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Figure 1. Intubation Lacri-Pearl®. a. L’extrémité est arrondie pour rendre l’insertion atraumatique. b. Le mandrin a une courbure prédéfinie qui s’exprime à la sortie du trocart pour faciliter une extériorisation spontanée. c. Le mandrin présente un S qui va entraîner le trocart. a b c Images en Ophtalmologie Vol. IX n o 5 juillet-août 2015 158 Focus Nouveautés en voies lacrymales New technics in lacrimal surgery J.M. Piaton, P. Keller (Hôpital des Quinze-Vingts, Paris) L’ actualité en voies lacrymales (VL) consiste en de nouveaux dispositifs dus à l’ingéniosité française, tels que l’intubation bicanaliculonasale (IBCN) Lacri-Pearl® (E. Sarfati) et l’intubation bicanaliculaire de Bigé® (P. Bigé). D’autres dispositifs, bien que non récents et utilisés depuis longtemps à l’étranger, n’ont été que récem- ment mis à notre disposition : c’est le cas du ballonnet Ophtacath ® et de l’intubation Nunchaku ® . L’évolution de la technologie ne s’arrête pas aux dispo- sitifs implantables mais concerne également le matériel et l’évolution des techniques : l’intérêt de l’endoscopie nasale en pré-, per- et postopératoire n’est plus à démon- trer mais est confirmé par la plupart des lacrymologues ; la microendoscopie lacrymale existe aussi depuis plu- sieurs années, mais la miniaturisation des endoscopes et la qualité des images s’améliorent. Sur le plan pharmacologique, nous parlerons de l’intérêt de la mitomycine dans les dacryocystorhinostomies (DCR). Matériel Intubation Lacri-Pearl ® (laboratoire MTO) Il s’agit d’une IBCN dont la conception est destinée à faciliter sa récupération dans le nez. Le dispositif est constitué d’un silastic serti sur 2 man- drins en acier semi-rigide de courbure prédéfinie dont les extrémités sont de forme olivaire pour rendre l’insertion atraumatique (figure 1a). Chaque mandrin coulisse dans un trocart guide droit mais cependant flexible. L’ensemble est très fin puisque le diamètre extérieur du trocart guide n’est que de 0,3 mm (25 G). L’ingéniosité de ce dispositif consiste en la courbure du mandrin (figure 1b), qui permet d’orienter la sonde vers la narine et le passage dans les VL à la fois du mandrin et du trocart guide, qui est entraîné par une courbure en S du mandrin près de l’insertion du silastic (figure 1c). La mise en place est identique à la pose d’une IBCN clas- sique en manipulant le dispositif par le trocart guide et en veillant à maintenir le S du mandrin vers l’avant de façon à orienter l’extrémité de la sonde vers la narine. Le trocart est introduit jusqu’au contact du plancher des fosses nasales puis retiré de 1 cm pour que, dans l’idéal, l’extrémité inférieure du trocart émerge juste à la sortie du canal lacrymonasal (CLN). Tout en maintenant le trocart guide dans cette position, le mandrin est poussé dans les fosses nasales. La cour- bure antérieure du mandrin qui s’exprime à la sortie du trocart (qui lui, rappelons-le, est rectiligne) le dirige spontanément vers l’avant, dans l’idéal jusqu’à la sortie par la narine. Le mandrin est alors tiré à l’aide d’une pince, et avec lui le trocart et le silastic. Ce dispositif est assez efficace car le nombre de sorties spontanées du mandrin est importante ; cependant, il est illusoire d’espérer une sortie spontanée à 100 % lorsque l’on connaît les variations anatomiques des fosses nasales. Nous avons néanmoins constaté, sous endoscopie, que dans certains cas le mandrin se plante dans le plancher des fosses nasales ou part vers l’arrière. Dans d’autres cas, il peut traverser la muqueuse et cheminer sous celle-ci. Intubation autostable de Bigé ® (laboratoire FCI) Il s’agit d’une intubation bicanaliculaire strictement canaliculaire, c’est-à-dire qu’elle n’intéresse pas le CLN (figure 2a).

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Page 1: ouveautés en voies lacrymales - EDIMARK · Intubation Nunchaku®. a. C’est une intubation bicanaliculo nasale : la silicone est poussée par 2 mandrins métalliques. b. La mise

Figure 1. Intubation Lacri-Pearl®. a. L’extrémité est arrondie pour rendre l’insertion atraumatique. b. Le mandrin a une courbure prédéfi nie qui s’exprime à la sortie du trocart pour faciliter une extériorisation spontanée. c. Le mandrin présente un S qui va entraîner le trocart.

a b c

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Focus

Nouveautés en voies lacrymalesNew technics in lacrimal surgeryJ.M. Piaton, P. Keller(Hôpital des Quinze-Vingts, Paris)

L’ actualité en voies lacrymales (VL) consiste en de nouveaux dispositifs dus à l’ingéniosité française, tels que l’intubation bicanaliculonasale

(IBCN) Lacri-Pearl® (E. Sarfati) et l’intubation bicanaliculaire de Bigé® (P. Bigé).

D’autres dispositifs, bien que non récents et utilisés depuis longtemps à l’étranger, n’ont été que récem-ment mis à notre disposition : c’est le cas du ballonnet Ophtacath® et de l’intubation Nunchaku®. L’évolution de la technologie ne s’arrête pas aux dispo-sitifs implantables mais concerne également le matériel et l’évolution des techniques : l’intérêt de l’endo scopie nasale en pré-, per- et postopératoire n’est plus à démon-trer mais est confirmé par la plupart des lacrymo logues ; la microendoscopie lacrymale existe aussi depuis plu-sieurs années, mais la miniaturisation des endoscopes et la qualité des images s’améliorent.Sur le plan pharmacologique, nous parlerons de l’intérêt de la mitomycine dans les dacryocystorhinostomies (DCR).

Matériel

✔ Intubation Lacri-Pearl® (laboratoire MTO)Il s’agit d’une IBCN dont la conception est destinée à faciliter sa récupération dans le nez.Le dispositif est constitué d’un silastic serti sur 2 man-drins en acier semi-rigide de courbure prédéfinie dont les

extrémités sont de forme olivaire pour rendre l’insertion atrauma tique (figure 1a). Chaque mandrin coulisse dans un trocart guide droit mais cependant flexible. L’ensemble est très fin puisque le diamètre extérieur du trocart guide n’est que de 0,3 mm (25 G).L’ingéniosité de ce dispositif consiste en la courbure du mandrin (figure 1b), qui permet d’orienter la sonde vers la narine et le passage dans les VL à la fois du mandrin et du trocart guide, qui est entraîné par une courbure en S du mandrin près de l’insertion du silastic (figure 1c).La mise en place est identique à la pose d’une IBCN clas-sique en manipulant le dispositif par le trocart guide et en veillant à maintenir le S du mandrin vers l’avant de façon à orienter l’extrémité de la sonde vers la narine. Le trocart est introduit jusqu’au contact du plancher des fosses nasales puis retiré de 1 cm pour que, dans l’idéal, l’extrémité inférieure du trocart émerge juste à la sortie du canal lacrymonasal (CLN). Tout en maintenant le trocart guide dans cette position, le mandrin est poussé dans les fosses nasales. La cour-bure antérieure du mandrin qui s’exprime à la sortie du trocart (qui lui, rappelons-le, est rectiligne) le dirige spontanément vers l’avant, dans l’idéal jusqu’à la sortie par la narine. Le mandrin est alors tiré à l’aide d’une pince, et avec lui le trocart et le silastic.Ce dispositif est assez efficace car le nombre de sorties spontanées du mandrin est importante ; cependant, il est illusoire d’espérer une sortie spontanée à 100 % lorsque l’on connaît les variations anatomiques des fosses nasales. Nous avons néanmoins constaté, sous endoscopie, que dans certains cas le mandrin se plante dans le plancher des fosses nasales ou part vers l’arrière. Dans d’autres cas, il peut traverser la muqueuse et cheminer sous celle-ci.

✔ Intubation autostable de Bigé® (laboratoire FCI)Il s’agit d’une intubation bicanaliculaire strictement canaliculaire, c’est-à-dire qu’elle n’intéresse pas le CLN (figure 2a).

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Figure 2. Intubation de Bigé®. a. L’intubation n’intéresse que les 2 canalicules. b. Le maintien de l’intubation est dû au déploiement des ancres dans le sac. c. La mise en place se fait en poussant la silicone par des mandrins métalliques, qui pénètrent dans l’intubation près des extrémités.

a b c

Figure 3. Ballonnet Ophtacath®. a. Système complet comprenant une seringue à vis, un manomètre et le ballonnet. b. Vue grossie du ballonnet non encore gonfl é. c. Ballonnet à l’état gonfl é ; le diamètre pour adulte est de 3 mm.

a

b

c

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Figure 4. La valve de Hasner est la partie terminale, purement muqueuse, de la voie lacrymale verticale.

Canal lacrymonasal

Valve de Hasner

Sac

Elle est constituée par un brin de silastic dont les extré-mités se terminent par 2 petites ancres destinées à entrer dans le sac et à maintenir l’intubation en place (figure 2b). C’est une intubation dite “poussée” : la mise en place s’effectue en poussant l’intubation grâce à 2 mandrins métalliques qui pénètrent dans la silicone à proximité des ancres (figure 2c). Il convient d’utiliser un mesureur afin de choisir l’une des 3 tailles disponibles en fonction de la longueur des canalicules : 25, 30 ou 35 mm. Les indications théoriques sont les atrésies du point lacrymal et les sténoses canaliculaires.En pratique, il est assez difficile de mettre en place l’intubation en cas de sténose canaliculaire avérée ; elle est donc plutôt réservée à l’atrésie des points ainsi qu’aux rétrécissements canaliculaires modérés ou très localisés. La complication la plus fréquente est l’extériorisation spontanée, qui se produit malheureusement assez souvent.Cette intubation est intéressante car elle intube les 2 canalicules ; il est par ailleurs possible de la mettre en place au cabinet. Malheureusement, ce dernier avantage est contrebalancé en France par l’absence de rembour-sement par l’Assurance maladie.

✔ Ballonnet Ophtacath® (laboratoire FCI) Il s’agit d’un ballonnet expansible par injection de sérum physiologique au moyen d’une seringue à vis sous une pression contrôlée par un manomètre (figure 3). Le ballonnet existe en 2 dimensions : 2 mm après expan-sion pour les enfants et 3 mm pour les adultes.Ses indications sont les larmoiements de l’enfant, c’est-à-dire les sténoses situées au niveau de la valve de Hasner (VH), extrémité inférieure muqueuse du CLN, et les sténoses du CLN et de la VH chez l’adulte (figure 4).

Le mode d’utilisation est le suivant : 10 ml de sérum physiologique sont pompés dans la seringue ; la sonde est introduite, ballonnet dégonflé, dans la VL verticale

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Figure 5. Ballonnet Ophtacath® : dilatation de la valve de Hasner au moyen du ballonnet.

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Focus

par la technique de sondage habituelle jusqu’au premier repère qui correspond à la position du ballonnet au niveau de la VH. Le sérum est ensuite injecté par la seringue à vis et une pression de 8 atmosphères est maintenue pendant 90 secondes ; on recule ensuite la sonde jusqu’au deuxième repère (jonction sac/CLN) et on maintient une pression de 8 atmosphères pendant 60 secondes.Le dispositif existe avec un robinet à 3 voies pour prati-quer une procédure bilatérale.Les indications des ballonnets aux États-Unis sont les larmoiements de l’enfant où ils ont fait leurs preuves ; en France, leurs indications ont été étendues aux lar-moiements de l’adulte pour lesquels leur efficacité reste à prouver (étude en cours de P.V. Giacomet, fondation Rothschild). Les ballonnets Lacricath®, commercialisés aux États-Unis par Quest Medical, existent aussi en 5 mm, pour pratiquer des DCR trans cana liculaires (ils sont introduits dans un orifice fait par la perforation de l’os lacrymal par un dilatateur renforcé), et en 9 mm, pour les reprises de DCR où ils sont introduits par voie endonasale.Il faut du recul et des études sérieuses pour évaluer l’intérêt des ballonnets. Ce que l’on peut dire actuelle-ment, c’est qu’ils sont efficaces chez l’enfant mais, chez ce dernier, toute procédure permettant d’inciser/ dilacérer la VH (figure 5) est efficace : sondage, intubation mono- ou bicanaliculonasale, incision de la VH sous endoscopie nasale… sans qu’il soit besoin d’utiliser de ballonnet. Chez l’adulte, la procédure est certainement efficace quand l’obstacle se situe au niveau de la VH, mais qu’en est-il lorsque la sténose est située dans le CLN qui est enchâssé dans un étui osseux ? Que peut-on espérer de la durabilité d’un succès postopératoire immédiat ?

On peut se poser la question sachant que les ballonnets existent depuis 20 ans et qu’ils ne sont pas utilisés chez l’adulte aux États-Unis.Quant aux ballonnets de 5 mm utilisés par voie trans- canaliculaire, leur taux de succès ne doit sans doute pas excéder celui des DCR transcanaliculaires réalisées au laser ou avec des instruments classiques, c’est-à-dire 75 %, chiffre qu’il est difficile d’améliorer quand la crête lacrymale antérieure est respectée.L’utilisation de ballonnets de 9 mm par voie endonasale pour les reprises de DCR est certainement intéressante, mais malheureusement indisponible en France.

✔ Intubation Nunchaku® (laboratoire FCI) Il s’agit d’une IBCN “poussée”. Elle est constituée, pour les adultes, d’un tube de silicone central de 0,5 mm de diamètre et de 25 mm de longueur destiné à être positionné dans les VL horizontales, prolongé par 2 brins d’un diamètre double (soit 1 mm) mesurant 40 mm de long, qui occuperont la VL verticale. Pour les enfants, les 2 brins mesurent 32,5 mm de long au lieu de 40 mm.Deux sondes guides métalliques, pénétrant dans la sili-cone et cheminant à l’intérieur jusqu’à leur extrémité, permettent la mise en place de l’intubation. L’extrémité du tube en silicone est en forme de cône pour avancer plus facilement dans la VL (figure 6a). Trois repères sont gravés sur le tube de silicone : l’un à 10 mm de l’extrémité correspond à la distance entre le point lacrymal et l’entrée du sac, l’autre à 15 mm cor-respond à la distance entre le point et la paroi interne du sac, le dernier marque le centre de la sonde.La mise en place de la Nunchaku® se fait par la technique du sondage du canal lacrymonasal (figure 6b) ; le guide est avancé jusqu’au contact du plancher des fosses nasales. Il convient de rechercher un contact nasal avec le guide pour s’assurer de l’absence de fausse route. Le guide est ensuite délicatement retiré tout en maintenant le tube de silicone en place par une pince sans griffe ou avec un doigt. L’intubation de 32,5 ou de 40 mm sera choisie en fonc-tion de la mesure effectuée par une sonde de Bowman graduée introduite dans la VL jusqu’au plancher des fosses nasales. En effet, la pose d’une intubation trop courte ne débouchera pas dans le nez et celle d’une intubation trop longue aboutira à une boucle interpalpébrale trop longue nécessitant l’usage d’un endoscope nasal pour tirer le brin ou, si l’on n’en dispose pas, à l’impossibilité de laisser en place l’intubation. L’opération est répétée par le canalicule opposé ; la marque centrale de la sonde doit être visible entre les 2 points lacrymaux (figure 6c).

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Figure 6. Intubation Nunchaku®. a. C’est une intubation bicanaliculo nasale : la silicone est poussée par 2 mandrins métalliques. b. La mise en place se fait par la technique classique du sondage du canal lacrymonasal. c. Le centre de l’intubation est renseigné par une marque noire, qui doit se trouver entre les 2 points lacrymaux. d. Le maintien de l’intubation est établi par la diff érence de diamètre entre le brin central plus fi n que les brins périphériques.

a b c d

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Figure 7. Endoscopie nasale. a. Un endoscope de 4 mm de diamètre est utilisé pour l’explo ration du méat moyen. b. Un endoscope plus petit (2,5 mm) est utilisé pour l’exploration du méat inférieur.

a

b

Les indications sont celles de l’IBCN : larmoiement congénital, sténose des points lacrymaux, sténose loca-lisée et sans dacryocystite associée de la VL verticale. Il est déconseillé d’utiliser l’intubation Nunchaku® en cas de sténose canaliculaire car la résistance due au diamètre élevé de la silicone est souvent responsable de la perforation de son extrémité par le guide. Les avantages de cette intubation sont l’absence de récu-pération nasale des brins, cela rend la mise en place plus facile par l’absence de manœuvres endo nasales. C’est fréquemment cette récupération qui est douloureuse pour le patient et qui peut être éventuellement hémorragique. La facilité de mise en place permet une anesthésie locale le plus souvent. L’autostabilité et l’absence d’extériorisation sont d’autres qualités, dues à la différence de diamètre entre la partie canaliculaire fine et le reste de la sonde 2 fois plus épais, ce qui rend difficile la remontée de cette partie épaisse au travers des canalicules. De plus, même si la boucle interpalpébrale s’agrandit, elle n’a pas tendance à vriller et ne vient donc pas irriter l’œil. Les autres avantages sont un diamètre plus grand de la silicone (1 versus 0,64 mm pour les IBCN classiques) et l’ablation plus facile de l’intubation car il n’y a pas de nœud (figure 6d) dont le passage dans les canalicules peut être douloureux ou parfois entraîner une rupture de l’intubation avec rétention du nœud dans la VL.Le principal inconvénient est le risque de fausse route dû à l’absence de contrôle endoscopique de la bonne mise en place de l’intubation. La recommandation d’obtenir un contact nasal avec les trocarts ne suffit pas à éliminer la possibilité d’une fausse route au travers de l’os lacrymal ou du cornet inférieur, par exemple.

Par ailleurs, dans notre expérience personnelle, nous avons constaté un pourcentage non négligeable d’extériori sations.

Endoscopie nasale

L’endoscopie nasale est un outil devenu indispensable tant sur le plan diagnostique que chirurgical.Les endoscopes utilisés sont des optiques rigides de type Hopkins®, reliés à une caméra vidéo.Les 2 régions du nez qui nous intéressent sont le méat moyen, situé en face du sac lacrymal où va être pratiquée la DCR, et le méat inférieur, espace plus restreint situé sous le cornet inférieur, où débouche la VH. Il faudra donc disposer de 2 optiques différentes : d’un diamètre res-treint à 2,5 mm, la première permettra de se glisser dans le méat inférieur tandis que son extrémité, oblique à 30°, procurera une bonne visibilité de la VH ; d’un diamètre de 4,5 mm et d’un angle de 0°, la seconde sera idéale pour le méat moyen (figures 7a et 7b). En consultation, il faudra utiliser des gaines jetables et traçables pour recouvrir les optiques.

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a b c

Figure 8. Endoscopie nasale : variantes de la valve de Hasner. a. Valve de Hasner normale. b. Valve de Hasner anormale par sa taille trop petite et sa longueur anormalement grande. c. Valve de Hasner inexistante avec abouchement direct du canal lacrymonasal dans le méat.

Figure 9. Endoscopie nasale : suppuration et dilatation de la valve de Hasner (fl èche noire) quasi pathognomonique d’une lithiase.

Figure 10. Endoscopie nasale. Analyse de l’échec d’une dacryo-cysto rhino stomie. Il existe une synéchie en avant de l’ostium (fl èche noire) et une fermeture de l’ostium (fl èche blanche) par une repousse muqueuse enserrant l’intubation.

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Focus

✔ L’intérêt de l’endoscopie nasale en consultation est triple

▶ Intérêt diagnostique L’observation de la VH permet de fiabiliser les tests au colorant de Jones pratiqués pour situer l’origine pré- ou post sacale d’un larmoiement. La constatation d’anomalies de taille ou de forme de la VH (figures 8a à 8c) explique un larmoiement dû à la VH ; une suppuration au niveau de la VH est un signe quasi pathognomonique de la présence d’une lithiase ou d’un corps étranger (figure 9). Un cornet inférieur augmenté de volume, à la muqueuse inflammatoire, ou plaqué contre la paroi latérale, sera sans doute responsable d’un larmoiement par compression de la VH.Un remaniement post-traumatique des fosses nasales ou la constatation d’une chirurgie endonasale sinusienne ou du cornet inférieur, parfois oubliée, sera sans doute la cause du larmoiement. L’existence d’une rhinite importante fera rechercher une cause ORL, voire une sarcoïdose ; une nécrose cartila-gineuse évoquera une maladie de Wegener. La consta-tation d’une tumeur est exceptionnelle.

La raison de l’échec d’une DCR sera facilement et simplement diagnostiquée sans avoir recours à l’ima-gerie : fermeture de la muqueuse, synéchies (figure 10), granulomes (figure 11), ostium de taille insuffisante, sump syndrom, etc. Une ostéotomie mal placée est mise en évidence par les mouvements de la muqueuse nasale, créés par la pression d’un doigt dans la région du canthus interne correspondant à la zone de l’ostéotomie.

▶ L’analyse préopératoire des fosses nasales est importante Appréciation de l’étroitesse des fosses nasales, consta-tation d’une déviation de la cloison, d’une proéminence excessive du cornet moyen, d’une polypose…

▶ Les soins postopératoires sous endoscopie permettent un meilleur suivi Nettoyage des croûtes, ablation de l’attelle, ablation d’un granulome, appréciation de la taille de l’ostium et du bon fonctionnement de celui-ci par le test de Jones 1,

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Figure 11. Endoscopie nasale : fermeture de l’ostium par un bourgeon.

Figure 12. Microendoscope de moins de 1 mm de diamètre avec un canal irrigateur et un canal opérateur.

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diagnostic d’une ostéite, d’une greffe aspergillaire, d’une fermeture précoce de l’ostium qui pourra être levée par un sondage, enserrement de l’intubation par une repousse muqueuse faisant pratiquer son ablation par crainte d’une stricturotomie…

✔ Plan chirurgical L’endoscopie nasale permet de pratiquer les DCR endo-nasales ou transcanaliculaires. Elle permet de réaliser des gestes complémentaires concomitants : ablation de la tête du cornet moyen, ablation de polypes, correction d’une déviation de la cloison…Elle est très adaptée aux reprises de DCR par la compré-hension et la correction de la cause de l’échec : section de synéchies, réouverture de la muqueuse, agrandissement de l’ostéotomie, fraisage d’une ostéite… Elle autorise la certitude de la bonne mise en place d’une intubation du canal lacrymonasal et sa récupération atraumatique dans les fosses nasales. Elle permet la chirurgie de la VH, responsable du lar-moiement chez les enfants et chez certains adultes.

Microendoscopie lacrymale

Freinée par le prix et par la fragilité du matériel, elle est peu développée en France (S. Wannebroucq, Biarritz).Elle est certainement intéressante sur le plan diagnos-tique pour mettre en évidence des sténoses, des corps étrangers, des lithiases, des tumeurs, etc.Les microendoscopes actuels sont ceux utilisés pour les glandes salivaires ; ils sont d’un diamètre inférieur à 1 mm et semi-rigides ; leur vision est directe à 0°, ils comprennent un canal irrigateur et un canal opérateur (figure 12).

L’introduction se fait par un canalicule, et la progression s’effectue sous irrigation jusqu’à la VH. La visualisation se fait en progressant vers l’avant mais, parfois, une meil-leure visibilité du CLN est obtenue en rétrograde.Sur le plan thérapeutique, on peut utiliser certains instru-ments par le canal opérateur (sonde à panier, microforet, sonde de guidage, sonde laser) pour lever des sténoses localisées ou extraire des lithiases.

Mitomycine C (MMC) et DCR

L’intérêt de l’application de la MMC lors de la réalisation d’une DCR pour en améliorer le résultat, notamment lors des reprises, est à l’étude depuis plusieurs années. Malheureusement, les résultats des études sont contra-dictoires et ininterprétables. Pour notre part, et sur une petite série de 20 DCR endo-nasales de première intention et 15 reprises, nous avons constaté une augmentation du taux de succès à 100 % pour les DCR de première intention contre 92 % sans MMC, et un taux de succès inchangé pour les reprises (85 %). Naturellement, une série plus importante est nécessaire pour confirmer ces résultats. IIII

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec les laboratoires cités.

Pour en savoir plus…• Al Kadah B, Wolf G, Schick B. [Lacrimal systems endoscopy with a new endoscope system]. Laryngorhinootologie 2010;89(12):730-6.• Elmorsy SM, Fayk HM. Nasal endoscopic assessment of failure after external dacryocystorhinostomy. Orbit 2010;29(4):197-201.• Javate RM, Pamintuan FG, Cruz RT Jr. Effi cacy of endoscopic lacrimal duct reca-nalization using microendoscope. Ophthal Plast Reconstr Surg 2010;26(5):330-3.• Karkos PD, Leong SC, Sastry A, Assimakopoulos AD, Swift AC. Evidence-based applications of mitomycin C in the nose. Am J  Otolaryngol 2011;32(5):422-5.• Ragab SM, el-Koddousy MS, Badr M. Endocanalicular, high-pressure balloon catheter endoscopic dacryocystorhinostomy: a randomized controlled trial. Otolaryngol Head Neck Surg 2011;145(4):683-8.• Wielgosz R, Mroczkowski E. [Endonasal microscopic surgery of the lacrimal duct stenosis − long-term results]. Klin Oczna 2011;113(10-12):321-5.• Zappia RJ, Milder B. Lacrimal drainage function. 1. The Jones fl uo rescein test. Am J Ophtalmol 1972;74(1):154-9.