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Pé dagogié activé ét coopé rativé : vérs un praticién-chérchéur ré fléxif, coopé ratif ét cré atif
Connaissance du champ d’exercice : politique et pratique de la formation – Licence professionnelle
ingénierie de la formation des adultes - Florence Saint-Luc – [email protected] 25/09/20132013 SOMMAIRE
1. Introduction .................................................................................................................................. 2 2. La coopération : formes, conditions favorisantes et limites ............................................................ 3
2.1 Généralités ............................................................................................................................... 4 2.2 Coopération et théories de la communication ............................................................................ 4 2.3 Modélisation de la coopération ................................................................................................. 4 2.4 Les conditions de la coopération ............................................................................................... 5 2.5 Degrés de coopération et formes possibles ................................................................................ 6
2.5.1 L’organisation apprenante ................................................................................................. 8 2.5.2 L’intelligence collective .................................................................................................... 9 2.5.3 La communauté d’apprentissage ....................................................................................... 9
2.6 La dynamique de la confiance ..................................................................................................10 2.7 Les limites de la coopération dans les groupes d’adultes...........................................................12 2.8 Psychologie sociale et dynamique de groupe ............................................................................13
2.8.1 Styles de leadership et processus de groupe (Lippitt et White, 1947) ................................13 2.8.2 La cohésion dans les groupes ...........................................................................................14 2.8.3 Le changement social dans les groupes (Lewin, 1947) : la recherche-action ......................15
3. Du praticien réflexif, coopératif, créatif, au praticien-chercheur ...................................................16
3.1 Le praticien réflexif .................................................................................................................16 3.2 Le praticien coopératif .............................................................................................................17 3.3 Le praticien créatif et innovant .................................................................................................18 3.4 Le praticien-chercheur .............................................................................................................20
4. Lien entre recherche-action, coopération et professionnalisation ..................................................21
CONCLUSION..................................................................................................................................21 Bibliographie .....................................................................................................................................21
1. Introduction
Jean Houssaye (1993) a défini les relations entre pédagogie et formation, à travers une explicitation du triangle pédagogique dans l’ouvrage « La pédagogie, une encyclopédie pour aujourd’hui » :
Pour Jean Houssaye, toute méthode pédagogique privilégie deux aspects et en délaisse en troisième.
Dans ce triangle pédagogique, il situe trois principaux processus : enseigner, former et apprendre.
Selon les positionnements dans les côtés des triangles, Houssaye détermine 6 catégories de pédagogies.
2 cours vivant, ou cours dialogué. Apprentissage par imprégnation 3 Pédagogies libertaires inspirées par la psychanalyse : enseignant thérapeute dans la dynamique
relationnelle. Apprentissage par la recherche secondaire
4 pédagogies institutionnelles et non-directives : apprentissage par la recherche de construction d’attitudes et de production de normes de comportement.
Acquisition de connaissances, habiletés et compétences :
-à Summerhill, transmission traditionnelle de la connaissance
- PI : inspiration pédagogie active Freinet - pédagogie non-directive : toutes catégories d’apprentissages.
5 Pédagogies actives et de la construction des savoirs : initiative de l’élève, tâtonnement expérimental,
échanges, coopération de groupe. Apprentissage par la synthèse et la recherche.
Savoir
Elève Professeur
3
2
1
4
5
6
Cours vivant
Pédagogies libertaires inspirées par la
psychanalyse
Pédagogies non-directives
Pédagogie traditionnelle
magistrale
Pédagogies actives et de la
construction des savoirs
Méthodes interactives
6 Enseignement assisté par ordinateur, enseignement individualisé, pédagogie par objectifs
Il existe un axe privilégié, mais pour le maintien du processus, il faut laisser du jeu au deux autres : si ce
n’est pas le cas, le mort se met à faire le fou. Un processus pédagogique dans ce cas ne peut être univoque.
Les objectifs de l’unité d’enseignement ont été présentés le jour de la rentrée des étudiants en licence
professionnelle. Des formes de pédagogie active et coopérative sont proposées dans le cadre de cette unité
d’enseignement. Le premier cours est destiné à créer un esprit coopératif au sein du groupe, et à développer
la dimension participative et l’implication des apprenants dans le processus d’auto-formation coopérative grâce à :
- un jeu coopératif
- la présentation réciproque
- la lecture coopérative d’extraits de textes
- la définition des objectifs de la formation des étudiants dans le cadre de groupes.
L’ensemble est destiné à mettre en jeu un apprentissage coopératif, et analyser ensuite les processus,
en établissant des liens entre pratique et théorie : le vécu du cours est destiné à faire vivre de manière sensible des aspects qui pourront ensuite être mieux compris à un niveau plus abstrait, plus rationnel.
Voici les extraits de textes proposés à la discussion en groupes coopératifs.
La posture du formateur
« Le rapport à l’autorité a changé ; bien que l’enseignant demeure celui qui maîtrise le savoir de la
discipline, son autorité réside plus dans sa façon d’accompagner les élèves pour qu’ils construisent la leur. Sa posture a changé, il est à l’écoute, prêt à chaque instant à trouver le kairos, le moment
opportun, l’occasion à saisir pour faire passer le message. L’état d’esprit s’est modifié. On n’est plus
dans le « ex cathedra ». L’initiative personnelle prend de l’importance. Il s’agit de créer un partenariat. » (Barth, 2013, p. 28)
L’apprentissage coopératif « Dans cette perspective, apprendre n’est pas un acte solitaire. C’est dans l’espace même des
activités et du dialogue que le sens s’élabore, y compris le sens de l’activité elle-même. Pour que ce
dialogue puisse s’instaurer dans une classe ou un groupe, il faut qu’il y ait une attention conjointe,
rendue possible par une action conjointe qui porte sur un objet commun d’attention. L’action conjointe est initiée et structurée par l’enseignant qui offre un cadre de référence et un
accompagnement pour que les élèves puissent avoir accès au sens. » (Barth, 2013, p. 26-27)
Le rôle des apprenants
« L’apprentissage individuel passe par le groupe ; on apprend par et avec les autres. Le rôle de
l’élève change également. Il n’est plus un récepteur passif qui prend des notes en silence pour les
mémoriser par la suite. Il devient un membre actif de sa classe où il assume certaines responsabilités. Il adhère au projet défini en amont ; il participe ; il exprime ses interprétations ; il apporte sa pierre à
la recherche commune ; il écoute les autres ; il accepte qu’on questionne ses arguments et qu’on les
vérifie à la source. De fait, l’enseignant écoute les élèves pour comprendre ce qu’ils comprennent, il accompagne leur réflexion par le questionnement et leur offre des cadres conceptuels de référence
pour interpréter leurs expériences. Il s’agit d’apprendre ensemble, de créer une communauté
d’apprenants [...]. L’enseignant cède ainsi une part de sa place traditionnelle afin de laisser les élèves y contribuer davantage. Respect et confiance deviennent les maîtres mots. Son rôle est devenu plus
exigeant que dans un cadre traditionnel. » (Barth,p.28-29)
Des apports théoriques sont proposés ci-dessous pour approfondir ensuite les soubassements théoriques liés à la notion de coopération. Ils comportent un vocabulaire spécifique aux Sciences de l’Education qui
nécessite un temps d’appropriation qui pourra être facilité par des apprentissages coopératifs, permettant une
co-construction du sens.
2. La coopération : formes, conditions favorisantes et limites
La définition de la coopération, dans « le lexique des sciences sociales », de Madeleine Grawitz, est la
suivante :
« lat. cooperatio : participer avec d’autres à une œuvre commune. Implique une réciprocité des services (psycho
soc) Conséquence du fait social et de la division du travail. (éco.) Institutionnalisation d’une volonté commune :
« coopération économique européenne », service militaire « en coopération » (Grawitz, 1994, p. 91)
2.1 Généralités
Coopérer signifie opérer ensemble, avoir une œuvre commune. La coopération suppose la libre adhésion
de l’individu au projet d’une autre personne ou d’un groupe. Elle sous-entend la réciprocité, la parité de
statut : si celle-ci n’est pas constante, elle peut être de l’entraide mutuelle, c'est-à-dire le fait d’entrer dans des relations successivement en position haute et basse, sur un mode de complémentarité.
2.2 Coopération et théories de la communication
Ce point est essentiel au bon fonctionnement de la coopération. L’école de Palo Alto le décrit dans le
mode de communication comme antagoniste de la symétrie. Elle s’est intéressée à l’intégration de la théorie générale des systèmes dans les effets pragmatiques de la communication humaine, c'est-à-dire ses effets sur
le comportement. Dans « Une logique de la communication », P. Watzlawick, J. Helmick Beavin et Don D.
Jackson décrivent l’interaction humaine comme « Un système de communication, régi par les propriétés des systèmes généraux : la variable temps, les relations système-sous-système, la totalité, la rétroaction et
l’équifinalité. » (Watzlawick et Al, (1967-1972), p. 147). La notion d’homéostasie y est appliquée, en
distinguant rétroactions positives et négatives. Les rétroactions positives peuvent amener la destruction du système, son entropie, ou une amplification, une bifurcation, les rétroactions négatives ont un effet de
régulation visant à la stabilité, la néguentropie.
La problématique commune des chercheurs de cette école peut être formulée ainsi : à quelles conditions la
communication entre les êtres humains est-elle possible ? Quels sont les obstacles, les difficultés qui peuvent
la perturber ? Comment expliquer ses ratés, ses échecs ? Le point qui nous concerne ici est que les chercheurs de l'école de Palo Alto étudient l'interaction
communicative entre les membres d'un groupe, comment ils échangent des messages qui sont pour eux
significatifs. Toute communication est une interaction significative, verbale et non verbale, dans un contexte
défini, et elle met en jeu une pluralité complexe de codes et de modalités de leur application. Condition sine qua non de toute vie sociale humaine, cette interaction suppose un processus complexe d'acquisition des
règles de la communication. De ces règles, nous avons très peu conscience quand nous les appliquons.
L’interaction entre deux personnes se situe sous deux formes : la symétrie et la complémentarité, avec des variantes quand elle est manipulée par l’un au moins des protagonistes. Une interaction symétrique se
caractérise donc par l'égalité et la minimisation de la différence, tandis qu'une interaction complémentaire se
fonde sur la maximalisation de la différence. Dans l’interaction symétrique existe un effet de miroir, un
positionnement sur un mode égalitaire. Cela peut conduire à une surenchère destructrice, et peut donc amener des rétroactions positives, produisant l’emballement du système. L’interaction complémentaire se construit
sur une concordance des positionnements, même si l’un est placé en position haute, et l’autre en position
basse, comme dans la relation mère/enfant ou médecin/malade.
Transformer les relations de symétrie en relations complémentaires est un enjeu essentiel de la réussite de
la coopération. Paradoxalement, même dans un mouvement coopératif, il n’est pas suffisamment théorisé, analysé et appliqué, ceci pouvant conduire à l’explosion de groupes. Il est important de prendre en compte
ces phénomènes pour réguler la communication et faire du conflit sociocognitif une confrontation
coopérative féconde.
2.3 Modélisation de la coopération
Le thème de la coopération dans la pédagogie Freinet a été traité lors d’une rencontre régionale de l’Ecole
Moderne à Solliès-Pont, les 30 et 31 janvier 1993. Le groupe a échangé à partir de l’intervention de Jean Roucaute. L’ensemble les travaux a été restitué sous la forme d’une synthèse, parue dans le bulletin
pédagogique de l’IVEM n°33.
« Les relations au sein du groupe oscillent entre 4 pôles: l'auto-suffisance, la confrontation, la coopération et le
parasitisme. L'auto-suffisance et le parasitisme vont être remis en question par la confrontation. De la
confrontation à la coopération apparaît la notion de contrat. Lorsqu'il y a coopération, peut s'installer la notion de
mutualité. Elle peut glisser vers la solidarité, puis la "charité‚" (l'assistanat, à un niveau social) et au parasitisme
(un ou plusieurs individus s'inscrivent dans un groupe et profitent du travail des autres sans assurer la part qui leur
incombe (nt). Ce parasitisme se maintient grâce au cynisme.
Il peut se trouver en parallèle avec une
relation de soumission.
Figure 6 : Confrontation et
coopération A l'autre extrémité‚ de la coopération peut
s'installer le leadership, où une personne va apporter une compétence au groupe qui va lui
permettre une dominance momentanée sur un
sujet précis. Mais cette dominance peut se
transformer par une prise de pouvoir en
domination, qui à l'échelon suivant va se
transformer en auto-suffisance. Figer une
équipe risque de fixer le parasitisme ou
l'autosuffisance. » (Saint-Luc, 1993)
L’individu émet une idée sous la forme d’une hypothèse, d’un projet, d’une production. Elle représente
une impulsion pour le groupe, qui va permettre la verbalisation et le raisonnement, sous la forme d’une
expression coopérative. La coopération se construit quand le sujet a besoin du groupe pour se réaliser. L’impulsion, c'est l'idée (hypothèse, projet, production) de l'individu. C'est grâce au groupe qu'elle
peut être verbalisée puis raisonnée (elle devient l'expression coopérative). Il y a coopération quand le sujet a
besoin des autres pour se réaliser. L’impulsion va se transformer grâce à la confrontation, c'est à dire la mise en place d'un dispositif expérimental pour tester l'hypothèse, ou le renvoi critique du groupe. Les interactions
coopératives vont construire un « tâtonnement expérimental » conduisant à l’élaboration de lois validées par
le groupe coopératif qui seront confrontées au réel, dans des situations de communication ou
d’expérimentation, et pourront obtenir une infirmation ou une validation à plus grande échelle par la suite. Les groupes coopératifs sont constitués de personnes, et pas seulement d’individus (c'est-à-dire
d’opposition entre un et le collectif) : de tailles et de durées variables, ils se constituent autour de projets, et
se séparent lorsque le but est atteint. Il y a création d'un réseau, dont chacun est un élément, avec des relations comportant des niveaux variés d’implication entre les membres.
La vie coopérative permet l’instituant, et développe l’esprit critique, assorti de forces de propositions,
dans un esprit de création. Il s'établit un équilibre entre le groupe et l'individu. L'individu qui propose un projet, produit un objet, émet une hypothèse, reçoit un renvoi du groupe. Le groupe se trouve enrichi par
l'apport de la personne. La critique du groupe enrichit l'individu. Pour un même sujet, cette interrelation avec
enrichissement réciproque pourra s'effectuer plusieurs fois. Il y a là la réalisation du tâtonnement
expérimental; c'est cette démarche que l'on va observer dans la mise en place de la méthode naturelle. C’est l’ensemble de ces processus qui caractérisent les apprentissages coopératifs.
Ces apprentissages peuvent passer par l’entraide, ou le tutorat, qui reposent sur une posture asymétrique.
Une succession de postures peut permettre de ne pas garder la position haute ou basse, par une réciprocité éducative : échanges entre deux personnes en positions successives d’offres et de demandes, ou échanges
entre plusieurs personnes, qui ne rendent pas systématiquement l’aide à celui qui l’a apportée, mais qui
peuvent distribuer l’entraide sur un groupe (tableaux d’entraide mutuelle), pratiques en vigueur dans les
Réseaux d’échanges Réciproques de Savoirs. Mais elles reposent en général, sous les différentes formes, sur un esprit coopératif, une libre adhésion, une certaine solidarité, et semblent écarter la compétition.
2.4 Les conditions de la coopération
Selon Christophe Dejours (2009), parmi les conditions qui rendent possible la coopération, et donc le travail collectif effectif, il faut que :
- le travail de chacun soit rendu visible, intelligible aux autres ;
- cela suppose une prise de risque : se faire prendre ses idées par les autres, révéler ses failles, ses lacunes, utilisation contre soi des informations données aux autres… La confiance et la loyauté sont donc
nécessaires, ce qui repose sur une éthique.
- importance de la controverse et de la délibération : Il faut une grande confiance pour que les moments
de controverse et de délibération soient féconds :
« Travailler ensemble, coopérer, cela suppose qu'on mette en discussion, en débat, en controverse ces différents
modes opératoires, en vue de sélectionner et d'admettre ceux qui sont avantageux pour la coopération et de rejeter,
voire d'interdire ceux qui sont nuisibles à la coopération. C'est évidemment la difficulté majeure de la coopération.
Non seulement parce que la délibération exige du temps, mais parce que de la qualité de la controverse dépend en fin de compte la capacité du collectif à évoluer, à progresser dans ses compétences collectives. « (Dejours, 2013,
p.83).
leadership
Ces délibérations peuvent conduire à un consensus, mais ce n’est pas toujours possible. Dans ce cas, il est
important de pouvoir avoir recours à un arbitrage. Pour qu’il puisse être respecté, il faut que la personne qui le rend possède une autorité, une légitimité. Cela suppose donc une coopération verticale.
Si un accord se dégage d’un consensus, il devient normatif. Plusieurs accords normatifs forment des règles de travail. Lorsqu’un certain nombre de ces règles de travail sont stabilisées, elles deviennent des
règles de métier.
L’espace de délibération conduit à échanger et argumenter sur les façons de travailler. Cette activité de
délibération, base des règles de travail, cœur de la coopération, est une activité déontique. L’espace formel (réunions, briefings…) et l’informel (cafétéria, machine à café, cuisine… ) sont des espaces de délibération,
qu’il est importante d’articuler pour un bon fonctionnement. La convivialité est partie intégrante de la
coopération. La confiance est une condition sine qua non de la coopération.
2.5 Degrés de coopération et formes possibles
La suppression des espaces informels de délibération a des conséquences désastreuses :
« C'est encore sous la pression des gestionnaires que les espaces formels de délibération et l'activité déontique
sont, dans une méconnaissance stupéfiante, démembrés. L'introduction systématique des méthodes d'évaluation
individualisée des performances écrase inexorablement les espaces de délibération collective, au fur et à mesure
que chacun apprend à se taire et à se méfier des autres à cause des effets désastreux de la concurrence généralisée
qui va communément jusqu'à la concurrence déloyale entre collègues. » (Dejours, 2013, p. 89)
Selon Christophe Dejours :
« La peur et la déloyauté ont permis de continuer à dégraisser les effectifs sans que s'y opposent des mouvements
sociaux de résistance significatifs. D'où résulte un indéniable accroissement de la productivité et de la rentabilité
du travail vivant. Avec toutefois une contrepartie, bien sûr, en termes de santé, qui se traduit par l'aggravation gigantesque des pathologies de surcharge et des pathologies mentales allant désormais jusqu'au suicide. Mais les
coûts de ces « effets secondaires » de l'évaluation individualisée des performances sont externalisés ! (Sécurité
sociale) et ne pèsent pas sur le bilan des entreprises.
Il n'empêche: globalement, les nouvelles méthodes d'organisation du travail avec l'évaluation individualisée des
performances et la qualité totale remportent des succès qui supposent que l'intelligence collective soit
effectivement au rendez-vous de la gestion du décalage entre coordination et coopération.
Il semble donc exister deux manières bien différentes de mobiliser l'intelligence collective et la coopération. La
première repose sur la liberté de la volonté de s'impliquer dans le travail collectif, cette liberté étant stimulée par
différentes formes de gratification et de reconnaissance. La seconde repose sur la peur et la menace. » (Dejours,
2013, p. 91)
Il existe donc deux types de management, l’un qui favorise la coopération par l’activité déontique, grâce aux espaces de délibération collective, et l’autre qui repose sur la menace et la peur. Celui-ci, selon Dejours,
repose sur deux catégories de moyens :
- L’exploitation du gisement de compétences et savoir-faire collectifs antérieurs à l’évaluation
individualisée. Il s’épuise au fur et à mesure du départ des anciens.
- La coopération réduite à la recherche des compatibilités. Coopérer ici consiste à rechercher des compatibilités entre instances : ce peut être une personne de l’institution, mais aussi un client, ou encore
un objet technique. Une auto-organisation se crée dans la sphère de chacun, et la communication est
réduite au minimum. Elle repose sur un système de traces, servant à se justifier en cas de
dysfonctionnement. Cette coopération « machinique » déshumanise le monde du travail. Elle alourdit les tâches en multipliant les échanges par courriels, par exemple, et masque les difficultés que l’on n’ose pas
exprimer.
Si l’évaluation individuelle et la mise en concurrence génèrent un management par la menace et la peur,
quelle forme d’évaluation proposer ?
« J'ai personnellement des doutes sur la possibilité de proférer des jugements crédibles sauf dans les situations
qui se situent aux deux extrêmes du gradient: lorsqu'une coopération est vivante et efficace, à un pôle; lorsqu'elle
est défaite à l'autre pôle.
Entre les deux pôles, là où justement l'évaluation serait la plus attendue et la plus utile, il n'y a pas, à ce jour, de
méthode standardisée. La démarche d'évaluation est forcément lourde, dans la mesure où, pour juger de la
coopération, il faut passer par l'analyse de l'expérience du travail jusque dans sa part invisible, pour pouvoir
ensuite apprécier la façon dont les membres d'un collectif de travail sont capables de faire remonter cette
expérience jusqu'à l'espace de délibération collective, de la rendre intelligible et de la justifier vis-à-vis des autres;
la façon dont ils sont capables aussi d'écouter le point de vue des autres; la façon, enfin, dont ils respectent les
accords et les arbitrages qui scandent les temps de délibération collective.
Cette démarche, cependant n'est pas impossible. Mais elle suppose le recours à des tiers extérieurs formés à
l'écoute du « travailler » individuel et collectif, dont la participation sert de catalyseur à l'élaboration et à la
délibération de l'expérience du travail. En fait cette démarche d'évaluation fonctionne par elle-même comme un moyen d'accroître la connaissance et les compétences collectives. Elle est un moyen d'appropriation de
l'expérience collective du travail qui, de l'état tacite, peut par ce truchement passer à l'état de nouvelles
compétences collectives. En d'autres termes, il n'est pas possible de séparer l'évaluation de la coopération de la
démarche d'ensemble d'une entreprise en vue d'accroître la puissance de sa force de travail collective, ni de sa «
doctrine », comme on le verra plus loin. L'évaluation constitue un travail spécifique, mais elle fait partie intégrante
du travail proprement dit et constitue une étape dans l'évolution et l'ajustement de l'organisation du travail. Etant
donné la lourdeur de la démarche, elle ne peut pas être pratiquée tout le temps dans tous les secteurs d'une
entreprise en même temps. En revanche, moyennant certains dispositifs qui ne peuvent pas être, ici, explicités, il
est possible de faire un transfert des nouvelles compétences d'un service à l'autre par une voie courte. » (Dejours,
2013 ; pp 98-99)
Christophe Dejours mène des expériences à ce sujet actuellement. Pour que la coopération fonctionne, il
faut une rétribution symbolique : la reconnaissance. Cette reconnaissance peut être considérée comme une forme d’évaluation. Elle repose sur le jugement d’utilité et le jugement de beauté. Il détaille ces aspects de la
page 112 à la page 114 de son ouvrage.
La reconnaissance est la rétribution de la coopération. Elle passe par le jugement d’utilité et le jugement
de beauté. La reconnaissance passe par la construction rigoureuse de jugements. Ces jugements portent sur le travail accompli. Ils sont
proférés par des acteurs spécifiques, engagés directement dans la gestion collective de l'organisation du travail. Il est possible de faire
la distinction entre les différents types de jugements qui composent la reconnaissance: le jugement d'utilité, proféré essentiellement
par autrui sur la ligne verticale, c'est-à-dire par les supérieurs hiérarchiques et les subordonnés, éventuellement par les clients, et le
jugement de beauté, proféré essentiellement sur la ligne horizontale par les pairs, les collègues, les membres de l'équipe, ou les
membres de la communauté d'appartenance ou de métier.
Une autre forme de civilité: la coopération / II3
Ces jugements ont en commun une particularité : c'est de porter sur le travail accompli, c'est-à-dire sur le faire et non sur la
personne. Mais, en retour, la reconnaissance de la qualité du travail accompli peut s'inscrire au niveau de la personnalité en termes de
gain dans le registre de l'identité. Pour le dire autrement, la rétribution symbolique conférée par la reconnaissance peut prendre sens
par rapport aux attentes subjectives quant à l'accomplissement de soi. Mais la séquence génétique est ici capitale: reconnais sance du
faire d'abord, gratification identitaire ensuite.
Plusieurs remarques doivent être faites ici :
Le rapport entre mobilisation subjective de l'intelligence et accomplissement de soi passe nécessairement par une médiation, à
savoir: le rapport au réel que constitue le travail.
Le rapport entre identité et travail est lui aussi médiatisé: par autrui, dans le jugement de reconnaissance. Se dégage ainsi un triangle fondamental, celui de la dynamique de l'identité, que nous devons à François Sigaut 16.
Ce triangle prend en psychodynamique du travail, une forme spécifique.
114 / Travail et émancipation
La rétribution symbolique accordée par la reconnaissance procède de la production du sens qu'elle confère au vécu du travail. Le
sens auquel donne accès la reconnaissance est le sens de la souffrance dans le travail, dont nous avons vu qu'elle est originaire et
consubstantielle à toute situation de travail en tant qu'elle est d'abord confrontation aux contraintes systémiques et techniques, et plus
généralement à la résistance du réel à la maîtrise de la tâche (qui engendre inévitablement l'expérience de l'échec et de la souffrance).
La construction du sens du travail par la reconnaissance, en gratifiant le sujet par rapport à ses attentes vis-à-vis de
l'accomplissement de soi (édification de l'identité dans le champ social), peut transformer la souffrance en plaisir. Cette
transformation de la souffrance en plaisir par la médiation du travail s'oppose point par point à la dynamique du masochisme
(érotisation directe de la souffrance).
Cette reconnaissance peut être la condition de la création d’une organisation apprenante.
2.5.1 L’organisation apprenante
Pour Peter Senge, l’apprentissage peut être collectif, et développer une forme d’intelligence fondée sur
l’intersubjectivité. Cet apprentissage collectif peut être situé dans des organisations apprenantes ou des
communautés d’apprentissage. Pour Bruner, c’est l’apprendre et le penser qui sont des activités situées ; elles sont inscrites dans une
culture.
« Ainsi, la culture, même si elle est elle-même un produit humain, façonne, en même temps qu'elle les rend
possibles, les activités d'un esprit spécifiquement humain. Dans cette perspective, apprendre et penser sont des
activités toujours situées dans un cadre culturel, et elles dépendent toujours de l'utilisation de ressources
culturelles. Il n'est pas jusqu'aux variations individuelles dans la nature ou l'usage de l'esprit qui ne puissent être
attribuées aux diverses possibilités que proposent différents cadres culturels, même si ce ne sont pas les seules
variables du fonctionnement mental. » (Bruner, 1996, p.18)
L’apprentissage situé se fait dans l’intersubjectivité. Il y a un «choc des pensées » qui est à l’origine de la
réflexion comme processus dynamique d’intégration des points de vue. La centration serait à l’origine du
processus du « Faire œuvre » individuel (processus introspectif), alors que la confrontation des points de vue, par la négociation de sens, serait à l’origine de la décentration. Elle serait ainsi porteuse d’interaction sociale
et de lien social fort. L’apprentissage est situé dans un quotidien culturel, mais il peut être aussi situé comme
étant celui qui se fait dans les communautés, à l’opposé de l’apprentissage scolaire, en contexte, autour d’échanges ouverts sur des problèmes communs concrets. Il est contextualisé au sein d’un domaine d’action,
et lié aux buts à court et à long terme des individus, à leurs raisons d’agir et aux sentiments qui leur sont
associés.
Les apprentissages au sein d’un groupe coopératif en font une organisation apprenante. Ce concept est utilisé dans des milieux professionnels et de recherche. Jeanne Mallet en distingue deux sens :
- Le premier est lié à l’apprentissage individuel.
- Le deuxième établit un lien entre apprentissages individuels et apprentissage collectif, au sein d’un système vivant ouvert et auto-éco-organisé,
« système dans lequel les principes de dialogie, de récursivité et d’hologramme, chers à Edgar Morin, pourront être retrouvés, ainsi que des phénomènes de nouvelles propriétés émergentes. » (Mallet, 1998)
Cette émergence née de l’intelligence collective peut être aperçue en filigrane dans les propos de Freinet,
en 1937, quand il considère que c’est de la confrontation que surgiront les orientations à proposer aux éducateurs et aux pouvoirs publics.
Michel Liu a écrit en 2003 un article sur « La recherche-action et la constitution des acteurs sociaux ».
Pour lui, toute recherche-action débouche sur l’émergence de personnes ou de collectifs qui deviennent des acteurs sociaux, alors qu’ils ne l’étaient pas au départ. Le projet de recherche-action repose sur une volonté
de transformation sociale, et sur l’élaboration de connaissances (voir plus loin le paragraphe sur la recherche-
action). Ce processus s’effectue car la recherche-action développe petit à petit des compétences en termes
d’existence et d’action sociale. Pour créer ces transformations, il est nécessaire d’inciter à faire des
apprentissages en créant des situations permettant d’articuler l’individu et le groupe. L’évolution produite par cette création de situations d’apprentissage en vue du changement a été analysée
par M. Liu, sous la forme d’une série de 5 étapes : à la 4ème
étape, les groupes qui coopèrent, constituent une
organisation apprenante. La dernière étape confère le statut d’auteur au sein de groupes, créations dans la construction d’une organisation multiculturelle.
L’intelligence collective est une des caractéristiques de cette construction.
2.5.2 L’intelligence collective
Peter Senge aborde ce concept sans réellement le nommer en 1991, dans « La cinquième discipline ». Il est présenté dans deux livres publiés à peu près au même moment, en 1994, mais abordant la question sous
deux angles différents. Le premier est celui de Bonabeau et Théraulaz, qui définissent l’intelligence
collective comme la capacité d’un groupe à résoudre collectivement un problème, ce dont un agent isolé ne serait pas capable. Ils fixent quatre propriétés émergeant des interactions entre individus et permettant de
dépasser par exemple les faibles capacités cognitives des insectes. Dans le livre de Bonabeau et Théraulaz, la
notion d’intelligence collective est volontairement restreinte à des agents ou des systèmes d’intelligence artificielle distribuée, systèmes multi-agents. Elle émergerait des interactions entre individus. Partant de
l’exécution de tâches réputées complexes, ils s’intéressent aux actions, modes de communication, de
coopération et de compétition mises en œuvre par les membres de groupes. Ils déterminent que l’intelligence
manifestée dans ces situations émerge des interactions des « agents ». Pierre Lévy utilise aussi le concept d’intelligence distribuée, mais semble dépasser l’idée d’agent pour
aller vers les acteurs ou auteurs de ces phénomènes. Il s’intéresse au monde des relations humaines et à
l’aspect coopératif.
« Chaque être humain est, pour les autres, une source de connaissances. « Tu as d’autant plus à m’apprendre que
tu m’es étranger. » L’intelligence collective n’est donc pas la fusion des intelligences individuelles dans une sorte
de magma communautaire mais, au contraire, la mise en valeur et la relance mutuelle des singularités.
Actuellement, non seulement les structures sociales organisent souvent l’ignorance sur les capacités des individus,
mais elles bloquent les synergies transversales entre projets, ressources et compétences, elles inhibent les coopérations. Pourtant, la multiplication des intelligences les unes par les autres est la clef du succès économique,
à l’échelle aussi bien des régions que des entreprises. Ce serait également une des voies du renouveau de la
démocratie.» (Lévy, 1995)
Lévy associe donc coopération, intelligence collective et démocratie. Olfa Zaïbet, ATER à l’université de Nice Sophia Antipolis, travaillant à l’Institut d’Administration des Entreprises, a publié sur Internet un
article, « Collaboration dans l’entreprise et intelligence collective ». Elle donne la définition suivante de
l’intelligence collective, en page 15 :
« Ensemble des capacités de compréhension, de réflexion, de décision et d’action d’un collectif de travail à taille
humaine issu de l’interaction entre ses membres et mis en œuvre pour faire face à une situation donnée présente ou
à venir. » (Zaïbet, 2006, p.15)
Selon elle, pour parvenir à une capacité à innover en même temps qu’à une réflexivité dans la formation,
dans la recherche, ou dans tout groupe, une des voies possibles pourrait être le fonctionnement suivant :
- s’autoriser à présenter son travail, à recevoir des retours des autres, sachant que le groupe s’implique dans la recherche de la dysfonction, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif, sans normativité, sans
contrôle de conformité,
- après avoir pointé des aspects positifs et négatifs, dégager des pistes constituant des points d’appui permettant de surmonter la difficulté, dans une mise en œuvre de l’intelligence collective, pour
éventuellement atteindre un objectif commun, construire une œuvre commune.
Les critères de construction d’une dynamique de confiance et de coopération, ainsi que les indicateurs de
l’intelligence collective, permettraient de suivre l’évolution du groupe. Des allers retours entre théorie et pratique dans l’expérience vécue pourraient être des éléments transférables dans d’autres contextes.
Cette intelligence collective peut fonctionner dans le cadre d’une communauté d’apprentissage.
2.5.3 La communauté d’apprentissage
Mélanie Bos-Ciussi s’est intéressée à ce concept dans le cadre de sa thèse, en 2007. Pour Wenger, en
1998, des processus d’apprentissages situés et de construction identitaire se réalisent à l’intérieur de
communautés. Le niveau d’engagement amène de la notion du groupe à celle de la communauté. Cet engagement peut donc ici être déterminé en fonction de la force du lien. La transformation d’un réseau ou
d’un groupe en communauté passe par la construction d’une culture commune. Cela se fait d’autant mieux
que le groupe devient coopératif, c'est-à-dire capable de mener de pair des projets individuels et un projet
collectif, portés par l’envie de s’accomplir dans une ou plusieurs œuvres, et dans une co-élaboration de
normes et de sens. Cette création comporte une dimension d’originalité. L’œuvre, dans la vision de Meyerson, considéré
comme un psychologue culturel important par Bruner, rejoint ici la notion de travail.
« Ce qui se traduit dans les notions de travail, d’expérience, d’œuvre, c’est donc la participation de l’homme au
milieu physique et social, avec tout ce que cette participation implique d’actions réciproques, et la construction par
lui d’un monde, de mondes humains, mondes médiats : sa création. (Meyerson, 1987, p.70) »
La coopération suppose le travail sur une œuvre commune. S’appuyant sur la définition précédente, la
notion de « Faire œuvre » peut être entendue comme la puissance de création propre à l’individu. Cela
correspond à ce que Nicolas Go appelle « Puissance de vie », proche de la notion d’élan vital de Bergson
(1941). Faire œuvre s’appuie sur les apprentissages individuels et sociaux; ils mettent en jeu et en tension les notions d’autoformation, ou autoréférence, hétéroformation et coformation, notions incluses dans
l’hétéroréférence.
La coopération suppose la création d’une dynamique de la confiance, comme l’a précisé Christophe Dejours. Mais sur quoi peut-elle reposer ?
2.6 La dynamique de la confiance
Gilles Le Cardinal, Jean François Guyonnet, Bruno Pouzoullic, trois auteurs de l’université technologique de Compiègne ont publié un ouvrage en 1997 : La dynamique de la confiance Construire la coopération
dans des projets complexes. La suite de ce paragraphe est un ensemble d’extraits situés de la page 166 à la
page 169. PRINCIPE DU « UN TOUT SEUL PAS CAPABLE »
Il rappelle que, dans un système complexe, personne ne peut construire seul une représentation pertinente
ni tout maîtriser de façon autoritaire. Le projet complexe a besoin de tout le monde. Un acteur seul ne dispose que d'une information incomplète et d'une rationalité limitée. Cela n’enlève rien au pouvoir du
décideur, cela souligne simplement la façon dont il doit exercer son pouvoir c'est-à-dire en coopération
confiante avec le groupe projet.
PRINCIPE DE MODÉLISATION PERMANENTE
La conduite d'un projet complexe ne peut s'appuyer que sur un processus de modélisation permanente
auquel tous les acteurs sont appelés à participer. Ainsi la modélisation intègre un maximum de points de vue. Elle permet de disposer d'une représentation commune favorisant la communication et la coopération. Elle
génère une intelligibilité accrue du système pour l'ensemble des participants. Cette modélisation doit être
capable de mettre à jour les contradictions, les paradoxes et les dilemmes cachés en contribuant ainsi à une intelligibilité accrue de tous sur les risques du projet. Elle est de nature à aider les acteurs à développer une
attitude positive, active et inventive pour leur faire face. Elle permet à l'équipe de disposer en permanence
d'un tableau de bord actualisé.
PRINCIPE DE L'INVENTAIRE, DES PEURS, ATTRAITS, TENTATIONS
Une façon particulièrement performante de faire émerger les dilemmes cachés dans le système consiste à
énoncer les sentiments de peurs, d'attraits et de tentations possibles de tous les acteurs. Cela permet en outre de refaire circuler la parole entre les participants, tout en créant un langage commun.
PRINCIPE DU MICRO/MACRO ACTEUR
Chaque acteur doit posséder un double point de vue sur le projet en cours, grâce à sa participation à la
définition du projet. Le premier niveau concerne sa tache personnelle qu'il doit conduire avec compétence
vers les objectifs qu'il s'est fixé, en étant capable d'en rendre compte à tout moment à l'ensemble du groupe-
projet. Il doit en outre posséder une vision globale du projet, de son état d'avancement, et des problèmes ren-contrés. Il peut alors devenir à la fois l'ambassadeur du projet dans toutes ses relations avec l'extérieur et
l'informateur des changements internes et externes à prendre en compte pour la bonne marche du projet. Il
favorise ainsi l'actualisation de la modélisation du système. Il doit pouvoir passer rapidement d'un point de vue « micro » à un point de vue « macro » qu'il cherche à concilier en permanence
l.
PRINCIPE D'ATTENTION À LA DYNAMIQUE DE LA CONFIANCE Les acteurs sont tous coresponsables d'une gestion rigoureuse de la confiance qui s'établit entre les
différents acteurs. Ils évalueront en permanence les niveaux de confiance :
-dans leurs compétences à hauteur des expériences ;
-dans leurs capacités à établir des relations coopératives ;
-dans leurs capacités d'initiatives et d'autonomie personnelle ; en les comparant aux enjeux des situations d'interactions.
PRINCIPE DE LA SÛRETÉ DE LA COOPÉRATION COMPLEXE Ce principe tient évidemment une place particulière dans notre démarche, c'est pourquoi nous nous y
arrêterons davantage. En effet, notre but est bien d'améliorer la coopération entre certains acteurs ou groupes
d'acteurs engagés dans un système complexe.
Prenant appui sur la théorie de la sûreté des systèmes techniques, nous nous proposons d'étendre les
concepts de fiabilité, de maintenabilité, de disponibilité et de sécurité à la coopération interpersonnelle elle-
même. Nous partons encore une fois de l'idée que chaque acteur impliqué dans un projet a le choix de coopérer
ou de ne pas coopérer à chaque instant, à chaque étape, en chaque lieu, et avec chacun des participants. La
coopération est donc un processus instable qui risque à chaque instant de se détériorer en non-coopération, en compétition, voire en conflit ouvert. Nous déduisons de ces prémices les définitions suivantes.
Fiabilité de la coopération
Capacité de compter sur la coopération de tous, nécessaire à la réussite pendant toute la durée du projet. Il s'agit de rester, sans jamais en sortir, dans une logique de coopération mutuelle en dépit des dilemmes
successifs rencontrés pendant toute la durée du projet. Compte tenu du fait que des impondérables et des
aléas peuvent se produire, la fiabilité de la coopération devra se fonder soit sur un projet très fructueux, soit sur des prises de garanties importantes, soit sur une confiance proportionnée aux risques que l'on estime
pouvoir rencontrer lors du déroulement du projet.
Maintenabilité de la coopération
Capacité de rétablir la coopération interrompue avant le temps où elle sera de nouveau indispensable à la
réussite du projet.
On souhaite ici être capable de revenir à la coopération mutuelle, soit après la trahison d'un acteur, soit après une non-coopération mutuelle, soit après l'interruption du projet. Le problème est alors de résoudre un
conflit et de réparer ses conséquences ou de pouvoir redémarrer de façon coopérative un projet arrêté.
Disponibilité de la coopération
Capacité d'obtenir la coopération de tous à une étape quelconque du projet.
Cette qualité consiste donc à être assuré de se trouver, à une étape donnée, dans la coopération mutuelle,
indépendamment des événements du passé. Ce qui compte ici, c'est d'obtenir le concours de tous à un moment jugé important. C'est lié au moment où le besoin s'en fait sentir, à la capacité de remobilisation et
réunification d'une équipe qui a pu se démotiver, se disperser ou s'agresser dans le passé.
Sécurité de la coopération
Capacité d'éviter l'apparition de rupture de coopération aux conséquences catastrophiques pour le projet
ou pour les acteurs. L'important est ici que l'on puisse compter sur la coopération de tous aux moments dangereux du projet,
moments où on risque l'échec et donc de tout perdre.
*Améliorer la fiabilité de la coopération revient à augmenter la confiance des acteurs dans le système, dans les autres acteurs et dans le projet commun. C'est aussi être capable d'évaluer la stabilité de la
coopération et de la comparer aux risques inhérents au projet.
Savoir assurer la maintenance de la coopération, c'est se doter d'une méthode de résolution de conflits
acceptée de tous et dont on connaît l'opérationnalité.
Pouvoir compter sur la disponibilité de la coopération c'est avoir fait un travail de fond pour motiver les
acteurs, facile à réactiver en cas de besoin grâce à des traces bien mémorisées et rapidement exploitables. Garantir la sécurité de la coopération, c'est, après avoir étudié à l'avance les risques encourus par le
fonctionnement du système, élaborer puis mettre en place les moyens de prévention des dangers, de
protection des acteurs et du projet en cas de défaillance.
L'objectif sûreté de la coopération est donc un vecteur à quatre composantes : fiabilité, maintenabilité, disponibilité, sécurité que nous avons tenté de mieux expliciter.
Il propose une méthode appelée PAT miroir, Peur Attrait Tentation, pour permettre la mise en œuvre de la
coopération grâce à une dynamique de la confiance.
Christophe Dejours aborde également la question des limites de la coopération dans les groupes d’adultes
sous une autre forme.
2.7 Les limites de la coopération dans les groupes d’adultes
Les limites de la coopération sont liées à la nature humaine qui détermine des motivations de manière
paradoxale. Ainsi, selon Christophe Dejours,
« Si la satisfaction pulsionnelle est au rendez-vous de la coopération, elle ne relève pas en première intention
d'un mouvement « altruiste ». L'implication dans la coopération renvoie bien plutôt à des pulsions égoïstes ou
égoïques, c'est-à-dire à l'économie du narcissisme et non à celle de l'investissement objectal. Si les individus
s'engagent dans la déontique du faire, c'est parce qu'ils en attendent des satisfactions dans le registre de la
protection de soi, voire de l'accomplissement de soi.
Protection de soi dans la mesure où l'implication dans la déontique du faire est un moyen de négocier les
conditions favorables à la lutte pour la préservation de l'identité; accomplissement de soi dans la mesure où la
déontique du faire est aussi un chaînon intermédiaire essentiel de la lutte pour la reconnaissance. La coopération qui exige des liens de civilité et de convivialité ne présuppose pas l'altruisme chez les membres du collectif de
travail ou de la communauté d'appartenance. Elle permet plutôt de faire coexister et vivre ensemble les égoïsmes,
en passant par l'élaboration de compromis négociés entre les individus du collectif. C'est sans doute ici que réside
la puissance extraordinaire du travail vis-à-vis de la socialisation: rendre possible la coopération des égoïsmes
dans la concorde. » (Dejours, 2013, pp. 103-104)
Il s’appuie sur Freud pour aborder une des limites de la coopération.
« Je me suis une fois occupé du phénomène selon lequel, précisément, des communautés voisines et proches
aussi les unes des autres par ailleurs se combattent et se raillent réciproquement [ ...]. J'ai donné à ce phénomène le
nom de "narcissisme des petites différences. » Et, de fait, si l'activité déontique propre à la coopération constitue
une ressource magnifique pour forger entente et solidarité à l'intérieur d'un collectif, cela ne préjuge pas des
incidences de la coopération sur ceux-là qui n'appartiennent pas au collectif. C'est ainsi que la clinique du travail
n'épargne pas toujours au chercheur un malaise vis-à-vis des injustices commises au nom de ladite solidarité,
contre des collectifs plus faiblement organisés qui ne parviennent pas à se défendre ». (Dejours, 2013, p.122)
Ce narcissisme des petites différences peut ainsi conduire des organisations à se scinder en groupuscules
qui peuvent conduire à son éclatement.
La reconnaissance peut constituer un piège parfois, en entraînant une dépendance.
« Effectivement les rapports entre identité et autonomie sont loin d'être univoques. Il est certain que faute
d'identité suffisamment fondée, il ne peut pas y avoir d'autonomie. Mais la reconnaissance ne donne aucune garantie d'acheminer le sujet vers l'autonomie. Dans certains cas, au contraire, la reconnaissance fonctionne
comme un piège: le sujet devient progressivement captif de la reconnaissance dont il bénéficie, même si cette
reconnaissance, il la doit à son travail. C'est qu'ici le processus d'appropriation personnelle de la reconnaissance ne
fonctionne pas ou ne fonctionne pas bien: tant que la reconnaissance est au rendez-vous du travail en commun,
l'identité semble stable et le sujet préserve sa santé mentale. Que la reconnaissance lui soit retirée, du fait d'un
remaniement de l'organisation du travail ( « changement de structure », réorganisation managériale, etc.) ou d'une
crise du collectif, voire d'une menace de mise au placard ou de licenciement. ..et sa santé mentale se trouve
aussitôt remise en cause. La décompensation s'annonce, la dépression guette ( ou bien le syndrome de persécu-
tion), la tentative de suicide n'est pas toujours exclue.
Sans arriver toutefois jusqu'à cette extrémité des formes de décompensation, il apparaît que, tant que
l'appropriation personnelle de la reconnaissance n'est pas achevée, la lutte pour l'identité témoigne plutôt d'une vulnérabilité qui s'oppose à l'autonomie. Vulnérabilité qui se traduit par une tendance à l'opportunisme, voire à la
soumission, par peur de perdre la reconnaissance dont le sujet ne peut pas se passer, sous peine d'y perdre son
intégrité psychique. C'est précisément ce que Honneth a abordé sous un angle particulier dans un texte complexe
de 1992 : « Anerkennung als Ideologie » ( « La reconnaissance comme idéologie » ). » (Dejours, 2013, p. 126)
Cette dépendance est liée à la peur de la solitude.
Une autre limite de la coopération est liée à la situation d’horizontalité de la délibération collective.
Quand il n’est pas possible de trouver un consensus, la confrontation coopérative peut tourner parfois à l’affrontement. L’institution peut alors être menacée d’effondrement. Il est alors nécessaire de faire appel à
une forme de coopération verticale, pour effectuer un arbitrage lié à l’autorité.
« L'arbitrage ( ou la décision) est rationnel s'il est effectivement prononcé par référence à la délibération
collective. Il est structurant pour le collectif et la coopération si, et seulement si, celui qui le prononce se tient pour
comptable de ses conséquences, qu'elles soient favorables ou défavorables.
La qualité du travail d'un chef est spécifiquement liée à son art d'arbitrer. Elle procède de sa capacité à assumer,
dans la durée, face à ses subordonnés, la responsabilité de ses décisions et leurs conséquences. Dans la mesure même où existe une volonté collective d'agir ensemble et de coopérer, ce sont les acteurs de la délibération et de la
confrontation des opinions qui ont le plus souvent besoin de l'arbitrage et qui le réclament finalement, en sorte
qu'un terme soit mis à une discussion qui n'en finit plus et devient stérile.
Surgit ici une difficulté: dans la délibération collective, le chef s'implique comme ses subordonnés et s'expose au
risque de dédifférenciation, c'est-à-dire de devenir une voix comme les autres et d'entrer avec ses subordonnés
dans une relation d'égalité.
Pour être en position d'arbitrer, la voix du chef a alors besoin d'une augmentation qui lui confère un statut
différent des autres, des égaux; un supplément qui fasse de cette voix une voix supérieure à celle des autres. Ce
supplément, c'est l'autorité.
Il semble nécessaire de l'admettre: tout sujet qui prétend vouloir s'impliquer dans un collectif, dans des liens de
coopération ou dans une œuvre commune, n'est conséquent avec son vouloir que s'il reconnaît l'utilité, voire la nécessité, d'une autorité dont la fonction consiste à arbitrer. Arbitrer et non exercer le pouvoir. Car arbitrer, c'est
travailler, pour autant que l'arbitrage n'est rationnel que s'il est nourri par -et fondé sur -l'exercice d'une aptitude à
écouter et à entendre la voix, l'opinion des autres. L'« écoute risquée » relève, à part entière, de l'ordre de la
technique et s'inscrit dans un travail. La capacité d'écouter et d'entendre constitue la première pierre sur laquelle se
fonde l'autorité, c'est-à-dire sur un savoir-faire spécifique. Mais il est facile de comprendre que cette aptitude à
entendre soit indissociable d'une compétence fondée sur l'expérience du « travailler » ou encore sur la
connaissance des activités des membres du collectif qui participent à la délibération collective. Car la
reconnaissance suppose au préalable la connaissance de ce qui est à reconnaître. Lorsqu'un chef, en plus de son
aptitude à écouter et à décider, peut faire la preuve de compétences techniques dans les domaines où œuvrent ses
subordonnés, alors son autorité est acceptable par ces derniers. Si de surcroît il lui arrive d'apporter son aide et son
expérience à celui des subordonnés qui est en difficulté ou qui hésite dans la marche à suivre, alors l'autorité n'est
pas seulement acceptée, elle est reconnue par les subordonnés.[ …]
L'autorité fondée sur la compétence professionnelle est un moyen puissant d'accroître la concorde et le pouvoir
d'agir du collectif de travail. Elle se distingue de l'autorité octroyée par le statut en ceci que cette dernière est
seulement conférée par le " haut, tandis que l'autorité fondée sur la compétence (à apporter de l'aide) est conférée
par le bas. » (Dejours, 2013, pp. 141-143)
Cette autorité conférée par le bas donne un statut de leader, notion issue de la dynamique de groupe.
2.8 Psychologie sociale et dynamique de groupe Nous allons présenter maintenant quelques-unes des recherches les plus importantes sur les groupes. Il s'agit des
travaux que l'on peut considérer comme les références incontournables sur ce thème, présentées par Jean-Claude Abric,
dans son ouvrage Psychologie de la communication Théories et méthodes, de la page 85 à la page 91
2.8.1 Styles de leadership et processus de groupe (Lippitt et White, 1947)
Ces auteurs ont réalisé leurs recherches en 1939-1940 sur des groupes d'enfants américains d'une dizaine d'années
fréquentant des clubs de loisirs. Les observations portent sur des périodes assez longues (plusieurs semaines) et ont
pour objectif d’étudier les relations entre type de commandement et phénomènes de groupe, Trois types de leadership
sont alors définis qui vont correspondre aux comportements de l'adulte responsable du groupe.
Leadership autoritaire "
Les décisions concernant le travail et l'organisation du groupe sont prises par le responsable seul, au fur et à mesure
de l'évolution des activités, Les décisions ne sont ni justifiées, ni explicitées par rapport à une progression. Les critères
d'évaluation du chef ne sont pas connus. Enfin il reste à l'écart de la vie du groupe, n'intervenant que pour canaliser le
travail ou faire des démonstrations en cas de difficulté.
Leadership démocratique
Les décisions résultent des discussions provoquées par le leader et tiennent donc compte de l'avis du groupe. Elles
sont articulées par rapport à une progression, chaque étape étant donc clairement située et finalisée. Par ailleurs ce
dernier explicite les jugements qu'il porte et les justifie. Quand un problème se pose il suggère toujours plusieurs
alternatives entre lesquelles le groupe a le choix. Sans trop participer lui-même aux activités, il s'efforce d'être intégré à
la vie du groupe.
Leadership laissez faire
Après avoir précisé les moyens et le matériel dont dispose le groupe, le chef adopte un comportement passif. Le
groupe jouit donc d'une totale liberté tout en sachant qu'il peut néanmoins faire appel au responsable. Ce dernier ne juge, ni n'évalue. Sa présence est amicale mais il n'intervient qu'à la demande, prenant un minimum d'initiatives.
Les résultats obtenus montrent clairement que le type de leadership affecté à un groupe détermine l'ensemble de ses
comportements émotionnels, sociaux et cognitifs.
C'est ainsi que dans les groupes à commandement autoritaire dominent des comportements soit d'apathie, soit
d'agressivité. Le climat socio-affectif de ces groupes est mauvais, la cohésion faible, les tensions internes fortes
favorisant la création de sous-groupes. L'agressivité ne pouvant se libérer sur le responsable est alors détournée vers certains membres du groupe ou vers l'extérieur avec l'apparition de boucs émissaires. En ce qui concerne le travail, on
constate qu'en présence du chef la performance est bonne (elle est même supérieure à celle des groupes démocratiques)
mais empreinte d'une forte tendance à l'uniformité, les différences interindividuelles étant réduites au maximum. Par
ailleurs en l'absence du chef cette performance s'effondre, le groupe abandonnant dès lors toute responsabilité ou
initiative.
Dans les groupes à commandement démocratique, par contre, la performance est élevée et reste stable, y compris
lorsque le leader quitte le groupe. Cette situation permet par ailleurs une très grande expression des différences
individuelles, les produits sont donc de qualité mais également moins uniformes que dans la situation autoritaire. La
satisfaction des membres du groupe est élevée et le climat socio-affectif positif: la cohésion est forte, ces groupes
résistant plus que tous les autres à des tentatives de division venant de l'extérieur. L'agressivité envers le chef peut
s'exprimer directement et elle ne produit pas de tensions internes non résolues s'investissant hors du groupe comme dans le cas précédent.
C'est dans les groupes à commandement « laissez-faire » que la performance est la plus mauvaise, sans que la
présence ou l'absence du chef joue un rôle particulier. Ces groupes peuvent être qualifiés «d'inactifs improductifs». Le
climat socio-affectif du groupe est très mauvais ainsi que la cohésion et le niveau de satisfaction. Comme dans les
groupes autoritaires apparaissent des comportements agressifs envers les autres mais également envers l'extérieur, et des
boucs émissaires.
Cette recherche a connu un succès considérable dès sa publication aux États-Unis. Nombreux sont ceux qui ont cru
y voir la démonstration scientifique du bien-fondé de la démocratie. Elle est également à l'origine de tout un courant de
réflexion sur le management (cf Aubert, 1991 ). De fait, les travaux de Lippitt et White ne montrent pas que tel ou tel
type de commandement est à priori meilleur qu'un autre mais que chaque type de leadership produit un climat social
particulier et un certain type de performance. Dès lors les conséquences du style de commandement dépendent de deux
facteurs essentiels: son adaptation au type de tâche et à la finalité de la situation d'une part, son adaptation aux caractéristiques du groupe d'autre part.
-Adaptation au groupe comme le démontre Schrag (1954) : étudiant les types de leaders émergeant dans les prisons,
il montre que le leader est celui qui s'adapte le mieux et qui représente le plus les valeurs de groupe concerné. Ainsi les
leaders des pénitenciers les plus durs apparaissent-ils comme des leaders violents et autocrates, alors qu'on observe un
tout autre style de leadership -essentiellement coopératif- dans les prisons dont la population est moins « criminalisée ». -Adaptation à la tâche: si la nature de la tâche -comme dans l'expérience princeps de Lippitt et White -est de type
créatif c'est bien le style démocratique et participatif qui permet la performance optimale du groupe toutes les
recherches s'accordent sur ce point. Par contre, pour d'autres types de tâches -résolution de problèmes, actions face à un
danger -, le style autoritaire peut parfaitement être plus efficace et même être souhaité par le groupe lui-même. C'est ce
que montrent Mulder et Stemmading (1963) : face à une menace extérieure grave, les groupes souhaitent et se donnent
un leader fort.
Les phénomènes de leadership doivent toujours être analysés par rapport à la nature de la situation. Le leader le plus
performant sera celui qui sait adopter son style aux contraintes de la situation. C'est dans cette direction que se sont d'ailleurs développés les différents courants du nouveau management, du modèle managérial « contingent » de Fiedler
(1972) au modèle situationnel de Tannenbaum et Schmidt (1973) en passant par le concept de « management fondé sur
le groupe » de R. Likert (1967) pour déboucher en Europe sur la définition des « pilotes du troisième type » d'Archier et
Sérieyx (1986).
2.8.2 La cohésion dans les groupes
On appelle cohésion « la totalité du champ des forces ayant pour effet de maintenir ensemble les membres d'un
groupe et de résister aux forces de désintégration » (Festinger et al., 1950).
Elle résulte donc des forces qui s'exercent sur le groupe. La cohésion sera d'autant plus grande que les forces
positives sont importantes, car elles déterminent l'attraction que le groupe exerce sur ses membres. Mais cette cohésion augmentera également si le groupe développe un système de régulation et d'action sur les forces négatives, système
dans lequel interviennent de façon importante des processus qui empêchent la sortie ou l'abandon du groupe.
Une cohésion forte est due à une action attractive des buts du groupe sur les individus et à la volonté de se maintenir
dans le groupe. Le système de normes joue un rôle très important pour l'attractivité. Il s'agit des normes sociales
d'appartenance, de fidélité au groupe et de la crainte personnelle du rejet.
Les facteurs de la cohésion se répartissent selon Maisonneuve (1966) en deux grandes catégories: les facteurs
d'ordre socio-affectifs qui déterminent l'attractivité du groupe et les facteurs d'ordre opératoire et fonctionnel qui
touchent à l'organisation et au mode de fonctionnement du groupe (distribution des rôles, style de leadership par exem-
ple). L'analyse des nombreux travaux permet de dégager les points d'accords sur les facteurs intervenant dans la
cohésion d'un groupe (cf tableau I).
TABLEAU 1 Facteurs de la cohésion
Facteurs favorables à la cohésion Facteurs défavorables
. Homogénéité du groupe . Hétérogénéité du groupe
. Accord sur les buts . Désaccord sur les buts
. Attrait de l'appartenance au groupe . Absence d'intérêt pour le groupe
. Fréquence des interactions . Rareté des interactions
. Existence d'une menace extérieure . Absence de menaces extérieures
. Proximité physique . Distance physique
. Leadership «démocratique » . Leadership «autocratique »
. Bonne communication . Mauvaise communication
. Compétition inter-groupe . Compétition intra-groupe
. Répartition claire des rôles . Ambiguïté des rôles
De nombreux travaux se sont penchés sur les relations entre cohésion et performance. Si les premiers travaux, ceux
de Mayo à la Western Electric et ceux de Jenkins sur les équipages de bombardiers, ont mis clairement en évidence la
supériorité des groupes cohésifs, il semble néanmoins que les relations performance-cohésion soient plus complexes,
comme le montrent les travaux de Schachter ( 1951 ). Un groupe cohésif sera très performant s'il adhère aux buts qui lui
sont fixés. Mais, s'il n'adhère pas, les conséquences de la cohésion seront alors très importantes en sens inverse,
aboutissant par exemple à un comportement bien connu dans les entreprises: celui du freinage de la production. La
performance d'un groupe dépendra donc de deux facteurs: la cohésion et l'accord sur les buts, l'adhésion :
-si la cohésion est forte ainsi que l'adhésion aux normes de production, la performance sera optimale;
-si la cohésion est faible mais l'adhésion aux normes de production forte, la performance sera bonne ;
-si la cohésion est faible et l'adhésion aux buts également, la performance sera mauvaise ;
-c'est dans le quatrième cas: un groupe très cohésif en désaccord avec les normes ou les buts qui lui sont fixés aura la performance la plus faible.
Outre ces effets sur la performance peuvent être retenues quelques autres conséquences de la cohésion d'un
groupe :
-il existe une relation directe entre cohésion et satisfaction, le moral d'un groupe cohésif étant généralement
élevé (Exline, 1957) ;
-la cohésion du groupe détermine l'image qu'il se fait de lui-même. C'est ainsi qu'un groupe non cohésif a en général
une mauvaise image de lui-même (Julian et al., 1966) ;
-par contre, l'absence de cohésion est souvent un facteur très favorable à l'innovation et à la créativité d'un groupe (cf
Janis, 1971). L'homogénéité d'un groupe freine l'utilisation positive de l'esprit critique, il réduit la recherche d'idées
nouvelles, pousse au conformisme et au maintien de règles rigides.
2.8.3 Le changement social dans les groupes (Lewin, 1947) : la recherche-action
L'une des recherches les plus célèbres de la psychologie sociale a été menée par Lewin durant la guerre (1943). Il
s'agissait de transformer les habitudes alimentaires des Américains et de les amener à consommer plus d'abats et de bas
morceaux de viande. Dans la théorie lewinienne que nous avons déjà largement présentée, une nouvelle notion va être
utilisée: celle d'état quasi stationnaire. Cet état correspond à celui d'un équilibre entre des forces égales et opposées, il
génère ainsi une résistance au changement. Pour produire le changement, il va falloir modifier le champ de forces
existant, soit en augmentant très fortement l'intensité de l'une des forces, soit en diminuant celle de l'autre. Soit l'on
augmente les pressions qui vont dans le sens du changement, soit on réduit les pressions qui poussent à résister au
changement. Comme Lewin part de l'hypothèse que l'une des principales sources de résistance au changement est la
crainte de s'écarter des normes du groupe, il va donc falloir réduire cette crainte pour favoriser l'apparition de nouveaux comportements. C'est sur ces bases théoriques que Lewin réalise la première «recherche-action».
La supériorité incontestable de la discussion de groupe sur l'exposé s'explique par plusieurs raisons :
-le niveau d'engagement des ménagères est beaucoup plus important. Elles sont donc actives dans la situation et par
là même, se sentent plus impliquées ;
-l'animateur peut beaucoup mieux adapter ses arguments en s'efforçant de prendre en compte immédiatement les
résistances émises durant les réunions ;
-la situation de groupe permet d'emblée de réduire la crainte de s'écarter des normes du groupe, celui-ci étant
présent, témoin et acteur du changement.
Lewin arrive ainsi à une conclusion dont les conséquences théoriques et pragmatiques sont considérables. « Il est
plus facile de modifier les habitudes d'un groupe que celles d'un individu pris isolément.» Ce résultat sera très rapidement confirmé par les recherches effectuées en milieu industriel par Bavelas (1948), Levine et Butler (1953) et
surtout par Coch et French (1948). Les travaux de ces derniers constituent d'ailleurs un modèle de recherche scientifique
en entreprise.
Il semblerait donc que l’organisation coopérative soit un facteur de ch angement social.
3. Du praticien réflexif, coopératif, créatif, au praticien-chercheur
Les objectifs de l’unité d’enseignement sont de former des praticiens réflexifs, coopératifs, créatifs, des praticiens-chercheurs. Il semble donc essentiel de définir le sens de ces notions.
3.1 Le praticien réflexif
En 1983, Donald D. Schön, du Masachussets Institute of Technology (MIT), publie « The reflexive
practitioner ». Ce livre constitue une réelle remise en cause du statut de l’université face au monde professionnel. Il part d’Auguste Comte, qui fonde la sociologie, dans le cadre de l’épistémologie positiviste,
et il montre qu’il constitue un statut particulier pour créer une identité de cette nouvelle discipline, en
justifiant son statut. L’épistémologie positiviste instaure des normes sur le partage des tâches entre l'université et les professions. Ce partage pose une hiérarchie dans les savoirs et instaure une supériorité du
savoir académique sur le savoir professionnel, et en même temps fonde un pouvoir sur le monde
professionnel :
« Mais cette division de la tâche reflète une hiérarchie dans les types de savoirs et, partant de là, une hiérarchie
dans les statuts. À ceux qui créent de nouvelles théories, le haut de la pyramide, et le bas à ceux qui les appliquent;
aussi les écoles de «haut savoir» étaient-elles vues comme supérieures à celles qui diffusaient un savoir «de
moindre qualité». (Schön, 1994, p.62)
Donald Schön y voit « les racines de la dichotomie bien connue entre recherche et pratique. » (Ibid, p.62). Il montre
qu’une crise de légitimité apparaît lorsque « la complexité, l’incertitude, l’instabilité, la singularité et le
conflit de valeurs » (Ibid, p.65) ne permettent plus de considérer la pratique comme une application de théories mises en évidence par la recherche fondamentale. Le modèle de la science appliquée ne peut plus
expliquer les « situations divergentes » (ibid, p. 75), le rôle de l’expérience professionnelle et la place de
l’intuition. Un certain nombre d’habiletés professionnelles ne sont basées ni sur des lois, ni sur des
procédures. Le professionnel, même quand il a recours à des théories et des techniques, utilise des habiletés et jugements tacites. La prise en compte de l’erreur, de la singularité, de l’imprévu, conduit à la nécessité de
revoir la compréhension de phénomènes, de faire de nouvelles hypothèses, de les expérimenter, de
transformer les situations et de produire une nouvelle construction de la réalité.
« Quand quelqu'un réfléchit sur l'action, il devient un chercheur dans un contexte de pratique. Il ne dépend pas
des catégories découlant d'une théorie et d'une technique préétablies, mais il édifie une nouvelle théorie du cas
particulier. Sa recherche ne se limite pas à une délibération sur des moyens qui dépendent d'un accord préalable
sur les fins. Il ne maintient aucune séparation entre la fin et les moyens, mais définit plutôt ceux-ci, de façon interactive, à mesure qu'il structure une situation problématique. Il ne sépare pas la réflexion de l'action, il ne
ratiocine pas pour prendre une décision qu'il lui faudra plus tard convertir en action. Puisque son expérimentation
est une forme d'action, sa mise en pratique est inhérente à sa recherche. Ainsi, la réflexion en cours d'action et sur
l'action peut continuer de se faire même dans des situations d'incertitude ou de singularité, parce que cette
réflexion n'obéit pas aux contraintes des dichotomies de la science appliquée. » (Ibid, p.97)
La réflexivité créerait ainsi une posture de praticien en recherche, grâce à la réflexion sur l’action et en cours d’action. Cette posture serait de nature à traiter le dilemme entre rigueur et pertinence, considéré
comme caractéristique de la dichotomie entre recherche et pratique. Pour se faire, il s’agit de construire une
épistémologie du savoir caché dans l’agir professionnel, dans le contexte d’une recherche réflexive. Dans ce contexte, des dichotomies issues de l’épistémologie positiviste volent en éclats, telles que celles entre :
- fins et moyens : les moyens ne sont pas qu’un processus technique mesurable d'après son efficacité à
atteindre un objectif préétabli. - recherche et pratique : la pratique n’est pas que l’application rigoureuse de théories construites par des
expérimentations soigneusement contrôlées.
La posture de praticien réflexif oblige à renoncer au statut de l’expert. Ce statut d’expert repose sur une
infantilisation du « client », qui peut avoir parfois pour lui des avantages, grâce au pouvoir conféré par la mystique professionnelle. Mais ce statut interdit de se tromper. L’erreur dans ce cas-là est une faute. Elle
condamne à censurer le doute et peut conduire à la catastrophe. Mais dans une posture de recherche, l’erreur
est une porte ouverte sur l’incertitude et la découverte, plutôt qu’une auto-défense. Cette posture change le statut du savoir, ouvre la porte à l’altérité, à la prise en compte de la personne, de l’autre dans la relation.
Schön définit le regard du praticien réflexif sur lui-même de la manière suivante :
« On présume que je sais mais je ne suis pas le seul dans ce cas-ci à posséder un savoir pertinent et important.
Mes incertitudes peuvent être une source d’instruction pour eux et pour moi. Je dois me frayer un chemin pour
accéder aux pensées et aux sentiments du client. Donner au client l'occasion de découvrir mon savoir avant de
m'attendre à ce qu'il le respecte. Étant donné que je n'ai plus besoin de prendre mes grands airs de professionnel, je
dois essayer de me sentir libre d'agir et de relation réelle avec mon client. » (Ibid, p. 354).
Cela suppose d’accepter de présenter un problème et de l’étudier sous plusieurs angles, de révéler ses
doutes et ses incertitudes, d’écouter et d’intégrer le point de vue de l’autre, d’accepter que les
expérimentations ou points de vue puissent être infirmés ou confirmés, de se sentir intéressé plutôt que menacé « par des façons différentes d'interpréter des phénomènes qui ne s'harmonisent pas forcément avec
ses modèles… » (ibid, p. 355). Donald Schön brosse alors le tableau d’un nouveau paradigme de relations
entre praticiens et chercheurs, entre pratique et recherche. Il mentionne la nécessité d’«un partenariat praticiens-chercheurs et chercheurs-praticiens. » (Ibid, p. 381), où l’asymétrie des savoirs et des statuts a
disparu, au profit de la complémentarité et de l’interdépendance. Il mentionne une coopération possible
entre groupes de praticiens dans l’exercice de leur recherche réflexive, et l’introduction de la recherche
réflexive dans la formation continue. Il pose ainsi les bases d’une recherche-action, et d’une relation renouvelée entre chercheurs et praticiens.
Il propose le développement de la réflexivité tant pour les apprenants que pour les formateurs, tant pour les
professionnels que pour les universitaires. Le statut et les méthodes de la formation permanente s’en trouvent alors modifiés :
« Le travail sur le terrain, la consultation et la formation permanente, des activités souvent traitées en parent pauvre ou tolérées comme des maux inévitables, acquerront un statut de première classe puisqu'elles deviendront
des véhicules de recherche et que la recherche est la principale raison d'être des universités. Inversement, les
institutions de pratique professionnelle pourront se percevoir de plus en plus comme des centres de recherche et de
formation. »(ibid, p.382)
Son travail a largement marqué la conception de la formation professionnelle. Il a conduit à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Cependant, la perte de pouvoir engendrée par la démystification des
savoirs professionnels et académiques entraîne une telle remise en cause de pratiques implicites ; elle
suppose de très grandes résistances institutionnelles, qui ne sont pas prêtes de s’éteindre.
Des niveaux de réflexivité Les travaux de Van Manen (1977) ont été repris par Michaud (2010) ; trois niveaux de réflexivité sont
définis dans la pratique enseignante :
- 1/ le niveau technique : il s’agit d’une une réflexion tournée vers l’efficacité pour répondre aux
exigences de base pour une pratique d’enseignement en classe sans pour autant répondre aux besoins spécifiques des élèves ;
- 2/ le niveau pratique s’appuie sur les pratiques de terrain et les apports théoriques pour une
pédagogie adaptée à la classe et à ses besoins ; - 3/ le niveau critique permet de prendre du recul sur le métier en fonction d’enjeux politiques.
La dimension éthique
La dimension de la responsabilisation et le calcul de risques semblent au cœur d’une réelle formation
professionnelle développant la réflexivité. Derrière le calcul de risques se place la notion de garde-fou. Le groupe permet ainsi, de par la multiplicité des points de vue, d’étudier avec plusieurs regards la potentialité
de dangers que comporte une situation, en même temps que les pistes permettant de trouver des solutions à
un problème. « «Essaie de recueillir plus d'un point de vue.» Tiens pour acquis qu'il est normal et légitime de comparer les
diverses façons de travailler des praticiens. Profite de plusieurs rencontres pour t'entraîner à poser les questions
adéquates, à formuler les bonnes critiques face à telle ou telle approche. Exige des réponses. » (Ibid, p.356)
Il faut par moments accepter de montrer son ignorance, pour chercher à la réduire en recourant à des personnes-ressources. Cette démarche autorise donc l’entraide mutuelle. Elle fait partie de la coopération.
3.2 Le praticien coopératif
Intégrer la formation à la coopération dans les compétences à enseigner représente un enjeu important
pour faire face aux défis de l’éducation au XXIème siècle. En effet, cette capacité à établir des relations constructives et co-opérantes permet de savoir fonder des partenariats avec les parents, les psychologues, les
éducateurs, les animateurs, toutes les personnes pouvant intervenir dans l’éducation d’un enfant ou d’un
adolescent. Mais comment former un formateur et/ou un enseignant à la coopération ?
Selon Philippe Perrenoud, le développement de cette compétence est essentiel pour favoriser un
fonctionnement en équipe au sein des établissements, mais également pour la mise en place d’une autorité négociée dans la pratique éducative.
« Il est question ici d'une formation d'orientation psychosociologique, qui donnerait quelques clés pour
comprendre et maîtriser pratiquement les phénomènes de communication, d'animation, de dynamique de groupes,
de pouvoir, de décision, de ségrégation, d'innovation. Aussi longtemps que les enseignants seront aussi naïfs dans
ces domaines, ils adopteront des attitudes défensives et individualistes, parce que l'élaboration d'un projet
d'établissement, le fonctionnement d'une équipe pédagogique ou la participation à une autorité négociée leur
paraîtront des pièges, des aventures dont ils ne peuvent, croient-ils, que sortir perdants. » (Perrenoud, 1994, p. 212-
213)
Cela passe par la connaissance théorique de la dynamique de groupe, mais aussi par des pratiques
coopératives. Jean Roucaute a soutenu une thèse de Sciences de l’Education en 1981 : « Pour une éducation
coopérative Les pouvoirs de l’éducateur. » Dans ce cadre, l’éducateur peut être toute personne en charge d’éducation, ce qui inclut les enseignants. Il sait rendre possible la coopération, et accompagne les sujets
dans leurs « opérations ». Pour que l’esprit coopératif puisse émerger, il y a, selon lui, trois attitudes à
développer :
- Le réalisme, l'observation de ce qui est. Participer à une association coopérative développe l’idée que la concertation et l’action décidée, acceptée, et réalisée en commun, est plus avantageuse que la rivalité.
- Partant du constat de la vanité des affrontements, la concertation, la recherche des convergences font
apparaître que la coopération comporte plus d’avantages pour un moindre coût. - Le renoncement à ce qui est l'objet du conflit passe par la recherche de substituts. Dans la solution de
coopération, le renoncement n'est que partiel et paraît compensé par les avantages secondaires tirés de
l'action commune. Comparé aux souffrances liées à la compétition, cela paraît idyllique. La mise en œuvre
de la coopération succède généralement aux destructions de la compétition. L'esprit coopératif relève d'une approche économique au sens large du terme, relevant d’un pari
raisonnable, raisonné, combinant, dans le temps et les structures, pulsions et observations, au lieu d’un pari
impulsif et « primaire » au sens psychologique de ce terme. Il doit absolument être distingué de l'attitude communautaire, qui, face au conflit, propose une fusion, qui ne peut-être que totalitaire, au lieu de s’appuyer
sur les convergences. Elle suppose renoncements et mutilations, et introduit une violence normalisatrice, elle
exclue les minorités et marginalités dans la recherche d'une pureté réductrice. Elle correspond aux replis identitaires dogmatiques actuels. Eviter de tomber dans la fusion identitaire est possible si l’on dispose des
moyens de raisonnement, qui ne peuvent s’acquérir que dans une pratique coopérative. Pour pouvoir rendre
possible la coopération, il est nécessaire de maîtriser les démarches coopératives avec d’autres coopérateurs,
des égaux, pour produire des outils, des matériaux, des documents que chacun pourra utiliser pour créer des situations éducatives. Il n'y a pas d'éducation coopérative sans coopérative d'éducateurs.
Cette coopérative d’adultes peut être considérée comme un espace de co-formation, un recours-barrière,
un lieu de réassurance. Elle est essentielle pour assurer la décentration nécessaire à l’analyse de pratiques, l’émergence de pistes constructives pour l’action, et la capacité à vivre la coopération avec ses points forts
pour mieux la mettre en place dans le cadre de son exercice professionnel et générer une créativité le rendant
apte à faire face à l’imprévu.
3.3 Le praticien créatif et innovant
C. Coulon, en 2004, définit la créativité de la manière suivante :
«G. Lafargue (1998) : La créativité est l'aptitude fondamentale de l'organisme à saisir dans son expérience propre
la totalité des éléments dont il a besoin pour réaliser ses potentialités et à conjuguer ces éléments dans un acte
intégrateur pertinent ; il s'agit d'une aptitude à se diriger soi-même. » (Coulon, 2004, p.81)
La créativité a un rapport étroit avec l’innovation. Elle surgit généralement dans des dispositifs où les
personnes peuvent communiquer, échanger, proposer, et ceci en fonction des liens entre elles. Si elles
possèdent des valeurs communes, il existera une meilleure conduction des innovations. S’appuyant sur Carl Rogers, F. Cros précise que l’innovation comporte 3 composantes :
« … l’innovation peut être envisagée selon trois composantes : les antécédents (caractéristiques propres à
l’innovateur, sa perception de la situation), le processus lui-même (la perception de l’innovation), et les résultats en termes de rejet ou d’adoption avec tous les modèles possibles. (Rogers, 1962) » (Cros, 1997, p.134)
La sollicitation des processus créatifs et l’accueil des créations jouent un rôle déterminant dans la
stimulation de la créativité. L’ensemble du système scolaire est plutôt orienté vers la restitution, la reproduction à l’identique (apprendre par cœur), l’imitation d’un modèle.
« Prenons un exemple: les moyens d’enseignement -manuels, fiches, brochures d'exercice -sont à la fois une
aide et un obstacle au changement. En allégeant ces moyens, en en supprimant une partie, en les diversifiant, en
laissant plus de choix, l'institution favoriserait sans doute, dans le domaine de la langue maternelle, une pédagogie
plus centrée sur l'expression des élèves et des activités de communication. » (Perrenoud, 1994, p.31)
La créativité relève actuellement du « braconnage » chez les enseignants (Jorro, 2003), et repose donc sur
une posture d’auteur qui n’a pas forcément été développée par le système d’éducation et de formation. Dès la petite section de maternelle, le coloriage est proposé par la majorité des enseignants au détriment du dessin
libre. Et cette conception sous-jacente de l’imitation, de la reproduction, de la restitution reste implicite dans
l’ensemble du système. L’innovation est pourtant attendue à présent dans tous les domaines, mais les
pratiques viennent inhiber la créativité. Vouloir des apprenants innovants suppose donc de commencer par développer le processus d’autorisation chez les enseignants pour qu’ils parviennent à autoriser leurs élèves.
Nicolas Go (2009 b) a écrit un texte dans lequel il a essayé de caractériser la pédagogie Freinet. Il
s’attache à décrire la propriété de créativité, en décrivant les effets du développement de ce processus. La créativité est donc essentielle en pédagogie Freinet, autant dans l’éducation que dans la formation. Mais sous
quelle forme se décline-t-elle chez des enseignants ou des formateurs ?
Anne Jorro, en 2003, développe la créativité autour de l’agir professionnel à travers la liberté d’action, le sens du kaïros et le sens de l’altérité :
- La liberté d’action : Les situations de formation ou de classe supposent une grande incertitude liée à la
complexité de l’humain. S’ouvrir à une situation, se transformer en système ouvert, altérable, suppose la
capacité de puiser dans une réserve de redondances et de possibles relationnels pour prolonger ou bifurquer dans une (re)combinaison totalement personnelle et généralement inédite.
- Le sens du kaïros : Le kaïros permet à l’enseignant d’improviser, de se saisir de ce qui se produit, de
rebondir, de prendre des risques, de s’appuyer sur l’imprévu pour l’intégrer dans un processus créatif, que l’on peut qualifier de « métis », selon un terme employé par les Grecs.
- Le sens de l’altérité se caractérise par un rapport au monde qui reconnaît l’existence d’un autre. La
dimension intersubjective prend toute sa place dans la relation éducative. Elle suppose l’acceptation de la
différence, et l’idée que l’on peut aller à la rencontre d’autrui. Elle postule une récursion organisationnelle qui suppose que les protagonistes de la relation éducative puissent être transformés par l’autre.
Nicole Caparros-Mencacci (2001) s’est longuement penchée sur la capacité à inventer en éducation. Elle
propose, dans les perspectives de sa thèse, les grands points d’une formation qui permettrait de développer la créativité du praticien. Il s’agit pour elle d’une formation en alternance, relevant d’une praxis, et pas de
l’application d’une théorie. Il s’agit d’une formation conçue comme :
« Le processus du sujet qui se forme lui-même, et autant qu’il le peut et ne le peut pas » (Beillerot, 1998, p.115)
avec l’accompagnement d’un formateur et de ses pairs […]. Il s’agit donc, pour le formateur d’enseignants, ou le
formateur de formateurs, d’instaurer les conditions propices à un « authentique travail intellectuel, psychique et
affectif, qui en conséquence, atteint l’intégrité du sujet, son identité et ses appartenances ». (ibid, p.118) »
(Caparros-Mencacci, 2001, p. 476).
Le processus de professionnalisation repose alors sur la mise en place de conditions favorables à l’ouverture d’un espace d’invention, permettant la formation d’une intelligence pratique dans le cadre d’un
apprentissage situé. Cette formation à l’incertitude ne peut que mettre à distance des attitudes normatives
visant à instaurer de « bonnes pratiques ». L’innovation peut émerger de cette posture. Elle suppose des
récursions organisationnelles entre intelligence pratique et intelligence conceptuelle (Caparros-Mencacci, 2001, p.472). Il s’agit de placer la réflexion sur (et dans) l’action au centre d’un aller retour entre recherche
et pratique : cela confère un statut d’auteur au praticien. Il peut donc s’autoriser une pensée et une pratique
divergente, et développer sa créativité professionnelle, en gardant à l’esprit le cadre éthique pour ne pas mettre en danger les personnes concernées par ses expérimentations.
Lorsque le changement nécessite un réel remaniement de la personne, celle-ci, surtout si elle n’a pas une
bonne estime de soi, peut éprouver une angoisse importante et un sentiment d’impossibilité, d’échec, d’effort
trop grand à accomplir. Se mettre en situation d’apprentissage est une remise en cause de l’image de soi face à l’extérieur, et chez bon nombre d’adultes, le sentiment de montrer ses lacunes et ses faiblesses peut amener
le « complexe du homard » ; Françoise Dolto, utilise cette image dans un titre de livre en 1989 « Paroles
pour adolescents ou le complexe du homard » : quand il a perdu sa carapace, il se trouve fragilisé par rapport à ses prédateurs.
La volonté d’intégration dans un groupe peut pousser à une sorte d’uniformisation :
« - La pression du groupe s'exerce vers l'uniformisation des performances individuelles ainsi que nous l'avons
montré déjà en rapportant un fragment de l'expérience de Coch et French concernant une ouvrière séparée de son
équipe de travail.
- Mais, outre ces facteurs externes, il existe chez chacun une tendance endogène à éviter de se désolidariser de la
norme admise par le groupe. Si bien que Lewin est fondé à poser en principe qu'il est plus facile de modifier les
normes d'un groupe restreint (qui s’imposeront alors à ses membres) que de modifier isolément les normes
acceptées par chacun des participants. (Un groupe demeure solidaire, et c'est solidairement qu'il pourra réexaminer
(et modifier éventuellement) ses normes de fonctionnement ou de performance.) » (Anzieu et Martin, 1994, p.257)
Cet aspect serait-il l’indication que le travail en équipe, l’apprentissage social ou situé réduisent bien
mieux les résistances que l’expérience professionnelle individuelle ? On peut aussi en déduire l’importance d’une négociation coopérative des normes du groupe pour faire avancer les individus et les amener au
changement. Cela rejoint l’idée de négociation de sens qui apparaît dans deux types d’approches
philosophiques: la phénoménologie et l’herméneutique. La créativité et la coopération sont donc étroitement liées dans ce paradigme
d’enseignement/apprentissage, mettant un jeu la cohérence éducation–formation et théorie-pratique d’un
système complexe. Selon C. Gérard (2010), la créativité est liée à l’invention, à l’ingenium. Cela suppose de
s’autoriser, de laisser venir l’émergence des heuristiques, de se distancier grâce à la production de formes (écrits, dessins, confrontations…). Elle procède de la reconnaissance d’autrui. Elle est liée à la confiance,
aux interactions, à l’intelligence collective…
3.4 Le praticien-chercheur
Selon Aumont et Mesnier, la dimension théorique appartient plus particulièrement au processus
« chercher », liée à un questionnement nécessaire à la remise en cause des conceptions. La dimension
pratique est celle de l’action guidée par un projet où cognitif et affectif sont liés :
« Le processus entreprendre est le versant de l’acte d’apprendre qui ressortit à cette dimension pratique pensée
dans sa relation avec le théorique. Cet aspect entrepreneurial de l’apprendre ouvre ses perspectives sur la façon
dont, en vivant et en analysant une expérience à l’intérieur d’un projet autonome, le sujet se saisit de la réalité –
par des opérations de connaissance concrète et de conceptualisation – et transforme cette réalité par une intention
réfléchie puis par un retour à l’action. » (Aumont & Mesnier, 1992, p. 261).
Cette conception se rapproche beaucoup de celle de praticien-chercheur.
Pour John Elliott (1991), dans « Action-research for educational change », les produits et les processus doivent être considérés ensemble quand on tente d’améliorer la pratique. Les processus doivent être vus à la
lumière des produits de l’apprentissage. Cette réflexion simultanée sur les deux aspects, théorie et pratique,
pour améliorer la pratique professionnelle des enseignants, constitue, selon lui, ce que Schön appelle pratique
réflexive, et qu’il nomme « Recherche-action ». Pour lui, la recherche-action constitue la résolution matérielle du lien entre théorie et pratique pour les enseignants (Elliott, 1991, p. 53).
Jean Houssaye définit la pédagogie comme « l'enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducatives par la même personne, sur la même personne. » (Houssaye, 1993, p. 13). Cette définition
a pour conséquence de caractériser le pédagogue comme « un praticien-théoricien de l'action éducative », ce
qui le rapproche du praticien-chercheur. En effet,
« il cherche à conjoindre la théorie et la pratique à partir de sa propre action, à obtenir une conjonction parfaite
de l'une et de l'autre, tâche à la fois indispensable et impossible en totalité (sinon, il y aurait extinction de la
pédagogie). Il y a, en effet, un écart entre la théorie et la pratique: la pratique échappe toujours un tant soit peu à la
théorie (elle ne peut se réduire aux seules compréhensions théoriques que j'en ai), la théorie dépasse aussi toujours
quelque peu la pratique (il serait encore possible de produire d'autres discours théoriques sur telle ou telle action).
En pédagogie, il y a donc un écart fondamental entre la théorie et la pratique. C'est dans cette « béance » (qui tout à la fois sépare et unit) que se « fabrique » la pédagogie. Cette impossible et nécessaire conjonction entre théorie et
pratique est à la fois le lien entre les deux, l'impossibilité même de les réduire l'un à l'autre et le mouvement
dialectique qui les enveloppe de façon indissoluble. » (Houssaye, 1993, p 13)
Il existe un clivage dans l’organisation de la formation et de l’enseignement, produisant une « disjonction théorie-pratique », selon Boutinet, en 1985. Il est le résultat d’une conception qui considère la pratique
comme une application de la théorie. Aumont et Mesnier les considèrent comme entretenant un rapport
dialectique : les insuffisances et les limites de la théorie sont révélées par la pratique, mais la pratique est
rectifiée et validée par la théorie. Les difficultés de la posture de praticien-chercheur
Eviter la confusion des rôles, sortir du désordre pour aller à l’auto-organisation, alterner les moments de
l’agir et de la prise de recul, tout ceci cause bien des tourments au praticien qui s’implique dans le champ des Sciences de l’Education. Et l’équilibre ne peut qu’être instable, toujours à retravailler face à l’imprévu, au
temps nécessaire à l’auto-réflexivité qu’il faut extraire d’une aspiration tourbillonnaire.
Nicole Caparros-Mencacci, en 2001, analyse un fonctionnement commun des mouvements heuristiques des élèves et des formés basés sur des récursivités entre scénarisation, transfert et problématisation.
« Les mouvements de transfert (création d’analogie) ont consisté en la perception-création intuitive d’un rapport
de convenance nouveau entre deux « zones de sens » (Schlanger, 1988, p.88) auparavant séparées, rapport qui a
permis de « donner à voir et de donner à dire » à propos de l’une, par transfert-transformation (Genthon, 1997) des
caractères de l’autre. » (Caparros-Mencacci, 2001, p. 443)
Elle propose, comme perspective de recherche, de voir si les mouvements heuristiques de l’apprenti-chercheur comportent des caractéristiques communes avec ceux de l’élève et du formé.
4. Lien entre recherche-action, coopération et professionnalisation
P. Perrenoud (1994) définit cinq aspects pour professionnaliser le métier d’enseignant, qui pourraient
s’appliquer au métier de formateur :
1/ supervision par des pairs, auto-organisation de la formation continue,
2/ autonomie, prise de risque et responsabilisation, avec approche éthique développée, 3/ développement du travail en équipe, du partenariat
4/ mise à jour continue des savoirs et compétences, rapport stratégique, distancié au rôle
5/ identité professionnelle claire, basée sur une culture commune de coopération.
Selon Anne Jorro (2007), l’alternance intégrative relie théorie et pratique et facilite la construction d’un
style personnel, et l’alternance projective permet de construire une culture institutionnelle, organisationnelle, pour construire sa place au sein de communautés de pratique, en développant la coopération professionnelle.
Les étayages multiples au sein de la communauté créent des interdépendances grâce à des mises en
réseaux, des partenariats… Elle ajoute à ces derniers éléments la dimension de l’éthos professionnel,
indispensable à la prise de risque et à la responsabilisation. André Giordan s’est penché sur le problème de la formation professionnelle, en 2003, sur le thème "La formation au défi de la complexité". Il souligne le lien
étroit entre formation et projet, au sens de processus en priorité. Ce projet trouve un support essentiel au sein
de groupes coopératifs, où l’intelligence collective s’exerce dans des mises en réseaux complexes, dans le cadre de projets individuels, de projets de groupe et de projets collectifs.
Léopold Paquay (2009) propose d’inscrire la formation dans un parcours de vie, en travaillant la
construction identitaire, grâce au journal de bord, au portfolio, au séminaire clinique… Il privilégie la piste de la constitution d’organisations apprenantes pour les établissements scolaires, et la constitution de
communautés professionnelles d’apprentissages pour les équipes d’enseignants (et/ou de formateurs). Il
conçoit une piste de développement professionnel des enseignants/formateurs comme un travail de recherche
sur leur pratique les conduisant petit à petit à se former pour devenir formateurs. Le statut de praticien-chercheur, couplé à la constitution d’organisations coopératives, pourrait bien constituer la base de la
professionnalisation des formateurs.
CONCLUSION
Cette forme de professionnalisation, mettant en œuvre la recherche-action et la coopération propose une approche éthique, humaniste, démocratique, (socio)constructiviste de l’éducation et de la formation
cohérente avec « sept savoirs nécessaires pour l’éducation du futur », en vue de former des praticiens-
chercheurs réflexifs, coopératifs et créatifs. Les apprentissages coopératifs peuvent être très efficaces, à condition qu’une forme de sécurisation soit possible, afin de faire face aux effets de déstabilisation
engendrés par la formation, et par les éventuelles tensions liées aux conflits sociocognitifs. Afin que les
échanges soient productifs, que l’apprentissage soit transformateur (Mezirow, 2001), il faut assurer au
maximum un climat relationnel positif, fondé sur l’empathie, la décentration, la coopération, pour faciliter la recherche de convergence(s). Le conseil de coopération sera une forme de régulation relationnelle ; une autre
fonction développée sera la régulation cognitive, c’est-à-dire le fait de pouvoir parler des difficultés
rencontrées par rapport aux tâches à accomplir dans l’année, d’échanger avec d’autres personnes sur les manières de procéder afin de développer des formes de médiation et de métacognition. Deux sens du terme
médiation seront ainsi abordés : médiation relationnelle (pour réguler des tensions) et médiation cognitive
(pour faciliter l’apprentissage et dépasser les difficultés. La dernière fonction de cette « institution » sera la possibilité de faire émerger des projets et d’en assurer le suivi et la finalisation, ce qui permettra de
développer une forme de pédagogie de projet, une des formes pédagogique liée à la pédagogie active et
coopérative.
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