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D ossier HRM 21 jobindex media ag Alain-Max Guénette, Nataša Maksimovic, Evalde Mutabazi, Philippe Pierre Gestion de la diversité L’urgence d’un management interculturel

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Dossier HRMN˚ 21

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Alain-Max Guénette, Nataša Maksimovic, Evalde Mutabazi, Philippe Pierre

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© 2011 by jobindex media ag, Hofackerstrasse 32, 8032 ZurichT: 044 269 50 10, F: 044 269 50 11, [email protected], www.jobindex.ch

Conçu et imprimé en Suisse.

Cette œuvre est protégée par la loi sur les droits d’auteur. Toutes reproductions, notamment les photocopies, traductions, microfilms, stockage ou diffusion au moyen de systèmes électroniques sont interdites sans l’autorisation préalable de notre maison d’édition.

Ce fascicule reflète les expériences de leurs auteurs, leurs observations au contact des conseillers en personnel et des gestionnaires de ressources humaines, sans oublier diverses recherches au niveau de la littérature spécialisée. Malgré tout le soin apporté à la réalisation de ce document, des erreurs ne peuvent être complètement exclues. Si l’éditeur et l’auteur ne peuvent assumer aucune responsabilité ni engagement juridique du fait d’indications fautives et de leurs éventuelles conséquences, ils seront néanmoins reconnaissants pour toute suggestion ou proposition d’amélioration. jobindex media ag

Alain-Max Guénette, Nataša Maksimovic, Evalde Mutabazi, Philippe Pierre

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Alain Max Guénette est professeur en Ressources humaines à la Haute école de gestion Arc, Neuchâtel et Delémont où il est responsable d’un diplôme (DAS) composé de trois certificats (CAS) dont l’un sur la gestion de la diversité et manage-ment interculturel. Enseignant et formateur, il mène également des activités de recherche et des mandats au sein de l’Institut du management et des systèmes d’information (IMSI), cellule «Santé et Organisation», sur les thèmes suivants: diversité, management interculturel, santé au travail. Il est chercheur associé au Centre de gestion scientifique (CGS) de l’école des Mines ParisTech.

Nataša Maksimovic est assistante de recherche au sein de l’IMSI de la HEG Arc où elle participe à l’enseignement et à des projets de recherche, notamment dans le domaine des Ressources humaines. Associée au groupe de chercheures de la cellule «Santé et Organisation», sa contribution porte sur les questions liées à la santé au travail et à la diversité. (http://gestion.he-arc.ch)

Evalde Mutabazi est professeur à de l’EM-Lyon où il mène des activités de recherche, de conseil et de formation de cadres dans les entreprises confrontées aux problématiques de conduite du changement, de développement et de management des équipes multiculturelles en Afrique et en Europe. Ses recherches et interventions en entreprises portent, depuis 20 ans, sur l’effet des différences culturelles, contextuelles et managériales sur les relations de travail et les performances sociales et économiques des entreprises et de leurs équipes en contextes multiculturels. Il est l’auteur, avec Philippe Pierre, de Pour un management interculturel (2008) et Les discriminations (2010) et, avec Yochanan Altman, Audrey Klesta et Philippe Poirson de Management des ressources Humaines à l’international (1994). (www.mutabazi.com)

Philippe Pierre a réalisé son parcours professionnel dans le domaine de la gestion des ressources humaines. Il a d’abord exercé dans le secteur pétrolier puis a été notamment DRH PCI / Division Luxe de L'Oréal et Directeur de la formation de la Division Coiffure de L’Oréal (8000 collaborateurs). Il est aujourd’hui consultant. Conférencier et formateur reconnu, il enseigne dans plusieurs institutions inter-nationales depuis plus de quinze années en liant pratique de terrain et apports théoriques. Auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages, Philippe Pierre intervient dans les domaines de la lutte contre les discriminations, de la performance des équipes diversifiées et des universités d’entreprise. Il codirige, avec Jean-François Chanlat, le Master «Management Interculturel» de l’Université de Paris IX-Dauphine. (www.philippepierre.com)

Table des matièresQuelques définitions ...................................................................................... 0

La montée en puissance d’un outil de gestion ............................................ 0

Une nouvelle idéologie managériale ............................................................. 0

«Diversity Management» ............................................................................... 0

L’«inclusion», notion nord-américaine ........................................................... 0

La gestion de la diversité de «base» ............................................................. 0

Raisons et définitions de la diversité ............................................................ 0

Caractéristiques ............................................................................................ 0

L’iceberg des différences: le cas suisse ....................................................... 0

Mises en œuvre ............................................................................................. 0

Lutter contre les discriminations .................................................................. 0

Une affaire de préjugés ................................................................................. 0

Discrimination positive et action positive ..................................................... 0

Des chiffres et des mots ............................................................................ 0

Effets pervers ............................................................................................. 0

Comprendre les stratégies identitaires ......................................................... 0

Race et appartenance ............................................................................... 0

Recrutement .............................................................................................. 0

Tensions et contradictions ............................................................................ 0

La diversité, une question ancienne ............................................................. 0

Toute une culture ....................................................................................... 0

Politiques et pratiques contextuelles ............................................................ 0

La machine à discriminer ........................................................................... 0

Chartes et labels ........................................................................................... 0

Bonnes pratiques, bonne conscience ....................................................... 0

Rendre compte ou agir? ............................................................................ 0

Indicateurs statistiques ................................................................................. 0

Risques communautariens? ...................................................................... 0

Gestion de la diversité ou Management interculturel? ............................... 0

Le véritable défi de la diversité ..................................................................... 0

Par-delà le «capital image» ........................................................................... 0

En guise de conclusion .................................................................................. 0

Références ...................................................................................................... 0

Bibliographie ................................................................................................... 0

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Introduction

Quand les hommes ne peuvent changer les choses, proférait Jean Jaurès, ils changent les mots. Celui de «diversité» est aujourd’hui largement diffu-sé. On évoque les personnes «issues» de la diversité, on convoque une gestion de diversité en entreprise et on fait de ce mot une réalité souhaita-ble. Pour autant, la diversité est à la fois un état – le caractère de ce qui est varié dans l’entreprise – et un idéal – la richesse de l’entreprise censée naître en toute occasion de sa diversité. Sorte de formule agissante du dialogue entre parties prenantes, cette notion de di-versité, paradoxale-ment, caractériserait à la fois le tout – la culture de l’entreprise en Suisse – et une de ses parties – ces personnes issues de la diversité, supposées «exotiques» au sein du reste du peuple suisse.

Nombreux aujourd’hui sont les milieux patronaux ou académiques qui souhaitent doter ce mot même de diversité d’une force d’émancipation sociale. Il est donc intéressant de clarifier les registres du travail de mise en forme rhétorique par lesquels une contrainte juridique – la lutte contre les discriminations – a été transformée en catégorie managériale – la diver-sité (Thomas 1984). Les politiques de gestion de la diversité qui s’adresseraient aussi bien aux entreprises qu’aux administrations, se situ-ent en effet à la croisée de plusieurs scènes en cours de connexion: scènes académiques et scientifiques, espace des décisions publiques et aussi arènes médiatiques et politiques (Robert-Demontront et al. 2007).

Ce dossier n’est pas un manuel de gestion de la diversité. Des ou-vrages pratiques existent et parmi eux d’excellents, qui plus est, accessi-bles via le net (cf. Cornet et Warland 2008b). No-tre défense de la diversité en entreprise et de son management veut apporter un regard critique et constructif sur les pratiques émergentes dans les organisations. Comme tout outil de ges-tion, le «Diversity Management» est ambivalent et cela mérite que l’on s’attarde sur les ten-sions et les contradictions qu’il est en mesure d’engendrer. Il y a plus. Cette modalité managé-riale renvoie à des questions de justice, au «vivre ensemble». Souci d’intégration visant à pal-lier la panne de l’assimilation. L’hétérogénéité inhérente aux sociétés con-temporaines est cer-tes explicative d’un recours, à nouveaux frais, de réflexions pour des solutions en termes d’intégration des personnes les plus défavorisées sur le marché du travail et de l’emploi. Mais l’inédit de la gestion de la diversité est que ce recours s’inscrit dans un contexte d’affaiblissement des institutions à l’œuvre dans les dernières décennies, laissant une place aux entreprises et organisations qui s’y inscrivent dans l’espace des décisions publiques et de la régulation politique. Nous

sommes en phase avec notre collègue Jean-François Chanlat, co-directeur de la Chaire «Management et Diversité» de l’Université de Paris IX-Dau-phine, quand il trace trois lignes de tension parcourant à des degrés divers, selon les pays, la gestion de la diversité, à savoir: diversité/égalité, diversi-té/laïcité et diversité/performance (Chanlat 2009).

Si nous présentons bien entendu au détour d’un chapitre les basiques de la gestion de la diver-sité, nous invitons surtout à un parcours de réfle-xion pour l’action. Ce petit ouvrage contient en effet des idées force. Il nous paraît qu’une «gestion de la diversité» peut être utile aux en-treprises et aux organisations en ce qu’elle permet d’interroger les normes domi-nantes et cela est en soi positif; mais nous soutenons que seul un véritable management interculturel peut rendre rencontrer les véritables défis de la diversité que doivent affronter les entreprises et les organisations. Le film plutôt que la photo en quelque sorte! Nous prenons position sur diffé-rents sujets centraux dans le débat sur la diversité dans les organisations. Nous pensons par exemple qu’à tout prendre, mieux vaut pour atteindre l’égalité des chances, la solution de l’action positive plutôt que celle de discrimina-tion positive doublement problématique par son inefficacité et sa tendance à assigner des personnes à résidence identitaire. La première ren-voie dans notre acception à une question de territoire tandis que la deuxième renvoie à des questions en termes identitaires. Nous pensons aussi que le retour de catégories comme celle d’«ethno-racial» et des mesures entre autres indicateurs y renvoyant est régressif et dange-reux.

Quand un mot nouveau s’impose massivement dans le domaine du management, cela signale généralement une crise. A quelle crise renvoie le mot? Quelles solutions sont imaginées? Quelle en sont les risques et les promesses? Existe-t-il d’autres solutions ou d’autres pistes?… Voilà quel-ques unes des questions qui ont motivé l’écriture de ce dossier.

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Quelques définitions

Avant de laisser le lecteur face au texte qui suit, précisons d’emblée le sens de quelques ter-mes qui reviendront souvent au fil des pages1:

Égalité de droit: désigne le fait que la même loi s’applique selon les mêmes principes à tous les sujets résidents d’un territoire donné. Elle n’est en principe pas séparable de l’égalité poli-tique qui désigne le droit iden-tique de tous les membres du corps politique de participer aux mêmes conditions à la formation de la décision politique, c’est-à-dire collective. La limite à ce principe tient dans le fait, de plus en plus fréquent en société mondialisée que je peux être résident dans un pays dont je ne suis pas citoyen. On peut légitimement se demander si l’exclusion durable de la seconde ne met pas en péril la première.

Égalité des chances: cette formule énonce le principe théorique de l’égalité libérale, principe selon lequel, dans une collectivité territoriale donnée, les sujets sont supposés jouir des mê-mes chances de carrière indépendamment de leur origine, religion, sexe, couleur de peau, etc. – les différences sociales et économiques devant pouvoir, en dernière analyse, être rattachées à des différences dans la valeur des contributions sociales de chacune.

Ce droit est probablement le moins honoré dans nos sociétés libérales qui le promettent ce-pendant.

Égalité réelle: cette idée désigne une situation dans laquelle il n’y aurait aucune différence de rétribution entre les individus, partant de richesse et de possibles.

Il est clair que contrairement à l’égalité des chances, nos sociétés libé-rales ne l’endossent pas.

Tension égalité/diversité: Alexis de Tocqueville montre au XIXe siècle que la démocratie est fondée sur l’égalité des conditions: nous sommes égaux devant la loi. Existe-t-il une tension entre égalité et diversité (culturelle) ou plutôt entre démocratie (égalité) et capitalisme (riches-se)? Celui-ci renvoie en effet à une dynamique d’inégalité des fortunes (valorisation de la va-leur), si bien que l’on traite à travers des mesures correctives l’inégalité comme une fatalité. Le risque est alors que la diversité telle qu’elle est

utilisée en management tend à sacraliser les différences, alors que l’égalité tendrait à tenter de renverser les rapports de force.

Discrimination: traitement différentiel sans fondement en droit. Typique-ment, le fait d’écarter, de défavoriser, de punir d’une certaine manière en raison, non pas de quelque chose qui est imputable au sujet discriminé (une action, une omission, un grade obtenu ou non obtenu, etc.), mais d’une caractéristique «identitaire» (race, religion, ethnie, sexe, etc.).

Discrimination positive: traduction malheureuse du terme anglais «affir-mative action»; le fait d’inscrire dans la loi un article spécifiant que les personnes membres d’un groupe déterminé bénéficieront d’un traitement «compensatoire» au nom de la nécessité d’atténuer les effets des discrimi-nations historiques dont ce groupe, et ses membres, ont été victimes.

Action positive: l’idée d’un traitement différencié, à compétences égales pour corriger des inégalités de fait tel que le handicap par exemple.

Dans notre acception de ces deux derniers termes, les actions posi-tives sont relatives à des groupes-cible et sont relatives à un territoire, tandis que la discrimination positive se basent sur des aspects identitaires.

Discrimination directe: le fait de traiter, de manière volontaire et intenti-onnelle, moins favo-rablement un individu qu’un autre individu, sur la base d’une caractéristique individuelle ou identitaire.

Discrimination indirecte: le fait de traiter, le plus souvent de manière non intentionnelle et non volontaire, un individu ou un groupe d’individus selon une norme que l’on croit neutre, mais qui en fait ne l’est pas. On qualifie souvent ce type de discrimination de systémique.

1 Toutes les références en page 46

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La montée en puissance d’un outil de gestion

Une nouvelle idéologie managériale

En Europe, les politiques de gestion de la diversité correspondent à une rhétorique qui s’est diffusée précocement dans les grandes entreprises britanniques, soumises à des normes publi-ques antidiscriminatoires très coercitives – en matière ethno-raciale notamment – que celles qui existai-ent dans les autres pays européens. Ce discours a profité aussi de la réa-lité des im-plantations croisées de filiales issues des pays anglo-saxons dans les grands groupes d’autres pays européens, du poids des agences de notation sociale (Edelman et Fuller 2001) et l’on a progressivement évo-qué, sous l’influence de l’Union européenne, la promotion du «business case» (c’est-à-dire la logique d’affaire ou l’avantage économique) de la diversité.

Dans l’idéologie managériale dominante des années 1970, le bon ma-nager est un bon psycho-logue qui privilégie l’écoute. Le conflit ne peut être qu’un malentendu et les émotions ont une valeur du seul fait d’être exprimées. Dans les années 1980, en plus d’être un bon psychologue, le bon manager est un innovateur. Puisque chacun est désormais sommé de travailler sur soi et d’utiliser les technologies comme l’ordinateur, le fax… avec efficacité. Dans les années qui sont les nôtres, le bon manager est non seulement attentif aux plus fragiles, aux personnes différentes, mais aussi apte à évoluer dans un contexte international et multiculturel. Dans les grandes entreprises par exemple, l’arrivée de cadres en provenance des filiales internationales, l’intégration souhaitée, mais pas toujours réali-sée, celle de personnes discriminées ou minori-taires, la manifestation de leur ethnicité 2 ou de leur bi-culturalité sont des faits censés apporter (sy-stématiquement) quelque chose en plus, une addition à chaque culture originelle d’équipe.

«Diversity Management»

L’émergence, en Europe, de la notion de diversité, sa large et rapide diffu-sion, sont liées aux conventions internationales et aux directives europé-ennes portant sur la lutte contre les discriminations (notamment la Direc-tive 2000/43/CE relative à l’égalité de traitement sans distinction de race

ou d’origine ethnique et la Directive 2000/78/CE en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail) qui ont influencé de nom-breuses législations nationales. Mais l’antériorité de ce débat et de l’action publique qui l’a accompagné, puise ses racines sur le continent nord-américain. Le «Diversity Management» est né plus précisément dans les années 1980 aux Etats-Unis et a été popularisé par le rapport Workforce 2000 rédigé par le Hudson Institute à l’initiative du Department of Labour. Il est fondé, dès l’origine, sur l’intérêt patronal à valoriser une main d’œuvre nouvelle (les deux tiers des arrivants sur le marché du travail, à savoir les femmes et ceux que l’on nomme «minorités ethniques»). Le «diversity ma-nagement» se veut, dès l’origine, une véritable stratégie à part entière, moins contraignante que les injonctions juridiques en matière d’égalité des chances (Equal Employment Opportunity) et de discrimination posi-tive (Affirmative Action) imposées par les pouvoirs publics 3. En témoig-nent les primes de certains dirigeants indexées à la progression significa-tive des minorités à des postes de direction (Wrench 2002). L’idée du «diversity management» renvoie à un «agir pour» plutôt qu’à celle du «lut-ter contre».

La gestion de la diversité vise à remplacer la «peur du gendarme», la force de la sanction de la loi et aussi les risques de détérioration d’image en cas de manquement 4, par un discours sur l’efficacité économique de «diversités du personnel» censées offrir aux entreprises un avantage com-paratif puisqu’il s’agit désormais de valoriser toutes les différences des individus, y compris la diversité de leurs «talents», de leurs «cultures» ou encore de leurs «styles de vie» (Bereni et Jaunat 2009). «Promouvoir la diversité» revient alors à accroître la présence des membres de groupes dominés dans les espaces socialement valorisés, les entreprises en premi-er lieu, éventuellement au moyen de traitements préférentiels (Bereni 2009). «Promouvoir la diversité» revient aussi à vouloir influencer les men-talités et reconnaitre un pouvoir «performatif», éthique, aux discours sur la diversité. Non seulement, la diversité des profils et des personnels ferait partie de ce que l’opinion publique jugerait non négociable pour faire des affaires, mais la rhétorique de la diversité s’est faite largement également au nom de l’engagement «socialement responsable» des entreprises. Elle s’est traduite, en pratique, comme le constate Laure Bereni, par une requa-lification en politiques dites de gestion de la diversité d’opérations préexi-stantes de mécénat social (bourses d’études, parrainage, tutorat...) à l’égard de certains publics «défavorisés», du point de vue de leur âge, de leur quartier de résidence et, ou de leur situation socio-économique, re-flétant l’intrication entre des visées antidiscriminatoires et celles des poli-tiques de la ville et de l’intégration sociale (Dobbin et Kelly 1998, Edelman et Fuller 2001).

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L’«inclusion», notion nord-américaine

Aux Etats-Unis, l’approche globale de la diversité est fortement liée à la notion d’inclusion, liant la transparence «aérienne» des procédures, la re-cherche «terrienne» des racines et l’imaginaire du «fluide» qui vivifie l’organisation en faisant circuler les énergies, les person-nes et les biens. Dans les entreprises véritablement engagées, les politiques de diversité s’inscrivent dans un cadre plus large: celui du développement durable ou tenable. En effet, celui-ci semble recouvrir aussi bien la lutte contre les discriminations que le vaste problème du développement des sociétés (la lutte contre la faim, l’accès à l’eau, à l’énergie et aux nou-velles technolo-gies de l’information, l’amélioration de la santé, des conditions de vie et de travail...). Certaines entreprises se donnent un rôle proprement politique en déclarant très ou-vertement leur engagement dans la lutte contre la discri-mination, y compris les logiques d’assignation résidentielle, sociale ou cul-turelle de populations exclues de la vie économique et sociale…

Ces entreprises élargissent, par exemple, leurs pratiques de gestion de la diversité aux condi-tions d’hygiène et de sécurité dans leurs filiales in-ternationales, voire chez leurs sous-traitants de pays moins développés, les modes de rétributions, de couverture sociale et de retraite du personnel local, la lutte contre le travail des enfants, la formation des salariés, la prise en compte de la diversité des cultures locales, qu’elles soient régionales ou religieuses, ethniques ou claniques…

Dans ce contexte à la fois politique et social, l’entreprise «idéale» en termes de gestion de la diversité, devra avoir les traits de la démocratie participative, devra permettre à tous ses membres d’accéder à l’information (les critères d’entrée et les règles d’évolution pour chaque métier, les postes disponibles et les conditions d’accès, les formations et les critères d’évaluation…) et de contribuer à la faire évoluer par l’expression de son opinion individuelle (Kelly et Dobbin).

Chaque époque possède ses canons idéologiques. La nôtre, dont la périphérie est partout et le centre nulle part, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de centres de décision, s’alimente fortement de l’idée d’altérité, de créolité souhaitables. Ces prétendues qualités renvoient à l’imaginaire du «fluide» évoqué plus haut. Supposée être attentive à tous (personnel, action-naires, fournisseurs…) et capable de concilier l’ouverture et l’identité, l’unité et la diversité, les déplacements multipolaires (Nord-Sud et Sud-Nord… mais aussi dans le cadre des projets, métiers et fonctions), cette organisation humaine et tolérante s’appuiera fortement sur sa capa-cité à transformer les différences en facteurs de performance, à innover à partir de la diver-sité, l’apprentissage mutuel et l’enrichissement récipro-que de ses membres au travers de leur expérience quotidienne de coopé-ration.

La gestion de la diversité de «base»

Raisons et définitions de la diversité

La diversité comme outil de gestion est généralement présentée comme étant le fruit de l’hétérogénéité de nos sociétés. La «diversité croissante de la clientèle et des usagers, et donc du bassin d’emploi et de la main d’œuvre» pose, selon Annie Cornet et Philippe Warland, un défi que les entreprises et organisations peuvent prendre «comme une contrainte ou alors un objectif ou une opportunité d’affaires» (2008a). Pour Jean-Fran-çois Chanlat et Stéphanie Dameron, il s’agit de la rencontre de «quatre grands mouvements de fond: une présence désormais massive et perma-nente des femmes sur le marché du travail: un brassage démographique entraîné par les divers mouvements migratoires, une mondialisation des échanges et une culture plus tolérante et libérale à l’égard des différences (2009).

Résultat d’une construction sociale, la diversité n’en reste pas moins une notion floue ren-voyant à des réalités multiples et des enjeux différents (Cornet et Warland 2008c). Elle concerne chaque personne prise isolément ou alors des groupes-cibles potentiellement discriminés dans l’emploi: femmes, personnes d’origine étrangère (minorités visibles), personnes handicapées; aussi âges selon diverses catégories, homosexuelles.

Les définitions diverses attestent du caractère polysémique de la noti-on de diversité. Annie Cornet et Philippe Warland (2008a, p.6-8) ont réper-torié un grand nombre de définitions qu’ils ont classées en trois groupes selon qu’elles visent:• à lutter contre les discriminations dans l’emploi;• à créer de la valeur ajoutée en utilisant au mieux les différences individu-

elles;• à répondre aux défis posés par une main d’œuvre de plus en plus hété-

rogène (réduire les dysfonctionnements éventuels ou, mieux, de recon-naître et valoriser ces différences…).

Ce faisant l’aspect stratégique semble de plus en plus présent dans ces définitions, s’appuyant sur le postulat que la diversité des comportements, des attitudes, des valeurs est à favoriser car elle représente une source de création de valeur. Dans leur Manuel de formation pour le Management de la diversité, Marion Keil et al. (2007) définissent le management de la diver-sité comme étant «le développement actif et conscient d’un processus d’acceptation et d’utilisation de certaines différences et similarités comme

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potentiel de l’entreprise. Il s’agit d’un processus de communication et de management, orienté vers l’avenir, stratégique, guidé par la recherche de valeur ajoutée pour l’entreprise.»

Dans La gestion de la diversité des ressources humaines dans les en-treprises et les organisations, Annie Cornet et Philippe Warland précisent que la Gestion de la diversité est définie comme la mise en œuvre d’une politique de gestion des ressources humaines qui: s’inscrit dans les prin-cipes d’égalité des chances et de traitement de tous les travailleurs et de lutte contre toutes les formes de discrimination; vise à offrir à chacun et chacune des opportunités d’emploi et de carrière en lien avec ses com-pétences et aspirations; permet à l’entreprise d’améliorer ses processus internes (efficience) et sa performance (efficacité) en permettant à la main d’œuvre disponible dans son bassin d’emploi de tirer parti de ses atouts.

Dans la pratique, la gestion de la diversité renvoie à l’intégration dans l’emploi de certains groupes cibles et à des problématiques en lien avec l’égalité professionnelle. Concrètement, on retrouve généralement des ac-tions qui visent à: la promotion de l’égalité des femmes et des hommes ainsi qu’à la mixité des emplois et des fonctions; la participation à l’emploi des per-sonnes handicapées, l’intégration professionnelle des personnes d’origine étrangère; proposer des dispositifs d’intégration des différentes catégories d’âge, notamment l’emploi des jeunes et des seniors mais aus-si la gestion des carrières des quadras et quinquas.

L’encadré suivant reprend des notions de diversité aujourd’hui bien connues:

Encadré 1: Quelques notions de «gestion de la diversité»On parle de plafond de verre («glass celling» dans les pays anglo-saxons, «plan-cher collant» au Québec) lorsque la progression de catégories de population (femmes, minorités visibles, personnes handicapées…) s’arrête à un certain niveau, au dessus duquel se situent les postes à responsabilité (pour des hommes blancs valides, âgés de 25 à 40 ans par exemple). Cette fron-tière invisible aux abords des niveaux hiérarchiques plus élevés apparaît dès le niveau des agents de maîtrise. Parmi les freins informels à l’acquisition du savoir organisationnel, néces-saire à une promotion, on citera l’exclusion des réseaux d’anciens, l’indisponibilité pour des activités de socialisation professionnelle (formation, visites, colloques).On évoque les parois de verre pour l’accès à des filières de métiers qui condu-isent aux postes à responsabilités (finance, management opérationnel…). Construction subtile, faite de préju-gés et associations ancrés et inconscients, les parois de verre sanctionnent des mécanismes d’autocensure qui font que l’on ne s’autorise pas à changer de voies ou de professions en anti-cipant les freins que l’on va rencontrer.On parle de portes pivotantes lorsque certaines personnes sont en position de

Caractéristiques

Au plan des caractéristiques de la diversité, il est la plupart du temps que-stion du sexe, de la nationalité, de la religion, du handicap, des âges et de l’orientation sexuelle (Lépine et al. 2004). Une revue de critères a été effec-tuée par Annie Cornet et Philippe Warland qui ont noté plus d’une dizaine de motifs légaux dans quatre pays francophones du Nord (Cornet 2008a): État-civil, situation familiale, situation sociale, mode de vie, origine ou race, la Suisse se distinguant par une protection de la personnalité, la France par celle des activités syndicales et du patronyme, le Canada celle des mino-rités visibles et des autochtones, et la Belgique par le changement de sexe.Différentes façons de classer les caractéristiques de la diversité sont à l’œuvre. Nous en avons retenu trois, celles de:• Barth et Falcoz (2007): visibilité de la différence (visible et non visible); le

fait que la caractéristiques soit stable et immuable plutôt qu’instable (âges, opinions politiques, convictions religieuses, handicap, poids…).

• Cornet et Warland (2008a): caractéristiques physiques «visibles», carac-téristiques physiques fonctionnelles, caractéristiques sociales, caracté-ristiques individuelles, caractéristiques organisationnelles.

• Point (2007): caractéristiques les plus visibles tel que le genre, la race, la couleur, le handicap physique, les apparences physiques; caractéri-stiques les moins visibles tel les croyances, l’éducation, la localisation, …

Nous allons dans le paragraphe suivant reprendre la distinction opérée par Sébastien Point qui a décrypté, à partir des informations disponibles sur les sites internet de grands groupes européens, des définitions et des uti-lisations de la notion de diversité, qu’il a repreésenté sous la forme d’«iceberg des différences 5» (Point 2007).

L’iceberg des différences: le cas suisse

La méthode de Sébastien Point a consisté en un décryptage, à partir des informations disponibles sur les sites internet de grands groupes, des

pouvoir mais sont exposées à de telles difficultés d’intégration (alors qu’elles pos-séderaient les compéten-ces) qu’elles partent rapidement, ce qui a pour effet de confirmer publiquement qu’elles ne sont en réalité pas faites pour ces positions exposées et jugées exigeantes. Le milieu d’accueil n’a pas favorisé les décisions de recrutement venues d’en haut.

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définitions et des utilisations de la notion de diversité. Huit pays ont fait l’objet de l’analyse parmi lesquels la Suisse. L’iceberg des différences est censé montrer les caractéristiques de la diversité en termes de degré de visibilité (cf. figure n°1). La partie immergée regroupe notamment des critères tels que l’âge, le handicap, le sexe etc. La Suisse se distinguerait par les sept critères suivants, d’après l’étude de S. Point, à savoir: le genre, la race, l’âge, le handicap physique, la nationalité, la religion et l’orientation sexuelle.

Nous avons entamé une recherche exploratoire également sur la base de l’examen de sites de grandes entreprises et administrations, complétée cependant par une enquête en ligne auprès des entreprises et organisa-tions présentes en Suisse romande et dans quelques cantons alémaniques limitrophes. L’échantillon a touché environ trois mille organisations (le taux de réponse se situant à près de 10 pour cent). Nos objectifs étaient d’une part de posséder une photographie de l’état du management de la diver-sité en Suisse et la mettre en regard de celle tirée par le chercheur français et, d’autre part, de saisir l’écart entre les propos charriés à travers les dis-cours de dirigeance et les réponses effectives des managers.

Figure no1: Iceberg des différences ayant servi à l’enquête

Les réponses des organisations déclarant avoir une GRH orientée diversi-té, considèrent les points suivant comme les principaux leviers d’action de leur politique RH: la parité homme-femme, la question des âges, la valori-sation de l’expérience et la formation professionnelle. Les deux autres le-

On notera aussi comme résultat de l’enquête la confirmation que, pas plus que les spécialistes, les répondants ne partagent pas une définition iden-tique de la diversité et des dimensions principales qui y font références. Ainsi, lorsque l’on interroge les organisations sur ce que diversité signifie pour eux, on constate que les critères de diversité géographique (culture, nationalité, langue, etc.) et de valeurs professionnelles (expériences, va-

Figure 2: Iceberg des différences – résultats

viers d’action significatifs renvoient aux identités professionnelles et au social (cf. figure 2). Notons que si l’on met en regard les résultats en fonc-tion de la sphère linguistique, on remarque que dans les cantons aléma-niques le plurilinguisme prend l’ascendant sur la question des âges.

Les résultats de l’enquête présentée ici à grands traits nous conduisent à remarquer que la fraction visible ne prend finalement en compte qu’une infime partie des caractéristiques de la diversité en management, comme en réponse au cadre légal 6. Par ailleurs, l’étude a permis de faire ressortir d’autres caractéristiques prégnantes, plus profondes, liées à la formation et à l’expérience, ainsi qu’aux identités professionnelles et à la question du social et du souci de non discrimination en la matière. Deux points nous semblent pouvoir être retenus, à savoir le souci de l’équilibre social dans un pays regroupant trois sphères linguistiques principales et l’importance du système de formation orienté vers les entreprises et orienté sur les métiers.

GenreOrigineEthique

Age

Religion

HandicapPhysique

Nationalite

Systeme de valeurs

Formation

Orientation sexuelle

CroyanceSocial

Education

Identiteprofessionelle

Etat civil

SanteOpinion politique

Difference physiqueExperience

Plurilinguisme

Genre

Age

Formation

Social

Identiteprofessionelle

Experience

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leurs personnelles, profession, éducation, valeurs générales) dominent. Cette tendance rejoint effectivement ce que l’on peut retrouver dans le discours sur les pratiques des organisations en Suisse et dans les études menées par ailleurs 7.

Le «Diversity Management» constitue un apport indéniable dans un pays où l’on compte 22 pour cent d’étrangers. Les compétences semblent pouvoir se comprendre en termes de métier et d’interaction interculturelle.

Mises en œuvre

Annie Cornet et Philippe Warland (2008a, b, c) défendent l’idée qu’une gestion de la diversité doit réunir deux logiques, économique (dite aussi business case) et sociale. La logique éco-nomique regroupe les soucis d’efficience et d’efficacité, du respect des lois et de gain d’image, tandis que la logique sociale renvoie à la volonté de l’entreprise de refléter son envi-ronnement (en termes de nationalités, etc.) et de participer par tous les moyens au souci d’inclusion sociale.

L’idée est pour les auteurs que ces logiques débouchent sur des ac-tions susceptibles d’affecter la structure de l’organisation – dans ses divi-sions horizontale et verticale du travail – ainsi que les politiques des RH et la culture de l’organisations – ses normes et ses valeurs. C’est dans cet esprit qu’ils déclinent les diverses actions à mener pour ou dans le but de changer le com-portement des acteurs impliqués dans la fonction RH, d’évaluer et adapter les systèmes orga-nisationnels, et enfin de favoriser des initiatives permettant la mise en place d’activités réseau.

Parmi les questions difficiles de la gestion de la diversité, celle de la mesure est la plus épineuse. Nous prenons, dans les pages qui vont suivre, position sur cette question.

Encadré 2: Exemples de «bonnes pratiques» de gestion de la diversité

La notion de «bonnes pratiques» de la diversité est problématique. Comment décrire des situations de management qui apparaissent comme typiques et qui puissent être partagées dans d’autres entreprises? Ceci fait courir le risque d’agir sur le signe (sur le discours) et moins d’agir peut-être sur la chose (sur le social).

Le cv anonyme. Le point positif du cv anonyme est d’encourager des populations potentiel-lement discriminées à vaincre l’autocensure et à se porter candidates à des offres d’emploi.

Le kit de recrutement détaille le processus de recrutement, les limites des méthodes classiques de recrutement telles que l’entretien de face à face ou les tests de personnalité, présente certains tests d’aptitudes et des méthodes par simulation, souligne certains freins de nature culturelle (une culture d’entreprise qui écarte les femmes des postes à responsabilité) ou de nature structurelle (absence de possibilité de travail à distance, temps partiels…), inventorie des compétences transverses et les descriptifs de postes.

Le théâtre avec des scènes qui sensibilisent l’auditoire aux apports de la préven-tion. Classique dans les pays anglo-saxons, recommandé par le BIT, le test de discrimination est un mode d’enquête destiné à établir l’existence d’une pratique discriminatoire et qui consiste à constater l’attitude d’un employeur lorsqu’il est confronté à un groupe d’individus de «référence» et d’individus susceptibles d’être discriminés du fait de leur âge, de leur origine, de leur sexe…

L’autotesting peut porter sur des offres d’emploi.

La procédure d’alerte permet de prévenir les litiges. Le service RH dispose d’une grille d’entretien pour recueillir les éléments d’une discrimination ressentie ou vécue sur le lieu de travail. Un dossier est ensuite constitué, rendu anonyme ou pas et présenté en commission à un échelon hiérarchique au moins supérieur.

Les forums d’emploi sont des rencontres ponctuelles, organisées par des collectifs et des as-sociations à l’attention de candidats potentiellement victimes de discriminations. Les rencontres peuvent êtres organisées à l’intérieur de quartiers sensibles. Très brefs entretiens professionnels.

Certaines entreprises mettent en place un service de coaching accéléré après un retour de maternité. Les entreprises aménagent de plus en plus les structures de vie professionnelle et de formation: télétravail, aménagement des horaires, développement de services de proximité, adaptation de services locaux sociaux, participation active à la création de crèches inter-entreprises... Au final, les politiques de diversité questionnent le capitalisme actuel dans sa tendance à effacer les limites entre les espaces privés et publics et à interdire aux gens de disposer d’un temps et d’un espace privés, au nom de la seule productivité financière des entreprises.

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Lutter contre les discriminations

Une affaire de préjugés

Ainsi que le souligne Patrick Scharnitzky (2006), les individus générale-ment «discriminent par souci d’un bien-être psychologique et social; ils discriminent parce qu’ils reproduisent un schéma éducatif fondé sur des croyances souvent fausses et injustes; et ils discriminent enfin parce que la société ne leur renvoie aucun signal d’alerte contraire». Nos rapports amicaux, amoureux, relèvent par nature de processus discriminatoires. Ils perdraient leurs sens sans la capacité de choix qu’ils supposent, leur ca-ractère discriminatoire. Nous devons apprendre à stéréotyper pour pouvoir apprendre à lire. Pour agir, nous devons mettre au point des stratégies de simplification de l’environnement perçu et agir sur la base d’informations imparfaites.

Y a-t-il, dès lors, une force et une faiblesse des préjugés? On se sou-vient de la puissance du travail de Günter Walraff qui avait pris l’apparence d’un ouvrier turque pour mieux comprendre comment sont traités les im-migrés en Allemagne (Walraff 1985). Les recherches actuelles en psycho-logie nous enseignent que le préjugé est enfant de l’ignorance et qu’aucun fait n’est d’emblée culturel, que c’est bien le regard de chacun qui crée l’ennemi ou le partenaire en qui on a confiance. Au-delà des apparences, au-delà de ces préjugés que l’on a reçus sans examen et que l’on n’oserait pas forcément soutenir si on les énonçait à voix haute, avoir une posture humaniste revient à chercher à distinguer les éléments qui relèvent d’une spécificité culturelle de ceux qui relèvent d’une individualité sans jamais pouvoir séparer les deux comme on sépare un blanc d’un jaune d’œuf! C’est un «mode d’intelligibilité» (Abdallah-Preitceille 2003) qui n’est pas prédiction mais examen patient des situations complexes et des fils de l’interaction. Montesquieu appelait préjugé, non pas ce qui fait qu’on igno-re certaines choses, mais ce qui fait qu’on s’ignore soi-même. Ainsi, quand je dis que les Anglais sont distants, je précise que le groupe auquel je m’identifie ne l’est pas. L’admettre est un grand pas vers la connaissance.

Ce qu’il y a pourtant de fascinant dans la posture de la plupart des consultants en gestion de diversité, c’est leur propension à faire le lien systématique entre action, groupes d’individus et cultures, à placer dans l’intelligibilité des choses, la variable culturelle en première position, comme un ciel en surplomb qui éclaire tous nos actes. On appréciera l’image de Clifford Geertz qui évoque l’homme comme «un animal suspen-du dans des toiles de significations qu’il a lui-même tissées; c’est

l’ensemble de ces toiles que j’appelle culture» (Geertz 1973). S’ouvrir à autrui, c’est reconnaître que ses propres préjugés pourraient ne pas être entièrement opératoires, satisfaisants ni justes et qu’ils doivent affronter d’autres opinions pour gagner en véracité.

Dans la prétendue «compréhension» d’une autre culture, les pièges sont nombreux. Le psychologue Claude Steele a montré que quand des sujets noirs américains doivent indiquer leur appartenance raciale suppo-sée avant un examen, leur performance est plus faible que s’ils indiquent celle-ci après. Être placé dans une catégorie influence la perception de soi et les performances qui en découlent. Certaines politiques de préférence raciale peuvent éroder la réputation des minorités et ne pas parvenir à ré-soudre les problèmes de ségrégation urbaine, sociale ou professionnelle. Les enquêtes menées par C. Steele aux États-Unis, ont montré que les Noirs, par exemple, incorporent des stéréotypes négatifs associant les Noirs américains à la violence et aux résultats scolaires médiocres. Pour d’autres chercheurs, les politiques de préférence raciale auraient même contribué à faire naître deux «Nations noires» séparées d’un bout à l’autre de la pyramide sociale. Ils soulignent combien les personnes qui ont refou-lé leurs préjugés les manifesteront davantage par la suite (comme le fait de recevoir la consigne de mettre entre parenthèses ses stéréotypes pour juger autrui). Cette conséquence négative de l’évitement de la catégorisa-tion sociale appelée «effet rebond» illustre que les gens ne cessent de catégoriser autrui et que dégager un sens et interpréter un événement au travail sont autant d’activités qui ne sont possibles qu’à partir d’un ensem-ble d’a priori propres à chacun des salariés. Pour tenter de comprendre la signification d’un comportement qui nous est étranger, nous avons besoin d’une grille de lecture personnelle; ce qui revient à s’en remettre à notre opinion, à nos préjugés, aux valeurs véhiculées par notre propre culture et notre histoire per-sonnelle.

Face à notre faculté de former des images mentales d’évènements ma-tériels et sociaux, nous avons besoin de comprendre les chaînes de discri-mination qui lient stéréotypes 8, préjugés et représentations. Mehdi Tho-mas Allal démontre ainsi que la dynamique discriminatoire, qui trouve son origine dans le jugement a priori de l’employeur sur les capacités produc-tives du candidat, est alimentée ensuite par certaines aptitudes réelles qui seront testées (problèmes d’expression, de revenus…). Cette pérennisati-on des représentations négatives se fondera sur l’existence de discrimina-tions légales perpétrées par la difficulté et le coût de la preuve de la discri-mination, le caractère non chiffrable, «anecdotique» (systémique) du fait discriminatoire et le soupçon à l’égard des victimes (problème du témoi-gnage). Les sujets finissent par se conformer aux attentes et ne pas investir dans leurs propres ressources. Les attitudes des victimes de discriminati-

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on vont avoir des répercussions sur leurs aptitudes, vont confirmer les représentations des employeurs, comme elles peuvent encourager les stratégies d’évitement des victimes.

Répétons-le, l’ambition de toute formation à la gestion de diversité de-vrait être toujours de «sublimer les différences entre les individus plutôt que de les cultiver» (Schnapper 2003). Toute discrimination amène tou-jours à interroger le système qui produit la discrimination avec l’application uniforme d’une règle ou sous l’emprise de la simple habitude (préférer, par exemple, toujours les mêmes réseaux d’anciens d’universités, de hautes écoles, etc.). Ceci invite à favoriser des approches méthodologiques qui introduisent une démarche consciente de régulation pour assurer l’égalité de traitement. Cela n’est pas neutre en entreprise et exige du temps et des efforts! D’autant que les manifestations ou les causes de la discrimination sont plurielles. Citons, pour l’exemple, le mécanisme du «non positionne-ment» qui consiste en une discrimination directe que l’on commet avec l’intention louable de ne pas envoyer tel ou tel individu à l’échec, face à un employeur dont on sait qu’il ne le retiendra pas pour des motifs qui relèvent de phénomènes discriminatoires (un commercial de couleur dans le secteur des assurances ou des produits de luxe, par exemple). Rappelons aussi le mécanisme de «sur-adaptation», discrimination indirecte qui se manifeste par une exigence plus grande vis-à-vis des performances de candidats dont on sait qu’ils vont, à l’évidence, faire l’objet d’une discrimi-nation.

Discrimination positive et action positive

La plupart des employeurs souhaitent parfois aujourd’hui mettre en place ou amplifier leur politique de recrutement, de formation et de promotion interne en tenant plus activement compte de la diversité des origines so-ciales ou «ethniques», par exemple, de la population pour la refléter. Dans la majorité des cas, ces politiques s’appuient encore sur des données sta-tistiques éparses (Tribalat 1959), des tableaux de bord à construire, des indicateurs de suivi à définir pour vouloir quantifier la «diversité des ori-gines» de leurs salariés, celle des candidats à un emploi ou encore à la mobilité professionnelle ou géographique. Mais faut-il quantifier cette «di-versité des origines»? Faut-il admettre d’accorder un traitement préféren-tiel à certains individus au motif qu’ils n’auraient pas eu les mêmes chan-ces de départ sur un critère ethnique ou raciale? Et quel sens donner vrai-ment à la notion de «minorité visible» si souvent évoquée par les médias? Faut-il se centrer sur l’appartenance réelle à tel groupe discriminé (dont tel partagerait les critères) ou sur l’auto-identification revendiquée par un in-

dividu à tel groupe pour justifier son droit à bénéficier de politiques parti-culières, telles que d’être exemp-té de tests de recrutement, d’avoir des jours ou des heures supplémentaires de congés pour l’exercice d’un culte...?

Martin Luther King parlait du moment où la couleur de peau d’une per-sonne ne signifierait pas plus que la couleur de ses yeux. Pour que l’égalité de texte, celle des chartes et des belles intentions se double d’une égalité réelle, comment agir? «Action» ou «discrimination» positive?

Alain Renaut se demande si «intégrer l’appartenance d’une personne à un groupe dans la perception que nous avons d’elle est-il donc définitive-ment incompatible avec la reconnaissance de ce qu’a de non interchan-geable son individualité, donc avec le respect de sa dignité?» (Renaut 2009)

Par action positive, on entendra classiquement une obligation de mo-yens et non de résultats. La sélection des candidats sur leurs compétences ne se trouve pas remise en question. Par discrimination positive, on évo-quera plutôt une action qui vise à éliminer la discrimination passée ou ac-tuelle subie par un groupe de personnes en leur accordant temporairement cer-tains avantages préférentiels et une différenciation de traitement in-scrite dans des textes législatifs ou réglementaires. On assimile d’ailleurs parfois à tort les politiques de quota de tra-vailleurs handicapés à des quotas tout court et aux politiques de discrimination positive. À tort car si quelqu’un souffre d’un handicap, il n’aura que rarement l’occasion d’y re-médier par lui-même, quelles que soient les circonstances. Ce quota est un droit au travail, le dépassement d’une difficulté objective justifiant un traitement spécifique. On ne créé pas, en l’occurrence, une inégalité pour corriger une inégalité. Certaines discriminations ne jaillissent pas directe-ment d’une méconnaissance de l’autre.

Les promoteurs en Europe de politiques de discrimination positive ar-guent que le sentiment d’injustice des minorités relève du mépris ressenti par les membres de ces collectivités quant à la représentation publique de leurs aspirations différentes à un idéal de vie réussie (Wulh 2007). Pas plus que les chômeurs, les précaires et les exclus ne sont intégrés à la division sociale du travail, les gays, les lesbiennes, les transgenres, les minorités visibles ou les personnes handicapées ne le sont réellement à la société politique dans chacun des pays européens. Ceci plaiderait donc pour une démarche de justice sociale énergique qui tienne compte explicitement de la spécificité et des caractéristiques de ces différents groupes sociaux.

L’action positive exige un travail, celui de rendre visible la norme des puissants, celle des majoritaires qui recouvre les cultures minoritaires. L’action positive ne cible donc pas des groupes mais favorise une action différenciée de l’Etat. Elle définit des statuts ouverts, contingents et tem-

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poraires, que l’individu a la faculté de combiner ou entre lesquels il peut plus ou moins circuler (Doytcheva 2007).

Des chiffres et des motsLes promoteurs de la discrimination positive veulent aller plus loin. Parce qu’ils ont moins au départ, les individus victimes de discriminations doi-vent recevoir plus lors de leur intégration dans le système. Pour ce faire, faut-il mettre en place des «seuils variables» selon les secteurs écono-miques» en fonction d’un «taux de représentation» des minorités eth-niques? Il faudrait alors de toute façon s’entendre sur le seuil à partir du-quel on estimera que la diversité a atteint un «niveau acceptable» (Amellal 2005, p. 369) 9. Avec ces taux de représentation statistique des minorités ethniques et ces effets de seuils différenciés, nous voici ici face aux dan-gers d’une société de représentation «miroir» de la «diversité» fondée sur le chiffrage et les contingents, quand l’essentiel nous semble de reconnaî-tre les propriétés intrinsèques de chaque individu, dans la pluralité de ses cultures (et non d’une culture), sans faire du respect statistique formel des différences, un horizon indépassable (Amellal 2005, p. 361). Car partout où elle a été promue, la discrimination positive s’est d’abord institutionnali-sée, en ce sens qu’elle était destinée à agir sur un temps court. Mais l’expérience en a prolongé la durée. Les pratiques ayant souvent consisté à faire de l’équilibre statistique entre les groupes une fin en soi, le pli a été vite pris de l’assistance entre groupes débiteurs qui font de leur passé un foyer de victimisation, et de groupes créditeurs qui n’assument pas tou-jours une position implicite et non méritée de supériorité. Jusqu’à quelle génération faudrait-il en effet descendre pour ne plus attribuer un label d’origine étrangère pour ceux qui sont «maghrébins, noirs ou asiatiques»? Quel sort réserver aux enfants d’union mixte qui se refusent à être catalo-gués mais seront discriminés en matière d’embauches, de promotions ou de conditions de travail?

Les partisans de l’entrée des politiques de discrimination positive dans le paysage des entre-prises européennes défendent l’idée que si l’on est noir ou métissé, c’est aux Etats-Unis que l’on réussit le mieux et accède aux métiers les plus valorisés. Pourtant, la politique de préférence raciale érode la réputation des minorités et ne parvient pas à résoudre les prob-lèmes de ségrégation urbaine ou sociale. Les Noirs, par exemple, incorpo-rent les stéréotypes négatifs associant Noirs américains, violence et résul-tats scolaires médiocres.

Effets perversCes politiques parviennent-elles à une justice sociale ou à une justice civile sous couvert de la reconnaissance culturelle? «L’histoire des Etats-Unis le

démontre aisément. Ces politiques contribuent, lorsqu’elles atteignent leurs objectifs, à promouvoir des formes de concurrence non faussée entre les individus, mais elles n’influent en aucune manière sur la géométrie des rapports sociaux qui résultent de cette compétition économique et so-ciale» (Savidan 2007). Lutter contre les discriminations, ce n’est pas seu-lement œuvrer pour que les individus coupables soient identifiés plus nettement. C’est aussi la lutte contre l’évacuation de la question des iné-galités sociales au bénéfice de celle des discriminations. Les détracteurs des politiques de discrimination positive aux Etats-Unis affirment aussi qu’elles s’attachent à résoudre un problème qui n’existe plus: les Noirs ne sont pas exclus des grandes universités à cause de leur couleur de peau, mais en raison de leur trop faible patrimoine familial (Michaels 2009, p. 97).

La reconnaissance du mérite individuel étant malheureusement très clairement subordonnée à l’origine sociale, on tente aujourd’hui de faire émerger les talents par des politiques incitatives fortes et distinctes: action positive ou discrimination positive. Plus largement, ce débat conduit à un intéressant questionnement sur le mérite. Le mérite suppose que les indi-vidus s’affrontent dans des compétitions suffisamment équitables pour que les inégalités qui en résultent soient perçues comme justes (Dubet 2009, p. 248). On peut trouver que la façon dont mon patron ou un logeur me traite est injuste soit parce «nous sommes tous égaux…», soit parce que «nous sommes tous libres…» ou parce que «nous devons être payés ou correctement logés selon notre mérite …». Quelles sont les qualités que le mérite doit mesurer? Le vrai mérite supposerait que chacun soit absolu-ment libre et égal afin que chacun décide librement d’avoir plus ou moins de mérite en travaillant plus.

On sent bien que la justice est un «principe» rendu par des êtres hu-mains et non un «être» intangible à partir de principes hétérogènes. Le sociologue Françopis Dubet écrit qu’une école «de stricte égalité détruirait le mérite et la liberté des élèves. Mais une école de pur mérite détruirait l’égalité et sans doute l’autonomie des élèves qui n’auraient d’autre choix que d’être les meilleurs. Quant à une école de stricte autonomie, elle an-nulerait le mérite et l’égalité, sauf à être une abbaye de Thélème réservée aux enfants les plus vertueux… En fait, la «bonne école» n’est qu’une com-binatoire de principes opposés, et la critique de l’école a de beaux jours devant elle, puisque l’école ne peut satisfaire pleinement à tous les princi-pes de justice» (Dubet 2009, p. 266). François Dubet ajoute que jamais l’appel au principe d’égalité n’a été totalement égalitariste dans notre hi-stoire. Il s’est toujours accommodé d’inégalités empiriques jugées accep-tables par les normes sociales de l’égalité: décalage entre le capitalisme et les rapports sociaux de production, entre les sentiments d’injustice et les capacités d’agir, entre le registre moral et le registre social 10

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Dans toute société, le mérite est un moyen par lequel une société fixe des équivalences entre l’activité de chacun et les bénéfices collectifs. Un grand risque tiendrait, en Europe, faute de résultats, au renforcement d’une idé-ologie du «don naturel» (chacun devient responsable de sa destinée comp-te tenu des chances égales aux autres qu’on lui accorde) et qui prenne le pas sur l’idéologie du «mérite» de l’action positive (chacun dispose des conditions nécessaires à l’affirmation de sa propre valeur sociale et cultu-relle en séparant vie privée et espace public) (Wuhl 2007, p. 46).

Comprendre les stratégies identitaires

Platon disait que la justice consiste à rendre à chacun ce qu’on lui doit et aussi que le chef-d’œuvre de l’injustice, c’est de paraître juste sans l’être. Les luttes contre les discriminations traitent autant de l’épreuve de l’injustice que de la justice comme capacité morale d’une per-sonne à être généreuse. En cela, la vie sociale ne se réduit pas à une technologie prag-matique des relations humaines et des mesures strictement chiffrées. Pro-duire non seulement des biens mais aussi le bien des autres, la justice, devrait être l’objectif de toute lutte contre les discriminations. L’épée est tenue d’une main et la balance de l’autre par Thémis.

Race et appartenanceC’est bien le raciste qui fait la race. Le fait racial, c’est d’abord une expé-rience humaine et le racisme, dans sa forme la plus violente, c’est l’expérience de l’assignation identitaire, du fait d’être transformé en chose. Etre un problème pour les autres est toujours une étrange expérience. Le sociologue et homme de lettres afro-américain William Edward Burghardt Du Bois, en son temps, a exprimé cette «double conscience» du monde social, cette coexistence en soi de la présence à la fois de la société et de sa minorité (Du Bois 1994, cité par Fassin et Fassin 2006). Etre noir n’est ni une essence, le fait d’être né, ni une appartenance culturelle, mais le produit d’un rapport social. «Il y a des Noirs parce qu’on les considère comme tels». «Oui», rappelle Didier Fassin, «les êtres humains présentent des différences biologiques; non, l’idée de race n’est d’aucune utilité pour catégoriser ces différences; oui, la notion de race est utile pour rendre compte d’expériences vécues, d’injustices sociopolitiques et du racisme» (Fassin 2006).

Un salarié peut appartenir à plusieurs communautés de même échelle (double nationalité) ou à des entités culturelles de différents niveaux (régi-ons, communautés religions, professions, partis politiques, clans...). Cha-cune de ces appartenances peut entraîner des discriminations. On oublie

souvent le fait que ce n’est pas parce qu’un individu se perçoit comme membre ou héritier de la tradition hispanique par exemple (ou catalane, castillane ou andalouse en termes de cultures régionales), qu’il sera perçu comme tel par les personnes qu’il rencontre ou avec ses collègues. Pour cette raison, le travail à faire sera, pour lui de révéler lui-même son «iden-tité aux autres», c’est-à-dire son appartenance choisie ou revendiquée, les croyances, les va-leurs et les normes sociales auxquelles il est profondé-ment attaché.

RecrutementLa discrimination est cumulative et protéiforme. En effet, elle peut résulter de la prise en compte d’un trait relatif à la personne concernée (candidat à l’emploi, salarié...) tel que son origine ou son sexe, son orientation sexuel-le ou son âge, sa situation familiale ou ses caractéristiques génétiques, son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à telle eth-nie, son pays ou sa race d’origine, ses opinions politiques ou ses activités syndicales, ses convictions religieuses ou son apparence physique, son patronyme ou son état de santé.

Les discriminations peuvent souvent être le fruit de la prise en compte simultanée de plusieurs de ces critères, résulter du croisement de l’âge, du sexe et de l’origine sociale ou ethnique par exemple. Toutefois, dans le cadre des entreprises, le rejet d’une candidature à l’embauche ou à la promotion par la hiérarchie ou la DRH, peut également résulter de la prise en compte de critères non discriminatoires, tels que les diplômes ou l’expérience, la compétence profes-sionnelle ou l’ancienneté ...

«Elle a été recrutée parce que c’est une femme», entend-on parfois. Elle serait donc représentative de ce que sont les femmes. On voit bien tous les jours que les individus attribuent en général à toute personne inconnue et définie de l’extérieur, comme caractéristique d’une qualité ou d’une ca-tégorie, les attributs généraux supposés de cette qualité ou catégorie. Il y a paradoxalement, au cœur de tout travail de lutte contre les discrimina-tions, un danger à énoncer au nom de quoi l’on recrute, amenant à la consolidation de stéréotypes négatifs envers des groupes défavorisés. Cette personne a été recrutée parce qu’elle a été avantagée, ce qui pour-rait prouver que l’opinion négative est «justifiée». Il y a bien danger à faire à ce que plus une catégorie dite «discriminée» est avantagée et plus elle peut être comme enfermée dans ses caractéristiques pour être «assimilée» (et non «intégrée»). Plus précisément, l’utilisation de catégories «a-raci-ales» en France revient à se poser la question du dilemme du racisme sans race, selon l’expression de Patrick Simon (2005). Pour en finir avec le ra-cisme, faut-il commencer par nommer avec les mots du raciste, prendre la race en compte?

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Etre raciste, c’est croire que le jugement d’une personne repose sur son appartenance à une communauté, à un groupe plutôt qu’à ses qualités propres, uniques et différentes des autres personnes. Etre raciste revient toujours à attribuer une nature inaltérable et similaire à tous les membres d’un groupe au moyen d’un petit nombre de traits, d’opinions et d’attitudes. Etre raciste, c’est enfermer quelqu’un dans un filet et le laisser dedans en sacralisant la permanence des traits souvent négatifs qui lui sont associés. Et le danger arrive toujours quand la différence se fait identité. «Le rejet de quelqu’un à partir d’une de ses caractéristiques et la réduction de celui-ci à cette caractéristique, voilà le racisme!» (Cifali Myftiu 2006, p. 81). La seule supériorité de celui qui n’est pas raciste consiste peut-être alors à comprendre le racisme de l’autre alors que, comme le souligne Daniel Si-bony, «celui qui est raciste ne le comprendra jamais» (Cifali Myftiu 2006, p. 81).

Tensions et contradictions

La diversité, une question ancienne

La gestion de diversité ne garantit pas que le système social de l’entreprise soit juste. Elle peut conduire à légitimer qu’on accélère les mobilités (sans recruter davantage), répartisse les inégalités et au fait que ce système soit injuste pour longtemps (Wulh 2007, p. 31) 11. Avec les politiques de gestion de la diversité, ce n’est plus le rattrapage d’ordre socio-économique seul qui est recherché mais aussi l’aspiration à la reconnaissance des cultures et des identités comme fondements de l’estime de soi au travail 12. Les politiques de gestion de la diversité amènent à distinguer constamment minorité et communauté choisie. La minorité, que l’on pourrait définir comme une catégorie construite et naturalisée est compatible avec un discours sur la «diversité» qui distingue, au sein d’un ensemble plus grand, de petites collectivités particulières 13.

L’engouement actuel pour la thématique de la diversité ne doit pas nous faire oublier que celle-ci, par nature, a toujours existé en société à travers la diversité des âges et des genres, des tailles et des poids, des groupes sanguins, des villes et des régions de naissance, des métiers ex-ercés… En cela, le caractère multiculturel des rapports collectifs de travail existe depuis que l’homme est homme. Depuis les équipes de chasse ou de pêche, depuis l’époque préhistorique jusqu’aux équipes virtuelles, aujourd’hui à la mode dans les entreprises «mondialisées», la plupart des organisations font appel à des équipes composées de membres ayant des compétences complémentaires et souvent porteurs de cultures nationales ou régionales, claniques ou professionnelles voire politiques et religieuses, différentes. La coexistence de différences existe bien depuis toujours dans les équipes. En un sens, la diversité est là tout autant que nous avons à la fonder.

Toute une cultureTous les êtres humains ont toujours vécu dans des cultures particulières qui n’excluaient pas nécessairement des êtres en minorité. Ainsi l’Espagne médiévale comportait des minorités juives et arabes. Le grand-duché de Lituanie garantissait une protection spécifique aux juifs. En 1648, les trai-tés de Westphalie consacrent le principe selon lequel les peuples sont censés adopter la religion de leur souverain. C’est dire qu’il serait naïf de prendre pour argent comptant l’apparition ou l’invention de la «question de la diversité» dans les récits nationaux européens à la fin des années 1990.

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La diversité humaine (en entreprise) est sans doute le fait le plus spéci-fiquement humain et le plus massif qui soit. Toutes les organisations hu-maines ont toujours été pourvus, culture par culture, individus par indivi-dus, de manières de vivre particulières qui apparaissent parfois brutale-ment dans le contact avec les autres (Dupriez et Simons 2002).

Recruter son personnel en tenant compte des bassins d’emploi n’est pas nouveau. Ainsi par exemple, dans certaines régions du monde (Afrique, Asie, Amérique Latine, Inde…), les politiques de «nationalisation des postes» sont de rigueur depuis le début des années soixante pour les en-treprises étrangères dans le cadre de l’internationalisation de leurs activi-tés notamment vers les pays en voie de développement 14. L’histoire du développement international des entreprises montre que les cultures pro-fessionnelles sont des ensembles en construction permanente, avec des phénomènes de structuration et de déstructuration culturelle qui font qu’il n’y a pas forcément une culture donneuse et une culture receveuse. L’acculturation n’est jamais à sens unique, même quand une des deux cultures est dominante. Les recherches interculturelles de Jean-François Chanlat, Evalde Mutabazi ou encore Michel Sauquet montrent que toute culture transplantée, toute culture migrante, ne peut rester identique à elle même. Pas plus que la culture receveuse. Les populations immigrées in-ventent de nouveaux modèles culturels. Il y a souvent dans un premier temps méfiance ou opposition face à la culture du pays d’accueil, puis adoption d’éléments de cette culture ou au contraire, parfois, rejet (on par-le alors de «contre-acculturation») pour réaffirmer certains traits de la cul-ture d’origine. Le processus est complexe, fait à la fois de mélanges, réin-terprétations, assimilations…

On le soulignera, diversité et égalité sont deux concepts qui ne se va-lent pas (Chanlat et Dameron 2009). Faut-il vraiment faire «glisser», en entreprise, la justification de la lutte contre les discriminations de la sphère des droits (et du code du travail, des conventions collectives…) à celles des profits et valoriser sans cesse un ancrage utilitariste 15 (chartes et la-bels de la diversité)? Quels seraient les traits de la diversité à «gérer» aux-quels on devrait accorder une reconnaissance spécifique sans renforcer les inégalités de pouvoir en place? Sur quels critères mesurer la rentabilité économique du «diversity management» et permettre la réparation éven-tuelle d’un préjudice?

Politiques et pratiques contextuelles

Une hypothèse rarement discutée est que l’on observerait dans les entre-prises des différences notables dans la manière de définir la gestion de

diversité et de la mettre en œuvre 16. Si la taxinomie est commune, et que les mots sont les mêmes (diversité, «bonnes pratiques», égalité des chan-ces…), on observerait, en réalité, des pratiques hétérogènes selon la taille et le marché des entreprises, la conviction des dirigeants, le secteur, le contexte, l’environnement, les compétences des «responsables diversi-té»17, la culture et la stratégie de l’organisation.

Une enquête réalisée en France, en Belgique et au Maroc avait amené à distinguer plusieurs niveaux d’engagement autour des politiques dites de gestion de diversité (Mutabazi et Pierre 2008).

Un premier groupe minoritaire de dirigeants et de DRH ne s’intéressent pas aux politiques de diversité, soit par manque d’information, soit par opposition idéologique. Ces entrepreneurs partagent souvent l’idée fausse que la meilleure manière de parvenir à bout des discrimina-tions est de compter sur des ajustements naturels qui s’opèrent entre salariés et doi-vent à leur politesse, leur bonne éducation, leur «bon sens».

Un second groupe cherche à se mettre en conformité avec la loi et l’appliquera dans le but de se mettre aux normes. Dans ces entreprises, les DRH ou les collaborateurs qui font office de DRH, sont conscients des risques du racisme, du sexisme, de ce que les sociologues appellent aus-si le «facéisme» (le fait de confier un emploi à une personne de belle ap-parence) ou le «jeunisme» (mettre en avant les seules personnes jeunes sans valoriser l’apport des plus anciens). En ces organisations, on va s’attacher à privilégier des méthodes de recrutement fondées sur la mise en évidence de compétences «en situation» telles que la méthode dite des habiletés professionnelles en France. En clair, on s’efforce à ce que la compétence revête plus d’importance que l’origine, l’âge ou l’apparence physique des individus et l’on s’attache à former les équipes de recrute-ment en conséquence! On condamne, par exemple, dans les textes, le fait de ne plus proposer de formation à un travailleur de plus de 50 ans en pensant que c’est un investissement «inutile».

Souvent, ces entreprises révèlent – pourrions-nous dire – leurs «identi-tés de papier» en mettant, par exemple, des photos de leurs dirigeants dans leurs rapports annuels ou sur leurs sites internet, en prenant soin d’isoler ceux qu’elles considèrent en même temps «minoritaires» et «diri-geants», et qui seront «surexposés». Le «divers» est bien souvent le non-blanc, le handicapé ou encore, pour d’autres, l’habitant des «quartiers». La potentielle diversité presque à l’infini du genre humain, n’apparaît pas, comme réduite à quelques divers possibles, sélectionnés: l’élection au rang de «divers» semble équivaloir à «stigmatisation» (Jeantet et al. 2008)18. Il n’est alors pas rare de voir des femmes à des postes de direction en position d’alibi, seules en photographie, au milieu d’un environnement masculin, et qui risquent de conserver leur situation d’exception. La

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femme blanche n’est pas «l’exclue à réinclure»; elle est «l’inférieure à rehausser»19.

A un troisième niveau, les politiques de gestion de diversité vont faire l’objet d’investissements observables plus importants: mise en place de formations à la diversité, nominations d’un comité ou d’un responsable diversité, accords signés avec les partenaires sociaux, pratiques de «job sharing» qui consistent à partager un poste entre deux employés (souvent des femmes qui occupent chacune le poste trois jours par semaine)… Ces entreprises vont chercher à ouvrir leurs portes à de jeunes diplômés issus de l’immigration et des classes sociales défavorisées, en travaillant systé-matiquement sur des pratiques de recrutement et de prise de poste sup-posées garanties comme non discriminatoires. On sait que toute discrimi-nation amène toujours à interroger le système qui produit la discrimination avec l’application uniforme d’une règle ou sous l’emprise de la simple ha-bitude (préférer, par exemple, toujours les mêmes réseaux d’anciens d’une poignée d’universités ou de hautes écoles) 20.

La machine à discriminerLes manifestations et les causes de la discrimination sont plurielles. Ci-tons, pour l’exemple, le mécanisme du «non positionnement» qui consiste en une discrimination directe que l’on commet avec l’intention louable de ne pas envoyer tel ou tel individu à l’échec, face à un employeur dont on sait qu’il ne le retiendra pas pour des motifs qui relèvent de phénomènes dis-criminatoires souvent observés, tels que celui d’un commercial de couleur dans le secteur des assurances ou des produits de luxe, par ex-emple. Rappelons aussi le mécanisme de «suradaptation», discrimination indirecte qui se manifeste par une exigence plus grande vis-à-vis des per-formances des candidats dont on sait qu’ils vont, à l’évidence, faire l’objet d’une discrimination.

L’employeur dit donner les moyens de recours en interne contre les discriminations. Citons l’exemple de PSA chez qui 50 000 plaquettes, dé-cryptant le recours d’un salarié victime ou témoin de discrimination, ont été distribuées. Une adresse mail a été mise en place pour que les salariés puissent signaler des cas à «Monsieur Discrimination» de PSA (Faure et Platat 2005).

A un quatrième niveau de pratiques que nous observons en entreprise depuis plus de dix années, la gestion de diversité est appréhendée comme une problématique qui touche la stratégie de l’entreprise, et est intégrée parmi les objectifs évalués dans le management. A travers des mesures d’«inclusion», on cherchera, par exemple, l’accompagnement de la paren-talité pour un collaborateur de l’entreprise, le développement de services aux salariés comme la création de crèches interentreprises, l’adaptation

d’un ensemble de règles pour favoriser l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle… Plusieurs autres dispositifs peuvent viser à favoriser cet-te meilleure prise en compte de la diversité dans le management: mento-ring, réseautage, programmes de formations avancés et destinés à un large éventail du personnel… La création de ces groupes affinitaires est censée aller dans le sens de la valorisation des différences. Ces groupes auront pour vocation de rassembler chacune des minorités en de petits comités dont la responsabilité est de travailler à l’amélioration de leur re-présentation et de leur traitement au sein de l’entreprise. Représenter ou reconnaître? S’ils sont approuvés comme groupes professionnels (de pa-rents, de personnes homosexuelles, transsexuelles, de personnes handi-capées, de femmes, de personnes afro-américaines, de chrétiens, de mu-sulmans…), ils disposeront de budgets et fonderont des «business plans». L’objectif est de créer une habitude de présence et de coopération qui rendra naturel un recrutement, dans un vivier de candidats potentiels de toutes origines et de tous profils, qui sera alors mécaniquement accru.

Au final, le risque de toute politique en la matière nous apparaît d’abord de piloter chaque critère de gestion séparément. De considérer chaque critère (l’âge, le genre, l’origine sociale…) comme clos, entraînant une ma-nière de faire «classificatoire», arithmétique, désincarnée et réductionniste. Il y a fort à parier que l’élément moteur dans l’accroissement de la diversi-té du personnel, lorsque cette évolution est observée sur un temps suffi-sant de deux à trois ans, n’est pas le facteur causal supposé (la gestion de diversité issue des départements RH et de la Direction), mais le protocole de gestion de la diversité touchant l’ensemble de la ligne hiérarchique. Ce n’est très probablement pas la diversité dans sa définition objective qui impacte la performance économique, mais la diversité dans sa définition intersubjective, dans sa dimension vécue. Ce qui signifie alors que ce qui importe le plus est le pilotage managérial de ce «vécu de la diversité», permettant d’influer sur les représentations sociales dans toute l’organi-sation (Robert-Demontront et al. 2007, Bruna et Chauvet 2010).

Chartes et labels

Signer une charte de la diversité, c’est écrire la règle et le droit, ce qui re-vient à exercer le pouvoir. Pour une minorité de dirigeants peu scrupuleux, on garantit ainsi «à peu de frais» la moralité de leur système de domination. Le travail sur les mots, ceux de la communication interne et externe vers les actionnaires, l’intégration des débats de la scène médiatique et poli-tique sont désormais au cœur de la production de richesse pour toute entreprise de bonne taille. Pour les autres, les motivations sont sûrement

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diverses. Pour certaines entreprises, il s’agit de rectifier ou d’améliorer une image ternie par des pratiques discriminatoires avérées ou suspectées, de désamorcer des tensions voire des conflits sociaux ou de faire face à la pénurie de main-d’œuvre ou encore d’anticiper le vieillissement des effec-tifs en attirant de nouveaux candidats, des jeunes par la diffusion de va-leurs positives dans leurs chartes. Pour d’autres dirigeants, et parfois très localement, il s’agit de répondre à la pression de mouvements associatifs ou syndicaux qui défendent les droits à l’emploi et risquent d’influer sur le comportement de partenaires extérieurs aux entreprises, qu’il s’agisse de clients ou de fournisseurs.

D’une manière générale, nous observons qu’un certain nombre d’entreprises, comme d’ailleurs d’autres organisations productives, n’ont pas attendu l’écriture de chartes pour prendre des initiatives dans le do-maine de la gestion de diversité. Dans certaines entreprises, une femme peut avoir le droit, l’année de son congé de maternité, à une augmentation individuelle de son salaire au moins égale à la moyenne de ses augmenta-tions de ses trois dernières années de travail. Elle n’est pas pénalisée pour son absence temporaire au travail.

Bonnes pratiques, bonne conscienceComment ne pas observer – et ceci est généralement peu analysé, diffusé et connu par le grand public à l’heure actuelle – que les entreprises se soumettent aujourd’hui aux obligations liées à l’influence croissante des agences de «rating social et environnemental» comme Oekom en Allema-gne, Avanzi en Italie ou Vigeo en France 21?

Comment ne pas souligner le fait qu’elles doivent répondre à la deman-de de transparence de la part des investisseurs, des pouvoirs publics et au-delà des seuls critères financiers? Dans ce cadre, l’investissement de-vient de plus en plus socialement responsable (ISR). Ainsi l’angle «lutte contre les discriminations dans l’emploi» est repris dans plusieurs labels sociaux notamment le SA80002 et le label social belge3, conformément aux exigences du BIT.

Qu’il s’agisse des chartes ou des audits de diversité, les outils emplo-yés font fréquemment référence à un corpus de «bonnes pratiques» que l’organisme auditeur a pu recenser en matière de prévention des discrimi-nations et de gestion de diversité 22. L’objectif le plus souvent poursuivi est de dresser un état des lieux de la diversité telle qu’elle se présente dans l’entreprise étudiée, de faire le point sur les bonnes pratiques et les moins bonnes, d’identifier celles qui contribuent, quelquefois de manière inatten-due, à renforcer la non-discrimination au nom de la défense de la diversité. Ces bonnes pratiques sont souvent appliquées aujourd’hui comme s’il n’avait aucun enracinement dans la réalité sociale ou le concret des mé-

tiers pratiqués dans telle partie d’une entreprise et, qui plus est, sous la houlette des experts qui ne sont pas forcément en phase avec les popula-tions concernées par les discriminations ou qui n’ont véritablement jamais vécu l’expérience de celles-ci.

Par ailleurs, plusieurs labels se mettent en place pour certifier des plans d’action et des pratiques spécifiques à l’égalité professionnelle tel que le label «égalité professionnelle» en France ou encore l’Equal-salary (www.equalsalary.org) – label d’égalité salariale pour les entreprises en Suisse. Ces démarches d’audit peuvent être soit des audits de conformité (respect de la réglementation), soit des audits stratégiques (existence effective et mise en œuvre de politiques formalisées de gestion de diversité articulées à la stratégie de l’entreprise), des audits d’efficacité (évaluation des résul-tats obtenus en matière de diversité en regard des objectifs fixés). La plu-part des labels demandent également un processus plus ou moins forma-lisé d’implications des parties prenantes internes (notamment l’équipe de direction, les actionnai-res mais aussi le personnel et les syndicats) et ex-ternes (écoles, municipalités, organismes habilités…).

Un intérêt de toute charte ou label est d’impulser ou d’ouvrir le débat, notamment en haut de la hiérarchie! De formaliser des pratiques existantes mais éparses. Certaines entreprises, très actives, n’ont pas signé de char-te mais ont entretenus des relations fortes avec les chambres de métiers, les missions locales, des clubs d’entreprise, des associations… Ce n’est donc pas un passage obligé.

Rendre compte ou agir?Prenons l’exemple du handicap. L’enjeu réel est de socialiser les futurs décideurs à la différence, dès l’entrée dans l’entreprise, afin de ne pas véhiculer, des années plus tard, un ensemble de préjugés négatifs à l’encontre des personnes handicapées. Ce n’est plus uniquement à la per-sonne handicapée de s’adapter, mais à la société d’être en mesure de l’accueillir en son sein. Les valeurs ne viennent pas de l’éducation, mais c’est l’éducation qui vient des valeurs. Les valeurs ne sont pas conventi-onnelles, arbitraires mais s’éprouvent, s’expérimentent… Pour le dirigeant d’une entreprise ou pour son Directeur des ressources humaines, se pose donc la question d’analyser avec finesse des éléments identitaires tels que l’ethnie, la culture ou la religion, qui sont des notions doublement subjec-tives, pour ceux qui s’en réclament et pour ceux qui les attribuent, et qui s’ancrent sur des réalités objectives.

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Indicateurs statistiques

Voir deux fois une réalité pour voir juste, dit l’adage. Une fois que l’on a commencé à voir, à mesurer, nous ne pouvons que chercher le courage de voir et de mesurer plus, mais à condi-tion d’agir. De dépasser le seuil des indicateurs. Pour réussir, il s’agira toujours d’engager l’organisation dans une dynamique d’apprentissage collectif, d’éducation, qui aura des effets positifs pour les personnes et les équipes sans devoir rendre des comptes tous les trimestres ou tous les mois à des dirigeants impatients (Thomas et Ely 2006)! Ce processus engage, car il pointe les propres faiblesses en place d’une politique de gestion des ressources humaines en place. En entreprise comme ailleurs, plus on cherche à isoler ce que l’on croit une catégorie pertinente, plus les réalités ethniques ou de genre se dérobent, se démultiplient en revendiquant des droits qui perdent de leurs forces et font que l’on finit par appréhender l’autre par le seul prisme mutilant de cette différence signalée.

Un chiffre, un quota ne définissent pas forcément une action efficace. En soi une boussole n’a pas de direction propre et se réduit à un dispositif rotatif autour d’un axe. Une formation à la diversité doit permettre à un manager de ne pas s’enfermer dans la camisole de force des «questions fermées», des liens causaux simples et, pire, dans celle de prétendus ré-férentiels ethno-raciaux issus de grandes enquêtes quantitatives et suppo-sés apporter des «solutions à tout» (Hannad et Stone 2006).

C’est l’image que se font les discriminateurs du sexe féminin, de la grossesse, du handicap, du patronyme… et non leur existence «brute». La discrimination est le fait d’un jugement social. Sila race n’existe pas (il n’est pas d’existence d’entités biologiques séparés), le racisme existe.

La discrimination peut résulter de la prise en compte de critères non discriminatoires (tels que les diplômes obtenus, les compétences profes-sionnelles acquises ou l’ancienneté). C’est pourquoi seule l’analyse stati-stique croisée de ces différents éléments peut permettre de déterminer le facteur véritablement ou principalement discriminant.

En entreprise, les catégorisations statistiques de la diversité appellent à la prudence et ne peuvent se faire pareillement en matière de sexe (vari-able d’état civil collectée de manière systématique), de handicap (catégo-rie administrative non collectée de manière systématique), de religion et d’orientation sexuelle (non répertoriées dans les statistiques ordinaires) ou d’origine ethnique (variable partiellement subjective puisqu’elle renvoie à des perceptions). «Si la discrimination se produit selon des mécanismes comparables, quel que soit le motif, la discrimination suit également des logiques propres à chaque motif, issue de processus historiques singu-liers. Ce qui implique des différences dans les stratégies, les dispositifs et

les modalités de collecte des données» (Patricia Guitton).La question des statistiques ethniques nécessite de créer un consen-

sus autour des critères choisis. Si celui qui est perçu comme métis ou comme indien se classe dans la catégorie «Noir», ou inversement, la no-menclature n’a guère d’utilité. Si on veut caractériser une situation de discrimination à l’échelle, par exemple, d’un secteur professionnel ou d’un bassin d’emploi (et a fortiori d’une entreprise), il faut disposer de données beaucoup plus fines que les catégories nationales. La périodicité des en-quêtes doit assurer un suivi dans le temps et les données produites doi-vent avoir un niveau de détail qui les rende exploitables.

Un argument est que «mesurer l’ampleur globale des discriminations est une forme de reconnaissance pour les groupes qu’elles frappent. Si vous êtes discriminé, on redouble l’injustice en prétendant de surcroît que vous ne l’êtes pas» (Galvez et Castel 2009). L’argument contraire tient à dire que «ce qu’il faut reconnaître, pour le sanctionner et le réparer, c’est le préjudice subi par les individus qui demandent justice. La lutte contre les discriminations doit être centrée sur les auteurs de discrimination, afin de les sanctionner. Il faut donc inciter les victimes à porter plainte, pour que la police mène une enquête et que la justice instruise le dossier comme pour n’importe quel type de délit».

«Depuis des siècles, l’homme a su que la justice seule ne suffit pas. L’expérience de l’histoire a permis de formuler la constatation: summus ius-summa iura. Celle-ci ne déprécie pas la justice ni ne réduit pas sa si-gnification, mais elle met en relief la nécessité de remonter jusqu’aux forces plus profondes de l’esprit humain qui conditionnent l’ordre de la justice, c’est-à-dire à l’amour et à la responsabilité» (Marek Drozdz). «A supposer qu’une classification ethnique ait recueilli le consensus ou qu’elle ait reçu une définition légale, il faudrait ensuite répartir la population entre ses catégories selon leur ‹ressenti d’appartenance›» (Badinter et al. 2009). Quel codage des ressentis et quelle construction de la société en lobbies, victimes, exclus, solidarités, amitiés, limitées aux membres du groupe? Le problème plus général du contrôle social exercé sur l’individu: «celui-ci doit-il être assigné à une appartenance dictée par ses origines ou son apparence, ou peut-il exercer une liberté de choix concernant ses appar-tenances, voire même peut-il refuser de choisir? Ce n’est qu’une fois ce préalable clarifié qu’un discours scientifique peut se déployer pour éclairer une éventuelle action publique» (Bonniol 2009).

Comment mettre en lumière les différences de traitement illégitimes sans les défendre, les réifier et manquer aux exigences de confidentialité? Comment replacer, sans les dissoudre, les origines ethniques exposées à la discrimination dans l’ensemble des différenciations sociales?

«De la même manière, la nationalité s’est avéré rapidement un indica-

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teur très réducteur et peu pertinent pour refléter la représentativité de la population étrangère et d’origine étrangère et les discriminations dont sont victimes les personnes perçues, à tort ou à raison, comme «d’origine étrangère». En effet, l’accès à l’emploi des personnes de nationalité étrangère passe par un mécanisme de régulation qui échappe en partie au pouvoir de l’entreprise, à savoir l’obtention ou non d’un permis de travail» (Annie Cornet).

Derrière l’appareillage statistique des politiques de gestion de diversité, le risque est de répondre aux agences de notation sociale (alourdissement du nombre de questionnaires, poids de la bureaucratisation induite des tableaux de bord diversité pour un DRH…un pan souvent ignoré…) plutôt que d’infléchir, sur le temps long des ressources humaines, le cours des politiques de gestion des ressources humaines. L’affichage, le faire-savoir, le fait de rendre des comptes (à des parties prenantes de plus en plus in-quiètes et insistantes) l’emporte trop souvent sur l’anticipation et le «faire».

Risques communautariens?Derrière les politiques de gestion de diversité, se dessinent le choix d’une «égalité des chances» que certains réduisent à faire bouger les mêmes personnes dans un dispositif sans transformer qualitativement leur condi-tion. Il y aurait dès lors au cœur des politiques de gestion de diversité la volonté d’offrir aux individus, à tous les individus quelque soit leur âge, leurs sexe, leur métier, leur origine, leur orientation sexuelle et choix de vie… la possibilité de se répartir équitablement à tous les niveaux de la pyramide sociale des positions et des statuts. Ce que François Dubet nomme «idéal d’égalité des chances». On veut produire des «inégalités justes» (des «inégalités de performances incontestablement justes» (Dubet 2010)) en permettant la mobilité sociale et rattraper les inégalités de nais-sance ou de trajectoire 23. Le risque est de prôner des mesures qui font l’économie d’une analyse des causes profondes de l’absence de certaines populations au profit d’une promotion médiatique, ponctuelle, arbitraire de personnalités censées «incarner la diversité». Le modèle d’une méritocra-tie individuelle est faussé, en réalité, par l’inégalité des dotations collec-tives initiales. Les politiques de ges-tion de la diversité contribueraient à ce que certaines personnes échappent à un traitement injuste sans abolir les inégalités de fond des positions économiques, sociales et symboliques (hiérarchies salariales, hiérarchies d’autorité, accès aux postes les plus intéressants…) auxquelles on ne veut pas, on ne veut plus ou on ne peut plus toucher 24. Il y a au cœur des politiques de gestion de diversité, la tentation de mesurer le mérite et de distinguer, mais le peut-on, détermi-nismes sociaux et part de la responsabilité individuelle. Il y a nécessité d’identifier une mosaïque de groupes spécifiques discriminés 25.

Gestion de la diversité ou Management interculturel?

Le véritable défi de la diversité

Comme Jean-François Chanlat le montre très bien dans ses travaux (1990), le défi de la diversité est aujourd’hui lancé non seulement dans l’intégration de minorités sur un sol domestique national ou régional, mais aussi dans les entreprises mondialisées, notamment lors des rapproche-ments. Trois enjeux au moins se dessinent pour les entreprises actuelles dans tous les pays du monde. La réduction du poids des marchés «dome-stiques» contraint les entreprises à inventer de nouvelles stratégies de survie et de développement. Ces stratégies se caractérisent aujourd’hui par la course à la taille, c’est-à-dire par l’accroissement sans fin des opé-rations de rapprochements au travers des fusions ou des acquisitions, des alliances stratégiques ou des joint-ventures. Les pressions concurrenti-elles sont exacerbées et les cycles de vie des produits fortement réduits dans un monde qui n’a jamais été aussi riche et inégal (alors que 1,3 milli-ards d’êtres humains sont privés d’eau potable, les fortunes des deux cents personnes les plus riches du globe dépassent les revenus cumulés de 41 pour cent de la population mondiale).

L’approche des partenaires, des clients et des collaborateurs, de plus en plus issus de pays différents, devient beaucoup plus complexe, car leurs façons de vivre, leurs langues et comportements sont à la fois évolu-tifs et diversifiés. La mondialisation n’aboutit pas à l’uniformisation cultu-relle. Bien que des tendances lourdes d’uniformisation soient à l’œuvre, les enracinements communautaires, ethniques et culturels demeurent viva-ces. Fascination et résistance, revendications identitaires et marchandisa-tion du monde sont, en quelque sorte, les deux faces d’une même pièce en mouvement (Martin et al. 2003). Dans ce contexte, les managers des entreprises doivent faire face, non pas à des concurrents facilement iden-tifiables ou à des partenaires connus et aisément compréhensibles – comme souvent jadis sur les marchés nationaux –, mais fréquemment à des organisations, à des communautés humaines ou à des ensembles professionnels à la fois dynamiques et complexes, marqués par des cul-tures et des modes de vie parfois différents, porteurs de «préférences ma-nagériales» également très diversifiées voire opposées ou contradictoires.

Pour caractériser ces préférences ou différences managériales, Pierre Dussauge et Bernard Ramanantsoa parlent de «nationalité vécue» et évo-

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quent la nationalité (supposée) d’une entreprise. Pour ces derniers, l’identité de l’entreprise s’articule autour d’un imaginaire collectif et de pro-ductions symboliques: «en matière de mythes, rites et tabous, l’aménagement des bureaux (à la japonaise dans les sagosacha installées en France), les poignées de main (à la française) ou les tapes dans le dos (à l’américaine), le jargon plus ou moins anglo-saxon, les tenues vestimen-taires... sont autant de «productions symboliques qui, au-delà de l’anecdote, sont très directement liées à l’imaginaire collectif et donc à la nationalité vécue». L’imaginaire collectif «se base sur la représentation que se fait le personnel des missions qu’a à remplir la multinationale («au-des-sus des Etats», «un acteur national face aux autres Etats»...), «renvoie à l’image des qualités idéales (morales et professionnelles) que doit pos-séder un collaborateur» et «renvoie également à l’image de ceux qui doi-vent posséder le pouvoir dans l’entreprise» (Dussauge et Ramanantsoa 1984).

Par-delà le «capital image»

Les politiques de diversité sont donc aujourd’hui largement associées aux populations minoritaires et défavorisées, alors que le «management interculturel» renvoie notamment aux personnes, expatriés notamment, amenés à sortir de leur culture d’origine dans le cadre de la mobilité internationale. Ainsi que l’on peut l’observer actuellement dans plusieurs pays riches, beaucoup procèdent souvent comme si, dans ces pays, le problème de la diversité et de la multiculturalité des peuples ne concernait que les seules populations démunies, issues forcément de cultures étrangères et plus précisément de pays économiquement moins avan-cés 26. Or, depuis la fin des années 1980, suite à la globalisation écono-mique, l’immigration et la mobilité correspondent à une problématique de gestion beaucoup plus vaste et complexe. Ce sont, par exemple, 85 000 informaticiens qui quittent l’Inde chaque année. Aux Etats-Unis, les cher-cheurs issus des Pays en développement représentent plus d’un cinqui-ème des effectifs de recherche-développement. Cette problématique de la mobilité transfrontalière concerne en effet non seulement les populations démunies mais également les élites, au travers des expatriés qui, au sein des entreprises mondialisées, travaillent dans des pays plus pauvres et y vivent la diversité des cultures et des pratiques de management en dehors de leurs cultures d’origine, auprès de leurs patrons, leurs homologues et collaborateurs également d’origines culturelles et nationales différentes.

Bien avant la mondialisation que nous vivons, l’immigration s’est toujours faite dans les deux sens. Plusieurs pays pauvres, en Afrique par

exemple, accueillent depuis qu’ils existent et surtout depuis l’époque co-loniale, un nombre important d’immigrés et d’expatriés occidentaux, dont l’effectif a souvent été bien plus élevé que celui des émigrés de certains pays dans les métropoles occidentales. S’il est vrai que ces expatriés bé-néficient généralement de conditions économiques bien plus favorables, ainsi que de niveaux d’éducation à priori plus élevés et sensés leur permet-tre de s’adapter plus aisément en dehors de leurs «berceaux culturels», il n’en demeure pas moins qu’ils rencontrent, en tant qu’êtres humains, des difficultés en matière d’intégration personnelle et professionnelle (coopé-ration avec les autres, facilité de mise en œuvre des projets) en dehors de leurs cultures nationales et professionnelles d’origine.

Ceci nous amène à distinguer politiques de diversité qui s’exercent en un seul territoire national et domaine du management interculturell qui évo-que les franchissements de frontières, la mise en cohérence de plusieurs politiques de gestion de la diversité des cultures, des formes d’organisation et des modèles de management. C’est typiquement le problème posé aux dirigeants de firmes multinationales qui doivent composer avec des con-ceptions différentes de l’égalité en France et en Afrique du Sud, au Canada et au Brésil, et proposer, quand même, les principes d’une politique «mon-diale» de gestion des ressources humaines pour leurs implantations.

Mais, politiques de gestion de la diversité et management interculturel, tels que nous en défendons les principes, ne se distinguent pas seulement du point de vue de leur champ géographique d’application. Ils participent, pour nous, de deux conceptions du vivre ensemble en entreprise que nous allons expliquer.

Par-delà les quotas, par-delà la peur des sanctions légales, par-delà le «capital image» recherché au travers de l’affichage ou la diffusion des dé-cisions de justice et qui constituent encore aujourd’hui, en Suisse comme ailleurs, les mobiles de nombreuses entreprises, nous soutenons que les entreprises multiculturelles gagneraient à enrichir leurs modes actuels de traitement de la diversité par une approche plus fine et rigoureuse. Dans cette perspective, l’horizon du management interculturel que nous préco-nisons et dont nous allons plus précisément présenter le projet et les ca-ractéristiques attendues, se démarque très largement des politiques actu-elles de gestion de la diversité 27.

Depuis la fin des années 1980, des expériences difficiles de rapproche-ment d’entreprise ou de gestion de filiales en Afrique ou en Asie, en Euro-pe de l’Est, en Inde ou en Amérique Latine, ont progressivement fait prendre conscience du fait que l’échange et la coopération entre par-tenaires multiculturels n’allaient pas de soi. Les entreprises qui ont réelle-ment investi dans la prise en compte réelle des différences, dans le que-stionnement sincère des bases de leur sys-tème d’autorité et de gouver-

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nance, ont pu constater que la diversité culturelle et managériale constituait un puissant levier d’innovation et de performances écono-miques et sociales à con-dition que la culture dominante ne favorise pas le conformisme plus que les performances obtenues.

En guise de conclusion

Face au traitement de l’altérité, à la question du vivre ensemble en entre-prise, un premier niveau revient à laisser faire, à dénier l’existence de com-portements discriminatoires dans son entreprise, voire à les accepter. Les combattre serait, pense-t-on, une perte de temps ou trop coûteux. Le ta-bleau suivant présente les niveaux et la progression des attitudes corre-spondantes ainsi que les mobiles au cœur des pratiques de management observées dans les entreprises, pendant ces dernières annnées.

De la gestion de la diversité au management interculturel

Un deuxième niveau, c’est la peur du gendarme et du Code du travail, des tribunaux.

Un troisième niveau, c’est l’utilisation des statistiques et la volonté de piloter une politique de gestion de la diversité selon des indicateurs et des tableaux de bord. Les dirigeants recherchent un idéal de traitement équi-

AccroÎtre les performances de l’entrepriseConclure des accords et encourager le paritarisme.Favoriser l’innovation, les processus apprenants, s’ouvrir à de nouveaux marchés, tirer partie de la diversté de ses parties prenantes (nouveaux clients, actionaires, fournisseurs)…

AccroÎtre la performance des équipes diversiféesDévelopper les synergies et apprentissages interculturels…

Piloter une gestion individualisée de la diversitéMieux recruter et intégrer, gérer les compétences (tableaux de bord), favoriser l’implication de chaque salairé, prévenir la pénu-rie de main d’œuvre…

Faire la preuve de son engagement en tant qu’entreprise socialement responsable (indicateurs de progrés)

Prévenir le risque de détérioration d’image pour l’entreprise

Se mettre en conformité avec les contraintes légales

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Sources: IMS/Entreprendre pour la Cité et E. MUTABAZI et P. PIERRE,2007

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table des individus avec une GRH basée sur la réduction des écarts entre différents individus et entre groupes minoritaires et groupe de «référence». A ce troisième niveau, les mesures et enquêtes liées à la discrimination doivent être distinguées de celles liées à la gestion de la diversité. Dans un cas, on mesure plutôt des catégories exposées aux discriminations (au moyen de listes en appelant aux critères ethno-raciaux des Arabes, des Berbères, des Indiens… aux critères de l’origine des Africains, des Euro-péens, des Antillais…), des supports de perception et des stéréotypes qui fonctionnent sur des apparences; dans l’autre cas, on traitera plutôt des trajectoires, des parcours de socialisation et d’intégration en entreprise.

Des dirigeants vont vouloir, à ce stade, ce que nous refusons, favoriser la discrimination positive et offrir la possibilité à des représentants de grou-pes discriminés d’accéder à des postes pour lesquels ils tendent générale-ment à être écartés. Ces mêmes dirigeants peuvent aller plus loin et favo-riser «l’affirmative action», ce que nous refusons tout autant, et faire de l’entreprise un échantillon de salariés représentatifs du territoire sociétal dans lequel elle s’inscrit. La gestion des ressources humaines y sera basée sur une gestion systématique de la diversité (les statistiques seront perfor-matives et l’on multipliera les quotas). Pour ce faire, faut-il imaginer des seuils variables selon les secteurs, en fonction précisément d’un «taux de représentation» des minorités ethniques ou autres? Cela nous paraît con-damnable. Il faudrait s’entendre sur le seuil à partir duquel on estimera que la diversité est à un «niveau acceptable» Amellal 2005, p. 369) 28. Le risque tient à passer plus de temps à prouver qu’un groupe ou qu’un territoire font l’objet de discrimination qu’à agir ensemble (Amellal 2005, p. 370) 29.

Un quatrième niveau, celui du management interculturel, à la fois plus profond et dynamique, invite à la recherche de synergies et de complémen-tarités. Le management interculturel, en en appelant au temps long de la construction de la confiance entre partenaires différents, cherche à com-battre les dangers d’une ingénierie «ethno-raciale» ou sexuelle qui ferait que tous les acteurs au travail sont observés et sujets de résultats d’analyse en fonction de ce qu’ils sont sous le regard des autres! Le management interculturel ancre, pour nous, son efficacité dans une dimension de sur-veillance active des processus discriminatoires et de leurs effets. Ces techniques de benchmarking qui, en suivant quelques indicateurs précis et stables dans le temps, mais déterminés en dehors de chez soi, c’est-à-dire dans d’autres entreprises, condam-nent le DRH à être un automate! Le principe d’une politique utile de gestion des ressources humaines conçue pour tous ne veut pas dire conçue ailleurs pour tous!

Le management interculturel, dans son ambition, n’est pas un «con-trôle» d’identité en donnant un avantage concurrentiel à un critère d’appartenance, à un groupe plutôt qu’un autre. Il est une politique qui

permet de construire les conditions d’accès à la reconnaissance en entre-prise.

Chercher à fonder un management interculturel, c’est donc faire face à un double enjeu. C’est tout d’abord prendre le risque, pour des dirigeants, pour des partenaires sociaux, pour le personnel, de reconnaître que des étrangers s’intègrent mal dans leur organisation faute de mesures appro-priées, que des personnels méritants sont injustement sanctionnés et vic-times de violence ou de souffrances au travail. C’est donc accepter de reconnaître des manques et des échecs et peser des rapports de forces. Or le discours qui prévaut aujourd’hui en entreprise prône parfois plutôt l’inverse et tend à confondre diversité et égalité. Il nous présente et valori-se, par exemple, des cadres tout-terrain, partout adaptables, heureux de vivre dans le changement et le mouvement perpétuel, dans un ordre social pacifié une fois pour toutes autour de valeurs ou cultures fortes des entre-prises. En réalité, ce cadre mille-pattes n’existe pas et n’existera jamais!

Dans un deuxième temps, fonder les conditions d’un management in-terculturel revient à dire qu’il est plus utile d’éveiller à l’intelligence de l’autre (Sauquet 2008) que de s’enfermer dans une vision cartographique statique, statistique et défensive des différences culturelles entre des aires, des groupes ou des traditions localisées. Malgré la fascination actuelle de nombreuses entreprises et de certains consultants pour ces approches quantitatives et leur propension à placer la variable culturelle en tête des facteurs explicatifs du comportement des groupes ou des individus, il faut savoir que l’expérience, le vécu n’a de sens qu’à la fois rattaché et mis à distance dans un faisceau de significations. Ce sont les autres qui nous engendrent et en contexte multiculturel, l’individu n’est pas en prise avec le «tout» de la culture de l’Autre, pas plus d’ailleurs qu’avec la sienne. Le management interculturel a partie liée avec le fait d’éveiller chacun au fait que ses appartenances sont plurielles, dynamiques, profondément in-scrites dans les fonctionnements humains et qu'il est possible à tout indi-vidu et à tout groupe de comprendre qu'il en existe d'autres que les si-ennes, de les rencontrer, «de s'y ouvrir» (Abddallah-Pretceille 2004) sans courir le risque de se perdre (Lee, Calvez et Guénette 2007).

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Références1 Merci à notre ami Hugues Poltier de l’Université de Lausanne pour nos riches discussions

sur l’égalité en philosophie politique.

2 Par ethnicité, on entendra non pas «un patrimoine culturel statufié qui enchaîne les indivi-dus, mais de manière dynamique comme un processus social – c’est-à-dire comme une forme de l’action – au travers duquel les diffé-rents groupes humains devenus coprésents sur un même espace se perçoivent, se maintiennent ou transforment leurs frontières et leurs sentiments d’appartenance; on peut y discerner tout autre chose que l’expression d’un archaïsme cherchant à préserver des traditions culturelles rétives au compromis» (Bastenier, 2008).

3 Les programmes d’équité en emploi et d’accès à l’égalité (affirmative action programs) ont été mis en vigueur dans les années 1960 et 1970 aux Etats-Unis (et dans les années 1980 au Canada ou en Grande-Bretagne) afin de restaurer les droits et rétablir les torts faits à des groupes socialement discriminés qu’étaient les Noirs, les fem-mes, les minorités eth-no-raciales et les autochtones.

4 Aux Etats-Unis, des associations de défense des droits civiques, comme la NAACP (Asso-ciation nationale pour l’avancement des gens de couleur), forte de plus de 400 000 mem-bres, possèdent juristes et avocats expérimentés aidant les victimes à se pourvoir devant les tribunaux et monter leur dossier pour ces affaires concernant l’emploi, les services publics ou l’éducation.

5 Inspirée de l’«iceberg des différences» publié sur le site internet du groupe Shell, lui-même inspiré de travaux fondateurs ayant influencé les travaux en gestion, notamment sur cet iceberg des niveaux de culture, par exemple: Kluckholn et Strodtbeck (1961).

6 La Loi fédérale sur l’égalité (LEg) et la Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand) permettent aux femmes et aux hommes de se défendre contre les discriminations directes et indirectes dans la vie professionnelle. Com-plémentairement, toute une série de Conventions nationales et internationales, Ordon-nances, articles du Code des obligations, du Code civil (avec notamment le critère de pro-tection de la personnalité) et articles de la Loi sur le travail permettent une protection très générale des personnes physiques et des travailleurs contre les discriminations possibles.

7 Par exemple: Baromètre de la Fonction Ressources Humaines en Suisse romande Edition 2008.

8 Par stéréotype, on entend, des catégories descriptives simplifiées qui correspondent à des traits ou des comportements que l’on attribue à autrui de façon arbitraire. En ce sens, les stéréotypes sont une manifestation des préjugés.

9 Certains proposent que lorsque la diversité est inférieure au seuil prévu, il faudrait mettre en place des sanctions effectivement applicables par les tribunaux judiciaires. Ce seuil, imagi-ne Karim AMELLAL, serait «adopté sur la base d’un consensus entre les différents acteurs concernés (syndicats, associations, pouvoirs publics, représentant de l’INSEE…). En fonc-tion des secteurs, l’une ou l’autre de ces solutions trouveraient matière à s’appliquer. Par exemple: quotas souples et provisoires dans les médias, inspiration par le haut d’un princi-pe de diversité dans les entreprises avec instauration d’incitations financières et fiscales à l’embauche en fonction d’origines, différenciation socio-ethnique systématique dans l’accès aux grandes écoles.

10 «Est-il plus cruel d’enfermer les individus dans des positions injustes que de les obliger à abandonner la sécurité de ces positions pour acquérir les mêmes chances que les autres?» (Dubet 2010, p. 57).

11 Les politiques de gestion de diversité n’offrent pas de solution au fait qu’en amont de la vie professionnelle, certaines personnes, pourtant diplômées, choisissent par anticipation la voie d’une déqualification dans leurs recherches d’emploi et annihilent le bénéfice des efforts entrepris.

12 «En entreprise, la gestion de la diversité présenterait, pour le patronat, l’intérêt immédiat de mettre à distance le système juridique, par des chartes notamment. La responsabilité sociale des entreprises et l’autorégulation de leurs activités, permettraient la substitution d’un système de régulation publique par un système de régulation privée. Plus grave, déplacer sur la gestion de diversité l’ensemble de la question sociale reviendrait à ne pas avoir à toucher aux déséquilibres structurels qui font qu’il y a des «travailleurs sans tra-vail», ou des travailleurs soumis à des conditions telles qu’elles les dégradent au lieu d’assurer leur indépendance économique et sociale» (Mutabazi et Pierre 2010).

13 Le concept de minorité, groupe numériquement inférieur au reste de la population d’un État, en position non dominante, dont les membres – ressortissants de l’État – possèdent, du point de vue ethnique, religieux ou linguistique, des caractéristiques qui diffèrent du reste de celles de la population, se différencie du concept de communauté choisie qui met plutôt l’accent sur les liens de solidarité, de proximité et de chaleur des relations affectives plus encore que d’assujettissement à un rapport de pouvoir et de domination ou d’intérêts motivés rationnellement. La minorité, à la différence de la communauté, n’implique pas nécessairement l’appartenance à un groupe, l’identité d’une culture et d’une langue commune (même à l’état de survivance comme en Irlande avec le gaélique). Elle requiert en revanche l’expérience vécue de la mise à l’écart et de la stigmatisation.

14 Par «nationalisation des postes», il faut entendre des mesures de limitation de la main-d’œuvre étrangère décidée par la majeure partie des pays en voie de développement. Contrepartie en termes d’emplois et de formation au droit d’exploitation d’un sol ou d’un marché, ces mesures visent au remplacement progressif des cadres et techniciens expa-triés par du personnel local, à une nationalisation ou «translation» des postes. Au Nigéria, par exemple, dès 1972, des décrets d’indigénisation ont trait à la constitution du capital des sociétés étrangères et à la nationalité des employés. L’existence de quotas définis par le gouvernement nigérian, de multiples clauses relatives au personnel et destinées à éliminer les discriminations passées, figurant in extenso dans les contrats pétroliers (75 pour cent des postes de techniciens et 60 pour cent de ceux du manage-ment réservés à ses ressortissants) s’impose à la direction des entreprises européennes. Elles ont mis en rapport accès à l’emploi et appartenance ethnique ou sociale.

15 «Le racisme ne serait dans ce cas plus condamnable parce que moralement inacceptable, mais seulement s’il est démontré qu’il influe négativement sur la productivité des emplo-yés, les démotive et infléchit la compétitivité de l’entreprise» (Pauwels 2004).

16 A ce stade de notre développement, nous pouvons écrire qu’une politique de gestion de diversité en entreprise passe par des actes de gestion stratégique qui visent à créer un avantage concurrentiel en répondant aux défis d’une main d’œuvre de plus en plus diver-sifiée. Elle met l’accent de manière volontaire sur les différences plutôt que sur les res-semblances dans les équipes de travail et recherche des gains d’efficience. Par une action volontaire en dehors des viviers habituels de recrutement, elle introduit un élément différent dans un ensemble perçu à priori comme homogène. Elle cherche à valoriser la contribution à l’organisation de chaque individu en reconnaissant et en valorisant ses compétences. Une politique de gestion de diversité vise à lutter contre les discriminations, à promouvoir l’égalité des opportunités comme norme, à réduire les dysfonctionnements que peuvent créer cette diversité, à répondre aux effets de résistance nécessairement provoqués, à mesurer des écarts afin de piloter des progrès, à amplifier la diversité dans les équipes à mesure de son développement et parvenir à la reconnaissance de com-pétences internes non utilisées comme, au final, la valorisation des particularités de cha-que membre du personnel. Une politique de gestion de diversité, «proactive», cherchera à capitaliser sur les dyna-miques interculturelles des équipes diversifiées. Par une compa-

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raison constante par rapport aux bassins d’emploi locaux et régionaux où elle est implan-tée, cette politique supposera la mise en place d’une culture managériale qui favorise l’intégration et valorise, comme des actifs, les différences du personnel en termes d’âge, de genre, de son appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, d’opinions politiques, d’appartenances syndicales, de situation de famille, d’origines sociales, d’origine culturelle, de capacités physiques, de handicap, d’orientation sexuelle, de convictions religieuses… Cette politique est susceptible d’affecter l’organisation du travail, les politiques de gestion des ressources humaines, la culture de l’organisation ainsi que les politiques de conquête et de compréhension des marchés (clients et usagers).

17 Brousillon et al. 2007. L’appellation même de «Responsable Diversité» fait l’objet de plusieurs interprétations, en raison du caractère diffus du concept de diversité et de l’intégration différente de la diversité dans le champ de la responsabilité sociale de chaque entreprise. Ces interprétations seraient à l’origine de la «diversité» des postes et zones de responsabilité des «Responsables Diversité». Les auteurs soulignent la pluralité des rôles de ces «M ou Mme» diversité: rôle de mobilisation sur le terrain chez un cimentier ou rôle de coordination chez un fabricant de pneus, doublés de rôle d’influence (un groupe ferroviaire) et /ou de surveillance affiché (groupe pétrolier, groupe automo-bile)…

18 «C’est une diversité ciblée – en soi, un oxymore – qui ne retiendrait que les divers pensa-bles, acceptables, traçant en cela les frontières cognitives des instances de locution – celles énonçant le «divers» (Jeantet et al. 2008).

19 A. JEANTET, P. LENEL et E. SAVIGNAC, «Quelle place pour qui dans les entreprises fran-çaises? – La «diversité»: un cache-sexe pour des représentations raciales», Revue Asylon, n° 04. Institutionnalisation de la xénophobie en France, mai 2008.

20 En 2007, plusieurs entreprises se sont laissé tenter par «Second Life» en matière de rec-rutement. Ainsi Accenture, L’Oréal, Cap Gemini, Unilog, Expectra…ont ouvert un lieu de recrutement sur cet espace d’échanges virtuel. En 2006, l’utilisation du téléphone porta-ble, avec l’utilisation des SMS et MMS, avait permis, aux dires des entreprises, de joindre de nouveaux publics.

21 On peut lire sur le site internet www.vigeo.com qu’«une notation sociale des entreprises, dès lors qu’elle est sérieuse dans ses méthodes et basée sur un solide référentiel, est dans l’intérêt de tous les acteurs de l’économie et de la société, à l’échelle mondiale. Aux actionnaires, elle permet d’optimiser leurs attributions de contrôle. Aux investisseurs, elle permet d’objectiver leur choix de placements. Aux dirigeants d’entreprise, elle permet de mesurer les risques, d’agir sur les asymétries d’information et d’améliorer les perfor-mances de leurs systèmes de management. D’autres acteurs, par exemple les organisa-tions syndicales de travailleurs, y ont aussi un intérêt évident: le référentiel de Vigeo inclut le respect des droits humains fondamentaux sur les lieux de travail et dans la société, et tout un ensemble de critères de valorisation des ressources humaines dont, bien entendu, le dialogue social».

22 «PSA, un employeur black, blanc, beur», Liaisons sociales, octobre 2004, p.87.

23 «Alors que la critique conduite au nom des places dénonce les écarts de salaires entre les revenus des diri-geants et ceux des salariés modestes, la critique menée au nom des chances dénonce l’endogamie sociale des groupes dirigeants dans lesquels les femmes et les minorités visibles ne sont pas assez représentées» (Dubet 2010).

24 «Je n’agis pas de la même manière selon que je me bats pour améliorer ma position ou pour accroitre mes chances d’y échapper. (…) Une société ne se perçoit pas et n’agit pas sur elle-même de la même manière selon qu’elle opte d’abord pour l’égalité des places ou d’abord pour l’égalité des chances» (Dubet 2010, p. 12).

25 Nombre d’observateurs évoquent le risque d’une concurrence victimaire qui tend à

s’attiser parce que chacun s’affilie, sous la contrainte du système de discrimination posi-tive qui préside, à un collectif identifié (devenir obligé, au nom de la revendication de la dignité ou de la fierté, de se soumettre en réalité à une identité stigmati-sée pour reven-diquer plus de droits que le groupe voisin). Ils pointent le risque d’amener les groupes discriminés à faire reconnaitre comme positives les caractéristiques sociales, culturelles et identitaires au nom desquels ils sont discriminés. Les places deviennent opportunités, les statuts assurés, aides ciblées, obstacles et ressources, réseaux et handicaps à surmonter. Les individus sont placés en compétition et cette dynamique de compétition est souhaita-ble parce qu’elle serait censée briser les ordres établis.

26 En France, l’immigré a été vu sous l’angle socio-économique du «travailleur sur ligne de production», puis sous l’angle du père de famille nombreuse à l’occasion du regroupe-ment familial puis sous l’angle (anthropologique, pourrait-on dire) de l’habitant des grands ensembles. Toujours un élément d’une partie qui le dépasse et dont il fait «tâche» tandis que les troisièmes générations vivent une «triple peine», celle d’être étrangers en France, étrangers à leurs pays d’origine qui n’est pas le leur et étrangers à leurs parents (Erbas 2007, p.41).

27 «Dans l’entreprise», rappelle Edgar Morin, «le vice de la conception taylorienne du travail fut de considérer l’homme uniquement comme une machine physique. En un deuxième temps, on a réalisé qu’il y a aussi un homme biologique; on a adapté l’homme biologique à son travail et les conditions de travail à cet homme. Puis, quand on a réalisé qu’il existe aussi un homme psychologique, frustré par des tâches parcellaires, on a inventé l’enrichissement des tâches. L’évolution du travail illustre le passage de l’unidimensionnalité à la multidimensionnalité. Nous ne sommes qu’au début de ce pro-cessus» (Morin 2005, p.121). Le management interculturel, précisément, illustre le passa-ge du simple au complexe, de l’identité individuelle aux identités culturelles collectives. Le premier mérite du management interculturel, est de détacher la notion de «culture» de la notion de «valeurs» (d’Iribarne. 1991, p.599), par des comparaisons systématiques d’attitudes, de pratiques et de valeurs entre membres du personnel appartenant à diffé-rents pays, des enquêtes extensives par questionnaires et des observations de type eth-nographique. Les formes «d’intérêt» et de «rationalité» ne se construisent pas de la même façon dans chaque société.

28 «Et lorsque la diversité est inférieure au seuil prévu, il faudrait évidemment mettre en place des sanctions effectivement applicables par les tribunaux judiciaires. Ce qui suppose de créer un nouveau délit dans le Code Pénal: non respect du principe de diversité» (Idem, p.370).

29 Ces taux de représentation statistique des minorités ethniques (ou autres) passent par une «institutionnalisation» de l’affirmative action qui entérinerait une conception dangereuse, à nos yeux, de la justice sociale car basée sur des clivages identitaires. On peut craindre un durcissement prévisible des clivages et tout simplement un échec de la discrimination positive en tant que stratégie d’éradication de la discrimination structurelle, celle qui touche aux mentalités et au long terme. Partout où elle a été promue, la discrimination positive s’est institutionnalisée en ce sens qu’elle est destinée à agir dans la durée. Cela a conduit à faire de l’équilibre statistique entre les groupes une fin en soi. Le pli est vite pris de l’assistance entre groupes débiteurs, qui font de leur passé un foyer de victimisation, et groupes créditeurs, qui n’assument pas toujours une position implicite et non méritée de supériorité. Or, reconnaissons-le, la multiplicité des clivages est possible et crée une situa-tion de rivalité dans le processus de victimisation. «Les membres d’un groupe considéré comme débiteur peuvent souvent d’un autre point de vue, se considérer comme appar-tenant à un groupe créditeur» (Deschavane 2006, p.173), venant alors relancer sans fin un processus victimaire.

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Les Dossiers HRMDossier HRM N°1: Leadership et conduite d’équipe Guide à l’usage des managers de proximité

Dossier HRM N°2: La gestion des compétences Anticiper, évaluer et agir

Dossier HRM N°3: Le coaching dans tous ses étatsSous la direction de Bernard Besson

Dossier HRM N°4: L’assessment Quand, Pourquoi, Comment

Dossier HRM N°5: La justice dans les organisations Des discours aux pratiques

Dossier HRM N°6: Ressources humaines en PME Entre proximité et professionnalisation

Dossier HRM N°7: L’outil 360° Processus d’application en organisation

Dossier HRM N°8: Le gouvernement d’entrepriseUn territoire à conquérir pour les RH

Dossier HRM N°9: Mesurer les niveaux de satisfactionDes nouveaux indicateurs pour les DRH

Dossier HRM N°10: Le management humain Pour un abord collectif de la performance en milieu professionnel

Dossier HRM N°11: Le savoir-vivre au bureau Le retour des bonnes manières

Dossier HRM N°12: HR Business partner Opportunités et risques pour la fonction RH

Dossier HRM N°13: Paradoxes de la gestion des âges Impératifs économiques et réalité de l’entreprise

Dossier HRM N°14: L’accompagnement de l’innovation vers le succès Une nouvelle culture d’entreprise

Dossier HRM N°15: Les dirigeants nomades Comment les identifier, les attirer et les retenir

Dossier HRM N°16: Santé au travail et ressources humaines Concilier performance de l’entreprise et santé des collaborateurs

Dossier HRM N°17: Recrutement Méthodes et pratiques actuelles

Dossier HRM N°18: RémunérationDes instruments modernes pour une rémunération équitable

Dossier HRM N°19: Le marketing RHQuand les outils marketing aident à repenser la fonction RH

Dossier HRM N°20: Comment utiliser la complexitéOutils, attitudes et compétences à développer

La collection augmente de quatre numéros par an. Pouvant être obtenus en combinaison avec l’abonnement à HR Today, les Dossiers HRM sont également disponibles individuellement. Les numéros plus anciens peuvent être commandés ultérieurement auprès de la maison d’édition.

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Gestion de la diversité L’urgence d’un management interculturel

La vie en organisation est par définition diverse. Nous avons même besoin de ces différences pour construire notre réalité. Mais comment intégrer cette diversité dans un mode de gestion, une pratique managériale ou une politique RH? Quatre chercheurs et praticiens suisses et français appor-tent ici leur éclairage. Ils livrent non pas un manuel de gestion de la diver-sité mais ouvrent plusieurs réflexions fondamentales sur les enjeux et les travers les plus classiques de la gestion de la diversité en organisation. Attention au politiquement correcte qui consisterait à ne plus nommer les différences par des mots. Ce refoulement est grave de conséquence puis-que, par effet boomerang, la discrimination revient avec encore plus de vigueur. Attention également à la discrimination positive: une pratique qui, paradoxalement, renforce les préjugés. Attention aussi au risque stati-stique qui consiste à mener une politique de diversité uniquement pour les chiffres. Attention enfin aux chartes et aux plans de communication: quand une direction générale proclame une politique de diversité pour plaire aux parties prenantes et attirer les talents. Les auteurs décortiquent ces enjeux délicats, prennent position et ouvrent quelques pistes.

Les Dossiers HRM sont des concentrés d’informations spécifiques intéressant les spécialistes de la fonction personnel et de la formation. Chacun des numéros se propose d’approfondir un sujet donné.

Les Dossiers HRM sont publiés quatre fois par an et sont disponibles en complément à l’abonnement au magazine HR Today, le journal suisse des Ressources Humaines, ou encore sous forme d’exemplaires individuels.

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