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THÉORIES ET PRATIQUES DE LA TRADUCTION LITTÉRAIRE EN FRANCE Inês Oseki-Dépré Armand Colin | Le français aujourd'hui 2003/3 - n° 142 pages 5 à 5 ISSN 0184-7732 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2003-3-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Oseki-Dépré Inês, « Théories et pratiques de la traduction littéraire en France », Le français aujourd'hui, 2003/3 n° 142, p. 5-5. DOI : 10.3917/lfa.142.0005 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Laval - - 132.203.227.62 - 18/04/2014 09h03. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Laval - - 132.203.227.62 - 18/04/2014 09h03. © Armand Colin

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THÉORIES ET PRATIQUES DE LA TRADUCTION LITTÉRAIRE ENFRANCE Inês Oseki-Dépré Armand Colin | Le français aujourd'hui 2003/3 - n° 142pages 5 à 5

ISSN 0184-7732

Article disponible en ligne à l'adresse:

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Oseki-Dépré Inês, « Théories et pratiques de la traduction littéraire en France »,

Le français aujourd'hui, 2003/3 n° 142, p. 5-5. DOI : 10.3917/lfa.142.0005

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THÉOHES ET PRATIOUES

DE LA TRADUCTION LITTERAIRE

EN FRANCE

Par Inês OSEKI-DÉPRÉ

u l,a traduction est la fois impossible et nécessairer. >

Jacques Derrida

Préliminaires

Bien avant I'instauration du français comme langue officielle au XVI'siècle, la pratique de la traduction (à la fois activité et produit), s'esr vueosciller entre deux pôles, deux réalités, deux tendances er ce jusqu'au >ocsiècle.

Tout d'abord orale (interprétation), elle est devenue écrite vers 3000

1ls av. J.-C., date à laquelle on ûouve des traités signés entre Hittites etÉ,gyptiens, rédigés en dèux langues, faisant apparaitrè ses deux modalités :

traduction (écrite) et inteqprétariat (orale).Plusieurs fois duelle, cette pratique comprend deux textes, celui du

départ, celui de I'arrivée, deux langues, puis une opération traductivedouble, intralinguistique (qui consiste dans la traduction d'une languedans les termes de la même langue) suivie d'une activité proprement tra-ductive, inter-linguistique' (R. Jakobson, 1963).

Il est à remarquer qu'en France, bien des traducteurs connaissent bienmieux le français que la langue dite de départ. Cela proviendrait de I'an-cienne distinction scolaire entre ce qu on appelait le u thème > et lau version o. J.-R. Ladmiral (1979)3 rappelle, en efFer, la différence fon-damentale qui distinguait jadis le n fort en thème ), sorre de mathéma-ticien de la langue, du u doué pour la version r, l'élève sensible,littéraire, imaginatif;, capable de mettre en n bon français n riimportequel auteur étranger. La traduction qui nous intéresse ici est la version,avec tout ce que cela comporte comme apprentissage et pratique sco-laires. Cette distinction, si elle a disparu de l'enseignemenr secondaire(oùr I'on ne traduit plus), est maintenue à l'université et est à l'origined'une troisième oppositiona.

l-. J. Drnruoe (1985), n Des tours de Babel ,, Diference andTianslztion, Cornwell Presse,Editions Joseph Graham.2. R J,aronsoN (1972), * On translation , (n Aspects linguistiques de la traduction o), inEsais dz linguirtQue génhab, Paris, Éditions de Minuit, p. 78.3. J.-R L,touner (1979), Tiaduire : Théorèmes pour la traàuction, Paris, Payot, p. I 5.4. Enue les panisaru d'une uaductiorr source orienæd et ceux qui privilfuient la langued'arrivée (urga orienteà1,

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Le Français aujourd'hui n" 142, rl La littérature en ûaduction r

Pour en revenir à la dualité structurelle de la traduction, la plus impor-tante entre toutes est incontestablement celle, très ancienne, qui oppose

les traductions tournées vers l'original (source orimtei) et celles tournéesvers la langue d'arrMe (target orienteil, et elle demeurera tout au long des

siècles penchant tântôt d'un côté, tantôt de I'autre, faisant I'objet de

textes et paratextes nombreux. Cette situation ne changera en France

qu'au >oc siècle, à la suite de quelques précurseurs, partisâns du u littéra-lisme , et de la théorisation de leurs travaux.

Bref aperçu de la traduction en France

Théories classiques ou < prescriptives >

Dire de la traduction, comme le dit J.-R. Ladmiral, que sa finalité est

n de nous dispenser de la lecture de l'originals >, ne dit pas, par ailleurs,qu elle correspond à une opération de mansformation (transfert, transpo-sition) d'un texte d'une langue dans une auffe ce qui a pour conséquence

que pour comprendre son évolution à travers les siècles, force nous est denous intéresser aux théories qui leur sont sous-jacentes selon un rapportde forces idéologique (religieux, politique), la dominance de I'un ou des

deux pôles sur I'autre.Le présent article résume une petite partie d'un ouvrage6 (I. Oseki-

Dépré, 1999) où il y a lieu de distinguer trois types de théories selonqu'elles se caractérisent par la dominance de I'un des trois aspects sui-van6, à savoî ltrescrilttion, dzsniption otJ pros?ection. Cette présentationoffre I'avantage de suivre en synchronie et en diachronie l'évolution des

pratiques de la traduction française. Il faudra ici souligner detx points :

c'est la pratique traduisante qui engendre après coup la formulation de lathéorie; ce sont les théories prescriptives qui témoignent le mieux decette évolution.

On peut considérer que font partie de ces théories, les théories quel'on appellera n classiques o. Ces théories permettent de bien com-prendre l'évolution de la pratique du traduire notamment en France et laréférence est, bien sûr, Cicéron (106-43 av. J.-C.), car il reste incontesta-blement le premier théoricien de ce courant, chez qui l'on peut trouver,en préface à sa traduction des Discours de Démostbène et d'Eschine',lespropos suivants :

n Je ne les ai pas rendus en simple naducteur (at inter?res), mùs en émiaain(sed ut oranr) respectant leurs phrases, avec les figures de mots ou de

pensées, usant toutefois de termes adaptés à nos habitudes latines. Je naidonc pas jugé nécessaire d'y rendre chaque mot par un mot (uerbo aerburnreddaà; pourtant, quant au génie de tous les mots et à leur valeur, je les

ai conservés. . . J'ai cru, en efFet, que ce qui imporait au lecteur, iétait de

5. J.-R. Laovner, loc. cit. p. 17.6. Voir I. Osrn-DÉpnÉ (1999), Tltéories et pratiques dz la naluction littéraire, Paris,Armand Colin, coll. < U >.

7. Orateurs de l'école attique dont la joute semble, atx yeux de Cicéron, I'oremple suprêmede I'art oratoire grec et qu'il s'agit pour les Romains d'< imiter >.

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Théories et pratiques de la traduction littéraire en France

lui en offrir non pas le même nombre, mais pour ainsi dire le même poids(Non mim adnumerare sed tanqaarn adpmdere)'.(Cicéron, 53 av.J.-C.)

Si Cicéron est la référence des traducteurs français ultérieurs, depuissaint Jérôme, cinq siècles plus tard, jusqu à un courant (majoritaire) deffaducteurs contemporains, il aura une influence marquante sur le xvII"siècle. Chez saint Jérôme (347-420 ap. J.-C.), le traducteur de la Vulgate,la question est plus ambivalente en raison de la dichotomie qui s'installedès avant I'avènement du christianisme entre la traduction des textes reli-gieux et la traduction des textes profanes. Pour lui, en efFer, il y a lieu dedistinguer le texte religieux u oir I'ordre des mots est aussi un mystère >

des autres (non uerbum dr uerbo, sed sensam erprirnere dz sensu). la dualitése place ici entre le mot pour le mot de la traduction religieuse, ou le senspour le sens, des autres traductions, dualité entre traduction o fidèle o

pour le sacré, traduction n libre ), pour le texte profane.En réalité, la question est bien plus ardue et saint Jérôme se voit sou-

vent partagé entre les deux positions, même lorsqu'il s'agit du textereligieux.

u Il est malaisé quand on suit les lignes uacées par un aurre, de ne pas s'enécaner en quelque endroit ; il est difficile que ce qui a été bien dit dansune autre langue garde le même éclat dans une traduction. [...] Si je tra-duis mot à mot, cela rend un son absurde ; si, par nécessité, je modifie sipeu que ce soit la construcdon ou le style, j'aurai l'air de déserter le devoirde traducteure r... (M.Ballard, 1991, p.61)

Ces propos théoriques, tout en s'appuyant sur des confessions per-sonnelles, confirment leur caractère prescriptif à partir d'une argu-mentation qui prône l'élégance et/ou l'adaptation aux habitudes de lalangue d'arrivée au détriment d'une exactitude qui serait en quelquesorte ( étriquéeto >.

La position de saint Jérôme relative au texte religieux prévaut duranttout le Moyen Âge (du IX'au x\r siècles), pendant lequel la traductiondoit respecter au nombre près les mots, voire les lettres. SelonM. Ballard (1991) : u Il ny a là rien d'élaboré sur le plan théorique toutau plus la conscience chez le traducteur d'une exigence de littérdisme,imposée par les institutions et l'usage, mais dont il ose parfois s'écarrerpar souci de clarté. ,

Lon sait que les premières ( transladons, françaises sont des traduc-tions à caractère religieux : La Canti.lène dz sainte Eukli€ (883) du latin envulgaire ; Le Poème dz saint Alexis (1050), une- copie en langue romancede décasyllabes latins. Des siècles plus tard, l'É,glise changera sa positionvis-à-vis du texte sacré et, avec la divulgation et le prosélytisme religieux,on passera à une uaduction du premier type (souvent accessible aupublic, voir E.Nida, 1975). Il faut dire ici que le littéralisme, tel quilétait pratiqué jusqu ici, aboutissait souvent à l'obscurcissement du texte

8. C'est nous qui soulignons.9. M. Betrano, (1991), De Cicéron à Benjamin, PUL, p. 61.10. M. BerLcRD, loc. cit., p. 57-58.

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original. De son côté, l'école arabe des traducteurs, créée vers le of siècle,suit plutôt les principes classiques : I'effon pour aboutir à une expressionnaturelle en langue d'arrivée. Uécole de Tolède et les traducteurs italienségalement.

l"a première traduction proprement u littéraire u française date de 1370et c'est la traduction des G,uures d'Aristote, faite par N. d'Oresme,précédée d'une préface. Cette uaduction est faite selon un programmedans lequel la lisibilité, c'est-à-dire, la clarté et l'élégance du texte d'ar-rivée, doivent en être les qualités principales.

Mais on devra à É,. Dolèt, traducteuihumaniste du XVI" siècle, les pre-miers préceptes pour bien traduire. Ainsi, si le terme de traduction est uti-lisé pour la première fois par cet humaniste en 1540, il est accompagné derègles dont on peut dire, qu à la fois elles reprennent celles de Cicérontout en étant valables de nos jours :

r comprendre parfaitement le sens du texte et I'argument traité par I'au-teur qu'on se dispose à traduire ;

. connaitre parfaitement aussi bien la langue originale que la langue danslaquelle on va traduire ;

. préceptes qui ont un rapport à la compétence du uaducteur. Puis :

o ne pâs s'asservir au point de rendre I'original mot pour mot ;

. éviter les néologismes, latinismes, adopter la bonne langue françaised'usage commun;

. observer les orateurs, chercher le beau style, souple, élégant, sans tropde prétention et suftout uniforme.

Les deux derniers préceptes méritent d'être retenus en ce qu ils préconi-sent la neutralisation, l'égalisation, I'uniformité, caractéristiques du beausryJe qui seront l'apanage de la traduction classique.

 la même époque, on connait le rôle de premier plan occupé par

J. Du Bellay, considéré comme I'un des plus grands poètes de laPléiade". Pour aborder la théorie traductive de J. Du Bellay, il est néces-saire, toutefois, de s'intéresser à sa poétique, qui n'en est pas séparable,même si, pour lui, traduire est une activité à laquelle il s'adonne u quandI'inspiration lui manque n.

La théorie de J. Du Bellay, de façon très marquée, est intimement liéeau contexte socioculturel" de cette période de la Renaissânce, contextequi se caractérise, entre autres choses, par l'instauration du frangiscomme langue officielle'3.

I l. Mouvement que I'on pourrait considérer coûlme esthétiquement < révolutionnarre >,

selon les termes de P Bourdieu (1992, Les P,èglts dz I'art, Paris, Seuil, coll. n Libre e:la-men r), comparable à celui du xnc siècle, constitué par C. Baudelaire, T. Gautier,G. Flauben, des jeunes poètes instruits en rupnre avec le milieu d'origine. À ceci pr&,qrià la Renaissance, leur opposition est plutôt esthétique et non sociale.12. Ce que Jauss appelle o horizon d'attente ,, dans Pour ane esthétique dz lz réception,Paris, Gallimard, 1978.13. Une dualité bien plus imporante s'instaure ici, qui &oluera au cours et au gré deI'histoire au fur et à mesure de I'affirmation de la langue frangise au détriment du latindans un premier temps (François I'et I'Ordonnance de Villers-Cotterês, 1539) ; et plusard, comme le rappelle P Bourdieu, bc. cit, au détriment des patois, dialectes, parlersrégionaux (sous la Révolution française, à partir de 1789).

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Théories et pratiques de la traduction littéraire en France

Ce nouveau regard, par ailleurs, est porté sur la poésie et reste pro-fondément lié à la diffirsion de la pensée néoplatonicienne en France:le Phèdre, traduit et préfacé par R. le Blanc en 1546, devient une véri-table religion de la poésie, conçue comme traduction inspirée de laparole divine et de sa création. La difficulté pour les traducteurs huma-nistes est grande : comment, en effet, transposer les mêmes idées et les

mêmes effets dans un langage autre ? Comment maintenir, donc, le lienindestructible entre les choses et les mots ?

Parmi les grandes idées de la Dffence 0. Du Bellay, 1549), apparait lerôle de I'imitation, à entendre cornme le préconisait Aristote: on ne se

contente pas d'imiter le réel, ftçil idéalisé, il s'agit de le transcender ; onretrouve ici le même désir que chez Cicéron, la traduction n étant qu'unn pis-aller ,, devant I'inaccessibilité de l'original. Pour les poètes de laPléiade, donc, il s'agit tout aussi bien d'imiter les Anciens que la poésieitalienne, à l'instar de C. Marot, M. Scève et les poètes lyonnais.

Mais J. Du Bellay se démarque de la position humaniste courante enproposant la thèse de la différence des langues. De ce fait, il s'agit decréer une langue nouvelle, car les mots ne sont que des instrumentsinterchangeables et perfectibles : u Toute leur vertu est née au monde duvouloir et arbitre des mortels > ce qui le pousse à s'intéresser aux deuxparties de l'éloquence, qui sont I'invention et l'élocutionta.

Il est intéressant à noter, lorsqu on aborde la théorie de la traductionprésentée par J. Du Bellay, que I'imitation étant prédominante, la traduc-tion, dans la mesure où elle nécessite la médiation du traducteur, se poseen prescription négative. En effet, en cette époque, otr I'imprimerie rendaccessibles les auteurs classiques, et oir I'on assiste au foisonnement de tra-ductions des auteurs grecs et latins, J. Du Bellay affirme, dans le cha-pitre V, que n chacune langue a je ne scây quoy propre seulement à elle o,

ce qui peut se perdre dans la traduction. n Ainsi, dans sa Dffence etIllusnation de la langore françoyse, le traducteu r de l'Énéidz consacre plu-sieurs pages à une mise en garde contre les mauvais traducteurs (les n tra-diteurs u), qui, malgré leur diligence, et l'udlité de leur labeur < pourinstruire les ignorants des langues estrangeres >, ne pawiendront pas àdonner u à la nostre (langue) ceste perfecdon et, comme font les peintresà leurs tableaux, ceste dernière main, que nous désirons u. Et ce dans lamesure oùr ce qui fait la beauté du style d'un auteur (métaphores, allégo-ries, comparaisons, similitudes, énergies...)ruJe ne croirai jamais quonpuisse bien apprendre tout cela des traducteurs >... [sic] Ainsi, la poésie,

et dans une certaine mesure, la traduction, est nuisible si elle ne tient pas

compte des deux objectifs qui lui sont assignés en tant que création et ce

à deux égards: d'un côté la constitution d'une langue ftançaise fone;d'un autre côté, la fonction du poète dans la société, oraculaire, fonctionque, par déûnition, le traducteur ne peut remplir.

14. Les cinq parties qui la constituent sont, on le rappelle, l'inumtion, (art de trouver les

topiques ou arguments et procéd& pour uaiter son sujet), la disposîtion (art de composerson discours), l' éhcation (organisation des mots dans la phrase, le sryle), Ia rnétnoire (art dela pr&ence d'esprit poru trouver les arguments) etla prononciation (talent de l'orateur enacte), Cicéron, De Inamtione, Rhénrique à Hhhnias, ou encore De Oramre.

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Le Français aujourd'hui n" 142, < La littérature en traduction r

Pour conclure et en reprenant les mots de J. Rieu (1995, p. 35),la u ûa-duction est un art de I'approximation, où l'important est de ménager deseffes analogues, même s'ils ne se trouvent pas exactement au mêmeendroit o. Il s'agit donc d'un exercice d'accommodation effectuée dans lebut d'obtenir les mêmes effets que I'original. Dans ce sens, il faur accor-der une grande place à n l'énergie >, qui < désigne la figure par laquelle onrend les choses présentes, soit dans leur dynamique, par un style en action(comme pour Aristote), soit âu moyen de leur représentation en image,comme dans un tableau'5 r. Grâce à elle, la traduction peut provoquer lamême émotion que l'original. Deux principes donc: l'un, rechnique,I'autre idéologique.

Cette position connaitra un retournement à la première moitié du X\4I'siècle avec I'avènement de la prose et la naissance des belles inûdèles. Ceciétant, dès le XVI'siècle, on essaye de bâtir des règles pour bien traduire, àpanir de I'idée que la traduction est un art. Selon Mn' de Gournay:< Bien traduire, c'est vraiment inventer, c'est engendrer une æuvre denouveaur6. o Curieusement, les exemples de la Pléiade sont restés sanssuite, ce qui est normd étant donné la place que J. Du Bellay accorde à latraduction et c'est la pensée d'8. Dolet qui, comme on l'a déjà signalé,servira dès lors de référence.

l,e xvII'siècle se caractérise par la perte de prestige de la poésie et lamontée de celui des traducteurs. Selon R Zuber (1968), c'est là qu'estnée la prose française et ce, grâce à la traducdon. On traduir rour enprose. Il est certain que dans cet esprit les règles traductives demeurenrplutôt implicites. Certes, le siècle a fourni ses prescripteurs, dans la per-sonne des grammairiens, plus rationalistes et favorables à une traductionplus juste ou plus exacte. Ainsi, de M&iriac, que l'on verra parmi lesthéoriciens du siècle (auteur d'une description de procédés) et Gaspard deTende ; ainsi les jansénistes, férus des n réglementadons o. De même, leprocédé du mot à mot, prescrit par la traduction des textes saints, bienque faisant frémir d'horreur ces nouveaux traducteurs-auteurs, n a jamaisété abandonné pour la traduction de la sainte É,criture (Le Vayer conseillede respecter dans u les saintes Lettres o, le moindre iota).

On parle de clarté, de simplicité, de bon sens, et surrout de bon gout,ce qui atteste que la réception prime pour guider le traducteur dans sa

tâche. Le souci de I'Académie est le style. Concrètemenr, les traducreurs(comme Giry par exemple), procèdent, eux, d'un côté, à la transpositiondes mots techniques inintelligibles ; de l'autre, à l'adoucissement desmétaphores n ridicules o.

Et certains traducteurs auront une anitude double: rigueur et fidéliré(linérale) pour les documents d'histoire ; liberté pour les pièces d'élo-quence, qui sont abondamment traduites en ce siècle, en particulier les

15. J. furu (1995), tEsthétQue dz Du Bellalt,Paris, Sedes, p. 35. Lensemble s'inscrit dansla querelle des Anciens et des Modernes. En fait, les aftontemenrs enrre T Sébillet et

J. Du Bellay, s'ils ont pu être violents, n'ont pas duré longtemps. Dès 1553, il y a récon-ciliation autour des mêmes idées.16. Cité par R Zuber (1995), Izs Bellzs Infdlbs et la formation du gout classQaz, Pans,Albin Michel, (l'édition 1968), p.37.

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Théories et pratiques de la traduction linéraire en France

te$es de Cicéron, dont les Huit Oraisons, parues en 1638, traduites parGiry D'Ablancourt, Patru et Du Ryer ont servi de manifeste à la traduc-tion et ont ouvert arx traducteurs leur entrée à I'Académiet7. n Peser les

mots et non pas les compter o, voilà la devise suivie par D'Ablancoun,Bréval, l,a Ménardière. Et, si d'un côté, cette grande liberté permet atrxtalents littéraires de s'épanouir, il va de soi que la qualité de chaque tra-duction dépend du talent d'écrivain de chaque traducteur. Mais, rien est-il pas toujours ainsi ?

Cette attitude implique encore l'usage de certains procédés comme les

additions, les suppressions et les modifications, employés au nom de labienséance (, Ce qui est galand à Rome est quelquefois ridicule à Paris o,

dit Scudéry avec d'autres). On peut y ajouter encore: l'ennoblissement,la n majesté n de la traduction; la recherche d'un nouveau rythme.

Dans le souci de l'ârt, on riévitera pas la paraphrase (allongeante)18. Laconséquence pour le texte traduit, selon R Zuber, c'est le façonnementd'une belle prose, la mise en valeur du héros, - par l'utilisation des verbes

à la voix active -, qui influenceront y compris des auteurs comme Racineou Corneille, la modernisation, quelquefois des altérations, des mæursafin que le siècle puisse s'en inspirer et les âmes, grandir.

Ainsi, durant le vivant de Richelieu s'est créée la façon dite u clas-

sique u de traduire, façon polie, explicite, claire, simple, de bon gout.Mais, après sa mort, la querelle entre les tenants de la fidélité et les

tenants de l'infidélité dans la traduction reprend son cours, ce qui faitque D'Ablancourt est critiqué au nom d'une nouvelle exigence den savoir n (Miramion), absente des propos cicéroniens. À partir de ladeuxième moitié du siècle, cette exigence de rigueur va s'accroitre etapparait sous la forme de règles émanant essentiellement des ûaducteursjansénistes. Lère de la liberté s'achève ainsi provisoirement.

Ia grande nouveauté qu introduisent les jansénistes sur le plan de lathéorie, à cette époque, e$ la prescription de l'équivalence. Nous ne

sommes plus ici à la théorie de la n pesée > des mots, car à chaque image,chaque métaphore, chaque n beauté , du texte original doit correspondreune image, une métaphore' une n beauté n dans le texte d'arrivéete. læ faitest que les mo$, n étant plus pesés, mais comptés, il faut faire o changerl'auteur de langue sans le faire changer de pensée ) et de Sacy, qui a untrès beau style, s'explique sur la difficulté d'obtenir une traduction à lafois juste et belle.

17. R Zuber cite, parmi d'autres : les Philippiques, læ Paradoxes de Cicéron par P DuRyer (1639-40), De k huange dHéhne et de Busire d'Isocrate, par Giry en 1640, les

Contromes de Sénèque, (1639), les Verrines (1640) par Lesfargues (lac. cit.).18. On a compris, la traduction classique, en raison de la tendance du français à expliciter,en raison de son aqpect plutôt analytique (contrairement au latin, langue à déclinaisons), en

raison defcr@oi de,lapæphrase, r&ulte en un te)ce deux fois plus long que I'original,Ainsi, pourÏleshxaducdons du tercte de Tâcite, là otr I'auteur latin utilise 84 mots, Fauchet

ernploie 164,iBasdoin,.l82,'l,e Mùue, 159, Br&al 195 et D'Ablancnw 174.

19. On pourrait y voir, en revanche, une position u ancêtre, de celle qu'adopteraH. Meschonnic.

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14 Le Français aujourd'hui no 142, r La littérature en traduction r

Les règles contraires, en revanche, et comme on l'a déjà vu, expriméesparTende, soulignent la nécessité de traduire les équivalences, de pénétrerI'esprit de I'auteur, de ne pas allonger ni embellir. Le Maistre, par la suite,formulera dir tèglo dans le prolongement de Tende.

Pour ce dernier la première chose à quoi il faut prendre garde dans la tra-duction française : iest d'être er<trêmement fidèle et littéral, c'est-à-dire,d'eirprimer en notre langue, tout ce qui est dans le ladn, et u de le rendresi bien que si, par exemple, Cicéron avoit parlé notre langue, il ett parléde même que nous le faisons parler dans notre uaduction'o o (R Zuber,1995, p.143).

Peu à peu, les conseils accentuent les efforts à faire pour conserverl'équilibre, les proportions, pour éviter les répétitions, les sons désa-gréables, brei à intervenir dans le texte d'arrivée.

De siècle en siècle, I'histoire de la traduction se modifie. Après le mode-lage de la prose française, ârrec ses règles, son sryle, le siècle des Lumièresméprise la traduction faite au détriment de l'expression de la pensée etconsidérée comme I'expression de u seconde main n. La traductiondevient ainsi activité secondaire er roralement dépendante du gout et desusages (oir la fidélité n est plus de mise). C'est que les raducteurs du XVrrfsiècle ont, entre autres choses, à satisfaire au gout du public lemré, devantnon seulement se plier aux règles grammaticales, stylistiques, rhétoriquesen vigueur dans leur siècle, mais aussi bien rravesrir au nom de labienséance le contenu des rextes traduits, à savoir les texres de l'Antiquitégréco-romaine. Il s'agit d'un siècle otr la traduction n'est plus l'activitéprestigieuse (socialement et artistiquement) qu elle a pu être durant lessiècles antérieurs.

Lun des traduceurs les plus connus et exemplaires à cette époque estune traductrice, M'" Dacier, A Tanneguy-Lefebvre (165I-1720), épousedâ. Dacier avec qui elle a traduit La Vie d.es bommes illusnes de Plutarque,après Amyot. M* Dacier a, de son côté, entrepris plusieurs traductions, dePlaute, Aristophane, Térence et enfin de I'Iliadz et de I'Odyssée qui luivalurent la gloire. Défenseur des Anciens et paniculièrement d'Homère, latraductrice del'Iliade, expose deux types de difficultés renconrrées dans satraduction : la première, d'ordre poétique ; la seconde, de I'ordre desvaleurs éthico-esthétiques de l'époque (morale et réceptive) qu elle attribueà la u faiblesse o de la langue française.

Ce que M'" Dacier entend pat faiblesses dz k langue frarcçaise ne se

situe pas seulement au niveau de la langue à proprement parler, commeon a pu voir par la richesse de sa littérature. Ce qu elle enrend par lalangue, ce sont les usages devenus puristes, conformistes : n Que doit-onattendre d'une traduction en une langue comme la nôtre, toujours sage,ou plutôt timide, et dans laquelle il ny a presque point d'heureuse har-diesse, parce que toujours prisonnière dans ses usages, elle n'a pas lamoindre libert#' ? ,

20. Introductionà, I'Iliadz, ALeide, \ù?'eistein et tls, 1766, cité par Mounin, bc.cit.,Les Belhs Infidlhs, Marseille, Cahiers du Sud, 1959, p.5.21. Voir I. Osrrc-DÉpnÉ, bc. cit., p. 158 et sq.

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Théories et oratioues de la traduction littéraire en France

Cene façon de traduire, on la ûouve également chez Rivarol, traducteurde Dante, disciple de labbé Delille dans I'art de tout dire avec élégance.

l,a dualité qui s'annonce à partir de ce moment et qui sera patente auxvIII" siècle, le siècle des o belles infidèles >, ne se situe plus entre les motset les sens, mais plus insidieusement, entre les mots du texte, la n leftre ,,et les sens tels que préconise la langue officielld' laquelle n'est pas,

comme on le sait, la langue de tous les Français, mais la langue de laCour, la langue du Droit, de lâdministration, de l'fumée. Entre texte etl'usage donc.

Cet état de choses, que l'on observe en diachronie, montre la ténacitéde la position classique qdillustrent toutes ces théories qui se trouvent àla base des normes du système traductif français et dont les u tendances

déformantes n de la traduction française analysées par A. Berman (1985)ne sont que I'envers. Une position traductive dite libre mais qui, au coursdes siècles, est devenue de plus en plus servile, à I'origine de la fameuse

dualité devant laquelle le traducteur devra choisir : la source ou la cible.Il aura fallu amendre le xnc siècle pour que la pensée sur la traduction

se modifie. Ainsi, à la suite de la Révolution, pour plusieurs raisons, dontI'influence du romandsme allemand, on s'ouvre vers l'Autre, l'étranger,vers d'autres cultures'3. Le grand nom qui se détache dans le siècle est

celui de François René de Chateaubriand qui innove à plus d'un titre:non seulement par le désir de décrire la façon dont il a traduit Le Paralhperdu de J. Milton'4, mais par l'affirmation de l'avoir traduit o limérale-ment ). Chateaubriand estime qu il a révolutionné la façon de traduire,mais ce qui lui importe davantage, c'est la description des procédés qu ila mis en Gurrre pour le faire. On peut compter parmi ses procédés, le res-

pect, voire le calque de la syntaxe anglaise au détriment des règles du bonusage français, l'activation de l'intertextualité (Sénèque, la Bible), la créa-

tion de néologismes, le respect des u mots horribles > et des ( mots com-muns D, donc des différents niveaux du texte de Milton, ainsi que deI'obscur (Dieu). Chateaubriand est le premier traducteur de la Modernitéà se réclamer d'une traduction ( mot à mot )), qu'un enfant pourraitsuivre avec le doigt et il est considéré par A. Berman, éminent uaducto-logue contemporain, comme le u traducteur exemplaire r.

Théories descdptives, naissance de la traductologieAu rcf siècle la naissance de la linguistique va permettre à la traducto-

logie de naitre et de se développer. Entre l'après-guerre et les années

1970,|'intérêt pour la traduction de la part de linguistes et philosophesdu langage se développe en France et à l'étranger. D'abord tournée vers

les problèmes linguistiques (méthodes, pédagogie, philologie), elle s'inté-resse peu à peu (1980) à I'aspect proprement littéraire de la traduction(esthétique, poétique) et à l'aspect philosophique (éthique). La façon

22. P Bounonu (1982), Ce qaz parla ueut dire, Paris, Fayard.

23. Dans notre ouvrage (loc. cit.), nous considérons Chateaubriand comme un précurseurdes théoriciens de la description en traduction liméraire.24. Yoir F. R ps CnnrrnusRlANp (1983), < Remarques sur la traduction de Milton ,,Po(r'sie, n" 23, Patis, Belin, p. 112 et sq.

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16 Le Français aujourd'hui n" 142, ( La littérature en traduclion n

classique de traduire est remise en Gruse et la u révolution > annoncée parChateaubriand permet au philosophe A. Berman de condamner les posi-tions traditionnelles comme étant n ethnocentriques u (1985). À partird'une réflexion qui lui est propre, mais qui converge vers celle de\7. Benjamin'' (1926) et à I'aide des propos renus par les poètes alle-mands défenseurs d'une pratique littéraliste du traduire comme consti-tutive de la culture, A. Berman propose la critique de la traduction àtravers la n traductologie, comme n forme ou champ de savoir, à rap-procher de ces formes de discours récenrs que sont l'archéologie deM. Foucault, la grammatologie de J. Derrida ou la poétologie déve-loppée en Allemagne par B. Alleman ,, (1984). Ce savoir, il le définitdans son ouvrage, de parution posthume, Pour une critique des naduc-tions : John Donne, Gallimard (Paris, 1995) comme un < savoir discursifet concepruel essayant de conquérir une scientificité propre ,. Cette cri-tique va ouvrir un nouvel espace théorique er prarique de la traductionlittéraire en Francd6.

Une nouvelle façon de traduire, à la fois u littéraliste > et < libre > nair enFrance avec les traductions de M. Deguy, de J. Risset, de P. Klossowski, de

J. Roubaud, qui pratiquent une rraduction à la fois < isomorphique n ertournée vers I'avenir : ni littérale, ni libre, mais structurellement liée àI'original et sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, mais les limites de cetexposé nous interdisent de le furê?.

Inês OSEKI-DEPRÉUniversité de Provence (Centre d'Aix)

Département de littérature générale et comparéeUFRIACS

25. la redécouverte du texte benjaminien (, la tâche du traducteur r) a été essentiellepour la traduction lirtéraire contemporaine.26. Son premier ouvrage imporant, LÉpreuae dz l'étranger, Paris, Gallimard, coll.u essai r, 1984, consiste en une analyse très frucueuse du Romantisme allemand et desauteurs qui ont accordé à la traducdon une place primordiale aussi bien dans le dévelop-pement de la pensée que dans celui de la culture en général.27.Onperur citercommeexemplelatraduction duQohéktdeJ. Roubaud (Biblz,Bayard,,2000), dans laquelle ce qui est traduit relève à la fois de I'organisation et de la poéticité deI'original.

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Théories et pratiques de la traduction littéraire en France

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