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OUTILS ET ENJEUX DU DESIGN CHEZ McDONALD’S Mémoire 2014 Clara Dalbéra

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OUTILS ET ENJEUX DU DESIGN

CHEZ McDONALD’S

Mémoire 2014Clara Dalbéra

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INDEX

Préambule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 7

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 9

I Design structurel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 11 1 - Organisation en cascade 2 - Adaptation au contexte social

II Design silencieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 21 1 - système modulaire et standardisation en amont 2 - système modulaire et standardisation en cuisine

III Design démonstratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 41 1 - l’adaptation au public européen 2 - l’image sportive et écologique 3 - L’aménagement intérieur : Nouveaux partenariats pour le mobilier et l’architecture.

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 62

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p 65

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«Design is basic to all human activities - the placing and patterning of any act towards

a desired goal constitutes a design process.» Victor Papanek

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PREAMBULE

Puisque ce mémoire traite du design aujourd’hui, il m’a fallu en choisir un aspect bien déterminé afin de commen-cer mon analyse. J’ai choisi celui de la consommation comme finalité. Je considère comme prérequis le fait qu’aujourd’hui le design soit au service d’une volonté de faire vendre, à cet effet il peut être d’une part objet mais aussi outil de vente. Dans mes exemples la logique de consommation n’en n’est que plus poussée car elle porte sur l’univers de la restaura-tion rapide, ou comment pousser les gens à consommer au sens propre comme au figuré.

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INTRODUCTION

McDonald’s est une multinationale créée de façon em-pirique, qui, années après années, s’est construit une stratégie d’expansion qui ne laisse rien au hasard. Cette société s’est créée une vitrine où l’homogénéité est de mise: ce système s’adapte dans chaque région, s’implante dans tout contexte so-cial ou économique. Pour ce faire, il met en place des outils qui permettent d’optimiser tous les aspects de la restauration ra-pide. Efficacité et homogénéisation deviennent alors les mots d’ordre du schéma d’expansion de Mcdonald’s. Le regard d’un designer est, me semble-t-il, le plus à-même de décrypter les rouages de ce système, car le de-sign, au sens large du terme, est présent à tous les pôles. Chez McDonald’s, le design est parfois structurel, parfois silencieux, parfois démonstratif. Il intervient bien sûr dans l’aménagement des restaurants, mais aussi dans l’ergonomie des machines en cuisine, dans la standardisation des matières premières, dans l’élaboration des sandwichs, et même dans la structuration du management au sein d’un restaurant. Dans ce mémoire je propose de démontrer que le design d’aujourd’hui n’est pas qu’une affaire d’objets, prendre l’exemple de Mcdonald’s me permettra de démontrer que dans la société moderne, le design est omniprésent et polyva-lent. Les personnes qui «designent» Mcdonald’s ont rarement l’étiquette de designers, car ils élaborent des système, et des produits qui ne sont que la suite logique de ce système. On peut considérer cette façon de créer et d’innover comme de l’ultra-design, qui prend en compte tous les rouages d’un sys-tème poussé vers la plus grande efficacité possible.

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I - DESIGN STRUCTUREL

Ou comment élaborer un système optimisé de gestion d’employés applicable aux quatre coins du monde

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Dans chaque branche des employés de McDonald’s Corporation la politique de management encourage le personnel à donner le meilleur de lui-même. La politique d’entreprise est celle de la performance, et à ce titre la phrase destinée aux employés des restaurants Mcdonald’s «If you’ve got time to lean, you’ve got time to clean» est devenue célèbre. La structuration d’une entreprise ou d’un groupe de personne relève du design puisqu’elle met en place des élé-ments extrêmement rationnels et pragmatiques pour gérer les performances des employés, leurs attentes par rapport à l’entreprise et, de façon plus générale, puisqu’il gouverne les interactions entre employés de par la structure même des postes. Alors que les designers de produits sont ame-nés à analyser et gérer des interactions «hommes-objets», ces «designers de l’entreprise» géreront quant à eux des interactions «hommes-hommes».Lucius Burckhardt aborde ce thème dans son essai paru dans «Le Design Au Delà Du Visible», recueil de textes publié par le Centre Pompidou en 1991:

«Bien plus que l’ensemble des choses qui y sont offertes au regard, une institution est un système de relations entre des hommes. Et de tels systèmes résultent eux aussi d’un design, d’un dessein - pour une part certes, du fait de l’his-toire et de la tradition, mais aussi pour une autre, du des des hommes vivant aujourd’hui.»

«Les postes de travail résultent d’un design, non seulement au seins d’école, mais aussi de par la façon dont ils segmentent

les tâches particulières dans l’ensemble d’un cycle. Dont ils répartissent les compétences ou les confisquent, permettent ou interdisent aux agents de travailler en équipe.»

Il est intéressant de noter que dans le cas de l’évolu-tion de McDonald’s, «l’histoire et la tradition» ont une place bien inférieure à toute autre institution puisque l’entreprise américaine a créé elle-même les standards de la restaura-tion rapide en terme de structure interne et d’organisation des employés. Il a fallu faire table rase des systèmes de restauration traditionnels, pour re-designer le système-res-taurant. En étudiant le design structurel de Mcdonald’s, nous nous demanderons comment cette entreprise a-t-elle adapté le travail à la chaîne des grandes usines à l’échelle d’un restaurant en utilisant un esprit de culture d’entreprise puissant, puis nous verrons quels outils sont mis en place pour garantir son efficacité dans tous les contextes sociaux et économiques.

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1 - Une organisation en cascade

Le premier outil mis en place pour gérer une équipe au sein d’un restaurant réside dans sa structure hiérarchique: les employés sont poussés à se considérer comme une fa-mille, une «team» où chacun ne travaille non pas au service de son employeur mais à celui de la cohésion de groupe. Les postes gradés sont nombreux et multiples, ce qui mène au fait que chaque employé se trouve à travailler près d’un supérieur hierarchique, qui lui-même trouvera un de ses su-périeurs à proximité. Ainsi, il n’y a pas de patron tout puissant, mais plein de chefs et sous chefs, qui garantissent à tout mo-ment le fait d’être observé par un supérieur. De plus, on constate que l’esprit de d’équipe et d’appartenance au groupe est renforcé par l’utilisation d’un langage propre à l’entreprise: les gérants poussent les em-ployés à utiliser sans modération des termes spécifiques à McDonald’s. Puisque le langage est le premier vecteur de so-cialisation d’un individu au sein d’un groupe, l’employé, en le comprenant et en l’utilisant, se sentira «initié». La culture d’entreprise chez Mcdonald’s exige implicitement la pratique d’un langage propre. On entendra donc régulièrement dans un restaurant qu’il faut «alterner les modes 2 et 3», «quit-ter la prod pour rejoindre le BOP», «faire du back up», ou «prendre le shift»... etc. Au delà de l’organisation hiérarchique, la structure même des différents postes oblige les équipiers à travailler en cascade, c’est à dire que les actions sont décomposées en étapes simples, où le bon fonctionnement de chaque étapes est directement dépendant de l’étape précédente.

Pour mieux expliquer ce système prenons l’exemple d’une commande passée au drive:

- Un premier employé prend la commande au micro- Un deuxième encaisse la commande- Un troisième prépare les boissons et produits froids de la commande- Un quatrième amène les produits chauds- Un cinquième vérifie que la commande est complète- Un sixième est chargé de donner la commande au client

Si une seule des cinq premières étapes est mal effec-tuée, la personne chargée de donner sa commande au client subira les remontrances et le mécontentement des clients, si une étape est exécutée avec lenteur, alors ce sont toutes les étapes suivantes qui en subiront le retard. Vitesse et efficacité sont dès lors considérées comme des valeurs humaines plus que comme des finalités! Les trois C: «Communication, Cooperation, Coordination» sont les mots d’ordres de ce système qui tend à considérer ses employés comme des machines intelligentes, encouragées à dépasser leur rendement chaque jour. Le système laisse les employés penser qu’ils travaillent au service de leurs co-équipiers; mais le paradoxe est que, plus ils adhéreront à cette façon de penser, plus le système se rapprochera d’une automatisation, où les employés, devenus incapables de contester le système (sous peine de renvoyer tout le travail sur son voisin) n’auront de choix que d’être toujours plus performants. Une fois les possi-bilités de contestations écartées, la gestion des équipiers dans un restaurant relève de celle d’un parc de machines coopéra-tives et polyvalentes.

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2 - Adaptation au contexte social

Puisque McDonald’s revendique une ascension pro-fessionnelle rapide, il a fallu au cours des années élaborer des formations de management destinées à des personnes qui n’ont pas fait d’études supérieures ou qui n’ont aucune expérience de la vie hiérarchisée au sein d’une grande entre-prise. Pour ce faire, les employés de restaurant qui souhaitent évoluer professionnellement doivent étudier une sorte de catalogue de «questions-réponses» qui répond de façon quasi-exhaustive aux problèmes rencontrés lors de la gestion d’une équipe. Par exemple, lorsqu’un manager note un pro-blème de ponctualité ou de compte de caisse, il est décidé que l’employé sera convoqué pour «une minute-discussion», qui, comme son nom l’indique, ne doit pas durer plus d’une minute afin de ne pas perturber le travail en cours, mais qui donne le temps au manager d’expliquer les raisons de cette convocations et d’en discuter avec l’employé. Il en va de même pour les formations des équipiers, qui doivent apprendre par cœur des process qui décrivent parfois des listes de tâches à faire spécifiques à un poste, soit des attitudes générale, comme la «tentatives de reconquête d’un client mécontent». Les process sont omniprésents chez Mcdonald’s, il existe des listes précises d’étapes à effectuer pour la moindre tâche: comment se laver et désinfecter les mains en six étapes, comment doit-on organiser un sac de commande à empor-ter et combien de serviette doit-on y mettre, dans quel sens se déplacer dans les cuisines ..etc. Dès les années 60, Ray Kroc rédige un manuel à l’intention des franchisés: «Son ma-

nuel d’exploitation comprend dix pages de questionnaire dont un exploitant peut se servir pour faire son inventaire, préparer ses relevés de caisses et autre relevés d’opérations financières, planifier les horaires de travail, ou faire ses propres projections de ventes. On demande aux franchisés de calculer leurs profits, bien sûr, mais également de communiquer le pourcentage de recettes alloué à la masse salariale, à l’achat de denrées alimentaires et des autres produits, ainsi qu’à certains frais d’exploitation. Ces ré-sultats sont par la suite transposés au niveau national, de façon à ce que chaque exploitant puisse comparer son rendement à la moyenne nationale. Ce système permet en outre de détecter les vols internes, les problèmes de qualités ainsi que les erreurs dans le calcul de revenu.» En outre, «on y trouve le mode de prépa-ration des milk-shakes, des hamburgers et des frites. Les temps de cuisson et la température y sont consignés pour chaque plat, suivant le modèle de grill ou de friteuse utilisé. On y spécifie le poids de chaque portion, jusqu’aux 7 grammes d’oignon placé sur chaque hamburger, et aux 32 tranches par 500 grammes de fromages. On y indique même la façon de se débarrasser de la viande et autres produits inutilisés après dix minutes.» Actuellement, ce manuel d’exploitation compte 750 pages et pèse deux kilos. Cette façon de faire permet de ne lais-ser absolument rien au hasard et, puisqu’elle est aujourd’hui identique dans les 34.000 restaurants à travers le monde, elle assure l’homogénéité à la fois des produits et de l’organisa-tion interne. Dans l’annexe 1 & 2 sont présentés des extraits du manuel d’exploitation. Le système de management créé par McDonald’s prend complètement en compte le fait que la plupart de ses employés soit issus de population étrangères, et qu’elles ne comprennent parfois pas la langue du pays où elles travaillent.

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Les formations des postes qu’elles occupent sont donc for-mulées par écrit et traduites dans la langue de l’employé. Pour chaque poste, McDonald’s met en ligne une banque de formations disponibles dans vingt langues différentes.

3 - Designer un système

Si l’on prend en compte toutes ces caractéristiques, on peut dès lors considérer que la structure de McDonald’s relève du design de système. Et la force de ce système ré-side dans le fait qu’il soit applicable dans tous les environ-nement géographiques et culturels grâce à sa complète ra-tionalisation. Mais finalement, pourquoi le terme de design s’applique-t-il ici? On peut considérer qu’un designer assure le lien entre les concepts d’organisation et / ou de fabrica-tion et son contexte (humain, matériel, économique ..etc), il assure la faisabilité du projet dans son contexte global, c’est à dire qu’il a les moyens d’établir un cahier des charges quasi exhaustif, qui prend en compte toutes les caractéristiques du système. Pour le cas d’une création de poste, le design consiste à définir l’espace qu’occupe une personne, l’ergo-nomie de la machine sur laquelle elle travaille, quels outils/denrées alimentaires seront placé à sa droite, et à sa gauche, comment le poste est-il aussi adaptable aux droitiers que aux gauchers, quelle est la liste de process à accomplir, leur durée, quel est le meilleur ratio entre capacité de stockage des den-rées et fréquence de remplissage, comment adapter son uni-forme au poste qu’elle occupe, comment la qualité du travail peut être aisément contrôlée par un manager, comment la personne postée a-t-elle les moyens de communiquer avec

le reste de la cuisine, y a-t-il des codes de langages pour simplifier la communication... etc.Ainsi, le designer s’échappe de l’opposition col blanc-col bleu pour allier les nécessités de production aux réalités contex-tuelles: il est aussi bien attaché aux réalités du terrain qu’aux objectifs de la marque à court et long terme. Dans la gestion des employés, ce système prend en compte des réalités à la fois humaines et stratégiques, et le rôle du designer est de combiner toutes ces données de façon pragmatique et effi-cace. Pour prendre un autre exemple, l’organisation spatiale d’une cuisine-type chez Mcdonald’s découle directement de ce design systémique, car l’ergonomie et l’efficacité sont par-tout, jusque dans les interactions entre employés et l’image qu’elle donne aux clients qui attendent de passer leur com-mande. Dès l’inauguration des premiers restaurants McDo-nald’s, l’ouverture de la cuisine aux yeux des clients est une chose inédite, et cela a des impacts multiples: d’une part les enfants adorent aller y manger, le côté ludique et fascinant a donc une conséquence directe sur le nombre de familles qui viennent de façon régulière, et d’autre part les cuisiniers sont à même de juger de l’affluence du restaurant et d’adapter la cadence de la cuisine. Voilà un exemple type du design systé-mique, qui prend en compte non pas seulement la fabrication d’un hamburger mais aussi l’image qui est véhiculée aux yeux des clients.

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Exemple de «Guide de résolution des problèmes». La section «frite» comporte trois pages entières d’identification de problèmes et propose une solution pour chaque problème identifié.

Exemple de guide de process détaillé pour la préparation des viandes. A chaque nombre de steack correspond un placement spécifique afin de garantir une cuisson homogène sur toutes les viandes.

- Annexe 1 - - Annexe 2 -

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II - DESIGN SILENCIEUX

Ou comment optimiser une chaîne de production en créant un système modulaire et standardisé

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Afin de pouvoir gérer la production et la distribution des produits McDonald’s, l’entreprise a, au fil des années et dans chaque pays nouvellement implanté, construit une poli-tique de standardisation qui permet de garder une homogé-néité constante dans le concept général de ses restaurants : l’image, le menu de base, les normes de qualité, l’organisation du travail… etc. Tout ceci est bien sûr vital pour cette marque mais la standardisation représente bien plus que la promesse d’un sandwich identique d’un bout à l’autre de la planète : Elle constitue le mot d’ordre d’un système entièrement mo-dulaire, qui lui permet d’assurer l’homogénéité de ses 34.000 restaurants et une innovation constante à moindres frais, que j’appellerai le «design silencieux de la marque»

Dans les industries classiques, la définition de la modularité est la suivante : «La modularité est un concept très générique pouvant s’appliquer à une grande diversité de situations. [...] Ce-pendant, dans toute sa diversité, cette notion renvoie toujours à l’idée d’une simplification de la réalité par une décomposition claire des systèmes considérés.»http ://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/10/48/96/PDF/PUB04052.pdf

Dans cette partie nous étudierons donc la façon donc McDo-nald’s a décomposé son système entier en modules simples et faciles à gérer, que ce soit dans sa façon de travailler avec les fournisseurs, en interne pour la conception de nouveaux produits ou enfin dans chaque cuisine des restaurants. Nous verrons par la suite que cette façon de faire permet d’afficher une innovation constante et à moindre frais.

1- Modularité et standardisation en amont

Chez Mcdonald’s, la relation fournisseurs-entreprise a été décomposée en modules autonomes à l’instar, par exemple, des entreprises du domaine automobile. Le texte qui suit est extrait d’un colloque qui, se basant sur l’exemple de l’industrie automobile, vise à analyser les systèmes de pro-duction modulaires :

«L’idée de processus de production modulaire signifie que les paramètres de chaque élément du procédé, nécessaires à la réalisation du produit final complexe, peuvent être déter-minés indépendamment les uns des autres (Fujimoto, 2002). Lorsque le produit final est fabriqué par différents acteurs, l’or-ganisation est dite «modulaire », si chaque unité organisation-nelle peut travailler en toute indépendance sur les paramètres, spécifiés ex ante par une autre entreprise, d’un sous-système du produit.Une organisation modulaire comprendrait ainsi :- L’architecte du produit (l’assembleur, l’Original Equipment Ma-nufacturer (OEM) dans l’industrie automobile, par exemple) qui définit les règles de conception visibles.- Des modules organisationnels qui sont les fournisseurs et qui travaillent indépendamment selon les paramètres intrinsèques du module dont ils ont la charge.- Des interfaces organisationnelles constituées par les procé-dures d’échanges d’informations .»

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Transposons maintenant ce texte à l’exemple de Mc-Donald’s : Le schéma est identique, l’ «architecte du produit» n’est autre que l’ingénieur agronome (voir ci-dessous), les modules organisationnels sont les fournisseurs de denrées alimentaires standardisées, de machines standardisées ...etc, et les interfaces organisationnelles sont précisément les per-sonnes de McDonald’s chargées de veiller au respect des normes et des standards McDonald’s tout en permettant une distribution à travers le monde entier.

Cette chaîne de production modulaire représente un avan-tage majeur : puisque chaque module organisationnel (ou fournisseur) est autonome, chacun s’adaptera aux conditions économiques locales. Par exemple, le rôle et les adaptations de McDonald’s aux politiques agricoles nationales varie énor-mément d’un pays à l’autre, de même que les avancées tech-nologiques agricoles. En travaillant de façon modulaire, Mc-Donald’s laisse une grande liberté à ses fournisseurs (ce qui favorise la mise en concurrence et donc la baisse des prix) tout en faisant une liste exhaustive des critères de qualités des matières premières et produits fournis.

Quel est le rôle de l’ingénieur agronome chez McDonald’s?

C’est la personne centrale dans l’organisation du lancement d’un nouveau produit. On peut la considérer comme le desi-gner en chef des produits alimentaires mais aussi de l’ergo-nomie et du fonctionnement des machines en cuisine.

Elle et son équipe assurent la coordination entre :- Les fournisseurs (produits alimentaires, machines, cuisines...)- Les responsables études de marché- Le Food Lab- Les responsables marketingAprès avoir dressé un cahier des charges exhaustif avec la branche étude de marché et marketing, l’ingénieur agro-nome, en collaboration avec le Food Lab, crée le produit et évalue sa standardisation. Il doit prendre en compte les quali-tés organoleptiques, nutritionnelles et sanitaires des produits puis développer leur packaging si besoin est. Idéalement, le produit doit être novateur tout en utilisant le maximum de machines, packaging et produits alimentaires déjà existants dans les cuisines et chez les fournisseurs. Il travaille ensuite avec ces derniers pour s’assurer de la faisabilité du projet et si la qualité attendue est effective. Il intervient aussi dans la création des nouvelles machines de cuisine si elles sont né-cessaires, en collaboration avec les fournisseurs industriels. Enfin il lui faut aussi concevoir et communiquer la façon dont ces machines s’intégreront dans les cuisines déjà existantes.

Grâce au système modulaire, on constate que les trois pôles création - fournisseurs - distribution sont quasiment autonomes les uns par rapport aux autres car ils travaillent tous ensemble sur une base réduite de produits alimentaires et machines standardisés.

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2 - Modularité et standardisation en cuisine

En cuisine, la façon dont sont pensées les machines et les denrées alimentaires nous renvoie à nouveau à la notion d’organisation modulaire : les machines sont polyvalentes, le nombre de process de cuisson et d’assemblage est réduit au minimum et les denrées alimentaires partagent entre elles énormément d’ingrédients communs. En effet, chez McDo-nald’s, la carte laisse penser à une grande diversité de pro-duits mais ces derniers utilisent toujours les mêmes ma-tières premières. McDonald’s lance de nouveaux noms et des emballages différents mais il n’existe que 6 grands types de produits. Seuls 300 producteurs à travers le monde approvi-sionnent McDonald’s.

• Au niveau des machines :

L’huile et la température de de cuisson sont iden-tiques pour tous les produits frits : nuggets, viandes de poulet, chausson au pommes, crevettes, frites, potatoes etc.. De plus, les frites et les potatoes ont la même durée de cuisson et peuvent donc être cuites au sein des mêmes bacs de fri-teuses (par conséquent chaque produit promotionnel de types pommes frites, comme les American Fries ou les Roesti Fries, se plieront à ces caractéristiques) La fontaine à boisson gazéifie puis ajoute du sirop à l’eau courante. A partir de ce système une même fontaine produit six types de boissons différents. Lors des apparitions successives de Mcwraps et

SnackWraps, la machine qui sert à chauffer par vapeur les pains de Filet-O-Fish a été mise a contribution pour réchauf-fer les galettes. On a pu donc mettre à la carte deux nou-veaux types de sandwichs, sans ajouter une seule machine à la cuisine Toutes les viandes non panées cuisent à la même température et pendant la même durée sur les mêmes grills. La viande de poulet non panée est cuite elle aussi sur ces grills, emballée d’un plastique spécial qui ne se dégrade pas à la chaleur et qui permet de préserver le poulet des sucs de bœufs présents sur la plaque de cuisson. Une seule machine est nécessaire pour fabriquer les frappés et tous les types de Mcflurry. Un seul type de mé-lange lacté est utilisé, dans le premier cas on y ajoute du sirop aromatisé, dans le deuxième on ajoute des toppings et on refroidit un peu plus le mélange.

• Au niveau des produits alimentaires :

Le McFlurry à lui seul est un modèle de système mo-dulaire : facilement déclinable, il suffit de changer le topping (le plus souvent associé diverses marques de confiseries cé-lèbres) pour créer un nouveau produit promotionnel. Ainsi des dizaines de produits à partir d’une même base lactée et d’un même packaging ont vu le jour : McFlurry Oréo, Daim, Toblerone, M&M’s, Ovomaltine, Quality Street, Magnum, Kit-kat, Granola, Snickers, Twix, Cornetto, Smarties, Mars, Malte-ser, Bounty, Crunch... etc ! Les nouveaux sandwichs promotionnels sont quasi-ment tous le fruit d’un nouvel arrangement de produits de base et de l’ajout d’une sauce particulière ou d’un ingré-

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dient qui sort de la norme, souvent ces produits diffusent une connotation «terroir» plutôt segmentante, qui permet à Mcdonald’s de s’adapter à chaque région en proposant pour une durée limitée des produits de spécialités (280 avec mou-tarde à l’ancienne, McRaclette, McGrisons...). Ce mode de fonctionnement permet d’innover à moindre coût en gar-dant un cycle d’innovation constant, il réduit les frais de Re-search & Development car il est rarement nécessaire d’éla-borer plus d’un ou deux ingrédients par nouveau sandwich, cela permet aussi au personnel en cuisine, déjà familier avec les ingrédients de base, d’être très réactif car les recettes sont simplifiées et très proches des précédentes en termes de stockage, de manipulation, de cuisson et d’assemblage.

Dans l’annexe 3, j’ai élaboré un «tableau périodique» des sandwichs McDonald’s afin de faire la démonstration que chaque ingrédient classique est en fait utilisé pour énormé-ment de sandwichs à la fois.

• Au niveau des packagings :

Toutes les boîtes ont une taille standard. Ainsi : 2 boîtes de BigTasty = 1 boîte de BigMac et deux emballages frites = une longueur de sac C = une largeur de plateau = une demie largeur tableDe manière générale, aucune dimension n’existe seulement pour elle-même. Chaque packaging est pensé en fonction de la place qu’il occupe dans un sac à emporter, sur un plateau et dans les zones de stock :- Il existe seulement trois tailles de boîtes, aussi bien pour les pièces de poulet que pour les sandwichs.

Ci dessus le tableau périodique des produits de base McDonald’s. On constate aisément que certains ingrédients sont communs à énormé-ment de sandwichs.

- Annexe 3 -

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- Puisque la rupture de stock de packaging provoquerait l’ar-rêt des ventes, il existe des boîtes neutres sans information, spécialement conçues pour subvenir à ces manques. - Les trois tailles de boissons ont un diamètre inférieur et supérieur identique, par conséquent le stockage est le même et un seul couvercle est nécessaire aux trois contenances. - Les supports boissons sont polyvalents et donc adaptés pour pouvoir y glisser des sundaes, des frappés (toutes tailles), des boissons (toutes tailles), des gobelets de thé ou de café .. etc.- Le couvercle est le seul vecteur d’informations à propos du contenu de la boisson : on enfonçant certains tétons au moment du remplissage on indique si le gobelet contient du Coca-Cola classique, Zéro ou Light, on peut indiquer aussi si il contient des glaçons ou de la caféine. De cette manière on utilise un seul type de gobelet pour contenir toutes les bois-sons, sans pour autant prendre le risque de les confondre.- Comme le couvercle des boissons, le couvercle de sundaes facilite l’empilement de ces derniers et le rayon de la cuillère sundae est le même que celui des rainures du gobelet. - Les hamburgers, cheeseburgers, mini frites et sachet de 4 nuggets sont emballés dans des sachets ou feuilles de papier : cela pousse le consommateur à les considérer comme des extras et permet un gain de place dans le remplissage du sac à emporter ou de la boîte Happy Meal. - Les packaging de McFlurry sont identiques pour tous les toppings, et constituent en eux-mêmes l’outil de fabrication du dessert : après avoir rempli de glace et de topping le go-belet, la cuillère est accrochée à un axe rotatif pour mélanger le tout.

TAILLE 1

TAILLE 2

TAILLE 3 EMBALLAGE NEUTRE

Il n’existe que trois standards de tailles de boîtes, chacune étant segmentante. La taille 1 contient le plus souvent des snacks ou des extras, la taille 2 contient les sandwichs dits classiques et la taille 3 est réservée aux grandes faims.

Les emballages neutres existent en taille 2 et 3 et en couleur rouge, bleu et vert. Ils sont destinés a faire face aux ruptures de stock d’emballages.

- Annexe 4 -

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Même largeur que les boîtes taille 1

Même longueur que les boîtes taille 3

Lorsque les boîtes ne correspondent à aucun standards, elles sont quand même pensées en fonction de leur rangement dans les sacs de transport et sur le plateau.

- Annexe 5 -

taille 1 taille 2 taille 3 plateau

Tailles 1 2 3

Malgré leur contenance différentes, les trois gobelets de boissons ont un diamètre supérieurs et inférieur identiques. Cela permet de les stocker aux mêmes endroits et d’utiliser les mêmes couvercles.

Les supports boissons s’adaptent non seule-ment à ces gobelets mais aussi à toutes les autres boissons et glaces: frappés grands et petits, McFlurry, sundaes, cafés toutes tailles, thé, boissons en bouteille ... etc.

- Annexe 6 -

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Grâce aux propriétés du polypropylène, le dôme enfoncé blanchit et devient un marqueur bien visible.

- Annexe 7 -

Le crochet permet une rotation rapide sans risques de décrochement.

Grâce aux propriétés du polypropylène, le dôme enfoncé blanchit et devient un marqueur bien visible.

- Annexe 8 -

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III - DESIGN DEMONSTRATIF

Ou comment McDonald’s est en train de se forger une « culture design », destinée au grand public.

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Comment la France a-t-elle été séduite par McDo-nald’s de façon si efficace? La stratégie mise en place depuis quinze ans pour répondre aux attentes des consommateurs européens a bouleversé les codes esthétiques de la marque. Adieu rouge et jaune, le vert est partout, les restaurants aux ambiances bruyantes et agressives ont laissé place à des es-paces qui se veulent héritiers des salons de thé. La carte des restaurants a au final peu changé, mais le changement de discours de McDonald’s, bouc-émissaire de la malbouffe, a été crucial dans sa volonté de reséduire les européens.

Après avoir étudié le design structurel et le design de standardisation et modularité que j’ai appelé design silen-cieux, il est temps maintenant d’envisager le design de la fa-çon la plus classique: celle de l’image, de la forme, celle qui fait vendre, qui attire le client par son côté séducteur et novateur. Nous allons donc parler de la place du design dans l’image de marque de McDonald’s, de l’adaptation de l’entreprise au marché européen, et des objectifs des récentes création de partenariats entre la chaîne de fast-food et de maisons d’édi-tion comme Vitra ou Foscarini.

1 - le remodelling européen

Dès les années 50, Ray Kroc comprit que le branding serait une des clés du succès de McDonald’s. Les fameuses arches ( nées d’un détail architectural du premier restaurant dont Ray Kroc s’est occupé) ont dès lors été exposées et diffusées à toutes les occasions possibles. Bozo le clown, l’an-cêtre de Ronald McDonald, devient en 1962 l’égérie de la marque, à l’occasion d’une émission pour enfants diffusée sur les télévisions américaines. Dès lors, la mascotte arborera les couleurs jaune et rouge, qui deviennent rapidement la signa-ture de la chaîne de fast-food. McDonald’s s’installe dès 1971 aux Pays-bas, inau-gurant ainsi son premier restaurant européen, la Suisse et la France verront quant à elle débarquer le géant en 1976 et 1979. Or il s’avère que les années 80 et 90 malmènent vivement la notoriété de McDonald’s et des fast food en gé-néral sur le vieux continent. Il sont la cible de vives critiques concernant les dangers pour la santé des repas servis mais aussi un certain refus de la diffusion de la culture américaine en général. Les actions médiatiques se multiplient et José Bové fait particulièrement parler de lui lors de son action coup de poing en 1999 au restaurant de Millau. Il s’agissait, pour la Confédération paysanne de protester contre la dé-cision de l’Organisation mondiale du commerce d’autoriser les sanctions américaines (sous forme de taxation punitive de certaines importations d’origine européenne, comme le fromage au lait cru roquefort), en raison du refus de l’Union européenne d’importer des États-Unis de la viande de vache élevée aux hormones de croissance. McDonald’s, entreprise

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d’origine américaine, représentait à leurs yeux la cible sym-bolique idéale, tout à la fois de la « malbouffe » et du « capi-talisme apatride ». Cependant, la communauté agricole n’a pas suivi le boycott proposé par José Bové car, en 1999, McDonald’s s’est déjà fait sa place dans les politiques agricoles régionales et est d’ores et déjà devenu un bon client pour les exploitants. Dès les années 2000, McDonald’s obtient un stand au salon de l’agriculture parisien, et malgré l’échec du boycott de l’ex-trême gauche française, l’entreprise prend conscience que l’expansion de McDonald’s en Europe doit se faire différem-ment de celle des Etats-Unis, car la différences des attentes des deux populations est indéniable. Pour se faire, un remo-delling entier de l’image de marque est mis en marche.

2 - (Re) Séductions

Dès cette période, on dresse un nouveau cahier des charges destiné à l’Europe: la durée estimée d’un repas est allongé, l’univers sémantique des Etats-Unis disparaît peu à peu, et enfin on communique sur trois fronts majeurs: l’écologie, le bien être des enfants et les McCafés.

• L’écologie

Le signe le plus flagrant du changement de position-nement de McDonald’s est l’évolution du logo européen, en novembre 2009.Son nouveau logo vert fut accompagné d’une politique de développement durable. Pour lutter contre le réchauffement

climatique, l’entreprise s’est équipée de camions moins pol-luants, utilise de l’électricité d’origine renouvelable, a changé ses packagings pour limiter l’utilisation des énergies fossiles, récupère l’eau de pluie, collecte puis traite ses huiles de fri-ture… McDonald’s a pour objectif de présenter comme une entreprise soucieuse de l’environnement, dans le but d’améliorer son image, à grand renfort de communication. Le remodelage se fait à la fois sur des actions tangibles et sur des campagnes de publicités vantant les l’implication de la marque dans le domaine de l’écologie et du sport. Cette nouvelle politique explique ainsi le changement du logo de McDonald’s. La modernisation d’un logo est un excellent outil pour marquer les esprits et appuyer le repositionnement d’une entreprise. En effet, tout l’enjeu de ce changement de politique réside dans la façon dont il est communiqué. Les bénéfices directs de la marque sont en énorme partie réali-sés sur les produits classiques. Les nouveaux produits légers en matières grasses et les salades nécessitent plus de coûts à cause de leur température de stockage et de leur durée de préparation accru.Malgré ce manque de bénéfice, la présence de ces nouveaux produits à la carte constitue le fer de lance du revirement sportif et écologique de McDonald’s.

• Les enfants

A propos du revirement d’image, les enfants sont particuliè-rement ciblés pour deux raisons: D’une part si ils sont séduits par McDonald’s il seront la raison principale pour laquelle une famille choisira la marque. Par exemple l’installation d’un espace de jeux pour enfants est la promesse d’une augmen-

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tation de 40% de la fréquentation totale du restaurant sur les mois suivants. * Présentation du nouveau Quick HQE (Haute Qualité Environnementale) de Dammarie designé par Malherbe design http://www.youtube.com/watch?v=pdmsPHr6c7g D’autre part, l’obésité infantile représente un problème de plus en plus ancré dans l’opinion publique. Le Happy Meal a donc refait peau neuve, on encourage les parents à amener leurs enfants au McDo-nald’s sans crainte, en leur proposant des menus allégés. Les affiches au sein du restaurant présentent le menu accompa-gné de carottes et d’eau minérale. En outre, le site internet propose aux parents de composer le menu de leur enfant en comparant les apports énergétiques (voir annexe 9). Cette communication laisse une impression forte sur le client, mais les ventes de carottes, quartiers de pomme et boissons non sucrées sont extrêmement faibles par rapport au reste des produits vendu sur les menus enfant. L’effort marketing destiné au plus jeune est relayé par un espace internet entièrement dédié aux enfants, qui met en scène la mascotte Happy Meal et les personnages Disney des récentes opérations de communication. L’enfant considère l’univers de jeux et l’univers McDonald’s comme une conti-nuité, en s’imprégnant des codes esthétiques de la marque même pendant ses loisirs à la maison. (Voir annexe 10)A nouveau, la construction de l’effort commercial est envi-sagé comme un tout. La séduction des enfants est envisagée sous tous les angles, à la façon d’un système. Dès l’entrée, des places de parking spéciales pour familles nombreuses sont créées et signalées; l’espace-jeux des enfants est visible de la rue mais séparé par une cloison du McCafé pour encoura-ger les parents à prendre un café pendant qu’ils patientent en attendant leurs enfants; les anniversaires sont l’occasion d’amener des enfants peu habitués au McDonald’s à décou-

Le site McDonalds.ch propose aux parents de composer le Happy Meal de leur enfant en visualisant les apports énergétiques en fonction de chaque produit.

Les produits sains comme les carottes ou les bouteilles d’eau sont systématiquement pré-sents lors de la promotion du Happy Meal.

- Annexe 9 -

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Sur le site HappyStudio.ch, les enfants peuvent se créer un avatar en jouant et jouer à des jeux dont les mascottes sont les personnages des actions promotionnelles en cours.

Les anniversaires McDonald’s comportent un menu Happy Meal, des jouets suplémentaires, des jeux et un gâteau final à partager entre les convives.

Chaque action promotionnelle propose huit jouets différents qui sont renouvelés semaine après semaine, encourageant l’enfant à revenir pour acquérir la collection entière.

Les assiettes, nappes et verres sont décorées à l’effigie de la mascotte McDonald’s.

- Annexe 10 - - Annexe 11 -

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vrir des produits, puis à offrir un bon pour un Happy Meal gratuit à chaque petits convives, pour multiplier les chances que l’enfant revienne avec ses parents (voir annexe 11). Enfin, lorsqu’il reviendra chez lui avec son jouet promotionnel, il sera en mesure de garder un lien avec McDonald’s en jouant avec son avatar personnalisé sur Happystudio.chCe système prend en considération des éléments purement formels (places de parcs adaptées, salles spéciales pour les an-niversaires aux sièges abaissés..), visuels (mascottes, partena-riats avec Disney..), interactifs (plateforme de jeu sur internet, visite de Ronald McDonald une fois par mois au restaurant) nécessaires pour séduire les plus jeunes, mais prend aussi en compte en amont l’opinion publique et particulièrement les parents pour se construire une image plus saine, propre et séduisante aux yeux de tous. Le système est designé dans ses moindres recoins, arrivant parfois a des conséquences origi-nales. Ainsi, on a pu constater que McDonald’s est désormais le premier distributeur de jouets au monde.

3 - Les McCafés

«Durant ses quinze premières années en France, à partir de 1980, McDonald’s a avant tout proposé une petite tranche d’Amérique en important son modèle. Aujourd’hui, nous faisons partie du quotidien des Français. Notre priorité est de nous in-tégrer localement et de teinter de culture française notre offre histo rique de hamburgers et glaces, tout en inventant une nou-velle façon d’aborder le fast food, plus saine et plus calme .» Nawfal Trabelsi, senior vice-président McDonald’s France et Europe du Sud.

Le revirement de l’image de marque McDonald’s s’est fait en grande partie autour d’un thème: le café. Boisson ou espace de consommation, le café est devenu le symbole d’un style de vie plus calme, plus « lounge », où les hommes d’affaire et leur ordinateurs portables y trouvent leur place. Ainsi un système est re-designé au sein d’un autre: les McCafés sont envisagés comme des bulles, ou toute l’es-thétique de McDonald’s est transposée et modifiée vers une nouvelle façon de consommer. La couleur chaude des murs ou les fauteuils clubs ne sont pas des initiatives isolées, bien au contraire, on assiste à nouveau à la construction d’un sys-tème où tout se répond: le logo, dès l’entrée, reprend l’idée de signature professionnelle, de tranquillité, les macarons et croissants sont présentés derrières des vitrines de boulange-rie, les desserts basiques comme le McFlurry et l’apple pie n’y ont pas leur place, toutes les boissons sont fabriquées à la demande, sous les yeux du client. Tout est pensé pour que l’ambiance y soit plus sophistiquée, plus européenne. Même les uniformes des employés s’adaptent: en venant travailler au comptoir McCafé ils enlèvent leur casquette, troquent leur polo rouge vif et leur chaussures de sécurité contre des chemises couleur crème et des chaussure plus fines et plus élégantes. (voir annexes 12 et 13) Cela nous renvoie à nouveau à la pensée que la per-sonne qui s’est chargée de l’apparition des profiteroles à la carte des McCafé est le designer en chef d’un système com-plexe, où, dans ce cas de changement d’image, tout est objet de communication: de la forme des tasses à café, ronde et généreuse, à la coiffure de la caissière, jusque dans les sets de papiers ou la musique de fond. Tout cet univers sémantique est coordonné dans le but d’attirer une nouvelle clientèle, en

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Le mobilier qui jouxte le McCafé est cractérisé par des éclairages tamisés, des fauteuils et des tables abaissés

Les affiches revendiquent un côté «arty», plus proches de la composition graphique que de la banale photo de produit.

- Annexe 13 -

La carte des McCafés différe énormément du restaurant, les produits y sont plus chers, plus qualitatifs et beaucoup moins standardisés.

Les employés du McCafés ont un uniforme spécial couleur crème, très différent de ceux du restaurant aux couleurs vives.

- Annexe 12 -

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basant les initiatives sur l’étude des usages et des compor-tements. C’est pour cette raison que McDonald’s a montré une réactivité si grande en Europe, car elle a réussi à baser sa stratégie d’innovation sur des usages locaux, et à cette occasion changer complètement une partie de son business model en France puis dans l’Europe entière.

4 - L’aménagement intérieur: Nouveaux partenariats pour le mobilier et l’architecture.

Un programme de rénovation architecturale des restaurants pour faire partie intégrante du paysage urbain.

Le programme Full Image a été lancé en 2010 avec pour objectif de rénover l’extérieur de la quasi-totalité des res-taurants en France d’ici 2013. Après l’étape de la rénovation intérieure avec plus de modernité et de convivialité pour les clients, McDonald’s a décidé de changer sur les points sui-vants: - rénovation complète des façades des restaurants, - une nouvelle signalétique pour les restaurants avec service au volant, - des totems et enseignes mieux intégrés dans le paysage urbain et péri-urbain, - une réduction de l’impact environnemental des restaurants, - la mise en place de pompes à chaleur CO2. Pour les bâtiments, des matériaux plus nobles sont choisis comme le bois, la pierre pour les sols, ou encore des cou-leurs plus douces comme le vert ou le brun (coloris bois) qui

seront déployés d’ici à 2013 dans 80% des restaurants issus de forêts gérées de manière durable ou d’installer. Ces chan-gements visent une meilleure intégration dans le paysage en-vironnant. Les bonnes pratiques environnementales ne sont pas oubliées, avec l’intégration de pompes à chaleur CO2 qui seront déployées dans 80% des restaurants (compte tenu des contraintes techniques). Les franchisés ont aussi la possi-bilité d’utiliser des candélabres extérieurs en bois issus de fo-rêts gérées de manière durable, ou d’installer des « poubelles Drive », permettant aux clients de jeter leurs emballages sans descendre de leur voiture. Un cahier des charges « espaces verts » à destination des paysagistes a également été mis en place afin d’aménager les espaces extérieurs de façon plus durable, c’est-à-dire avec un faible apport en eau et dans le respect de la biodiversité.A travers ces changement McDonald’s affiche une volonté de communiquer sur sa volonté écologique mais aussi de s’intégrer de façon plus discrète dans les paysages urbains et péri-urbains, en se détachant peu à peu de l’héritage du mode de vie américain.

« Lorsque Mario Botta disait « On s’assied même avec les yeux », nous étions dans les années 1980 où les gens accep-taient le design « décoratif ». Aujourd’hui, le design a une fonc-tion, un prix, une durabilité, une écologie, qui sont devenus des facteurs indispensables du rapport au design. »

* Texte issu de la table ronde qui introduit l’édition 2014 des Design Days de Paris. http://www.ddays.net/non-classe/table-ronde-et-demain-5429

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Ces propos nous invite à penser que le design aujourd’hui, et on le remarque particulièrement dans l’adaptation de Mc-Donald’s, est avant tout objet de communication. Le design et l’architecture sont, dans cette entreprise, au service direct des nouveaux enjeux que nous avons décrit précédemment. Ils sont à nouveaux pensés dans le cadre d’un système. L’ob-jet s’efface au profit d’une impression générale. Les lampes ne sont plus là pour éclairer mais pour «ambiancer» un contexte (néologisme de plus en plus répandu dans chez les professionnels du marketings et les blogs de tendances). A ce propos, Olivier Assouly nous parle de la « mise hors d’usage » du design aujourd’hui, directement lié à un objectif de consommation d’une idée plus que d’un produit.

«Comment s’opère ce que l’on appellera la «mise hors-d’usage» du design? Ce dernier est au coeur d’une idéo-logie sociale fondée sur la libération des émotions esthé-tiques des masses. On cherche directement à produire le consommateur, en tant que produit des expériences, ré-ceptacle esthétique, Le goût esthétique étant un ressort d’achat, il est prescrit de jouir par le regard, en dehors de tout usage. A la consommation des produits se substitue la consommation des états de conscience esthétique et des émotions. Le consommateur est dès lors le véritable sujet du design, son centre de gravité. Sous la forme la plus généralisé, le design rabat sa production à des ap-parences destinées a épouser des réceptions passives.»

Le design comme esthétique de la réception. Olivier Assouly

Pour atteindre ces objectifs, McDonald’s a du intégrer dans ses restaurant une sémantique du design destiné au plus grand monde. Que ce soit dans l’architecture, le mobilier ou les produits promotionnels, McDonald’s est en train de se forger depuis une dizaine d’année une image «design», grâce à des signes forts, reconnaissables par la plupart des clients, notamment par la déclinaison ou la copie d’objets iconiques. C’est ce qu’on pourrait qualifier de design démonstratif. La salle de restaurant devient un show room où les clients re-trouve parfaitement l’idée qu’il se font du design. En témoigne l’intervention de Patrick Norguet depuis 2012 dans le mo-bilier de chaque nouveau restaurant: Les tables et chaises de terrasses attirent l’oeil par leurs lignes graphiques, accompa-gnées d’un piétement imposant en béton. Les couleurs sont en demi teintes, et créent un lien entre le mobilier intérieur et extérieur. Les références sont multiples et récurrentes, en témoigne la comparaison avec les chaises Chair One de Konstantin Grcic, créée en 2004 et la ligne de mobilier pour cafés de Constance Guisset, en 2008. (annexes 14) Dans les salles de restaurants les fauteuils et les lampes sont abaissés, les espaces sont confinés grâce à des cloisons semi transparentes ou parées de lettrages, censés refléter l’état d’esprit du moment. En plus de ces nouvelles lignes de mobilier, McDonald’s n’hésite pas à qualifier de « de-sign » ses objets promotionnels. En témoigne la campagne de communication des verres Coca-Cola où l’on peut lire le slogan « Soif de design? » et celle des tasses à café de 2010 où l’objet est donné à voir au milieu de faux croquis, qui colle à l’image grand public du «design crayonné», où le produit manufacturé prend soudainement vie dans le coup de crayon aiguisé d’un designer - artiste. (voir annexes 18 &19)

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Ligne du haut: - ensemble de tables et chaises créé pour Mc-Donald’s Europe, par Patrick Norguet, 2012- Chair One, créée par Konstantin Grcic, 2004

Ligne du bas: - ensemble de tables créé pour Mcdonald’s Europe, par Patrick Norguet, 2012- Ankara Café, pour l’institut Français de Turquie à Ankara, par Constance Guisset, 2008

- Annexe 14 -

Ligne du haut: - ensemble de tables et chaises créé pour Mc-donald’s Europe, par Patrick Norguet, 2012- Chair One, créée par Konstantin Grcic, 2004

Ligne du bas: - ensemble de tables créé pour Mcdonald’s Europe, par Patrick Norguet, 2012- Ankara Café, pour l’institut Français de Turquie à Ankara, par Constance Guisset, 2008

- Annexe 15 -

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Ligne du haut: - Packaging de Chicken Crocs en carton, McDonald’s Corporation, 2013- Spotty, fauteuil pour enfant de Peter Murdoch, carton enduit de polyéthylène, 1964.

Ligne du bas: - Tasse à café promotionnelle, Patrick Norguet pour McDonald’s, Juin 2010- Tasse à café Bodum 2003

- Annexe 16 -

Ligne du haut: - Réédition de la DCW de Charles et Ray Eames, dans un restaurant McDonald’s de Marseillle, France.

Ligne du bas: - Réédition de la DST de charles et Ray Eames, dans un restaurant McDonald’s de Crissier, Suisse. Des modèles de DAR sont aussi pré-sentes dans ce même restaurant.

- Annexe 17 -

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Campagne promotionnelle de verres Coca-Cola à colectionner, février 2014

- Annexe 18 -

Campagne promotionnelle de tasses à café à collectionner, mars 2010

- Annexe 19 -

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du mobilier des salles de restaurant aurait du être celle dont je suis spécialiste. Or à la place d’un lieu « design », j’y ai vu un système sémantique plutôt bien rodé, au service d’un effort commercial de changement d’image de marque. J’y ai vu des similitudes frappantes avec des designers que j’admire, et des clients plutôt satisfaits de s’asseoir dans des chaises dont ils re-connaîtront peut être la forme dans les pages déco-tendances de leur magazine préféré. De façon étonnante, les cuisines de Mcdonald’s se sont imposées à moi comme étant le vrai show room d’un design pertinent, performant et global. Les plans de travail en inox traités pour le contact alimentaire sonnent plus «vrai» que le faux cuir des fauteuils lounge de la salle de restaurant. Et je ne peut m’empêcher d’être fascinée en décortiquant chaque caractéristiques des packagings et en concluant que rien dans leur montage, leur utilisation, leur fabrication, leur stockage n’est laissé au hasard. Ainsi, je suis arrivé à un constat simple: ma position de designer m’a permis au fil des années d’émanciper mon regard en mettant de côté les discours qui se cachent derrière la plu-part des objets que nous consommons. Je ne remets évidem-ment pas en cause l’interêt narratif qu’ont les objets mais cette narrations est souvent au service d’intérêts commerciaux ex-trêmement bien rodés et insidueux. En effet, s’asseoir dans une chaise d’un restaurant McDonald’s consiste à commencer dès ce geste une logique de consommation, il est donc vital de garder un certain recul dans notre vie quotidienne afin de ne pas subir la société dans laquelle nous vivons.

CONCLUSION

Au fur et à mesure de la construction de ce mémoire, je me suis efforcée de démontrer que le design est omni-présent et polyvalent dans notre société. J’en suis à présent plus convaincue que jamais. Il me semble que les designers ont un rôle clé à jouer dans les démarches d’innovations et de performances des chaînes de productions et des entre-prises de grande distribution. En analysant la notion de de-sign de système appliqué à McDonald’s, j’ai pu extraire une composante du design d’aujourdhui qui me semble être une des plus importante: celle du design systémique. J’entends par là, la capacité d’un objet (ou d’un service, d’une affiche..) à s’insérer de façon adéquate et performante au sein d’un sys-tème prééxistant. En ce sens je pense qu’il est hors de propos pour un designer industriel de penser qu’un objet existe par lui même, ou même de limiter sa valeur à sa seule utilisation. Les personnes travaillant pour Mcdonald’s élaborent des objets et des process qui se répondent systématiquement, et chaque nouveauté est pensée dans une vision globale de son envi-ronnement. Or de mon point de vue, c’est cette vision globale que les designers peinent à atteindre dans l’industrie actuelle. Ils souffrent d’une réputation de « créateur de formes », alors que leur logique de création peut, à mon sens, s’adapter à énormément de concepts, concrets ou non, en ayant à la fois une vision éclairée sur les pôles techniques, humains, ergono-miques, commerciaux et pragmatiques. La rédaction de ce mémoire m’a d’autre part per-mis de mettre en lumière un paradoxe à propos de la notion même de design. A priori, en tant que diplomante en bachelor de design industriel, selon le point de vue commun, l’analyse

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BIBLIOGRAPHIE

- John F. Love, Sous les arches de McDonald’s, M. Laffont, 1989

- Sébastion Comparet, Le système McDonald’s en France : Les fondements d’une culture d’entreprise, L’Harmattan, 2008

- Lucius Burckhardt, Le design au delà du visible, Ed du Centre Pompidou, 1991

- Le design - Essais sur des théories et des pratiques, sous la di-rection de Brigitte Flamand, Editions du Regard, 2006

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Je souhaite remercier toutes les personnes qui m’ont aidée et informée lors de la rédaction

de ce mémoire, et en particulier

CONSTANCE RUBINI,DEODAAT TEVAEARAI

ELRIC PETITFLORENCE NETZLER

THIERRY PAYEUXMAXIME BLANCO LOÏC GIGANDET