rvrait un des corps clestes, comme son gnie tutlaire. Atra, ville dArabie, tait consacre au soleil, et renfermait de riches offrandes dposes dans son temple. Les anciens Arabes donnaient souvent leurs enfants le titre de serviteurs du Soleil. La Caabah des Arabes, avant Mahomet, tait un temple consacr la Lune ; la pierre noire que les musulmans baisent avec tant de dvotion aujourdhui, est, ce quon prtend, une ancienne statue de Saturne. Les murailles de la grande mosque de Koufah, btie sur les fondements dun ancien Pyre ou temple du feu, sont charges de figures de plante artistement sculptes. Le culte ancien des Arabes tait le sabisme, religion universellement rpandue en Orient ; le ciel et les astres en taient le premier objet. Cette religion tait celle des anciens Chaldens, et les orientaux prtendent que leur Ibrahim ou Abraham fut lev dans cette doctrine. On trouve encore Hell, sur les ruines de lancienne Babylone, une mosque appele Mesced Eschams ou mosque du Soleil. Cest dans cette ville qutait lancien temple de Bel ou du Soleil, la grande divinit des Babyloniens ; cest le mme dieu auquel les Perses levrent des temples et consacrrent des images sous le nom de Mithra. Ils honoraient aussi le Ciel sous le nom de Jupiter, la Lune et Vnus, le Feu, la Terre, lAir ou le Vent, lEau, et ne reconnaissaient pas dautres dieux ds la plus haute antiquit. En lisant les livres sacrs des anciens Perses, contenus dans la collection des livres zends, on trouve chaque page des invocations adresses Mithra, la lune, aux astres, aux lments, aux montagnes, aux arbres et toutes les parties de la nature. Le feu ther, qui circule dans tout lUnivers, et dont le soleil est le foyer le plus apparent, tait reprsent dans les Pyres, par le feu sacr et perptuel entretenu par les mages. Chaque plante, qui en contient une portion, avait son Pyre ou son temple particulier, o lon brlait de lencens en son honneur : on allait dans la chapelle du Soleil rendre des hommages cet astre et y clbrer sa fte ; dans celle de Mars et de Jupiter, etc. Honorer Mars et Jupiter, et ainsi des autres plantes. Avant den venir aux mains avec Alexandre, Darius, roi de Perse, invoque le soleil, Mars et le feu sacr ternel. Sur le haut de sa

tente tait une image de cet astre, renferme dans le cristal, et qui rflchissait au loin des rayons. Parmi les ruines de Perspolis, on distingue la figure dun roi genoux devant limage du soleil ; tout prs est le feu sacr conserv par les mages, et que Perse, dit-on, avait fait autrefois descendre sur la terre. Les Parsis, ou les descendants des anciens disciples de Zoroastre, adressent encore leurs prires au soleil, la lune, aux toiles, et principalement au feu, comme au plus subtil et au plus pur des lments. On conservait surtout ce feu dans lAderbighian, o tait le grand Pyre des Perses, et Asaac, dans le pays des Parthes. Les Gubres tablis Surate conservent prcieusement dans un temple, remarquable par sa simplicit, le feu sacr dont Zoroastre enseigna le culte leurs pres. Niebuhr vit un de ces foyers, o lon prtend que le feu se conserve depuis plus de deux cents ans sans jamais steindre. Valarsacs leva un temple Armavir dans lancienne Phasiane, sur les bords de lAraxe, et il y consacra la statue du Soleil et de la Lune, divinits adores autrefois par les Ibriens, par les Albaniens et les Colchidiens. Cette dernire plante surtout tait rvre dans toute cette partie de lAsie, dans lArmnie et dans la Cappadoce, ainsi que le dieu Mois, que la Lune engendre par sa rvolution. Toute lAsie Mineure, la Phrygie, lIonie taient couvertes de temples levs aux deux grands flambeaux de la nature. La Lune, sous le nom de Diane, avait un magnifique temple phse. Le dieu Mois avait le sien prs Laodice, et en Phrygie ; le Soleil tait ador Thymbre dans la Troade, sous le nom dApollon. Lle de Rhodes tait consacre au soleil, auquel on avait lev une statue colossale, connue sous le nom de colosse de Rhodes. Au nord de lAsie, les Turcs tablis prs du Caucase, avaient un grand respect pour le feu, pour leau, pour la terre, quils clbraient dans leurs hymnes sacrs. Les Abasges, relgus au fond de la mer Noire, rvraient encore, du temps de Justinien, les bois, les forts, et faisaient des arbres leurs principales divinits. Toutes les nations scythiques, qui erraient dans les immenses contres qui sont au nord de lEurope et de lAsie, avaient pour principale divinit la terre, do ils tiraient leur subsistance, eux et leurs troupeaux ; ils la faisaient femme de Jupiter ou du ciel, qui verse en elle les pluies qui la fcondent. Les tarares qui habitent lOrient de lImas, adorent le soleil, la lumire, le feu, la terre, et offrent ces divinits les prmices de leur nourriture, principalement le matin. Les anciens Massagtes avaient pour divinit unique le soleil, qui ils immolaient des chevaux. Les Derbices, peuples dHyrcanie, rendaient un culte la terre. Tous les Tartares en gnral ont le plus grand respect pour le soleil ; ils le regardent comme le pre de la lune, qui emprunte de lui sa lumire ; ils font des libations en lhonneur des lments, et surtout en lhonneur du feu et de leau. Les Votiaks du gouvernement dOrenbourg adorent la divinit de la terre, quils appellent Mon-Kalzin ; le dieu des eaux, quils nomment Vou-Imnar ; ils adorent aussi le Soleil, comme le sige de leur grande divinit. Les Tatars, montagnards du territoire dOudiusk, adorent le Ciel et le Soleil.

Les Moskaniens sacrifiaient un tre suprme quils appelaient Schkai ; cest le nom quils donnaient au ciel. Lorsquils faisaient leurs prires, ils regardaient lOrient, ainsi que tous les peuples dorigine tchoude. Les Tchouvasches mettaient le soleil et la lune au nombre de leurs divinits ; ils sacrifiaient au soleil au commencement du printemps, au temps des semailles, et la lune chaque renouvellement. Les Toungouses adorent le soleil, et ils en font leur principale divinit ; ils le reprsentent par lemblme du feu. Les Huns adoraient le Ciel et la Terre, et leur chef prenait le titre de Tanjaou ou de fils du Ciel. Les Chinois, placs lextrmit orientale de lAsie, rvrent le ciel sous le nom u grand Tien, et ce nom dsigne, suivant les uns, lesprit du ciel ; suivant dautres, le ciel matriel. Cest lUranus des Phniciens, des Atlantes et des Grecs. Ltre suprme, dans le chou King, est dsign par le nom de Tien ou de Ciel, et de Chang-Tien, Ciel suprme. Les Chinois disent de ce ciel, quil pntre tout et comprend tout. On trouve la Chine les temples du Soleil et de la Lune, et celui des toiles du nord. On voit Thait-Toum aller au Miao offrir un holocauste au Ciel et la Terre. On trouve pareillement des sacrifices faits aux dieux des montagnes et des fleuves. Agoustha fait des libations lauguste Ciel et la Terre reine. Les Chinois ont lev un temple au Grand-tre rsultant de lassemblage du ciel, de la terre et des lments ; tre qui rpond notre mode, et quils nomment Tay-Ki : cest aux deux solstices que les Chinois vont rendre un culte au Ciel. Les peuples du Japon adorent les astres, et les supposent anims par des intelligences ou par des dieux. Ils ont leur temple de la splendeur du soleil ; ils clbrent la fte de la Lune le 7 de septembre. Le peuple passe la nuit se rjouir la lumire de cet astre. Les habitants de la terre dYeo adorent le Ciel. Il ny a pas encore neuf cents ans que les habitants de lle Formose ne connaissaient point dautres dieux que le soleil et la lune, quils regardaient comme deux divinits ou causes suprmes ; ide absolument semblable celle que les gyptiens et les Phniciens avaient de ces deux astres. Les Arrakanois ont lev dans lle de Munay un temple la lumire, sous le nom de temple des atomes du Soleil. Les habitants du Tunquin rvrent sept idoles clestes, qui reprsentent les sept plantes, et cinq terrestres consacres aux lments. Le Soleil et la Lune ont leurs adorateurs dans lle de Ceylan, la Tapobrane des anciens : on y rend aussi un culte aux autres plantes. Ces deux premiers astres sont les seules divinits des naturels de lle de Sumatra ; ce sont les mmes dieux que lon honore dans lle de Java, dans lle Cbles, aux les de la Sonde, aux Moluques, aux les Philippines. Les Talapoins ou les religieux de Siam ont la plus grande vnration pour tous les lments, et pour toutes les parties du corps sacr de la nature.

Les Indiens ont un respect superstitieux pour les eaux du fleuve du Gange ; ils croient sa divinit, comme les gyptiens celle du Nil. Le Soleil a t une des grandes divinits des Indiens, si lon en croit Clment DAlexandrie. Les Indiens, mme les spiritualistes, rvrent ces deux grands flambeaux de la nature, le soleil et la lune, quils appellent les deux yeux de la divinit. Ils clbrent tous les ans une fte en honneur du Soleil, le 9 janvier. Ils admettent cinq lments, auxquels ils ont lev cinq pagodes. Les sept plantes sont encore adores aujourdhui sous diffrents noms dans le royaume de Npal : on leur sacrifie chaque jour. Lucien prtend que les Indiens, en rendant leurs hommages au soleil, se tournaient vers lOrient, et que, gardant un profond silence, ils formaient une espce de danse imitative du mouvement de cet astre. Dans un de leurs temples on avait reprsent le dieu de la lumire mont sur un quadrige ou sur un char attel de quatre chevaux. Les anciens Indiens avaient aussi leur feu sacr, quils tiraient des rayons du soleil, sur le sommet dune trs haute montagne, quils regardaient comme le point central de lInde. Les Brahmes entretiennent encore aujourdhui, sur la montagne de Tirounamaly, un feu pour lequel ils ont la plus grande vnration. Ils vont au lever du soleil puiser de leau dans un tang, et ils en jettent vers cet astre, pour lui tmoigner leur respect et leur reconnaissance, de ce quil a voulu reparatre et dissiper les tnbres de la nuit. Cest sur lautel du soleil quils allumrent les flambeaux quils devaient porter devant Phaots leur nouveau roi, quils voulaient recevoir. Lauteur du Bagawadam reconnat que plusieurs Indiens adressent des prires aux toiles fixes et aux plantes. Ainsi le culte du Soleil, des Astres et des lments a form le fonds de la religion de toute lAsie, cest--dire, des contres habites par les plus grandes, par les plus anciennes comme les plus savantes nations, par celles qui ont le plus influ sur la religion des peuples doccident, et en gnral sur celle de lEurope. Aussi, lorsque nous reportons nos regards sur cette dernire partie de lancien Monde, y trouvons-nous le sabisme ou le culte du Soleil, de la Lune et des Astres galement rpandus, quoique souvent dguis sous dautres noms, et sous des formes savantes qui les ont fait mconnatre quelquefois de leurs adorateurs. Les anciens Grecs, si lon en croit Platon, navaient dautres dieux que ceux quadoraient les Barbares, du temps o vivait ce philosophe, et ces dieux taient le soleil, la lune, les astres, le ciel et la terre. Epicharmis, disciple de Pythagore, appelle dieux le soleil, la lune, les astres, la terre, leau et le feu. Orphe regardait le soleil comme le plus grand des dieux, et montant avant le jour sur un lieu lev, il y attendait lapparition de cet astre pour lui rendre des hommages. Agamemnon dans Homre, sacrifie au Soleil et la Terre. Le chur, dans ldipe de Sophocle, invoque le Soleil, comme tant le premier de tous les dieux et leur chef. La Terre tait adore dans lle de Cos : elle avait un temple Athnes et Sparte ; son autel et son oracle Olympie. Celui de Delphes lui fut originairement consacr. En lisant Pausanias, qui nous a donn la description de la Grce et de ses monuments religieux, on retrouve partout des traces du culte de la nature : on y voit des autels, des temples, des statues consacres au

Soleil, la Lune, la Terre, aux Pliades, au Cocher cleste, la Chvre, lOurse ou Callisto, la Nuit, aux Fleuves, etc. On voyait en Laconie, sept colonnes leves aux sept plantes. Le Soleil avait sa statue, et la Lune sa fontaine sacre Thalma, dans ce mme pays. Les habitants de Mgalopolis sacrifiaient au vent Bore, et lui avaient fait planter un bois sacr. Les Macdoniens adoraient Estia ou le Feu, et adressaient des prires Bedy ou llment de leau ; Alexandre, roi de Macdoine, sacrifie au Soleil, la Lune et la Terre. Loracle de Dodone, dans toutes ses rponses, exige que lon sacrifie au fleuve Achlos ; Homre donne lpithte de sacres aux eaux de lAlphe, Nestor et les Pyliens sacrifient un taureau ce fleuve. Achille laisse crotre ses cheveux en honneur du Spherchius ; il invoque aussi le vent Bore et le Zphyr. Les fleuves taient rputs sacrs et divins, tant cause de la perptuit de leurs cours, que parce quils entretenaient la vgtation, abreuvaient les plantes et les animaux, et parce que leau est un des premiers principes de la nature, et un des plus puissants agents de la force universelle du grand tre. En Thessalie, on nourrissait des corbeaux sacrs en lhonneur du soleil. On trouve cet oiseau sur les monuments du Mithra en Perse. Les temples de lancienne Byzance taient consacrs au Soleil, la Lune et Vnus. Ces trois astres, ainsi que lArcture ou la belle toile du Bouvier, les douze signes du zodiaque, y avaient leurs idoles. Rome et lItalie conservaient aussi une foule de monuments du culte rendu la nature et ses agents principaux. Tatius venant Rome partager le sceptre de Romulus, lev des temples au Soleil, la Lune, Saturne, la Lumire et au Feu. Le feu ternel ou Vesta tait le plus ancien objet du culte des romains ; des vierges taient charges de lentretenir dans le temple de cette desse, comme les mages en Asie dans leurs Pyres ; car ctait le mme culte que celui des Perses. Ctait, dit Jornands, une image des feux ternels qui brillent au ciel. Tout le Monde connat le fameux temple de Tellus ou de la Terre, qui servit souvent aux assembles du snat. La Terre prenait le nom de mre, et tait regarde comme une Divinit avec les mnes. On trouvait dans le Latium une fontaine du Soleil, auprs de laquelle taient levs deux autels, sur lesquels ne arrivant en Italie sacrifia. Romulus institua les jeux du cirque en lhonneur de lastre qui mesure lanne dans son cour, et des quatre lments quil modifie par son action puissante. Aurlien fit btir Rome le temple de lastre du jour, quil enrichit dor et de pierreries. Auguste, avant lui, y avait fait apporter dgypte les images du Soleil et de la Lune, qui ornrent son triomphe sur Antoine et sur Cloptre. La Lune avait son temple sur le Mont-Aventin. Si nous passons en Sicile, nous y voyons des bufs consacrs au Soleil. Cette le elle-mme porta le nom dle du Soleil. Les bufs que mangrent les compagnons dUlysse en y arrivant, taient consacrs cet astre. Les habitants dAssora adoraient le fleuve Chrysas, qui coulait sous leurs murs, et qui les abreuvait de ses eaux. Ils lui avaient lev un temple et une statue ;

Enguyum on adorait les desses-mres, les mmes divinits qui taient honores en Crte, cest--dire, la grande et la petite Ourse. En Espagne, les peuples de la Btique avaient bti un temple en honneur de ltoile du matin et du crpuscule. Les Accitains avaient lev au dieu Soleil, sous le nom de Mars, une statue dont la tte rayonnante exprimait la nature de cette divinit. Cadix ce mme dieu tait honor, sous le nom dHercule, ds la plus haute antiquit. Toutes les nations du nord de lEurope, connues sous la dnomination gnrale de nations celtiques, rendaient un culte religieux au Feu, lEau, lAir, la Terre, au Soleil, la Lune, aux Astres, la Vote des cieux, aux Arbres, aux Rivires, aux Fontaines, etc. Le vainqueur des Gaules, Jules Csar, assure que les anciens germains nadoraient que la cause visible et ses principaux agents, que les dieux quils voyaient et dont ils prouvaient linfluence, le Soleil, la Lune, le Feu ou Vulcain, la Terre sous le nom dHerta. On trouvait dans la Gaule narbonnaise un temple lev au vent Circus, qui purifiait lair. On voyait un temple du Soleil Toulouse ; il y avait dans le Gvaudan le lac Helanus, auquel on rendait des honneurs religieux. Charlemagne, dans ses capitulaires, proscrit lusage ancien o lon tait de placer des chandelles allumes auprs des arbres et des fontaines pour leur rendre un culte superstitieux. Canut, roi dAngleterre, dfend dans ses tats le culte que lon rendait au Soleil, la Lune, au Feu, lEau courante, aux Fontaines, aux Forts, etc. Les Francs qui passent en Italie sous la conduite de Theudibert, immolent les femmes et les enfants des Goths, et en font offrande au fleuve du P, comme tant les prmices de la guerre. Ainsi les Allemands, au rapport dAgathias, immolaient des chevaux aux fleuves ; et les troyens au Scamandre, en prcipitant ces animaux tout vivants dans leurs eaux. Les habitants de lle de Thul, et tous les Scandinaves, plaaient leurs divinits dans le Firmament, dans la Terre, dans la Mer, dans les Eaux courantes, etc. On voit par ce tableau abrg de lhistoire religieuse de lancien continent, quil ny a pas un point des trois parties de lancien monde o lon ne trouve tabli le culte de la Nature et de ses agents principaux ; et que les nations civilises, comme celles qui ne ltaient pas, ont toutes reconnu lempire quexerait sur lhomme la cause universelle visible, ou le Monde et ses parties les plus actives. Si nous passons dans lAmrique, tout nous prsente sur la terre une scne nouvelle, tant dans lordre physique, que dans lordre moral et politique. Tout y est nouveau : plantes, quadrupdes, arbres, fruits, reptiles, oiseaux, murs, usages ; la religion seule est encore la mme que dans lancien monde ; cest toujours le Soleil, la Lune, le Ciel, les Astres, la Terre et les lments quon y adore. Les Incas du Prou se disaient fils du Soleil ; ils levaient des temples et des autels cet astre, et avaient institu des ftes en son honneur : il y tait regard, ainsi quen gypte et en Phnicie, comme la source de tous les biens de la Nature. La Lune, associe son culte, y passait pour la mre de toutes les productions sublunaires ; elle tait honore comme la femme et la sur du Soleil. Vnus, la plante la plus brillante aprs le soleil, y avait aussi ses autels,

ainsi que les mtores, les clairs, le tonnerre, et surtout la brillante Iris ou larcen-ciel. Des vierges taient charges, comme les vestales Rome, du soin dentretenir le feu sacr perptuel. Le mme culte tait tabli au Mexique, avec toute la pompe que donne sa religion un peuple instruit. Les Mexicains contemplaient le ciel, et lui donnaient le nom de crateur et dadmirable : il ny avait point de partie un peu apparente dans lUnivers, qui net chez eux ses autels et ses adorateurs. Les habitants de listhme de Panama, et de tout ce quon appelle terre-ferme, croyaient quil y a un Dieu au Ciel, et que ce Dieu tait le Soleil, mari de la Lune ; ils adoraient ces deux astres comme les deux causes suprmes qui rgissent le Monde. Il en tait de mme des peuples du Brsil, des Carabes, des Floridiens, des Indiens de la cte de Cumana, des sauvages de la Virginie, et de ceux du Canada et de la baie dHudson. Les Iroquois appellent le ciel Garonthia ; les Hurons, Sironhiata, et les uns et les autres ladorent comme le grand gnie, le bon matre, le pre de la vie ; ils donnent aussi au soleil le titre dtre suprme. Les sauvages de lAmrique septentrionale ne font point de trait sans prendre pour tmoin et pour garant le Soleil, comme nous voyons que fait Agamemnon dans Homre, et les Carthaginois dans Polybe. Ils font fumer leurs allis dans le calumet, et en poussent la fume vers cet astre. Cest aux Panis, qui habitent les bords du Missouri, que le Soleil a donn le calumet, suivant la tradition de ces sauvages. Les naturels de lle de Cayenne adoraient aussi le Soleil, le Ciel et les Astres : en un mot, partout o lon a trouv des traces dun culte en Amrique, on a aussi reconnu quil se dirigeait vers quelques-unes des parties du grand tout ou du Monde. Le culte de la Nature doit donc tre regard comme la religion primitive et universelle des deux Mondes. ces preuves tires de lhistoire des peuples des deux continents, sen joignent dautres tires de leurs monuments religieux et politiques, des divisions et des distributions de lordre sacr et de lordre social, de leurs ftes, de leurs hymnes et de leurs chants religieux, des opinions de leurs philosophes. Ds que les hommes eurent cess de se rassembler sur le sommet des hautes montagnes pour y contempler et y adorer le Ciel, le Soleil, la Lune et les autres astres leurs premires divinits, et quils se furent runis dans les temples, ils voulurent retrouver dans cette enceinte troite les images de leurs dieux, et un tableau rgulier de cet ensemble admirable, connu sous le nom de Monde ou du grand tout quils admiraient. Ainsi le fameux labyrinthe dgypte reprsentait les douze maisons du soleil, auquel il tait consacr par douze palais, qui communiquaient entre eux, et qui formaient la masse du temple de lastre qui engendre lanne et les saisons, en circulant dans les douze signes du Zodiaque. On trouvait dans le temple dHliopolis ou de la ville du Soleil, douze colonnes charges de symboles relatifs aux douze signes et aux lments. Ces normes masses de pierres consacres lastre du jour avaient la figure pyramidale, comme la plus propre reprsenter les rayons du soleil, et la forme sous laquelle slve la flamme.

La statue dApollon Agyeus tait une colonne termine en pointe, et Apollon tait le soleil. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en gypte ntait point abandonn aux artistes ordinaires. Les prtres en donnaient les dessins, et ctait sur des sphres, cest--dire, daprs linspection du ciel et de ses images astronomiques, quils en dterminaient les formes. Aussi voyons-nous que dans toutes les religions les nombres sept et douze, dont lun rappelle celui des plantes et lautre celui des signes, sont des nombres sacrs, et qui se reproduisent sous toutes sortes de formes. Tels sont les douze grands dieux ; les douze aptres ; les douze fils de Jacob ou les douze tribus ; les douze autels de Janus ; les douze travaux dHercule ou du soleil ; les douze boucliers de Mars ; les douze frres Arvaux ; les douze dieux Consentes ; les douze membres de la lumire ; les douze gouverneurs dans le systme manichen ; les douze adeetyas des Indiens ; les douze azes des Scandinaves ; la ville aux douze portes de lApocalypse ; les douze quartiers de la ville, dont Platon conoit le plan ; les quatre tribus dAthnes, sous-divises en trois fratries, suivant la division faite par Ccrops ; les douze coussins sacrs, sur lesquels est assis le crateur dans la cosmogonie des Japonais ; les douze pierres du rational du grand-prtre des Juifs, ranges trois par trois, comme les saisons ; les douze cantons de la ligue trusque, et leurs douze lucumons ou chefs de canton ; la confdration des douze villes dIonie ; celle des douze villes dEolie ; les douze Tcheou, dans lesquels Chun divise la Chine ; les douze contres entre lesquelles les habitants de la Core partagent le Monde ; les douze officiers chargs de traner le sarcophage dans les funrailles du roi de Tunquin ; les douze chevaux de main ; les douze lphants, etc., conduits dans cette crmonie. Il en fut de mme du nombre sept. Tel le chandelier sept branches, qui reprsentait le systme plantaire dans le temple de Jrusalem ; les sept enceintes du temple ; celles de la ville dEcbatane, galement au nombre de sept, et teintes de couleurs affectes aux plantes ; les sept portes de lantre de Mithra ou du soleil ; les sept tages de la tour de Babylone, surmonts dun huitime qui reprsentait le ciel, et qui servait de temple Jupiter ; les sept portes de la ville de Thbes, portant chacune le nom dune plante ; la flte aux sept tuyaux, mise entre les mains du Dieu qui reprsente le grand tout ou la nature, Pan ; la lyre aux sept cordes, touche par Apollon ou par le dieu du Soleil ; le livre des Destins, compos de sept tablettes ; les sept anneaux prophtiques des Brachmanes, o tait grav le nom dune plante ; les sept pierres consacres aux mmes plantes en Laconie ; la division en sept castes, adopte par les gyptiens et les Indiens ds la plus haute antiquit ; les sept idoles que les bonzes portent tous les ans en pompe dans sept temples diffrents ; les sept voyelles mystiques qui formaient la formule sacre, profre dans les temples des plantes ; les sept Pyres ou autels du monument de Mithra ; les sept Amchaspands ou grands gnies invoqus par les Perses ; les sept archanges des Chaldens et des Juifs ; les sept tours rsonantes de lancienne Byzance ; la semaine chez tous les peuples, ou la priode de sept jours consacrs chacun une plante ; la priode de sept fois sept ans chez les Juifs ; les sept sacrements chez les chrtiens, etc. Cest surtout dans le livre astrologique et cabalistique, connu sous le nom dApocalypse de Jean, quon retrouve les nombres douze et sept rpts chaque page. Le premier lest quatorze fois, et le second vingtquatre. Le nombre trois cent soixante, qui est celui des jours de lanne, sans y comprendre les pagomnes, fut aussi retrac par les trois cent soixante dieux

quadmettait la thologie dOrphe ; par les trois cent soixante coupes deau du Nil, que les prtres gyptiens versaient, une chaque jour, dans un tonneau sacr qui tait dans la ville dAchante ; par les trois cent soixante ons ou gnies des gnostiques ; par les trois cent soixante idoles places dans le palais du Dari au Japon ; par les trois cent soixante petites statues qui entouraient celle dHobal ou du dieu Soleil (Bel), ador par les anciens Arabes ; par les trois cent soixante chapelles bties autour de la superbe mosque de Balk, leve par les soins du chef de la famille de Barmcide ; par les trois cent soixante gnies qui saisissent lme la mort, suivant la doctrine des chrtiens de saint Jean ; par les trois cent soixante temples btis sur la montagne Lowham la Chine ; par le mur de trois cent soixante stades, dont Smiramis environna la ville de Belus ou du Soleil, la fameuse Babylone. Tous ces monuments nous retracent la mme division du Monde, et du cercle divis en degrs que parcourt le soleil. Enfin la division du zodiaque en vingt-sept parties, qui exprime les stations de la lune, et en trente-six, qui est celle des dcans, furent pareillement lobjet des distributions politiques et religieuses. Non seulement les divisions du Ciel, mais les constellations elles-mmes, furent reprsentes dans les temples, et leurs images consacres parmi les monuments du culte et sur les mdailles des villes. La belle toile de la Chvre, place aux cieux dans la constellation du Cocher, avait sa statue en bronze dor dans la place publique des Phliassiens. Le Cocher lui-mme avait ses temples, ses statues, ses tombeaux, ses mystres en Grce, et il y tait honor sous les noms de Myrtie, dHippolite, de Sphrus, de Cillas, drecthe, etc. On y voyait aussi les statues et les tombeaux des Atlantides ou des Pliades, Sterop, Phdra, etc. On montrait prs dArgos, le tertre qui couvrait la tte de la fameuse Mduse, dont le type est aux cieux, sous les pieds de Perse. La Lune ou la Diane dphse orna sa poitrine de la figure du cancer, qui est un des douze signes, et le domicile de cette plante. LOurse cleste, adore sous le nom de Callisto, et le Bouvier sous celui dArcas, avaient leurs tombeaux en Arcadie, prs des autels du Soleil. Ce mme Bouvier avait son idole dans lancienneByzance, ainsi quOrion, le fameux Nembrod des assyriens ; ce dernier avait son tombeau Tanagre en Botie. Les Syriens avaient consacr dans leurs temples les images des poissons, un des signes clestes. Les constellations Nesra ou lAigle, Aiyk ou la Chvre, Yagutho ou les Pliades, et Suwaha ou Alhauwaa, le Serpentaire, eurent leurs idoles chez les anciens sabens. On trouve encore ces noms dans le commentaire de Hyde sur UlugBeigh. Le systme religieux des gyptiens tait tout entier calqu sur le ciel, si nous en croyons Lucien, et comme il est ais de le dmontrer. En gnral, on peut dire que tout le ciel toil tait descendu sur le sol de la Grce et de lgypte pour sy peindre, et y prendre un corps dans les images des dieux, soit vivantes soit inanimes. La plupart des villes taient bties sous linspection et sus la protection dun signe cleste. On tirait leur horoscope : de l les images des astres empreintes

sur leurs mdailles. Celles dAntioche sur lOronte, reprsentent le Blier avec le croissant de la Lune ; celle des Mamertins, limage du Taureau ; celle des rois de Commagne, le type du Scorpion ; celles de Zeugma et dAnazorbe, limage du Capricorne. Presque tous les signes clestes se trouvent sur les mdailles dAntonin ; ltoile Hesperus tait le sceau public des Locriens, Ozoles et Opuntiens. Nous remarquons pareillement que les ftes anciennes sont lies aux grandes poques de la nature et au systme cleste. Partout on retrouve les ftes solsticiales et quinoxiales. On y distingue surtout celle du solstice dhiver ; cest alors que le soleil commence renatre, et reprend sa route vers nos climats ; et celle de lquinoxe du printemps ; cest alors quil reporte dans notre hmisphre les longs jours, et la chaleur active et bienfaisante qui met en mouvement la vgtation, qui en dveloppe tous les germes, et qui mrit toutes les productions de la terre. Nol et Pques chez les chrtiens, adorateurs du soleil sous le nom de Christ, substitu celui de Mithra, quelquillusion que lignorance ou la mauvaise foi cherche se faire, en sont encore une preuve subsistante parmi nous. Tous les peuples ont eu leurs ftes des quatre temps ou des quatre saisons. On les retrouve jusques chez les Chinois. Un de leurs plus anciens empereurs, Fohi, tablit des sacrifices, dont la clbration tait fixe aux deux quinoxes et aux deux solstices. On leva quatre pavillons aux lunes des quatre saisons. Les anciens Chinois, dit Confucius, tablirent un sacrifice solennel en honneur du Chang-Ty, au solstice dhiver, parce que cest alors que le soleil, aprs avoir parcouru les douze palais, recommence de nouveau sa carrire pour nous distribuer sa bienfaisante lumire. Ils institurent un second sacrifice dans la saison du printemps, pour le remercier en particulier des dons quil fait aux hommes par le moyen de la terre. Ces deux sacrifices ne peuvent tre offerts que par lempereur de la Chine, fils du ciel. Les Grecs et les Romains en firent autant, peu prs pour les mmes raisons. Les Perses ont leur Neurouz, ou fte du soleil dans son passage sous le blier ou sous le signe de lquinoxe du printemps, et les Juifs leur fte du passage sous lagneau. Le Neurouz est une des plus grandes ftes de la Perse. Les Perses clbraient autrefois lentre du soleil dans chaque signe, au bruit des instruments de musique. Les anciens gyptiens promenaient la vache sacre, sept fois autour du temple, au solstice dhiver. lquinoxe du printemps, ils clbraient lpoque heureuse o le feu cleste venait tous les ans embraser la nature. Cette fte du feu et de la lumire triomphante, dont notre feu sacr du samedi saint et notre cierge pascal retracent encore limage, existait dans la ville du soleil, en Assyrie, sous le nom de fte des bchers. Les ftes clbres par les anciens Sabens en honneur des plantes, taient fixes sous le signe de leur exaltation ; quelquefois sous celui de leur domicile, comme celle de Saturne chez les Romains ltait en dcembre sous le capricorne, domicile de cette plante. Toutes les ftes de lancien calendrier des pontifes sont lies au lever ou au coucher de quelque constellation ou de quelque toile, comme on peut sen assurer par la lecture des fastes dOvide. Cest surtout dans les jeux du cirque, institus en lhonneur du Dieu qui distribue la lumire, que le gnie religieux des Romains, et les rapports de leurs ftes avec

la nature se manifestent. Le Soleil, la Lune, les Plantes, les lments, lUnivers et ses parties les plus apparentes, tout y tait reprsent par des emblmes analogues leur nature. Le soleil avait ses chevaux, qui, dans lhippodrome, imitaient les courses de cet astre dans les cieux. Les champs de lOlympe taient reprsents par une vaste arne consacre au Soleil. Ce dieu y avait au milieu son temple, surmont de son image. Les limites de la course du soleil, lOrient et loccident, y taient traces et marques par des bornes places vers les extrmits du cirque. Les courses se faisaient dOrient en occident, jusqu sept tours, cause des sept plantes. Le Soleil et la Lune avaient leurs chars, ainsi que Jupiter et Vnus ; les conducteurs des chars taient vtus dhabits de couleur analogue la teinte des divers lments. Le char du Soleil tait attel de quatre chevaux, et celui de la Lune de deux. On avait figur dans le cirque le zodiaque par douze portes : on y retraa aussi le mouvement des toiles circumpolaires ou des deux Ourses. Dans ces ftes tout tait personnifi ; la Mer ou Neptune, la Terre ou Crs, ainsi que les autres lments. Ils y taient reprsents par des acteurs qui y disputaient le prix. Ces combats furent, dit-on, invents pour retracer lharmonie de lUnivers, du Ciel, de la Terre et de la Mer. On attribue Romulus linstitution de ces jeux chez les Romains, et je crois quils taient une imitation des courses de lhippodrome des Arcadiens et des jeux de llide. Les phases de la Lune furent aussi lobjet de ftes, et surtout la Nomnie ou la lumire nouvelle dont se revt cette plante au commencement de chaque mois ; car le dieu Mois eut ses temples, ses images et ses mystres. Tout le crmonial de la procession dIsis, dcrite dans Apule, se rapporte la Nature, et en retrace les diverses parties. Les hymnes sacrs des Anciens ont le mme objet, si nous en jugeons par ceux qui nous sont rests, et quon attribue Orphe. Quel quen soit lauteur, il est vident quil na chant que la Nature. Un des plus anciens empereurs de la Chine, Chun, fait composer un grand nombre dhymnes qui sadressent au Ciel, au Soleil, la Lune, aux Astres, etc. Il en est de mme de presque toutes les prires des Perses, contenues dans les livres zends. Les chants potiques des anciens auteurs, de qui nous tenons les thogonies, connues sous le nom dOrphe, de Linus, dHsiode, etc., se rapportent la Nature et ses agents. Chantez, dit Hsiode aux muses, les dieux immortels, enfants de la Terre et du Ciel toil, dieux ns du sein de la Nuit et qua nourris lOcan, les Astres brillants, limmense vote des cieux, et les dieux qui en sont ns, la Mer, les Fleuves, etc. Les chants dIopas, dans le repas que Didon donne aux Troyens, contiennent les sublimes leons du savant Atlas, sur la course de la Lune et du Soleil, sur lorigine des hommes, des animaux, etc. Dans les pastorales de Virgile, le vieux Silne chante le chaos et lorganisation du Monde. Orphe en fait autant dans les argonautiques dApollonius ; la cosmogonie de Sanchoniaton ou celle des Phniciens cache sous le voile de lallgorie les grands secrets de la Nature, que

lon enseignait aux initis. Les philosophes qui ont succd aux potes qui les prcdrent dans la carrire de la philosophie, divinisrent toutes les parties de lUnivers, et ne cherchrent gure les dieux que dans les membres du grand Dieu ou du grand tout appel Monde, tant lide de sa divinit a frapp tous ceux qui ont voulu raisonner sur les causes de notre organisation et de nos destines. Pythagore pensait que les corps clestes taient immortels et divin ; que le soleil, la lune et tous les astres taient autant de dieux qui renfermaient avec surabondance la chaleur, qui est le principe de la vie. Il plaait la substance de la divinit dans ce feu ther, dont le Soleil est le principal foyer. Parmnide imaginait une couronne de lumire qui enveloppait le Monde, et il en faisait aussi la substance de la divinit, dont les astres partageaient la nature. Alcmeon De Crotone faisait rsider les dieux dans le Soleil, dans la Lune et dans les autres Astres. Antisthne ne reconnaissait quune seule divinit, la Nature. Platon attribue la divinit au Monde, au Ciel, aux Astres et la Terre. Xnocrate admettait huit grands dieux, le Ciel des fixes et les sept plantes : Hraclide de Pont professa la mme doctrine. Thophraste donne le titre de causes premires aux astres et aux signes clestes. Znon appelait aussi dieux lther, les Astres, le temps et ses parties. Clanthe admettait le dogme de la divinit de lUnivers, et surtout du feu ther, qui enveloppe les sphres et les pntre. A divinit toute entire, suivant ce philosophe, se distribuait dans les astres, dpositaires dautant de portions de ce feu divin. Diogne le babylonien rapportait toute la mythologie la nature ou la physiologie. Chrysippe reconnaissait le Monde pour dieu. Il faisait rsider la substance divine dans le feu ther, dans le Soleil, dans la Lune et dans les Astres, enfin dans la Nature et ses principales parties. Anaximandre regardait les Astres comme autant de dieux ; Anaximne donnait ce nom lther et lAir ; Znon, au Monde en gnral, et au Ciel en particulier. Nous ne pousserons pas plus loin nos recherches sur les dogmes des anciens philosophes pour prouver quils ont t daccord avec les plus anciens potes, avec les thologiens qui composrent les premires thogonies, avec les lgislateurs qui rglrent lordre religieux et politique, et avec les artistes qui levrent les premiers des temples et des statues aux dieux. Il reste donc dmontr, daprs tout ce que nous venons de dire, que lUnivers et ses parties, cest--dire, la Nature et ses agents principaux, ont non seulement d tre adors comme dieux, mais quils lont t effectivement : do il rsulte une consquence ncessaire ; savoir : que cest par la Nature et ses parties, et par le jeu des causes physiques, que lon doit expliquer le systme thologique de tous les anciens peuples ; que cest sur le Ciel, sur le Soleil, sur la Lune, sur les Astres, sur la Terre et sur les lments, que nous devons porter nos yeux si nous voulons retrouver les dieux de tous les peuples, et les dcouvrir sous le voile que lallgorie et la mysticit ont souvent jet sur eux, soit pour piquer notre curiosit, soit pour nous inspirer plus de respect. Ce culte ayant t le premier et le plus universellement rpandu, il sensuit que la mthode dexplication qui doit tre employe la premire et le plus universellement, est celle qui porte toute entire sur le jeu des causes physiques et sur le mcanisme de lorganisation du Monde. Tout ce qui recevra un sens raisonnable, considr sous ce point de vue ; tout ce qui, dans les pomes anciens sur les dieux et dans les lgendes sacres des diffrents peuples, contiendra un tableau ingnieux de la nature et de ses oprations, est cens appartenir cette religion que jappelle la religion universelle. Tout ce qui pourra sexpliquer sans effort par le systme

physique et astronomique, doit tre regard comme faisant partie des aventures factices que lallgorie a introduites dans les chants sur la Nature. Cest sur cette base que repose tout le systme dexplication que nous adoptons dans notre ouvrage. On nadora, avons-nous dit, on ne chanta que la Nature ; on ne peignit quelle ; donc cest par elle quil faut tout expliquer : la consquence est ncessaire.

Chapitre III. De lUnivers anim et intelligent.Avant de passer aux applications de notre systme et aux rsultats quil doit donner, il est bon de considrer dans lUnivers, tous les rapports sous lesquels les anciens lont envisag. Il sen faut de beaucoup quils naient vu dans le Monde, quune machine sans vie et sans intelligence, mue par une force aveugle et ncessaire. La plus grande et la plus saine partie des philosophes ont pens que lUnivers renfermait minemment le principe de vie et de mouvement que la nature avait mis en eux, et qui ntait en eux que parce quil existait ternellement en elle, comme dans une source abondante et fconde, dont les ruisseaux vivifiaient et animaient tout ce qui vie et intelligence. Lhomme navait pas encore la vanit de se croire plus parfait que le Monde, et dadmettre dans une portion infiniment petite du grand tout, ce quil refusait au grand Tout lui-mme ; et dans ltre passager, ce quil naccordait pas ltre toujours subsistant. Le Monde paraissant anim par un principe de vie qui circulait dans toutes ses parties, et qui le tenait dans une activit ternelle, on crut donc que lUnivers vivait comme lhomme et comme les autres animaux, ou plutt que ceux-ci ne vivaient que parce que lUnivers essentiellement anim, leur communiquait, pour quelques instants, une infiniment petite portion de sa vie immortelle, quil versait dans la matire inerte et grossire des corps sublunaires. Venait-il la retirer lui ? Lhomme et lanimal mouraient, et lUnivers seul, toujours vivant, circulait autour des dbris de leurs corps par son mouvement perptuel, et organisait de nouveaux tres. Le feu actif ou la substance subtile qui le vivifiait lui-mme, en sincorporant sa masse immense, en tait lme universelle. Cest cette doctrine qui est renferme dans le systme des Chinois, sur lYang et sur lYn, dont lun est la matire cleste, mobile et lumineuse, et lautre la matire terrestre, inerte et tnbreuse, dont tous les corps se composent. Cest le dogme de Pythagore, contenu dans ces beaux vers du sixime livre de lnide, o Anchise rvle son fils lorigine des mes, et le sort qui les attend aprs la mort. Il faut que vous sachiez, lui dit-il, mon fils, que le ciel et la terre, la mer, le globe brillant de la lune, et tous les astres, sont mus par un principe de vie interne, qui perptue leur existence ; quil est une grande me intelligente, rpandue dans toutes les parties du vaste corps de lUnivers, qui se mlant tout, lagite dun mouvement ternel. Cest cette me qui est le source de la vie de lhomme, de celle des troupeaux, de celles des oiseaux et de tous les monstres qui respirent au sein des mers. La force vive qui les anime, mane de ce feu ternel qui brille dans les cieux et qui, captif dans la matire grossire des corps ne sy dveloppe quautant que le permettent les diverses organisations mortelles qui moussent sa force et son activit. A la mort de chaque animal, ces germes de vie particulire, ces portions du souffle universel, retournent leur principe et leur source de vie qui circule dans la sphre toile. Time de Locres, et aprs lui Platon et Proclus, ont fait un trait sur cette me universelle, appele me du Monde, qui, sous le nom de Jupiter, subit tant de mtamorphoses dans la mythologie ancienne, et qui est reprsente sous tant de formes empruntes des animaux et des plantes, dans le systme des gyptiens.

LUnivers fut donc regard comme un animal vivant qui communique sa vie tous les tres quil engendre par sa fcondit ternelle. Non seulement il fut rput vivant, mais encore souverainement intelligent, et peupl dune foule dintelligences partielles rpandues par toute la nature, et dont la source tait dans son intelligence suprme et immortelle. Le Monde comprend tout, dit Time ; il est anim et dou de raison ; cest ce qui a fait dire beaucoup de philosophes, que le Monde tait vivant et sage. Clanthe, qui regardait lUnivers comme dieu ou comme la cause universelle et improduite de tous les effets, donnait une me et une intelligence au Monde, et ctait cette me intelligente quappartenait proprement la divinit. Dieu, suivant lui, tablissait son principal sige dans la substance thre, dans cet lment subtil et lumineux qui circule avec abondance autour du firmament, et qui de l se rpand dans tous les astres, qui par cela mme partagent la nature divine. Dans le second livre de Cicron, sur la nature des Dieux, un des interlocuteurs sattache prouver par plusieurs arguments, que lUnivers est ncessairement intelligent et sage. Une des principales raisons quil en apporte, cest quil nest pas vraisemblable que lhomme, qui nest quune infiniment petite partie du grand Tout, ait des sens et de lintelligence, et que le tout lui-mme, dune nature bien suprieure celle de lhomme, en soit priv. Une mme sorte dmes, dit Marc-Aurle, a t distribue tous les animaux qui sont sans raison, et un esprit intelligent tous les tres raisonnables. De mme que tous les corps terrestres sont forms dune mme terre, de mme que tout ce qui vit et tout ce qui respire ne voit quune mme lumire, ne reoit et ne rend quun mme air, de mme il ny a quune me, quoiquelle se distribue en une infinit de corps organiss ; il ny a quune intelligence, quoiquelle semble se partager. Ainsi, la lumire du soleil est une, quoiquon la voie disperse sur les murailles, sur les montagnes, sur mille objets divers. Il rsulte de ces principes philosophiques, que la matire des corps particuliers se gnralise en une matire universelle, dont se compose le corps du Monde ; que les mes et les intelligences particulires se gnralisent en une me et en une intelligence universelle, qui meuvent et rgissent la masse immense de matire dont est form le corps du Monde. Ainsi lUnivers est un vaste corps mu par une me, gouvern et conduit par une intelligence, qui ont la mme tendue et qui agissent dans toutes ses parties, cest--dire, dans tout ce qui existe, puisquil nexiste rien hors lUnivers, qui est lassemblage de toutes choses. Rciproquement, de mme que la matire universelle se partage en une foule innombrable de corps particuliers sous des formes varies, de mme la vie ou lme universelle, ainsi que lintelligence, se divisant dans les corps, y prennent un caractre de vie et dintelligence particulire dans la multitude infinie de vases divers qui les reoivent. Telle la masse immense des eaux, connue sous le nom docan, fournit par lvaporation les diverses espces deaux qui se distribuent dans les lacs, dans les fontaines, dans les rivires, dans les plantes, dans tous les vgtaux et les animaux, o circulent les fluides, sous des formes et avec des qualits particulires, pour rentrer ensuite dans le bassin des mers, o elles se confondent en une seule masse de qualit homogne. Voil lide que les Anciens eurent de lme ou de la vie et de lintelligence universelle, sources de la vie et des intelligences distribues dans tous les tres particuliers, qui elles se communiquent par des milliers de canaux. Cest de cette source fconde que sont sorties les intelligences innombrables places dans le Ciel, dans le Soleil,

dans la Lune, dans tous les Astres, dans les lments, dans la Terre, dans les Eaux, et gnralement partout o la cause universelle semble avoir fix le sige de quelque action particulire et quelquun des agents du grand travail de la nature. Ainsi se composa la cour des dieux qui habitent lOlympe ; celles des divinits de lAir, de la Mer et de la Terre ; ainsi sorganisa le systme gnral de ladministration du Monde, dont le soin fut confi des intelligences de diffrents ordres et de dnomination diffrente, soit dieux, soit gnies, soit anges, soit esprits clestes, hros, ireds, azes, etc. Rien ne sexcuta plus, dans le Monde, par des moyens physiques, par la seule force de la matire et par les lois du mouvement ; tout dpendit de la volont et des ordres dagents intelligents. Le conseil des Dieux rgla le destin des hommes, et dcida du sort de la nature entire soumise leurs lois et dirige par leur sagesse. Cest sous cette forme que se prsente la thologie chez tous les peuples qui ont eu un culte rgulier et des thogonies raisonnes. Le sauvage encore aujourdhui place la vie partout o il voit du mouvement, et lintelligence dans toutes les causes dont il ignore le mcanisme, cest--dire, dans toute la nature. De l lopinion des astres anims et conduits par des intelligences ; opinion rpandue chez les Chaldens, chez les Perses, chez les Grecs et chez les Juifs et les Chrtiens ; car ces derniers ont plac des anges dans chaque astre, chargs de conduire les corps clestes et de rgler le mouvement des sphres. Les Perses ont aussi leur ange Chur, qui dirige la course du soleil ; et les Grecs avaient leur Apollon, qui avait son sige dans cet astre. Les livres thologiques des Perses parlent de sept grandes intelligences sous le nom dAmschaspands, qui forment le cortge du dieu de la lumire, et qui ne sont que les gnies des sept plantes. Les Juifs en ont fait leurs sept archanges, toujours prsents devant le seigneur. Ce sont les sept grandes puissances quAvenar nous dit avoir t prposes par Dieu au gouvernement du Monde, ou les sept anges chargs de conduire les sept plantes ; elles rpondent aux sept ousiarques, qui, suivant la doctrine de Trismgiste, prsident aux sept sphres. Les Arabes, les Mahomtans, les Cophtes, les ont conserves. Ainsi, chez les Perses, chaque plante est surveille par un gnie plac dans une toile fixe ; lastre Taschter est charg de la plante Tir ou de Mercure, qui est devenu lange Tiriel, que les cabalistes appellent lintelligence de Mercure ; Hafrorang est lastre charg de la plante Behram ou de Mars, etc. Les noms de ces astres sont aujourdhui les noms dautant danges chez les Perses modernes. Au nombre sept des sphres plantaires on a ajout la sphre des fixes et le cercle de la terre ; ce qui a produit le systme des neuf sphres. Les Grecs y attachrent neuf intelligences, sous le nom de Muses, qui, par leurs chants, formaient lharmonie universelle du Monde. Les Chaldens et les Juifs y plaaient dautres intelligences, sous le nom de Chrubins et de Sraphins, etc., au nombre de neuf churs, qui rjouissaient lternel par leurs concerts. Les Hbreux et les Chrtiens admettent quatre anges chargs de garder les quatre coins du Monde. Lastrologie avait accord cette surveillance quatre plantes ; les Perses, quatre grandes toiles places aux quatre points cardinaux du ciel. Les Indiens ont aussi leurs gnies, qui prsident aux diverses rgions du Monde. Le systme astrologique avait soumis chaque climat, chaque ville linfluence dun astre. On y substitua son ange, ou lintelligence qui tait cense prsider cet astre et en tre lme. Ainsi les livres sacrs des Juifs admettent un ange tutlaire de la Perse, un ange tutlaire des Juifs.

Le nombre douze ou celui des signes donna lieu dimaginer douze grands anges gardiens du Monde, dont Hyde nous a conserv les noms. Chacune des divisions du temps en douze mois eut son ange, ainsi que les lments. Il y a aussi des anges qui prsident aux trente jours de chaque mois. Toutes les choses du Monde, suivant les Perses, sont administres par des anges, et cette doctrine remonte chez eux la plus haute antiquit. Les Basilidiens avaient leurs trois cent soixante anges qui prsidaient aux trois cent soixante cieux quils avaient imagins. Ce sont les trois cent soixante ons des gnostiques. Ladministration de lUnivers fut partage entre cette foule dintelligences, soit anges, soit izeds, soit dieux, hros, gnies, gines, etc. ; chacune delles tait charge dun certain dpartement ou dune fonction particulire : le froid, le chaud, la pluie, la scheresse, les productions des fruits de la terre, la multiplication des troupeaux, les arts, les oprations agricoles, etc. Tout fut sous linspection dun ange. Bad, chez les Perses, est le nom de lange qui prside aux vents. Mordad est lange de la mort. Aniran prside aux noces. Fervardin est le nom de lange de lair et des eaux. Curdat, le nom de lange de la terre et de ses fruits. Cette thologie a pass chez les Chrtiens. Origne parle de lange de la vocation des gentils, de lange de la grce. Tertullien, de lange de la prire, de lange du baptme, des anges du mariage, de lange qui prside la formation du ftus. Chrysostome et Basile clbrent lange de la paix. Ce dernier, dans sa liturgie, fait mention de lange du jour. On voit que les Pres de lglise ont copi le systme hirarchique des Perses et des Chaldens. Dans la thologie des Grecs, on supposait que les dieux avaient partag entre eux les diffrentes parties de lUnivers, les diffrents arts, les divers travaux. Jupiter prsidait au ciel, Neptune aux eaux, Pluton aux enfers, Vulcain au feu, Diane la chasse, Crs la terre et aux moissons, Bacchus aux vendanges, Minerve aux arts et aux diverses fabriques. Les montagnes eurent leurs orades, les fontaines leurs naades, les forts leurs dryades et leurs hamadryades. Cest le mme dogme sous dautres noms ; et Origne, chez les chrtiens, partage la mme opinion, lorsquil dit : Javancerai hardiment quil y a des vertus clestes qui ont le gouvernement de ce Monde ; lune prside la terre ; lautre aux plantes ; telle autre aux fleuves et aux fontaines ; telle autre la pluie, aux vents. Lastrologie plaait une partie de ces puissances dans les Astres ; ainsi les Hyades prsidaient aux pluies, Orion aux temptes, Sirius aux grandes chaleurs, le blier aux troupeaux, etc. Le systme des anges et des dieux qui se distribuent entre eux les diverses parties du Monde et les diffrentes oprations du grand travail de la nature, nest autre chose que lancien systme astrologique, dans lequel les astres exeraient les mmes fonctions quont depuis remplies leurs anges ou leurs gnies. Proclus fait prsider une pliade chacune des sphres : Clno prside la sphre de Saturne, Stenop celle de Jupiter, etc. Dans lApocalypse, ces mmes pliades sont appeles sept anges, qui frappent le Monde des sept dernires plaies. Les habitants de lle de Thul adoraient des gnies clestes, ariens, terrestres ; ils en plaaient aussi dans les eaux, dans les fleuves et les fontaines.

Les Sintovistes du Japon rvrent des divinits distribues dans les toiles, et des esprits qui prsident aux lments, aux plantes, aux animaux, aux divers vnements de la vie. Ils ont leurs Udsigami, qui sont les divinits tutlaires dune province, dune ville, dun village, etc. Les Chinois rendent un culte aux gnies placs dans le soleil et dans la lune, dans les plantes, dans les lments, et ceux qui prsident la mer, aux fleuves, aux fontaines, aux bois, aux montagnes, et qui rpondent aux nrides, aux naades, aux dryades et aux autres nymphes de la thogonie des Grecs. Tous ces gnies, suivant les lettrs, sont des manations du grand comble, cest-dire, du ciel ou de lme universelle qui le meut. Les Chen, chez les Chinois de la secte de Tao, composent une administration desprits ou dintelligences ranges en diffrentes classes, et charges de diffrentes fonctions dans la nature. Les unes ont inspection sur le Soleil, les autres sur la Lune ; celles-ci sur les toiles, celles-l sur les vents, sur la pluie, sur la grle ; dautres sur les temps, sur les saisons, sur les jours, sur les nuits, sur les heures. Les Siamois admettent, comme les Perses, des anges qui prsident aux quatre coins du Monde ; ils placent sept classes danges dans les sept cieux : les astres, les vents, la pluie, la terre, les montagnes, les villes, sont sous la surveillance danges ou dintelligences. Ils en distinguent de mles et de femelles ; ainsi lange gardienne de la Terre est femelle. Cest par une suite du dogme fondamental qui place Dieu dans lme universelle du Monde, dit Dow, me rpandue dans toutes les parties de la nature, que les Indiens rvrent les lments et toutes les grandes parties du corps de lUnivers, comme contenant une portion de la divinit. Cest l ce qui a donn naissance, dans le peuple au culte des divinits subalternes ; car les Indiens, dans leurs vedams, font descendre la divinit ou lme universelle dans toutes les parties de la matire. Ainsi ils admettent, outre leur trinit ou triple puissance, une foule de divinits intermdiaires, des anges, des gnies, des patriarches, etc. Ils honorent Vayoo, dieu du vent ; cest lole des Grecs ; Agni, dieu du feu ; Varoog, dieu de lOcan ; Sasanko, dieu de la Lune ; Prajapate, dieu des nations : Cubera prside aux richesses, etc. Dans le systme religieux des Indiens, le Soleil, la Lune et les Astres sont autant de Dewatas ou de gnies. Le Monde a sept tages, dont chacun est entour de sa mer et son gnie ; la perfection de chaque gnie est gradue comme celle des tages. Cest le systme des anciens Chaldens, sur la grande mer ou firmament, et sur les divers cieux habits par des anges de diffrente nature et composant une hirarchie gradue. Le dieu Indra, qui, chez les Indiens, prside lair et au vent, prside aussi au Ciel infrieur et aux Divinits subalternes, dont le nombre se monte trois cent trente-deux millions ; ces dieux subalternes se sous divisent en diffrentes classes. Le Ciel suprieur a aussi ses divinits ; Adytya conduit le Soleil ; Nishagara, la Lune, etc. Les Chingualais donnent la divinit des lieutenants ; toute lle de Ceylan est remplie didoles tutlaires des villes et des provinces. Les prires de ces

insulaires ne sadressent pas directement ltre suprme, mais ses lieutenants et aux dieux infrieurs, dpositaires dune partie de sa puissance. Les Moluquois ont leur Nitos, soumis un chef suprieur quils appellent Lanthila. Chaque ville, chaque bourg, chaque cabane, a son Nitos ou sa divinit tutlaire ; ils donnent au gnie de lair le nom de Lanitho. Aux les Philippines, le culte du Soleil, de la Mune et des toiles est accompagn de celui des intelligences subalternes, dont les unes prsident aux semences, les autres la pche, celles-ci aux villes, celles-l aux montagnes, etc. Les habitants de lle de Formose, qui regardaient le Soleil et la Lune comme deux divinits suprieures, imaginaient que les toiles taient des demi-dieux ou des divinits infrieures. Les Parsis subordonnent au dieu suprme sept ministres, sous lesquels sont rang vingt-six autres, qui se partagent le gouvernement du Monde. Ils les prient dintercder pour eux dans leurs besoins, comme tant mdiateurs entre lhomme et le dieu suprme. Les Sabens plaaient entre le dieu suprme, quils qualifiaient de seigneur des seigneurs, des anges quils appelaient des mdiateurs. Les insulaires de lle de Madagascar, outre le dieu souverain, admettent des intelligences charges de mouvoir et de gouverner les sphres clestes ; dautres qui ont le dpartement de lair, des mtores ; dautres celui des eaux ; celles-l veillent sur les hommes. Les habitants de Loango ont une multitude didoles de divinits, qui se partagent entre elles lempire du Monde. Parmi ces dieux ou gnies, les uns prsident aux vents, les autres aux clairs, dautres aux rcoltes : ceux-ci dominent sur les poissons de la mer et des rivires, ceux-l sur les forts, etc. Les peuples de la Celtique admettaient des intelligences que le premier tre avait rpandues dans toutes les parties de la matire pour lanimer et la conduire. Ils unissaient au culte des diffrentes parties de la nature et des lments, des gnies, qui taient censs y avoir leur sige et en avoir la conduite. Ils supposaient, dit Peloutier, que chaque partie du Monde visible tait unie une intelligence invisible, qui en tait lme. La mme opinion tait rpandue chez les scandinaves, dit Mallet, tait mane, suivant ces peuples, une infinit de divinits subalternes et de gnies, dont chaque partie visible du Monde tait le sige et le temple : des intelligences ny rsidaient pas seulement, elles en dirigeaient aussi les oprations. Chaque lment avait son intelligence ou sa Divinit propre. Il y en avait dans la Terre, dans lEau, dans le Feu, dans lAir, dans le Soleil, dans la Lune dans les Astres. Les arbres, les forts, le fleuves, les montagnes, les rochers, les vents, la foudre, la tempte, en contenaient aussi, et mritaient par l un culte religieux. Les Slaves avaient Koupalo, qui prsidait aux productions de la terre ; Bog, dieu des eaux. Lado ou Lda prsidait lamour. Les Bourkans des Kalmouks rsident dans le Monde quils adoptent, et dans les plantes ; dautres occupent les contres clestes. Sakji-Mouni habite sur la terre ; Erlik-Kan aux enfers, o il rgne sur les mes. Les Kalmouks sont persuads que lair est rempli de gnies ; ils donnent ces esprits ariens le nom de Tengri ; les uns sont bienfaisants, les autres malfaisants.

Les habitants du Tibet ont leurs Lahes, gnies mans de la substance divine. En Amrique, les sauvages de lle de Saint-Domingue reconnaissaient au dessous du dieu souverain, dautres divinits sous le nom de Zms, auxquelles on consacrait des idoles dans chaque cabane. Les Mexicains, les virginiens supposaient aussi que le dieu suprme avait abandonn le gouvernement du Monde une classe de dieux subalternes. Cest avec ce Monde invisible ou compos dintelligences caches dans toutes les parties de la nature, que les prtres avaient tabli un commerce, qui a fait tous les malheurs de lhomme et sa honte. Il reste donc dmontr, daprs lnumration que nous venons de faire des opinions religieuses des diffrents peuples du Monde, que lUnivers et ses parties ont t adors, non seulement comme causes, mais encore comme causes vivantes, animes et intelligentes, et que ce dogme nest pas celui dun ou de deux peuples, mais que cest un dogme universellement rpandu par toute la terre. Nous avons galement vu quelle a t la source de cette opinion ; elle est ne du dogme dune me unique et universelle, ou dune me du Monde, souverainement intelligente, dissmine sur tous les points de la matire, o la nature exerce comme cause quelque action importante, ou produit quelque effet rgulier, soit ternel, soit constamment reproduit. La grande cause unique ou lUnivers-Dieu se dcomposa donc en une foule de causes partielles, qui furent subordonnes son unit, et qui ont t considres comme autant de causes vives et intelligentes, de la nature de la cause suprme, dont elles sont, ou des parties, ou des manations. LUnivers fut donc un dieu unique, compos de lassemblage dune foule de dieux, qui concouraient comme causes partielles laction totale quil exerce lui-mme, en lui-mme et sur lui-mme. Ainsi se forma cette grande administration, une dans sa sagesse et sa force primitive, mais multiplie linfini dans ses agents secondaires, appels dieux, anges, gnies, etc. Et avec lesquels on a cru pouvoir traiter comme lon traitait avec les ministres et les agents des administrations humaines. Cest ici que commence le culte ; car nous nadressons des vux et des prires qu des tres capables de nous entendre et de nous exaucer. Ainsi Agamemnon dans Homre, apostrophant le soleil, lui dit : Soleil, qui vois tout et entends tout. Ce nest point ici une figure potique ; cest un dogme constamment reu, et lon regarda comme impie le premier philosophe qui osa avancer que le soleil ntait quune masse de feu. On sent combien de telles opinions nuisaient aux progrs de la physique, lorsquon pouvait expliquer tous les phnomnes de la nature par la volont de causes intelligentes qui avaient leur sige dans le lieu o se manifestait laction de la cause. Mais si par l ltude de la physique prouva de grands obstacles, la posie y trouva de grandes ressources pour la fiction. Tout fut anim chez elle, comme tout paraissait ltre dans la Nature. Ce nest pas la vapeur qui produit le tonnerre ; Cest Jupiter arm pour effrayer la Terre. Un orage horrible aux yeux des matelots, Cest Neptune en courroux qui gourmande les flots. cho nest plus un son qui dans lair retentisse ; Cest une nymphe en pleurs qui se plaint de Narcisse. BOILEAU, Art. potique, ch. 3. Tel fut le langage de la posie ds la plus haute antiquit ; et cest daprs ces donnes, que nous procderons lexplication de la mythologie et des pomes religieux, dont elle renferme les dbris.

Comme les potes furent les premiers thologiens, cest aussi daprs la mme mthode que nous analyserons toutes les traditions et les lgendes sacres, sous quelque nom que les agents de la nature se trouvent dguiss dans les allgories religieuses ; soit que lon ait suppos les intelligences unies aux corps visibles quelles animaient ; soit quon les en ait spares par abstraction, et quon en ait compos un Monde dintelligences, plac hors du Monde visible, mais qui fut toujours calqu sur lui et sur ses divisions.

Chapitre IV. Des grandes divisions de la nature en causes active et passive, et en principes, lumire et tnbres.LUnivers ou la grande cause, ainsi anim et intelligent, subdivis en une foule de causes partielles galement intelligentes, fut partag aussi en deux grandes masses ou parties, lune appele la cause active, lautre la cause passive, ou la partie mle et la partie femelle qui composrent le grand Androgyne, dont les deux sexes taient censs sunir pour tout produire, cest--dire, le Monde agissant en lui-mme et sur lui-mme. Voil un des grands mystres de lancienne thologie : le ciel contint la premire partie ; la terre et les lments, jusqu la lune, comprirent la seconde. Deux choses ont frapp tous les hommes dans lUnivers et dans les formes des corps quil renferme ; ce qui semble y demeurer toujours et ce qui ne fit que passer ; les causes, les effets et les lieux qui leur sont affects, autrement les lieux o les unes agissent, et ceux o les autres se reproduisent. Le ciel et la terre prsentent limage de ce contraste frappant, de ltre ternel et de ltre passager. Dans le ciel, rien ne semble natre, crotre, dcrotre et mourir lorsquon slve au dessus de la sphre de la lune. Elle seule parat offrir des traces daltration, de destruction et de reproduction de formes dans le changement de ses phases, tandis que dun autre ct elle prsente une image de perptuit dans sa propre substance, dans son mouvement, et dans la succession priodique et invariable de ces mmes phases. Elle est comme le terme le plus lev de la sphre des tres sujets altration. Au dessus delle, tout marche dans un ordre constant et rgulier, et conserve des formes ternelles. Tous les corps clestes se montrent perptuellement les mmes, avec leurs grosseurs, leurs couleurs, leurs mmes diamtres, leurs rapports de distance, si lon en excepte les plantes ou les astres mobiles ; leur nombre ne saccrot ni ne diminue. Uranus nengendre plus denfants et nen perd point ; tout est chez lui ternel et immuable, au moins tout nous parat ltre. Il nen est pas de mme de la terre. Si dun ct elle partage lternit du ciel dans sa masse et dans sa force et ses qualits propres, de lautre elle porte dans son sein et sa