Ottorino Perrone - Parti Etat Internationale

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  • 8/14/2019 Ottorino Perrone - Parti Etat Internationale

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    Parti Internationale tatRecueil d'articles parus dans la revue

    BILAN ( mars 1934 janvier 1936 )

    Ottorino Perrone ( 1897 1957 )

    www . collectif - smolny . org

    - 2007 -

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    Table des matires

    Notice 4

    Prmisses 5

    I. La classe et sa signification 13Classe et formation de classe 14Classe et socit 15Socit, classe et instrument de travail 16La notion mondiale de classe 17

    II. Classe et tat 21

    III. Classe et Parti 31

    IV. Parti et Internationale 40

    V. L'tat dmocratique 48

    VI. L'tat fasciste 56

    VII. L'tat proltarien 63

    VII. L'tat sovitique (deuxime partie) 73

    VII. L'tat sovitique (troisime partie) 85

    VII. L'tat sovitique (quatrime partie) 99

    VII. L'tat sovitique (cinquime et dernire partie) 109

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    Notice

    Les articles de la srie Parti - Internationale - tat sont parus dans lesnumros suivants de la revue BILAN :

    Numro Titre Date

    n5 Prmisses Mars 1934 / pp. 160165

    n6 I - La classe et sa signification Avril 1934 / pp. 205209

    n7 II - Classe et tat Mai 1934 / pp. 231238

    n8 III - Classe et Parti Juin 1934 / pp. 286292

    n9 IV - Parti et Internationale Juillet 1934 / pp. 322327

    n12 V - L'tat dmocratique Octobre 1934 / pp. 426432

    n15 VI - L'tat fasciste Janvier - Fvrier 1935 / pp. 517521

    n18 VII - L tat proltarien Avril - Mai 1935 / pp. 606613

    n19 VII - L'tat sovitique (2) Mai - Juin 1935 / pp. 638646

    n21 VII - L'tat sovitique (3) Juillet - Aot 1935 / pp. 715724n25 VII - L'tat sovitique (4) Nov - Dcembre 1935 / pp. 838

    844

    n26 VII - L'tat sovitique (5) Janvier 1936 / pp. 870879

    Nous proposons ici une version brute , sans appareil critique, conformmentaux objectifs du projet Smolny n2 de numrisation et de mise dispositionimmdiate de l'intgrale Bilan . Nous ne nous sommes permis qu'en de raresoccasions des corrections syntaxiques, l o le sens de la lecture pouvait tre rendu

    difficile.

    De nombreux autres articles peuvent tre consults sur le site internet del'association. Une dition critique complte (notes, index, recoupements avecd'autres textes et publications, chronologies) sera le fait d'un autre projet. Si un telprojet vous intresse, merci de vous signaler auprs du collectif :

    Collectif SMOLNY - http://www.collectif-smolny.org

    Bt La Pastourelle / 47 route d'Espagne / 31100 TOULOUSE / FRANCE

    [email protected]

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    Prmisses

    Ltude dont nous commenons la publication a pour but de donner pourautant que possible une analyse historique de la phase actuelle de la lutte declasse, afin de situer les problmes essentiels surgissant de cette situation au coursde la lutte ouvrire. Encore une fois : la comprhension des vnements est lacondition indispensable pour permettre laction. Les militants qui ne posent pascatgoriquement la ncessit de se donner eux-mmes, et de donner auproltariat, une explication fondamentale aux vnements historiques qui ontaccompagn la premire exprience de gestion dun tat proltarien luttant pour la

    rvolution mondiale, ne font que devenir les prisonniers de la vague de raction quele capitalisme fait dferler sur le monde entier. Car sil est parfaitement exact que lathorie du socialisme dans un seul pays nest pas la filiation lgitime et ncessairedoctobre 1917, il est tout aussi certain que ce nest pas au travers dun simpledplacement politique des organisations communistes actuelles, afin de les remettresur la base des positions occupes en 1917, que le proltariat retrouvera la voie deson salut. Outre le fait que le dplacement est absolument impossible, desphnomnes politiques et sociaux dune importance colossale se sont produits entre1919 et 1934, et il faut les soumettre une tude aussi complte que le firent, enleur temps, les bolcheviks, pour les problmes issus de la transformation de

    lconomie capitaliste dans sa phase imprialiste. Le secret rel de la victoire desbolcheviks rside dans leur raction rigoureuse contre tous les courants de laDeuxime Internationale : les vritables mouvements de masse se prparent au feudune srie de scissions pour forger lorganisme appel diriger le proltariat autourdes formulations de la lutte rvolutionnaire. Toute autre tentative de mobiliser lesmasses en dehors de ce travail principiel 1 et les courants de gauche dumouvement allemand lont prouv premptoirement devait conduire la situationde 1919 o les ouvriers allemands en armes cherchrent vainement lorganisme quiles aurait conduit la victoire : cet organisme ne pouvait pas surgir spontanmentmais devait tre le rsultat dun travail opinitre et analogue celui des bolcheviks.

    Pour centraliser en une formule ce que sefforce deffectuer notre bulletinthorique, nous dirons que lintervention relle du groupe pouvant prtendrereprsenter la classe proltarienne, nest possible que sur la base de la rsolutiondes problmes politiques propres une poque historique donne.

    1. Poursuivant sa mthode coutumire, le camarade Trotsky, dans un de ses derniers articles, LeCentrisme et la 4me Internationale ddie quelques lignes notre mouvement lui qui crit desvolumes sur des querelles de militants qui, sans crainte de ridicule, sintitulent bolcheviks-lninistes - et parle de la passivit de propagande abstraite de ceux quil appelle les bordiguistes (la mode nest-elle pas aux ismes qui dispensent danalyses srieuses).videmment pour le camarade Trotsky, la puret principielle, la clart de position, lesprit de

    consquences dans la politique, la nettet de lorganisation , tout cela rside dans cette entreprisede confusion, de manuvre, de maquignonnage, qui sintitule pompeusement 4me Internationale.Dans lavant-guerre, Lnine (duquel nous nous inspirons), devait-il tre considr comme unchampion de la propagande abstraite, selon le camarade Trotsky ?

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    Le socialisme dans un seul pays est la fois la consquence de lincapacit duproltariat international raliser plus quavaient donn les bolcheviks en 1917, etlexpression politique de linsuffisance sexprimant au travers des vnementspostrieurs 1917 dans le monde entier de la clarification historique conquise enoctobre. Les principes jaillis de la rvolution russe et de la fondation de la IIIeInternationale, ne peuvent nullement tre considrs comme un point final, maiscomme une marche dans lascension que le proltariat doit effectuer pour atteindresa libration. Une marche qui aurait pu tre suivie par une progressivit constante la seule condition que les mouvements rvolutionnaires des autres paysenregistrent avec la victoire du proltariat, de nouvelles bases idologiquessajoutant au patrimoine historique du proltariat mondial. En elles-mmes, lesdfaites qui survinrent ne devaient videmment pas signifier que les principes surlesquels se basait le proltariat taient faux ou insuffisants. Les dfaites pouvaientrsulter du rapport de force entre les classes qui stait montr dfavorable au

    proltariat, derreurs dapplication de ces principes, ou dincapacits tactique oustratgique des organes dirigeants du parti. Mais quaujourdhui, en 1934, quand lasituation prouve qu la suite dinnombrables dfaites dans le monde entier Russie y comprise nous assistons lcrasement du proltariat dans tous les paysen mme temps que spanouit le dveloppement industriel de lU.R.S.S. et quonessaye dindividualiser les causes de cette situation dans la mauvaise application de la ligne comme le font les centristes, ou de personnaliser cette cause enStaline et le stalinisme comme le fait le camarade Trotsky, ce procd conduit rduire le sanglant tribunal o se jouent les batailles historiques de classe, en unemesquine plaidoirie devant un juge de paix de village.

    Ltude dont nous commenons la publication ne peut reprsenter quunecontribution, dailleurs trs faible, pour lucider ce qui nous semble tre leproblme central de lpoque actuelle. Fort probablement nous ne pourronsquindiquer une ncessit , et non fournir la rponse adquate, car cette dernire neressortira que dune rvolution triomphante et dun effort international desdiffrents groupements issus de la dgnrescence du mouvement communiste. Cedernier stait polaris autour du proltariat russe qui a dsormais puis safonction de guide international du proltariat, et cela cause des organes dirigeantsdu proltariat de tous les pays, insectes grouillant sur le corps de la classe ouvrire

    russe et de ses formations dirigeantes, de Lnine et de Trotsky, aussi bien que deStaline.

    Aprs le 15e Congrs du parti russe stait ouverte une situation o un travailpolitique international aurait peut-tre permis au proltariat de faire lconomiedune nouvelle guerre, de sauvegarder ltat russe au proltariat mondial afin detraduire les immenses enseignements des dfaites de laprs-guerre, au traversdune victoire de la gauche marxiste au sein de lInternationale Communiste. Notrevoix, ce moment, a t suffoque au sein de lOpposition de gauche et contrenous ont triomph les braillards proclamant notre sectarisme et leur capacit ( ! )pour concrtiser immdiatement de grandes victoires contre le centrisme. Il serait

    instructif de faire le bilan des anciennes polmiques : pour le moment, nous nevoulons que rappeler de quel ct se trouvent les responsabilits politiques de la

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    dconfiture actuelle.

    Notre travail ne cesse pas davoir sa raison dtre parce que, pratiquement, lesort du proltariat est dj irrmdiablement jou et que le capitalisme pourraitaboutir la guerre. Les vnements dAutriche prouvent que les masses ne sersignent nullement devenir la proie du capitalisme : cela signifie que sur le fond

    de la perspective capitaliste, des occasions peuvent se produire pour une reprisevictorieuse de la lutte du proltariat. Mais, pour assurer cette victoire, aussi bienque pour faire aboutir la guerre dans le triomphe de la rvolution, le travail quenous proposons et que nous ne pourrons, encore une fois nous le disons, effectuerisolment, reprsente la condition prjudicielle et indispensable.

    * * *

    Lhistoire de toute socit jusqu nos jours na t que lhistoire des luttes declasses (Manifeste du Parti Communiste).

    Cette notion fondamentale sert caractriser le marxisme par rapport toutesles autres coles historiques qui lont prcd Mais quil sagisse de la dlimitationde la classe en gnral et en particulier dans la situation actuelle o le proltariatsest trouv appel exercer son pouvoir, quil sagisse de la dtermination delorgane pouvant reprsenter cette classe, et quenfin il sagisse de dterminer lesbases sur lesquelles la classe et lorgane de la classe doivent agir, nous noustrouverons devant la ncessit de retirer des vnements llment substantiel quipermettra de dfinir les notions thoriques, et de configurer les postulats pour lalutte du proltariat dans les situations actuelles.

    Pour ce qui est de la classe en gnral, nous assistons actuellement unefloraison bigarre de thories qui, ou bien conduisent directement la suffocationdes classes sur le front commun des intrts de la classe rgnante, ou lamodification du rle des classes fondamentales de la socit pour attribuer auxclasses moyennes des fonctions se substituant la fois au capitalisme et auproltariat ; ou encore menant linversion du processus de la lutte des classes quine conduira plus la classe ouvrire dun pays lutter au sein mme du proltariatmondial, mais condamnera et pour cela mme lannulera la classe ouvrire raliser, dans le cadre de ses frontires tatiques, les tches qui ne peuvent revenirquau proltariat et la rvolution internationale.

    Fascisme : par ltranglement de la classe proltarienne ; dmocratie : par lacorruption du proltariat, ces deux formes dorganisation de la socit capitaliste,semblent avoir annul la substance de la thorie marxiste sur les classes, alorsquen ralit le marxisme trouve, dans la situation actuelle, la plus lumineuseconfirmation : lune ou lautre forme de lannulation de la classe proltariennecorrespond lincapacit absolue de la socit actuelle de matriser, de diriger, decontrler lvolution des forces productives. La seule classe pouvant sacquitter dece rle historique, le proltariat, ayant t ananti, la socit se trouve incapable decontrler les forces conomiques et ne retrouvera une issue qu la condition dunereconstruction de lossature de la classe proltarienne et de sa victoire

    rvolutionnaire.

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    Ce nest pas seulement au point de vue gographique que le centrisme areprsent une rvision de la signification de la classe en gnral et de la classeproltarienne en particulier. Cest au point de vue substantiel que le centrismea modifi la notion thorique de classe. Le socialisme en un seul pays peutparatre une artificieuse entreprise pour sparer ltat sovitique, o lon raliseraitle socialisme, du monde capitaliste restant la proie des crises conomiques et desconvulsions sociales ; en ralit, puisque la classe est une notion historique etmondiale, ltat proltarien, qui se dissocie du processus de lvolution duproltariat mondial, devient, dans ses frontires mmes, linstrument de la classecapitaliste mondiale et un coefficient dune grande importance dans cette involutionqui conduit lanantissement de la classe proltarienne mondiale.

    Pour ce qui est de lorgane pouvant condenser et reprsenter la classe, unediffrence dordre social rside dans les fonctions qui reviennent au proltariat par

    rapport la bourgeoisie, au fodalisme, ou aux propritaires desclaves delAntiquit. En dfinitive, toute forme dorganisation sociale reprsente un momentparticulier que traverse lhumanit dans le contrle progressif sur les forces deproduction. Au dbut, chaque organisation sociale reprsentait un progrs sur laprcdente, progrs obtenu grce une rvolution. Par aprs, cette mmeorganisation se transforme en une tentative de freiner le dveloppement productifqui aprs lavoir appel, dsormais le condamne. Et cest au prix dune nouvellervolution que la marche progressive peut reprendre. Nous ne pourrons classifierhistoriquement les socits quen fonction de la dlimitation par rapport la classergnante. Cette classe se fonde concrtement sur la base dune forme particulire

    qui la reliera aux forces de production. Et ici nous trouvons simultanment uneforme particulire de lappropriation des moyens de production, en gnral, et unaspect spcifique de la position o se trouvera le travailleur qui, lui aussi, tantquexistent les classes, nest quun moyen de production. Dans lconomieesclavagiste, cest lattribution personnelle des moyens de production aussi bienque de lesclave. Lensemble de la socit vit et se reproduit sur la base de lacontinuit de la classe et des castes qui la composent. A cette poque, le faibledveloppement des moyens de production ne permettra quune production pouvantsuffire la satisfaction des besoins dune minorit infime de la population.Lconomie du servage, tout en laissant subsister le caractre personnel de

    lattribution des moyens de production, va permettre une plus grande distributionde ces derniers, et cela parce que le mcanisme productif ne peut plus supporter lasujtion la caste, mais dtermine une spcification du travail qui doit dj obiraux lois dun march plus tendu.

    Lconomie capitaliste triomphe quand une modification radicale et sansprcdent sest dj effectue : les moyens de production aussi bien que letravailleur lui-mme ont dfinitivement perdu toute possibilit dtre attribus desindividus, et la production chacun de ses moments prend un caractre collectif. Ledivorce qui sopre entre le caractre collectif et social des moyens de production, etle type dappropriation de ces moyens, qui reste personnel, ne disparatra que

    lorsque les nouveaux rapports sociaux stabliront en rflexe du mcanismeproductif qui ouvre la phase de lhistoire consciente de lhumanit.

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    Tant que les moyens de production se prtaient une attribution aux individusou la caste, la lutte de classe se droulait autour de la possession des instrumentspermettant de garantir le privilge de la formation ayant le pouvoir, et de conformerainsi tout le dveloppement conomique et politique autour de la dfense delorganisation sociale existante. A un certain point de vue, pour toute lhistoire quiprcde la rvolution proltarienne, nous pouvons dvelopper la formule de Marx :lhistoire na t que lhistoire des luttes de classes, par cette autre formule :lhistoire na t que lhistoire des classes pour semparer du pouvoir de ltat. Cedernier reprsente, en effet, un instrument ncessaire aussi longtemps que laproduction ne suffit que pour une minorit de la population (minorit se retrouvantdans la classe qui, cette fin, tablira un type donn de socit). Dautre part, nousassisterons galement une modification des classes qui se trouvent la directionde la socit, mais une continuit subsistera pour ce qui concerne lorgane de ltatqui, tout en se transformant dans les diffrentes poques, tout en se basant sur des

    formules diffrentes, nen restera pas moins lorgane permettant loppression desclasses travailleuses, et un organe historiquement ncessaire, au point de vuegnral.

    Il est vident que ltat ne peut pas tre considr comme un dmiurge au-dessus des classes, et llment de discrimination dans lvolution historique : laclasse reste toujours le moteur du mouvement, mais jusqu la priode o les forcesde production appellent le proltariat au pouvoir, les classe livrent leur lutte autourde lenjeu que reprsente ltat.

    Pour ce qui concerne la fodalit par rapport lconomie esclavagiste, ou la

    bourgeoisie par rapport la fodalit, puisquil sagit de diffrents types deprivilges et de rgimes doppression sur les travailleurs, nous assisterons dabord une coexistence entre les deux types dconomie et la pntration progressive, ausein de lancienne conomie aussi bien que de lancien tat, des lmentsappartenant la nouvelle classe. Ensuite seulement se produira la luttervolutionnaire qui fondera la nouvelle organisation sociale. La rvolution nest pasle point de dpart pour la bourgeoisie, mais son point final : dans les trois siclesqui ont prcd sa victoire, la bourgeoisie avait dj ralis dimmenses progrs parune pntration progressive dordre conomique aussi bien que politique. Lessuccs quelle avait remports au sein de ltat ne lui suffisaient pas, elle devait

    avoir tout lappareil entre ses mains et elle obtint ce rsultat par des mouvementsrvolutionnaires. Cependant, il nen reste pas moins vrai que Richelieu, Colbert etTurgot reprsentent des pas intermdiaires et ncessaires vers le but final. Lapntration du capitalisme dans ltat fodal est donc un fait que lon rencontredans toutes les rvolutions bourgeoises, lesquelles devant se conclure par un typeplus avanc dinstitution de privilges, mais devant toujours aboutir au maintien duprivilge, la persistance de la division de la socit en classes, permettant labourgeoisie, au travers de ltat, de raliser ses tches historiques.

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    Il en est tout autrement pour le proltariat. Engels expliquait la ncessit de

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    linstitution de la dictature du proltariat en invoquant le caractre transitoire deltat proltarien, de cet tat qui, refltant la mission de la classe proltarienne,luttant pour la disparition des classes, se fondera sur la notion principielle de sondprissement et de sa mort. Cette notion dEngels nous parat reposer sur unenotion plus gnrale daprs laquelle le dprissement des classes et de ltat ne

    peut rsulter que dune lvation gigantesque de la production capable dassurer lelibre panouissement des besoins du monde entier. Nous sommes spars de cettesituation ultime par toute une poque de profondes modifications dans la structureconomique, o le proltariat ne pourra agir quavec une direction centralise quidoit tenir en vue, non pas des intrts particuliers de localits ou de corporations,mais lintrt collectif du proltariat en tant que classe reprsentant lensemble dela socit. Et cest cet effet que le proltariat aura besoin de lappareil tatique, etcest seulement sur la ligne de lpanouissement croissant de la production que semanifestent concrtement les conditions pour le dprissement et lanantissementde ltat.

    Pour le proltariat au pouvoir, ltat reste quand mme une ncessit, mais surun tout autre plan que pour les classes prcdentes : pour le capitalisme, ltatreprsentait lorgane de domination sur les classes opprimes et dans sa phase dedclin, sur les forces de production galement ; pour le proltariat, au contraire,ltat nest quun organisme dappoint, ncessaire seulement pour orienterlensemble des travailleurs vers les solutions dintrt gnral, alorsquinvitablement les masses pourraient subir lattrait de solutions contingentes enopposition avec le but final : un dveloppement concret tellement intense que lesconditions seraient ralises pour la disparition des classes.

    Ds sa formation, le proltariat ne luttera pas contre ltat capitaliste dans le butdy pntrer. Sil le faisait, il arriverait jusqu renier non seulement ses butsspcifiques et historiques, mais aussi sacrifier ses intrts immdiats pour larsistance lexploitation capitaliste. Fodalisme et bourgeoisie croissaient dans lamesure o se dveloppait linfluence de leur classe au sein de lancien rgime et desinstitutions mmes de lancien rgime ; le proltariat ne peut se former et crotreque dans la mesure o il concentre, sur son front de lutte, les plus puissantesnergies pour livrer la lutte pour la destruction de tout le rgime capitaliste et pourfonder un tat sur la base du programme compltement oppos que nous avonsindiqu.

    Pour le capitalisme, ltat pouvait suffire avant sa victoire comme aprs. Parcontre, pour le proltariat, il ny a quun programme de destruction de ltatcapitaliste avant sa victoire et ltat ne peut reprsenter quun simple organismedappoint aprs celle-ci.

    Lorgane o se constitue et se dveloppe la classe proltarienne est le parti declasse, lInternationale. En correspondance avec la nature collective des moyens deproduction qui appellent le proltariat la direction de la socit, et qui dbordentaussi bien les limites des corporations, de professions, que les frontires des tats,le chemin dascension du proltariat ne peut se condenser que dans les tentativessuccessives de ralisation par la construction dune Internationale des

    positions centrales autour desquelles la bataille peut tre livre pour la destructionde ltat capitaliste.

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    Au feu de la lutte pour la destruction de ltat se ralise, en dfinitive, la lutte duproltariat pour anantir, avec ltat capitaliste, toutes les forces sculaires quisopposent la libration de lhomme des forces conomiques. Historiquement,nous constatons une srie progressive de positions centrales autour desquelles seconstruisent les organisations internationales du proltariat.

    * * *

    Au cours de notre tude, nous analyserons la position occupe par le proltariatau cours de la rvolution franaise. Pour le moment, il nous suffira dindiquer quecest sur la base des rvolutions de 1848 que se prpare la Premire Internationale,laquelle parvient tablir la ncessit de poser la lutte du proltariat sur une basepolitique et dorganisation indpendante de la bourgeoisie, alors quen 1848 mme aprs le Manifeste du Parti Communiste - Marx entrevoyait la ncessitde participer la lutte sur la base dun bloc avec les forces progressives de labourgeoisie.

    La Commune de Paris, si elle prouva la possibilit de linstauration de ltatproltarien, devait aussi prouver que la victoire du proltariat ne pouvait tregarantie quau travers dune lutte se gnralisant non seulement au-del de Paris, toute la France, mais jusqu embrasser lensemble des luttes du proltariat desdiffrents pays. Au cause du degr de dveloppement conomique et politique decette poque, la Commune, glorieuse anticipation historique, ne pouvaitquentraner la chute de la Premire Internationale.

    La phase du mouvement ouvrier qui y succda devait connatre la priodedessor du capitalisme, et par l-mme rendre trs difficile au proltariat des pays

    capitalistes de traduire les enseignements de la Commune dans les indicationspositives et principielles permettant la victoire de linsurrection proltarienne.

    La Deuxime Internationale ne se posera pas le problme de la prise du pouvoir,mais en correspondance aussi avec les caractres particuliers des situations, elledterminera le proltariat emprunter un chemin radicalement oppos sa tchehistorique. De lcrasement de la Commune, la Deuxime Internationale retirera laconclusion que le proltariat doit dsormais abandonner le programme de ladestruction de ltat et devra se borner des tentatives de pntration par lecanal des rformes dans la forteresse tatique du capitalisme : le proltariat

    devait finir par tre cras par ltat quon lui proposait de conqurir graduellement.Par contre, ce sont les bolcheviks qui sappliqueront ltude des vnements de laCommune et qui parviendront faire de ces enseignements les armes pour lesrvolutions de 1905 et 1917.

    La position de Marx de 1848, lautre contenue dans le 18 Brumaire, la PremireInternationale, la Commune, la Deuxime Internationale et, enfin, la Troisime,reprsentent autant dtapes progressives dans le chemin de llvation duproltariat. Chacune de ces tapes se concrtise en une formulation centralecaractrisant la position que le proltariat doit occuper pour la victoire delinsurrection et le triomphe de la rvolution mondiale.

    Octobre 1917 sest produit alors que les conditions idologiques et politiques nepouvaient pas tre ralises pour permettre de conduire vers la victoire des

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    mouvements rvolutionnaires qui se vrifirent dans les pays capitalistes, afin degarder au proltariat mondial ltat sovitique. Des dfaites essuyes par leproltariat mondial est n le centrisme qui sest empar de la direction des partiscommunistes, de ltat proltarien lui-mme, et qui rpte, pour la TroisimeInternationale, le mme rle qua jou le rformisme au sein de la Deuxime

    Internationale.Aprs la Commune, encore une fois, la Russie Sovitique a prouv que ltat

    proltarien ne peut garder sa fonction rvolutionnaire qu la condition dtre reliaux luttes du proltariat international. Plus que la Commune de Paris, la Communerusse a prouv que ds que ltat prdomine le parti, les conditions se trouventposes pour la dgnrescence et enfin la victoire de lennemi. Cest seulementdans le parti et dans lInternationale que le proltariat peut raliser saconscience de classe et sa capacit rvolutionnaire.

    * * *

    Notre opinion est que les problmes inhrents la gestion de ltat proltariendoivent tre analyss sur la base de lexprience sovitique et que la reprise desluttes rvolutionnaires, aussi bien que le salut des rvolutions futures, sont relis leffort que les fractions de gauche doivent effectuer dans cette direction.

    Voici les chapitres qui seront publis successivement : 1 La Classe et sasignification ; 2 Classe et tat ; 3 Classe et Parti ; 4 Classe et Internationale ; 5Ltat dmocratique ; 6 Ltat fasciste ; 7 Ltat sovitique ; 8 Thses.

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    I. La classe et sa signification

    Ce que les situations de laprs-guerre ont rduit nant nest pas le marxisme,mais sa dformation, son interprtation grossire reprsentant hommes et classescomme des simples instruments la merci des forces conomiques. Les bataillonsdes nazis peuvent bien trouver des ouvriers sextasiant devant le bcher o brlentles uvres de Marx, ils peuvent aussi trouver des bras dexploits se levant poursaluer la romaine et applaudir le programme national-socialiste qui bannitlhrsie marxiste responsable de tous les maux ; mais ces bataillons fascistes nontpu tre fconds que grce une adultration de la thorie marxiste que social-

    dmocrates dabord, centristes ensuite, avaient pu effectuer en parvenant anantir la fonction historique de la classe proltarienne dans la situation actuelle.Une fois brise cette fonction, rien dtrange que des membres de cette classeapportent leur appui un rgime dirig contre eux, qui se donne pour but dertablir un quilibre social autour de la classe capitaliste. Mais si le proltariat a tcras, avec lui est cras aussi toute forme de convivance sociale, tout contrlehumain sur la force de production, et la paix sociale obtenue par la sujtion desouvriers la cause du capitalisme agonisant comporte aussi la catastrophe de lasocit toute entire, laboutissement de la socit capitaliste dans la guerre :lclosion dun carnage pour un nouveau partage du monde, bas sur une conomie

    reposant sur le profit et qui ne peut trouver un souffle de vie que dans lhcatombedes classes opprimes, la destruction des forces de production et de montagnes deproduits.

    Ceux qui staient imagins que la classe rsultait dune addition dindividus setrouvant sur une position conomique analogue seront certainement surpris par lamarche des vnements actuels : leur arithmtique est contrarie par lesvnements politiques de tous les pays. Les ouvriers, en effet, au lieu de seconcentrer autour dun programme de lutte qui assure la dfense de leurs intrtsimmdiats et profitent des circonstances de la crise conomique pour assner uncoup dfinitif au capitalisme, se voient incapables de sopposer lattaque

    bourgeoise et restent prisonniers des diffrentes formations politiques quiproclament que le salut de la classe ouvrire rside dans la ncessit de ne paslivrer la bataille rvolutionnaire au capitalisme et de se cantonner dans la patriefasciste, dmocratique, ou sovitique.

    Nous nhsitons pas affirmer que la situation actuelle voit la disparitionprovisoire du proltariat en tant que classe, et que le problme rsoudre consistedans la reconstruction de cette classe. Loin daller rechercher des appuis en dehorsde lui-mme, dattribuer aux classes moyennes anciennes ou nouvelles desfonctions quelles nont jamais eues, le proltariat doit reconstruire ses organesvitaux et il ne peut le faire lheure actuelle que sur la base de cette positioncentrale : si le cours des situations stant ouvert avec Octobre 1917 est aujourdhuibris, cest quun systme de principes qui avait permis la ralisation des objectifs

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    proltariens en Russie, et qui na pu stendre au monde entier, sest avr aucours des vnements dans les autres pays insuffisant et a enfin abouti aurepliement de la Russie sur elle-mme, ce qui devait signifier son incorporation danslatmosphre historique du capitalisme, car cest seulement sur le terrain mondialque les classes matresses de la socit ont, de tout temps, tabli leur domination.

    Classe et formation de classe

    Une confusion initiale que lon rencontre toujours est celle qui consiste ne pastablir de distinction entre la classe et la formation de la classe. Nous voulonsindiquer, par ces diffrentes formulations, deux catgories bien distinctes au pointde vue historique, afin de nous prserver de lerreur consistant faire appel desforces qui, ne reprsentant pas une classe, constituent des faux-fuyant autourdesquels finissent par sgarer les possibilits de reconstitution des organes de laformation sociale appele raliser la rvolution.

    Le mcanisme productif donnera naissance diffrentes formations de classe,celles-ci rsultant la fois de la division du travail et des formes dappropriation desinstruments du travail. Mais nombreux ont t et sont encore aujourdhui lesrflexes de lorganisation conomique et si, par exemple, aujourdhui, nousassistons la polarisation de tous les moyens de production autour du cercle deplus en plus restreint du capitalisme financier, la perte croissante du pouvoir parles industriels, les propritaires fonciers, la dcomposition continue des petitesproductions, en un mot un parpillement progressif donnant lieu la matrise et lomnipotence du capitalisme financier, nous constaterons toutefois que cest autourde laxe se situant la tte de la bourgeoisie que se dtermine la vie de la socit

    actuelle. Lindustriel, le propritaire foncier, le petit producteur, ne rsoudrontjamais les problmes particuliers la position conomique quils occupent, maisfiniront toujours par plier devant le despotisme du capital financier. Cest celui-ciqui, reprsentant la classe au point de vue historique, dterminera la marche desvnements, alors que toutes les autres formations de classe nauront aucun effetsur le cours de ces derniers.

    La formation de classe est un produit direct, automatique de lorganisationsociale et des contrastes qui en rsultent dans la lutte pour le contrle et lapossession des moyens de production. Mais, parmi toutes les formations de classe,il en existe une qui est particulirement appele raliser une rvolution parce

    quune concidence se dtermine entre la position dexploite quelle occupe etlobjectif quelle sassigne : une organisation diffrente de la socit. Il en fut ainsipour les familles qui concentraient en elles la proprit de la terre et la propritmobilire, au sein des communauts consanguines et qui donnrent, par aprs,naissance au rgime fodal ; il en a t de mme pour les matres de mtiers et lesmarchands qui formrent la classe capitaliste ; il en est de mme aujourdhui pourle proltariat qui, surgissant du salariat, devient classe dans la mesure o il ralisesa capacit de destruction de la socit capitaliste et drection dune socitnouvelle.

    Dans lAntiquit, au Moyen-ge, aussi bien quaujourdhui, nombreuses furentles luttes, les rvoltes dautres formations sociales. Mais celles-ci, bien qutant le

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    rsultat inluctable des contrastes sur lesquels les diffrentes socits taientbties, ne comportaient nullement une modification de lorganisation de la socit.Nous pouvons encore ajouter que, parfois, il y eut aussi des regroupements sociauxqui luttrent avec la classe nouvelle, bien que la sauvegarde de leurs intrtsconomiques puisse tre assure plus par le maintien de lancien rgime que par la

    nouvelle organisation. Les rvoltes des paysans qui finirent par accompagner lalutte rvolutionnaire de la bourgeoisie, seule classe progressive de lpoque,aboutirent ce paradoxe : avec lancien rgime contre qui elles taient dirigesdisparaissait aussi la possibilit de maintenir une position dindpendanceconomique. Dautre part, bien que les luttes desclaves aient rempli des pageshroques, ce nest pas en fonction de ces luttes que lesclavage sera limin, car lavictoire de Spartacus contre Rome naurait pu donner aux esclaves la capacit deconstruire une nouvelle socit.

    Les luttes desclaves furent sans lendemain et cest linutilit conomique delesclavage qui entrana son extinction et son remplacement par le servage. La

    classe est un produit synthtique o se trouvent la fois un lment conomique etpolitique. conomique pour ce qui est de lidentit des positions occupes en face dumcanisme productif par ses composants, historique pour ce qui est de la formeparticulire de ses rapports envers lorganisation conomique. La bourgeoisie en sontemps, le proltariat aujourdhui, sont des classes parce quelles synthtisent uneposition particulire au point de vue conomique et qui correspond avec un typeparticulier de rapports pour ce qui est des moyens de production : la productionprive ou la socialisation de ceux-ci. Cest donc ces formations de classe pouvantraliser la synthse indique qui sont appeles accder au stade de classeagissante dans lvolution historique. Le procd de sa croissance peut tre

    contrecarr provisoirement, mais cest en dfinitive de celle-ci que dpendra lareprise de la marche progressive de lhumanit.

    Classe et socit

    La vie sociale est lattribut direct de lespce humaine. Lhistoire de cettedernire nest enfin que la marche progressive de diffrentes formes de socit. Cenest pas au point de vue chronologique seulement que la socit prcde la classe,cest au point de vue substantiel, car lhomme est inconcevable en dehors de sesrapports avec dautres individus, cest--dire en dehors de la socit, et la

    personnalit humaine, loin de rsulter delle-mme, rsulte du milieu social.La socit dborde donc la notion de la classe et, malgr lexistence de

    contrastes de classe dans un rgime donn, le problme ne consiste pas dansltablissement de la justesse, de la moralit de ce dernier, ou du bien fond desrevendications sociales des couches opprimes ; le problme est tout autre : il sagitde voir si lopposition relle existe entre deux types de socit et, ce qui est plus, sila classe appele raliser une nouvelle organisation se trouve dans la condition depouvoir accomplir rellement sa mission.

    Le tissu des contrastes de classe, leur aggravation, peut aussi conduire dans une

    impasse comme celle ou nous nous trouvons actuellement ; daucuns peuventmme tablir que la tragdie daujourdhui consiste dans le fait que le capitalisme

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    ne sait plus gouverner alors que le proltariat ne sait pas encore gouverner. Mais,sur le terrain exclusif des contrastes de classe, nous narriverons pas uneconclusion dfinitive, car tout en ayant dmontr ce qui nest videmment pasdifficile que le proltariat subit, avec la crise conomique, une terribleaggravation de sa situation, nous ne parviendrons pas ainsi expliquer comment ce

    mme proltariat ne peut parvenir dclencher une attaque rvolutionnaire pour salibration.

    Cest quaujourdhui, comme toujours, la lutte entre les classes fondamentalesne se borne pas une simple opposition de leurs intrts respectifs, mais autour dedeux types dorganisation de la socit : la capitaliste et la proltarienne. Leproltariat, lors de la Commune aussi bien quen Octobre 1917, sest affirm, entant que classe rvolutionnaire, parce quil a su opposer la socit capitaliste, laforme oppose : la socit socialiste.

    Le cours de llvation du proltariat son rle de classe nest cependant pas le

    rsultat dune opposition prtablie, mais rsulte de lvolution de la socitcapitaliste elle-mme. Tout le problme consiste dans la liaison des luttes dersistance avec les luttes politiques, par lesquelles le proltariat pose sacandidature la direction de la socit.

    Lvolution des contrastes de classe, au lieu de rsulter uniquement dessituations conomiques contingentes, de sorte quil faudrait dire que dautant plusmisrables sont les conditions de vie imposes aux ouvriers et dautant plus levesseront leurs capacits rvolutionnaires, se dirigera vers une lutte capable, la fois,de dfendre les intrts immdiats des exploits et dbranler le rgime, dans lamesure o les ouvriers raliseront la consciente capacit de combattre pour une

    autre forme dorganisation de la socit. Cette position est dailleurs pleinementconfirme par les vnements de laprs-guerre, o la priode de lassautrvolutionnaire correspond une situation dessor conomique, alors quavec lesdifficults rencontres aprs 1920 par ltat ouvrier, les diffrentes crisesconomiques peuvent mettre en lumire lincapacit du capitaliste rester ladirection de socit, sans que les ouvriers parviennent profiter des conditionsobjectives bien plus favorables quen 1919-1920, en sacheminant finalement dansla voie des dfaites qui nous ont conduits la situation actuelle. Pour rsoudre lesproblmes inhrents cette situation, il faut donc aborder le problme sous langlede la ncessit de remettre sur le mtier les positions principielles de 1917 afin de

    les complter pour dterminer les bases autour desquelles lattaque contre lecapitalisme deviendra possible et, aprs la victoire, la construction du nouvel ordrecommuniste.

    Socit, classe et instrument de travail

    Le critre de discrimination pour tablir les diffrents types de socit rsidedans lvolution progressive de linstrument de travail ; cette volution dtermine, son tour, une forme plus avance de lappropriation des instruments de travail de lapart des diffrentes classes fondamentales de la socit. Lusage du feu rend

    lhomme indpendant du climat et du lieu (Engels) ; par aprs, lapparition despremiers outils de pierre, linvention de larc et de la flche, lintroduction de la

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    poterie, llevage du btail, sa domestication, lintroduction de crales cultivables,dterminent lvolution des premires gentes caractre communiste, reposant surla base sociale consanguine de la tribu et vivant avec une pratique scrupuleusementdmocratique, vers leur dissolution qui va sappuyer sur la spcification des familles

    jusqu ce que certaines dentre elles centralisent bientt la proprit des moyens

    de production. Lorsque lesclave deviendra un instrument de travail trop coteux, enface dune agriculture qui peut dj utiliser les instruments provenant de lindustrienaissante, cest lattribution de la proprit de ces moyens de production plusperfectionns qui fondera la socit fodale. La manufacture et ensuite lindustrie nepouvaient plus supporter les liens du rgime fodal et appelaient la nouvelle formedorganisation sociale base sur la disponibilit de ces moyens de production (audbut du capitalisme depuis le XIIe au XVIe sicle -), suivant le taux delaccumulation du surtravail et de la plus-value par aprs. Mais la modificationfondamentale que comportait lindustrialisation du moyen de production, ds ledbut appelle une autre forme de constitution sociale : cest le proltariat.

    Ce nest pas au point de vue de la simple logique que lapprciation de lasituation actuelle en Russie se heurterait un non-sens historique, en cas o lonconsidrait la bureaucratie sovitique en tant que classe luttant pour la conservationdes privilges quelle a acquis. La classe ne rsulte pas du degr suprieur daisanceconomique, mais elle ressort dun type particulier de rapports existants envers lemcanisme productif. Au reste, lpoque dune constitution sociale pouvant tablirdes rapports personnels et directs avec la production est rvolue depuis desmillnaires, et bien que, dans certaines colonies anglaises, lon puisse encoreconstater aujourdhui lexistence de castes bureaucratiques dtenant le pouvoirconomique, au point de vue mondial il sagit l de survivances, danachronismes,

    qui sont loin de pouvoir constituer le thme central de lpoque actuelle. En Russie,nous avons assist une exprience de gestion sociale qui dpasse le type de lasocit capitaliste et qui ne peut nullement tre compar des formes de socitprimitive. Si dautres forces ont pu prendre le dessus dans la courbe rvolutionnairemondiale de la lutte du proltariat, il sagit den rechercher les causes par uneanalyse, que lon ne peut viter parce quelle exige un effort beaucoup plus intenseque la dclamation sur ltat bureaucratique en Russie et la dmagogie facile quonpeut y dverser.

    La notion mondiale de classe

    Il serait videmment impossible de procder une classification historique ennumrant les diffrentes phases sociales de la barbarie, de lantiquit, dufodalisme, du capitalisme, en se basant sur un critre de symtrie qui nouspermettrait de retrouver, dans toutes les parties du monde, un type dorganisationsociale correspondant la forme sociale prdominante. Encore aujourdhui, dans lapriode o souvre la possibilit historique pour lorganisation de la socitcommuniste, nous trouverons des formes primitives de socit dans plusieursparties du monde et, au surplus, nous pouvons affirmer que la plus grande partie duglobe nest mme nullement acquise aux mthodes capitalistes de la vie sociale.

    Cela ne nous empche pas de poser comme objectif la lutte proltarienne celui dela dictature du proltariat et de la ralisation de bonds dans les pays arrirs, grceauxquels ces socits, en quelques dizaines dannes, parcourront le trajet que les

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    pays dEurope auront accompli au cours de millnaires.

    Cest le degr atteint par le dveloppement du moyen de production et le typedorganisation sociale qui y correspond qui tablit la forme de vie sociale delhumanit toute entire. La coexistence de formes anachroniques dans certainesparties du monde, non seulement ninfirme pas le caractre gnral de lpoque,

    mais rsulte dune ingalit non supprimable de dveloppement conomiquedpendant de facteurs atmosphriques, gologiques, biologiques qui peuvent trenivels favorablement, la condition seulement que le dveloppement conomiquedes pays les plus favoriss par les conditions naturelles soit pouss si loin quil serapossible de vaincre les lments ngatifs et naturels qui ont dtermin le retardconomique et social. Il sera videmment impossible de transporter les mines decharbon europennes dans lAfrique du Sud, mais il est dores et dj certain que lecharbon sera remplac par dautres formes de combustion sappliquant aux pays quine pourraient sorganiser conomiquement sur une pareille base.

    Le caractre mondial de la classe est dailleurs vrifi historiquement dune faonindiscutable. Lempire romain, parce quil reprsentait une extension dmesure dela constitution gentilice, volue sur la base des familles, alors que la petiteindustrie urbaine et le commerce taient assez dvelopps du fait que ses classesne portaient pas en elles-mmes les capacits ncessaires pour donner naissance une succession historique, ne trouvait pas en lui-mme les forces capables de lefaire voluer vers la socit fodale. Cest par lextrieur que cette rnovation seraeffectue. Mais les tribus germaines qui envahiront lempire romain ne garderontpas leur systme dorganisation sociale, antcdent celui se trouvant devant eux,mais sassimileront rapidement toute la civilisation romaine et, par ledmembrement de cet empire, ils ne feront que permettre lvolution vers lanouvelle conomie servile du fodalisme. A cette poque, la classe qui tait appele sinstaller au pouvoir tait celle des propritaires fonciers, lorganisationconomique tant celle du fodalisme ; les Germains abandonnerontimmdiatement les bases de la constitution gentilice pour devenir les protagonistesde lvolution de la socit romaine vers la socit fodale.

    Lors de la victoire de la rvolution bourgeoise, un phnomne qui prouve lanotion mondiale de la classe se vrifia nouveau. Et des pays aussi loigns quelAmrique sauteront des tapes pour atteindre enfin la possibilit dpanouissementtotal de la socit capitaliste. La guerre de Scession ne se livre pas entre

    lconomie esclavagiste et lconomie fodale, mais cette dernire est vince etcest la socit capitaliste quappartiendra la victoire contre lesclavagisme.

    Lopposition actuelle est donc entre socit capitaliste et socit proltarienne, etce dilemme plane dans le monde entier. Dans les colonies aussi bien que dans lespays encore trs arrirs, la force motrice rside dans les premiers noyauxdouvriers qui peuvent sappuyer sur limmense progrs industriel ralis dans lesautres pays et sur la force que constitue le proltariat mondial. Il est vident queces pays arrirs devront connatre des tapes intermdiaires pour arriver lasocit proltarienne, mais chacune de ces tapes ne sera franchie qu la conditionque le proltariat tout faible quil puisse paratre au point de vue numrique

    lgard des autres formations sociales ait conquis le pouvoir. Lexprience de larvolution chinoise est concluante ce propos. Les revers du proltariat chinois ont

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    correspondu au dpcement de la Chine ; et Tchang Ka-Chek, le bourreau desouvriers chinois, lexpression de la bourgeoisie de ce pays, manifesteraconcrtement lincapacit de son capitalisme raliser une tche qui semblaitspcifique la bourgeoisie en gnral, cest--dire lindpendance nationale. Lalibration de la Chine des traits imprialistes nest possible que sous la direction du

    proltariat et au cours de la lutte pour la rvolution mondiale.Linstauration de ltat proltarien en Russie nouvrait pas une phase

    dopposition irrconciliable et insoluble entre les tats capitalistes dune part, lUnionSovitique dautre part. Cette opposition ne pouvait driver que de lapolitique de ltat ouvrier. Si ce dernier, qui avait emprunt le chemin de la luttepour la rvolution mondiale, tait rest fidle son programme initial, alors la lutteaurait t invitable, car cest autour de la Russie quauraient t fconds lesorganes de la classe ouvrire. Cela aurait videmment connu lentrecroisement delexpansion de ltat russe avec la victoire rvolutionnaire dans dautres pays, etcest sur ce tableau historique quauraient t cres les formes de la nouvelle

    socit communiste.

    Mais la Russie a chang le drapeau de sa lutte. Et, renonant une politiquervolutionnaire dans le monde entier, elle a bien pu obtenir son admission dans leconcert des tats capitalistes, en permettant ainsi au centrisme deffectuer sadmagogie sur les victoires de ltat ouvrier, alors que celui-ci avait subi, sans lutte,la plus cuisante des dfaites en modifiant les principes programmatiques surlesquels il avait t bas. A lheure actuelle, la classe qui domine au point de vuemondial, cest le capitalisme. Aussi bien ici que dans dautres domaines, lecapitalisme ralise sa fonction au cours des contradictions qui sont la base mmede son systme. Que des groupes dimprialistes se fassent la guerre, cela naltreen rien le fait que les belligrants restent des tats capitalistes. De mme, le faitquune coexistence soit tablie entre les tats bourgeois et ltat ouvrier naltre enrien le caractre de la classe qui domine actuellement dans le monde entier. Si enRussie les phnomnes conomiques et politiques ne correspondent pas au type durgime capitaliste, une fois que lorientation de ltat ouvrier nest plus vers lappuiau proltariat de tous les pays pour lclosion de la rvolution, mais vers larecherche de lappui des capitalismes pour la coexistence pacifique des deuxrgimes, pour lindustrialisation de ltat ouvrier alors que, partout ailleurs, leproltariat est trangl, la condition sera tablie pour incorporer la Russie ausystme capitaliste mondial pour un faire un lment essentiel dans la situation

    actuelle.

    Le devoir du proltariat est de consolider les positions politiques autourdesquelles ses luttes pourront graviter et atteindre la victoire. Les contrastes declasse dterminent encore des mouvements de masse et lexprience autrichienneest l pour prouver que, malgr labsence totale dun parti de classe, les ouvrierspeuvent dclencher de formidables batailles. Mais lclosion des mouvements et laporte des contrastes sur lesquelles est assis le capitalisme, lvolution de cesmouvements vers la victoire nest possible qu la condition que son avant-garde lheure actuelle les fractions de gauche ralise le travail idologique

    indispensable de construction de la charpente de la classe qui lors de lclosiondes mouvements trouvera, dans la contingence favorable, des armes douvriers

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    qui nattendent quune direction consciente pour leur triomphe et qui,malheureusement, ont jusqu prsent en dehors de la Russie en 1917 vainement cherch les organismes ayant ralis le travail pralable, indispensablepour la victoire de la rvolution.

    Oui, la classe ouvrire nest pas spare de la vieille socitbourgeoise par un mur chinois. Lorsque la rvolution clate, leschoses ne se passent pas comme la mort dun homme, o lonemporte et enterre son cadavre. Au moment o la vieille socit prit,on ne peut pas clouer ses restes dans une bire et les mettre dans latombe. Elle se dcompose au milieu de nous, elle pourrit et sapourriture nous gagne nous-mmes. Aucune grande rvolution aumonde ne sest accomplie autrement et il ne peut jamais en treautrement. Cest justement ce que nous devons combattre pour

    sauvegarder et dvelopper les germes du nouveau au milieu de cetteatmosphre empeste des miasmes du cadavre en dcomposition. Etvoil que, maintenant, les lments de cette pourriture littraire etpolitique, les pitoyables participants aux jeux des partis politiques commenant par les cadets et finissant par les mencheviks intoxiqus par ces miasmes pestilentiels, osent encore nous jeter desbtons dans les roues.

    La lutte pour le pain

    Discours prononc par Lnine au C.C.E. Panrusse des Soviets

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    II. Classe et tat

    Dans son livre, Ltat et la Rvolution, Lnine, sappuyant sur les enseignementsdEngels, prcisait lide fondamentale du marxisme touchant le rle historique et lasignification de ltat qui est le produit et la manifestation de lantagonismeinconciliable des classes. Ltat apparat l o les contradictions de classe nepeuvent tre objectivement concilies, et dans la mesure o elles ne peuventltre. Et inversement : lexistence de ltat prouve que les contradictions de classesont inconciliables . En plus de cette ide essentielle, le livre de Lnine contientdes ides fondamentales quant au rle de ltat, ides que les vnements de

    laprs-guerre paraissent, premire vue, dmentir et qui, pour cela, doivent nouveau tre mises en lumire.

    Il serait possible, en effet, daffirmer que ltat Sovitique, dans la mesuremme o il marche grands pas vers la ralisation du socialisme et vers laliquidation des classes, renforce au lieu de le voir dprir, suivant lexpressiondEngels son appareil administratif, rpressif et militaire. Par ailleurs, lephnomne de la conversion (violente ou non) de la forme dmocratique de ltatcapitaliste en forme fasciste, qui peut seffectuer sur la base de forces socialesradicalement opposes la bourgeoisie (petite-bourgeoisie et couchesproltariennes) semblerait, son tour, faire apparatre limpossibilit apparente

    videmment de maintenir les formulations du marxisme pour lexplication desvnements actuels.

    Lon pourrait, il est vrai, opposer ces considrations quant au rle et lafonction actuelle de ltat, la pense exprime par Engels dans son livre surlOrigine de la Famille, de la Proprit Prive et de ltat; par exception,cependant, dit Engels, il se produit des priodes o les classes en lutte sont siprtes squilibrer que le pouvoir de ltat acquiert, comme mdiateur enapparence, une certaine indpendance momentane vis--vis de lune ou delautre . Mais cette image dEngels ne peut se rapporter la situation actuelle oles classes, loin de pitiner dans un certain quilibre , sont pousses aux limitesextrmes de leur lutte. Lventualit mise par Engels ne nous permet donc pasdclaircir les problmes de la situation daujourdhui. Au surplus, prise comme

    justification des diffrentes phases de la situation de laprs-guerre, cetteventualit reprsenterait plutt un dmenti trs vif la thorie marxiste sur ltat.

    Si, depuis Lnine, rle et signification de ltat ont t prciss dune faondfinitive, il nen est pas de mme pour ce qui est de la position occupe par lesclasses envers ltat, dans lpoque des guerres et des rvolutions proltariennes,ainsi que par ltat ouvrier envers lvolution de la rvolution proltariennemondiale.

    Notre tude a pour but dindiquer, sur la base des rapports existant entre ltatet la classe, les raisons pour lesquelles la doctrine marxiste ne souffre actuellement

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    aucun dmenti, alors que les situations nous permettent dj de centraliser en desformulations fondamentales les nouvelles donnes programmatiques pour la victoiredu proltariat.

    * * *

    Nous avons mis en lumire, dans le premier chapitre, le fait que la classe, touten tant le reflet du mcanisme productif, naccde au rle de force historique qula condition dtre appele raliser une forme particulire dorganisation de lasocit. Ainsi, nous avons pu rfuter lautomatisme conomique et mettre envidence le fait quaujourdhui encore, la partie se joue entre le capitalisme quientend conserver ses privilges par le maintien de la socit bourgeoise, et leproltariat qui combat pour linstauration de la socit communiste. La lutte se livredonc entre deux formes de socits radicalement opposes et non entre deuxclasses luttant dans le cadre exclusif limit par leurs intrts conomiquesspcifiques. Les deux classes fondamentales antagonistes de la socit actuelle ne

    se disputent pas un organe de domination (ltat), parce quune fois conquis ilpermettra la classe victorieuse dimposer violemment sa souverainet (dans sasignification de seule expansion illimite de ses besoins conomiques particuliers),mais la bataille se mne sur un front bien plus large : la construction dune nouvellesocit ou le maintien de lancienne. Lexprience de la domination capitaliste estdailleurs la meilleure confirmation de cette affirmation. Sa socit ne rsulte pasdune simple coordination des multiples intrts conomiques des composants de saclasse, mais dune coordination qui embrasse toute la socit et qui oblige deslments de la classe exploiteuse dominante rfrner lexpansion de leurs intrtscontingents en vue de la survivance de la socit dans son ensemble. Les

    interventions de ltat dans le domaine conomique qui, actuellement, se font jourdans tous les grands tats imprialistes, ont prcisment pour but de sauvegarderla socit capitaliste toute entire en contrlant pour la discipliner la libertdaction conomique de certains groupes et non des moindres du capitalisme.

    Dans cette lutte impitoyable autour du maintien ou de la fondation dunenouvelle socit, les formations intermdiaires, que nous avons appeles desformations de classe dans le premier chapitre, en opposition avec lappellation declasse, sont invitablement balayes soit par leur adjonction au capitalisme, auquelaucun intrt rel ne les relie, soit par le proltariat victorieux qui peut, seul, leur

    assurer une existence meilleure : celle du salari ayant ses intrts garantis parltat. Par contre, la faillite momentane du proltariat raliser sa missionhistorique, ce qui caractrise la situation actuelle, correspondra invitablement son incapacit de dfendre mme ses intrts conomiques limits. Cela prouve quele proltariat, lui aussi, peut dfendre victorieusement ses intrts conomiquesseulement la condition dtre suffisamment capable de lutter pour la fondation dela socit communiste, de mobiliser, pour cette forme, toutes les couches exploitesde la socit capitaliste.

    Dans le chapitre dj cit, nous nous sommes galement efforcs dtablir desprmisses qui prouvent que lon peut parler de classe l, et seulement l, o

    existe la possibilit historique, pour une formation de classe, didentifier sonvolution, ses intrts conomiques et sociaux avec le dveloppement de la socit

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    elle-mme. Ltat qui surgit dans ce milieu historique, comme expression de cetteidentit, est et reste videmment ltat de la classe la plus puissante, la classeconomiquement dominante qui, grce lui, (cest--dire de ltat) devientgalement la classe politiquement dominante et acquiert ainsi de nouveaux moyensdopprimer et dexploiter la classe domine (Engels).

    Il est certain que lnonciation sche et sommaire de la formule dEngels : ltat est lorgane dune classe semblerait conduire, lheure actuelle, desnigmes, pour la Russie Sovitique dune part, et les tats fascistes de lautre. Onpourrait facilement, ce sujet, argumenter de la sorte : ou bien ltat russe estltat de la classe proltarienne et puisque son activit intrieure et extrieurerompt avec les bases lmentaires de la lutte rvolutionnaire : la construction dunesocit sans classe et sans tat, la thorie de la mission historique du proltariat setrouve tre dtruite ; ou bien ltat russe nest pas un tat ouvrier et, dans ce cas,la thorie marxiste de la classe, en tant que formation sociale sappropriant lesmoyens de production et instituant, pour leur conservation, lorgane de sa

    domination : ltat, serait son tour dmentie.

    Lon pourrait raisonner de mme pour les tats fascistes : ou ce sont des tatscapitalistes et alors lopposition que leur font des forces sociales et politiquesnettement contre-rvolutionnaires, telles la social-dmocratie et mme les droiteslibrales, devient incomprhensible ; ou bien encore, la thorie marxiste qui nouspermet de parler de capitalisme aprs un examen de la forme en cours de laproprit prive doit, elle aussi, tre rvise dans ses fondements.

    Nanmoins, nous pensons que la dfinition : ltat est lorgane dune classe garde encore toute sa signification historique. Dans le premier chapitre de cette

    tude (nous nous excusons auprs de nos lecteurs de devoir y revenir sifrquemment), nous avons indiqu que, non seulement la classe est une notioninsparable de la forme dorganisation sociale vers laquelle elle tend, et quelvolution des forces productives lui permet de raliser, mais aussi que la classe estune notion mondiale rattachant aux intrts de sa conservation et celle de lasocit o elle rgne, tous les phnomnes qui se produisent, mme dans les payso elle est loin davoir triomph, et, enfin, mme l o elle a t crase par sonennemi, le proltariat.

    Ces prmisses doivent tre constamment considres afin de ne pas nous garerdans les ddales propres aux situations actuelles. Dailleurs, cest sur une telle baseque toutes les coles historiques (et non seulement la marxiste) oprent laclassification entre les diffrentes priodes : barbarie, antiquit, moyen ge,capitalisme, proltariat en stades o la socit ne connat pas encore de classes, oelle se concentre dans la domination des propritaires desclaves, dans celle desseigneurs fodaux et des propritaires fonciers, de la bourgeoisie, et, enfin, de laclasse proltarienne. Ainsi, toute cette immense multiplicit de phnomneshistoriques qui illustrent lascension de lhumanit entire pendant des millnaires,peut se rsumer dans lide matresse de la classe dominante au point de vuehistorique, et qui va faire refluer autour delle toutes les manifestations de la viesociale, et cela sur lchelle mondiale.

    Envisage ainsi, lide fondamentale que ltat reste linstrument dune classe ne

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    principe de la proprit commune. Dans la constitution gentilice, nous assistons, parconsquent, lattribution du pouvoir non suivant les intrts dun privilge, maissuivant une ligne oppose : certains de ses composants sont obligs doccuper lespostes les moins envis.

    La constitution gentilice na donc rien voir avec une organisation tatique qui

    prsuppose lutilisation de cette dernire dans le but de garder etdaccrotre une certaine domination au sein de la socit.

    Dans le chapitre destin la gense de ltat Athnien, Engels, qui le qualifie de modle particulirement typique de la formation de ltat en gnral, parceque, dune part, elle saccomplit en pleine puret sans immixtion de violenceintrieure ou extrieure lusurpation de Pisistrate ne laissa pas derrire elle tracede sa courte dure - parce que, dautre part, elle fait surgir immdiatement de laconstitution gentilice, un tat dune forme trs perfectionne : la rpubliquedmocratique ; Engels fait donc remarquer quun caractre essentiel de ltat

    consiste dans une force publique distincte de la masse du peuple . Par ailleurs, ilmontre aussi la ncessit, pour ce dernier, de prendre pour base dorganisationsociale la subdivision du territoire et non plus le groupe consanguin. Cettevolution, en particulier, seffectua au travers des trois constitutions de ltatAthnien. Celle de Thse, qui commence par rglementer lvolution des gentes,qui perdent dj leur caractre de groupe consanguin, celle de Solon qui, sousleffet de lconomie montaire passe, mais toujours sur la base de la survivancedes quatre vieilles tribus consanguines, la division de la population en quatreclasses, division base sur la proprit foncire et, enfin, celle de Clysthne qui,dans sa constitution nouvelle, veut ignorer les quatre anciennes tribus fondes surles gentes et les phrateries (confdrations de gentes et de tribus) et les remplacepar une organisation toute nouvelle ayant pour base la rpartition des citoyens(dj diviss en nautraries, cest--dire en petites circonscriptions militaires etterritoriales raison de 12 par tribu) uniquement daprs leur lieu de rsidence. EtEngels dit ce propos : Ce ne fut plus le fait dappartenir au groupe consanguinqui dcida, mais le seul domicile ; ce ne fut pas le peuple, mais le sol quonsubdivisa ; les habitants devinrent politiquement simple appartenance duterritoire . Pour que ltat pu se dvelopper, il fallut donc briser les liens gentilicesincompatibles avec une conomie montaire et avec la domination de groupes surdautres et cest quoi aboutirent ces diffrentes constitutions.

    * * *

    Lpoque de la barbarie est rvolue et avec elle ce mode de production quipermet lhomme de se relier directement aux moyens de production. La propritcommune de cette poque (les biens mobiliers trs peu nombreux taient, parlusage, proprit prive) tait le reflet direct de cette situation o le caractreencore primitif des moyens de production (chasse, pche) ne laissait entrevoiraucun besoin dpassant les ncessits dune alimentation rudimentaire. Cest enconsquence de lapparition de lindustrie, de lchange, de la monnaie, quunevision de besoins plus tendus apparut en correspondance avec limpossibilit den

    faire bnficier lensemble de la socit ; et paralllement la volont de certainesfamilles dabord, de classes ensuite, de monopoliser les instruments de production.

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    Une fois dpasse cette phase, le mode de production change radicalement. Lesnouvelles formes de la production ne permettent plus dtablir entre lhomme et lesmoyens de production un lien direct. Ce nest plus quune minorit qui pourrabnficier de la production de tous, et ainsi apparat la ncessit dun organedestin consacrer la domination de la classe matresse et dassujettir toutes les

    autres formations sociales. Voil les conditions sociales qui engendrent ltat.Mais, comme lcrivait Lafargue, les forces conomiques qui ont conduit la

    division de la socit en classes, la domination du capitalisme, portent en elles lesconditions dun communisme en retour , car, crivait-il, lhumanit neprogresse pas en ligne droite, comme le pensait Saint-Simon ; ainsi que les corpsclestes autour de leur centre dattraction et que, les feuilles sur la tige, elle dcritdans sa marche une spirale dont les cercles vont continuellement en slargissant.Elle arrive ncessairement des points correspondants et lon voit alors reparatredes formes antrieures que lon croyait teintes jamais ; mais elles nereparaissent que profondment modifies par la succession ininterrompue des

    phnomnes conomiques et sociaux qui se sont produits dans le cours dumouvement. La civilisation capitaliste, qui a rintroduit le collectivisme, acheminefatalement lhumanit vers le communisme. Lhomme, parti dun communismesimple et grossier des temps primitifs, retourne un communisme complexe etscientifique ; cest la civilisation capitaliste qui en labore les lments aprs avoirenlev la proprit son caractre personnel. Les instruments de production qui,pendant la priode de la petite industrie, taient dissmins et possdsindividuellement par les artisans, arrachs de leurs mains, sont centraliss, mis encommun dans de gigantesques fabriques et dans de colossales fermes. Le travail aperdu son caractre individuel. Lartisan oeuvrait chez lui individuellement ; le

    proltaire travaille en commun dans latelier ; le produit, au lieu dtre individuel,est une uvre commune .

    Ces considrations historiques nous permettent de fixer deux principes qui nousparaissent fondamentaux dans la doctrine marxiste de ltat : 1) cest linstrumentdu travail qui pose les conditions pour la division de la socit en classes, 2) cesont ensuite les classes qui donnent vie ltat.

    Le caractre en dehors des classes que revt ltat ne dcoule pas dunepossibilit quoffre la classe dominante (videmment celle-ci profitera de cetteapparence pour tromper les exploits), ni dune vertu intrinsque de ltat lui-

    mme, mais, comme Engels le releva pour ltat Athnien considr en gnral,rsulte directement de limpossibilit dtablir un lien entre lhomme et les moyensde production, ds que lindustrialisation de ceux-ci dtermine les deux effetscontradictoires qui sont llargissement de la production dune part et la possibilitpour une minorit de la population seulement de sapproprier cette productionlargie.

    La filiation qui fait dcouler la classe de ltat nest donc pas seulement uneconcidence ou une simple donne historique intervertible, de telle sorte quil soitpossible de parler dun tat engendrant la classe ; mais, comme nous lavons djfait remarquer dans le chapitre premier, la classe prcde ltat en tant que produit

    direct de cette phase de lvolution de la socit humaine o le monopole desmoyens de production devient une ncessit pour asseoir un privilge et conformer,

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    dans le sens de son maintien, lorganisation de la socit toute entire. Il estvident que ltat est un instrument ncessaire pour linstauration et le maintiendune classe au pouvoir. Mais, si sous prtexte que la ralit historique nest quuncompos, un processus unitaire, o lon peut indiffremment intervertir les rles descomposants, on transposait cette filiation en affirmant que la classe est un

    instrument de ltat, on bafouerait non seulement la thorie marxiste dans sonensemble ( Lhistoire de toute socit jusqu nos jours na t que lhistoire desluttes de classes Manifeste Communiste), mais la ralit actuelle deviendrait ungalimatias incomprhensible. Il faudrait, dans ce cas, admettre que sil existe untat fasciste, dmocratique, sovitique, il existe aussi une classe fasciste,dmocratique, sovitique, et que le mode de production nest pas dtermin par lesrelations existant entre les rapports sociaux, juridiques et les moyens de production,mais par la relation existant entre les classes et ltat.

    Au reste, le caractre en dehors des classes de ltat est permanent pourtoute forme tatique : cest la rsultante directe de ce vide qui spare lensemble de

    la population de la masse des produits, vide qui va tre occup par la classe qui,sappropriant les moyens de production, contrle cette masse de produits. Cettedistinction de ltat par rapport aux classes est, dautre part, comme Engels laprouv, la forme exclusive sur laquelle peut tre construit un tat. En effet,historiquement les liens de la consanguinit sont remplacs par ceux du territoire,non parce que la gens se transforme formellement en une collectivit de familles ouen une circonscription territoriale, mais parce que la substance mme de lanouvelle organisation sociale a chang. Avant, il sagissait dune division dutravail qui seffectuait spontanment entre les membres de la gens, par aprs ilsagira dimposer une coercition qui ne peut plus seffectuer sur la base de la

    consanguinit et de la proprit communistes : lunit conomique de la gens ayantt dtruite pour toujours. Et puisque le lien consanguin ne peut donner naissanceaux classes, cest dans le mcanisme conomique que ces dernires trouverontleurs sources. Dans les conclusions de son livre sur lorigine de la famille, Engelsparle galement, comme nous lavons dj dit, de lventualit o les classes enlutte sont si prs de squilibrer . Engels ne reporte pas cette pense pourdterminer une possibilit (soit-elle contingente) o ltat ait une fonctionmdiatrice, mais, notre avis, pour mettre en vidence des situations o,provisoirement, les intrts des classes se trouvent en quilibre, ltat peutapparatre comme lorgane mdiateur. Mais, chez Engels, il ne sagit certes pas

    dune phase particulire de la vie de ltat, mais bien dune phase particulire de lavie des classes. Ce qui est dailleurs prouv par le fait quil parle de ltat quiacquiert une indpendance comme mdiateur en apparence, alors quil parledes classes en lutte et prtes squilibrer .

    On sait que certains groupes, se rclamant de la gauche communiste,interprtent ce passage de Engels de telle sorte quil puisse servir donner uneexplication thorique du fascisme et du sovitisme, ainsi que des formesgouvernementales qui ont prcd la victoire du fascisme. Que cela soit encontradiction flagrante avec la pense vritable dEngels est prouv par cetteconsidration essentielle : nous ne traversons nullement aujourdhui une priode o

    les classes squilibrent. Par contre, nous connaissons une situation tout faitoppose o les contrastes de classe mrissent continuellement des antagonismes

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    toujours plus pres.

    Pour la comprhension de la situation actuelle, et nous rservant de traiter dansles chapitres ultrieurs les problmes relatifs aux diffrentes formes tatiquesexistantes, nous considrerons que la formule ltat est lorgane dune classe nest pas, dun point de vue formel, une rponse en soi aux phnomnes qui se

    dterminent, la pierre philosophale qui doit tre recherche au travers des faits,mais quelle signifie quentre la classe et ltat se dterminent des rapports quidpendent de la fonction dune classe donne. En particulier, pour ce qui est duproltariat qui ne fonde pas son tat dans le but de sassujettir dautres classes, leproblme rside dans la dtermination des positions politiques sur lesquelles devratre fond ltat proltarien par rapport la Rvolution mondiale.

    Ainsi que nous lavons dj expliqu, chaque priode historique est caractrisepar la classe qui se trouve au pouvoir. tant donn que la fonction de ltat dcouledu rle de la classe et, quen gnral, pour toutes les classes qui ont prcd le

    proltariat, leur rle consista toujours asseoir leur domination conomique,politique, et y conformer des types de socits : ltat est lorgane de cesclasses dans la mesure o il concrtise la domination de ces dernires.

    Pour le proltariat, le problme se pose sur de toutes autres bases. En effet, silon pouvait admettre cette ventualit toute abstraite que le proltariat puisseraliser son insurrection une poque o, grce une volution industriellepousse extrmement loin, on puisse passer, du jour au lendemain, de la socitcapitaliste la socit communiste (la rpartition de la masse des produitspermettant tous les producteurs dassouvir la pleine et libre satisfaction de leursbesoins), si donc pareille ventualit tait possible, il ny aurait aucune ncessit de

    fonder un tat proltarien. Mais lpoque de transition entre la socit capitaliste etla socit communiste, lpoque de la dictature du proltariat, est caractrise parla ncessit de discipliner et de rglementer lvolution de la production (qui resteinsuffisante , mme aprs lcrasement du capitalisme), de lorienter vers unpanouissement qui permettra ltablissement de la socit communiste. Lesmenaces de restauration bourgeoise sont galement en fonction de cetteinsuffisance de la production et des forces de production mme dans la priodede la dictature du proltariat et non pas en unique fonction des vellitsractionnaires des classes dpossdes.

    Par consquent, le rle du proltariat ne pourra tre compris dans son ensemblequ la condition de considrer qu loppos des classes qui lont prcd, lesfondements de son programme aussi bien que la politique de son tat, instrumentde sa domination, ne peuvent tre trouvs et raliss que dans la vision constantedu processus de lvolution progressive de la rvolution internationale. Pour lecapitalisme, par contre, la substitution de son privilge au privilge fodal, lpoquedes rvolutions bourgeoises, pouvait saccompagner dune coexistence permanenteentre les tats capitalistes et les tats fodaux et mme pr-fodaux. De plus, Marxa mis en lumire le fait que lune des conditions pour la fondation et le maintien durgime capitaliste consiste justement dans la coexistence entre des rgimesbourgeois et des colonies qui permettent un investissement de la plus-value ne

    donnant pas lieu aux phnomnes et aux contrastes propres de lconomiecapitaliste. La vision historique du capitalisme ne peut donc, en aucun cas, tre

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    emprunte par le proltariat, car ce dernier ne peut triompher qu la conditiondopposer la socit bourgeoise une socit base sur dautres principes ; et nousavons dj expliqu que ces principes ne peuvent saccompagner que delpanouissement du caractre collectif revtu par les instruments de production,vers la socit communiste.

    * * *

    Le rle du capitalisme, son but, suffisent indiquer le rle et le but de sesdiffrentes formes dtat : maintenir loppression au profit de la bourgeoisie. Pour cequi est du proltariat, cest encore une fois le rle et le but de la classe ouvrire quidtermineront le rle et le but de ltat proltarien. La bourgeoisie pourra avoir unesrie dorientations politiques contradictoires, par exemple ltat fasciste et celui ditdmocratique. Mais, en dfinitive, pour dterminer si certains pays sont capitalistesou non, nous nexaminerons pas si la nature de la politique quils appliquent estcapitaliste : il nous suffira dtablir si ces tats se fondent sur le principe de la

    proprit prive pour reconnatre queffectivement ils sont capitalistes ; et celamalgr les contradictions au point de vue de lespace (simultanit dun tatdmocratique et fasciste par exemple : la France et lItalie) et dans le temps(rupture des programmes rattachs aux formulations dmocratiques du siclepass).

    Pareillement, le rle et le but du proltariat, cest--dire la rvolution mondiale,conditionnent aussi le programme, le rle et le but de ltat proltarien. Ici le critrede la politique mene par ltat nest plus un lment indiffrent pour dterminerson rle (comme cest le cas pour la bourgeoisie et pour toutes les classes

    prcdentes), mais un lment dordre capital dont va dpendre le rle de ltatproltarien et, en dfinitive, sa fonction dappui la Rvolution mondiale.

    Tenant compte que ltat nest, en dfinitive, que linstrument de la classe, quele proltariat ne peut raliser sa mission que sur la base de son triomphe lchelleinternationale, nous comprendrons mieux que la nature de classe de ltatproltarien ne garantit nullement le rle proltarien de cet tat. Il faut considrerquen dfinitive ltat ne reste quun des instruments de la lutte du proltariat, bienquil en soit un des instruments les plus importants. Dautres instruments de la lutteproltarienne offrent lapparente contradiction entre leur nature de classe et lapolitique quils appliquent. Ainsi en est-il, abstraction faite du parti dont au point de

    vue concret matriel, il est difficile dindiquer les bases de classe, des syndicatsfonds sur des principes de classe et gardant cette nature, bien quils appliquent,sous la direction rformiste, une politique oppose aux intrts du proltariat et larvolution. Ce qui arriva avant la guerre, et ce qui se rpte actuellement pour lessyndicats, sest vrifi pour ltat Sovitique. Le syndicat, malgr sa natureproltarienne, avait devant lui une politique de classe qui laurait mis en oppositionconstante et progressive avec ltat capitaliste et une politique dappel aux ouvriersafin quils attendent lamlioration de leur sort de la conqute graduelle (rformes)de points dappui au sein de ltat capitaliste. Le passage ouvert des syndicats,en 1914, de lautre ct de la barricade, prouva que la politique rformiste

    conduisait justement loppos du but quelle affichait : ctait ltat qui gagnaitprogressivement les syndicats jusqu en faire des instruments pour le

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    dclenchement de la guerre imprialiste. Il en est de mme pour ltat ouvrier, faceau systme capitaliste mondial. Encore une fois, deux chemins : celui dunepolitique ralisant sur son territoire, et lextrieur, en fonction de lInternationaleCommuniste, des positions toujours plus avances dans la lutte dirige verslcrasement du capitalisme international ou bien la politique oppose, consistant

    appeler le proltariat russe, et de tous les pays, appuyer la pntrationprogressive de ltat russe au sein du systme capitaliste mondial, ce qui amnerainvitablement ltat ouvrier joindre son sort celui du capitalisme, lors delaboutissant des situations : la guerre imprialiste.

    Dans le chapitre ddi la classe, nous avons mis en lumire le caractremondial de la classe. Cela nous permet ainsi de comprendre comment il est possibleque ltat russe, tout en exerant sa domination sur un territoire o, suivant le Manifeste Communiste est ralise la formule unique, pouvant rsumer lathorie communiste : abolition de la proprit prive , que cet tat puisse exercerun rle contre-rvolutionnaire, pour ce qui est des intrts du proltariat russe et du

    proltariat mondial. Dans la situation actuelle, il est vident que la classe quidomine au point de vue mondial est le capitalisme. Ltat ouvrier, sil avait appliqula politique qui dcoulait du programme dOctobre 1917, aurait dtermin dans lamoindre des fibres de la vie des socits capitalistes, arrires et coloniales, uneopposition entre deux types de socits, entre deux mondes. Et cela aurait abouti lclosion dune guerre de classe mondiale pouvant sappuyer sur ltat ouvrier. Lapolitique contre-rvolutionnaire sanctionne en 1927, aprs lexclusion des gauchesmarxistes, ne pouvait que dterminer cette autre issue : dans toutes les socitscapitalistes, aussi bien que dans la socit sovitique elle-mme, les oppositions declasse aboutirent lcrasement du proltariat international, lvolution du monde

    capitaliste vers la guerre, entranant, sa suite, ltat ouvrier arrivant au dernierchelon de sa politique : la trahison.

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    III. Classe et Parti

    Dans le Manifeste des Communistes, l o il explique le rle historique duproltariat, Marx, aprs avoir indiqu le caractre phmre du triomphe desouvriers dans leur lutte revendicative et aprs avoir expliqu que les vritablesrsultats de ces luttes est moins le succs immdiat que la solidarit croissante destravailleurs , prcise et dit que lorganisation du proltariat en classe et donc enparti politique est sans cesse dtruite par la concurrence que se font les ouvriersentre eux . La dernire partie de cette phrase pourrait prter quivoque et laisserentendre quil sagirait dune tendance organique des ouvriers se livrer une

    concurrence. Mais le Manifeste des Communistes explique immdiatement et trsclairement que la tendance des ouvriers est de faire renatre toujours et toujoursplus forte, plus ferme, plus formidable leur organisation en classe. Il est doncvident que cette concurrence rsulte dune raction de lennemi au sein delorganisation de la classe ouvrire qui connat un chemin hriss de difficults, dedsagrgations, de dissolutions, de trahisons.

    Ce qui nous intresse, dans le passage cit, cest que Marx indique quelorganisation du proltariat se ralise uniquement dans le parti et quil explique parailleurs pourquoi les autres formes dorganisation que se donneront les ouvriers neraliseront pas leur constitution en classe. Quil ne sagisse pas de dclarations

    incidentelles du Manifeste, il est possible de le prouver par une rapide analyse de laposition occupe par Marx, lpoque o il vcut, pour ce qui est de lorganisationdu proltariat. Nous rservant de traiter les problmes historiques que ce sujetsoulve dans le chapitre suivant destin lInternationale, nous nous bornerons marquer ici que si Marx a particip la constitution de la Ligue des Communistes etprit ensuite, en 1864, linitiative de la constitution de la Premire Internationale, il aaussi, en consquence de la dfaite de 1848, prconis la dissolution de la Liguedes Communistes et, avec Engels, en 1872, au Congrs de La Haye, aprslcrasement de la Commune de Paris, propos le transfert du Conseil Gnral New York, ce qui quivalait la dissolution de lInternationale, dailleurs prononce

    en 1876. En outre, nous voudrions aussi mettre en vidence le fait que Marxsopposa ce que le seul parti subsistant, aprs la dissolution de la PremireInternationale, la social-dmocratie allemande (Eisenachiens) fusionna dans laconfusion totale avec les lassaliens. Dans sa lettre Bracke, Marx crira cepropos : si donc on se trouvait dans limpossibilit de dpasser le programmedEisenach et les circonstances ne le permettaient pas on devait se borner conclure un accord contre lennemi commun .

    Un autre fait trs caractristique est, galement, lopinion dEngels concernant lemouvement franais. Dans une lettre adresse Bebel, le 28 octobre 1882 5, il se

    5. Marx-Engels : Briefe an A. Bebel, W. Liebknecht, K. Kautsky und andere, 1870-1886 (dit parlInstitut Marx-Engels-Lnine Moscou).

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    flicite que la scission depuis longtemps attendue en France se soit opre.

    Le dveloppement du proltariat, dit Engels dans cette lettre, progressepartout au travers des luttes intrieures et la France, o maintenant pour lapremire fois est cr un parti ouvrier, nest pas une exception . Et cette scissionentre la tendance de Guesde-Lafargue et celle de Malon-Brousse, au Congrs de St-

    Etienne, le 25 septembre 1882, est approuve parce quil sagissait, crit Engels, dune lutte purement principielle .

    Les matres du socialisme scientifique nous apparaissent donc la fois desfondateurs du parti et aussi des promoteurs de scissions ou mme de dissolutionsdu parti quils avaient fond. Cest en saisissant dune faon synthtique leuractivit premire vue contradictoire quil nous sera possible de relier leproblme de la construction du parti de la classe ouvrire aux notionsfondamentales de la thorie qui sert dinstrument pour la lutte proltarienne. Il nousrevient donc de comprendre les raisons pour lesquelles ceux qui crrent cette

    thorie dune valeur universelle, prirent la responsabilit de proclamer la fin de laLigue des Communistes, de la Premire Internationale et loin de soutenir desfusions impossibles (Gotha) ou dentretenir une unit de confusion (France),appuyrent des courants proltariens qui ne se rattachaient pas toujours desmouvements de masse, se sparant de tous les confusionnistes possdant uneinfluence phmre sur la classe ouvrire (Lassalle, Malon-Brousse).

    Il nous faut maintenant prciser nouveau la notion de classe (voir ce sujet Bilan , N 6 : La Classe ). Ainsi que le remarquait Bordiga, dans un articletraitant de la classe et du parti 6, la conception de classe ne doit donc pas voquerdevant nous une image statique, mais un tableau dynamique. Quand nous

    dcouvrons une tendance sociale, un mouvement poursuivant des finalits donnes,nous pouvons alors reconnatre lexistence de la classe dans sa vritablesignification. Mais alors existe aussi en substance, sinon encore au point de vueformel, le part